Le concept d'histoire chez Thomas d'Aquin
Primer Congreso mundial de Filosofia cristiana (Cordoba, Argentina) oct.1980 (retraduit de l'espagnol par l'auteur)
p. 65-90
Texte intégral
Introduction
1Thomas d'Aquin est le maître de la notion d'histoire mais on l'ignore. Il est courant de croire sinon que le thomisme est un fixisme1, du moins que Thomas d'Aquin s'est occupé de l'être davantage que du devenir sans s'intéresser à l'évolution, à la temporalité, à l'histoire du monde. Cette croyance est diamétralement opposée à la vérité : Thomas d'Aquin est le premier, et fondamental, maître de toute réflexion sur le concept d'histoire qui chez lui, pour la première fois occupe une position axiale dans une théologie, une pastorale, une mystique2 ; il est en somme le premier à l'avoir découvert, à lui avoir donné sa première assise. Tout l'être, jusqu'alors vu sous le prisme déformant de l'essence, est abordé grâce à lui et à partir de lui, par l'existence3 ; et par conséquent, le devenir occupe désormais le premier plan. Incluant l'homme, le devenir temporel concret de la création jusqu'au bonheur qui se déchiffre mu de l'intérieur par et vers le moteur de l'Acte Pur - constitue le plan même de sa Summa et le principal foyer de sa réflexion. Sa pensée est si profondément baignée de cette histoire que lui-même ne l'explicite pas toujours, ne l'exploite jamais, et pour cela les érudits et penseurs qui l'abordent omettent d'en développer l'expresse émergence.
2Maintenant cependant, ce devenir temporel des êtres qui courent de la création à la parousie4, mouvement mu par l'oméga n'est pas seulement une ou sa définition de l'histoire, mais la définition de l'histoire. L'histoire est le flux temporel en périodes-états successifs, coupés par des époques-seuils, de l'univers et de tous ses éléments depuis ses origines jusqu'à son terme et la science historique est cette science qui étudie ce mouvement temporel. Science de point de vue qui n'a aucun objet propre mais a pour objet formel l'évolution de n'importe quoi, de tout objet et de la totalité. L'histoire de la cravate n'est pas l'étude de son être mais de son apparition progressive, de son émergence, de l'évolution et de la fin temporelle de cet objet minime. L'histoire de l'univers n'est pas l'étude de l'univers mais de sa naissance temporalisée, de son évolution par phases et involutions temporelles jusqu'à sa disparition temporelle. Dire création ou apparition ou naissance ; préciser évolution, invol-, révol-, dévolution, états-stades, phases, seuils, structures etc. de la temporalité se combinant et déployant dans la succession ; mort, fin, disparition, destruction, sublimation ou parousie de béatitude… c'est choisir une lecture ou une autre sans changer la définition. L'histoire est le mouvement temporel total, le devenir successif concret de l'univers. Thomas d'Aquin le lit comme théologien catholique, déchiffrement dans lequel il excella au point de lui donner sa forme parfaite5 ; mais en changeant la note accordée aux termes, on profère, on opère une autre philosophie sans sortir pour autant car cela ne se peut, de cette définition. Elle est en profondeur admise pour tous mais cela n'a pas encore été mis au point. Les hypothèses circulaires désespérantes ou la supposition d'une succession séparée de mondes distincts et l'inaccessibilité des origines comme des fins ultimes et de leurs ressorts profonds ayant fait reculer toutes les philosophies en un magma de termes inadéquats et de formulations inexhaustives incohérent. A partir de Thomas d'Aquin et par lui, on sait sans qu'on l'ait encore perçu, que l'histoire possède sa définition parfaite. Elle est sous-entendue par les penseurs et chercheurs actuels ; elle était, non éclose, au fond des spéculations surgies des civilisations néolithiques dont mystères et mythes viennent jusqu'à nous au travers des contes, rites, objets des données archéologiques et ethnographiques.
3Thomas d'Aquin est le premier et le plus grand philosophe de l'histoire. Il importe alors d'esquisser la trame de sa vision de ce thème.
I - Destin : l'antithèse selon Augustin
4Les usages du siècle dernier nous condamnent à parcourir toute polarité à partir d'une première borne thétique et affirmative qui en définitive réagit avec l'acide antithétique pour faire surgir l'éclair synthétique. Qu'on réfléchisse à l'inverse à l'avantage de commencer par le signe moins, par le pôle négatif, par un champ sémique potentiel dans lequel au contraire se fichera ensuite la forme décisive d'une thèse positive : par cette cathode court alors le flux décisif de la aufhebung. Cette inversion, topique de la seconde moitié du xxème siècle, est on le voit, analogue à l'inversion de notre considération scientifique sur l'électricité quand d'abord se lisait le signe moins pour le courant ; et aussi à notre nouvelle manière de considérer la polarité sexuelle dans notre espèce humaine. Mais ceci, O Mieux-Aimée, est la "nouvelle histoire". Donc nous posons d'entrée de jeu le second pôle, la prémisse mineure de l'ultrasyllogisme, l'antithèse, dans le camp augustinien. C'est d'autre part ce qui arriva historiquement au xiiième siècle : les penseurs universitaires, pertinemment les maîtres en théologie, naquirent à leurs études en un milieu totalement dominé par Augustin, père de l'Église latine, de ses pensers et de ses formules6. La patristique et la première scolastique sont augustiniennes et l'étudiant, le jeune maître, baigne en cette ambiance sans même se rendre compte de l'air qu'il respire. Mais l'âge de ce tissu mental, son inadéquation aux nouvelles structures écologiques, démographiques, économiques, socio-politiques, et intellectuelles ou mystiques corrode sourdement la tradition, la transmission. Stupéfactions, traces, inquiétudes éclatent ainsi isolées devant certains termes, certaines attitudes transmises ou certaines erreurs flagrantes7. Toute la haute scolastique se sépare ainsi plus ou moins d'Augustin à partir de saint Anselme8 et la rupture est béante au milieu du siècle xiii. Abélard avait ouvert bruyamment la brèche, Thomas s'enfonce en elle comme un stratège dans une discontinuité du dispositif ennemi. Il installe ainsi une antithèse à Augustin dans la synthèse même d'Augustin.
A.- Thomas refuse
5Il ne faut pas insister sur un véritable concept augustinien de l'histoire mais bien plutôt sur un sentiment de l'histoire chez Augustin qui est plus un penseur qu'un philosophe, un praticien qu'un métaphysicien. Et l'étude de ce système mental, tissé huit siècles plus tôt et ailleurs n'a rien à faire ici. Cependant un courant augustinien qui ne véhicule aucun concept mais qui entraîne des attitudes mentales relativement cohérentes et parfois liées en effet à l'œuvre de l'évêque d'Hippone, ne peut être omis au siècle xiii. Or ce courant est celui qui occupe principalement toute l'époque9 ; dressé au dessus du marais, Thomas lui fait face et le remplace totalement par un système conceptuel et organisé de termes définis.
6L'élément essentiel de l'augustinisme en notre matière est un comportement intellectuel. Ce type traditionnel de penseur ramène le réel à l'idée, le profane au sacré, le mouvant au fixe, le temps à la mécanique et le devenir à l'être, évacuant ainsi l'histoire. Alors il n'y a rien de plus qu'un absolu et ce qui n'est pas l'absolu est inutile ennui dont le choc concret s'explique par le péché. L'ordre est une stabilité parfaite et non un équilibre. L'introduction d'une disparité dialectique est un désordre et en définitive l'histoire qui nie la persistance en exister, est une disgrâce. Le platonisme d'un système exitus-reditus, en définitive considère le temps comme un simple "temps-mort" de l'éternité10 ; l'âme qui est tombée des cieux en un corps "de mort" rampe jusqu'à sa libération. L'incarnation prend ainsi un caractère de ciseau et l'intériorisme qui contre-attaque victorieusement, lamentablement, après la crise de la grande peste, est le meilleur statut humain : enfermé dans une histoire exilée et viciée, l'homme n'œuvre que par l'esprit et par là s'évade en direction des cieux. L'idéélisme qui fait passer ainsi la pensée avant l'existence, qui réduit l'homme à une hypothétique conscience de soi repliée sur soi paraît avoir gagné par ailleurs d'Ockam à Kant. Mais la diversion marxiste ronge aujourd'hui ses arrières et Thomas qui s'est lentement replié, suit, devenant un fort inexpugnable : Roccasecca.
7Thomas d'Aquin, qui ne retient pas de Platon davantage que le senti de la participation, suit l'évangile et non le pessimisme païen. Il proclame l'incarnation et la gloire de la création. Il utilise l'hylémorphisme du Lycée pour repousser l'existence propre de l'esprit et de la matière, simples principes d'être. Contre le spiritualisme, il pose comme principe d'individuation, la matière quantifiée, materia signata quantitate11 ; et nie qu'il y ait une âme ou un corps. Seul le composé humain est un être réel, dont la personnalité, loin de toute modalité logicastre, est constituée par la seule existence12.
8Ainsi Platon et tout idéélisme massif, récurrent13 ou dissimulé, tout essentialisme, tout archétypisme, toute vision extatique loin de l'homme sont exclus au profit du pur réel, du réel direct, objectai14 L'existence produit entre autres choses la connaissance qui part du sensible15, du tangible, pour s'élever naturellement au travers de la cohérence de tout le créé jusqu'à contempler son origine matutina16, son étincelle initiale, son feu d'amour terminal éternel. En toute réalité. Le réel est le créateur avec sa création et tout le mouvement de cette création jusqu'à ce créateur à travers l'élection et les actes humains et angéliques. Le péché même est récupéré - o felix culpa17 -. Puisque le désir du mal est toujours goûté sub ratione boni18, il y a équivalence de l'Etre et du Bien, le mal n'est rien de plus qu'une privation19. Il n'est rien de plus pour celui qui le choisit ainsi comme provisoire. Et l'optimisme laisse voir qu'il y a sans homologue, symétrique inverse ou aucun équivalent20, un Souverain Bien.
9Cette manière de lire le devenir temporel est totalement neuve et ne se rencontre chez aucun Ionien ni autre penseur qui l'aurait exprimée précédemment. Thomas est un inventeur, un créateur de concepts, le "créateur" de tout un système méthodologique qui est alors l'apogée de la pensée humaine. Mais dans un autre sens, cet apogée surgi assez brusquement, est le miroir d'une plus large tendance. Ainsi se rencontre, si l'on peut dire, au moins cette attitude bourgeonnant sur l'ordre universel de Kong Fu Tseu21 ou selon les ancêtres Maya et leur insuffisamment célèbre calendrier cosmohistoriel22. Il reste entendu que l'esquisse de cette conception est préparée en distillation progressive à travers tout l'ancien testament depuis le beresit tohubohu23 jusqu'aux visions d'Ezéchiel24 et Daniel25, en passant par Job26, le livre de la Sagesse27 et le Cantique28. Parfaitement original, Thomas n'en est pas moins inséré. L'optimisme ingénu du sacrifice néolithique29 avec quoi le croyant de tout système religieux rudimentaire apaise le ciel et son lignage, peut laisser cet officiant insatisfait et incomplètement rassuré, mais cependant ne manque pas d'être sur la même ligne.
B.- Thomas garde
10Thomas refuse ainsi attitudes et formulations sinon d'Augustin du moins des tenants de l'augustinisme en son temps, mais au vrai pour garder et expliciter mieux de vastes secteurs du donné commun. Il se sépare de ceux-là, scandaleusement, pour considérer qu'en dehors de la révélation on ne saurait par la seule logique ni quand eut lieu la création ni même si elle n'était pas depuis toujours ab eterno30. Mais le fait de la création est incomparable et en cela, il concorde avec eux. C'est le principal accord entre eux et avec la croyance confuse de toute l'espèce humaine face à la négation sans preuves ou au doute sans étude de quelques imprudents intellectuels récents.
11Cette création pour quelques fixistes des siècles xv-xix n'aurait pu se produire sinon d'un coup ; Augustin avait exprimé inopportunément cette idée anhistorique31. Thomas la signale et ajoute que alii, d'autres auteurs, exprimèrent à l'inverse une progression dans la durée. Au siècle xiii, la majorité acceptait le texte de la Genèse en ses jours successifs. Thomas affirme avec tranquillité et précision qu'il y a quatre premiers concreati32 : angelus, celum, tempus et materia prima. Il choisit donc contre Augustin d'impliquer le temps dans cet acte intemporel de Dieu. Plus clair et plus décidé il n'est rien en cela qu'un théologien de son temps et il semble que personne ne lui reprocha alors cette expression, courante entre intellectuels parisiens. De singulières nouveautés originales de sa pensée furent alors acceptées malgré leurs graves implications révolutionnaires ; parce qu'elles étaient de l'évolution mentale en cours. Pierre Lombard lui-même en son manuel assez banal, s'était déjà séparé dans la même direction, des anciennes et non décisives expressions33. L'axe de l'histoire conduit à Thomas34. Ainsi devait-il en être puisqu'on sait que les historiens du xxème siècle ont Cessé de confondre l'an 1250 avec l'an mil : la nouveauté auparavant déshonorée était au moins tolérée par toute la scolastique urbaine35.
12Après la création, la faute de l'homme est la seconde grande date commune à tous les judéochrétiens. On sait combien générale est cette idée dans toute l'humanité36. La liane des Pu Niew Niew du pays lao qui conduisait au ciel fut aussi coupée en Afrique centrale et le message détérioré par le chien ouvrit la mort ; la cassette de Pandore est non moins connue. Thomas innove-t-il en estimant que le plan divin de l'incarnation de Dieu-le-Verbe isse de cette heureuse faute ? Non puisque la liturgie paléochrétienne l'avait exprimé avant lui37. Mais le poids du pessimisme païen revient sans cesse gagner de façon dissimulée le cœur des hommes et la dite atmosphère augustinienne aux ixe-xie siècles avait focalisé une vision apeurée sur le péché originel. Thomas réactive la vérité de l'espérance chrétienne par la vigueur de son attention philosophique à la felix culpa que talent meruit habere redemptorem38, formule orandi et donc credendi dont il ne conviendrait pas cependant de prendre les termes, felix et meruit surtout, en opinions trop fixes.
13On comprend par ces deux exemples initiaux et fondamentaux - priorité de temps et de nature39 - ce que Thomas conserve et ce qu'il repousse des augustinisants. L'essentiel est commun bien que l'expression soit neuve et par dessus tout original l'axe de l'attention. Noètique et sagesse s'équilibrent40. Sur ce point il n'est pas utile de poursuivre la série temporelle des mystères chrétiens pour doser le pour et le contre des rencontres Augustin-Thomas : la Trinité, l'alliance, la promesse, le peuple élu, le sacerdoce, la prophétie, le destin miraculeux et discret de Marie41 initialement protégée du péché et vierge-mère de Dieu incarné au cœur de notre temps et de notre espace pour notre rédemption et l'exemplarité spécifique de notre vie à travers l'institution de l'Eglise et des sacrements jusqu'à la Parousie mystérieuse. On y voit continument la vive unité de pensers entre Thomas et ses collègues comme la divergence radicale de sa langue et de sa parole. Thomas rend historique tout ce qu'il touche et avec son imperturbable logique relie les vertus stoïques du passé aux grâces de l'Esprit dont le souffle travaille et soulève le temps42. La même logique le fait relativiser les troubles de sa période (1226-74) qu'il se refuse à prendre pour cette "fin-du-monde" romantique tant chérie dans les songes de ses contemporains43. Thomas occupe, mieux, le même champ mental que les autres intellectuels du xiiième siècle européen mais le déchiffre selon des axes plus modernes.
14Ainsi le concept thomasique d'histoire, en logique optimiste, s'oppose clairement aux tendances courantes de l'augustinisme qui s'originant réellement bien en Augustin, avait dérivé loin de lui. Avec Platon et Plotin, Augustin lisait un exitus ; Thomas reprend l'espérance chrétienne de la destinée et ce fut alors une querelle44. En somme l'augustinisme, luttant contre le paganisme des cieux fermés, s'était trouvé enroulé dans un pessimisme semblable. Le sentiment du péché qui bloque la route du bonheur avait été au point de constituer un "christianisme" moral oblitérant la bonne nouvelle du Christ. On pourrait alors glisser jusqu'à une religiosité obtuse, maniaque et torturée de tristes inquiétudes comme le fit par ailleurs plus tard l'Europe décadente du serf arbitre du terrible Jansen. Thomas rétablit avec le véritable Augustin et ses vraies intensiones le sentiment du péché objet de l'élection humaine. La liberté personnelle du destin est le premier ingrédient de l'histoire45 où l'ange et l'homme conduisent tout le créé ; Thomas était antithétiquement proche d'Augustin.
II.-Autonomie : la thèse par Aristote
15Si Augustin fut querelle au xiiième siècle universitaire, Aristote fut crise46. Comme il adhère à Augustin, au solide et vieux courant qui émane de lui, pour l'inverser dialectiquement, Thomas moule sa langue sur la toute récente péripatéticienne qui court en cette moitié du siècle, pour y planter sa thèse positive. Il fait de l'antique fixisme un rû et du mouvement du Lycée un pôle. L'éblouissante rencontre entre le mystère étemel qu'avait porté Israël et le flux explicatif de l'intelligence logique grecque avait déjà été exploitée chez Philon47. Thomas est son homologue mais mille ans plus tard. En suivant l'inconsistant Platon, Philon avait préparé Augustin. Autre "homologue" au milieu de ce millénaire, Jean le saint de Dimasq48, face à l'attaque vétéro-testamentaire49 de l'Orient d'Islam, avait introduit la fermeté d'Aristote dans le kerygma chrétien. Au centre de diverses relations potentielles ou virtuelles entre divers systèmes idéels, Thomas polarise ainsi avec les mille scintillements des facettes de son diamant, les lumières de toutes les eaux et de tous les orients. Mais il ne serait pas convenable d'oublier ou d'omettre que le loup gris des steppes à travers la Macédoine affamée avait modelé déjà le Stagirite pour dévorer toute matière idéologique en son festin. La marque propre du philosophe est sa perfection logique, la mise en axe des causalités et classifications, des structures systématique50. Volontairement attaché à cette axiomatique choisie, Thomas péripatétise comme il respire51 et utilise cette langue pour déployer et redéployer l'évangile. Car le salut est histoire et pas seulement histoire sainte52 ; d'où Thomas plie le plastique et solide Aristote en une théologie imprévue de l'histoire dont le plan est donné dans la Summa53.
16La base d'une épistémologie de l'histoire, probablement de l'unique épistémologie possible pour l'histoire réside certainement dans la potentialité selon le Lycée54. Une vision moniste du monde donne une théologie sacrée où les interventions divines délivrent de son inéluctable chute, l'évolution de l'univers qui reglisse ensuite selon son inévitable poids. Les théophanies des religions antiques, païennes ou islamiques ont redonné ainsi périodiquement altitude à l'histoire dont les péchés se chargent de nouveau de rendre plus pesante la course. Une telle histoire à sauts brusques et longues décadences est certainement inhumaine et ne ressemble en rien à la réalité. Sans "incardiner" excessivement les astres à la vie ni les organismes primitifs à l'humanité actuelle, le progrès semble indéniable. Un enchaînement systématique de lois structurales y préside et non une série aléatoire de miracles divins : Dieu est cause, non loi.
17A l'inverse une Weltanschaung du fourmillement qui se refuse à lire l'unité des ensembles évacue l'histoire en évolutions particulières. L'idéélisme, dissolvant par nature, nominaliste de naissance55, individualiste par conséquent en sociopolitique, est ce rejet de lire une histoire de l'univers et rejette aussi toute histoire cosmique de particule à galaxie ; E poi… cette trop grande peur délivre une théorie de la médiocrité. L'évolution stellaire56 de bleue à jaune et rouge est conçue comme vision de l'esprit sans relation au parcours de la vie sur la planète, ni aux penseurs. Néanmoins si la planète terre a pu naître et voir produire la vie sur elle, était nécessaire l'espace tel qu'il est : cette taille, cette inclinaison de l'axe de rotation sur le plan de révolutin qui cause les climats et saisons, et cette distance à une étoile jaune "adulte". Or rotation, révolution, saison, distance (8 minutes-lumière) paraissent notions de lieu et sont au vrai notions de temps. Eh bien pour Thomas, confusément avant les formulations modernes relativistes, l'espace est temps. Ubi et quando57, situs et habitus sont un couple de paires parmi les prédicaments et c'est le primus motus celi58 qui est temps, numeratio motus per prius et posterius59. Tempus et celum sont effectivement concréés, deux des premiers concréés avec l'ange et la pure potentialité materia prima. Il faut un endurcissement du cœur et de l'esprit dans le fixisme baroque pour évacuer l'histoire inhérente à ces concepts. D'autre part, une autre évolution astronomique n'aurait pas permis l'histoire phylogénétique des protozoaires aux mammifères ; donc l'histoire stellaire et celle des espèces animale et végétales de la planète sont une unique et même histoire universelle dont l'histoire humaine est seulement le cas le plus récent et le plus curieux de perfectionnement inachevé.
18Peu "spirituel", le spiritualisme de l'idéélisme qui vomit l'hylé-morphisme vu son incapacité à le digérer, refusant de lire l'histoire totale se voile ainsi même le réel comme il est cohérent pour un idéélisme ennemi de la réalité res alitas. L'idéélisme prétend atteindre non les choses mais les idées. Il a parfaitement triomphé et atteint son objectif d'ignorer le réel. L'idée que l'on se fait du réel change en changeant de soi mais la pluie est la même sur deux cyclistes de langues différentes qui roulent sur deux chemins proches. On ne change rien au réel.
19Hors de ces catégories assez répandues et au dessus d'elles, l'analogie, suivant la raison logique au lieu de l'abaisser, atteint le Lycée qui sait lire ensemble et distinctement le singulier et le pluriel, l'un et le multiple. Le réel est sans relation avec la fiction ou l'idéel ; il est. Et comme le révèle la liste des transcendentaux découverte par les péripatéticiens Res, Ens, Unum, Bonum, Uerum, Aliquid, Chose, Etre, Un, Bon, Vrai, Distinct. Mais cela n'est pas toujours actuel. Le néant irise l'être disait un slogan récent déjà oublié et qui probablement voulait signifier que la réalité comprend, comporte quelque virtuel. Combien médiocre est cette expression recherchée et douteuse face à la langue limpide d'Aristote : puissance60. L'être en puissance devient l'être en acte ; le devenir est le passage de la puissance à l'acte ou mouvement. Il suffit de distinguer le devenir en un instant ou mouvement intemporel du fieri développé en mouvement selon l'avant et l'après pour avoir le temps, l'histoire. Motus uia in ens61. Chez tant d'auteurs, en tant d'esprits, la définition de l'histoire est si vague, trébuchante, confuse au point qu'aveugle la perfection du concept nu : histoire = devenir temporel. Or cette claire simplicité est irréfutable. L'histoire de l'univers est le glissement de l'univers dans le temps du surgissement jusqu'à la disparition, de la création à la Parousie. Une histoire spécifique incluse dans le genre universel est un thème et un élément du total, par exemple l'histoire humaine depuis l'apparition de l'espèce jusqu'à sa fin62. Comme on procède souvent avec le philosophe et Thomas d'Aquin, on est devant une évidence et il est nécessaire d'avoir une cécité mentale de pierre pour l'ignorer. Thomas a lu et explicité cette discipline de l'expression. Son sentiment de l'histoire part de là, est aristotélicien par ses définitions. Le mouvement de la puissance de l'acte, constitutif de l'existence est ordinairement temporel et se nomme histoire. Les autres aspects péripatéticiens du sentiment thomasique de l'histoire sont en comparaison mineurs. Le rôle du soleil au commandement des générables et corruptibles par exemple peut être changé hypothétiquement par une autre lecture du monde des astres ; la définition de la potentialité source du devenir historique, non. Elle est fondamantale et l'autre opinion ne l'est pas.
B.- Thomas se sépare
20Mais Thomas qui accepte la langue du Lycée contrôle ses paroles. S'il adhère au philosophe en ses bases du devenir temporel, il ne cesse de réfuter la simple hypothèse des dires d'Aristote63 sur la fixité des astres incorruptibles. Il accepte la possibilité rationnelle de la création ab eterno la refusant en pratique du chef de la révélation ; mais il refuse et réfute surtout que le Démiurge se désintéresse de sa création et détermine dans le Lycée une révolution einsteinienne en y installant l'idée-masse de Providence avec laquelle se relativise tout déterminisme64. Avec Aristote, il parle la langue de la logique mais un spin théologique lui permet, saut impensable pour un païen, de jaillir du logos cosmique au Logos-Dieu c'est-à-dire Jésus. Ainsi le créateur se révèle trine65. Certainement Dieu est Acte pur, il est l'Être mais cette définition ontique se déploie chez Thomas en définition mystique. Dieu est Amour. Moïse avait opéré cette découverte au buisson ardent quand Dieu se nomma Je-Suis en sa célèbre prière où il se laisse aller jusqu'à l'Amour66.
21Le motus ad extra67 par lequel Dieu crée la création, cette admirable organisation ou système des êtres participés est un mouvement gratuit68 chez Aristote comme chez Thomas ; mais incompréhensible chez le premier, il s'explique chez le second : c'est un mouvement d'Amour69. Bonum diffusiuum sui70. De fait le système péripatéticien était à la fois soigné et incomplet, parfait mais sans lumière. Avec Thomas, il grandit jusqu'à sa complétude maximale. La structure atteinte par l'impeccable raison du philosophe était le résultat logique d'un raisonnement et se laissait deviner en évidence irréfutable mais inexpliquée. Cette structure se déchiffre depuis ce moment grâce à Moïse, à saint Jean et aux Pères en sa légibilité achevée dont Thomas rencontre l'opinion et explicite les significations principales.
22Le péché originel qui prétendait violer les limites de la définition de notre espèce, déstabilise ses propriétés71 ce qui explique dès lors, après et à cause de la rébellion de Lucifer devenu Sheitan72, tous les maux. Dieu qui sait écrire droit sur des lignes tortueuses inverse la faute et la tourne en felicitas redemptionis : mirabilius reformasti73. Aristote trouvait droitement les maux de l'espèce et déployait légalement ses axes logiques : le mal, privation d'un bien dû, d'un bien de définition. Mais pour expliquer, il avait seulement à sa disposition le récit originel de Deucalion et de Pandora ; ces échos lointains d'une vérité première ou d'une révélation primitive, colorèrent comme en tous les peuples un mythe cosmologique d'une certaine pesanteur morale. Mais cette théorie d'une faute initiale est vague, abîmée, choquante en comparaison avec celle qu'Israël apporte à Thomas : le système limpide et affligeant mais chargé d'espérance de la doctrine totalement élaborée du péché originel felix culpa. Toute l'histoire sainte de la promesse, de l'alliance, de la vocation d'Abraham, du peuple d'Israël, du salut par Moïse, Dawd et Suleiman, par le pontificat et les Roê74, a été ignorée encore après Aristote. Quand Saul de Tarse, juif romain, vint expliquer pour la première fois, Athènes la sage sourit75. Les mystères de l'Orient, irrationnels à la logique grecque, leur parurent fautes de raison. Thomas grâce à Paul passe de la simple raison-utile à l'intelligence des mystères grâce à Dieu.
23Chacun de nous sait par le témoignage de Renaldo da Piperno76 et par l'expérience de la prière à Dieu par Thomas que ce saint lisait directement en Dieu par contemplation mystique. Avec le prétexte qu'il a rarement mêlé le ton de la dévotion liturgique avec celui de l'investigation professorale, on a cru que Thomas sacrifiait celle-là à celle-ci ; erreur d'interprétation des scoliastes et critiques : Thomas alimente sa science en sa vision contemplata aliis tradere77. Peut-être est-il le seul des grands techniciens de la pensée qui ait avancé ainsi son investigation par la conversation des bienheureux. Mais s'il nous donne l'exemple d'une vie d'intellectuel, il faut savoir qu'il ne distingue l'autonomie de la logique de la plénitude de la compréhension que pour les unir78. Aussi pouvons nous en lui, grâce à lui, par la puissante structure de son texte découvrir la structure de l'univers, de l'homme, de l'histoire tant en sa marche qu'en son mystère. Si nos vies pécheresses embrouillent nos interprétations, sa vie sainte par le Christ dissipe notre brume et garantit notre pureté explicative. Suivant Thomas, on se veut thomiste, lecteur du monde et de Dieu, de la création vers le Créateur. Marcher avec Thomas qui ne s'est jamais trompé sur les axes, c'est marcher par le chemin, la vérité, la vie jusqu'à Jésus, l'Exister du bonheur.
III.- Aufhebung
24Le dépassement du christianisme courant, de tous les christianismes sociologiques dans la langue d'Aristote n'est pas possible sans Jésus. Ni Augustin ni Aristote. Souvent on confond le Christ avec tel ou tel christianisme qui est un type socioculturel. Cette erreur laisse historiquement glisser le corps politique ainsi défini loin du Christ vers une religiosité moraliste dont on connaît trop d'exemples de Montan à Jansen. L'unique résultat, satanique, de ces rigorismes dévots est de décourager les hommes pour les séparer du Christ. La vision thomasique de l'histoire ne s'inscrit pas dans un parti. C'est l'imprégnation mentale de son œuvre entière et il incombe au lecteur de déchiffrer le concept impliqué, le contenu, comme se précipite un corps chimique en suspension colloïdale. L'histoire thomasique est totale : mécanique, cosmique, biologique, économique, politique, mystique. L'univers court selon le temps de Dieu, en Dieu, par Dieu, vers Dieu suivant l'axiomatique de sa propre structure. L'Histoire naturelle, culturelle, constitue la mégaséquence de toutes les séquences concrètes, thématisables et typifiables en séries logiques. Une telle sémiologie dépasse la description par époques-seuils où s'enchâssent les phases-stades périodiques de toute structure jusqu'à l'enchaînement causal du phénomène de déroulement temporel. Toute l'œuvre constitue une définition parfaite de l'histoire qui implique une double lecture sérielle et structurelle.
25Dieu trine79 en son motus ad extra exprime son Exister-Amour en faisant fleurir de Lui et en Lui, gratuitement, ce système d'existences participées qu'est l'univers. Cela pourrait être de toute éternité car rien n'est impossible à Dieu mais trouva lieu de facto que cela fait un temps limité d'années. Thomas ne s'amuse pas à en préciser le chiffre selon des estimations non théologiques. Le comput biblique souvent admis le fixait dans les six mille ans ce qui coïnciderait approximativement avec la révolution néolithique et la transmission continue de civilisation. La récession des galaxies, actuellement discutée concéderait quinze milliards d'ans. Cela n'est en vérité que la date de la dernière explosion de l'atome primitif. Si le mouvement total est une pulsation démocritéenne, à la plus grande récession succéderait une chute des particules vers un nouvel état nucléaire d'un atome unique. Celui-ci ré-exploserait alors immédiatement et ceci serait une histoire sans fin d'univers successifs. En tout cas, la dernière explosion, n'est en rien forcément la première. Aucune hypothèse scientifique n'épuisera jamais le mystère de l'histoire, le mystère du monde. Et toutes ces supputations sont également possibles pour le thomisme qui sans y être indifférent demeure neutre entre elles80.
26Une fois plantée la création d'un coup, en un temps nul in instanti, il y a un devenir, donc les êtres imparfaits évoluent vers leur perfection et cela est proprement l'histoire. Augustin refuse l'évolution et croit que les sept jours de la Genèse sont en un seul instant ; mais tous les autres les lisent en succession temporelle. Thomas avec un froid respect exprime les deux opinions, l'une à côté de l'autre. Mais, créateur de modernité, il ouvre résolument la porte à l'histoire en introduisant structuralement le temps dans le système créationniste. En effet il expose qu'il y a quatre premiers co-créés : ange, prime matière, ciel et temps. Ceci exclut qu'à part l'acte divin initial et fondamental, il y ait eu un seul moment créatif et à l'inverse exige un muvement créateur continué dans le temps, une histoire. Par ailleurs, une simple lecture de la Genèse le déclare expressément81.
27L'évolution cosmique que nous appellerons histoire astronomique à première vue devrait être exclue et pour le moins absente chez saint Thomas, bibliste et péripatéticien. Les astres de la Bible sont inaccessibles à la raison humaine et objets non d'histoires mais de lois fixes et de miracles82. Également près d'Aristote, les astres sont incorruptibles et objets de lois fixes. Au passage, chacun peut percevoir jusqu'à quel point les divers peuples néolithiques méditerranéens étaient de même origine ou intégrés depuis longtemps quand se produit la rencontre Israël-Grèce, ni si difficile ni si unique. En tout cas Thomas se départit de toutes ses sources. L'ordre dominicain très jeune aimait manœuvrer l'hypothèse que le soleil pourrait ne pas être mû par un ange83 et Thomas agite l'idée que toute astronomie est hypothèse scientifique révisable84. Un soleil corruptible, étudié par la mathématique et la physique seules ne lui paraît pas scandaleux. Le mouvement du ciel qui donne au cours même de l'histoire son cadre premier et principal, était sujet à variation85.
28Naturellement l'évolution biologique était parfaitement présente en notre auteur86. La série dialectique des générables et corruptibles préside à toute la conception de l'histoire des individus même si on lâche celle des espèces : motus celi generatio inferiorum87. Mais naturellement les passages explicites où Thomas développe une attitude historique de pensée échappèrent aux scoliastes et critiques des siècles baroques xv-xix. Ces lecteurs dépourvus de mentalité historique ne percevaient pas la plénitude de l'opinion et le cursus rerum88 leur paraissait statique. Aussi et combien davantage, les inférences et implications dans lesquelles la conception thomasique de l'histoire était occultée et inexprimée, restaient à découvrir par le jeu d'une nouvelle attention. La position debout des primates qui libère la main et par là l'activité cérébrale, n'est un secret pour personne. Qui a signalé la fonction de la main au texte de saint Thomas ? Il développe son opinion à propos du Lauabo et des mains levées pour prier comme pour le travail manuel. La main est la particularité de l'homme parmi les animaux, le signe de sa perfection, l'organe suprême et qui rend si cruels les clous de la crucifixion. Evidemment Thomas ne présente pas un transformisme du primate mais expose ouvertement le progrès par la main89. Et qui prétendra que le jour de l'homme en la Genèse n'est pas après celui des autres animaux ? Et qui prétendra que travail et perfection suprême sont des termes statiques ? La lecture baroque du texte exclut le temps et l'évolution soit pour en féliciter Thomas soit pour l'en critiquer. Mais cette lecture affirme que la primauté de nature et celle de temps ne sont pas liées. Or le texte de notre saint exprime souvent le contraire90. Affirmer que toutes supériorités sont statiques est contredire un sens essentiel de sa pensée sur les êtres créés. La perfection est une acquisition. Même sa "morale" qui à vrai dire est une mystique non-morale, exprime ouvertement que la conquête de la perfection s'atteint rarement d'un coup par un acte héroïque mais d'ordinaire par un exercice progressif91. Il est donc abusif d'impliquer l'exclusion du temps chaque fois que Thomas écrit sur l'une ou l'autre perfection. Au contraire, c'est le travail de l'interprète de savoir expliquer un texte selon ses significations en notre langue ; c'est le trahir que de le réduire à une banalité périmée et fausse. A propos de la résurrection de la chair, il parle du flux de la matière, dont les particules passent d'une forme à une autre - corruptio illius generatio alterius - sans que s'altèrent substantiellement ni elles-mêmes ni ces formes, comme s'il avait deviné la structure particulaire de l'atome et la classification périodique des éléments avec le flux des électrons92.
29Toute vie est histoire et la vie humaine en particulier. L'erreur sur ces thèmes vient de loin. Historia au xiiième siècle signifie simple exposition narrative et Thomas ne prête aucune attention à cela ; mais ce qui arrive n'est pas l'histoire au sens plein et qui provient de Thomas à travers d'autres mots. Une science explicative du devenir temporel des ensembles et structures ne se mentionne pas au xiiième siècle. Simplement notre maître ne cesse de s'en occuper. Il ne s'occupe en certain sens que de cela, le fieri temporel, la marche collective concrète dans le temps de tout le créé vers Dieu. Et révisant les lectures pieuses rapides au profit d'une complexité réelle et d'une autonomie de tout le concret, de la société profane des hommes entre autres. L'histoire et l'histoire du salut n'ont rien du monisme augustinisant. Il n'y a aucun combat manichéen de la cité de Dieu, confondue avec l'Église, réduite elle-même à ses institutions, contre une cité des hommes. A l'inverse ciuitas est communauté naturelle des hommes organisée pour leur bien propre. Très différente est l'histoire qui se distribue ainsi grâce à Thomas. Son intérêt, très moderne, ne se dirige pas vers la série des événements des empires dont l'utilisation 'mystique', pseudomystique et suspecte en réalité de divination superstitieuse, était trop à la mode en son temps93. Il se gausse ouvertement, souvent rageusement au cours des deux canicules de querelles universitaires parisiennes, du finimondisme et de la prédictionnite des Fiore, des Gérard et de leurs adversaires comme Guillaume de Saint-Amour qui, inversant les prédictions, s'inscrivent dans le même prédictionnisme imbécile le rendant plus amer : ils tombent dans l'erreur qu'ils prétendent pourchasser94.
B. –
30Bien qu'il ne manifeste aucun goût pour l'histoire narrative, Thomas n'en laisse pas moins d'être le mieux informé des universitaires de son siècle sur le passé classique. Ses allusions, références et exempla sont les plus solides et les meilleurs et les plus soigneux de ce temps. L'ordre dominicain avait mis l'Évangile en fiches ; et l'établissement du texte de la Bible par une équipe où se détache Hugues de Saint-Cher, dans la génération précédente, fut une merveille de critique. De la vertu de pauvreté à celle de vérité comme à celle des bonnes méthodes rationnelles, on voit le nez de ces modernistes qui refusent les petites facilités traditionnelles. Thomas est le plus documenté des intellectuels de son temps et celui qui offre la meilleure perspicacité critique. Suspectant ou dénonçant quelques fausses attributions, rétablissant le véritable sens d'un passage, le véritable visage d'un auteur, les authentiques intentiones derrière les uerba, il se révèle historien dans le sens le plus exact et le plus sûr95. Il ne faut pas cependant occulter derrière ce ‘génie' personnel indéniable, la puissante organisation scientifique de l'Ordre. Ouvertement moderne, progressiste, consacré à l'enseignement, par origine et définition, l'Ordre des Prêcheurs organise des systèmes de secrétariat, de traductions, de dépassement des florilèges déformés par le recours aux textes originaux contrôlés ; frère Thomas rapidement célèbre bénéficie de tout cela par priorité et continument96. Si ses références sont toujours plus exactes, beaucoup plus nombreuses, infiniment mieux utilisées et organisées pour ses arguments, il le doit en premier lieu à cet effort collectif. Depuis la Bible "sénonienne", les Dominicains ouvrirent ainsi un âge d'or de la critique textuelle et de la réflexion systématisée qui ressemble à un programme actuel de recherche : véritable ouverture de la modernité scientifique universitaire.
31Le scandale que Thomas cause au regard débile et envieux de ses adversaires et des ignorants est qu'il jouit à la fois de trois avantages jamais réunis jusqu'alors : il présente une méthode d'explication des textes, même sacrés, traditionnelle et neuve : avec une mentalité de 1250, on pourrait y lire une correspondance au niveau mystique de l'adoration du Père. Il présente en second lieu le plus grand nombre de textes, une connaissance stupéfiante, et même des "faux" textes, des textes païens récupérés pour la gloire de Dieu ; le niveau mystique ici fut celui du Fils, du Christ en sa double nature, logos de communication. Enfin, en sus, il crée son propre texte, en marge du flot lassant des citations d'auteurs ; il compose un essai philosophique, se permettant contre une tradition révérentielle "sous-révélée", l'universel changement et ouverture de la pensée humaine ; comme un esprit… Il adjoint à son sens du texte, une attention critique et une connaissance du passé d'un sérieux exemplaire alors exceptionnel.
32Sa participation mesurée et ardente à l'effervescence de son temps, sa présence actuelle, est depuis lors trop connue. Il fut obligé de se défendre d'être le commensal du roi Louis et de fréquenter avec les siens, les cours. Il soutint vigoureusement contre les intérêts réactionnaires, le pouvoir du pape d'innover. Puisque non est ne signifie pas non possit, toute ouverture est libre au développement et à la mutation. Il est en cela cohérent avec le mouvement des idées de son temps, la découverte des intérêts composés par Fibonacci. Quant au futur, contre les songes furieux des millénaristes, il cherche son sens avec une discrétion aigüe.
33Toutefois Thomas d'Aquin ne s'enfermait pas dans ce souci du multiple. L'histoire est aussi cette ellipse de la biographie individuelle tendue de la naissance à la mort. En toutes les civilisations néolithiques et linéales, cette attention est soutenue et l'on a codifié les classes d'âge. Thomas d'Aquin utilise fermement avec termes techniques infantia, pueritia, adulescentia, iuuentus (état adulte, 25-60 ans), senectus97. Il les prend tant comme catégories sociales ou densités psychologiques, que comme typologies logiques ou comme structures de comparaison. Le destin de chaque personne a toujours préoccupé l'homme et plus encore le chrétien, centré sur un au-delà à choisir entre béatitude et condamnation. L'attention de notre théologien à la sors n'était pas déployée. Il n'omet pas d'écrire sur l'astrologie, avec pertinence : si la sors est attendue des étoiles, elle est uana et falsa ; mais en regard, ce n'est pas forcément mal de l'espérer de Dieu en cas de nécessité98. Sans négligence, il traite aussi du fatum, ce mécanisme cosmique qui cause tous les mouvements de la vie. Dans une perspective dialectique, il traite d'équilibrer le hasard et la nécessité, le déterminisme et la liberté. Il mène à une légibilité logique qui exclut la prévision individuelle et l'événement se traite alors de cas. Il sait que seuls les ensembles sont objets de calculs. Nous distinguerions aujourd'hui le calcul des probabilités et le calcul aléatoire. La densité réfléchie dans les passages thomasiques sur numerus ne délivre évidemment pas ce langage postérieur, mais ne le contredit pas non plus. D'une certaine manière, la prudente rigueur raisonnée des écrits de Thomas sur ce point esquisse un cadre logique où peut venir s'insérer notre mathématique mûrie longuement dans l'histoire des sciences99. Aucune audace impulsive n'entraîne notre auteur à s'exprimer sur ce qu'il ne sait pas mais il ne pointe pas sa pensée vers une impasse. Si l'impetus de Buridan et Bradwardine ouvrit un peu le chemin d'une physique moderne aux dépens d'un mouvement sclérosé selon Aristote, notons que le motus si fondamental chez Thomas, est la catégorie logique toujours valable comme telle. Il ne s'est jamais laissé entraîner à une étude expérimentale dont son métier n'avait rien à faire. L'erreur des péripatéticiens tardifs qui appliquaient abusivement la définition d'Aristote à des études factices, ne le concerne pas. Notons cependant que Thomas fait du système binaire le principium100 des nombres comme au calcul de nos ordinateurs. Le théorème de Neumann et Morgenstern qui classe les hasards de jeux de l'histoire se trouve d'une certaine manière dans l'axe historique du développement de son système mental. Thomas n'oublie jamais que tout est histoire : tout nombre est imparfait sauf ueniendum ad decem donc à son parachèvement101. Dieu peut anéantir ou réparer tout nombre permanent mais non un successif102. En phrase de notre siècle, Dieu "peut" faire revivre un cadavre présent, gisant ; mais non rendre la domination de la France de 1980 à Clovis. Ou mieux : la volonté ordonnée, potentia ordinata de Dieu a créé le temps irréversible.
34Mais au-delà des temps, notre auteur tient le sens du temps et développe le principe des mouvements rectiligne, circulaire comme de leur combinaison hélicoïdale. Il est le premier à avoir délivré la dialectique limpide de l'âge et de la date. L'âge, histoire interne d'un objet, s'oppose à la date où le même objet se réfère à un flux successif qui lui est extérieur : esse in tempore dupliciter… secundum se… de quorum ratione est successio interna à quoi s'oppose une immersion dans le temps général ; alio modo per aliud… non est aliqua successio sed tamen alicui succesiuo subiacent103.
35On voit que la plupart des réflexions qui imposent à notre temps une conception générale de l'histoire, ont été abordées par saint Thomas d'Aquin et ordinairement il a été le premier et l'unique. Les apports du mystère historique du Christ et du fieri défini par Aristote n'avaient jamais été réunis en un système. L'amplitude de sa vision a construit avec eux un système définitif.
36La définition par le devenir temporel dérive naturellement d'Aristote mais personne ne l'avait reconnu. L'attention scientifique au passé que nous venons de signaler comme la première en son temps se prolonge par une présence des problèmes du moment qui fit de notre Thomas un maître reconnu déjà en son siècle. Le sentiment du futur, hors toutes les idées chimériques si courantes dès ce moment, complète son portrait d'historien parfait104. L'attention au temps en général est une des caractéristiques de ses écrits : nunc remplit chez lui un rôle fréquent et pas seulement anecdotique ; il s'élève à la hauteur d'une notion philosophique. Depuis ce temps nul de l'instant sans épaisseur, homologue du point dans l'espace, le nunc va jusqu'aux valeurs théologiques d'image de l'éternité105. Même la foi, sujet d'histoire, croît dans le temps. La solidité de cette construction rationnelle d'idées sûres, est ce qui libère la profondeur de pensée de Thomas d'Aquin, de la réalité quotidienne à l'élaboration scientifique jusqu'à Dieu, du temps qu'il fait à la vision mystique.
Conclusion
37Depuis l'antithèse à Augustin, plantée en son camp même à la thèse exposée en langage péripatéticien, la dialectique thomasique a construit son système d'un concept englobant et surplombant de l'histoire. Ce concept définitif, définitionnel, de l'histoire ouvre la pensée moderne sur l'histoire, l'histoire moderne de la pensée et l'histoire de toute modernité. Coupant à la faucille du Lycée le gui traditionnel du chêne d'Augustin, c'est aux fêtes de l'an neuf que nous enivre notre maître.
38Thomas d'Aquin n'a rien d'un saint de niche, d'un mythe cousu : tant au concret de sa vie qu'à l'amplitude de sa réflexion se découvrent ces notions amples et inespérées, nettes et vives. Dans le cours de la querelle contre Guillaume de Saint-Amour106, se déchaînait cette investigation sur l'évolution que refusait l'adversaire, englué en ses avoirs et intérêts réactionnaires107. Et sur le devenir qui est sa base logique et sur l'histoire qui est sa aufhebung. L'histoire de l'univers passe, dans l'état actuel de nos savoirs et attitudes mentales, par l'histoire de notre espèce humaine où le récent progrès européen de la rationalité nous paraît occuper l'un des axes. Après la révolution agricole et artisanale en divers lieux néolithiques du VIIIème au premier millénaire avant notre ère, il y eut seulement ensuite la révolution commerciale du xiième siècle qui précède ; dans le même site auparavant défavorisé, la révolution industrielle des siècles xviii à xx108. L'apogée de la première grande rationalisation générale de la production, du gouvernement, de la construction et de l'enseignement, est évidemment au xiiième siècle européen109. Le surgissement démographique, la plus grande superficie cultivée et la plus grande productivité110, le nœud de toutes les inventions artisanales accumulées111, la circulation ouverte comme jamais avant, des hommes, des biens, des services, forment base à une société urbaine et chrétienne dans laquelle se construit l'Etat moderne112 des Plantagenets puis des Capet : unificateur, ordonnateur, jacobin. Toute la poésie de cette ère urbaine est aussi gothiquement113 et scolastiquement114 organisée : toute l'amplitude de composition115 d'un acte, d'un traité, d'un "sermo", d'une questio116 est ainsi altièrement enchâssée. Le surgissement non moins urbain du grandiose espace gothique117 symbolise et réalise dans le concret tant le dynamisme proto-industriel118 que l'attitude mentale de la haute scolastique119. Thomas d'Aquin est situé à ce moment de l'histoire humaine où achève de surgir la grande civilisation moderne de l'Europe et où commence pour autant à s'éteindre non une autre culture des autres foyers précédents mais toute la culture précédente, périmée depuis lors. Il a réalisé ce charisme unique de recueillir le meilleur des parfums précédents, d'Aristote à Augustin sous le soleil du Christ sans se laisser étourdir à son propre opium. Et ouvrir en même temps, par sa propre distillation, le puissant fleuve d'une nouvelle liqueur, le nectar unique et ineffable de la modernité. Le gothique cultivé avec toute la scolastique du temps est installé en arbitre dialectique de cette charnière des temps, dominateur des possibles120 qui profert de thesauro suo noua et uetera121. Abreuvé de toutes les cultures méditerranéennes d'Israël aux Hespérides par la sagesse d'Athènes, Thomas élabore son inimitable miel, précieuse et svelte doctrine qui nous élève et nous transmute jusqu'à l'adoration enchantée Adoro te…122 Rigans montes de superioribus suis123 il nous irrigue encore plus que les sommets mais son cours gagnera et exaltera les humiles124 en son temps où les vérités s'échappent des doigts des hommes125. Bienheureux d'avoir cru126 Thomas a inventé le concept d'histoire en son idéologie comme il a marqué son passage historique dans le plan de la Summa127. Son passage personnel dans le temps (1226-74) nous trace ainsi un itinéraire général vers Dieu, le plus superbe des sentiers semitas uiarum tuarum128. Donc le fleuve de l'histoire se jette dans le bonheur d'Exister : Maranatha129.
Notes de bas de page
1 SIWEK TA 9, 471.p, S, R ; T 829. Ar 1 Pol 2, 1252 a 24 : à considérer les choses dans leur genèse, on en obtient une parfaite intelligence (Exergue CHENU, théol. 13).
2 P, S, R, T, Nic. PETRUZELLIS, Filosofia e Teologia della Storia TA 3, 31-48. cg. U. von BALTHASAR T 815-48 et 896-7.
3 De ente et essentia ed ROLAND-GOSSELIN op., ed Capelle
4 F. SELVAGGI, Da concezione stazionaria a una evolutiva del mondo TA 9 445-54. F.S. CAMS ibid. 444 toute création devient… cf. SECKLER.
5 Y. 133-41. surt 140. STELLING-MICHAUD, SECKLER, H. RONDET, st Th est-il un philosophe de l'Histoire ?, Rech. Sciences Rel. 51 (1963), 77-95.
6 P 4-5 Augustin père de l'Église latine.
7 TA 1, 217-57. P, 56.
8 DUFEIL, saint Anselme EU 2, 202-04 (éd. 1984). F. HEER, L'univers du M. Age, 157, 274, 282-3, 289 : naissance de l'histoire.
9 MARROU, BULTMANN, FISCHER, GOGARTEN, BALMER, DANIELOU, SERTILLANGES.
10 M. SECKLER, Das Heil und die Geschichte, Munster 1964. A côté d'un augustinisme fixiste abusif (T 824-26), il y en a un modéré et relatif (846-48).
11 1 a 3, 3. Q disp de Spir Créat 5 ad 8 m. Quodl 7, 3 + 20//. CG 4, 65 fin. 3 a 71, 2.
12 1 a 30, 4. pot 9, 2 ad 2 et a 6. Existit per se 1 a 29, 1 ad 2 ; 39, 3 ad 4.
13 Et. GILSON, l'Etre et l'essence.
14 Cf. le da-sein. Pot 14, 2.
15 1 a 84, 2 ; 14, 2 ad 1. Uerit 8, 16. Pot 14, 2 : cognitio part du sensible, point essentiel de l'opposition thomasique à la noètique illuministe des augustinisants.
16 Cognitio matutina i Ps 5, 8, uespertina 1 a 58, 7 ad 3. Uerit 8, 16 ; 10, 9 ad 3.
17 Exsultet : liturgie de la lumière au Samedi Saint.
18 1 a 14, 10 ad 4. uerit 2, 8 ad 18.
19 1 a 14, 10.
20 Impossibile summum malum 1 a 49, 3. CG 3, 13. Pot 3, 6.
21 R. ETIEMBLE, EU 4, 873 sv ; éd latine 1840 Pauthier.
22 H. LEHMANN Maya EU 10, 640 sv.
23 1 a 66, 1 et //.
24 Ezech 1, 1 sv et 27, 1-4.
25 Daniel cap 7.
26 Iob 24, 1 etc.
27 Prov. 8, 5-10.
28 Prov. 8, 3.
29 1a 2e 103, 1 sacrificia ante legem.
30 1 a 46, 2 ad 1 et a 2, Pot 3, 14 ad 16. Phys 1, 3 fin. P, 211, 256.
31 1 a 45 et 58, 6 et 68, 1 + 30//. materiam omnium fuit creata simul non omnia i 2 S.
32 1 a 66, 3-4. I 2 S 12, 4 déb. Le début du temps ne mesure pas la création 18, 1 a 1 fin. 1 a 46, 3 ad 1.
33 P 5, 25, 54, 92.
34 Cf. sup n 8.
35 M. D. CHENU op TA 1, 39-50. T 815.
36 Cf. péché originel in EU et DTC.
37 Cf. sup n 17.
38 1 a 85, 3 ad 1. Quodl 5, 19.
39 P 3, 26.
40 N. TONER, La sapienza nel pensiero agostino e tomistico TA 1, 248.
41 3 a 25-35 10 questiones, gros traité et le plus beau de toute l'histoire de la théologie de la Vierge-Mère, au temps de Notre-Dame.
42 1a 2e 68, 4 ; 8, ad 2 : dans l'ordre génétique, temporel, les vertus précèdent.
43 T 822, 828. P. index.
44 CHENU TA 1, 47.
45 J.M. ARTOLA, Metafisica valor e historia TA 6, 687-98 ; 688-9 : dialectique et métaphysique de l'histoire.
46 SECKLER, Le salut et l'histoire trad fr Cerf 1967.
47 A. JAUBERT EU 12, 969-70.
48 O. CLEMENT EU 9, 414.
49 Cl. LEDIT, Médiation théologique ds le contentieux judéo-arabe TA 3, 134-40.
50 DERISI TA 1, 105-18. S. ARCOLEO TA 1, 149-214. R 243-4, 272 n 23.
51 TA 5 actualité de l'intellectualisme thomiste face à l'immanentisme contemporain.
52 SECKLER sup n 46 et 10.
53 CHENU sup n 44.
54 R. CABRAL TA 5, 403-8. DE VOGEL, L'éthique d'Ar. offre-t-elle une base appropriée à une éthique chrétienne ? TA 5, 135-43.
55 Kant débute à Ockam : ALVAREZ TA 1, 129.
56 A. BOISCHOT, Etoiles EU 6, 714-16.
57 CG 2, 13 ad 2. i Metaph 5, 9 mil. Quodl 3, 7 fin. Habitas est potentia ; Consuetudo se lie au devenir et au temps la 2e 50, 3 ad 4. 1a 63, 4. Uerit 24, 1.
58 1a 67, 4 ad 3. Ultimus motus celi adsimilatio ad Deum : CG 3, 22 mil. Pot 5, 5 et 6, 7, 8, 9, 10. Nullus homo potest naturaliter scire quando.
59 1 a 10, 6 ; 66, 4. Cf sup n 32. Manque ici aeuum 1 a 10, 6.
60 Pot 1, 1 ;5, 4. CG2, 7.
61 i Phys 3, 3. i 4 S 1, 1 a 4 qua 2.
62 Cl. LEVI-STRAUSS, L'homme nu Plon 1961 concl, 621.
63 S, P. EAST TA 1, 186-204 (192 : philosophus = docere, Aristoteles = dicere) note sur la double appellation du Stagirite par st. Thomas.
64 1 a 22, 1 et 2 et 4 ad 2 ; 23, 1 ; 116, 3 fin. CG 3, 77 et 94. Uer 5, 1. s Dion div Nom 3, 1. Mutatio causarum secundarum non consilium uoluntatis 1 a 19, 7 ad 2.
65 CG4, 11 et 13. 1 a 34, 1.
66 1 a 31, 1. Ex 3, 6 ; 32, 4-6 et 13 (12e dim ap pent.).
67 l a 45 etc.
68 1 a 45, 3.
69 2a 2e 105, 2 ad 2.
70 1 a 5, 4 ad 2.
71 1a 82, 1.
72 1 a 63, 8 ad 3.
73 Célèbre et magnifique passage de l'offertoire de toute messe.
74 i 1 a Cor 11, 1 déb.
75 Act 18, 16-34.
76 Tocco, 29, 30, 31, 32, 43.
77 Devise dominicaine qui résume la vocation de l'Ordre 2a 2e 186, 6.
78 J. MARITAIN, Distinguer pour unir… mystique/logique : TA 2, 74-78.
79 Pot 9, 9. 1 a 93, 5.
80 1 a 46, 2 ad l. T 253. TA 9, 247-55.
81 Sup n 31. 1 a 45, 1 et 2 ad 3. Creatio = ni fieri ni factum esse mais être à partir du néant.
82 2a 2e 47, 5 ad 2 ; 174. 4 ad 2. i 1 Cor 13. Jos 10, 1. Uer 12, 14 ad 3.
83 Guerric de St-Quentin P 28. TA 9, 247, 269. 1 a 27, 2 ad 2 ; 66, 1.
84 VERES TA 9, 247 etc. BAZZI, 381-7, 389, 437. CG 4, 11.
85 1 a 109, 2 fin.
86 DUFEIL, Evol. biologique selon St. Thomas, inédit. 1 a 72 et 98. CG 3, 22.
87 1 a 70, 3 ad 3 ; 82, 1. CG 3, 22. Pot 5, 5. TA 9, 389. i S 2, 2 a 3 ; 11, 2 a 6. S n 19.
88 SECKLER et S : les adverbes thomasiques portent le temps comme normal en grammaire latine et romane ; aucun ‘thomiste' ne paraît l'avoir compris. P 210.
89 MANZANEDO, La inteligencia y la mano segùn s Th TA 7, 400-17. 3 a 46, 6 ; 83, 3 ad 1. i heb 12, 3 n 1. i 1 Cor 12, 3. i Ef 4, 9. CG 3, 135.
90 1 a 85, 3 ad 1.
91 la 2e 12, 2 ; 68, 1 ad 1. 2a 2e 24, 6 et 10. R n 33.
92 R, 699 net 41. T 826-9, 887.
93 P 123. T, R, E. TA 1, 368-76. T 883-6 surt 836-43 ; 823 n 61-2.
94 Euidenter scripture quam reprobunt assentiunt CI 161 lignes 176-7. P, E. T 824-26. R 216 n 72 et 17-22. Y. GELINAS TA 1, 368.
95 T, R, E ; Pindox, 211-12.
96 A. DONDAINE op Les secrétaires de st Thomas, Roma 1956. E n 6.
97 1 Ps 27. i Ps 5, 2 etc.
98 2a 2e 95, 1 ad 2 ; a 3-5. 1 a 115, 4-6. Quodl 12, 36. Sort. E 466-7 n 12-15. CG 3, 84-6.
99 G. LEFF, Thomas Bradwardine univ. Manchester.
100 Quodl 3, 6 resp ad arg. 2a 2e 28, et + 116, + 1 sed contra. NEWMANN and MORGENSTERN, Theory of Games Princeton up 1944.
101 2a 2e 87, 1 + //.
102 Quodl 4, 3 ad 2.
103 P 357. R, S. T 828-30. TA 1, 261-7, 344, 355. TA 2, 102-8, 259-66, 438-40 ; 3, 134-40 ; 4, 122-36 etc.
104 I 28-30 et notes. Altherton TA 1, 156-62 surt 162. T 829-31 et 834-5 n 100-111.
105 1 a 10, 4 ad 2 + ::.
106 P 257, 353. R 700-1. E 472-4, 479, T 826-7, 243-6.
107 R 245 n 69.
108 S 95, 104. D. FURIA + P. SERRE, Techniques et Sociétés 1970 (U) 27, 80, 108 n 1. R.S. LOPEZ, Médieval Trade in Medit.World NY 1955 Cambr Ec hy 2, 3.
109 P. CHAUNU, Expansion européenne (Clio) 1968, 54-7, 63-9, 80-1, 84-8, 92, 280, 299, 307, 313-18. Id., Le Temps des Réformes Fayard 1955 : entre 1180 et 1270 : 10 sv.
110 H. NEVEUX in G. DUBY, Hist France rurale Seuil, II, 1975 : 15-17, 103, 577 (Leroy-Ladurie : le plafond du xiiième s. est celui de 1720).
111 B. GILLE, Hist géné techniques PUF I 1962 : 438, 449-52, 468-70, 513, 588, 593. FURIA (n sup 108), 108. CHAUNU (sup n 109) 76-9. L. MUMFORD, Technics and Civilization.
112 Cf sup n ; 08 LOPEZ. L. GENICOT, Le xiiième s. europ. (Clio) 3, 142-93, 195, 202, 211 n 3, 345.
113 P. ZUMTHOR, Roman et gothique deux aspects poésie médiév., Studi in onore Italo Siciliano II Firenze 1968, 1223-34 ; corrigés en ouvert et fermé, Mélanges Frappier II, 1155-71 (Adam entre 2).
114 R. DRAGONETTI, La technique poétique des trouvères de la chanson courtoise. DUFEIL, Deux méthodes de composition Guil. de St-Amour et Th. D'Aquin, Culture médiévale CNRS 1981, 177-86.
115 R, 2445 n 60-62.
116 J. CHEVALIER, Architecture temporelle du 'Romancero tradicional', Bull. Hispanique 73 (1974), 50-103.
117 R. BRANNER, St Louis and the court Style in Gothic Architecture, London Zwenner 1965. Id., Mss Painting in Paris, reign of st Louis univ California up 1977. Erwin PANOFSKY, Gothic Architecture and Scholasticism 1951. J. FITCHEN, The Construction of Gothic Cathedral Oxford 1961. F. CALI, L'ordre ogival.
118 J. GIMPEL, Les bâtisseurs des cathédrales Seuil 1973. Id., Révol. industr. M. Age 1975.
119 M. GORCE op, La scolastique courtoise. P 25-30, 45, 54-60. S. T 831.
120 P.M. SCHULH, Le dominateur et les possibles PUF 1960, 83-4.
121 Mat 12, 58.
122 Thomas alors lector curie à Ovieto (1264) fut au moins le théologien de cette composition qu'on lui a vainement disputée : P. KAPPELI op a trouvé un sermon perdu du saint qui porte 12 citations rares et interprétations uniques en commun avec cet office.
123 Ps 102, 13. Theuma du Principium de doctorat de Thomas, Paris 1256 (NOVARINA 91).
124 Magnificat, cantique de Myriam, Luc 1, 52 (verset 7).
125 22 Tim 3, 8.
126 Ps 11, 1-2. NOVARINA 91. Jo 20-23 inverse de l'apôtre Thomas beatus qui credidit.
127 M.D. CHENU op, Le plan de la Somme, Rov. thomiste 45 (1939), 93-107. T n 95.
128 Prov 8, 20-22. Iob, Cant, Sap…
129 Apoc 22, 20-21.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Fantasmagories du Moyen Âge
Entre médiéval et moyen-âgeux
Élodie Burle-Errecade et Valérie Naudet (dir.)
2010
Par la fenestre
Études de littérature et de civilisation médiévales
Chantal Connochie-Bourgne (dir.)
2003