Uniuersum secundum Tomam
Les Perceptions de l’Univers : Ed. IRIS : Colloque de Bobbio, 1984
p. 219-245
Texte intégral
1L'existence surplombe la pensée et la création déborde la civilisation. On prend ici volontairement le contrepied de l'induction augustinisante de Descartes "je pense donc je suis"1 qui a construit une idéélogie du moi ; l'inverse en est vrai que l'être est premier et penser, une opération seulement conséquente à l'existence. Un discours sans méthode, même connu, peut être faux : l'univers est plus grand que le roseau qui le pense2. Même s'il pense l'univers qui ne pense pas, un roseau n'est jamais plus grand que cet univers dont il est membre et qui comprend tous les êtres et tous les roseaux. La créature intellectuelle est plus parfaite que l'univers partiel qui la soustend et dont elle est la part la plus intense, mais l'univers complet embrasse toutes les créatures de tous les types, aucune partie n'étant plus grande que le tout. La sagesse scolastique en général et la formulation de frère Thomas en particulier sont plus vastes et raffinées que les idéosophes postérieurs, naguère célèbres, ne purent démarquer. Univers n'est pas seulement cosmos ; uniuersum comprend cosmos et anges (et âmes).
2Le concept d'univers qu'élabore un penseur se prend de l'intérieur de cet univers et se présente donc non comme un regard externe englobant mais comme une image. Aussi cette fabrication de l'homme varie-t-elle au gré de l'histoire des hommes et des sociétés. Topique structurel de l'homme, ce concept n'existe pas avant lui et se distille depuis ses origines. Si sage et si vif, le chat ne possède en effet que l'intelligence appréhensive d'ensembles limités. Il sait réunir des documents auditifs, tactiles, visuels, olfactifs dans un bouquet de sensations vers une seule opinion, une décision ; il ne semble pas avoir donné une vision totalisante du monde. Aujourd'hui seul l'homme, par quelques uns à vrai dire, atteint à une conception cosmique et intégrante. Le soleil donne chaud aux félins mais ne leur inspire pas de réflexion sur la poussée des végétaux que mangent les animaux dont ils se nourrissent.
3A l'ère tertiaire si l'on veut, voilà le temps zéro du concept. L'homme, par contre, a sur le soleil, construit des théories astrales, saisonnières, agraires, nutritives, sociales, culturelles. Le concept descriptif d'univers comprenant tous les êtres comme liés, est donc un des thèmes de notre espèce ; et davantage encore le concept discursif d'univers organisé avec implications et significations, comme la cohérence des lois naturelles depuis la lumière jusqu'à la production vivrière.,ou comme la cohésion des sociétés et de leur devenir. Atome et galaxie3, soleil, sahel et salut des afriques, forment une série typiquement humaine de pensée. Mais nous ignorons les formes qu'a pris cette conception au cours des divers stades historiques.
4Un bref survol de quelques âges nous mènera d'abord à sainte Hildegard pour nous permettre d'aborder Thomas. Leurs deux esquisses, cosmiques et mentales, se suivent sans se ressembler et ce discursus éclairera chez Thomas le vocable, son irradiation sémique et ses significations. Sans parallélisme, pourrait alors s'établir une comparaison entre leurs deux procès, divers, du monde matériel à l'intériorité spirituelle et à l'histoire du salut.
I.- Imago mundi4
5Il y a longtemps qu'au spectacle des étoiles, de la lune et du soleil, les hommes se sentent petits et méditent sur leur insertion. Tout concept d'univers débute à une vision du ciel, du cosmos et gagne, on ne sait comment, l'ordre du monde intérieur. On supputerait difficilement ce que pensèrent les paléanthropiens. Les grands chasseurs moustériens paraissent avoir structuré ciel, saison et survie avec symbole, dans une philosophie grandiose, jusqu'à une théodicée probablement5. Les hommes du désert et de l'élevage auraient élicité le monothéisme tandis que les peuples agraires peuplaient le riche panthéon des forces cosmiques, naturistes et sociales.
A. - Historique de l'image :
6Au moment où les divers âges des métaux secrètent les antiquités classiques - d'ordinaire étiquetées archaïques - chaque grande civilisation présente une culture propre. Chines, Indes. Orients, Afriques et Amériques du maïs, des tubercules, du riz et du blé eurent en effet diverses récurrences postérieures que nos manuels et idéologies prétendent classiques. Toutefois dès le IIIème millénaire avant notre ère, nous avons à découvrir une systématisation des lectures du monde astral propre à chacun de ces grands groupes et liée à une structure sacrale du monde social et de la vie intérieure. Kong Tzi (Confucius) avait probablement développé une pensée souple où les étoiles et les mutations invisibles commandaient à travers le rite impérial du premier labour d'automne, la production vivrière et l'ordre socio-moral6. Magiques, religieuses, mythologiques en effet, ces Weltanschauungen de l'infininent grand à l'infiniment petit, s'expliquent l'univers visible et invisible depuis la cosmogonie jusqu'à l'éthique par un même réseau symbolique d'entrelacs métaphysiques raffinés en mystères sacramentaux. Il n'est malaisé que de préciser leurs originalités, leurs rapports et leurs distinctions ; mais ces visions globales naïves et profondes, inopérantes et curieusement efficaces dans l'aléatoire, s'inscrivent sur des schémas semblables7. A un certain degré de généralisation on dirait des parents issus d'une même famille. Les échecs répétés des peuples, cités et empires - et pas seulement autour de Tell-el-Amarna - obligent à reprendre sans cesse de nouvelles formulations de ces systèmes comparables dont les plus récentes, banales et éculées, furent à tort dénommées classiques. De chaldéen en assyrien et perse, de Chavin en Inca, de Ghana en Mali et d'hégémons en combattants… Le courant commun de ces idées renouvelées véhicule les mêmes pensées sauvages qui englobent aisément les diverses raisons cultivées. Toutes ces antiquités conservent, renaissent, déforment, répètent et n'inventent guère : elles reposent toutes sur les mêmes données de l'observation respectueuse des astres jusqu'au respect des observations d'anciens, chefs ou princes.
7Notre âge carolingien dans l'occident épuisé de plusieurs colonisations et invasions, est l'un des derniers sous-produits de cet univers mental. Avec courage, un concept d'univers aux diverses facettes et multiples tente encore une fois d'organiser l'homme et ses efforts en face de tout ce qui n'est pas lui et le surplombe. Raban Maur8 répète Isidore de Séville qui avait condensé toute une tradition dans un calendrier post-antique, et dresse une encyclopédie étrange de morale poétique et politique. Avec sa Bible aux quatre sens, il diffère si l'on veut de Confucius davantage par sa parole latine que par sa langue mentale secrète aux vastes correspondances. Cinq millénaires s'y achèvent et trois civilisations. De tous les vieux orients, de méditerranées en steppes, s'entrelaçèrent encore monachismes et chevauchées sur un paysannat exsangue et écrasé. Puis le soleil et l'empereur éteignirent leurs rayons et seule veilla l'Église. Quand cette psychê vint, en le brûlant de sa cire, contempler ce couchant somnolent9, il s'éveilla Europe.
8De nouvelles cavalcades et de nouveaux labours à de nouveaux endroits en de nouvelles langues, firent au sursaut grégorien de l'onzième siècle surgir alors de nouvelles structures et de nouveaux concepts. Ici écrit Anselme, ici pensent et souffrent Héloïse avec Abélard. La noble abbesse franconienne dont nous célébrons aujourd'hui le don délicat d'écriture et l'intelligente pénétration prophétique mais surtout la sainteté, seule vraie gloire, fit époque dans le cheminement de cette histoire mentale issue des grandes cosmogonies néolithiques. L'appauvrissement par les pseudo-rationalistes antiques avait été compensé chez les paléochrétiens par le souffle biblico-liturgique ; ainsi l'élan personnel renouvelle chez elle totalement la Weltanschauung platonisante10. En se pénétrant de Dieu dont elle médite sans cesse et la parole écrite des deux testaments et la parole secrète qu'il chante au cœur de l'homme recueilli et le logos vivant qu'elle mange eucharistie. Hildegard von Bermersheim. abbesse de Rupertsberg, se porte à l'extase dont Dieu la gratifie. Raptée au ciel sublime de la vision, elle contemple en connaissance nocturne les structures d'un monde dont elle s'exclut par vœu bénédictin, dont l'oraison l'abstrait et l'extrait. La riche nature exhale ce que la grâce exalte. Hildegard décrit les axes et les parfums du monde pour y dessiner au labyrinthe les voies du Seigneur11. Sa fragile santé lui facilitait peut-être une vibration prophétique dont l'indiscutable orthodoxie n'empêche pas l'étrange vigueur qui fut même, stupéfaction pour une moniale, combative et prédicante. Le secret devenu écriture avec l'aide de divers clercs nous offre un plan des trois livres du Sci Uias (1141-1151) qui ne contredit nullement celui12 de la Summa theologie de frère Thomas, pourtant contemplatif d'un tout autre genre. La chute et l'appel, la rédemption et l'eschatologie, l'Église et la parousie y délivrent la même aventure christique de l'histoire. Le livre de vie des mérites (1158-1163) cependant davantage encore centré sur le Christ, se déploie en psychomachie apocalyptique du triomphe de l'Église13. Enfin le livre des œuvres de Dieu (1163-1173) médite dans le même sens le prologue de saint Jean, la tension dialectique de Sarx et Logos où chaque homme modelé ou non sur Jésus, monte ou descend son accomplissement. Comme tous les visionnaires véridiques, Hildegard est de plein pied dans la vie ordinaire et traite avec pertinence des problèmes historiques de son temps. Ses écrits à l'empereur, au pape, aux princes de l'Église et de la pensée portent sur les événements actuels et leur sens14. Thomas certes, est bien davantage structuré et tout à fait autrement. Cependant, Hildegard marque son appartenance au 12ème siècle qui l'écarte radicalement de, par exemple, la tradition augustinisante. Si son langage est proche parfois du platonisme chartrain, elle ne fait pas toutefois du péché un malheur mais un ingrédient de l'histoire. Si sa lecture du monde est bien la dernière à avoir été pré-scolastique, c'est comme l'art roman qui fut le dernier à être pré-gothique Il fut en réalité protogothique et le gothique est une école romane qui a réussi15 et Hildegard est plus éloignée des désespoirs de Liebana que de la flèche de Chartres : son univers est de langue ancienne mais de parole actuelle. Ce goût même de la science chez une moniale sans être du tout scolastique est un signe des temps et d'ailleurs, loin de répéter Isidore, elle écrit parfois sur base d'observation16. Le mouvement universitaire qui commence est enrobé dans un appétit neuf de savoir exact et non répétitif dont elle constitue en somme un élément représentatif.
B.- Esquisse thomasique :
9Elle ne se posait jamais de questions logiques. Thomas lui est professeur et travaille à partir d'une grammaire vers une taxinomie. Aussi esquisse-t-il plus ou moins implicitement un tracé de l'univers extensif. A la première question, an sit uniuersum il répond en réaliste : l'existence concrète de l'univers malgré quelques classiques du scepticisme et autres douteurs sophistiques, ne fait pas davantage problème pour lui que pour sa devancière ; on saisit là combien ils sont proches dans leur différence. Le terme héllène de cosmos signifie d'abord ordre17 avant même de porter l'ordre du monde et de désigner l'ensemble des galaxies. Il implique sans réserve et l'existence concrète et l'unité de cette structure. La cohérence des parties et les secrets de sa finalité sont membres premiers du sens taxinomique. Or là donc n'est pas la principale originalité du professeur dominicain : Ioniens et Pythagore après mages et chaldéens avaient déjà rivalisé en déchiffrement des lois et mystères de cette organisation18. Leurs images écrites et décrites n'avaient cessé de progresser en exactitude et en hardiesse. Les épigones alexandrins, récoltant les origines même d'une telle science en Égypte et Orients divers, étaient parvenus à des lectures satisfaisantes ou suffisantes et à formuler clairement limites et problèmes. La tradition judéo-chrétienne sans cesse méditée depuis mille ans assurait d'autre part une riche et traditionnelle profondeur, religieuse et mystique à cette physique et à ses métaphysiques. Seuls les derniers savants juifs et musulmans, encore bien mal connus, venaient d'ajouter quelques embûches intellectuelles progressistes et quelques neuves mesures pour présager une nouvelle épistémologie à peine pressentie19 L'existence et la structuration de l'univers étaient un bien commun des intellectuels et n'étaient pas remis en cause.
10Le visage traditionnel du monde astral sous l'influence d'Isidore de Séville par exemple, faisait tourner les diverses roues des saisons20, des éléments et des forces du monde pour en exprimer cette variété que déchiffrait Hildegard. Le dessin que postulent les réflexions faites en passant par l'universitaire du siècle suivant se ressentent des progrès scolaires de l'Europe, éminemment marqués dans l'enseignement d'Albert le Grand. Notre maître théologien n'a lui pour l'astronomie qu'un goût limité et il minimise la réputation de Thalès qui, âpre au gain chrématistique, savait moins bien s'occuper des hommes que des astres, comme s'en moqua une uetula que répète Thomas21. Au centre de la création matérielle se trouve une sphère où habite l'homme et qu'il appelle terra. Elle est nécessairement unique comme l'ensemble du monde cosmologique qui ne peut être qu'un seul. Elle n'est peut-être pas immobile et est déjà composée des quatre éléments dont l'un porte proprement son nom. Lieu de l'oïkouménê., l'hémisphère terrien a pour contre partie un hémisphère marin par définition inhabité et aussi difficile à traverser que l'air ou le feu22. Autour de ce globe, une série de sphères concentriques s'emboîtent en gigogne, non sans quelque variabilité inexpliquée. Chacune porte un ou plusieurs astres mobiles, les errants planêta, ou les étoiles fixes sur la dernière sphère, ce ferme firmament qui cercle tout et en assure le tour. Au delà du ciel des eaux supérieures ou cristallin, siège le ciel empyrée ou paradis de Dieu, séjour des esprits bienheureux23. Cette cour céleste des anges est un lieu puisque s'y localisent les corps béatifiés des deux êtres vivants ressuscités, Jésus et sa mère. Univers cosmique et univers spirituel s'y rejoignent ainsi dans une aufhebung simple et grandiose.
11Le mot mundus présente donc plusieurs sens ; l'un des sens majeurs24 sert à désigner la série matérielle des êtres cosmologiques dans leur organisation et disposition concrète. Il est aussi pris parfois au sens de siècle c'est-à-dire activité extérieure des sociétés sur la terre25 ; parfois il déborde le cosmos et englobe aussi les créatures spirituelles y compris les anges et c'est alors toute la création26. De même le vocable celum désigne l'ultime sphère de Dieu au delà de la dernière du cosmos27 ; mais il évoque parfois l'ensemble des sphères et parfois même l'universalité des créatures avec bien et mal28. Uniuersum offre bien entendu la même échelle et voilà décryptée l'ambiguïté de Pythagore qui abandonna toute autre étude que celle du ciel proclamé sa patrie29. Le ciel des astres, soit cette fois l'ensemble des sphères, est à l'univers total ce que le cœur est à l'animal à savoir la source de son mouvement30. Quand cessera ce mouvement des cieux, demeureront toutes choses qui sont de la perfection de l'univers primo et per se31 ; ainsi les éléments pour que leur substance soit rénovée. La génération féminine est de la nature de l'univers, formule étrange qui signifie en réalité que la répartition sexuée et la reproduction sont de la structure de la nature32. Un esprit du 20ème siècle peut comprendre que le sexe est à la fois produit et facteur de l'évolution biologique. Ce ne sera pas la seule fois que nous allons rencontrer l'histoire dans les assertions thomasiques sur la structure de l'univers naturel. Les créatures rationnelles peuvent mieux manquer leur fin car elles se régissent elles-mêmes, que les cieux qui sont régis33. Dans ces cheminements aussi affleure l'histoire du créé. La différence entre astres et pensée si mal cernée par des formules univers-roseau, est ici appréciée et délimitée. Deux sens du terme uniuersum, l'un sans la pensée, l'autre avec elle (ou plutôt la distinction entre cosmos et créatures intellectuelles) sont analogiquement séparables et emboîtables. Le pouvoir sépare donc radicalement la matière qui est gouvernée et les libres qui se gouvernent. L'une atteint sûrement sa finalité, du soleil au rossignol. L'autre, homme ou ange, est affronté aux périls de l'autogestion. Or à l'égard de ces deux mondes de l'unique univers, Dieu se comporte non comme un cœur d'animal mais un peu comme l'âme est au corps34. Un peu en effet comme une forme envers la matière, sa création est potentialité et il est Acte pur. Le mouvement de la création, de puissance à acte, nous ramène encore à l'histoire. Dieu gouverne le monde par sa bonté35, et l'ordre de l'univers matériel, celui des cieux, prouve le premier sa providence36. Bien sûr en matière particulière Dieu peut renverser la causalité des cieux par le fortuit et le miracle ; mais cela ne se produit évidemment pas de la causa uniuersalis37. Lui seul d'ailleurs peut ainsi agir preter l'ordre et le cours de la nature. Si on parvient à voir l'ordre de l'univers et la disposition de la divine providence, cette uisio est ualde delectabile38 ; nous voilà fort proches d'Hildegard !
12La première distinction des choses, au début, part d'ailleurs de Dieu même39, en vue de la perfection de l'univers, en cet ordre des parties que compose la diversité des choses. La forme de l'univers est précisément cette distinction et ordination de ses divisions40. Les éléments de l'univers sont ainsi des formes déterminées en raison de cette perfection même et sont donc par définition et origine imperfectis-sime41 car c'est leur potentialité que d'être en devenir vers le parfait. Encore une nouvelle rencontre avec l'histoire ! Il ne faut en effet jamais oublier que Thomas d'Aquin est métaphysicien et théologien de l'histoire et qu'il ne déchiffre jamais la structure sans y impliquer le mouvement42. Aucune forme n'est moyenne entre la matière première et la forme d'élément mais une série multiple se situe entre la materia prima et l'âme qui anime tout animal43. Les éléments de l'univers et de sa perfection peuvent ainsi être trouvés dans les corps mixtes quand il s'agit de parties secondaires car ses parties principales, celles qui constituent son intégrité, sont les corps simples44. Sans chercher de concordance, on peut lire ici une prémonition intuitive de la table de Mendeliev. Dans son Peri Ouranoû Aristote traite seulement des parties de l'univers qui y sont de premier abord sises localement et en composent une relation entre portions de l'espace45. Il ne saurait d'ailleurs y avoir confusion entre espace, lieu et situs. L'attitude dans le lieu dénommée situs n'est pas commune à l'homme et à l'univers46. Cette formule pourrait paraître obscure si on ne la décryptait pas : la disposition des parties dans leur lieu est sans commune mesure entre l'homme et le monde. Les rêveries archaïsantes, et d'ordinaire platonisantes, de correspondance entre macrocosme et microcosme ne peuvent être prises au pied de la lettre par un esprit rationnel ; au recul du 16ème siècle, ces billevesées refleuriront mais au siècle scolastique, l'analogie de l'infiniment grand et de l'infiniment petit s'offre sous une structure intellectualiste. Les intuitions de sainte Hildegard47. pré-scolastiques certes, sont plus proches de Thomas d'Aquin que de Paracelse et son monde imaginatif n'est pas un imaginaire. On a suffisamment opposé, non sans quelque raison et même supputé une hétérogénéité aliénatrice entre notre prophétesse et la scolastique pour ne pas entendre ici le volet inverse : cette parole sur Dieu répercutant la parole de Dieu, est en définitive le christianisme même et même une théologie où un thomiste chemine à l'aise ; l'écriture seule au fond est différente. Mais le tableau fourni par la moniale romane ne s'écarte pas de celui, tout autre et semblable, que structure drastiquement le professeur gothique un siècle plus tard. Les deux sont courtois, les deux décrivent, décident, prêchent et brûlent. Saint Thomas, souventes fois savamment penché sur les sens de l'Écriture à manœuvrer avec discernement et méthode, écrivit que apponere sacre scripture48, est erroné ou présomptueux si c'est contre elle, mais louable s'il s'agit de dépliquer les implicites. Or il s'agit du texte du prologue du Maître des Sentences, ce théologien de la prime scolastique et contemporain de notre sainte. Ne voit-on pas sourdre son côté "roman" quand Thomas écrit que le nombre six, premier nombre parfait convient à la perfection de l'univers et à la création en six périodes49. Et que vont penser les anthropologues de la scatologie, cette branche des sciences de l'homme si riche mais d'ordinaire si mal reliée à la métaphysique, en retrouvant cinq fois cette curieuse affirmation, des Sentences au quodlibet 850 : les défécations de toutes les créatures aboutissent en enfer pour la peine des damnés. Les plaisanteries d'après-boire évoquent en effet d'ordinaire la spécialité prêtée au général Cambronne pour exprimer les plus grandes douleurs. Le côté goliard de saint Thomas d'Aquin n'est ni si fréquent ni si connu : mais il porte de puissantes traditions et, des rites néolithiques aux interjections fécales du langage populiste, il sait ce que la pruderie du 17ème siècle janséniste et précieux, a ridiculement perdu depuis les contemporains des verts fabliaux. Il ne correspond en rien en tout cas à l'Aquinate de Monsieur Cousin ni à l'endormeur pieusard de son antilégende. Une anthropologie historique au contraire ne saura se passer de lui et comme transmetteur et comme décrypteur : son univers est complet.
II.- L'univers intensif
13Voilà donc le premier sens du terme uniuersum : l'univers matériel des quarks aux quasars. A peu près comme en 1880, saint Thomas en son siècle ne pouvait d'ailleurs guère l'exprimer que de l'atome à la galaxie51. Ce qu'il appelle l'ordre du monde implique par ailleurs une intuition prémonitoire de la table de Mendeleiev et son étude scabreuse de la résurrection prouve qu'il devinait quelque chose du flux de la matière. Ne dit-il pas qu'un fou sadiquement nourri de fœtus laisserait cependant résurrection à chacune des personnes impliquées, grâce à la ductilité des atomes et cellules dans le procès de recomposition et résurrection de leur chair ? multum aduenit supra substantiam. residuum autem materie. diuina potentia supplente52. Abandonner ces objections bizarres et fétides auxquelles impavide, répondait le jeune bachelier sententiaire, par jeu scolastique d'universitaire rationaliste. Il eut d'autre part une appréciation remarquable des mouvements des astres dûe à la science exceptionnelle de son maître Albert le Grand53. Ses limites et ses appréciations, ses intuitions et réflexions sont d'ailleurs plus intelligentes que l'image même de son esquisse implicite : celle-ci n'était guère qu'une mise au point de la lointaine tradition chaldéo-grecque avec les derniers développements des nouveaux procédés judéo-musulmans aux calculs plus raffinés. Mais cette image savait mettre en cause sa propre exactitude et ses méthodes, dans les inexactitudes qu'elle se reconnaissait et est en cela l'une des premières attestations de l'esprit scientifique européen, né justement de la scolastique moderne. La science universitaire des dominicains sut exprimer le doute et cette mise en cause même, ce qui permit après la peste de marcher vers une nouvelle construction mentale dont le nom de Kopemik résume et la brillance et la magnitude. Thomas d'.Aquin n'est pas l'auteur du livre de ce chanoine polonais deux cent cinquante ans plus tard, mais son acribie est au début même du mouvement intellectuel qui rendit ce livre possible54. Depuis deux mille ans les Alexandrins savaient le doute et les orientaux d'Israël et d'Islam le portaient. Mais les autres esprits du 13ème siècle se contentèrent de porter l'image et son doute ; tandis que les formulations thomasiques dans leur désinvolture même proclamèrent les problèmes irrésolus, les hypothèses inadéquates et la nécessité d'une nouvelle recherche et d'une nouvelle conceptualisation55 ; or ceci était neuf.
A.- Destin et Histoire :
14Ce serait toutefois méconnaître le théologien Thomas d'Aquin que de l'arrêter à ce point d'interrogation et de suspension où stoppe lisiblement son intérêt personnel. Certes les étoiles sont par lui abandonnées, avec une réflexion sur le mauvais état de leur théorisation, pour des travaux de son métier et qui le concernent beaucoup plus visiblement. Mais cette théologie est selon lui science56 et postule la grammaire la plus neuve et la plus raffinée. L'université selon les dominicains laissait à Aristote ses opinions qui eussent été païennes ou hérétiques pour retenir sa table de cohérence, sa logique, adaptée, raffinée, redevenue progressiste. Non seulement l'astronomie, mais toute la science moderne repart de là. Aussi bien la médecine, la mathématique des monnaies et comptabilités que la physique des terministes armés de l'impetus, procède de ce status questionis dressé autour des maîtres Mendiants comme Albert ou Grosseteste avant 1260 et dont Thomas fut le plus limpide rédacteur57.
15Thomas donc vers 1250-70 est la clé de l'histoire de toutes les idées. Il surplombe et parfois résume les autres encyclopédistes comme Bacon ou Llull ou comme son maître Albert et son frère Vincent. Simplement son descriptif de l'univers cosmologique est son moindre intérêt ; et il n'arrête nullement à ce point son regard sur le créé. Uniuersum est pour lui comme pour beaucoup d'autres un terme analogique dont l'analogué principal est la création, ensemble sinon plus vaste du moins plus intense que l'univers des galaxies et des sphères. Et dans la création, Thomas passe à une lumière autre que celle dont le soleil est l'analogue secondaire58. Thomas croit encore naïvement l'ordo uniuersi centré sur le soleil mais sans insister ou adhérer ; et il s'intéresse bien plus à la perfectio uniuersi sans se limiter aux données qui la révèlent. Ce sont les ressorts sacrés et secrets de cette perfectio et non son dessin auxquels Thomas applique son véritable métier, sa passion personnelle. Ni astrologue ni astronome, deux mots que l'époque commence à peine à distinguer, Thomas est frère Prêcheur et sans être théologien seulement ou surtout, il est théologien d'abord.
16L'ordre du monde devient alors le cours des choses cursus rerum dont il serait vain de celer qu'il en a fait une épistémologie de l'histoire59. Il ne voit nullement le cours des choses en fixiste comme un tour permanent d'événements, une structure de répétition. Il n'a d'ailleurs nullement inventé le mobilisme dont divers hindous ou chinois ont proposé des formules que Démocrite ou Héraclite offrent diversement en grec. Seuls quelques penseurs avant le 13ème siècle refusaient le mobilisme et plusieurs avaient sombré dans un historicisme sans structure. Un moine rural en monde féodal sous mentalité romane est réputé a priori fixiste au dernier siècle quoique se soit ouverte aujourd'hui une nouvelle lecture de la féodalité comme mutation60. Surtout le cur deus homo d'Anselme a déjà cassé tout fixisme : un événement unique fend en deux l'histoire et de l'incarnation on cherche même le pourquoi. La liturgie de la felix culpa61 tenait en chrysalide déjà cette position. Marc Bloch a fait remarquer combien62 le christianisme était de soi religion "historique" et le credo narration suivie. Religion essentiellement nourrie d'espérance, elle est recommencement mirabilius reformasti63. Seuls des pessimistes hantés par le péché et obsédés par la décadence ont tendance au fixisme. Augustin qui vivait la chute de sa patrie, pénitait celle de sa jeunesse, n'est d'ailleurs pas le vrai coupable. Car la langue de Platon à travers les religiosités pulsives des orients profonds voire des Indes désespérées, pousse à cet éternel retour. Plotin et Augustin y glissèrent au contraire un peu contradictoirement à un reditus c'est-à-dire à une histoire64. Les augustinisants tardifs, et les pires au 17ème siècle, omirent ce meilleur du maître qu'ils déformaient. Thomas, après Abélard d'ailleurs, vit la croissance d'une Europe toute jeune et la chasteté légendaire et miraculeuse du jeune dominicain65 le défausse des mauvaises cartes que regrettent nos pleurs coutumiers. Ses yeux purs et ravis ne sont tournés que vers la lumière. Il considère monde et univers après Démocrite et Héraclite et l'équilibre aristotélicien : le cursus rerum est chez lui mouvement de l'histoire.
17En cette perspective, le cours des astres et l'astrologie même se décryptent. Quand le mouvement du ciel s'arrêtera, demeurera l'univers66 ; aussi le cours des choses est, dans cette pensée, d'abord une histoire. Ivraie brûlée, la perfection intérieure des milices angéliques et de l'espèce humaine sera enfin atteinte. Chacun au 13ème siècle, comme presque toujours, se demande quelle sera alors sa sors définitive : serai-je brûlé avec l'ivraie des boucs ou béatifié avec les brebis de la droite du Père v? Tous les détails de la vie, comme en ellipse totale, s'inscrivent dans le mouvement du ciel et depuis dix millénaires, on l'interroge avec attention, pour chasser l'anxiété avec précision. Thomas d'Aquin est de ceux qui ont gravement ridiculisé ce goût de l'astrologie67. Car le détail de la mécanique céleste ne saurait commander le détail de la vie humaine dont la gravité réelle est d'être éternelle. De la tradition gréco-patristique, il reçoit la notion de Fatum'68 marquée de ce stoïcisme dont la morale courait les élites du 3ème et du 4ème siècles. Le temps de la décadence romaine colora le christianisme de cette rigueur un peu sotte et le destin du Fatum continua d'alimenter les réflexions désabusées des sages face aux aléas de toute vie politique ou individuelle. Seulement Thomas vit un temps de plénitude et non de recul ; et il est intelligent c'est-à-dire capable de lire intus et au delà des apparences, donc d'apercevoir l'espérance derrière bon et mal heur. Il distingue trois significations au terme Fatum en bonne scolastique. Selon la disposition des périodes astro-mécaniques, le caractère inéluctable de la mort individuelle à terme, en tant qu'événement relativement prévisible, n'est qu'un premier sens ; même si c'est celui-là qui hante les petits esprits. Déjà plus général, le cours organisé des futurs est un second sens au mot et il coïncide avec la prouidentia dei ; ceci délivre davantage qu'un écart d'avec le stoïcisme puisque c'en est la contradiction directe. Enfin une notion plus peripatéticienne s'élabore chez lui au delà d'Aristote dans le droit fil de la logique du Lycée que notre saint constamment utilise et dépasse : la forme de l'ordre universel stylistiquement écrite dans le mouvement des sphères, des cieux, sans conférer nullement l'existence aux res, encadre, souligne, éclaire tout événement, opération ou être particulier qui s'y inscrit. Cette moyenne, ce medium entre le nécessaire et le contingent est ainsi l'aboutissement scolastique de toute réflexion méditerranéenne sur trois millénaires et s'ouvre, au 13ème siècle du calcul notarial et bancaire en partie double, sur la comptabilité moderne en partie multiple et sur nos calculs infinitésimal et aléatoire. La démultiplication analogique que le thomisme, le vrai, celui de saint Thomas en son texte, écrit pour décrypter lentement, scientifiquement tout le réel, se dessine au théorème de Neumann et Morgenstem69 en systèmes binaires successifs : 0-1, 10-11, 110-111 etc. Le destin n'est plus cause, au sens précis du Lycée, n'est plus l'une des quatre causes matérielle, formelle, instrumentale ou finale ; il est donc vain - c'est le mot même de Thomas - de chercher en tout temps tous les imbéciles - c'est le mot même, faibles - le détail de sa propre vie dans des signes puérilement aléatoires célestes ou ruraux., le détail de son avenir immédiat ou lointain inscrit dans les astres ou le vol des corbeaux. Mais les mouvements du climat et du champ magnétique, l'heure et le type de temps font en effet varier le détail du flux quotidien de la vie, et constituent ainsi des causes secondes. Leur inscription dans l'ordo uniuersi - car Thomas ne méprise nullement la questio - est une similitudo cause. Panofsky70 a écrit ce qu'il fallait sur le rapport entre l'ordonnancement des fenêtres gothiques et le raisonnement per similitudines ; il suffit d'y ajouter le passage scolastique entre similitudo et analogia pour asseoir le système71. Ce passage est riche et complexe, mettant en branle toute la grammaire péripatéticienne et toute la théologie car "Image de Dieu" mène à pénétrer la Trinité comme structure de la création avec une série de démultiplications analogues. Le Fils est en effet miroir où le Père se lit et leur Amour est le souffle où ils se lisent tous trois-un. En analogie plus qu'en similitude, l'homme créé à l'imago dei continue le processus de l'imago mundi qui titre une encyclopédie contemporaine et est un autre barreau de cette échelle de Jacob72 où Thomas lit le monde et l'univers, les univers.
B.- Esprit :
18L'univers invisible intéresse en effet bien davantage notre maître et auteur. Le bien de la grâce est supérieur à celui de la nature et ce qui se passe dans l'âme, dans le cœur de l'homme est plus intéressant que ce qui se passe à la voûte du firmament, pourtant si passionnant73. L'ordo uniuersi s'offre sous cette facette comme iustitia dei selon l'imago de toute multitude sous son gouverneur74 ; et les justes sont la plus noble partie de l'univers75. Cette formulation unifiante en analogie est totalement supérieure à la naïve opposition, et non réduite, d'un cosmos et d'un roseau. La fin de tout l'univers est le bien de l'intelligence, la vérité76. Dans la création saisie au sens immédiat, la forme ultime, la finalité que poursuit la cause première, est la distinction et l'ordre des parties77. La perfection de l'univers est une vague fondamentale de la pensée de notre maître et il en analyse une cascade mélodieuse. Essentielle selon les espèces, cette perfection regarde les créatures perpétuelles, ange et homme ; accidentelle selon les individus, elle concerne alors les créatures corruptibles78. Saint Thomas insiste ailleurs : la double perfection du statut présent et de la future nouveauté souligne le propos et nous rend aveuglante sa visée d'historien-épistémologue79. Inutile cette fois de marquer combien le goût de nouus caractérise le frère Prêcheur gothique, scolastique et courtois, en rupture avec l'admiration de ce qui est antique, roman, traditionnel, rural, monastique etc. Le 12ème siècle a accompli la révolution ; l'université des. Mendiants la proclame80. Cette perfection de l'univers se décompose en beauté des parties du monde et de leur agencement creationis ; et en structure et structuration des parties de parties ornatus81 ; mais le sens de la perfection de la totalité, du parachèvement, est donné dans le 6ème jour de la création tandis que le sens de la fin, sens historique selon la cohérence thomasique, est démontré dans le 7ème jour82. L'homme est membre et ordonné à cette perfection de l'univers dont il est partie essentielle car son âme n'est pas virtuellement contenue dans les éléments ni dans les cieux83 : créature typiquement mixte, l'homme incarne du spirituel au cœur du matériel et présente ce résumé de la doctrine du maître d'être à la fois membre de l'univers et supérieur au monde84. Sa perfection propre, essentielle non à celle du monde mais à celle de l'univers, est un certain dédain des choses temporelles en vue d'une adhésion à l'univers spirituel85. Comment ne pas lire ici le caractère profondément "historique" d'une telle pensée : l'homme est assis au départ en potentialité et se constitue par un choix.
19Dieu en effet dans la production des êtres et choses a respecté leur ensemble, l'univers, et le lien d'une créature à une autre, comme l'ordre des propriétés de chacune pour en constituer les parties structurant l'ensemble86. Si l'homme n'avait pas péché, si aucun homme n'avait péché, l'ensemble du genre humain eût été meilleur87. Mais une telle formule conditionnelle se rencontre une seule fois, au début du Livre sur les Sentences et visiblement concerne un exercice scolaire. Il s'agissait sûrement de répondre à une objection académique banale du type où s'illustra le pauvre Malebranche avec son "meilleur des mondes" dont Arouet fit justice. En réalité "thomiste", il est plus cohérent de déclarer à l'inverse mirabilius reformasti88. Dieu tire toujours du mal un meilleur bien respectu uniuersi. Certes il eût pu faire chaque créature meilleure mais l'univers réel est le meilleur et le seul89 ; on n'imagine pas que l'espèce humaine avec un Dieu incarné en son sein soit inférieure réellement à ce qu'elle était au moment de l'innocence d'Adam. Ce passage donne simplement occasion de rencontrer le vocable uniuersum à côté de genus humanum désignant en somme non l'univers mais un univers, soit un ensemble. Par ailleurs hors cet usage grammatical, le fond métaphysique ne laisse pas de faire apercevoir le fameux problème du mal, le faux problème par excellence. Si enim omnia mala impedirentur écrit en effet frère Thomas au début de la Summa90, multa bona deessent uniuerso : sans dévoration des animaux, pas de lion. L'histoire affleure ouvertement : defectus unius cedit in bonum alterius uel totius uniuersi. nam corruptio unius est generatio alterius : le mal n'est pas un être mais un aspect provisoire de la potentialité, un moment du devenir. Le mal pour autant ne pertine nullement à la perfection de l'univers et n'y conclut pas sous son ordre propre mais sub ratione boni et per accidens91. Il y a donc bien lieu de lire le bien universel et le bien de la dernière fin comme différents et imbriqués92. La perfection de l'univers ne réside visiblement pas dans le defectus passager mais par le mouvement de l'histoire qui le compense, dans le résultat final. Sans un certain mal disparaîtrait la pulchritudo uniuersi et l'ordre essentiel des causes jouant au travers de ses parties constitutives. Dieu a créé la matière de tout d'un seul coup93, le reste est son évolution propre94. Thomas donne tout le sens du monde à l'histoire.
20Cette construction hardie, grandiose, légère comme une cathédrale gothique fut aussi lancée au cœur historique d'une capitale bruissante de la richesse d'un roi, autour d'une cour et d'une université. Le sol logique en est chez notre maître artistement raffiné. Les chaînages et libages des Notre-Dame d'Amiens ou Paris ne sont pas mieux conçus, travaillés et assis. Nous venons de rencontrer uniuersum au sens logique d'ensemble et nous voilà renvoyés à la querelle des universaux. Uniuersale est si mal traduit par universel que nous le dénommerons désormais universal par esprit taxinomique de séparation avec les significations badines de l'adjectif courant. L'universal de la logique péripatéticienne vient de faire beaucoup parler de lui depuis un siècle et demi. Le réalisme modéré selon l'étiquette stupide de nos manuels, caractérise notre saint, il faut bien entendu éviter ces appellations idéélistes des 14°-19° siècles qui minimisent ce qu'elles ne "comprennent" pas (ni n'englobent, ni ne saisissent ni ne pénètrent). Le même temps de récession, le même langage de diminution médiatise tout et a même inventé de moyenniser un âge inexistant prétendu moyen. Il y a là deux âges : après 1070 le second moment en succession temporelle est le premier âge créatif de l'histoire européenne et n ‘ a rien de moyen. De même le réalisme de frère Thomas est une sorte de parfait et le traiter de modéré au sens des partis centristes de la troisième république est une insulte inexacte et déplacée. L'alourdissement des murs après le gothique dans les bâtiments des arts pastiches d'une convention antiquisante infondée représente le même affadissement moyen modéré et modeste après les hardiesses du 13ème siècle classique. Le réalisme de Thomas s'oppose absolument au (pseudo-)réalisme platonisant, cet irréalisme qui prétend réelles les "idées" et constitue au vrai un idéélisme absolu et inabsolvable. Cela s'était insinué chez Augustin sous les meilleures intentions, mal gardées par une philosophie insuffisamment technique. Cela déborde chez les querelleurs des universaux au 12ème siècle ; cela englue les idéosophes de Descartes qui eût mieux fait de rester un de nos plus grands mathématiciens, à Kant et à leurs épigones à ne pas nommer. La position de Thomas, plus connue que comprise, se résume à la fameuse formule : l'universal est un être de raison, présent dans l'esprit qui l'abstrait du réel, car il est fondé en réalité. Ne donner à l'universal aucune réalité avec les Ockham et les terministes, prétendre que l'idée de cheval n'a aucune existence, seuls existant des individus chevaux, présente en effet deux inconvénients. Le premier certes est mineur ; c'est de ne jamais comprendre pourquoi les juments donnent des poulains et non des carottes. Mais dans le réel, les juments n'en sont guère changées et poursuivent bravement à soutenir que l'idée de cheval est assez réelle dans toute leur tribu. Tandis que le second inconvénient est plus méchant et pas encore déraciné : il a consisté à nous fournir une phase individualiste dans l'histoire de l'Occident et peut-être de toute l'espèce. Aujourd'hui où s'achève la décadence de ce triste système, nous ne pouvons en minimiser la faiblesse.
21L'universal selon Thomas offre trois formes. Avant la chose, il n'est qu'une forme dans les esprits angéliques ; après la chose, il est l'abstraction que nous en tirons : dans la chose, il en est la nature95. Le temps, universal et accident, est matériellement hors de l'âme et formellement en elle96. L'ordre historique, celui de la génération dans le temps des natures particulières, ne saurait cacher l'intentionalité naturelle d'universalité qui court à la perfection97. Seule l'intellection permet de saisir cette intentio uniuersalis98, principe de connaissance tandis que la nature est principe formel d'être et de connaissance des singuliers99. Puissance qui est toujours et partout négativement et non en acte100, l'universa s'oppose normalement au singulier et au particulier quoiqu'il soit commun à plusieurs ; le cas des anges, actes purs chacun en leur ordre, chacun constituant une espèce retient saint Thomas qui tient d'eux par subalternité sa lecture théologique mais déborde un peu de notre propos101. L'ange, image de Dieu, exprime à merveille comment le bien consiste en espèce, mode (mesure) et ordre102 ; il est comme toute créature, partie de l'univers. Dieu seul est supra totum103. L'ultime perfection de l'univers réside dans les créatures immatérielles anges et hommes104. Cependant l'univers participe plus parfaitement de, et plus parfaitement représente, la bonté de Dieu que quelque créature105. Voici encore l'histoire puisque le bien de l'univers et celui de sa dernière fin, différents et imbriqués, suivent les deux ordres de la nature et de la grâce ; l'ordre même étant le bien interne, le but final et distinct qui est Dieu106. La théologie traite principalement de Dieu, puis des créatures référées au principe et au but ; et des anges non comme sujet mais comme sa manifestation107. Les bienheureux voient dans l'essence de Dieu tout ensemble mais non tout ce que Dieu fait ou peut faire ; ils connaissent les individus dans l'espèce et tout dans le Verbe comme l'effet dans la cause108. Ils savent de cette manière tout ce que Dieu a produit à parfaire l'univers et tout l'ordre de cet univers109. Notre science théologique est subalternée à la leur : la théologie est ainsi non science de l'univers mais en quelque sorte, secundum quid, science universelle. La bonté de Dieu est le bien de tout l'univers, et le plus grand bien dans les créatures est le bien de l'ordre universel110. Toutefois la théologie se constitue de cette sorte non lecture universelle mais lecture de l'univers vers Dieu. Car l'ensemble de l'univers est une unité d'ordre où les inférieurs sont régis par les êtres majeurs111. Or s'écarte d'elle même la conception mécanique d'une hiérarchie rangée à la féodale ou à la bourgeoise car, pour frère Thomas contre Guillaume de Saint-Amour, ierarchia n'est pas pyramide fixe mais liturgie de communion vivante112.
22La sphère armillaire apparaît un peu plus tard et résume les visions judéo-musulmanes de l'univers stellaire aux 12°-13° siècles, elle est le dessin de frère Thomas impliqué en son œuvre. Mais sa cosmologie aux vastes vues l'intéresse moins que l'ample anthropologie qu'il esquisse et le destin pour lui est devenir et avenir d'espérance. La vie de l'univers est ordre de structure et mouvement d'histoire. Les apparents et provisoires désordres jouent et se compensent dans une intuition d'amour où la faute se termine à l'annonce et à l'annonciation. Miracle et communion ordonnent le monde. Dieu le Verbe, fait homme, épanche sa double autorité : d'amour, par sa nature et son droit de créature ; et par sa nature humaine dont la passion, avec les sacrements113 qu'il a institués, mérite et répare. Cette théodicée rationnelle conflue perceptiblement en mystique vivante et soulevée de passion inspirée par l'Esprit. La vue alors s'étend à l'Infini et le poème de Dante a bien raison de placer la Vierge Marie au sommet du système : c'est la pensée même de saint Thomas d'Aquin. Elle porte le Christ, caput uniuersi114. Marie sans péché, assumée au ciel avec son corps115, tient plus de grâce que tout homme et tout ange116. Elle mérita de porter le Christ117 et est mère de Dieu118 d'où elle se tient à la droite de son Fils qui redundat in ipsam119. Marie cime et parachève l'univers.
Conclusion
23Reste à esquisser le mouvement d'ensemble dont le dernier point non-écrit délivre le sens, par lequel saint Thomas d'Aquin sinue, voltige et s'élève en hélicoide vers l'Ultime Omega.
24Lui-même résuma d'inoubliable façon cette combinaison éminemment moderne du mouvement rectiligne au mouvement circulaire120. A la fin de cette spirale règne l'intense vide de l'absolu. Les œuvres de saint Thomas comme toute potentialité des formes initiales, sont souvent imperfecte, non terminées. C'est comme un trait de caractère me disait un jour le R.P. Louis Bataillon, de la "Léonine", qui connaît mieux que nous tous l'homme, l'œuvre et la visée. Tout le monde sait comment, pressé par son socius tant aimé l'intime Rainaldo da Piperno, de finir sa Summa Theologie, Tommaso répliqua mihi uidetur ut palea. Après une longue extase en pleine messe, notre maître dont quelques-uns oublièrent qu'il fut et est un saint contemplant, n'écrivit plus une seule ligne, laissant tant de textes inachevés. Sa dernière lettre, son œuvre la plus personnelle, curieuse et - encore plus - émouvante, fut visiblement dite par le malade reposant lors de son dernier voyage, juste avant de monter vers Dieu à son dies natalis du 7 Mars 1274. Le texte écrit, très différent, factuel, familier, est sûrement de la main de Rainaldo. Chez Thomas d'Aquin ainsi échappa toute la fin qui se sublime en spiratio. Le vide n'est alors que le point sublime, l'appel de l'Esprit.
25Le contemplant humblement au miroir du texte que notre maître nous a laissé, retenons comment il utilise le sol de la sainte tradition que Hildegard avait résumée, pour le projeter vers le haut en son temps de la montée gothique de l'Europe. Toute la liturgie basilicale répétée au long des processions monastiques dont le style même d'Hildegard se nourrit, se transsubstantie au 12ème siècle dans le sacré universitaire qui en rationalisant la sacra pagina, démultiplie la signification. A cette même époque, la courtoisie convertit l'homme au service de la femme, en un autre : homo uiator, à l'arrivée homo nouus, communie à une autre personne. La notion scolastique de sacrement, de la famille à l'Église, du mariage à la communion parachève l'altitude de cette construction ; et si Hildegard est romane, Tommaso le gothique en donne la voûte légère d'arêtes croisées et la flèche fine :
Céleste courtoisie
A construction romane un contrepoint gothique
Jaillit comme une flèche ardente vers le ciel
Et sa voûte légère arquée en pluriel
Répercute le psaume en questio scolastique.
Le rite est devenu rythme de l'univers
La lente théorie en processions scandées
Ondule longuement en ses cryptes ornées
Et transmute les ombres en logoï divers.
Car la transformation de l'homme converti
Gage la foi que prophétise l'espérance
En l'infuse vertu d'Amour épanoui.
Finale mutation de la même substance
Que donne sous le pain, Dieu pour l'eucharistie
La personne du Fils de la vierge Marie.
Annexe
ABREVIATIONS
A Atti dei Congresso internazionale Tommaso d'Aquino Roma 1974.
C Dante Alighieri, Il Convivio.
CG Contra Gentiles.
Coll Colloque.
DS Dictionnaire de Spiritualité
EU Encyclopaedia Universalis
HvB Hildegard von Bingen
L littera magistri au livre des Sentences
1 lectio
MA moyen âge
o.p. ex ordine predicatorum, dominicain
PL Patrologia Latina
S Livre sur les Sentences du Lombard
s.j. ex societate jesus, jésuite
ThAq saint Thomas d'Aquin
Up university press
Notes de bas de page
1 R. Descartes, Discours de la méthode, éd. Pléiade, 147.
2 Bl. Pascal, Pensées, éd. Pléiade, 1156-57. Sed contra la 93, 2 ad 3 CG 4, 11.
3 Mot ancien : Ciceron, Lucain, Plutarque etc. (dict. Bailly. Wartburg Littré) Dante C 2 XIV 5.
4 Imago Mundi titre de Gossuin de Metz (1240-50).
5 Leroi-Gourhan EU 20.1206 et renvois ; Religions de la préhist. PUF 1 (ajouter le curieux Signes et symboles dans l'art populaire tunisien 1976 p.79).
6 Kong fou Tseu trad. lat. P. Pauthier s. j. Livres sacrés de l'Orient L. Migne 1858 gr. 8° XXX + 764, cf EU 4, 873.
7 R. Alleau, Astrologie EU 2. 668-79. PL 197, 983 uisio démarquée d'Ezéchiel. J. Viret, Isidore de Séville et ses 4 roues, coll. Amiens 1982 paru 1983 ; Le quaternaire des éléments et l'harmonie cosmique d'ap. Is. de S. 7-25 in Quatre éléments.
8 R. Maur EU 20, 1736.
9 Grégoire 7 le révolutionnaire : F. Heer, L'univers du M.A. Fayard 19 340-41. R. Marichal, l'Ecriture et la psychologie des peuples.Sem.l Synthèse 22 (1960) 226-26.
10 DS 7,1. Similitudes de style entre HvB et platonismes récurrents, PI 1257 ratio siue forma… (G. de la Porrée) ; 1273 ; et superfluitat humorum (Hugo Metelli). PL 189, 1516 B : uane cogitat homo loca uel tempora (Ernoldi Boneuallis). Cf HvB PL 197. 790 vents tempèrent pleurs et humeurs ; 794 omnes creaturas ; 857-8 estomac et péché 75 C.
11 sur labyrinthe cosmique et mystique PL 177, 758, 789 etc.
12 M. D. Chenu o.p., Le plan de la Somme in ST TH A9, La théologie 1° Cerf 1968, 167-202 + 222 surtout 177-78 et 199.
13 PL 197, 1029 ; cf Eph 1, 10 et 1 Thes 4, 13-5, 19 et 2 Thes 2, 1- 10.
14 145 lettres à divers grands et clercs dont Barbarossa. A Bernard, 18. A Eugene 4, 145…
15 P. Francastel, L'humanisme roman, Rodez 1942 252/165 v + 244 p. Id, Frontières du gothique Medicis 1945 : Mouton 1970 gr 8° 264 p.
16 PL 197, 146 de Wuntwurz.
17 Dictionnaire Bailly, 1 125.
18 EU 9, 72 et 13. 348 et //.
19 Derniers savants EU 9, 17 6-7 7 et //.
20 J. Viret supr n. 7. HvB PL 197, 755 : 4 roues.
21 In ethic 6 1 6 f in.
22 M.M. Dufeil, Obscure clarté, coll. Aix fév. 1983 et croquis 1 infra. Sphère et cercle PL 197 755 Hvb.
23 M.T. Lorcin, œil et cosmos, ibid., coll. Aix Fév. 1983, cf EU 9, 175.
24 Sans compter les 7 sens bibliques investis en groupe de transformation : j'ai vaincu le monde, j'ai tant aimé le monde… cf I S 1 + 9//.
25 De malo 13, 2 ad 2 + 12 //.
26 2 S 12, 1 ad 2 + 8, //.
27 In Fis. 4 1 7 fin. In Celo 1, 1 20 début.
28 1a 48, 2 ad 3. Croquis 1.
29 In Ethic 6 1 6 fin.
30 2 S 2, 2 a 3.
31 De Potentia 5, 6 ; In Hebr. 1 5 fin.
32 1a 92, 1 ad 1.
33 CG 3, llO fin + 30// dont la 12, 5 ad 3 ; CG 3, 53-54 ; Uerit 8, 3 (Lumen) et I S 34, 1 a 2 matteri in potentia.
34 2S L7, 1 a 1 ad 1 et 3 S 2, 1 a 1 qua 2 ad 1.
35 1a 103,1 a 5. Uerit 5, 1 ad 12.
36 In Ps 8 mil. CG 3, 95 et 100.
37 1a 22, 2 ad 1. 1a 105, 6 ; 106, 3 + 15 //.
38 In Ps 26 mil.
39 1a 47, 1 + 41 //.
40 CG 2, 31, 5 fin.
41 Pot 5, 7 + 9//. CG2, 88 + 8//.
42 699-705. M.M. Dufeil, El Concepto de Historia segun san Tomàs de Aquino. Congreso inter. Cordoba 1979 (Argentina).
43 C G 2, 87.
44 Po 5, 9. De rat.fidei, 170 fin. Celo 2 1 3 début.
45 Celo fin prologue + 15//.
46 2 S 14, 1 ad 2 + 3 //.
47 Hildegard, inf. grand et inf. petit : mundus in figura oui PL 197, 155 uisio II III.
48 1 S prol L.
49 1a 74, 1 + 6//.
50 Quodl 8, 18. 4 S 47, 2 a 2 qua 3 ad 3 ; a 3 qua 3 ; S 50. 2 a 2.
51 Cf supra n. 3.
52 Suppl 80, 4 ad 4 et ad 5.
53 Th. Litt, Les corps célestes ds l'œuvre de st Thomas, Nauwelaerts Lenver 1963 240/160 468 p.
54 T. Veres, Th d'Aq. précurseur de Copernic ? A 9, 247-53.
55 M.M. Dufeil, Obscure clarté cf supra n. 22.
56 M.D. Chenu, Théologie comme scivence au 13ème s., Vrin 1956 8° 112p.
57 L. Thorndike, Hist. of magic and experimental Science, 1, 597 not the most brilliant..but… teaching and writing were clearer…
58 L. Penido, Le rôle de l'analogie ds la théologie dogmatique. Vrin 1931 in 8° 478 p. M.M. Dufeil, Obscure clarté… Dante C I XIII 12.
59 M.M. Dufeil, Concepto, cf. supra n. 42.
60 E. Bournazel + J.P. Poly, Mutativon féodale PUF 1980 nelle Clio 16 M.M. Dufeil, Afrique, Taxinomie, Histoire in Cahiers congolais Anthrop. Hist. 2 et 3, 20-27.C
61 Exultet, chant de la nuit de la résurrection, Samedi Saint in Dom Gabrol Missel, 485.
62 M. Bloch, Apologie pour le métier d'historien p. 20 éd. U.
63 Offertoire, Paroissien romain Domv Cabrol, 535.
64 M. Seckler, Das Heil und die Geschichte, trad. fr. p. 60 (Le salut et l'histoire éd. Cerf)
65 P. Novarina, st Th d'Aq. 52-53.
66 Po 5, 6. In hebr 1 5 fin.
67 Litt cf sup n. 53. L'univers ds la mentalité HvB est proche du tableau 2 tel que voyait Herrade von Landsberg cf sup n. 7 et 20. EU 19, 958.
68 De Fato, 2.
69 M.M. Dufeil, Evolution ou fixité, Rev. Sc. Philo. Théol. 55 (1971) 467.
70 E. Panofsky, Gothic Architecture and Scholasticism trad. fr. 91-85, cf. arch. des verrières sculptées. HvB, similitudo PL 197-744.
71 MT.L. Penido, Analogie, cf. supra n. 58. Imago mundi cf sup n. 4.
72 M.M. Dufeil. coll. Amiens 1983 : Mariage Amour et transgression.
73 1a 2e 113, 9 ad 2. 4 S 5, 1 a 3 qua 1 fin.
74 1a 21, 1.
75 1a 22, 2 ad 4 + 15//. Cfn. 2.
76 CG 1, 1 et 3, 25, 27, 37.
77 CG 2,41.
78 CG 2, 82-83 + 6 / / ; la 23, 7 + 8//.
79 1a 72, 1.4 S 48, 2 a 5 ad 3.
80 nouus 8 fois en 9 lignes : Chenu, A 1,39-50. st Th Aq innovateur dans la créativité du monde moderne : Dufeil, de antiquitate, Amiens 1981 ; Fin de notion de M.A., Ann. Brazz. 1974.
81 In Hebr 4 1 1 mil.
82 1a 73, 1 + 12 //.
83 Po 5, 10 fin + 9 //.
84 Cf supra n. 2.
85 1a 2e 99, 6 fin + 18//.
86 CG 2, 29.
87 1 S 46, 3 ad 6.
88 Cf sup.n. 63. 2 S 29, 3 ad 4 + 25 //. 1a 25, 6 surtout ad 3.
89 1a 25,6 ad 3.
90 1a 22, 2 ad 2 + 10 //.
91 1a 19, 9 ad 2 ; 48, 1 ad 5 + 8//.
92 2a 2e 58, 16 ad 2. 2 S 21, 1 a 3.
93 2 S 34, 1. De rat. fidei, 142.
94 2 S 18, 1 ad 9 fin + 6 //.
95 2 S 3, 2 a 3 ad 1 + 3 //. 1 S 3 déb ; 1a 5, 1 + 2 //. Universaux cf. sup n.8.
96 I S 3, 7 ; 19, 5 a 1 + 2//.
97 1a 85, 3 ad 1 + 40//.
98 1a 85, 2 ad 2 + 30//.
99 1a 85, 3 ad 4. Po 6, 1 ad 1. Poster. 4 fin et 11 déb. CG 1, 65.
100 1a 8, 4 ad 1 ; 13,9 ; 85, 3 ad 2…
101 1a 3, 1 ad 1 + t3 //. 1a 10, 6 ; 50, 4 ad 4 ; 61, 3 et 4.
102 1a 5, 5.
103 1 S 61, 3 ad 4.
104 De rat. fidei ad cantorem antiochenum, 75 ; la 3, 10 ad 4.
105 1a 15, 2 + 14//.
106 2 S 21, 1 a 3. 2a 2e 58, 10 ad 2. De spir. 8.
107 1a 1,3 ad 1. De trin. 20, 3 et 8.
108 1A 12, 8 et 10 ; 8 ad 4. CG 3, 56-59 et 60.
109 CG 3, 59. (3-5 et 1-41).
110 1a 22, 4 + 69//. 1a 2e 19, 10 + 14//.
111 1a 10, 3. Quodl 6, 19.
112 M.M. Dufeil, lerarchia, Miscellanea Medievalia Thomas Institut Köln 10 (19
113 4 S 48, l a d 1.
114 3a 8, 1 à 8.
115 3a 27, 1 et 5.
116 1a 2e 81, 5 ad 3 + 3 / /.
117 3a 2, 11 ad 3.
118 3a 25, 3 ; 35,3 + 15//.
119 3a 25, 5.
120 2a 2e 179, 1 ; 180, 6. Uerit 8, 15 ad 3, et 10, 8 ad 10. In div. Nom. 4, 7 Etc.
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