L’image pluridimensionnelle. Histoire engagée
Champs sémiques de speculum à speculatio chez saint Thomas d’Aquin
p. 129-152
Texte intégral
Introduction
1Saint Thomas d'Aquin est le proptotype de l'homme intelligent. Ses idées riches, limpides et harmonieuses s'expriment avec bonheur. Savant universitaire, il construit des modèles systématisés, des champs sémiques organisés où les enclanchements de concepts se structurent eux-mêmes comme par auto-régulation. De la mystique dont il déroule ainsi la théologique, sa vie montre qu'il est praticien et l'exacte érudition de sa construction est dépassée par sa cohérence opératoire. Sa documentation hors de pair est la première dans l'histoire entre Aristote et les méthodes industrielles. Elle est en effet distillée par tout l'Ordre dominicain dont la définition même est intellectuelle, spéculative, en même temps que pastorale : les Prêcheurs furent universitaires dès leur origine. Leurs équipes furent une mécanique au point, de livres, lectures, traductions, expositions, cours et traités aboutissant à prédications, liturgie, confessions et confréries1. Contemplata aliis tradere2 : vivre de Dieu et en encadrer les peuples. L'adaptation au réel, à la neuve révolution urbaine des nouveaux Ordres Mendiants est un des faits les plus éclatants du 13ème siècle et le caractère vécu de leur vocation n'est pas nié. Le visage de l'Église tel que l'avait esquissé la révolution grégorienne se précise pour des siècles autour de la synthèse thomasique dont les adversaires, avec incompréhensions, rivalités, querelles et fureurs, forment en définitive le plus rigoureux écrin3. Du 13ème au 18ème siècle, l'âge de la ville triomphante et du commerce planétaire est dominé et comme gouverné par Thomas d'Aquin4.
2Depuis la révolution industrielle, Karl Marx occupe un peu cette même place de l'intellectuel révolutionnaire qui déchiffre les structures de l'univers et, comprises, s'emploie à les transformer en soulevant les masses en un mouvement. Mais la moitié de la planète le refuse et échoue à comprendre et rénover, tandis que la moitié qui accepte Marx démontre encore plus cruellement son échec. Cette inexorable raison de revenir à saint Thomas n'est pas fantasme de restauration d'un thomisme et d'une chrétienté passéiste qui n'ont jamais existé au vivant 13ème siècle, mais une méditation éclairante sur notre devenir. Mettre superstitieusement ses pas dans les pas périmés ne servirait qu'à couvrir d'une rêverie quelque politique réactionnaire. L'Europe du 13ème siècle est passée avec ses sociétés et ses théories, iI s'agit maintenant de toute l'espèce et de sa famine, du sertaô au Sahel et au Bangla-Des. Il s'agit du dialogue nord-sud pour établir un minimum de justice et d'humanité dans la vie quotidienne. Or l'échec jumelé du libéralisme et du communisme nous accule à retrouver le sens de la liberté dans celui de la communion. Entre saint Thomas et notre décadence, personne n'a su comme lui exprimer l'unité de l'homme dans le respect de chacun. Le choix du capitalisme a glissé à l'individualisme dissociateur et ceux du socialisme, au travers du même idéélisme rêvassant aboutit aux guerres et au Goulag. Au miroir du thomisme, le monde contemporain découvre sa laideur et son vieillis-sement. Étudier l'un des sémèmes de cette construction de Thomas nous mènera peut-être à en saisir l'esprit vivant pour redéfinir l'homme afin qu'il devienne heureux.
3Parmi les spéculations de frère Thomas, nous avons retenu justement celles du miroir, speculum, entouré de tous les mots de la famille du même radical et de ceux aux significations proches, et variées, pour tenter d'atteindre, dans sa lumière, la source de toute lumière.
I.- De speculum en species
A.- Speculum
4Le miroir est à la mode à partir du 13ème siècle et un autre frère Prêcheur5 intitule speculum, miroir, naturel, historial et moral sa triple encyclopédie des infrastructures matérielles, des médiostructures sociales et des suprastructures religieuses.
5Les lois de l'optique apparaissent aux 18ème-19ème siècles comme un élément topique de l'esprit scientifique et du développement de son progrès. La part qu'y prirent Galilée, Descartes, Kepler chante en nous comme la musique de leurs noms prestigieux6. On a cependant tort de ne pas savoir d'ordinaire que l'axe de cette course débute loin dans le passé et que l'archéologie atteste le miroir dès la protohistoire. Après les mirifiques rêveries des bronzes de Chine en Grèce et les belles Légendes d'Archimède, le millénaire du grand oubli laisse redémarrer le cours nouveau de la modernité vers 1250. Bacon avait lu les Anciens et enflammé en son laboratoire quelques objets par concentration des rayons solaires. Aussi promet-il des miroirs en armes secrètes aux croisés qu' il envoie dans ses rêves récupérer la Terre Sainte7. Grosseteste avait lancé l'optique et les questions de iride, de l'arc en ciel, où balbutie la recherche sur la décomposition prismatique de la lumière8. Parallèlement, l'astronomie rompt alors avec la répétition creuse et se met à manœuvrer diverses hypothèses, en route vers la possibilité de Copernic9. Pierre de Maricourt en 1260 inaugure aussi la problématique de l'aimant10. Cette recherche scientifique depuis jamais arrêtée et dont l'étincelle a enflammé notre brasier est née de la questio scolastica en milieu universitaire au milieu du 13ème siècle, quand l'artisanat de la taille du verre et quelques autres progrès permettaient ces tâtonnements réfléchis. Thomas d'Aquin n'y joue aucun rôle ; il est simplement au courant, au contact des expérimentateurs de pointe et des premières théorisations. S'il exprime le meilleur de son temps et son aspect progressiste dans la pertinence de ses expressions, c'est sûrement à son maître Albert le Grand qu'il le doit. L'historien ne saurait cependant négliger cet accord de structure en quelque sorte, entre l'acribie théologique et l'érudition minimale exacte en sciences naturelles et expérimentales. L'intérêt viscéral de notre auteur est tourné vers la théologie et la spéculation intellectuelle pure, mais il sait qu'une même logique préside aux autres sciences dont il accompagne le développement contemporain. Roger Bacon, encyclopédiste aussi à la mode du siècle scolastique fut un réel expérimentateur et poussa plus loin son goût et ses connaissances dans cette direction ; mais il les poursuit aussi en rêveries phantasmées. Sa psychologie personnelle intègre si parfaitement le tout en un seul mouvement que nous nous demandons parfois à quel endroit il dérape. Thomas ne dérape jamais. Il répète avec intelligence ce que lui apprit le très noble Albert en son attitude passionnée qu'il partage médiocrement. Puis il poursuit en son terrain théologique par une utilisation judicieuse du dire. Il ne se contente pas en cela de réponses polémiques ou de comparaisons mystiques conformément à la symbolique traditionnelle, augustinienne, monastique, romane. Il découvre d'ordinaire dans cette science neuve, une structure logique dont sa recherche théologique fournit l'analogué principal. Thomas en somme est un épistémologue renseigné. De la science des années 1250-70 qu'il formule aussi correctement que possible, il tire une conceptualisation générale. Aujourd'hui où nos savoirs ont atteint et dépassé leurs bornes, nous savons enfin comme lui que toutes les bornes repoussées demain ne résoudront jamais les vrais problèmes de l'homme. Comme nous ne manquons pas de sciences mais de concepts généraux, Thomas d'Aquin est plus grand que jamais.
6Speculum est un des mots du milieu du 13ème siècle qui, reçu d'une longue tradition, se renouvelle alors. Pour saint Thomas c'est d'abord un verre à fond de tain sans quoi il n'y aurait pas réverbération. Ce retour en fouet, uerbera, des rayons lumineux suppose en effet un corps obscur qui ne les absorbe pas reuerberatio non fit nisi ad corpus obscurum, ideo plumbum apponitur uitro licet non impediatur receptio eius : la continuité du langage sur deux langues est parfaite de saint Thomas au Littré et cette exactitude est plus frappante au 13ème siècle qu'au moment où le progrès la banalise11. Ecrite au commentaire du 4ème livre des Sentences, cette formule date donc de 1255-56 quand notre jeune bachelier était au comble de sa mouvance envers Maître Albert. Il en tirait alors non seulement les plus fraîches connaissances mais le plus vif intérêt qu'il ait jamais manifesté. C'est aussi à son commentaire du second livre qu'il s'occupe des rayons du soleil12 et de la diaphanité. Encore d'Albert proviennent ces considérations sur le ciel d'Aristote qui apparaissent plus tard dans les commentaires du philosophe et où le diaphane s'intercale entre lucide et opaque13. Au de anima apprenons-nous ainsi que la lumière est plus visible que la couleur mais celle-ci plus apte à mouvoir le diaphane14. Les expériences des oxfordiens autour de Grosseteste et peut-être celles d'Albert avaient tenté de comprendre la décomposition de la lumière par le prisme "diaphane". Mais notre théologien n'est pas là parfaitement à son aise et ce motus aperçu en pure logique attendit après Buridan et Bradwardine15 pour se diriger vers une notion claire de la polarisation. Respectant le siècle tel qu'il fut et la science de Thomas telle qu'elle était, gardons cette limite de la couleur comme frontière de notre étude. Notre jeune maître développa davantage son intérêt pour la lumière sous son double aspect matériel et immatériel. A vrai dire Le speculum materiale qui representat omnes formas ex necessitate nature16 l'intéresse moins comme mode de son temps que comme support réel d'une généralisation logique. La couleur est en effet affaire de décor, de beauté matérielle de même que lux, qualité du ciel17 sise proprie tantum in corporibus18. Dès le second livre des Sentences, le bachelier a tenu à distinguer en son commentaire lux du côté de rayon et lumen du côté de splendeur qui va de pulchritudo à Christus19. Lux, hypostase de la couleur, est liée au soleil, à la pleine lune et aux étoiles, au cosmos et se diffuse dans l'air20. Lumen est à l'inverse une notion logique qui de la lux matérielle gagne lumen naturale intellectus21 puis de supernaturale intelligibile poursuit son ascension logico-mystique jusqu'à lumen glorie connaturel à aucune créature22 car il est ipse Deus23.
7Thomas a fait de lumen un des concepts les plus puissants de sa théologie, comme en témoignent les mots et les idées qui apparaissent auprès de chacune de ses occurrences textuelles. Repoussant parfois l'illuminatio selon le docteur berbère, la dépassant toujours, Thomas renouvelle toute la tradition sacrée marquée d'Augustin en la repensant d'Aristote en Albert. En 1241, à l'université de Paris, l'opposition s'était manifestée entre la tradition augustinisante des latins tranquilles et les vouloirs orientalisants des dominicains nouveaux savants sur base greco-arabe. Un prédécesseur de Thomas, frère Guerry de Saint-Quentin, avait été condamné et s'était soumis : conformément à Jo 1.3, 3 uidebimus sicuti est, les bienheureux ont de Dieu une vision directe, sans médiat. Dominicain obstiné, Thomas dans toute son œuvre, toute sa vie revint sur le sujet et prouva que le lumen medium sub quo l'on voit et sans lequel rien ne saurait être vu ne médiatise en rien la vision car une.ambiance n'est pas un outil ; et que par conséquent ses frères n'avaient pas mérité condamnation24. L'aristotélisme seul permet cette division entre sub quo, in et per quod dont la richesse est décisive dans notre thème car en huit occurrences depuis le commentaire des Sentences jusqu'à la la pars Summe25 nous apprenons que le medium de la cognitio est triple : in quo ut speculum, sub quo ut lumen per quod ut in demonstratione. Encore à peine péripatétisés, les collègues séculiers, augustinisants et jaloux n'avaient pas voulu entendre en 1241 la différence entre lumen milieu ambiant ne médiatisant nullement et medium moyen terme médiatisant le cheminement de démontrer. Aucune uisio créée n'est possible sans lumen26, seul Dieu est in se lumen. La place relative de lumen et speculum est d'autre part fixée dans ces formulations où vision et contemplation s'organisent en échelle autour de cogitatio et cognitio. Loin d'un symbolisme augustinisant, romantique et rhétorique, toute notion riche et complexe se décrypte chez Thomas en pure logique montante, en analogie où le visible renvoie par nature à l'analogué principal invisible dont il est le speculum.
8Lumen est ainsi intimement lié à Dieu depuis fiat lux jusqu'à lumen de lumine et uidebimus sicuti est27.L'homme et son monde et sa vie ne sont rien d'autre que speculum de la lumière de Dieu qu'ils doivent refléter. Qu'il contemple au miroir de son esprit ses péchés et leur supplice, les bienfaits, ordres et récompenses de Dieu28. Aucune vapeur ne doit venir troubler ce miroir où Dieu se reflète et que ternit le serpent29. Un tel speculum du domaine spirituel est métaphorique, déclare30 notre philosophe qui ne se fait aucune illusion naïve dans sa construction. Sans jamais confondre pensée et littérature, s'il étend le sens d'un mot au-delà du sensible et du littéral, il précise cette opération de l'esprit31. Ainsi peut-il écrire que l'intelligence angélique est pur miroir et non contaminé. On sait l'importance topique de l'angélologie dans la synthèse théologique de fra Tommaso : ce champ de définition est axe systémique de sa structure de pensée32. Non contaminé par le péché de notre origine spécifique, l'ange ne souffre en son genre d'aucun défaut dans la réception du lumen naturel ou divin. Tandis que la réception des choses spirituelles se déroule en nous à l'image de ce qui se passe dans le renvoi de la lumière physique par un miroir.
B.- Species :
9Le miroir offert aux rayons du soleil reçoit une species, comme notre esprit à partir de l'imago oculaire de la chose vue. La parenté radicale de species avec speculum n'échappe pas à notre intellectuel italien. Oblat de monastère à l'âge de trois ans, le latin d'Église est sa seconde langue maternelle sans secret pour lui. Il en pense instinctuellement les racines éclairantes, il en porte en pensers limpides les implications les plus profondes. In speculo apparet species33 est plus qu'un jeu de mots, un jeu de signifiance sur le radical. Comme par ailleurs in speculo fracto resultant multe imagines34, force nous est de rechercher la différence entre imago resultat et species apparet. Il se pourrait que componentiellement nous ayons là la différence entre l'image par nous dite réelle au plan focal (elle est en effet, un résultat) et l'image virtuelle qui apparaît dans le miroir. Les opinions de Bacon indiquent bien que la concentration des rayons au plan focal commençait d'être étudiée. Mais l'exactitude des verbes et des vocables, très typique de Thomas d'Aquin et issue de ses maîtres en sciences, ne le constitue pas en chercheur. Il passe tout de suite à l'aspect de logique générale aristotélisante sans plus se soucier de l'expérience. Son intérêt,.exact pourtant pour les miroirs brisés, est mince et immense pour la théorie à en tirer. Or l'intérêt de cette remarque est certain pour ce que nous appelons encore parfois "histoire des idées" malgré les graves défauts de cette expression. En effet ces multas superficies causantes singulas reuerberationes sont dues à ce que non habet ibi esse quiescens35. D est clair que species, reuerberatio, imago sont des significations techniques non confondues et qu'une ébauche de théorie optique a été apprise chez Albert. Mais le "réflexe" de Thomas est péripatéticien ce qui remonte jusqu'à ses études napolitaines. Le lieu et le temps forment un tout sciemment impliqué. Loin de naître avec une prétendue renaissance inexistante, l'idée de lieu distillée chez les néolithico-antiques avait été conceptualisée par Aristote en structure commune avec le temps. L'hylémorphisme, organisé au couple acte-puissance, surplombe un concept de mouvement, passage de puissance à acte, qui entraîne vision du temps, numération du motus. Le mouvement local en est l'imago saisissable et se comporte aussi comme une actualisation : une seule species analogique peut les réunir intelligibile. Nos sens fournissent en effet l'imago oculaire par exemple dont nous élaborons cette species immatérielle imprimée dans l'intellect qui est le comprendre. Toute la vie du Lycée vers 1250 et toute la querelle des universaux sont dans cette "espèce", species où le matériel s'inscrit en immatériel et inaugure la fabrication conceptuelle, l'intellexion selon notre "espèce" humaine.
10Certes l'impetus de Buridan permit au siècle suivant une meilleure approche logique de la description physicomathématique du mouvement36. Mais, outre que la lecture de Buridan est moins terministe et anti-aristotélicienne que la partialité classique nous l'a fait croire, elle est postérieure à cette disputatio scolastica qui débute au temps de Thomas la brûlante recherche depuis jamais arrêtée. La lutte du Lycée contre les flèches cruelles de I'Eléate et ses célèbres paradoxes porte en elle-même toute méditation du mouvement. C'est l'attention thomasique au couple espace-temps qui fit apparaître aux universités cette logique même et sa recherche. Quiescere est mot fort chez saint Thomas, ouvertement relié à la délectation d'Amour, à l'Esprit-Saint37, sans l'insistance traditionnelle sur l'aspect moral38. Fin de toute opération, du labeur et du mouvement, quies ne se termine vraiment qu'à la fin ultime. Lié au désir, il l'est encore davantage au temps qu'à l'espace dont il tire sa prime formulation. Naturel ou intentionnel, spirituel ou exécutoire, il est un état où le mobile cesse de se mouvoir : de ratione quietis est quod mobile similiter se habeat nunc et prius39. Il faudrait être fermé à Thomas et à son style pour n'entendre pas ici, outre la théorie de l'Acte pur, toute cette histoire40, qu'il ajoute à Aristote et qui va de la création à la parousie. Parmi la centaine d'occurrences des mots de cette famille, il faut citer expectatio, requies ludus, pax, serenitas, et beatitudo qui par ailleurs, nous l'alions voir, avoisine species. Sur le terrain purement logique, on ne se retiendra pas de citer : physica tractat de tota terra ratione quietis et de eius partibus ratione motus… et de primo motore… et termino41, et qui expose d'un seul coup et le "scientisme" rationaliste du Lycée et La théorie du mouvement jusqu'à la beatitudo.
11Mais l'intérêt de ce passage est encore dans.son utilisation. Frère Thomas se sert a contrario d'ailleurs de ce miroir brisé, en théologie de l'Eucharistie : au sacrement, il n'y a qu'une consécration, au miroir, il y a plusieurs images provenant des diuersas reflexiones ad diuersas partes speculi42. On ne peut pas passer sous silence que autour du speculum chez Thomas, les termes de reuerberatio sur l'obscur et de reflexio, impact du rayon lumineux, sont employés avec exactitude. Mais le plus important reste le raisonnement. L'esse quiescens des Sentences saute à ce passage parallèle de la 3a pars, de 1255 à 1268. Cependant, le secret demeure identique : l'esse du Christ, au repos dans le pain eucharistique y est en son lieu pour la communion des hommes. Chaque partie de l'air est air, chaque partie du pain est pain. On saisit.sur le vif le passage, ou plutôt dans la théorisation cohérente, l'absence de rupture du décryptement thomasique du physique, du logique et du mystique. Cette unité perdue de la triple lecture des infrastructures matérielles avec leurs médiostructures d'organisation et leur suprastructure de signifiance constitue tout le déchiffrement vécu des degrés du savoir et de l'être. Le miroir y porte la species, que nous y voyons, de la res reflétée : il n'y a pas d'imago de rien et Thomas poursuit cette évidence destructrice de tout idéélisme jusqu'à sa consistance théologique. Le concept de miroir ne convient pas à Dieu le Père au regard des créatures ou même de Dieu le Fils mais en sens inverse au Fils devant le Père et aux créatures devant le créateur43. En effet, exemplar est ante rem et species post rem44. Nous pourrions ajouter, simple répétition, in speculo quiescet species45. Des travaux d'expérimentateurs savants caractéristiques du siècle, Thomas qui les a appris d'Albert, retient une science construite jusqu'à une théologie vivante. Les nombreux descendants des initiateurs de 1250 nous rendent moins sensibles aux savants qu'à ces inutiles périls dont ils nous abreuvent et nous avons davantage besoin de quelqu'un de non-ignare mais dominant toute science par une épistémologie débouchant en sagesse appliquée à vivre. Thomas d'Aquin est ce supermoderne que nous cherchions.
12Plus de 1 000 fois en ses textes46 apparaît la famille de species : specialis, speciale, specificitas, specificatiue, specificari, specificum etc. Autour de speculum dont species est après tout l'une des racines, toute une théorie de la connaissance et toute la querelle des universaux peuvent se dérouler. Le latin de frère Thomas ne lui est pas seulement une science intime ; il est chez lui admirablement taxinomisé. Species veut aussi désigner la beauté de l'aspect et speciosus, d'une belle apparence a fini par signifier en français, qui n'a plus de beau que l'apparence. Cette déviation sémique s'est justement produite au cours du développement des attitudes idéélistes qui scindent l'apparence phénoménique et la res, aux 17ème et 18ème siècles de la construction capitaliste47. Species n'en reste pas moins dans ce sens une espèce impresse : species est proprie pulchritudo interior et decor pulchritudo ornatus exterioris48. Avec une cinquantaine d'occurrences ce thème fait jouer à saint Thomas le premier rôle dans les renouvellements esthétiques du quattrocento49 L'exil scolastique du ronron cicéronien des belles-lettres50 n'a pas empêché fra Tommaso de développer son goût très vif de la beauté. Auteur littéraire lui-même avec un probable sonnet de jeunesse sur l'honneur51, il participa à composer l'office du Saint-Sacrement52. Ces rythmes baroques chers à l'Italie et trop à la mode deux à trois siècles plus tard, martèlent puissamment le Lauda Sion en cette étrange esthétique où la fhéologique s'installe en constituant premier de la poésie mystique. Mais le logicien veille autour de la species devenue beauté : aspectus mulieris pulchre est risque de luxuria53. A suivre divers termes concomittants, les évocations de beauté glissent de mulier et puella à raptus, delectatio, pour couler au cloaque des spectacula turpium54. Uenustas, de Vénus pourtant est liée à decor et mieux traitée55. Attribuée à Isaïe, la uenustas uerborum est appréciable qualité. Ce commentaire semble justement avoir été écrit au temps de la grande querelle universitaire parisienne où le parti de Guillaume de Saint-Amour attaquait l'élégance de langage et de pensée du jeune Tommaso 56 qui se défend directement dans le Contra Impugnantes et soutient l'ornatus uerborum, convenable aux prédicateurs de la pauvreté et de la vérité57. Ce saint italien plut aux italiens qui de 1260 à 1560 magnifièrent le beau langage.
13Formosus est encore mieux traité puisqu'il qualifie quadruplement le Christ Jésus jusqu'à précisément son ornatus conuersationis58. Ornatus et pulchritudo, même regardés au miroir du langage ne sont donc pas des maux. Decor non plus qui est la beauté objectale dangereuse seulement en cas de libido. Elle peut aller sans péché comme cette decor faciei dont Rachel séduisit Jacob 59 et dont descend le Christ. Pulchrum nous renvoie au miroir du regard en désignant ce qui est beau à voir et tout miroir renvoie à Dieu car oculi debent inclinari in Deum60. Rachel, mot à mot, veut dire "qui voit Dieu" et désigne ainsi l'Église61. Tout renvoie de tous les côtés du champ parcouru au lumen de Dieu. Tous les miroirs et renvois peints par les luministes d'après le Caravaggio 62 sont en racine dans notre 13ème siècle des nouvelles tailles du verre et des neuves réflexions sur la beauté de Dieu63.
II- Speculatio
A.- Racines
14In nulla re consistit beatitudo nisi in Deo64. Tout Thomas est ainsi de spéculer sur le bonheur qui est Dieu seul. Réfutant d'avance l'épistémologie benthamienne d'une somme de plaisirs duement compensés, voire bien tempérés, Thomas d'Aquin énumère en effet tout ce qui n'est pas la vraie béatitude. Il écarte la richesse65, les honneurs66, le pouvoir67, la gloire68, les biens sensibles69, le plaisir70, la vertu71, l'art c'est-à-dire en son langage et le savoir-faire et l'esthétique72. Mais, tout en écartant l'intelligence pure, il lui accorde un joli strapontin. Sans la constituer, la considération des sciences spéculatives est une sorte de participation à la béatitude éternelle73. Saint Thomas écrit ainsi en bon péripatéticien que nous verrons Dieu par l'intellectus et qu'à raffiner l'exercice de cet instrument, on en affine la saisie. Garantis par la rationalité logicienne, il convient de la dépasser et de parvenir au degré supérieur de l'intus legere. Scrutant les purs concepts, nous nous détachons des apparences sensibles, simple miroir, et nous accommodons notre regard intérieur aux réalités de l'Invisible. A décrypter la structure que décrivent ces purs concepts, on déchiffre le créateur de toute structure, auteur et structure de la création, son miroir. L'imago du buisson ardent nous brûle de ce lumen qui renvoie la création à ce qu'elle est, speculum réfléchissant l'Exister, sum qui sum74. Le texte de Thomas qui n'était pas homme à s'exprimer au hasard fait preuve contre toute interprétation tardive de son insistance sur ce rapport contemplation-spéculation. Voir Dieu en lui-même suit le regarder en ses créatures 75 et contempler essentialiter consistit in intellectu76. Certes de célèbres imbéciles purent reprocher à Thomas son "intellectualisme" ; mais quelle incohérence n'y aurait-il pas à asseoir le bonheur, récompense du courage, dans la délectation de la volonté ? Car si la béatitude est de voir Dieu, l'acte de voir l'invisible est sûrement le propre de l'intelligence77. Thomas est cohérent. Les vocables qu'il emploie sont pour lui des instruments de pensée et il taxinomise pour mieux conceptualiser. Toute piste de ses termes révèle le système total et chaque rotule fonctionne en kaléidoscope dans toute variation de l'assemblage, dans toute direction.
15Il n'a sûrement pas su le grec comme le latin qui lui est connaturel et son traducteur attitré, Guillaume de Mœrbecke n'était pas présent dans l'équipe au moment de la naissance des thématiques. Il n'a peut-être pas su la métathèse des mots de l'observation qui dans la famille indo-européenne passent de la racine grecque skep au latin spec et de l'observateur skeptikos à la speculatio. Mais la caverne, chère aux platonismes eidotiques, où le réel se lie aux ombres du fond par la médiatisation des reflets-images, se dit en latin specus, comme en grec skepê, racine de skeptomaï, observer, regarder. Rien n'est perdu alors de cet abri protohistorique et de sa symbolique. Ombres aidant, la notion même de speculum comme celle de réflexion est partie de ce reflet. Thomas déclare justement que la différence entre cauerna naturelle et spelunca est que celle-ci est ab arte78. Speculatio dicitur a speculo non a specula 79 prend alors tout son sens et il est de bonne guerre et même de bonne paix de le faire remarquer, Thomas sent le latin jusqu'à remonter de speculatio à speculum, à species et à toute la racine spe. Le plus intelligent des professeurs d'université au 13ème siècle sait relier les mots et concepts en systèmes, sait composer les structures en résultats vifs jusqu'au frémissement de la mystique. Species, la beauté au miroir de nos yeux ; species, le vu au miroir de notre esprit, species spécifie, définit tout l'univers dont les parties principales, les corps simples opposés aux mixtes, sont celles où repose son intégrité specifica80. Spectare est alors regarder dans les deux sens, actif et passif et mène à remonter de l'imago à la species et au lumen. Roger Bacon a bien raison de tailler les verres avant Galilée et de donner leur nom anglais aux spectacles qu'il invente. Mais les spectacula de Thomas viennent de plus hautes antiquités et portent à plus haute philosophie.
16Spectacula sont d'abord ce à quoi nous porte ce que nous regardons et le rapport secret à la valeur de notre contemplation est évident. La vieille hargne patristique contre la décadence antique et sa dépravation théâtrale le porte encore à interdire la scène, même honnête mais aux seuls pénitents81. Par contre il interdit absolument ceux qu'il juge honteux et portant au péché82. Si intéressante que soit la Summa en morale ou en législation, elle l'est davantage en histoire anthropologique concrète et l'étrange Thomas ne désigne guère le théâtre proprement dit. Il s'agit d ‘abord de chasses, à courre donc probablement, qui délassent l'âme et nous font penser qu'à la curia de Federico, le petit peuple se pressait aux sorties comme nous au Tour de France83. Ensuite vient le spectacle turpis d'un coït d'animaux d'espèces différentes ce qui ne se pouvant facilement implique l'intervention humaine pour exciter à la concupiscence84. Chez un professeur dominicain qui a passé son enfance en oblat à l'abbaye du Mont-Cassin, ce thème provient probablement d'un pénitentiel ou du zoo de Frédéric. Au château où sa famille tenta de le détourner de sa vocation, l'anecdote raconte une histoire d'un goût médiocre mais moins scabreux et composite. Une expérience involontaire ou de ouï-dire chez les étudiants napolitains n'est pas plus vraisemblable. La banalité du pénitentiel est d'ailleurs encore plus révélatrice d'un 13ème siècle différent de notre imagerie a priori. La société était alors aussi complexe que nos habitudes mentales obstinées se refusent à le savoir. Antique, moderne et surtout médiéval sont des pseudo-concepts de Gestalt pour attardés intellectuels. Ils ne résistent pas ici aux catégories scolastiques dont les ignares se sont gaussés, de nature humaine uulnerata in naturalibus par un péché spécifique d'origine.
17A de tels spectacles de toutes façons convient le vice de curiositas qui sévit surtout en curia. Stigmatisé par Thomas, il est lié au jeu, aux femmes, à la divination qui en est une espèce85. Il s'oppose à la fois à la pureté et au zèle de l'étude qui participe un peu de la béatitude86. A côté du bavardage et du soin de la beauté87, il procède de la tiédeur et de l'ennui, ce péché mortel que la scolastique dénommait accidia88. Fra Tommaso exploite, on le voit, toutes les avenues des mots et notions autour de spectare depuis la concupiscence et le souci de plaire en vêtements et paroles jusqu'aux tireuses de cartes, aux fêtes et au théâtre. Il n'écrase toutefois pas les métiers du spectacle comme un janséniste du 17ème siècle et parle même d'histrion honnête89. Aux jongleurs et ménestriers de la curia regis, il préfère les pompes liturgiques et la Fête-Dieu dont il voulut grandiose l'office90. Le plus grand ménestrel il est vrai de sa génération s'est historiellement trouvé dans le camp de ses adversaires et l'a même peut-être atteint personnellement. Converti, Rutebeuf 91 est revenu à ses premiers sentiments envers les Franciscains mais n'a jamais penché vers ceux qui lisent de logique chez les fils de saint Dominique92. Les hommes de l'esthétique et ceux du concept ont parfois peine à se rencontrer quoique depuis Dante nous ayons réconcilié tout ce monde.
B.- Spéculatif :
18Cette trop riche racine spectare que nous n'arrivons pas à suivre aux détours du texte de saint Thoams jouit en latin comme en français du double sens actif et passif. On le prête même aux choses qui regardent vers, pour dire qu'elles relèvent de telle ou telle catégorie. Thomas connaît et utilise ce glissement de sens où l'emploi grammatical amphibologique couvre une signification abstraite. Ea que spectant ad ou de hiis que spectant ad regimem multitudinis 93 indiquent bien chez lui ce jeu d'association des termes et sens en diverses directions. Son ensemble spéculatif est ainsi fortement dressé cuius participatio eius in idipsum94. La notion même de spéculatif est des plus riches et il est temps que chacun sache qu'on n'a pas attendu le 18ème siècle pour distinguer raison pure et raison pratique95. Si, avec les Grecs et tout le stock traditionnel précédent, Thomas distingue clairement sans les opposer en formulations contradictoires, cela ne le constitue pas moins philosophe que les spéculateurs plus récents. Le capitalisme industriel, détournant de son sens la vertu de libéralité, inventa le libéralisme, la manie libéraliste qui consiste à dissocier. En société l'individualisme irréel casse les liens naturels et nécessaires entre les hommes pour ne laisser subsister que les lois du marché, loi du plus malin, du plus fort. En univers conceptuel, le même mécanisme idéel et irréaliste pousse la distinction des termes jusqu'à leur dissociation et de contradictions en équivoque résume toute sa déstructuration de l'univers. Faute d'une logique montante, d'une analogie, Karl Marx lui-même, le plus intelligent des négateurs du libéralisme, n'a pas réussi par sa dialectique esthétisante autre chose qu'une cimentation univoque, inhumainement pesante. Ce que Kant supprimait par dissociation, il l'étouffe par conglobation. Et cet écartelé, ce congelé, c'est l'homme. Au niveau terminique, la notion d'homme, d'humanité disparaît. Les universaux étant ce qu'ils sont, des êtres fondés en réalité, chaque homme réel est atteint dans sa définition concrète, dans sa reproduction spécifique et dans son éducation scolaire et sociale, dans son tissu vital. Pour Thomas pratique et spéculatif se distinguent pour s'unir et la théologie sa profession, est science tant spéculative que pratique. On le lui a reproché en même temps que l'inverse, une théologie vraie comporte une pastorale, une liturgie des sacrements et de toute une vie par la confession et l'Eucharistie. Une théologie vraie débouche en mystique pure, science expérimentale appliquée où Thomas passa maître.
19La vie spéculative caractérise les anges 96 et donc les bienheureux. Si on l'oppose au pratique du faire, recta ratio factibilium l'art, et de l'agir, recta ratio agibilium la morale, c'est une opposition logique non réelle car la dialectique thomasique est que tout le réel finit toujours par confluer. Tout le réel est création de Dieu et conflue toujours à cette source de tout lumen dont il n'est que le speculum97. La spéculation consiste à regarder les choses en miroir, les causes dans les effets et à savoir remonter des effets aux causes. Les corrélats de cette notion dans nos textes confluent nous l'avons vu à la béatitude mais n'en sont pas moins par ailleurs riches et nombreux. Tout un pan du thomisme se marque dans les configurations discursives et les champs notionnels formés par les termes qui accompagnent fréquemment speculare et sa famille. Une quarantaine de mots se signalent ainsi et sont de premier ordre dans l'épistêmê du maître : ange bien sûr, beatitudo caritas christus, cogitatio, cognitio, contemplatio, diaiectica, habitus, intellectus, logica, principium, processio, prouidentia, prudentia, ratio, sciencia, theologia, uirtus, ueritas forment en liste de base un aperçu suffisant au plus récalcitrant. Les vertus elles-mêmes sont pratiques ou spéculatives. Saint Thomas les tient des stoïciens et muni des dons du Saint-Esprit n'a pas grand chose à en faire que d'en renforcer la puissance - uirtus - naturelle par une vie surnaturelle. Ars et prudentia dont on vient d'écrire le lien, recta ratio sont les vertus pratiques de l'agir et du faire tandis que sapientia et intellectus portent non sur les contingents mais sur les nécessaires et sont vertus spéculatives où le rectus fait place au reflexus. Les habitus spéculatifs qui regardent les premiers principes sont inamissibles et incorruptibles98. L'âme connaît tout in rationibus eternis dans le principe spéculatif et non en contemplation dans un miroir99.
20Speculum implique en effet la réflexion, distincte de la réverbération. La distinction est nette chez Thomas, issue d'Albert. Mais notre théologien insiste sur l'emploi de la notion au double niveau physique et intellectuel. La réflexion tient chez lui une place égale à celle des philosophies tardives de la réflexivité mais s'y corrige par une "réflexion" qui retourne toujours au réel. La réciprocité de l'amour, parental ou conjugal, avec ses rayons biunivoques e conuerso emploie les vocables de reflexi et reflecti. Par 40 occurrences notre théologien essaie de classer les principaux cas de sa combinatoire et soutient aussi la différence que la ressemblance du réflexe et du direct. Cela s'éclaire quand il explique comment aucune potentialité sensible ne se réfléchit, seulement l'immatérielle reflectitur super actum suum100 ; et surtout quand il avance cette réflexion simple et limpide que le réflexe inclut le direct101. La comparaison est serrée entre le logique et le concret. La réflexion du miroir et celle de l'intellect sont images l'un de l'autre et les mots qui décrivent les radiations lumineuses servent à mieux comprendre les phénomènes mentaux. Chez ses expérimentateurs germaniques, le 13ème siècle tâtonnait les lois de l'optique et l'empiriocriticisme anglosaxon perçait déjà pertinemment chez les oxfordiens. Mais Thomas qui devinait avec eux avait déjà fait servir le tout à la compréhension de l'univers. Renseignée et décisive comme il était impossible 700 ans trop tôt, la démarche d'Einstein est fort différente, mais la systématique est la même : lire et exprimer l'univers à base de lumière en passant de l'expérience concrète à la systématisation d'un modèle structurel qui, renvoyé au réel, y fonctionne en agissements opératoires.
C- Spéculer :
21Autre cependant que scientifique, la grande opération du 13ème siècle réel fut d'établir l'univers du commerce moderne102. Cependant nous ne savons guère quand le mot speculatio est passé à la seconde signification où nous l'employons, l'escompte d'un profit. Ce terme de speculatio est, nous l'avons saisi, axial de tout ce qui va du speculum concret au spéculatif intellectuel. Le calcul de la variation des prix au cours du temps n'a pas enlevé le premier sens, la visée des premiers principes médités en leurs effets. Le même mot couvre donc le fait intellectuel et un système de profit.
22Le premier sens est fort clair et sourit dans le mépris coutumier pour les intellectuels : c'est un spéculatif dit-on pour se moquer de qui s'élève au dessus du concret quotidien utile. L'autre signification est collectivement reconnue avec autant de sécurité : qui n'a jamais hargneusement chargé les spéculateurs immobiliers de tous nos échecs économiques ? L'enchérissement des terrains à construire donne d'ailleurs le lien limpide entre les deux sens. Calculer d'avance l'achat mince d'une vente avantageuse différée est typiquement acte de l'intellect. Même si cela s'écarte de tous principes et en particulier des premiers principes, cela procède de leur estimation dans quelque dernière conséquence. Par une lointaine redondance devenue folle, l'enchaînement des causes et des effets demeure ici une application de la rationalité. La spéculation financière est à la spéculation ce que l'hypocrisie est à la vérité : en utilisant ses procédés, elle constitue l'hommage du vice à la vertu. Il ne semble pas que saint Thomas d'Aquin se soit beaucoup occupé de terrains à gagner ni ait employé le mot dans son sens financier Mais par contre. La notion est rigoureusement présente en ses études. Le premier et plus grand penseur moderne ne pouvait, même a contrario ignorer, fut-il le pire, l'un des éléments topiques de la modernite. Il désigne pourtant nettement le spéculateur sous le vocable de negotiator quand il écrit : tout individu qui vend plus cher qu'il n'a acheté n'est pas negotiator, mais celui qui achète afin de vendre plus cher103. Et ceci glisse aisément à la turpitude104). Le negotium secularium peut être accompli par piété et même pour le gain de façon licite si la fin est honnête105. Toute la révolution apportée dans la tradition religieuse par la nouveauté du grand commerce apparaît ainsi chez notre auteur italien qui connaît un peu la societas et la compania.
23Un bref discursus dans les textes de saint Thomas, en particulier dans son œuvre sur l'usure, est donc indispensable pour achever la présentation de speculare. Les questions de ses interlocuteurs portaient en effet sur cette actualité du 13ème siècle qui n'a pas cessé pour nous, en témoigne le fait que l'autre source première de ce dire se rencontre dans les quodlibeta106. L'essentiel date de loin car les hommes ont dû apprendre très tôt l'art de gagner et le calcul intellectuel du meilleur gain. Mais la naissance du système capitaliste bancaire et financier dans l'Italie du 13ème siècle avait transformé le penchant ordinaire en institution 107et c'est à cette nouveauté que Thomas affronte sa mesure et sa sagesse. L'important ici encore c'est le temps : res carius uendatur propter temporis dilationem 108 et cet incrementum lucri ex sola dilatione temporis se dénomme credentia. Ce terme désigne en fait ici à la fois le crédit et l'escompte, le négoce et la spéculation. Thomas le théologien n'aborde pas ce sujet scabreux sans circonspection et cherche visiblement à éviter les deux écueils de la condamnation et du laxisme pour le juste milieu de la vertu. Aujourd'hui comme en son temps, les esprits rapides préfèrent hausser les épaules pour soutenir soit l'acceptation d'un réalisme courtaud soit la hargne d'une morale envieuse. Négocier pour gagner est licite. La part de société qu'on donne à l'argent ou au marchand pour qu'il la négocie ou encore à l'artisan pour qu'il en fabrique objet est licite et non usuraire109. Thomas veut permettre le prêt progressiste à l'investissement productif contre le prêt régressiste à la consommation qui ne permet aucun autre développement que d'appauvrir les pauvres : Lucrum de re sua non accidit sorti110. Sperare lucrum iam de re non sua par contre est usuraire c'est-à-dire escompter un gain d'une chose non acquise en juste possession. Espérer plus qu'on ne donne est cependant licite dans un contrat car la valeur des choses parmi les hommes peut augmenter ou diminuer dans le temps par voie naturelle111. Cette condamnation implicite du monopole et de la spéculation par raréfaction artificielle n'est pas seulement morale. Il s'agit d'une volonté d'assainissement économique tentant d'être au courant des mécanismes du temps, déjà fort compliqués. Aussi les marchands ont-ils le droit d'espérer un profit en affaires. Le prix des choses augmente naturellement dans le temps, comme le blé plus rare au printemps ou comme le constitue le croît des forêts ou de la reproduction des animaux d'élevage112.
24L'usure, ce chancre des anciennes sociétés que le nouveau système du capitalisme à l'italienne rejetait derrière lui, ne doit donc pas être confondue avec 1' investissement. Le croît naturel en multipliant les choses peut devenir une politique économique113. C'est tout le secret des Mendiants, seuls à être, universitairement d'ailleurs, favorables à la nouveauté urbaine et commerciale, que cette adaptation au monde en création historique. Leur rationalité aristotélicienne accompagne la rationalité du calcul des bourgeois et distingue sans faiblir le bien et le mal dans la nouveauté financière au lieu d'une paresse traditionalisante à condamner sans réfléchir114. Il y a usure quand il y a superabundantia ultra sortem et qu'on a dépassé les incrementa que proueniunt ex usu115. Mais il y a investissement quand on escompte la laine, son accroissement, son progrès qualitatif d'un troupeau mieux soigné et mieux géré. En cas d'usure, il y a lieu de rendre moralement aux pauvres, c'est-à-dire à l'Église et fructus et lucra116. On ne doit pas vendre ce que l'on n'a pas et tout le délicat de l'estimation est dans cette espérance d'un accroissement qui est chiffrable et vendable et l'excès qu'on y risque117. On a parfaitement le droit de vendre au plus cher et d'acheter au plus bas selon le moment 118 mais l'anticipation de paiement et le retard peuvent passer à l'usure119. Le principe philosophique est clair : le surplus légitime provient du travail, de l'usage ou de l'échange120. Les rentes annuelles, vieille tradition, sont permises, et ceci ne peut aller sans rappeler que saint Dominique en avait déchiré un parchemin de donation. Mais le théologien ne confond pas la règle de sa vocation avec les règles de l'économie générale121. La production peut couvrir les rentes et les valeurs à percevoir. En définitive la limite morale et théologique est entièrement contenue dans l'excogitatione fenoris122, dans la supputation de l'usurier. L'estimatio dépend de la spes lucri. Le terme de cogitatio qui vient d'apparaître au texte de saint Thomas nous ramène à notre famille et à sa configuration. La racine de toute spéculation financière se trouve alors dans le même radical spe qui commande les sémènes envisagés : spes lucri. Spes porte sur le temps, est un calcul sur le futur, représente une sorte de réflexion de l'avenir au miroir de l'intellect.
25Speculatio au sens financier peut verbalement manquer aux phrases de saint Thomas, la notion est cependant entièrement en son texte intentionnel. Une juste estimatio pro tempore peut alors donner crédit au prix futur à percevoir, sans usure aucune. On a le droit de majorer d'avance, ce serait alors payer d'avance à bas prix qui aurait goût d'usure d'usure123. La vente d'avance ou la vente différée même du blé sont alors possibles sous réserve d'honnêteté du calcul entre les deux contractants124. Estimabat tantum ualituram probabiliter in predicto tempore125. On peut ainsi en tous contrats recevoir plus qu'on ne donne propter dilationem. Saint Thomas d'Aquin a cherché à inclure le temps du marchand dans son renouvellement théologique et à laisser les coudées franches aux nouveaux procédés qui assurèrent depuis les progrès de l'Europe mais dont les dérapages et les excès viennent de nous procurer sa décadence.
Conclusion
26De speculum à spéculer, l'œuvre intelligente de Thomas d'Aquin vient de nous présenter tous les aspects de toutes les significations d'une famille de mots et d'idées.
27Aucun auteur ni du 13ème siècle, ni avant bien sûr, ni depuis hélas n'est aussi riche, aussi net, aussi judicieux, aussi élégamment composé entre ces divers axes de cogitations qui commandent nos pratiques, nos spéculations intellectuelles et nos vies. Le miroir était en son siècle une vieille chose radicalement renouvelée depuis peu et en son temps dans la pratique comme dans la théorie. Le miroir devient pour cinq siècles un élément symbolique et topique de la civilisation européenne. Les progrès de sa taille accompagnent les progrès de la science, les progrès de sa symbolique s'exposent aux titres les plus variés, les progrès de sa diffusion résument les mouvements de l'économie matérielle. Quand, au 18ème siècle, le capitalisme industriel supprima la rareté de ce produit et son coût princier, que les demeures se couvrirent de vitrerie et les secrétaires vénitiens de miroitements, un temps de l'histoire qui va du 12ème au 18ème siècle s'acheva. Commencé dans les vitraux gothiques, il nous laisse les vitres de nos fenêtres. Est-il cruel de déclarer qu'à cette lumière nous n'y voyons pas mieux l'homme ? Les progrès de l'optique et du verre et de son industrie nous laissent devant les menaces grandies industriellement de la mort de l'homme et de la civilisation. Il est simple et franc d'appeler tout le monde à reconsidérer le point qui nous manque. Les théorisations et réflexions de saint Thomas sur speculum et speculari ont été prolongées dans toutes les directions, sauf la direction fondamentale, et de là viennent nos malheurs. Tout miroir réfléchit une lumière et dans la lumière de saint Thomas, il nous faut reprendre la méditation de ce qu'il nous réfléchit, lumen Dei.
Annexe
ABREVIATIONS
EU Encyclopaedia universalis
op ordine predicatorum, dominicain
P Michel-Marie Dufeil, La Polémique universitaire parisienne (1250-59), Picard 1972.
Notes de bas de page
1 P, 17-35, 258. M.M. Dufeil, Signification historique de la querelle des Mendiants, Misc. Medievalia (Thomas Institut Köln) 10 (1976), 95-105. Ant. Dondaine, Secrétaires de St. Thomas. Roma 1956.
2 2a 2e 186 a 6.
3 P.M.M. Dufeil, lerarchia, Misc. Med. (cf. sup. n. 1) 12 (1978), 56+83.
4 P. Chaunu, Expansion européenne 13ème-15ème siècles, 6+7 ; Id., Conquête et exploitation, 385-397 ; Nouvelle Clio n° 26 et 26 bis PUF, 1969.
5 Vincent de Beauvais n° 461, pp. 377-79 in P. Glorieux. La Faculté des Arts 13ème siècle, Vrin 1971. La taille des verres de lunettes date du 13ème siècle.
6 A.C. Crombie, The History of Science, from Augustine to Galilée, 1952.
7 Depuis Ezech 31 ; 33, 9 ; 34, 4 etc. Speculator signifie veilleur, guetteur et désigne l'évêque. Guillaume de St. Amour l'entend ainsi cf. P. Voir Uer. 27, 3-14 ; Heb 13 1 3, Gal 6 1 1 fin.
8 Cf. Grosseteste et surtout fr. Witelo, in Glorieux. Arts (sup. N. 5) 409, pp. 331-32, 467 p. 386.
9 Congresso Internaz. Tommaso d'Aquino, Roma-Napoli 1974, Atti,191-202 (S.P. East, Réflexion sur la pensée de Galilée) et 244-53 (T. veres. Th. d'Aq. précurseur de Copernic ?).
10 Pierre le Pélerin de Maricourt, Epistola de magnete cf. Glorieux, Arts (sup n. 5) n° 359, pp. 290-91 et EU 20, 1597.
11 Em. Littré, Dict. Langue fr., 11, 1708. 1a 12 a 8 obj 2 ad 2.
12 In 2 S 1 q 1 a 5 ad 1-5 m.
13 Ibid. 2 a 2 ad 1. Du noir on voit le lieu illuminé et non l'inverse quia multum lumen requiritur ad medium et parum ad uisum De Anima 4 ad 4.
14 Littré L, 1150. De Anima. Luciditas alicuius emettentis radios. In 2 S 2 q 2 a 2 ad 1.
15 G. Leff, Thomas Bradwardine.
16 1a 57 a 5. In Isa 21 c 6. Uerit 12 a 6.
17 Explanatio dubiorum ad mag. gener. J a verceil, q 7 (opus 9 in ed romana, 8 in Vivès 27, 230).
18 1a 67 a 1.
19 Christus formosus, In Ps. 44 déb. In Isa 63 début.
20 Uer 12 a 1 passio transiens in aere, qualitas permanens in stellis.
21 In 4 S 44 q 2 a 1 qua 3 ad 2. 1a 67 a 3.
22 3a 54 a 3.
23 Quodl 1 a 1 ad 2.
24 P cf. index surt. 27 et n 230 p. 71, 159, 219. 1a 2e 5 a 1 ad 3. In Ps 18 déb. CG 3, 54 ad 4.
25 1a 12 a 5 ad 2.
26 1a 106 a 1 ad 2.
27 Gen 1, 3-4 ; 1 10 3, 2. Credo.
28 In Isa 21 c 26.
29 1a 117 a 3 ad 2. CG 103 mil. Uer 26 a 3 ad 4. de Malo 16 a 9 ad 11. In Gal 3 1 1 mil.
30 Uerit. 8 a 3 ad 3. 12 a 6.
31 Uer 12 a 6.
32 Dufeil, lerarchia (sup. n. 3) la 50 a 1 ad 2, 54 a 4, 65 a 1, 113 a 2 ad 1. Malo 16 a 2 ad 6, a 5 ad 8. Uerit 8 a 5 ; CG 3, 97-98. Péché de notre origine spécielle, vulnérant : In 2 S 3 q 1 a 2. Uer 8 a 3 ad 3. Malo 16 a 12 ad 4.
33 In 4 S 44 q 1 a 1 qua 4 ad 5.
34 3a 76 a 3.
35 In 4 S 10 q 1 a 3 qua 3.
36 1a 13 a 9, 53 a 1. 1a 2e 52 a 1. 2a 2e 1 a 3 quodl 3 a 6.
37 1a 53 a 3, 36 a 2 ad 4 etc.
38 In ISa 30 mil. Cf modestie et éclat de gemme 2a 2e 169 a 1.
39 1a 53 a 2 et 3.
40 M.M. Dufeil, Trois sens de l'histoire affrontés, 1274 année charnière, CNRS 1974, 815-48, 97. Id. El concepto de historia segun santo Tomàs, Congreso mundial de filosofia christ., Cordoba, Argentina 1979, vol. 4.
41 de Trin. 18 ad 3, ad 6m.
42 3a 76 a 3.
43 1a 35 a 2 ad 3.
44 Uer 12 a 6.
45 Cf. supra n. 35.
46 Index thomisticus, Frommam, R.P. Buiz.
47 M.M. Dufeil, Vision de l'historien, IRIS 1981.
48 In Isa 53 déb. la 39 a 8. 2a 2e 145 a 2.
49 M.M. Dufeil, Vision (sup. n. 47). Eug. Battisti, L'antirinascimento (index). 2a 2e 45 a 7 ad 2. Candor anime excedet pulchritudinem corporalem 2a 2e 116 a 2 ad 2.
50 Titre de Et. Gilson in Ph. du MA, 400-412.
51 P. Mandonnet, st. Th. novice, rev. thomiste, 30 (1925), 241.
52 L. Bataillon O.P., Sermon, Rev. Sc. Phil. et Théol., 58 (1974), 456 M.M. Dufeil, Senefiance 10 (1981), 246.
53 1a 2e 72 a 7.
54 Cf. inf. n. 82.
55 2a 2e 55 a 8 ad 1 In Isa 1 début. P.
56 In Isa 1 début. P.
57 Dolce stil nuovo, cf. sup. n. 48. P = CI c 12 (ed. Léonine A 134-137).
58 In Isa 62 fin. In Ps 44 début.
59 Gen 59, 17 sv. Rachel la 2e 27 a 1 ad 3.
60 In Isa 17 fin.
61 In Matth 2 fin.
62 A. Thuillier, Catal. Exposition La Tour et le luminisme, Petit Palais 1978.
63 Cognitio Dei per essentiam naturalis soli Deo, per similitudinem angelo, nobis uero per speculum i. e. per speciem aliorum la 56 a 3, 62 a 4, 3a 9 a 4 etc.
64 De ration, fidei ad cantorem antiochenum c 107, 264 (opusc. 3 in ed romana, 2 in Vivès 27, 128, 128-143). De rege et regno ad regem cypri 4, 3. (op. 20, 16 in Vivès, 336-412).
65 1a 2e 2 a 1 CG 3, 30 etc.
66 Ibid. a 2 et CG 3, cap 38.
67 Ibid. a 4 et CG 3, cap 31.
68 Ibid. a 3 et c 29.
69 Ibid a 4 et 5 et c 31, 32, 33, 37.
70 ibid. a 6 et c 27.
71 q 3 a 2 et c 34-35.
72 CG 3, 36.
73 1a 2e 3 a 6.
74 Exod 3, 2-14. Uer 12 a 5.
75 In 3 S 35 q 1 a 2 qua 3= contemplatio nominat actum uidendi Deum sed speculatio, in creaturis quasi in speculo.
76 2a 2e 180 a 7 ad 1.
77 In 3 S 35 q 1 a 2 qua 3. la 2e 11 a 1 ad 1. 2a 2e 180 a 7 ad 1.
78 In Heb 11 fin.
79 2a 2e 180 a 3 ad 2.
80 de Pot. 5 a 9. Species 1a 13 a 9, 53 a 1.
81 1a 2e 167 a 2 ad 2, 102 a 6 ad 8. 2a 2e 178 a 3 ad 3 histrionatus licitus.
82 1a 2e 102 a 6. 2a 2e 102 a - ad 2.
83 In 4 S 16 q 4 a 2 qua 2. 1a 2e 102 a 6 ad 8, 167 a 2 ad 2.
84 1a 2e 102 a 6 ad 8, 167 a 2 ad 2.
85 2a 2e 95 a 2 ad 1.
86 In 4 S 9 q 5 a 3 qua 1 ad 1. Malo 8 a 2. 2a 2e 160 a 2. 161, 166n 167 a 1.
87 2a 2e 169 a 1, 2, 4.
88 2a 2e 35 a 4 ad 3. Littré II, 2029 (2028-2031, spécieux, spectacle, spéculatif).
89 Histrionatus licitus cf. supra n. 82.
90 Cf. supra n. 52.
91 M.M. Dufeil, Chronographie de Rutebeuf, Colloque Amiens 1980. Litt. Musique et Société.
92 P 148-150, 316 etc. Index.
93 In 4 S 24 q 1 a 3 qua 2 ad 1. 1a 113 a 2 ad 1 (à propos d'angélologie).
94 Ps 121, 3.
95 1a 1 a 4 : théologie = les deux, 1a 2e 84 a 4. Connaissance du matin et connaissance du soir (en principe et en réalité), 1a 58 a 6 et 7, In 2 S 3. Uer 16 a 1 c 6.
96 1a 2e 3 a 1 ad 1. 2a 2e 179 a 2 ad 1. Intellectus angeli, potentia semper in actu 1 a 50 a 1 ad 2, 54 a 4, 65 a 1 etc.
97 1a 2e 40 a 5 ad 1. 2a 2e 181 a 2 ad 1. CG &, 4 etc. Anima cognoscit omnia in rationibus eternis ut in principio non in obiecto uel in speculo 1a 12 a 11 ad 3, 84 a 5, 88 a 3. Uer 8 a 7 ad 6, 10a - ad 6, a 8 fin. Epistêmê, habileté à savoir, art du connaître, discipline réglant la science même.
98 1a 2e 53 a 1,57 a 2.
99 1a 12 a 13 ad 3, 84 a 5, 88 a 3 adl. Uer 8 a 7 ad 6, 10 a 6 ad 6, a 8.
100 1a 87 a 3 ad 3, 7 occurrences.
101 1a 28 a 4 ad 2. 2a 2e 179 a 1 ad 3.
102 R.S. Lopez, Mediterranean Trade in medieval World.
103 2a 2e 77 a 4 ad 3, 87 a 2 ad 1, 187 a 2, 188 a 2 ad 2, 189 a 6 et C. Le De usuris c 9 (op. 73 ed romana = Vivès 66, 27, 575-608), de Gilles de Rome reproduit encore un écho de cette opinion.
104 2a 2e 77 a 4 etc.
105 2a 2e 187 a 2.
106 P. Glorieux, Littérature quodlibétique, 2 vol. Vrin.
107 Società, compagnia et la banque.
108 De emptione et euenditione, 1 (op. 67, Vivès 60, 27, 465-66. De usuris 10 (sup. n. 103). De usuris 8, 10 début (sup. n. 103) élève de Thomas, G. de Rome souligne aussi. De duobus preceptis (op. 4 – 3 Vivès 27, 144-70) c 24 fr. De regimine iudeorum (op. 21 - 17 Vivès 27, 413-16).
109 2a 2e 78 a 2 ad 1, 5m cf. G. de R. Usuris 11.
110 2a 2e 78 ad 5. cf. G. de R. Usuris 11.
111 G. de R. Usuris 9.
112 G. de R. Usuris 3, 8.
113 G. de R. Usuris c 9.
114 Homo mercator uix aut nunquam potest deo placere. Nummus non facit nummos… Ces proverbes traditionnels sont encore représentés par Guillaume St-Amour : P et Signification ou lerarchia, Miscellanea Medievalia 10 et 12 (sup. n. 1 et 3). Thomas à l'inverse théologise le courant neuf du lucrum cessans, damnum emergens et periculum sortis c'est-à-dire un nouveau droit et une nouvelle morale voire une œuvre mystique de l'investissement productif qui n'a aucun rapport à l'usure. Cf. G. Le Bras usure DTC.
115 2a 2e 78 a 1 et 2.
116 G. de R. Usuris 19 début et 20.
117 g. de R. Usuris 3, 4, 8.
118 G. de R. Usuris c 14.
119 G. de R. Usuris c 8 et 14.
120 G. de R. Usuris 6.
121 G. de R. Usuris 7 permet rentes annuelles. M.H. Vicaire, St. Dominique, 2.
122 De Malo 13 a 4 ad 2, cf. G. de R. c 5.
123 De emptione (sup. n. 108) 1 et 4. 2a 2e 68 a 2 ad 7, 78 a 3, cf. G. de R. c 8
124 non debet uendere id quod nondum habet usur. 8, 10 2a 2e.
125 De emptione ad 2, cf. G. de R. Usuris c 6 in uno tempore quam alio. C 8 cas textile.
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