Introduction
p. 63-74
Texte intégral
1L’histoire des Seldjoukides écrite par Ibn Bîbî, une source extraordinairement importante pour l’histoire des Seldjoukides d’Asie Mineure de 1192 à 1280 n’est, au sens propre, ni une chronique, ni une description historique pragmatique. Le livre d’Ibn Bîbî est beaucoup plus une œuvre de mémoire en langue persane, imprégnée de la magnificence de la civilisation de la haute époque de l’Islam du xiiie siècle. À l’origine on avait bien passé commande au rédacteur qui devait présenter l’histoire des Seldjoukides d’Asie Mineure depuis la conquête du pays1, mais il lui sembla moins utile, sur la base de sources écrites dont il ne cite aucune, de décrire un passé qui lui était inconnu, mais plutôt de livrer dans un style littéraire de son époque ce qu’il avait entendu et observé2. C’est pourquoi, comme il le mentionne dans l’introduction de son ouvrage3, à cause du manque de sources sur les premiers temps des Seldjoukides en Asie Mineure, auxquelles il n’avait pas accès, il limita sa description depuis l’époque du sultan seldjoukide Ghiyâth al-Dîn Kay-Khusraw Ier, qui monta sur le trône en 1192 apr. J.-C., jusqu’à son époque. Alors qu’il laisse défiler les évènements précédant l’intronisation du sultan ҅Alâ al-Dîn Kay-Qubâdh Ier seulement à la lumière de la tradition transmise de génération en génération4, – il n’a ni témoignages oraux ni visuels – la description qui commence à l’époque de ce sultan est complète, donnant un large aperçu des évènements historiques des décennies suivantes ainsi qu’une image de la situation politique, sociale, administrative, économique et culturelle du sultanat de l’Asie Mineure seldjoukide du xiiie siècle. Le dernier évènement que décrit Ibn Bîbî dans son ouvrage est le voyage de Ghiyâth al-Dîn Mas ҅ûd II de Crimée à Sinope, d’où il se rend en hiver 679 de l’Hégire (qui débute le 3 mai 1280 ap. J.-C.) chez l’ilkhân Abagha5 qui lui attribue la souveraineté sur les régions d’Amîd, Harput, Malatya et Sivas et lui fait mille promesses qu’Ibn Bîbî, en conclusion de son ouvrage, espère voir se réaliser. Ibn Bîbî rédige son ouvrage en tant que membre de la Haute Bureaucratie, en tant que courtisan et fidèle serviteur de la dynastie6 dont il était proche par ses parents. Dans l’introduction de son ouvrage il se nomme7 « al-Ḥusayn ibn Muḥammad ibn ҅Ali al-Ǧa ҅farî ar-Ruġadî, connu sous le nom Ibn al-Bîbî al-Munaǧǧima (fils de la noble Dame, l’astrologue8) ». Son surnom (laqab) Nâsir al-Dîn n’est mentionné que dans l’un des épitomés de son œuvre9 écrit du vivant d’Ibn Bîbî. La nisba ar-Ruġadî ne permet pas de conclure absolument qu’Ibn Bîbî soit né par exemple à Ruġad en Mâzenderân car la nisba ne doit pas forcément faire partie de son propre nom Ḥusayn.
2Des épitomés cités10, on apprend qu’Ibn Bîbî a été mâlik-dîvân at-ṭugrâ (autre forme de sâhib dîvân at-ṭugra) ou amîr-dîvân aṭ-tuġrâ, ce qui signifiait directeur de la chancellerie du secrétariat de l’État, du dîvân ar-rasâ’il wa’l-inša’11.
3Notre connaissance de la vie d’Ibn Bîbî et de sa famille se limite à ce qu’il relate lui-même dans son ouvrage12. La mère d’Ibn Bîbî, dont le vrai nom est inconnu et que l’on cite toujours sous « al-Bîbî al-Munaǧǧima », était la fille du chef de la communauté des Šafi‘ites de Nishapur, Kamâl al-Dîn Simnânî et, du côté de sa mère, elle était petite-fille du célèbre juriste Muḥammad b. Yaḥyâ13, auprès duquel elle apprit l’astrologie. Fier de sa mère14, Ibn Bîbî écrit : « Comme l’étude des sciences par les femmes était quelque chose d’étrange et de surprenant, elle était très admirée ». Elle semble avoir vécu un certain temps dans l’entourage proche du sultan Djalâl al-Dîn Khwârizmshâh et y avoir eu une fonction. Elle y fit aussi la connaissance en 1229 de l’émir Kamâl al-Dîn Kâmyâr, envoyé du sultan seldjoukide ҅Alâ al-Dîn Kay-Qubâdh Ier. À son retour, l’émir semble avoir relaté à son maître les grandes capacités de la Bîbî [sic] ainsi que la considération qu’il lui a portée, ce qui a été de la plus grande importance quant au devenir de sa famille.
4Le père d’Ibn Bîbî, Madjd al-Dîn Muḥammad l’Interprète, descend des Sayyides de Kûr-i-surḥ15 et des notables de Ǧurǧân. Il fut promu par Shams al-Dîn Muḥammad mustawfi ou sâhib dîvân (ministre des finances) du Khwârizmshâh҅Alâ al-Dîn Muḥammad. De Balkh à Nishapur il a accompagné Shams al-Dîn qui fuyait les Mongols en 617 de l’Hégire (année qui débute le 8 mars 1220 du calendrier chrétien). Après la mort de celui-ci, il servit son fils Djalâl al-Dîn Mangubertî et fut formé et promu comme munshî’, secrétaire de la chancellerie d’état16. Shams al-Dîn Muḥammad b. Bahâ al-Dîn Muḥammad était le grand-père de l’homme d’état et célèbre historien҅Alâ al-Dîn ‘Aṭâ Malik b. Muḥammad Ǧuwaynî17, ce qui fut important pour l’élaboration de l’ouvrage d’Ibn Bîbî. Le père d’Ibn Bîbî mourut dans un âge avancé au mois de chaabane de l’an 670 de l’Hégire (mars 1272)18.
5Ibn Bîbî n’indique pas la date de la mort de sa mère. Cependant elle était déjà morte lors de la rédaction de l’ouvrage, comme le prouvent ces mots : « Dieu, aie pitié d’elle ! » qu’Ibn Bîbî ajoute au nom de sa mère lorsqu’il l’évoque19.
6Le déclin de l’étoile de leur prince ne fut pas méconnu par les parents d’Ibn Bîbî qui, comme on l’a mentionné, faisaient partie de la suite de Djalâl al-Dîn Khwârizmshâh. Il semble qu’ils aient alors pris parti pour l’un des vainqueurs, le malik al-Ashraf, lors de la défaite du 28 ramadhan de l’an 627 de l’Hégire (10 août 1230) dans la région d’Erzurum, défaite de l’armée de Djalâl al-Dîn Khwârizmshâh devant l’armée coalisée du sultan seldjoukide ҅Alâ al-Dîn Kay-Qubâdh Ier et de l’Ayyoubide de Damas, le malik al-Ashraf Muzzaffar al-Dîn Mûsa. Après que Djalâl al-Dîn Khwârizmshâh fut défait en 1231 devant Amîd par les Mongols20, ils émigrèrent à Damas, comme le relate Ibn Bîbî21 : « Après que le sultan Djalâl al-Dîn connut aux portes d’Amîd le malheur de la main des Mongols, mon père et ma mère se retrouvèrent à Damas. »
7Avant que ne se produise la rupture entre le malik al-Ashraf et le sultan ҅Alâ al-Dîn Kay-Qubâdh Ier, ce dernier, se rappelant ce que Kamâl al-Dîn Kâmyâr lui avait dit jadis à propos des qualités d’Ibn Bîbî, fit rechercher les parents d’Ibn Bîbî. Lorsque ҅Alâ al-Dîn Kay-Qubâdh Ier apprit que les parents d’Ibn Bîbî séjournaient à Damas, il fit demander par un envoyé auprès du malik al-Ashraf de faire venir les parents d’Ibn Bîbî à Konya. Ils furent ainsi amenés avec tous les honneurs dans le pays de Rûm. En 631 H. (7 octobre 1233), alors que les troupes seldjoukides combattaient contre la Syrie devant Harput22, les parents d’Ibn Bîbî étaient déjà au service du sultan ҅Alâ al-Dîn Kay-Qubâdh Ier. Ils ont dû parvenir dans les années 1231 à 1232 à la cour seldjoukide. Comme la Bîbî [sic] présagea le succès de l’entreprise devant Harput, elle s’autorisa de demander une faveur pour son époux Madj al-Dîn Muḥammad qui, jusqu’alors, avait été mushrif (intendant) de la grande chambre des vêtements et instruments23. Elle demanda pour son époux la fonction de munshî’ (secrétaire) auprès du sultan, fonction que le sultan accorda. Ainsi Madj al-Dîn Muḥammad a-t-il exercé sa fonction à la chancellerie sous ҅Alâ al-Dîn Kay-Qubâdh Ier, puis sous ses successeurs. Il obtint le titre de drogman (interprète) et exerça quelques missions diplomatiques24.
8 L’oeuvre d’Ibn Bîbî est conservée sous trois formes :
9- L’œuvre originale en persan sous le titre « al-Awâmir al- ҅Alâ ’îya fi ’l-Umûr al-҅Alâ’îya »
10- Un épitomé, abrégé, Muḫtaṣar, écrit aussi en persan du vivant d’Ibn Bîbî par un auteur anonyme. [Cf. les pages ci-après : Le Muḫtaṣar].
11Une traduction paraphrasée en turc de l’œuvre originale faite par Yazyǧyoġlu ‘Alî dans le premier quart du xve siècle.
12L’œuvre originale contient 744 pages et se trouve à la Bibliothèque Aya Sofya à Istanbul, manuscrit N° 2985 rédigé pour la Bibliothèque du sultan Ghiyâth al-Dîn Kay-Khusraw III25. Aussi bien sur le folio 1a, qui est la page de titre, que sur la page 11 du manuscrit, où le titre de l’œuvre apparaît, le mot ‘Alâ’îya n’est pas écrit selon les normes orthographiques, donc phonétiques, ce qui amena F. Tauer26, qui voulut voir éviter la même sonorité, à lire ҅Alânîya pour҅ Alâ’îya . C’est ainsi que fut adopté le titre de l’œuvre par les scientifiques occidentaux, bien que Storey évoquât une correction qui s’imposait à lui (Cf. Storey, Section II, fasc.2, p. 409, note 1). Puis on indiqua que ҅Ala’îya, dans le titre, se justifiait non seulement parce que l’auteur lui-même justifie son titre27en ayant dépeint dans son œuvre toutes les phases du plus puissant de tous les sultans, c’est-à-dire du sultan ҅Alâ al-Dîn Kay-Qubâdh Ier, mais aussi parce que l’allusion à ҅Alâ al-Dîn représente une attention toute particulière portée à l’initiateur et commanditaire de l’ouvrage qui, finalement, lui a été consacré, c’est-à-dire une attention portée à ҅Alâ al-Dîn ҅Aṭâ Malik Ǧuwainî28. Selon Adnan Sadık Erzi29, le titre doit porter deux fois ҅Alâ’îya30 ; il faut donc retenir : al-Awâmir al- ҅Alâ ’îya f’il-Umûr al- ҅Alâ’îya. Il serait presque dangereux de traduire le titre de l’ouvrage (qui utilise l’homonyme҅ Alâ’ îya comme rime de liaison31) ainsi :
« Les ordres alaïdiques donnés (c’est-à-dire la demande faite par ҅Alâ al-Dîn ҅Aṭâ Malik Ǧuwainî de rédiger l’œuvre sans tarder) concernant les affaires alaïdiques (c’est-à-dire au sujet du règne de ҅Alâ al-Dîn Kay-Qubâdh Ier) ».
13Si dans l’œuvre qui comprend 744 pages, seulement 263 sont consacrées au règne de ҅Alâ al-Dîn Kay-Qubâdh Ier 32, c’est qu’il s’agit là de l’époque de la splendeur de ce sultan en Asie Mineure seldjoukide dont l’éclat sera transmis aux époques suivantes.
14Dans la préface de son œuvre, Ibn Bîbî mentionne qu’il a toujours appris de bonnes choses grâce à ҅Alâ al-Dîn ҅Aṭâ Malik33 et aussi grâce à son grand-père et qu’il a obtenu la commande d’écrire l’histoire des Seldjoukides de Rûm34. Selon lui, il a écrit l’histoire avec les limites que nous avons mentionnées plus haut et a dédié son œuvre au grand sâhib dîvân ҅Alâ al-Dîn ҅Aṭâ Malik. Dans plusieurs passages de son œuvre il consacre quelques paragraphes pour louer son bienfaiteur. C’est avec des louanges adressées à ҅Alâ al-Dîn ҅Aṭâ Malik Ǧuwainî qu’Ibn Bîbî termine son œuvre et mentionne qu’il la présente maintenant en tant que sujet du sultan.
15En ce qui concerne la date de rédaction de l’œuvre originale al-Awâmir al-҅Alâ’îya fi’l-Umûr al-҅Alâ’îya, on suppose déjà de son vivant35 qu’il s’agit de l’année 680 de l’Hégire (qui débute le 22 avril 1281). Cette supposition repose sur les faits suivants : le dernier évènement mentionné dans l’œuvre d’Ibn Bîbî est le voyage de Ghiyâth al-Dîn Mas ҅ûd II de Crimée à Sinope d’où il se rendit en plein hiver 679 (3 mai 1280) auprès d’Abagha Khân, le grand seigneur. L’hiver de l’an 679 de l’Hégire en Anatolie correspondit au mois de rajab à celui de dhou al qi’da, donc entre le 27 octobre 1280 et le 23 mars 1281. Il ne faut pas considérer cependant que Ghiyâth al-Dîn Mas ҅ûd II ait entrepris son voyage maritime pour Sinope au début de l’hiver, mais qu’il fut surpris par l’arrivée de l’hiver lors de son voyage terrestre. On peut donc considérer qu’il s’est présenté à Abagha au cours de l’an 679 et qu’il est mort le 20 dhou al-hijja 680 de l’Hégire (1er avril 1282). En tous cas, Abagha était encore en vie alors qu’Ibn Bîbî terminait son œuvre.
16L’œuvre d’Ibn Bîbî ne va pas au-delà de l’intronisation de Ghiyâth al-Dîn Mas ҅ûd II qui a vraisemblablement eu lieu en l’an 681 (11 avril 1282)36.
17 Dans l’œuvre originale (AS p. 736), Ghiyâth al-Dîn Mas ҅ûd II n’est mentionné que comme successeur au trône, tandis que le Muḫtaṣar, (p. 334, 21), le présente comme le sultan de Rûm de l’époque. Ajoutons qu’Ibn Bîbî dédie expressément son œuvre à ҅Alâ al-Dîn ҅Aṭâ Malik Ǧuwainî dont il fait aussi l’éloge en sa conclusion. ҅Alâ al-Dîn ҅Aṭâ Malik Ǧuwainî tomba en disgrâce37 peu de temps avant la mort d’Abagha (1er avril 1282) et ne retrouva sa fonction que sous Aḥmad Teküder, successeur d’Abagha et intronisé le 26 mouharram 681 (6 mai 1282). ҅Alâ al-Dîn ҅Atâ Malik Ǧuwainî mourut le 4 dhou al-hijja 681 (5 mars 1283). On ne peut concevoir qu’Ibn Bîbî ait dédié son œuvre à une personnalité dont l’étoile déclinait déjà. Finalement on pense qu’il a attendu la récompense d’un homme dont la générosité envers les poètes et les savants avait été toujours célébrée. Tout porte à croire que l’œuvre d’Ibn Bîbî ait été terminée au début de l’an 680 (au printemps 1281).
18Adnan Sadık Erzi, qui pour l’essentiel rejoint cette argumentation, croit pouvoir cependant avancer l’achèvement de l’œuvre d’un an38. Il pense qu’Ibn Bîbî a dû achever son œuvre avant 680 (22 avril 1281), soit en 679 (3 mai 1280). Il donne comme explication le fait que Ghiyâth al-Dîn Mas ҅ûd II ait été intronisé le 25 rabia II 680 (13 août 1281). Ceci ne suffirait pas à constituer un argument pour établir la date d’achèvement de l’œuvre au printemps 1281. Mais Erzi pense avoir trouvé la preuve concluante de la date d’achèvement de l’œuvre, soit en 679, dans la mesure où Ibn Bîbî n’indique pas la mort de Shams al-Dîn ‘Umar Qazwînî39 qu’il connaissait bien et qui est mort le 9 dhou al-hijja 679 (1er avril 1281)40. Même si l’on fait valoir l’argumentum a silentio apporté par Erzi, on ne pourrait toujours rien objecter à la fixation de l’achèvement de l’œuvre au printemps 1281. Il serait cependant difficile de mesurer l’importance de l’intérêt porté à l’existence d’un Shams al-Dîn ‘Umar Qazwînî par Ibn Bîbî qui, dans son toute son œuvre, ne mentionne pas une seule fois son grand contemporain Mevlâna Djalâl al-Dîn Rûmî.
19 L’épitomé du Awâmir al- ҅Alâ’îya rédigé en persan avec grand soin et nommé ci-après « Muḫtaṣar » nous enrichit de quelques indications quant à la datation qui ne se trouvent pas dans l’œuvre originale. Cet épitomé se trouve selon Houtsma à la Bibliothèque Nationale de Paris dans un manuscrit datant du xve siècle environ41. C’est Charles Schefer qui a fait connaître ce Muḫtaṣar pour la première fois au monde scientifique42. M.Th. Houtsma a édité le Muḫtaṣar en 1902 d’après le manuscrit de Paris (Supplément persan 1536)43.
20La confrontation de l’œuvre originale du Awâmir al- ҅Alâ’îya avec le Muḫtaṣar indique que l’auteur anonyme de l’épitomé a travaillé consciencieusement et n’a laissé de côté aucune description d’intérêt historique.
21Si l’œuvre originale présente 28 titres de chapitres de plus que le Muḫtaṣar, cela ne signifie pas que le contenu historique de ces 28 chapitres ait été négligé dans le Muḫtaṣar. Le fait qu’il y ait 28 titres de chapitres en moins s’explique plutôt par l’intention du rédacteur de l’épitomé de libérer le texte de son style ampoulé. L’auteur de l’épitomé mentionne au début de son Muḫtaṣar44 que la Ǧamâ ҅at-i-Iḫwân (l’union des frères, des amis que l’on ne peut guère interpréter comme « Union des Aḫi ») s’est plainte de l’épaisseur de l’œuvre originale présentant trop de fioritures littéraires. L’auteur ajoute que l’union des personnes citée a eu du mal à lire l’ouvrage et à en tirer parti et c’est pourquoi il s’est proposé d’écrire cet épitomé. La confrontation de l’œuvre originale avec le Muḫtaṣar indique aussi que l’auteur de l’épitomé a voulu, grâce à son œil aiguisé, simplifier le style alourdi par des vers, des poésies, des citations du Coran et des hadiths, style qui était en usage à la chancellerie. Pour ce fairela méthode a été double : Ou bien il procède de manière mécanique, mettant entre parenthèses l’excédent rhétorique, ce qu’il fait le plus fréquemment, ou bien il fait le résumé de paragraphes qui doivent montrer le savoir-faire littéraire du rédacteur, tout en gardant le sens du texte. Cependant il ne procède pas de façon radicale, tenant à présenter une description littéraire au goût du temps et conservant un reflet du lustre rhétorique de l’œuvre originale. Par ailleurs il renonce dans le Muḫtaṣar à citer les nombreux paragraphes dans lesquels le commanditaire et mécène d’Ibn Bîbî, ҅Alâ al-Dîn ҅Aṭâ Malik Ǧuwainî, est mentionné par des louanges et des bénédictions.
22L’épitomé a été réalisé du vivant d’Ibn Bîbî45, car l’auteur ajoute au nom d’Ibn Bîbî46 la formule : damat fada’iluhu (puissent ses qualités persister) et non pas celle par exemple que l’on utilise pour les défunts : raḥimahu’llâh (Dieu, aie pitié de lui !). On peut mieux cerner la période de rédaction de l’épitomé par la réflexion suivante : à la page 283 du Muḫtaṣar est ajouté au nom de Fakhr al-Dîn Ḫvâǧe ҅Alî la phrase : « qui est actuellement Ḥâkim-i-Mamlakat47 ».
23Par ailleurs le nom de ce même dignitaire est cité en fin de l’œuvre48, sans que l’on fasse mention de sa mort survenue entre-temps et qui est prouvée par une épitaphe49. Fakhr al-Dîn Ḫvâǧe ҅Ali b. al-Ḥusayn est mort dans les derniers jours du mois chawwal de l’an 684 de l’Hégire50 (entre le 20 et 28 décembre 1285). L’an 1285 constitue donc le terminus ante quem. Si dans l’œuvre originale51 il est dit que Ghiyâth al-Dîn Mas ҅ûd II est le successeur sur le trône et Ḥalîfa-i-Mamlakat, à qui les grands dignitaires avaient auparavant juré obéissance, il y a dans le Muḫtaṣar52 la phrase : « Et il est actuellement sultan de Rûm », ce qui signifie que la date d’intronisation (681 / 11 avril 1282) correspond au terminus post quem de la rédaction du Muḫtaṣar. Ajoutons, comme nous l’avons déjà dit, que dans le Muḫtaṣar la dédicace de l’œuvre originale adressée à ҅Alâ al-Dîn ҅Aṭâ Malik Ǧuwaînî n’est pas mentionnée et ne le sont naturellement pas non plus les louanges et bénédictions faites dans le Awâmir al- ҅Alâ’îya adressées à une personnalité qui était tombée en disgrâce peu de temps avant la mort d’Abagha (1er avril 1282) et qui avait rendu l’âme le 5 mars 1283. On peut encore mieux cerner la date d’achèvement du Muḫtaṣar où, page 321, 3, après la mention du sâhib dîvân Shams al-Dîn Muḥammad Ǧuwaînî est ajoutée la formule « Raḥmatullâhi ҅alaih » (la miséricorde de Dieu soit sur lui). Shams al-Dîn Muḥammad Ǧuwaînî est donc déjà présenté comme étant mort53. Nous savons maintenant que Shams al-Dîn Muḥammad Ǧuwainî a été exécuté sur les ordres d’Arghûn le 4 chaabane 683 (16 octobre 1284)54.
24 Le Muḥtaṣar a donc bien été achevé entre octobre 1284 et décembre 1285.
25Pour conclure on pourrait débattre sur la question de savoir qui est le rédacteur du Muḥtaṣar, l’épitomateur. Quelques savants sont d’avis que Nâṣir al-Dîn Yaḥyâ b. Muḥammad Ibn Bîbî, cité dans la préface du Muḫtaṣar55, pourrait être le rédacteur de l’épitomé, bien qu’il y soit clairement signifié que cette personnalité est le rédacteur de l’œuvre originale complète.
26On a pris ce Nâṣir al-Dîn Yaḥyâ pour le frère de Nâṣir al-Dîn al-Ḥusayn56. Adnan Sadık Erzi a réfuté par de bons arguments57 cette opinion selon laquelle ce Yaḥyâ serait le frère de Ḥusayn Ibn Bîbî, rédacteur du Awâmir al- ҅Alâ’îya, et lui, Yaḥyâ serait l’épitomateur. Erzi indique que dans le paragraphe du Muḫtaṣar, où le rédacteur de l’épitomé parle des parents d’Ibn Bîbî58, il ne se désigne pas comme fils de la Bîbî [sic]. Même s’il avait été le fils d’une autre mère, il est frappant de lire que dans le passage où il parle du père d’Ibn Bîbî59 il ne cite que le nom du père, Madj al-Dîn l’Interprète et omet Pedar-e bande (« le père de mon humble personne = mon père ») qui se trouve dans l’œuvre originale dans le même passage60. Erzi dit clairement que ce Yaḥyâ, qui apparaît seulement une fois dans le Muḥtaṣar, n’est qu’une mauvaise lecture de al-Ḥusayn, lecture qui s’explique graphiquement. Il est donc bien clair qu’il n’y a pas eu de Nâṣir al-Dîn Yaḥyâ b. Muḥammad dit Ibn Bîbî. Le rédacteur du Muḫtaṣar, un contemporain cultivé, est donc inconnu.
27La traduction turque paraphrasant surtout dans les paragraphes poétiques la traduction en ancien ottoman – notamment dans les paragraphes poétiques du al-Awâmir al- ҅Alâ’îya d’Ibn Bîbî, donc de l’œuvre originale – se trouve dans le Oġuznâme, parfois aussi dans l’oeuvre de Yazyǧioġlu ҅Alî appelée Seldjuknâme. Yazyǧioġlu semble être un homme proche de la haute administration et de l’entourage de Murad II. On ne pouvait faire jusqu’à présent que des suppositions sur sa personnalité61. Yazyǧioġlu ҅Alî écarte parfois certains passages de l’œuvre originale, mais ajoute occasionnellement des faits qui ne sont pas dans le Awâmir al- ҅Alâ ’îya. Yazyǧioġlu ҅Alî a rédigé62 son œuvre pour l’Ottoman Murad II en 827 de l’Hégire (qui débute le 5 décembre 1423). Son œuvre se compose de cinq parties63 qui sont pour l’essentiel des traductions turques de passages tirés d’œuvres historiques connues. La première partie évoque le Jâmı҅ al-Tawârikh de Rashîd al-Dîn Faḍlullâh64, la deuxième partie le Râḥat al-Ṣudûr de Ravendî65. La troisième partie est partiellement la traduction paraphrasée du al-Awâmir al-҅Alâ’îya d’Ibn Bîbî. La quatrième partie est à nouveau une traduction de Rashîd al-Dîn jusqu’au récit sur Ġazan Khân, tandis que la cinquième partie dépeint sommairement les évènements en Anatolie après la mort des Ġazan Khân jusqu’aux évènements sous Abû Sa ҅îd et après la mort de celui-ci.
28Le fait que les notes biographiques sur la famille d’Ibn Bîbî manquent dans le Oġuznâme, que Yazyǧioġlu présente comme sa propre œuvre, est aussi compréhensible que l’omission des louanges adressées à ҅Alâ al-Dîn ҅Aṭâ Malik Ǧuwaini. Plusieurs manuscrits de cet Oġuznâme sont connus à Ankara, Berlin, Istanbul, Leyde, Leningrad, Moscou et Paris66. Le manuscrit de Berlin, conservé à la Staatsbibliothek Orient Quart 1823, est un exemplaire complet du Oġuznâme de Yazyǧioġlu ҅Alî en raison du paragraphe présentant une traduction du al-Awâmir al-҅Alâ’îya d’Ibn Bîbî. C’est à ce manuscrit que je renvoie pour les paragraphes qui manquent dans l’édition imprimée de l’œuvre.
29M. Th. Houtsma a édité dans le tome III de son Recueil des textes relatifs à l’histoire des Seldjoukides une partie du Oġuznâme de Yazyǧioġlu ҅Alî d’après un manuscrit incomplet de Leyde67 et d’après un manuscrit incomplet de la Bibliothèque Nationale de Paris68. Cet Oġuznâme est, comme je l’ai déjà mentionné, une traduction du al-Awâmir al-҅Alâ’îya d’Ibn Bîbî. À cause du caractère incomplet des manuscrits dont disposait jadis Houtsma, il n’y a dans l’édition de Houtsma qu’environ la moitié du paragraphe consacré dans le Oġuznâme aux Seldjoukides d’Asie Mineure. L’édition de Houtsma va jusqu’à la fin de la page 159 du Muḫtaṣar69.
30Du Oġuznâme de Yazyǧioġlu ҅Alî, il existe aussi un épitomé ou une adaptation datant de 1008 de l’Hégire (qui commence le 24 juillet 159970) d’un certain Seyyid Loqmân. Cette adaptation qui se trouve dans un manuscrit de la Bibliothèque Nationale de Vienne71 a été éditée par J. J. W. Lagus et traduite en latin72.
31La réponse à la question de savoir laquelle des trois formes que nous offrent l’œuvre d’Ibn Bîbî est la plus à même à être présentée au monde occidental, va de soi. L’emphase du Awâmir al-҅Alâ’îya étouffe le contenu historique. L’épitomé a donc été choisi comme base de travail. Comme il ressort de l’introduction écrite par l’auteur de l’épitomé, les cercles intellectuels du xiiie siècle ont eu apparemment peu envie de lire le livre [original] à cause de son emphase rhétorique et somptueuse. Après le bouleversement qu’ont connu les évènements politiques, après que la puissance et la considération portées à ҅Alâ al-Dîn ҅Aṭâ Malik Ǧuwainî eurent pâlies, il n’y avait plus matière à confier une œuvre à un grand commanditaire et mécène. Cette œuvre drapée du brocart d’or de la plus fine culture littéraire devait aussi exprimer le respect pour les grandes qualités et la culture du destinataire. C’est pourquoi le rédacteur de l’épitomé a apporté des coupures et des raccourcis qui lui semblaient adaptés pour rendre plus accessible le Awâmir al-҅Alâ’îya. Ainsi le Muḫtaṣar est-il devenu l’œuvre littéraire la plus accomplie de son temps, imprégnée d’un sentiment d’équilibre dans sa forme et son fond.
32Quant à l’adaptation de l’oeuvre d’Ibn Bîbî, la question de la dimension de l’oeuvre ne fut pas sans importance. La confrontation d’une phrase tirée du Muḫtaṣar73 avec celle correspondante dans le livre al-Awâmir al-҅Alâ’îya peut peut-être nous donner une certaine idée du rapport existant entre les oeuvres :
Lorsque le vêtement pourpre de la jeunesse du sultan bienheureux Qilidj-Arslân se fut transformé en un manteau gris et usé et que sa vie bellement organisée eut atteint sa perfection et que le temps des adieux et de la séparation d’avec la communauté fut venu, il fit venir à lui Ghiyâth al-Dîn Kay-Khusraw...
33Voici le même passage dans Awâmir al-҅Alâ’îya74 :
Selon la Parole du Coran : « Oui, nous avons créé l’homme ; dans la forme la plus parfaite ; puis nous l’avons envoyé au plus bas des degrés75 ». Le vent tempétueux de la vie automnale soufflant dans les jardins de la douce vie fit voleter les feuilles se détachant de l’arbre de vie du bienheureux sultan Qilidj- Arslân b. Mas ҅ȗd et ces feuilles avaient jailli comme les étoiles de ses espérances brillant telles des perles dans la main violente du cycle des jours et des nuits pour se transformer en étoiles filantes et l’eau pure de son fleuve de vie s’est troublée et le messager de la chevelure (noire) de la jeunesse se hâtait vers la destinée, le couturier du cours du temps avait échangé l’habit pourpre de sa jeunesse contre le manteau de la chevelure blanche et les faiblesses des forces de la vie et le ramollissement des membres avaient trouvé le chemin conduisant à la maîtrise de son corps et les sentinelles des sens76 qui sont les coursiers privés du ciel et les inspecteurs77 de la plaine imprégnèrent leur marque lors de l’annonce des nouvelles et de la publication des évènements, signes de négligence, d’inattention, de légèreté et d’inaction et cette roue multicolore du ciel qui constamment tourne a courbé sa silhouette qui fut telle une flèche et il quitta alors le vestibule de la vie éphémère pour entrer dans la maison de l’éternité, il (le sultan Qilidj- Arslân) fit venir à lui le sultan Ghiyâth al-Dîn Kay-Khusraw.
34Cet exemple vaut pour tout autre facile à apporter. J’ai fait le choix d’adapter et de traduire [en langue allemande] le Muḫtaṣar en raison du fait que ce texte est accessible à tous grâce à l’édition de M.Th. Houtsma, Recueil IV78. L’édition du Muḫtaṣar de M. Th. Houtsma fut une performance car ce dernier ne connaissait à l’époque ni l’œuvre originale al-Awâmir al-҅Alâ’îya d’Ibn Bîbî, qui se trouvait sous forme d’un manuscrit à Aya Sofya, ni les exemplaires complets du Oġuznâme de Yazyǧioġlu ҅Alî. C’est pourquoi il ne faut pas en vouloir à ce savant hollandais émérite qu’il y ait des lacunes dans l’édition. Lors de l’adaptation et de la traduction présentée ici j’ai dû prendre en considération la structure du texte. Ainsi ai-je confronté le texte du Muḫtaṣar avec celui du manuscrit 2985 de l’œuvre originale qui se trouve à Aya Sofya, textes que j’ai chaque fois rapprochés du Oġuznâme de Yazyǧioġlu ҅Alî pour établir la clarté d’une rédaction peu claire. Pour la première partie, je mentionne le Oġuznâme d’après l’édition Houtsma, Recueil III, en raison de la possibilité de vérification assez facile. Pour la deuxième partie, je mentionne le Oġuznâme d’après le manuscrit de Berlin, Staatsbibliothek Orient Quart 1823.
35La confrontation du manuscrit d’Istanbul Awâmir al-҅Alâ’îya avec le Muḫtaṣar fit apparaître clairement la différence dans le contenu de ces deux œuvres. Pour ce qui est du fond historique, cette différence n’est pas considérable. Quoi qu’il en soit, j’ai veillé à signaler dans l’appendice « Compléments extraits du manuscrit Aya Sofya n° 2985 » tout ce que le rédacteur de l’épitomé n’a pas pris en considération dans son Muḫtaṣar et qui paraissait important.
Notes de bas de page
1 Cf. AS = al-Ḥusayn ibn Muḥammad ibn ҅Ali al-Ǧa ҅farî ar-Ruġadî, dit Ibn Bibi, Kitâbu l-Awâmiri l- ҅Alâ’îya fi’l-Umûri l-҅Alâ’îya, manuscrit n° 2985 Istanbul, Aya Sofya. Cf. Tauer, Manuscrits Persans n° 477.
2 Cf. AS ebda. Cf. aussi AS p. 742.
3 Cf. AS p. 11.
4 Cf. Adnan Sadık Erzi in Is. A. (Islâm Ansiklopedisi) Ibn Bibi p. 714 a
5 Cf. Ḥalîl Edhem, DI (Düwel-i-islâmîye, Istanbul, 1927) p. 211.
6 Cf. AS p. 242.
7 Cf. Is. A., p. 713 b, 714 a, b.
8 Concernant sa dénomination d’après sa mère, il y a les parallèles suivants : Abû Ǧa ҅far Aḥmad b. Muḥammad b. Ḫalaf, prince de Sîstân du ive siècle de l’Hégire et son fils Ḫalaf b. Aḥmad étaient connus sous le nom Ibn (-i-) Bânûye ou Ibn (-i) Bânû, car la mère de Abû Ǧa ҅far, fille de Muḥammad b. ҅Amr b. al-Laiṭ aṣ-Ṣaffâr, s’appelait Sayyida Bânû – Cf. Qazwînî, 2e partie, p. 122.
9 Cf. Muḥtaṣar pp. VII, 2 et 196.
10 Cf. Muḥtaṣar p. 2 et 196.
11 Cf. Uzunçarsili, Medhal p. 43.
12 Cf. AS p. 10, 442 – 443, et Muḥtaṣar p. VIII et p. 196-199.
13 Charles Schefer indique : Mohammed ibn Yahia Khabouchany est l’auteur d’un traité sur les règles de conduite des magistrats. N. B. : Charles Schefer (1820-1898), orientaliste, écrivain, traducteur, historien et géographe français, a traduit quelques chapitres de « l’Abrégé du Seldjouk Namèh », composé par l’émir Nassir Eddin Yahia in « Recueil de textes et traductions » publié par les professeurs de l’Ecole des Langues Orientales Vivantes, tome 1, Paris, Imprimerie Nationale, 1889. Ces textes sont accessibles sur : remacle.org/bloodwolf/arabe/yahah/extraits.htm.
14 Cf. AS p. 442.
15 C. Schefer indique : Gouri Sourkh ou « le tombeau rouge » est le nom d’une ville du Gourgan où s’élève le monument funéraire de l’imam Djafer Essadiq.
16 Cf. Ǧuwainî, Introduction, AS p. 10, et Duda, Geschichtsforschung p. 20.
17 Cf. Ǧuwainî, Introduction et EI (Enzyklopaedie des Islam), Djuwainî.
18 Cf. AS p. 443.
19 Cf. AS p. 442.
20 C. Schefer indique que Djelal Eddin Kharizm Chah fut tué par un Kurde dans l’une des montagnes du district d’Amîd le 15 du mois de Chawwal 628 (16 août 1231). Cf. Vie du Sultan Djelal ed-Dîn, En-Nesawi.
21 Cf. AS p. 442.
22 [C. Schefer indique qu’Ibn el-Athir a consacré un chapitre de sa chronique au récit des évènements qui se déroulèrent à Khartibert, Kharpout, Harput (Kamil fit tarikh, t. XII, p. 132-133).]
23 Cf. AS p. 443. Sur Farrâšhâne cf. Uzunçarsılı, Medhal, p. 92.
24 Cf. AS p. 482, 485, 542.
25 Cf. Tauer, Manuscrits persans, n° 477. Une copie récente du manuscrit original se trouve à la Millet Kütüphanesi d’Istanbul, Ali Emiri Farisî n° 819-821 et à la Bibliothèque Nationale de Paris, Cf. Blochet, Catalogue, IV, 2310. Un fac-similé du manuscrit Aya Sofya n° 2985 a été créé peu avant ou peu après 1945. Il n’est jamais paru en librairie et est aujourd’hui introuvable. Hellmut Ritter envoya un exemplaire de ce fac-similé, qui ne porte ni date ni lieu de parution, à Hans L. Gottschalk à Birmingham qui le tint à ma disposition après 1947 et il me fut fort utile pour contrôler mes études faites jusqu’alors. Je remercie encore Monsieur Gottschalk pour son amabilité.
correctif : Depuis lors l’exemplaire de ce dernier fac-similé est paru avec préface et sommaire sous le titre : Ibn-i Bîbî, El-Evâmirû ͗l- ҅Alâ’iyye fi ͗l-Umûri ͗l-҅Alâ’iyye. Önsöz ve fihristi hazırlayan Adnan Sadık Erzi. I. Tıpkıbasım (Türk Tarih Kurumu Yayinlarından I. Seri Nr.4a). Ankara 1956. XXVIII + 744 S. 8°.- Par ailleurs est paru le premier volume d’une édition (qui devrait comprendre 3 volumes) du manuscrit Aya Sofya n° 2985 sous le titre : Ibn-i-Bîbî, El-Evâmirû ’l- ҅Ala ’iyye fi ’l-Umûri’l-҅Ala’iyye I. Cild (II, Kiliç Arslan’in vefâtindan I. ҅Alâ’uddin Keykubad’in cülûsuna kadar)... neşr edenler Necati / Lugal / Adnan Sadık Erzi (Ankara Üniversitesi Ilhiyat Fakültesi Yayinlariından – N° 19). Ankara 1957, 22 + 289S, 8°. – Grâce à cette édition l’utilisation du manuscrit Aya Sofya n° 2985, qui est souvent difficile à lire, se trouve facilitée.
26 [Felix Tauer (+1981), orientaliste, historien et philologue tchèque ; son doctorat s’intitule al-Valíd ibn Jazíd ibn Abdulmalik, umajjovský chalífa a básník.]
27 Cf. AS p. 11.
28 Cf. Duda, Geschichtsforschung, p. *20*.
29 [Adnan Sadık Erzi (†1990), historien turc, fit des recherches sur les manuscrits persans, sur les textes historiques et sur la littérature.]
30 Cf. Is. A. p. 713a.
31 Selon les règles de la poésie persane le qâfija (rime) est tout à fait possible dans un tadjnis-i-tâmm (homonymie parfaite). L’auteur a peut-être imaginé ҅Alâ’îja appartenant à deux individus différents nommés ҅Alâ al-Dîn.
32 Cf. AS p. 200 – 463.
33 La Nisba Ǧuwainî n’est jamais mentionnée dans l’œuvre d’Ibn Bibi.
34 C’est-à-dire d’Asie mineure que l’on appelait chez les Musulmans Bilâd ar-Rûm, les régions de Rûm, le pays de Romains, des Romains occidentaux.
35 Cf. Duda, Geschichtsforschung, p. *20*.
36 On sait que Ḫalîl Edhem a indiqué dans son œuvre Düwel-i- Islâmîye (pages 211 sqq) parue en 1345 de l’Hégire (1927), sans pourtant indiquer la source, que Ghiyâth al-Dîn Mas ҅ud II a été intronisé le 22 Rabia I 682 de l’Hégire (20 juin 1283 ap. J-C.). Dans son ouvrage « Qaiṣarîye Šeri » (Istanbul, 1334, p. 102), paru onze ans auparavant, Ḫalîl Edhem fixe l’intronisation de Ghiyâth al-Dîn Mas ҅ûd II en l’an 681 (11 avril 1282), d’après une pièce de monnaie à l’effigie de Mas ҅ûd II frappée à Sivas. Il mentionne, certes peu de temps auparavant, qu’une pièce de monnaie avait été frappée en 682 à l’effigie du Sultan Ghiyâth al-Dîn Kay-Khusraw, prédécesseur de Mas ҅ûd II, ce qui laisse à penser que cette frappe aurait pu avoir été faite pour l’année à venir. Adnan Sadık Erzi a fixé (Is, A. p. 713b) l’intronisation de Mas ҅ûd II au 25 Rabia II 680 de l’Hégire et a attiré l’attention sur l’indication fournie par le Dîvân du sultan Walad (Cf. sultan Walad, p. 224). La qaside n° 377 qui y figure commence par ces deux bait :
(traduction de la qaside par *HLP) :
Que la venue de la suite du Sultan soit pour les peuples une bénédiction
Qu’à la vue du Sultan votre âme soit bénie.
Il vint un mardi, le vingt cinq du mois rabi al-âkhar
En l’an six cent quatre vingt de l’Hégire
Dans cette qaside est évoqué clairement l’entrée de Ghiyâth al-Dîn Mas ҅ûd II à Konya le mardi 25 Rabia II 680 de l’Hégire, soit le mardi 12 août 1281 ap. J.-C., qui correspondait à l’époque au 15 juillet. L’indication du sultan Walad est d’une grande importance car il est contemporain et vraisemblablement le témoin. Mais comme le mot Ǧulûs (intronisation) n’apparaît pas dans la qaside, l’intronisation de Mas ҅ûd II pourrait avoir eu une grande importance aux yeux du sultan Walad, qui, en raison de la situation politique, considéra que l’intronisation de Mas ҅ûd II valait bien une qaside. Cependant la date ne doit pas être considérée absolument comme date d’intronisation. La découverte numismatique vaut plus qu’un poème d’occasion, qui exprime plutôt le souhait de certains cercles, et qui a été écrit alors que l’on avait l’impression que la position du sultan Giyâth al-Dîn Kay-Khusraw III était fragile.
37 Cf. Ǧuwainî, Introduction.
38 Cf. Is. A. p. 713b.
39 Il est plus explicite in AS p. 452, puis plus tard et rapidement in AS p. 617.
40 Cf. Oral, Mezar Taşları, n° 1 p. 17 : I. Büyük Emir Šems ûd-dîn Ömer Kazvinînîn Mezar Taşi, Tarihi 9. Zülhicce 679, Sali H – 1. Nisan 1280 M. Il n’y a pas de doute quant à la date de l’Hégire écrite en toutes lettres dans la transcription de l’épitaphe.
41 Cf. Blochet, Catalogue I, p. 127. Une description plus précise chez Houtsma, Recueil IV, p. XV et suivantes. Le manuscrit défectueux n° 31 de la Bibliothèque Ducale de Gotha - qui présente un mixage d’un épitomé et d’une transposition mot à mot du Awâmir al-҅Alâ’îyja - comprend environ moins du tiers du manuscrit de Paris. Cf. Pertsch, Persische Hs. Gotha p. 54, Houtsma, Recueil IV, p. X sqq et Storey p. 409.
42 Cf. Charles Schefer : Quelques chapitres de l’Abrégé du Seldjouq Nahméh, composé par l’Émir Nassir Eddin Yahia, Ibn el-Biby, in Recueil de textes et de traductions publié... à l’occasion du VIII° Congrès International des Orientalistes tenu à Stockholm en 1889 = Publications de l’Ecole des Langues Orientales Vivantes, III° série, vol. 5-6, Paris 1889, p. 3-102. Y ont été traduites et éditées les parties du Muḫtaṣar concernant Ghiyâth al-Dîn Kay-Khusraw I et Rukn al-Dîn Sulaymânshâh II.
[c. Schefer indique : « L’abrégé de l’ouvrage d’Ibn el-Biby est d’autant plus précieux pour nous que les grandes compositions historiques relatives à la dynastie des Seldjoukides du pays de Roum sont aujourd’hui perdues et que nous n’en possédons même pas des fragments. Nous savons qu’un écrivain contemporain d’Ibn el-Biby, Ahmed ibn Mahmoud Qani’y, originaire de Thous et réfugié à la cour d’Alâ Eddin Keyqobad, lors de l’invasion des Mogols dans le Khorassan, avait écrit une histoire des Seldjoukides si volumineuse qu’elle formait à elle seule la charge d’un chameau (Cf. Rieu, Catalogue of the persian manuscripts in the British Museum, p. 582). Tous ces ouvrages qui nous auraient fourni les détails les plus intéressants sur les relations politiques et commerciales des Seldjoukides de Roum avec l’Empire grec, la Géorgie, l’Arménie, la Russie méridionale, les sultans d’Égypte et les souverains mogols, ont malheureusement été détruits pendant les troubles et les guerres qui ont désolé l’Asie Mineure jusqu’au milieu du XVe siècle. Les chapitres dont je donne aujourd’hui le texte et la traduction présentent un intérêt plutôt anecdotique : le récit complet des événements historiques ne commence, en effet, qu’à partir de l’avènement au trône du sultan Alâ Eddin Keyqobad ».]
43 Cf. Houtsma, Recueil.
44 Cf. Muḫtaṣar p. 2.
45 Cf. Duda, Geschichtsforschung, p. *20*.
46 Cf. Muḫtaṣar p. 2.
47 Cf. AS p. 617.
48 Cf. Muḫtaṣar p. 334 et AS p. 731.
49 Cf. Houtsma, Recueil IV, p. IX.
50 Cf. Huart, Épigraphie Arabe, p. 78, n° 51.
51 Cf. AS p. 736.
52 Cf. Muḫtaṣar p. 334.
53 In AS p. 686 et dans le passage correspondant il passe pour être encore parmi les vivants.
54 Cf. Ǧuwainȋ p. XIX.
55 Cf. Muḫtaṣar p. 2.
56 Cf. Köprülü, Anadolu Selçukluları p 388.
57 Cf. Is. A. p. 715.
58 Cf. Muḫtaṣar p. 196.
59 Cf. Muḫtaṣar p. 221.
60 Cf. AS p. 485.
61 Cf. Duda, Islamische Quellen, p. 10 et Wittek, Yazijioghlu ‘Ali p. 647, note 6.
62 Cf. Duda, Islamische Quellen, p. 8. Dans son essai Yazyǧioġlu ҅Alî, p. 646, note 3, Paul Wittek pose la question de savoir si l’on ne devrait pas ajouter à la date mentionnée ci-dessus (827 de l’Hégire) le chiffre 6, dans la mesure où il faut ajouter une gémination (tashdid) à laquelle on s’attend dans le mot avalaki et ainsi pourrait-on lire deux vâv. Ceci contredit le principe de abjad qui consiste à inclure des consonnes comme Mater lectionis dans le calcul numérologique. De même, une tashdid ne peut être considérée comme un redoublement, tel qu’on le comprend dans la phonologie arabe. Mais, si le rédacteur veut concevoir que le vâv est présent deux fois dans le texte, on devrait s’attendre, à cet égard, à une indication dans le chronogramme.
63 Cf. Is. A. p. 716.
64 Cf. Storey, Section II, p. 71 sqq.
65 Cf. Storey, Section II, p. 256.
66 Cf. Is. A. p. 716b, où les manuscrits sont regroupés selon le contenu. Cf. aussi Wittek in Islam 20 (1932), p. 202.
67 Cf. Katalog Leyden III, p. 24, n° 942 et Houtsma, Recueil III, p. VI sqq.
68 Cf. Houtsma, Recueil III, p. VII.
69 Le manuscrit Berlin Orient Quart 1823 comprend 450 pages. In « Recueil III », Houtsma, manque le paragraphe du folio 1 au folio 38b. La fin du texte de Houtsma « Recueil III » se trouve dans le manuscrit de Berlin, folio 233, 4b.
70 Cf. Wittek, Les Gagaouzes p. 13.
71 Cf. Flügel, Katalog Wien, II, p. 225, n° 1001.
72 Cf. J. J. W. Lagus, Seid Locmani ex libro turcico qui Oghuzname inscribitur excerpta, Helsingfors 1854. Pour la littérature scientifique traitant de l’oeuvre d’Ibn Bîbî, voir, outre les travaux cités ci-dessus, Is. A. p. 717b et 718a
73 Cf. Muḫtaṣar p. 3 et le chapitre ci-après, p. 54 : Le sultan Qylidj- Arslân intronise son successeur Ghiyâth al-Dîn Kay-Khusraw.
74 Cf. AS p. 13.
75 Le Coran, Sourate XCV, 4.
76 Les sens sont des guetteurs qui rapportent les évènements qui ont lieu au ciel et qui observent les évènements sur terre.
77 Muşrifân, à vrai dire intendants, mais ici inspecteurs – on a traduit Munhî par coursiers privés, à vrai dire ce sont les fonctionnaires qui font apporter un message à la plus haute instance.
78 La traduction [en allemand de H. W. Duda] était déjà ébauchée en 1938 et le monde scientifique en fut informé, Cf. Duda, Islamische Quellen, p. 7, note 2. – Dans le numéro du 8 avril 1937 de la revue Konya, publiée par Halkevi de Konya, Hasan Fehmı Turgal a commencé une traduction turque du Awâmir al- ҅Alâ’îya, mais il n’a pas poursuivi. Cette traduction n’est pas d’ordre scientifique. Pour un public plus large destiné avant tout à la jeunesse, M. Nuri Gencosman a réalisé une adaptation du Muḫtaṣar sous le titre « Anadolu Selçukî Devleti Tarihi. Ibni Bibî’nin Farsça Muhtasar Selçuknâmesinden », Ankara, 1941. Cette adaptation ne prend pas en compte la structure du texte, écarte certains passages et fait occasionnellement de la paraphrase et n’est pas d’ordre scientifique.
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