L'Épiphanie de l'Azur
Les couleurs au Moyen Age, Senefiance n°24, Aix-en-Provence, 1988
p. 283-310
Texte intégral
1Communauté de travail, d'organisation, de mentalité ; communauté de regard sur le paysage, le destin, le sacré, toute civilisation est en somme une personne. Aussi, marquées et insaisissables comme des êtres singuliers, les civilisations sont-elles des pluriels fluides. Chacune a son paysage et son climat-type mais évite de s'y enfermer : Renan1 prétendait le monothéisme plante du désert ; cependant l'Islam sec atteint le Bangla-Des des moussons et l'Indonésie équatoriale. Issue des orients par une méditerranée aux étés secs, l'Europe a glissé vers le monde océanique ; mais dès qu'elle y eut trouvé son assiette, elle conquit le monde semi-continental des slaves et autres. Chacune de ces personnes occupe ainsi incomplètement son milieu-type et par ailleurs en déborde. Cette coextensivité imparfaite n'empêche toutefois pas l'accord fondamental entre une civilisation et ses axes topiques.
2Vert d'un drapeau espérant que son croissant s'emplisse, l'Islam demeure ocre de Dakar à la Mongolie, ocre léger de désert et ocre lourd comme lune rousse au crépuscule. L'ocre brûlé particulier aux pays du maïs et de ses cosses mûres se retrouve, de Tiahuanaco à Teotihuacan, dans les teintes des arts aztèques, péruviens et maya et jusqu'aux vermillons divers des peaux. Fleur du milieu entre yin et yang, entre réalisme et inspiration, la Chine rouge-noir-et-or offre son génial équilibre de la terre, de l'homme et du ciel par l'axe vertical d'un pontife debout, au caractère de l'empereur dont la couleur sacrée est le jaune-or, hwang comme le fleuve maître et origine qui coule au loess d'or et de fécondité. Car chaque civilisation a sa couleur : l'Afrique est verte en forêt et beige en savane. Ainsi l'Europe est bleue comme, vue de la lune, la planète dont elle tisse depuis mille ans l'unité d'une commune histoire. Ainsi l'Europe est bleue comme l'azur des étés qu'elle espère aux rives enchantées de la mer des dieux, récompense après une pensée.
3En cette perspective de marelle enfantine à cases que l'on saute, tentons de marquer la place de saint Thomas dans la constellation de ceux qui fleurirent l'épiphanie de l'azur.
I- Le couchant des pourpres
A.- Au temps des rouges
4La case zéro est le vieux schéma blanc-rouge-noir, base chromatique de toutes les civilisations traditionnelles2. Certes, il n'est trifonctionnel qu'aux Indo-européens3 et cède en Chine au hwang- or, seule sérieuse diversité au triptyque et probablement due à la puissance impériale4 ; mais il est toujours présent aux actuelles Afriques des savants du village aux étudiants européisés5. Cette triple base varie bien entendu de signification et aucune Afrique n'est dumézilienne : blanc-ancêtre, rouge-chef, noir-nuit est une triade seulement symbolique.
5La continuité des orients méditerranéens est en ce domaine quasiment parfaite et Pline l'atteste en ses listes de solennelle érudition ou il résume savoirs et magies néolithiques. Bref jusqu'à l'essoufflement, ses paragraphes broyent vegétaux et pierres avec écume de mer pour en tirer magiques emplâtres et remèdes, à l'africaine6. Cet âge tardif des métaux n'omet pas de signaler les prix mais certaines pierres rares portent des on-dits de sorcellerie7.
6Une première liste de couleurs concerne les planètes8, où le pâle est froid, le rouge chaud et le livide (horrorem) venteux ; Saturne est blanc, Jupiter brillant et Mars igneus, Uesper flamboyant, refulgens, la lune douce et le soleil embrasé au lever pour rayonner ensuite : les couleurs disparaissent derrière leurs significations de subjectivité collective. Il y a moins de psychologie dans la deuxième liste, celle des fleurs9 : lis blancs, rouges et pourpres ; violettes pourpres, jaunes et blanches, suivies de crocus, ianthe et narcisses. La teinture des étoffes10 fait intervenir les mordants et la cuisson tandis que la quatrième liste montre le peintre se procurant sa palette : certaines couleurs sont fournies dans la nature, d'autres obtenues par art, broyage ou cuisson alii nascuntur alii fiunt11. Quelques paires non dialectisées vont de l'écume de mer à la boue et aux pigments métalliques. Certes il y a le blanc candida uela, melinum etc. le noir atramentum ; mais la part du lion est aux rouges : encausto brûlé donc pour parois et galères puis sinopis, minium, rubrica, cerusa usta, sandaraca, sandyx syricum, trois rubra pale, moyen et fort plus le cinabre, l'indicum et la pourpre. D'auripigmentum à ochra les jaunes sont moins nombreux et le vert appien est couleur toute nouvelle12. Un peu désordonnée cette érudition néolithico-antique accumule des nuances mal rangées, mal précisées, mais ne trouble en rien le modèle fondamental blanc-noir centré sur la foule des rouges ; il n'innove pas, il résume et utilise aussi ces mixtures en onguents pour guérir.
7A notre marelle ou jeu de l'oie, Isidore nous ramène presque à la case départ et recopie Pline : annulare est ce blanc qui sert à reproduire la carnation féminine muliebris picturae et qu'on retrouve sous d'autres noms jusqu'aux encyclopédistes du xiiième siècle. La couleur se présente toujours comme une utilité et non comme une variation en série progressive comme pour les modernes. Il y a, à l'antique, réification du concept. Isidore résume et complète son devancier mais surtout, il range avec un peu plus de raison, avec un grain d'Aristote : un ordre apparaît et les catégories magico-médicales disparaissent du texte où se reconnaît aut nascuntur aut fiunt et tinctura qui n'est pas pictura. Les rouges envahissent toujours la moitié des listes et teintent les nuances même peu voisines : luteus13 color rubicundus quod est croceus, glaucus color est ferrugineus subniger14 ; le rouge donc annexe l'orange et le rouille, comme le violet et le bleu sombre sont des noirs selon nos amis africains. Car les mots de couleur en toute antiquité sont des qualités de regard et non une échelle. L'idée numérique remplace le froid et le chaud et le tiède à partir de la banque italienne du xiième siècle vers l'univers de la précision ; pour le moment, l'idée de qualité suffit à désigner deux extrêmes et leurs moyennes ou mélanges.
8L'attention lexico-phonétique d'Isidore est en revanche de première valeur : l'aspiration du grec porphura s'oppode au purpura latin qui en est dépourvu15. L'affirmation du trichromisme commun et fondamental provient en effet d'une liste lexicostatistique comme celles que l'on pratique aujourd'hui par exemple dans les études ba : Ntu16 où d'ailleurs le système blanc-rouge-noir s'explicite excellement. Les nuances de jaune, vert ou bleu par exemple n'émergent qu'au second questionnement d'insistance et sont lues comme insignifiantes, voire imperceptibles.
9Bien sûr les bleus ont toujours existé, mais différents des nôtres et à peine perçus. Le Gaffiot témoigne que caeruleus est un sombre17 et cuanos aussi au Bailly où glaucos, couleur de la mer perse, perverse et changeante est encore un vert sombre. Mais ce n'est pas bonne volonté de la part d'Isidore d'en faire un proche du rouge ; c'est la nature alors des termes de couleurs, entre autres de n'être pas désignatifs mais évocateurs, symboliques et indéfinis. Des outre-mers et des violets profonds servent de bleus, jamais clairs, jamais francs. D'Égypte et de Sumer à Thêra et Pompei et jusqu'au firmament superbe de Galla Placidia à Ravenne dormant, les sourds, les profonds, les violents et les sombres sont continus. Quant aux clairs, ce sont des pers ou des turquoises, des bleus-verts18 ou de simples incrustations de pierres coûteuses et rares, lapis-lazuli et saphirs dont le prix et la peine prohibaient la fréquence sans fabriquer une couleur de civilisation19. D'avant la cité jusqu'à la mort des empires et quelles que soient les irisations des nuances, toutes les antiquités sont bonnement fidèles au fondement trichrome.
10La Bible aussi témoigne, qui n'offre pas 200 mentions de couleur dont la moitié dans le dernier siècle, celui du nouveau testament ; un bon quart est liturgique au Lévitique. Les bleus sont absents et les rouges s'étalent de la pourpre violette au cramoisi et à l'écarlate ou au sinope par le rufus20. Saint Augustin de même n'atteint 50 notations qu'en y joignant la cécité. Il insiste sur le symbolisme, de la pureté du blanc à la douceur subjective ; sa plus grande originalité s'inscrit dans la triade banale en accordant au noir d'être le souligné du beau21. On peut ensuite à cette marelle d'auteurs plus ou moins typiques, sauter des cases : de Bède à Hraban Maur, les indices ne donnent rien et glaner procure des redites avec réflexions de symbolismes et significations subjectives : la couleur est toujours une qualité non mesurable et les couleurs des prétextes à développements spirituels. Le grand novateur, fondateur de la scolastique, uenerabilis inceptor, saint Anselme22 ne présente guère qu'un Aristote ancien, celui de Boèce, seul à avoir survécu en occident. Il précise le caractère d'accident prédicamental de la couleur dans une grammaire logicienne de la qualité d'une substance, comparée à ce que la rectitude est à la signification. Ce maître d'une théorie de la vérité termine sa théologique à Dieu-lumière que l'âme contemple comme l'aigle regarde le soleil.
11Sur fond classique de trichromie banale à dominance rouge, les auteurs du premier xiième siècle gardent ce même cap d'un faible intérêt pour ces nuances verbales et symbolistes car ils tâtonnent déjà en direction voulue d'une taxinomie et n'ont que faire d'approximations vagues et traditionnelles. Abélard est presque silencieux et Bernard qui refuse uenustas et ornatus, proteste contre lui-même en tentant de minimiser l'opposition blanc/noir soit Cîteaux/Cluny au nom du salut et de la charité. Cette rhétorique prolixe23, pesante d'augustinisme cicéronien, est désuète dans l'univers scolastique. L'irréversible péripa-tétisme a commencé de submerger l'occident et le fait Europe, d'une démarche urbaine, universitaire, bancaire ; aux antipodes de la fierté seigneuriale, du "père" abbé viager et du monachisme paternaliste des domaines ruraux. Le noir de la pénitence et le blanc de la joie, de la gloire, de l'ange, de la transfiguration reproduisent une fois de plus chez Bernard les symbolismes éculés depuis les néolithiques, tandis que les vitraux cisterciens préférèrent longtemps la grisaille24.
12Innocent III est peut-être le dernier qui invente franchement sur le fond trichrome25. Désireux d'accorder les vêtements de l'officiant au symbolisme liturgique, il affirme le blanc des vierges en 70 lignes, le rouge des martyrs en 32 et le noir de l'abstinence et de l'affliction en 26 lignes, pour deuils et vigiles. Restat ergo 5 lignes pour le vert des jours ordinaires, couleur moyenne entre les trois autres. Cet essai est un échec26.
B.- Courants esthétiques
13Au delà des mots, les arts et surtout les objets qui nous en restent doivent aussi être brièvement interrogés en survol, pour que nos pieds hésitants puissent encore sauter quelques carrés de notre marelle. Cinquante ans de voyages émerveillés à travers la France, l'Europe et la planète me laissent une mer de visions dont certaines sont fortement colorées. Mais les mots ne les transmettent pas et pour faire partager ces extases, seuls y parviendront vos propres parcours ; la mémoire assez fidèle aujourd'hui de quelques livres d'art peut les appuyer.
14La profusion des fresques et icônes byzantines ne nous donne pas d'autres valeurs que celles jusqu'ici traitées de la trichromie fondamentale. Les bruns, de l'ocre au sombre, dominent cette production et probablement expriment cette civilisation des hiérarchies27. Les sables de Libye, les argiles rouges de la Grèce calcaire et les Orients brûlés de soleil servent à la fois de fond visuel et de réservoir en matériau de fabrication. Le soleil, le Basileus et le Pantocratôr délivrent dans ces mêmes teintes les structures matérielles, socio-politiques et spirituelles de cet univers posthéllénique. Dieu, empereur et soleil sont sis sur un escalier où les hiérarchies terrestres reproduisent symboliquement celles du ciel ; et ces trois acteurs sont à la fois maîtres et sacrés. Les couleurs signifiantes reproduisent ce sens et cet ordre, contemplatives et comme reservées. Le sérieux du recueillement marque tout cet art, parallèlement à la proscription grégorienne des emphases, modulations et excès théâtraux dans la musique sacrée. En dehors des rouges qui préfèrent souvent s'étendre dans les bruns méditatifs, les jaunes et verts égaient, soulignent, relèvent scènes et symboles mais les teintes claires ne l'emportent pas, ne portent jamais l'essentiel d'une composition ni de son thème principal. Les turquoises et violines d'autre part et divers sombres ne sont jamais ce que nous appelons un bleu.
15Dans l'immensité des œuvres ici envisagées, contentons-nous de deux exemples. L'icône de la Nativité, de l'Institut hellénique de Venise28 déploie ainsi la gamme des rouges, ocres et bruns avec quelque bleu sourd et sombre aux habits des petits mages de gauche comme, surtout à droite quelques verts éteints en fonds, vêtements et végétation. Une fresque tardive à Boiana en Bulgarie29 représente le Christ bienfaiteur et illustre de même les valeurs des fonds sombres s'éclairant de bruns, rouges éteints et ocres ou vermillons tandis que la robe d'une nuance sans éclat montre exactement ce que l'on pourrait appeler un non-bleu.
16La peinture de l'occident aux hautes époques ne procure pas d'impression différente. Sans même remonter jusqu'à l'émouvante fuite en Égypte de Castel Seprio30 qui, dans un sentinent original, suit les mêmes normes d'ocres et de composition, nous avons une démonstration en damiers de bruns, jaunes, rouges et verts plats et violents dans une Apocalypse de Saint-Sever31. Toute la peinture catalane est par ailleurs marquée du même dynamisme et des mêmes jeux de couleur où les ocres et les bruns l'emportent et dont tout bleu franc demeure totalement absent32. Une simple visite à l'étage supérieur, l'étage roman du musée des peintures murales du palais de Chaillot33 confirme la même certitude. De l'ocre au brun avec des rehauts de verts, notre art occidental des Espagnes clunisiennes aux pays impériaux et de l'archipel Plantagenet jusqu'aux abbayes romaines34 est une peinture de la trichromie. Or cet art monastique d'une époque rurale et que nous appelons roman, n'est pas, n'est plus byzantin ; il innove dans les intentions, les traits et même la répartition des couleurs aussi bien en fresques pariétales comme à Tahull ou à Saint-Chef35,36 qu'en enluminures sur parchemin et vélin comme aux évangéliaires de Reichenau37.
17Quand un artiste de ces âges nous offre un bleu, ou bien il s'agit de ce que le latin dénomme caeruleus c'est-à-dire quelque chose de sombre et qui tire même sur le noir38 ; ou bien il présente un vert ou une violine à moins qu'un véritable gris parfois cité en pallidus ou en blesme39 ne soit comme un délavé. Le codex aureus de Speyer rassemble tous ces cas de notre regard40 : bleu sombre aux robes et plus que foncé aux colonnes, bleus violets aux fonds et bleu-gris pour la tunique du Christ, les ailes des anges ou certains soulignés. Le passage aux verts et turquoises se distingue mieux encore au saint Matthieu d'un évangéliaire de Liège41. Sans compter bien entendu de nombreuses parois et pages dépourvues de toute sorte de bleu dans des gammes de bruns et beiges étirés du rose au vert, comme à la tempête apaisée de l'évangéliaire de Salzburg42 ; comme très tard encore au xiiième siècle en Vénétie dans un art de tradition latine paléochrétienne marqué de la vieille Rome, la déposition de croix à la crypte de la cathédrale d'Aquileia43 ou même à la très "moderne" crypte d'Anagni44.
18Assénons fermement qu'il s'agit bien de notre regard car le questionnement doit rester du côté de l'historien et nous perdrions à pasticher une problématique d'époque. Il faut rester au xxème siècle actuel, du côté contemporain où se situe notre question. Car toute histoire est contemporaine à l'historien qui la dresse, toute histoire est historié. La science n'est plus positiviste et ne croit plus appréhender à bras le corps le réel direct. Nous construisons de notre mieux un modèle approché et contrôlé par un retour permanent aux œuvres, textes et ici aux objets visuels. Vouloir prétendre retrouver la problématique du temps étudié, son langage intérieur et sa vision serait sombrer dans une terrible illusion. Nous sommes en effet marqués de ce qu'ils ignoraient et inversement. Les mots d'époque, la parole écrite qui nous en reste, sont des termes de signification ordinairement douteuse et inadéquate à l'exactitude de notre univers de précision taxinomique. La distinction entre seigneurie et féodalité, si évidente dans la donation de saint Louis à l'abbaye de Sainte-Marie en Gouffern45, y demeure implicite et n'a jamais été formulée aux époques considérées. Il y aurait faute historique d'incompréhension à faire passer uniformément à l'ordinateur le mot fief dans Guillaume de Dole où J. Renart traite d'une fonction et pour le duché de Bourgogne comme pour un acte du xième siècle46. Les trois significations distinctes de ce mot unique sont un clin d'œil des textes à 1 historien averti qui les explicite distinctement.
19En matière de couleur, c'est net : les mots de toutes les hautes époques d'avant Pline jusqu'aux encyclopédistes du xiiième siècle, ne décrivent pas des nuances mesurables mais des sentiments subjectifs et des symboles variables. Pour nous en tenir à notre couleur test, blau ou bloi s'étendent du doré fauve par le blond à travers tel bleu, jusqu'au noir47.
20Les pluriels buissonnants de la Geschichte, la Histoire en réelle évolution, s'atteignent et se répercutent mais ne se décalquent jamais dans la méthode réductrice d'une science, la simple histoire.
II- L'épiphanie de l'Azur
A.- Plusieurs
21L'émergence du bleu éclate à Sant'Angelo in Formis puis se répercute en écho de Winchester à Chartres de 1072 à 1170.
22La révolution de Canossa où, l'esprit vainquant le sabre, naquit l'Europe, n'en était encore qu'à distiller ses facteurs préalables, la réforme ecclésiale, qu'une de ses flèches s'élança vers le sud. Rome vient de couper brusquement l'antique élongation de Constantinople (1054) et face au monachisme basilien orthodoxe pousse sa plus prestigieuse force méridionale, l'abbaye du Monte Cassino. A la conquête du mezzogiorno de la Grande Grèce, l'abbé Desiderio fit accomplir à Sant'Angelo in Formis une série de fresques48. Sa propagande mystique y mêle des éléments romains, ottoniens, byzantins sur une trame picturale et spirituelle dynamique de cette rude naïveté qui caractérise toujours l'occident. Exprès ou non, l'hiératisme brun de la méditation y recule devant l'éclat de la couleur où, quoiqu'abîmé, domine le bleu vif. Comme à la mezzadria à livello qui libère alors le paysan toscan, comme à la poblacion autogérée qui se bat librement face à l'élitiste Islam andalou, alerte et légère comme printemps, naît ici l'Europe ; le bleu en est la marque.
23Certes, l'Europe était préparée. Dès le bronze au IIème millénaire avant notre ère, une unité de culture s'étale d'Ibérie en Pologne au nord des Alpes et ravitaille en invasions renouvelantes, de Mycènes aux Hyksos, presque tous les Orients49. Mais ce système, vaincu par les cités et empires de Pasargades à Rome, ne s'épanouit pas en structure de civilisation. Auguste échoua avec Uarus à conquérir la Germanie, à unifier l'isthme Baltique/Mer noire et si Charlemagne recentra le résidu d'empire sur le Rhin, ce ne fut pas un succès. Tous ces éléments, et divers autres orients pénétrèrent enfin dans un corps nouveau, une structure neuve à la fin de l'xième siècle. L'occident avait servi de colonies aux empires et de terrain de parcours et destruction à leurs barbares sans être une entité. Voilà maintenant qu'il se lève en civilisation particulière. Elle est marquée par la diversité des langues neuves et des patries de peuples contre tout esprit d'empire araseur. Meilleur climat, meilleure technique de traction et labour, meilleure agriculture et alimentation, libération des serfs et développement de l'artisanat et des franchises urbaines comme villageoises, tout est liberté dans l'unité de la foi. L'Europe est née, bleue50.
24Volontairement imitée de la Rome paléochrétienne51, la fresque surtout des églises romaines s'acclimate dès lors à ce bleu que la révolution grégorienne a inventé et peut être voulu : San Anastasio, Santa Croce in Gerusalemme, San Pietro à Tuscania52. Le mouvement gagne vers le nord en encerclant de nombreux ilôts de résistance et il suffit de comparer Saint-Chef à Berzé53 pour savoir quand passe le flot, avant 1158 et après 1070, probablement par la vallée du Rhône. Il atteint vite l'Angleterre où Geoffroy Plantagenet voué au rouge mérite une magnifique plaque funéraire d'un bleu de Winchester développe ce jeu de la nouvelle couleur comme aucune autre54. Les vitraux enfin dont il nous reste peu de témoignages anciens se mettent à prier, à partir de Suger à Saint-Denis dont le texte explicite cette saphirina materie55. Chartres dont la cathédrale est un peu mieux conservée et moins remaniée possède aux verrières du chœur près le croisillon sud notre célèbre Notre-Dame de la belle verrière dont les bleus célestes sont datés d'avant le grand incendie de 1194. La victoire du bleu et de sa qualité esthétique est désormais irréversible ainsi que son symbolisme par la suite déployé, qui est mariai. Ceruleus marie humilitas56.
25Les premiers balbutiements du blason ne sont peut-être pas de 1128 et de Geoffroy Plantagenet57 mais de la seconde moitié du siècle ; et l'azur ne les caractérise pas immédiatement. Mais la couleur des armoiries où l'azur est bientôt le tiers à lui seul envahit en un siècle et l'écu et l'esprit de la mort en bataille à la fête et au tournoi ; de la continuité lignagère à l'affirmation communautaire des villes et "mestiers"58. Une mutation de sensibilité a sûrement présidé à une aussi radicale révolution : c'est l'apparition d'un regard, nouveau depuis six millénaires. La révolution commerciale du xiième siècle est en effet, hors de toute considération subjectivo-littéraire, la seule coupure de taille de l'histoire entre la lente révolution de l'agriculture néolithique et la récente révolution industrielle59. Il y a fallu naturellement une révolution technique. Karl Marx a heureusement balayé les miasmes de l'idéélisme et nous a ramenés à l'incarnation, à la réalité matérielle qui porte visiblement l'esprit. Même si un nouveau goût appelle ce bleu neuf, la révolution alchimique le permet : le bleu rare de toutes antiquités était une pierre des déserts irano-afgans, le lapis-lazuli broyé. Introuvable à l'ouest, il y est devenu plus cher que l'or même60. Tandis que l'oxyde de cobalt que savent à peu près trafiquer et bricoler les judéo-musulmans d'Espagne et de Salerno est d'un prix accessible. Le développement du pastel autour de Toulouse et de la waide ou guède qui est au nord la même plante tinctoriale, accorde la même facilité aux étoffes. Les deux origines, avec des procédés divers, aboutissent sur parchemin à la disposition des enlumineurs. Toulouse avec ses coques de pastel devint pays de cocagne et les waidiers d'Amiens conquirent la municipalité et le bourgmestre maître des waidiers fut un des parrains financiers de cette plus parfaite cathédrale61. Il fallait ce support concret à notre révolution du bleu, à la victoire de l'azur.
26La lettre accompagne la matière et l'esprit. Roland est à peine coloré62 et le Tristan de Béroul guère davantage mais Chrestien de Troyes passe d'un Chevalier au lion ou d'un Cligès bloe c'est-à-dire blond à son Erec et Enide où s'explicite l'azur63. Les romanistes de notre colloque ont mieux et plus largement étudié ce sujet et ces textes ; ce que l'historien se doit d'y ajouter relève simplement de son métier, la périodisation. Le moment et l'importance des ruptures temporelles ne relève en effet pas de l'analyse textuelle mais ne saurait se faire sans elle ni sans les objets plus ou moins archéologiques et esthétiques. Il y faut encore un comparatisme avec les mondes de l'oralité car notre xiième siècle était bien plus fort d'oralité que de sa superbe littérature. Enfin tout l'écrit n'est pas littéraire et se développe alors comme un feu la lettre didactique et scolastique. Le grand tournant, celui du bleu clair désormais préféré se produit en plusieurs mouvements décomposés. La technique et la propagande semblent avoir eté premières, dès la fin du xième siècle. Le goût et l'art, la mutation de sensibilité esthétique accompagne ou suit de près ; et la littérature qui naît en langues romanes puis nordiques. La pensée des écoles et des spécialistes a pu précéder ou être en prise avec tel programme d'enluminure ou de vitrail ; elle ne s'est pas exprimée formellement en manuels et ouvrages réflexifs avant le xiiième siècle en définitive.
B.- Théophile, Vincent et les autres
27Le nouveau discours cependant affleure chez le célèbre Théophile qui profère que l'azur éclaire64 mais se préoccupe de technique plus que de choix et de cuisson comme de méthodes davantage que de sensibilité. Chez les théologiens mystiques, Hugues de Saint-Victor proclame la signification céleste du bleu de saphir, du bleu argenté, du bleu clair et il doit être l'un des premiers à ce degré de clarté sapphirino colore superfunditur quia celi speciem… color enim niueus sapphirino mistus.
28Trois quarts de siècle plus tard, un dominicain du couvent de Paris qui fut bibliothécaire du roi Louis IX, frère Vincent de Beauvais, fut aussi le plus grand des encyclopédistes. Sans nul doute, il fut commensal au couvent de Saint-Jacques de Thomas d'Aquin et son Speculum atteste l'unité d'école et de méthode. Une conversation entre eux est évidente au texte de ces chapitres qui sont une véritable disputatio où s'avance pour la première fois la formulation péripatéticienne franche et nette des solutiones. Vincent traite longuement de couleurs en son Speculum naturale, miroir des sciences naturelles, encyclopédie d'histoire naturelle. Comme un vrai scolastique qu'il est, il part de la création de la lumière car le péripatétisme a totalement gagné et la couleur est un accident de la lux, invisible la nuit, à la superficie des corps. Diverses déterminations logiques ou concrètes s'expriment au fur et à mesure que la disputatio avance avec son jeu de pour, contre et solution où plusieurs formules neuves paraissent si proches de celles de Thomas d'Aquin ; l'hypothèse d'une liaison intellectuelle en est confortée. Vincent traite ex professo le sujet en paragraphes et chapitres entiers mais Thomas qui l'effleure à propos de sujets théologiques s'exprime plus fermement selon son style personnel. Extremitas perspicui accipitur ultimum eius tangens rem coloratam et in actu luminis immiscens se superficiei écrit Vincent. Thomas clarifie lumen autem comparatur ad diaphanum sicut color ad corpus terminatum65. Après avoir écarté les erreurs contrastées, la génération des couleurs s'étudie au de Sensu et Sensato d'Aristote et Vincent parvient à la multiplication par le froid et le chaud à partir du blanc et du noir à une échelle de variété qui refuse l'énumération simple en sept nuances. Il dépasse ensuite symétrie et asymétrie et déclare qu'il s'agit d'une échelle soit arithmétique soit musicale et sensible. Aristote a gagné : tout est devenu échelle numérique, sans cesser d'être une esthétique66. Le bleu non nommé pourrait bien être l'un des verts accusé de variété67.
29Cette summa pour artiens des matières profanes à l'usage des débutants est branchée sur la méthode de la questio et n'est plus triuialis ni quadri- mais traite de substance-accident de lumière et de décomposition par les nuées selon la mise au point de l'environnement dominicain. Depuis que Grégoire IX avait traité l'université de Paris de mère des sciences parens scientiarum, il l'avait aussi encouragée à s'enrichir des dépouilles des païens, de la logique d'Aristote68 et un quart de siècle de Guillaume d'Auxerre et Guillaume d'Auvergne, Philippe le chancelier et Alexandre de Haies à maître Albert avait fait une tradition et une démarche qui est celle du couvent de Paris. Avec le Lycée, on classe et on rationalise, on taxinomise et on compare. La musique et l'ouïe, l'odorat et le goût, le son et l'écho, le grave et le léger etc. sont ainsi mis en relation pour déboucher sur un tableau général du monde et des connaissances. Summa, encyclopédie ; mais Vincent passe à côté du bleu.
30Hugues de Saint-Cher par contre l'a saisi brièvement au passage. Frère prêcheur parisien mêlé au travail et aux querelles et aux affaires de Paris et de la curie où il est maintenant cardinal, Hugues écrit safirus cuius color sereno celo similis est percussus radii solis ardentem emittit fulgorem. En contraste avec fucus color est adulterinus, il insiste sur une relation du bleu céleste à la flamme : misericordia quod significat ceruleus color iridis qui coniungitur igneo69. Cette symbolique ancienne relève de la génération précédant celle de Vincent et de Thomas mais l'échelle de l'iris est à la mode dominicaine. Dans la foulée des maîtres de la science expérimentale Albert ou le franciscain Grosseteste, c'est cette école qui élucida la véritable nature de ce "météore" par Thierry de Freiberg70. Quant à la découverte du bleu azur, il y eut encore des ressauts mais la progression ne s'arrête plus et l'irréversibilité du mouvement se révèle chez Froissait ou Machault71 comme à la liste des 14 couleurs du Cœur d'Amour épris72. Les antiquités rouges sont bien finies.
III.- Thomas
31Nous avons sauté dans le dernier rectangle de la marelle, le ciel, qui est azur. Mais pour sertir le saphir de saint Thomas d'Aquin, nous allons dessiner les griffes et tout ce qu'il écrit sur la et les couleur(s).
A.- Théôria : théorie de la couleur
32Maître à penser de son temps le plus célèbre, et de nos jours encore, ce professeur peut passer pour médiocrement original car sa formule nette résume souvent ce que les érudits ont atteint avant lui73. Mais son attitude dépasse d'ordinaire ce manque d'intérêt du théologien pour la science comme du philosophe pour l'antre de l'alchimiste. Il a compris enfin Aristote qui est soleil de ce firmament, au plus près du texte quitte à s'en écarter parfois pour un autre regard. L'intérêt de Thomas est en son épistémologie. Il reprend la notion de couleur au point où la seconde scolastique l'avait portée. D'Anselme à Abélard et de Chartres à Saint-Victor, la première scolastique avait fondé méthodologie et problématique. Depuis le Latran IV (1215), les Guillaume, Philippe, Alexandre déjà nommés et les dominicains Orlando da Cremona, Guerric de Saint-Quentin, Albrecht von Bollstaedt, ont pratiqué une deuxième scolastique plus érudite et plus intense, plus scientifique. Thomas lui-même semble bien avoir été le maître de la disputatio, de la ferme charité dans la questio et de la sereine fidélité dans la determinatio74.
33La couleur donc est un accident de la superficie des corps qui rend visible la substance que la quantité rend préhensible. La lumière en est le jeu premier facit colorem esse ; lux hypostasis coloris et perfectio75. Notre auteur a distingué ailleurs posément et solennellement lux et lumen76 et précise désormais une formule digne en sa perfection de devenir classique : duplex coloris principium unum quidem formale scilicet lux, aliud materiale scilicet perspicuum77. Perspicuus signifie seulement le transparent, le diaphane et vient du texte même d'Aristote. Toutefois la réflexion des expérimentalistes comme Albert ou Grosseteste conduit à un renouvellement que notre théologien connaît et cite. La brûlante question de l'iris était au milieu du siècle en pleine mode intellectuelle dans la recherche fondamentale. La goutte d'eau qui déploie les diverses couleurs est moins transparente que l'air mais, traversée, elle décompose le rayon solaire et joue dans l'épaisseur en réfraction ; la superficie n'est donc plus seule définition. Suivant probablement Albert, Thomas qui n'est pas homme de technique formule ici un progrès de clarté. Il bénéficie de la discussion avec frère Vincent dont le Speculum est paru avant sa Summa et ses principaux commentaires qui datent parfois de son retour en Italie78. Il a aussi l'avantage de ne jamais traiter ex professo mais en théologien qui en comparaison passim frappe une formule ciselée. Ses commentaires d'Aristote ou de la Bible sont des explications scolastiques de texte où l'essai personnel s'insère en marquetterie dans le fil diégétique. 1450 occurrences du terme color condensent ainsi sa pensée plus commodément que celle de Vincent en paragraphes pour étudiants. Finalement Thomas dispose d'une ampleur intellectuelle et matérielle supérieure : Vincent a 15 chapitres en 11 colonnes et l'Index thomisticus accorde 55 colonnes d'in-f° à la seule citation des occurrences79.
34Il s'agit de couleurs réelles, dans l'air, au mur ou in tabula depicti80. Table à assembler la verrerie cuite ou parchemin sur le pupitre peuvent à la rigueur traduire tabula uel pariete où Thomas oppose fresque et table. Mais Théophile présente autrement le verrier et l'enluminure, ne se dit pas depictus ; sommes nous devant un chevalet ? Il s'agit donc de couleurs réelles qui changent quand on approche et dont on ne peut jauger les nuances selon les dires car certains ont les yeux chassieux lippos81. Les couleurs dans l'air se distinguent de celles que pratique l'instrument artificiel82. En littérature les couleurs sont rhétoriques comme au livre de Job ou aux lamentations de Jérémie, simples topoï83. Tandis que la couleur réelle est une species optique. Un homme petit - notre saint était ample - peut cependant être beau s'il est bien proportionné et que sa coloration lui sied84. Cependant ni animaux ni hommes ne diffèrent d'espèce par la couleur85. Le réalisme ne bloque pas le symbolisme mais le rend discret et contra turpitudinem coloris uermiculus qui habet uiuum colorent n'est pas une morale de turpitude mais une évocation de la cochenille pour raviver les rouges86.
35Système optique méritant une science87 la color demeure poésie : cognitio completur per amorem sicut imago perficitur et uenustatur per colores88. Le rapport imago-figura traverse toute l'œuvre et caractérise toute la démarche et sous-tend tout un système de comparaison des échelles sensorielles89. Le goût du doux à l'amer, le livide et le noir, le son et l'écho, le grave et toute mensuration aboutissent à la caresse car le chaste Thomas déclare que le toucher est le sens suprême90, le plus intime91, le plus intellectuel92 et le plus délectable jusqu'au Paradis93. Tact. Toutes les échelles de médianes à extrêmes sont au Lycée une grammaire logique allant à l'immatériel car la volonté est mue par le bien comme l'œil par la couleur et toute figura est une emblématique94.
36L'art cependant ne fera jamais de couleurs aussi pures que la nature ne les donne aux fleurs95 pas plus que le diable même ne saurait faire imaginer les couleurs à un aveugle-né96. Le naturalisme réaliste du Lycée exige ici, après le tact et l'imago, une autre digression, celle du temps ; le bleu de Thomas s'insère ainsi dans tout le métal de sa pensée : même si l'on se sait voir après seulement, la vision est simultanée à l'illumination de l'objet97. Tempus non sentitur quasi aliqua res permanens proposita sensui98 sicut uidetur color, magnitudo99. Defluxionem et tactum… sequitur tempus esse100. Thomas relie toutes ses échelles et met le temps (et l'histoire) au centre de sa réflexion101 mais pas comme catégorie de sensibilité. Le réel du temps comme de la couleur l'emporte toujours chez lui sur le connaître que l'on en peut prendre. La fumée fait ainsi varier la couleur de la flamme et quand on s'habille, on cache la couleur de l'objet par celle du tissu102. Les couleurs en symphonie l'emportent sur les inordonnées et sont délectables103. L'art est un réalisme et si Kant avait lu Thomas, il n'aurait pu imaginer une raison pure idéelle décollée du vrai.
37L'épiphanie des couleurs selon l'expression pythagoricienne n'est pas fantasma104 mais échelle de proportion numéralE105. Entre les extrêmes définis du blanc et du noir, s'étirent les jaunes, rouges, fauves, verts, bleus, indigo et violets sans compter nuances et mélanges. Le noir même s'organise du foncé à l'obscur et aux ténèbres où l'absence de lumière est non-couleuR106. Or le noir est par ailleurs simple foncé regroupeur de vue que le blanc disgregatiuus fait diverger107. En vérité l'échelle est donnée par l'iris, cet arc que les hommes de laboratoire travaillaient alors avec passion et dont la gradation rappelle son et écho108. C'est un jeu du soleil dans les gouttelettes de vapeur109. Un seul rayon au centre se disperse en diverses lignes par la disposition du nuage110 : Thomas tâtonne vers la solution explicative de son futur frère Thierry et distingue à peu près réflexion et réfraction111 mais surtout montre que l'humide fait de la couleur en profondeur interne et plus seulement en superficie. On butte sur miroir et réverbération mais la science de cet arc dépend de la perspective, partie de géométrie : le physicien cherche quia et le géomètre-perspectiviste propter quid112. Cet iris annonce la pluie ou sa fin sereine et n'est symbole qu'une fois113.
38Les diverses couleurs s'obtiennent par mélange, deux donnent une troisième114 ou par superposition supernatatio115. Le premier cas est du côté de Théophile artifex broyage et mixture intermédiaire ; le second montre le peintre repassant son pinceau en divers godets. Ces couleurs mixtes ont divers contraires, ceux des simples qui les composent, comme la passion composite de colère : Thomas métisse à sa numération des couleurs une nouvelle échelle, spirituelle116. Tout le système péripatéticien rompant avec les appellations littéraires verbo-subjectives est en marche vers les symétries mesurables. Du monde néolithico-antique de l'à peu près, nous entrons dans l'univers moderne de la numération, fiable taxinomie.
B.- Théôria : procession des couleurs
39Le blanc qui se rencontre en près de 2 700 occurrences représente chez Thomas beaucoup de notions. Résultat d'une mutation, d'une altération ou d'une transmutation117, il est parfois l'inverse du noir comme le jour de la nuit ou la lumière des ténèbres118 mais sans changer d'espèce car la variation pour un homme d'être blanc ou noir lui est matérielle et non formelle, accidentelle et non de substance119 ; être blanc n'est pas être non noir car il y a d'autres catégories120. Le cygne candide et le soleil plus chaud qui dépasse la couleur ignée sont blancs121 comme s'habille le pape, symbole de bonté122 ; sans confondre blancheur et douceur car symbole n'est pas mesure ni échelle123. Entre les doigts du peintre c'est la perfection de la couleur. Le sous-blanc pallidus est parfois mal vu124 et disperse ; il le faut achevé maxime receptiuus aliorum colorum oportet quod sit candor sine macula car ce premier degré de l'échelle est analogué de Dieu regula et mensura aliorum colorum, et deus omnium entium125.
40Le noir apparaît 710 fois presque toujours en relation avec le blanc ou l'échelle. Symbole du sombre, de la nuit, du caché et du dissimulé, voire du mal, lié à la nigromancie, il est en réalité concentreur de vue et producteur en composition de toutes autres nuances126. Simple poste logique en procédé de raisonnement si socrates sit albus et plato niger, il est degré dans l'échelle le sous-noir liuidum se habet ad nigrum sicut salsum ad amarum127.
41Le citrinus ou alurgon n'a que 5 occurrences et provient du bois cedrina de citronnnier ; il ne pourrit pas facilement et garde la couleur128 comme il est odoriférant. Sa couleur, plus proche du blanc que le puniceus est sentie comme un rouge clair en proximité avec la vieille idée trichromique. Le fucus à 7 occurrences est un rouge alors que l'antiquité en faisait un pourpre foncé129. Devenu rouge clair, le voilà fort proche du blanc puisque pars que desinit esse alba fit fusca uel pallida130. Couleur du milieu, il est blanc en comparaison du noir et e conuerso131. Le langage précédent affleure chez le péripatéticien et le concept de nuance définie sur une échelle numérique est une conquête récente qui achoppe en cette marche langagière entre deux formulations. Thomas règle le passage de structure, le transfert de la trichromie néolithique à l'indéfiniment divisible de la modernité numérante, du continu au discret, cruel Zénon.
42Le vert est avec l'azur plus près du noir dans le système. Il ne présente pas en 25 occurrences la même hésitation que dans la littérature coloriste du temps : Thomas n'a pas comme tout le monde confondu vair et verd132. Ce jeu de mot francien permettait de plaisanter sur le vitrage et la fausseté des mauvais aux couleurs indécises et mélangées. Du cheval pommelé à la fourrure de l'écureuil, notre ancienne langue voyait un rapport inexistant qui atteste de la survie du langage inexact d'une symbolique aux variances imprécisables allant jusqu'à désigner poli et luisant. Notre maître italien est latin et uiridis133 désigne le végétal, le bois vert qui brûle moins bien que le sec et fait de la fumée134.
43Couleur claire et pâle plus proche du rouge médian que du noir sombre135, le vert, moins clair que le rouge et le blanc136, est obscur s'il est regardé à travers un verre coloré137 ; notre vert-bouteille ? Couleur normale de la nature, de la végétation printanière, de la fraîcheur et de la jeunesse138, couleur imparfaite, le vert se mûrit en rouge139 franc ; comme tous les obscurs, proche de la nuit, il nous rappelle combien le noir est couleur et non cette absence de lumière des ténèbres qui conviennent au mal140. L'humidité cause ce vert végétal réel que l'été assèche en jaune ocre dans la Méditerranée natale de notre poète qui peut-être eut dit été rouge141. Du même climat, la palme se conserve verte, chez les antiquos142 signe de victoire attribué aux triomphateurs143. Mali christiani uiriditatem aliquam habere uidentur se peut alors comprendre comme une puissance à sécher ses péchés et à "rougir" au soleil du Christ car rouge convient à la uerecundia et le printemps en spiritualité n'est qu'une donnée initiale144. Le sens ordinaire du jaune et du vert symbolise à l'inverse le désordre et accompagne les grelots du fou145.
44Les rouges sombres se comptent avec violets et indigos une trentaine car un seul passage d'ordinateur est répété à deux termes différents et les mots varient comme hyacinthus : pris en objection, il exprime l'inverse de la pensée de notre auteur et doit être rejeté hors de la présentation de son opinion ; d'où le flou certain des nombres146. Les nuances de ces couleurs se lient expressément aux Indes où mûrissent pierres précieuses et plantes tinctoriales au bout d'un cheminement infini147. Hyacinthus signifie d'ordinaire la méditation et sa fleur colore étoffes et peaux148 tandis que la grenade violette mala punica, pomme carthaginoise, marque l'unité de la foi149. Quand le rouge désigne l'empyrée des anges, hyacinthus symbolise le ciel de la Trinité et le pallium de cette teinte signifie celesta mysteria, conversation céleste150. Comment ne pas reconnaître l'ancien statut du bleu qui a toujours désigné le ciel et durant six millénaires a été vu sombre ? Les cieux tragiques de toutes antiquités sont fermés. Depuis le Christ, le ciel est ouvert et clair. Il a fallu un millénaire et l'invention d'une civilisation nouvelle pour qu'artisans, écrivains et penseurs s'en avisent et décrivent, peignent et symbolisent cette nouvelle façon. A moins qu'avec un réalisme à la Karl Marx, on ne suppose qu'il a fallu d'abord la clarté du climat et le mûrissement des blés en nombre avec meilleur attelage et donc moins de travail, pour que cette neuve civilisation y voie plus clair et puisse s'abandonner à la joie sereine d'un ciel d'azur.
45Les vrais rouges, ruber, rubrus etc., couleur de la pudeur et de charité vont avec la pureté et une bonne centaine d'occurrences nous rappellent l'ampleur de l'ancienne préférence à la limite des deux langages : et l'importance comme la variété des nuances151. La pourpre provient de coquillages marins et s'accompagne de synopide, de puniceus152 et même d'aurigineus où nous verrions du jaune d'or. Mais tous les sub- de Vincent nous ont habitués à chercher plutôt dans les mixtures de Théophile que Thomas retrace en passant : mouiller toute couleur à l'eau la lave et la diminue153. Purpura lié à purus est clair et plus près du blanc, vêtement de riche qui proclame une emblématique des passions154. On la fabrique aussi à partir de la cochenille coccoque bis tincto ou dans une transparence noir et blanc. Cette supernatatio irréelle répète seulement l'ancien langage où le rouge était milieu fantasmatique des deux extrêmes ; Thomas ne broye pas et répète n'importe quoi. Il est vrai que c'est un commentaire d'Aristote l'ancien155. Le pape autrefois s'habillait en pourpres et soies comme rois156. Le pallium pourpre signifie ornatus uerborum et involué au sens supérieur, donne inuolutio spiritus157.
46Aurigineus est un noir mêlé de rouille rubedini et convient aux coléreux158. Rubeus est couleur flamme et s'accompagne d'un subru-beus. Le soleil, la lune et les autres astres apparaissent punicea in ortu et occasu et quasi subrubea159. Puniceus i.e. rubicundus, puniceus aut purpureus, il y a vraiment beaucoup de rouges160 et par hasard une autre nuance encore pointe chez le théologien : ex sardio qui est rubei coloris accendens animum ad gaudium et acuens ingenium161.
47Les pers et la perse, si importants dans la littérature colorique du francien des xiième et xiiième siècles162 s'y étirant du rose et des reflets verts aux bleus et fer clair, sont absents du texte thomasique. Cela renforce la présence apparemment très faible des bleus qui n'ont malgré quatre mots, safir, cyarium, cyaneus, ceruleus, que six occurrences. Mais quels textes décisifs !
48L'émergence des bleus date des xii° et xiii° siècles mais sa marée balbutie encore163. Issant sourdement aux côtés du vert d'Innocent III, le bleu se met timidement et sans bruit à la première place un siècle après la découverte de Suger et d'Hugues de Saint-Victor, un siècle avant son affirmation par Froissait et Machault164. Sapphyro pulchriores qui quidem celestis color existens mentem letificat165. Le bleu n'est plus seulement couleur céleste mais la plus belle. Saphiro qui est celestis color qui etiam pretiosus est propter multas uirtutes que habet nec refert quod166. Si neuf et fragile qu'il soit encore, le bleu, entendez le saphir d'azur, est devenu le roi des couleurs. Il est aussi le bleu du roi et désormais forme à l'écu de France l'imprescriptible champ qui porte le trine lys d'or, comme le firmament d'azur porte les astres et le soleil d'or de Dieu.
Conclusion
49Nous constatons peu après l'an mil une mutation de la civilisation, de ses techniques et symbolismes à sa sensibilité mais dans la seule Europe. Cette révolution met fin à 40 millénaires de peinture pariétale majeure et à six mille ans d'un système rouge-blanc-noir commun. La naissance des échelles numériques depuis sans cesse précisées a pour gamme naturelle l'iris et pour prince charmant le bleu azur.
50Corruptio illius generatio alterius. Avant Lavoisier, Thomas d'Aquin a formulé cette logique d'histoire générale et occupe en formulation brève, la place décisive en cette épiphanie de l'azur numéré. De 1070 à 1315, de Sant'Angelo à Giotto qui répercute les colorati fiori du cantique des créatures167 le bleu a pris son envol et culmine en équilibre dialectique avec les rouges aux vitraux de la Sainte-Chapelle168 contemporains de saint Louis et de saint Thomas. La récession qui s'étire d'avant la grand'peste jusqu'à la révolution industrielle du xviiième siècle et cette industrie même n'y changent plus rien. Le bleu gagne de 35 à 50 % des réflexes de civilisation. L'ancienne école néolithico-antique, écrite de Pline aux langues romanes et exprimée en couleurs des tombes égyptiennes jusqu'à l'art "roman" était une symbolique morale ; et les mots de désignation partaient des arts artisanaux, pierres, plantes et animaux tinctoriaux pour aboutir à leur vraie finalité d'allégorie littéraire. On allait de l'infra-sombre à l'ultra-brûlant dans une visée esthético-magique. De cette polysémie allusive et subjective, on passe à l'échelle numérique d'une taxinomie ; et des couleurs plates de la fresque qui n'en finit plus depuis 4000 ans, on passe au chatoiement de la naissance des feux doux. La surrection du clair, l'émergence des bleus francs, l'épiphanie de l'azur sont la surrection même de l'Europe neuve. Elle n'existait pas comme structure vivante et autonome mais comme occident de colonisation, invasion et sous-développement. Elle naît bleue et depuis les cosmonautes, bleue est la planète qu'elle centre depuis mille et une années. Les empires glissés au couchant sont venus s'y "rouler dans le linceul de pourpre où dorment les dieux morts". Des mille et une pierreries des orients, un seul diamant resté inaltérable, arc aux mille et une couleurs, brille d'un feu d'azur quia per iridem significatur Christu169.
Annexe
ABREVIATIONS
ordinaires : Arch(ives)/ cf : confert/dic(tionnaire)/ éd, ed : édition.
ATH M.M. DUFEIL, Afrique, Taxinomie, Histoire, Cahiers Congolais d'Anthropologie et d'Histoire, 1981 et 1983.
CFMA Classiques français du Moyen Age
CG Contra Gentiles (œuvres de st Thomas : Sensu pour In de…)
CICBA Centre international des Civilisations Bantu (C. d'Études)
DEMUS O. DEMUS, Peinture murale romane, Flammarion 1970 in-f°
EU Encyclopaedia universalis
FC Michel PASTOUREAU, Figures et Couleurs, Léopard d'Or 1986
HS Michel PASTOUREAU, L'Hermine et le Sinople, ibid. 1982.
Id du même/ibid même œuvre/ inf infra/ sup supra/ s siècle
IRIS International Research on Imagery and Sight (C. d'Études)
IT R. BUS A sj Index Thomisticus, Frommann 1970-80 (49 vol.)
ms manuscrit / n note/ p page/ sv suivantes/ vat Lat Vatican Latin
NH Caius Plinius Secundus, Naturalis Historia premier siècle
OTT A.G. OTT, Etudes sur les couleurs en vieux français 1899
pc présent colloque / st saint etc. / sj jésuite
PG, PL, Patrologie grecque. Patrologie latine (abbé Migne)
SN Speculum Naturale de Vincent de Beauvais = VB
UF Univers des Formes, collection d'art Gallimard
citations ordinaires Gen 6, 2 = genèse chapitre 6 verset 2 etc.
pour st. Thomas 1 a 45, 6 ad 2 = Summa theologie I questio 45 article 6…
riposte à l'objection 2 2 S 45 = distinction 45 2e Sentences
Notes de bas de page
1 Etudes d'Hist. religieuse 1863,67,272.
2 B. BERLIN + P. KAY, Basic Color Terms Berkeley 1969. FC 15, 23, 35, 51, 53, 193 sv. HS 127-48. Id. Traité d'Héraldique 102-03 : pourpre = gris.
3 G. DUMEZIL, Rituels indo-européens 1954, 45-61 cf FC 21 n 18.
4 Idéogramme empereur, verticale axant trois horizontales (terre à ciel).
5 ATH : expérience africaine ; id. trois profondeurs de l'oralité africaine in Rivista internazionale di storiografia 6 (1984), 45-61.
6 NH 21, 12 serotini post arcturum ; 21, 73 prodest uulue et dysenteriis.
7 NH 2, 16(18).
8 NH 21, 5 (11-17) ; 18 (63-75) etc.
9 Nh 35, 42 (12).
10 NH 35,43 sv(6-12 à 20).
11 NH 35, 12(6).
12 NH 35, 29.
13 Etymologiarum 19, 28 = PL 91, 679 (8), 466. Tinctura uestium 695.
14 Ibid. (7) ni emplâtre ni remède : col 657, 676-9, 695-6.
15 Ibid. (5). Cf 676, 17 (2), 679 (22).
16 A. COUPEZ et Y. BASTIN, Musée Tervueren ; à Libreville le CI. CI. BA.
17 F. GAFFIOT, Dict. Latin-Français, Hachette 1934, 240 b (Cicéron, César, Lucrèce, Horace, Ovide, Virgile, Vitruve, Sedulius, Fulgence). Cf Pline NH 10, 89 et 21, 48 cyaneus, cyanosé.
18 A. PARROT, Sumer UF 460, 254-59 p. 270 sv. J. LECLANT et alii, Pharaons UF I, 71, 77 (bleus verts) ; II 247, 267 bleu léger = lapis lazuli incrusté ; III, 257 sombre. G. BOVINI, Ravenne 1977, 66-68. P. DEMARGNE, Naissance de l'art grec UF 93 p. 91 : ocre.
19 H.J. SCHNUBEL, Pierres précieuses ; EU 7 ; 528 c, 532 a, b. inf n 59.
20 F. DUTRIPONT, Bibliorum Concordantiae : albus, ruber rufus purpura hyacinthus sinopis color etc. absence des bleus.
21 Sermo 110 c. 5 cf D. LENFANT, Concordantia I-II, purus etc.
22 PL 158, 484-86 : Uerit 13 ; 578-80 de grammatico (19-20) ; de fide Trinitatis 2 col 263-65 : albus.
23 PL 183, 409-13 epistulae 20-24 (220-22). M. PASTOUREAU, FC 35 n 2.
24 Bulletin Monumental 141-i (1983), 109.
25 PL 217, 799-802 de sacro altaris mysterio I, 25.
26 M. PASTOUREAU FC 43 n 9 et n 29.
27 Pseudo-Denys, Hiérarchie céleste PG 3, 119-370. M. RESTLE, Byzantine Wall Painting in Asia Minor 1967 II, 1 249 ; III 377, 52.
28 A. GRABAR, Art Moyen-Age Europe orientale Albin Michel, 93.
29 Ibid. 71.
30 J. HUBERT, Europe des invasions UF 11, p. 95 regard d'amour en ocres ; 123-25. J. PORCHER, Europe carolingienne UF 8-23, p. 10-29.
31 F.MÜTHERICH, Siècle an mil UF 186 p. 193 bleus sourds, verts ou même sales 128 p. 137 ; violine p. 195 ; 87 p. 97. Manteau d'Henri II 270 p. 269. G. DUBY, Adolescence Europe, 20-21, 69. F. AVRIL, Royaumes d'Occident UF 20 n° 305 ; 192 p. 227.
32 DEMUS 71-78 Ixvi-lxxiv.
33 Aile Paris à droite, étage supérieur, cf étages gothique et flamboyant. Saint-Savin DEMUS xlvii, li etc.
34 DEMUS 71 sv et lxviii-lxx. MUTHERICH (cf sup n 31) 185.
35 DEMUS 71 sv et lxviii-lxx. MUTHERICH (cf sup n 31) 185.
36 DEMUS xxxix.
37 DEMUS 45 sv, 169 lxxxi. MUTHERICH, 135 sv n° 127-138.
38 OTT 89.
39 OTT 54 sv, 60 sv, 91 sv.
40 MUTHERICH 172-73 pp. 188-91 Echternach.
41 Ibid 165 p. 173.
42 Ibid 177 p. 185.
43 DEMUS xxvii. Anagni xxii-xxiv.
44 Musée des Archives départementales (Orne) 87 xxxix, 166-67.
45 J. RENART, Guillaume de Dole 5410 éd. F. LECOY CFMA 1962 (fiez = service de table à mariage princier).
46 OTT 76-80, 96. GODEFROY, Dic. Ancien Français B 663. A. HARTBURG. Altfraunzôsisches Wôrterbuch 73-74. HATZFZLD id. 26077. TOBLER id. I, 1002-03.
47 DEMUS 13 sv v-xii, surtout vii.
48 J. ENGEL, Atlas zur Weltgeschichte Bayerisches Schulbuch Verlag I, 6-9.
49 ATH II, 23-28 et n 126 sv. OTT répète à juste titre "invention romane".
50 DEMUS vii, xxxvii, 79. AVRIL (sup n 31) 199 p. 235.
51 DEMUS xix, xxvii, xc. Fresques de Gurk distinguent vert et bleu.
52 DEMUS XXXIX, xl-xlii.
53 G. DUBY, Europe des cathédrales 78 (émaux). D. GABORIT, Royaumes d'Occident UF 257 p. 292, 252 p. 288, FC 64 et HS.
54 F. AVRIL, Royaume d'Occident UF 185 sv, 191 pp. 220-27. DEMUS lxxix.
55 SUGER de administratione éd. LECOY 206. L. GRODECKI, Vitrail roman 100 p. 123, 202 p. 232, 205 p. 243.
56 Aldobrandinus, Sermo 2, 53 IT alii auctores 18230, 43. J. VILLETTE, Vitraux de Chartres éd Ouest-France 1979, 81. J. GRODECKI, Vitrail gothique et Corpus Vitrearum Medii aeui : St-Denis I, 26, 37, 43, 75.
57 O. NEUBECKER, Grand Livre Héraldique 1977, 4. HS 13, 51 sv, 60. FC 89. id. M. PASTOUREAU, Traité d'Héraldique 37 sv.
58 M. PASTOUREAU, Traité ibid. 37 sv et 51.
59 D. FURIA + P. SERRE, Techniques et Sociétés coll U Golin 21, 27, 80.
60 E. PLOSS, Ein Buch von alten Farben 1962. Brockhaus Encyclopedie 11, 140. Cf supra n 19.
61 G. GASTER, Commerce du pastel Toulouse 1962. G. DURAND, Cathédrale d'Amiens. M. AUBERT, Cathédrales gothiques, 153. AVRIL (n 53) 221, 146.
62 Ed. G. MOIGNET Bordas 1969 vers 272, 1549, 2358, 3427, 3431, 3720, 3763…
63 Ed. CFMA : BEROUL par DEFOURQUES 742, 3170. CHRETIEN par M. ROQUES : C ligès 731, 1549, 5651 ; Chev. Lion index 233 : Erec 585, 2089, 2100 (azur).
64 Theophilus, Diuersarum artium schedula xii arc, xiv azur éclaire mélange couleurs, xxix peinture transparente, xl saphir. Ps-Hugo de bestiis Pl 175. 18 caput vii. G. DIGULEVILLE azurer = éclairer (n 45).
65 SN 2, 60 col 117 cf Th Aqu In de Anima 2, 14 n 7. Colores 114-26 c. 56- 71, determinatio 104 c 40, erroribus, responsio 118 c 61.
66 SN 2, 67 col 123 mensura, sequidistens, proportio, delectabiles…
67 Ibid. 122 in uiridi quoque sunt uarietates multe.
68 M.M. DUFEIL, Polémique universitaire, Picard 1972, 24-30, 56, 133 (10) 285.
69 IT alii (cf sup n 55) mot 18230, 0053-54 H. St-Cher Super Apoc 1, 10-21.
70 M.T. LORCIN pc Iris ; Diederich von FREIBERG de iride ms Basel F iv 30 ff i-57 ; Leipzig 512 f 47 ; Vat Lat 2183, 83-118. P. GLORIEUX, Répertoire Maîtres en Théologie Paris xiiie s. I, 45 p. 162-5. Id, Arts 437.
71 FC 17 n8-10. F. DUBOST pc Perlesvaus 4694, 4712, 6884-5. E. SUOMELA pc : absence de bleu au Renart.
72 J. SCHNEIDEGGER, Livre Cuer d'amour epris, pc, 109.
73 L. THORNDYKE, History of magic and experimental Science, 598-99.
74 M.M. DUFEIL, Polémique (sup n 67) 53, 90, 292, 298 + index : quodlibet.
75 Uer 8, 1. In de Sensu et sensato 6, 4.
76 M.M. DUFEIL, Speculum IRIS. 2 S 27, 1 a 2 ad 1. Sensu 6, 6. Quodl 8, 9 a 1. la 56, 2 ad 3 et 67, 3.
77 Meteor 1, 11, 6. 1 a 75, 1 ad 2. Metaph 5, 9 n 12. Sensu 6, 14-16. Causis 20 (vitre). Spir Creat 8, 8 (pupille où de même couleur vue n'est pas).
78 P.A. MALZ + P. NOVARINA, St Thomas d'Aquin 113-16. DUFEIL (n 67) 88, 284…
79 SN 2, 118-25 c. 56-72. IT 18230, 580-96 x 3 col. Metaph 4, 1, 19 taxinomie.
80 Uer 8, 4 obi 19. In aere in pariete in tabula 1 a 56, 2 ad 3 et 67, 3.
81 Sensu 6, 15 (de loin diffère de près), 3 S 25, 1 a 1.
82 Pot 3, 7 ad 7.
83 In Ierem 1,1 et 11, 3.
84 In Ethic 4, 8 n 4.
85 1a 77, 3.
86 1a 2e 102, 5 ad 7.
87 In Post Anal 1, 3 n 2.
88 de Ueritate = Uer 12, 11 ad 2.
89 Metaph 10, 9-4. FC. HS 23. M.M. DUFEIL, Imago, Journal Philosophique 13 (1987). Emblématique Bulletin Monuments 144-1 (1986) 86-90.
90 Anim 3, 3. Phys 1, 1 n 4. 1 a 76, 5. Post anal 1, 28 n 2. Sensu 11, 5 doux et amer : Uer 10, 3 chaud et froid. 24, 6 et 25, 1 le vent porte le son. sapor : Sensu 6, 3 et 5 ; 15, 1 et 9, 2 odor avec Anim 3, 17 et 2, 20 n 3…
91 proies in uentre matris 3 a 34, 2 ad 3. 1 a 76, 5 + 5//. Metaph 1, 1 n 8 Tactus.
92 1 a 76, 5.
93 4 S 44, 2 a 2 qua 6 ad 3.
94 CG 3, 88 n 2 Volonté/bien = œil/couleur. Passage de figura à color et emblématique cf sup n 88. Species humorum Sensu 11,5. Metaph 7, 3 passiones superficii : asperum et leue (âpre et lisse, rude et léger).
95 Super ev Matthei 6, 5. 95.
96 de Malo 3, 4 ad 2.
97 2 S 6, 1 a 2. Sensu 8, 5 et 16, 11 ; 18, 7. Quodl 8, 9 a 1.
98 Sensu 18, 7.
99 magnitudo In de Sensu et sensato 15,4.
100 Ibid. Sensu 8,6.
101 M.M. DUFEIL, Trois sens de l'histoire, 1274 année charnière, 815-48 Id. St. Thomas comme rupture de l'épistémologie de l'historie, colloque franco-polonais Montpellier 1987 sous presse ; et 30 articles.
102 Meteor 1, 8 n 4. Sup ep. ad Galatas 3, 9.
103 Sensu 7, 7-8-10. Beauté des couleurs In Ierem 11,3.
104 104 occurrences de cette famille de mots. 1 a 12, 9 ad 2 ; 84, 7 ad 2 ; 85…
105 Sensu 6, 13 ; 7, 7-8 proportione numerali, ordinatio numeros.
106 Sensu 7, 1.
107 Metaph 10, 9 n 10-12.
108 Post Anal 2, 17-19 ; 6, 7 ad 7. Meteor 1, 11 n 6 ? 1 a 51, 2 ad 3. Sensu 10,12.
109 Nuages et humidité 1 a 51, 2 ad 3 cf n 108 et 69 supra.
110 1 S 14, 6. 2 S 26, 1 a 6.
111 M.M. DUFEIL, Speculum IRIS 1982. Quodl 3, 14, 1. Post Anal 2, 17.
112 Post Anal l, 25 n 5.
113 cf infra n ultime 168. Quodl 3, 14 a 1.
114 Inde Sensu et sensato 7,9.
115 Ibid. Sensu 8,11.
116 1a 2e 46, 2.
117 1a 2e 67, 4 = 2 autres passages.
118 2 S 1, 1 a 2 obj2.
119 In Metaphysicam 10, 11 n 6.
120 Uer 28,6.
121 1a 2e 102, 6 ad 1. Meteor 1,5 n 9.
122 2 S 1, 1 a 2 obj 2. de Fallaciis et 10 autres passages.
123 1 a 4, 3 obj 2. Memoria 6, 8.
124 Metaph 10, 6 n 15. OTT 115. In Thren 4, 7.
125 CG 2, 95. Spir Creat 10 a 2. Metaph 10, 3 n 8.
126 1 a 23, 1 ad 3 et 7 passages.
127 Sensu 11,5.
128 Ibid. 1a 2e 102, 5 ad 5.
129 F. GAFFIOT, Dict. latin 698. H. BAILLY, Dict. grec 1145
130 Phys 6 ; 4 n 10 et 19 ; 5, 8 n 12.
131 Phys 5, 1 n 11 ; 8 n 12 ; 6, 5 n 10.
132 Sensu 11, 5. GODEFROY (sup n 45) viii, 135 a, 208 a.
133 IT 88473-88485. Malo 7, 2. Metaph 9, 1, 13. 1 a 99, 2 ad 2.
134 Meteor 2, 1 n 10. In Psalmos 17, 9.
135 Sensu 11, 5. Metaph 4, 16 n 3.
136 Spir Creat 8 ad 8.
137 Uer 1, 11 sed contra 3.
138 1 a 78, 4 ad 2. Uer 2, 4 ad 4.
139 Meteor 1, 8 n 4. Sensu 11, 5.
140 cf supra n 117.
141 Sensu 14,2.
142 M.M. DUFEIL, de antiquitate secundum Tomam, Antiquité Amiens 1982. Super evangelium loannis 12, 3.
143 Sup Ev Io 15, 1.
144 In Iob 8. 4 S 43, 1 a 1 obj 2.
145 FC 23. ROUSSEL, Sagremor, Annales 41-1 (janv. 1986) n 16-17.
146 IT 2 1 a coll 11, 41150-41213, n. 493. Altera 3, 291-94.
147 Phys 3, 7 n 2. GODEFROY (sup n 45) iv 569 sorinde. Gemma, Lapis.
148 1a 2e 102, 4 a 14.
149 Ibid. a 5 ad 1 ; a 8.
150 In Thren 4, 8.
151 Heb 9, 4. Thren 4, 7.
152 Colore rubea a civitate persarum Ier 22, 2.
153 Sensu 10,12.
154 1a 2e 102, 4 ad 4-5-8.
155 Meteor 1, 8n 3.
156 Contra Impugnantes 3,1 obj 9.
157 Thren 67.
158 Ierem 30,2.
159 Meteor 1, 8 n 2.
160 Sensu 7,9 ; 11,5. Meteor 1, 8 n 3.
161 Iob 28.
162 GODEFROY vi, 111.
163 FC 15. Sensu 11, 5 n 16.
164 FC 17 n 8-9-10.
165 Thren 4,7.
166 Iob 28.
167 Cantique frère soleil strophe 9.
168 Mme DYER-SPENCER, Vitraux Ste-Chapelle, Corpus Vitrearum medii aevi.
169 Quodl 3, 14 a 1.
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