Du corail de Méditerranée pour l’Asie
Les ventes du marchand marseillais François Garnier à Smyrne vers 1680
p. 343-359
Texte intégral
1Cauris des Maldives, ambre de la Baltique, perles de Bahreïn, corail rouge de Méditerranée… Comme marchandises alliant l’attrait à la préciosité d’un produit rare et lointain ou comme monnaie d’échange, les ressources de la mer ont souvent tenu une place importante dans les échanges intercontinentaux de l’époque moderne. Pour autant, ces articles de commerce placés au cœur des débuts de la mondialisation n’ont pas fait l’objet d’études très nombreuses. Si l’on s’arrête sur l’exportation du corail rouge de Méditerranée vers l’Asie, les travaux se sont surtout attachés à mettre en valeur le rôle joué par les marchands juifs séfarades, à expliquer leur capacité à structurer des réseaux d’affaires interculturels et à analyser leur négoce par la voie transocéanique1. Cette focalisation de la recherche sur un groupe marchand et sur l’Atlantique a provoqué une certaine amnésie sur le sujet, notamment sur la permanence de la vieille route du corail vers l’Asie, celle reliant les ports européens du bassin occidental de la Méditerranée aux Échelles du Levant et, par caravane terrestre, à la Perse, à l’océan Indien et au Tibet2.
2Le but de cet article est de mettre en lumière l’histoire de cette ancienne voie au cours de l’époque moderne. Il s’appuiera sur une étude de cas circonscrite dans le temps et dans l’espace, celle portant sur quelques ventes d’un marchand de corail de Marseille, François Garnier, et de son commissionnaire, François Tiran, à Smyrne, à la fin du xviie siècle. Fondé sur le dépouillement d’actes notariés et d’une partie de la correspondance entre les deux hommes autour de l’année 1680, ce travail ambitionne de dévoiler les caractéristiques et les enjeux des exportations de corail vers l’Asie par les Échelles du Levant. Au-delà d’une perception de la résistance de la voie méditerranéenne face à la concurrence atlantique, cette étude entend surtout montrer la diversité des acteurs impliqués dans les circulations mondiales de l’époque moderne. Face aux grandes compagnies européennes disposant d’un soutien étatique et aux grands réseaux diasporiques communautaires, des « petits » se sont fait une place dans la mondialisation en marche, en même temps qu’ils contribuaient à la construire, même s’ils n’étaient le plus souvent que les maillons d’une chaîne dont ils ne pouvaient voir le bout et qui restreignait leurs profits.
Marseille-Smyrne : un segment du commerce eurasiatique du corail
3Si l’exportation du corail de Méditerranée vers l’Asie n’est pas une nouveauté de l’époque moderne, le mouvement change véritablement d’ampleur au xviie siècle. Les circuits se multiplient, tandis que les envois deviennent plus réguliers. Marseille et les Échelles du Levant maintiennent leur importance dans ce commerce, mais, parmi ces dernières, Alep et Alexandrie se voient distancées par Smyrne. À la fin du xviie siècle, le port anatolien est devenu le lieu majeur de rencontre entre l’entreprise maritime marseillaise et l’activité caravanière intra-asiatique. Par leur présence à Smyrne, les négociants de la cité phocéenne se trouvent intégrés dans les circuits d’exportation du corail vers la Perse, l’océan Indien et le Tibet.
Le corail, une marchandise phare du commerce eurasiatique
4Corallium rubrum est une espèce de corail quasi endémique de l’espace méditerranéen3. Bien adaptée aux travaux de polissage et d’incision, elle présente une grande variété de nuances de rouge et se pêche avec moins de difficultés que d’autres spécimens, Corallium japonicum notamment. Pour ces raisons, l’essentiel des coraux de qualité vendus dans le monde au cours de l’époque moderne venait du bassin occidental de la Méditerranée. C’était en ce lieu que se pêchait et se transformait cette ressource marine, pour devenir des colliers et des chapelets de grains ronds ou d’olivettes.
5Le corail rouge de Méditerranée est durant l’époque moderne une marchandise de traite. Il forme aussi et surtout un produit de grande valeur dans le cadre des échanges eurasiatiques. Comme marchandise à vendre, comme objet de troc ou même parfois comme monnaie, le corail est alors un des rares articles européens trouvant facilement ses marchés depuis l’Empire ottoman jusqu’à la Chine, en passant par la Perse, l’Inde, le Tibet et le Bhoutan. Par son emploi, les Anglais, Français, Hollandais ou Portugais réduisent quelque peu le déficit prononcé de leur balance commerciale avec l’Orient. Les hommes de l’English East India Company en poste dans les comptoirs de l’océan Indien aiment à souligner son importance, comme ceux de Surate en 1639 par exemple : « next to broadcloth, coral is the most stable and vendible commodity that Europe produces4 ».
6Quels sont les profits générés par ce commerce ? Durant les décennies 1670-1680, le corail se négocie « issu de mer » autour de 3 à 4 livres tournois la livre poids de Marseille dans le bassin occidental de la Méditerranée5. En Inde, en 1696, le corail brut est revendu par les Français à hauteur d’une quinzaine de livres pour le même poids6. Pour obtenir une vision plus assurée de l’écart des prix, il faudrait collecter plus d’informations sur la marchandise brute comme manufacturée sur plusieurs lieux de vente, mais ces deux chiffres offrent déjà un ordre de grandeur laissant entrevoir l’importance de cette marchandise pour les comptes commerciaux des Occidentaux. La pression exercée par l’importance du corail dans les échanges eurasiatiques sur l’économie méditerranéenne est lourde et peut se lire en une seule donnée : le prix du corail quadruple en Ligurie entre 1600 et 17007. À l’origine de la filière européenne d’exportation se trouvent quelques villes italiennes, Gênes et Livourne en tête à la fin du xviie siècle. Seule Marseille est alors en mesure de contester cette domination liguro-toscane.
Le réveil marseillais dans la filière du corail
7Dans le commerce international du corail pour l’Asie, Marseille occupait une place de choix au début du xviie siècle, pour le moins comme source d’approvisionnement. Dans les années 1620, la place était d’ailleurs présentée par les directeurs de l’English East India Company comme « the principal market for that commodity8 ». Les décennies suivantes avaient été marquées par un déclin, en grande partie lié aux difficultés d’exploitation des riches gisements coralligènes d’Afrique du nord. Mais Marseille retrouve un second souffle durant le dernier tiers du xviie siècle. À la fin des années 1680, 100 à 150 quintaux (soit quatre à six tonnes) de corail brut sont annuellement débarqués sur les quais du port9. La marchandise provient pour l’essentiel de Catalogne, de Provence et surtout du Maghreb, grâce à la réactivation des pêches au Bastion de France depuis 1666 et à la création d’une nouvelle Compagnie du cap Nègre en 1666, qui relance la collecte sur les côtes de Tunisie, interrompue depuis 163510.
8Le retour de Marseille dans le secteur du corail bénéficie également d’une dynamique commerciale locale relancée. L’influence du port phocéen déborde de la Méditerranée pour s’ouvrir aux Amériques, tandis qu’il se dote d’une flotte plus importante, comme en témoigne l’augmentation de sa capacité de transport, qui passe de 3 582 tonneaux en 1664 à 17 752 en 168611. Le commerce du Levant connaît une croissance soutenue, poussant plus avant l’intégration de la ville dans le commerce eurasiatique12. Marseille vit mieux de ses relations avec l’Asie, mais le profit de ces échanges est limité par l’impossibilité pour ses marchands d’agir au-delà des Échelles du Levant. L’entreprise maritime et commerciale marseillaise s’arrête à Smyrne, Alep et Constantinople, cités d’interface entre Orient et Occident, où les négociants marseillais doivent passer la main, laisser le soin aux sujets ottomans et persans de faire voyager les marchandises à travers les terres. Dans le cadre du commerce avec l’Asie intérieure, les Marseillais n’animent que le premier maillon et ne perçoivent les débouchés finaux que comme un horizon lointain et inaccessible. La situation permet néanmoins à un petit groupe de fabricants provençaux de connaître une nouvelle période de prospérité. « Tout l’Orient est rempli de leurs colliers et leurs bracelets », écrit Joseph Pitton de Tournefort à propos du corail et des Marseillais en 170013. L’exagération du botaniste aixois est évidente, mais révélatrice du dynamisme d’un secteur porté par quelques marchands spécialisés dans l’exportation de ces produits vers Alep et surtout Smyrne.
Smyrne : une porte de redistribution vers l’Asie intérieure
9Au xvie siècle, les routes traditionnelles des exportations du corail par l’Empire ottoman s’appuyaient principalement sur les échelles d’Alep, d’Alexandrie et du Caire. Le xviie siècle change la donne avec la marginalisation de la voie égyptienne et le déclassement d’Alep au profit de Smyrne. Les raisons de la suprématie du port anatolien sont complexes et combinent des aspects fiscaux, juridiques, politiques et religieux14.
10Amorcée dès la première moitié du xviie siècle, la montée en puissance de Smyrne s’intensifie par la suite. Les données des années 1670 sur les exportations de marchandises vers le port phocéen démontrent qu’elle occupe déjà le premier rang. Avec une moyenne annuelle de 1 922 300 livres tournois, elle détient à elle seule 31,22 % de la valeur totale des produits expédiés par les Échelles du Levant15. Les Marseillais y ont d’ailleurs leur principale colonie négociante, forte d’environ 60 à 70 individus en 168216. Ces hommes font affaire avec les locaux, mais également avec les marchands arrivés par les caravanes intra-asiatiques depuis Ispahan. Chaque année, de février à octobre, après plusieurs mois de voyage, des marchandises de l’océan Indien et de Perse sont acheminées à dos de chameaux vers Smyrne17. L’échelle anatolienne est devenue un trait d’union majeur entre l’Asie et l’Europe. Parmi les échanges de marchandises qui animent la place, le corail est en bonne place. Avec les piastres, il constitue en effet un des éléments clé de la cargaison retour vers Ispahan et, par la suite, vers l’océan Indien et le Tibet. Si l’Asie est le tombeau de l’argent hispano-américain, il est aussi celui du corail rouge de Méditerranée.
11L’axe Marseille-Smyrne est donc vital pour tout marchand marseillais engagé dans le commerce du corail. À défaut de pouvoir résider dans l’échelle, les négociants phocéens doivent y avoir un représentant ou un commissionnaire attentif et compétent. C’est pour cette raison qu’ils sollicitent au pire un membre issu du cercle de leurs connaissances, au mieux quelqu’un de la famille. Le marchand de corail marseillais François Garnier n’échappe pas à la règle. À partir de 1679, il est représenté à Smyrne par François Tiran, son cousin par alliance.
Un marchand et son commissionnaire
12Vers 1680, François Garnier est un marchand de corail déjà expérimenté, s’appuyant sur des réseaux d’exportation et de vente bien structurés et dans lesquels le cercle des proches et de la famille tient un rôle premier. Son représentant-commissionnaire à Smyrne, François Tiran, est un peu plus jeune. Pur produit de l’entreprise maritime et commerciale marseillaise, il a construit sa carrière dans un cadre familial et autour des affaires smyrniotes.
François Garnier, un « marchand corailhier » marseillais
13François Garnier est né à Cassis vers 163018. Il est le fils de Jacques, un marchand local, et de Graci Ollive. Nous ne savons pas grand-chose de ses années à Cassis, et notamment des activités de son père. La famille était-elle déjà présente dans la filière du corail ? Rien ne permet pour l’instant de l’affirmer. François Garnier a construit sa carrière professionnelle à Marseille, où il est signalé dès 1653, quand il épouse Lucresse Marrot, la fille d’un maître cotonnier19. Ses affaires semblent prendre du volume à partir de 1667, après la mort de sa première femme et un nouveau mariage, avec Françoise Arnaud, fille d’un marchand marseillais20. Dès lors, et jusqu’à sa mort en 1686, il fait preuve d’une activité permanente dans le commerce du corail, aidé un temps de ses deux frères Honoré et Jean, puis de son fils, également prénommé François. François Garnier se déplace peu. Il dirige ses affaires depuis sa boutique installée sur le port, à proximité de la Loge et de ses confrères (Jérôme Eydin, les frères Sallade et François Meistre).
14L’éventail de ses activités semble se restreindre à la sphère commerciale. Aucun des quelque 80 documents le concernant trouvés dans les archives des notaires de Marseille ne signale un engagement, même ponctuel, dans la pêche. Pour la fabrication, l’affaire garde encore un peu de mystère. Un acte notarié fait en effet mention du recrutement par François Garnier d’un apprenti corailleur catalan en mai 167221. Il a donc certainement produit un temps, mais il n’est toutefois jamais présenté comme « maître corailhier ». Pendant l’essentiel de sa carrière, François Garnier a acheté les marchandises qu’il revendait. À qui précisément ? À des fabricants génois peut-être22, à des maîtres corailleurs marseillais sans doute, et à son frère Honoré très certainement, quand ce dernier retrouve le berceau familial en s’installant à Cassis en 1673 pour y ouvrir un atelier de travail du corail.
15Sur quels marchés François Garnier réalise-t-il ses ventes ? Une évidence s’impose face aux documents d’archives : ses exportations sont étroitement liées au rayon d’action et aux réseaux du commerce marseillais. Ses marchandises sont en effet placées sur des navires phocéens et sont débitées pour l’essentiel dans l’espace méditerranéen et sur quelques places atlantiques peu éloignées du détroit de Gibraltar. C’est donc principalement à Alep, Smyrne, Candie, Alexandrie, Salé, Mogador, Cadix et Lisbonne que les coraux de François Garnier sont vendus pour suivre leur chemin vers d’autres destinations plus lointaines. Le marchand marseillais n’a pas les réseaux d’affaires lui permettant d’envoyer directement ses coraux vers la Perse, l’océan Indien le Tibet ou la Chine.
16Les ventes de François Garnier se font de différentes manières : dans le cadre de l’obligation maritime pour les petites quantités destinées à la Barbarie ; par délégation de pouvoir à un frère se déplaçant avec les marchandises, quand il s’agit découler d’importants volumes à Lisbonne et à Cadix, à la veille des départs vers les Indes occidentales et orientales ; et enfin par des représentants-commissionnaires dans les Échelles du Levant pour des envois réguliers et d’importances inégales. C’est à ce dernier système qu’appartient François Tiran.
François Tiran, un commissionnaire issu du cercle rapproché
17Né à Marseille vers 1645, François Tiran est le fils de Lucresse Ailhaud et donc le cousin par alliance de François Garnier23. Son père Guillaume était un marchand spécialisé dans le commerce avec le Levant, et principalement avec l’échelle de Smyrne, sur la route de laquelle il meurt en 167024. François Tiran se forme aux affaires du négoce dans les années 1660. Il est ainsi écrivain de bord sur des navires dont la famille et ses associés sont quirataires, notamment ceux commandés par le capitaine toulonnais Pierre Serry, qui effectuent des rotations vers Smyrne : La Flute Royale (1667), L’Espérance (1667-1668) puis Le Saint-Cyprien (1669). Avec 600 tonneaux et 90 hommes d’équipage, ce dernier bâtiment est pendant longtemps le plus grand vaisseau de commerce de la côte provençale25.
18Après son mariage avec Marguerite Beaumond, fille de Pierre « vivant marchand bourgeois de Marseille », en août 166926, et la mort de son père, il devient marchand à part entière et travaille avec son frère Jean et une famille alliée, les Rampal. Autour de 1680, les liens d’affaires que les Tiran entretiennent avec François Garnier sont déjà anciens. Le marchand de corail a participé aux financements des entreprises de François vers Smyrne27 et il est fort à parier que le père Guillaume s’occupait déjà d’écouler des coraux ouvrés pour son compte à Smyrne jusqu’en 167028.
19François Tiran s’installe à Smyrne en janvier 1679 et y reste jusqu’en 1684. Au cours de sa première année de résidence dans le port anatolien, il reçoit quatre envois de corail en grains ronds et en olivettes de François Garnier, marchandises qu’il écoule en trois ventes entre 1679 et 1681, avant de se brouiller définitivement avec son cousin, pour des raisons présentées plus loin. C’est sur les éléments de ces trois ventes que les analyses de cet article portent, autant d’affaires décrites dans quinze lettres envoyées par François Tiran à François Garnier et conservées dans les fonds du tribunal de commerce de Marseille29. Combinée aux actes notariés, cette documentation permet de pénétrer les ressorts du commerce du corail à Smyrne à la fin du xviie siècle.
Tableau 1 : les envois de corail ouvré de François Garnier à François Tiran à Smyrne en 167930

Clientèle et concurrence
20À Smyrne, le corail ouvré est un produit de niche dans la mesure où il est lié à une aire spécifique de collecte et de production, s’adresse à une clientèle ciblée, celle des contrées plus lointaines de l’Inde et du Tibet, et concerne un segment particulier de marché, celui des colliers, bracelets et chapelets de prières. Forme-t-il pour autant une niche de marché ? Le groupe des acheteurs paraît réduit, tandis qu’une certaine compétition est à l’œuvre du côté des vendeurs. Par sa structure concurrentielle et le nombre mesuré des acteurs qui y prennent part, le marché du corail à Smyrne semble s’apparenter à un oligopole bilatéral.
Les acheteurs arméniens
21À qui François Garnier et François Tiran vendent-ils du corail à Smyrne ? Les lettres envoyées par François Tiran ne donnent pas de noms précis, mais fournissent en revanche des indications claires sur les acheteurs. La correspondance nous donne ainsi le détail des négociations autour du premier envoi. C’est tout d’abord « un merchand arménien qui doit partir bientôt avec une caravane pour Perse » qui manifeste un intérêt pour la marchandise en janvier 167931. Aucune transaction n’a lieu au final. Trois mois plus tard, François Tiran signale à François Garnier une nouvelle possibilité de vente : « Quelques Arméniens ont esté voir vos corails32 ». C’est avec l’un d’eux que l’affaire se conclut, après des discussions répétées entre fin avril et juillet 167933. Si cet exemple ne peut servir à lui seul à établir une quelconque généralisation sur la clientèle des marchands de corail marseillais à Smyrne, il paraît confirmer les éléments disponibles dans la bibliographie du commerce eurasiatique de la fin du xviie siècle : l’acheteur est avant tout un marchand arménien de Perse empruntant les routes caravanières depuis Ispahan.
22Dans la filière du corail, Smyrne est plus un lieu de rupture de charge et d’échanges entre marchands qu’un lieu de consommation. Le port anatolien est en effet le lieu de rencontre entre les marchands marseillais et les négociants susceptibles d’emporter les coraux ouvrés par voie caravanière vers leurs destinations finales34. Pour les trois ventes qu’il doit gérer pour le compte de François Garnier, François Tiran montre une véritable obsession pour les allers et venues des caravanes de Perse35. Les Arméniens y sont omniprésents. Ainsi, sur les 20 caravanes venant de Perse vers Smyrne entre août 1674 et novembre 1676, le caravan-bachi, c’est-à-dire le marchand élu par ses pairs pour commander le convoi, est six fois un Arménien36. Le Capucin Raphaël du Mans souligne dans les années 1660 le rôle des marchands de cette communauté dans le commerce entre les Échelles du Levant et la Perse et note que le corail est un des rares articles européens qui leur rapporte « un grandissime profit37 ». Les négociants de cette nation, dont le réseau le plus efficace est celui organisé à partir de la Nouvelle-Djoulfa (Ispahan) depuis le début du xviie siècle38, ne se contentent pas d’alimenter le commerce entre Smyrne et Ispahan. Une fois arrivé dans la capitale de l’Empire safavide, le corail poursuit sa route dans deux directions. Soit il gagne Bandar Abbas, parfois dans des proportions considérables39, et trouve ses débouchés dans l’océan Indien, notamment à partir du port gujarati de Surate. Soit il prend la route de Kandahar pour finir au Népal, au Bhoutan et surtout au Tibet. Au moins jusqu’en 1720, les Arméniens restent les maîtres incontestés du commerce du corail vers Lhassa, marchandise qu’ils échangent le plus souvent contre du musc40.
23L’importance de cet article de commerce pour les Arméniens dans le cadre des échanges avec les Européens et avec les autres Asiatiques est bien entendu liée à la valeur intrinsèque, culturelle et marchande du corail, produit rare aux débouchés lucratifs. Le corail est également un objet de troc, celui que les Arméniens proposent quand ils s’approvisionnent en produits auprès d’autres marchands orientaux et acceptent quand ils vendent leurs marchandises aux Européens.
Une concurrence entre Marseillais et Arméniens
24Pour écouler les marchandises de François Garnier sur la place de Smyrne, François Tiran doit rivaliser avec d’autres commissionnaires agissant pour le compte d’autres marchands de corail marseillais qui, tous sans exception, cherchent à vendre dans la principale échelle du Levant. Ainsi, autour de 1680, les frères Sallade travaillent avec François Rémuzat et Jacques Seguin, tandis que François Meistre est relayé par Luc Martin et Pierre Chaulier41. La concurrence n’est pas uniquement interne à la profession. Le corail est perçu comme une opportunité pour tous les négociants marseillais engagés dans le commerce levantin et qui n’hésitent pas à placer de fortes sommes quand les produits sont prometteurs. Ainsi, en avril 1680, François Tiran mentionne à François Garnier les inquiétudes liées à ces pratiques marchandes : « Un certain Chaine […] a apporté pour 1 200 piastres des corails qu’est obligé de laisser en les mains de messieurs Chaulier et Martin […] on nous asseurés qu’ils sont très beaux […] Nous sommes desplaizants qu’une partie sy considérable soit icy42 ».
25La concurrence marseillaise concerne également les Arméniens qui se sont installés en force en Provence à partir de 166943. Essentiellement originaires de la Nouvelle-Djoulfa, ces négociants connaissent l’intérêt du produit et se mobilisent pour emporter des parts du marché smyrniote. C’est le cas de Baba de Serquis, qui envoie en 1680 son représentant Marcara de Coripjean de Marseille à Smyrne avec « 26 livres de corail travaillé en grains de Gênes […] deux masses corail qui pèsent 68 dragmes […] 8 filières de corail grand et petit pesant 67 dragmes […] et une filière de corail garnie avec d’argent44 ». C’est également le cas de Melchion de Nazar, consul de la nation arménienne de Marseille, qui expédie régulièrement des cargaisons de corail à ses commissionnaires marseillais, Charles Guion au début des années 1670 puis François Grimaud par la suite. Le commerce du corail scelle des partenariats interculturels dont la fiabilité est garantie par les juridictions commerciales phocéennes comme le tribunal de commerce de Marseille et l’amirauté de Provence et des mers du Levant.
Tableau 2 : quelques affaires de corail de Charles Guion et de François Grimaud à Smyrne pour le compte du marchand arménien de Marseille Melchion de Nazar (1670-1678)45
Marchandise | Commissionnaire | Date de réception | Date de vente/ troc sur place |
5 600 drachmes corail ouvré (soit 17,66 kg) | Charles Guion | Automne 1670 | Printemps 1671 |
69 chequis corail ouvré (soit 26,12 kg) | Charles Guion | Automne 1672 | Été 1673 |
43,5 chequis corail ouvré (soit 16,47 kg) | Charles Guion | Automne 1672 | Été 1673 |
1 caisse corail ouvré de poids inconnu | François Grimaud | ? | Début 1678 |
26Cette concurrence arménienne ne se limite pas à Marseille et possède son pendant en Italie, dans les principales villes liées au corail, comme Trapani, Naples, Gênes et Livourne. Les quantités de corail envoyées vers Smyrne depuis ces ports semblent importantes. Ainsi, par exemple, durant l’été 1672, le vaisseau Notre Dame de Montanègre quitte Livourne pour la côte anatolienne avec les marchandises en corail du marchand arménien originaire de la Nouvelle-Djoulfa Boghos de Jacob, à savoir 15 paquets de grains ronds pesant 86 livres 8 onces, et celles de Jegh Nazar de Fodan, son confrère, consistant en deux caisses remplies de morceaux bruts et pesant au total 7 quintaux et 47 livres46. En septembre 1676, une grande partie des 3 000 livres poids d’un corail de très belle couleur extrait d’un gisement récemment découvert dans les mers de Livourne est achetée par des marchands arméniens locaux, qui l’expédient vers la Perse47. Si les Juifs séfarades tendent à s’accaparer le commerce du corail vers l’Asie par Londres et la voie océanique à la fin du xviie siècle48, les Arméniens s’affirment en Méditerranée orientale comme les grands pourvoyeurs des caravanes intra-asiatiques.
27François Tiran doit donc agir sur un marché rendu difficile par une clientèle irrégulière et une concurrence omniprésente. Suspendu au rythme des caravanes, mal informé sur les caractéristiques globales de l’offre et de la demande, le commissionnaire marseillais doit son succès à sa capacité à trouver les acheteurs susceptibles de troquer les marchandises orientales qu’il recherche contre des coraux à la qualité variable.
Transactions et profits
28Trouver l’acheteur, le bon prix, la bonne marchandise à prendre en retour, se démarquer de la concurrence : vendre à Smyrne est une affaire de patience et les produits mettent plusieurs mois pour s’écouler. Tout se joue autour des caractéristiques de « la troque » qui déterminent une partie du profit retiré par le marchand de corail. Le commissionnaire et son client affichent souvent des désaccords sur les transactions. François Tiran semble animé par la volonté de vendre avec des exigences mesurées, afin de prendre sa commission dans des délais raccourcis, tandis que François Garnier est prêt à patienter pour obtenir les meilleures conditions de gains ultérieurs.
« La troque »
29S’il provoque la « répugnance » des milieux marchands du siècle des Lumières49, le troc forme la base des transactions entre Marseillais et Orientaux sur la place de Smyrne au xviie siècle. Le corail étant un des produits les plus prisés par les Asiatiques quand il est de belle couleur et de qualité, il s’échange contre les produits les plus recherchés par les Européens dans les Échelles du Levant. Ces marchandises se classent selon un ordre préférentiel bien déterminé. C’est la soie de Perse qui tient le haut du pavé. En son absence ou quand le corail n’est pas de qualité suffisante, le commissionnaire doit abaisser ses prétentions. Il vise alors des indiennes, celles de Perse, « la marchandise la plus liquide après la soye50 », et celles produites à Séronge (les serongis) et exportées vers les Échelles du Levant par Surate et Bandar Abbas, ou encore des mousselines blanches des Indes (caïmacanis et autres cambrésines du Bengale). Enfin, au bas de l’échelle, se trouvent des marchandises comme les laines de chevron, un pis-aller en cas de situation difficile. En de rares occasions, d’autres cas peuvent se présenter. Ainsi, François Tiran est un moment en pourparlers pour un troc avec du lapis-lazuli51. Ce type d’affaire n’est jamais prévu au départ par le marchand et son commissionnaire.
30La réussite du troc dépend de plusieurs paramètres. Elle est tout d’abord conditionnée par la présence des marchandises orientales sur la place de Smyrne. Ainsi, si François Tiran ne parvient à troquer aucun de ses coraux contre de la soie, c’est parce que le produit ne s’y trouve pas, à son grand désespoir52. Le succès de la transaction est aussi lié au type et à la qualité du corail proposé par le vendeur. François Tiran se plaint à plusieurs reprises des envois de son correspondant, notamment de « quatre paquets corails à olivettes, la fasson desquels n’est pas en grande estime » et dont « les escarts desquels se treuvent fort chargés de scire, ce qui les fait rebuter53 ». Sous la plume du commissionnaire, il est parfois difficile de différencier les véritables plaintes d’excuses destinées à masquer les erreurs ou les libertés prises par rapport aux ordres du client. Il n’en est pas moins vrai que le corail en grains ronds de belle couleur et de belle qualité reste la marchandise qui s’écoule le mieux à Smyrne vers 1680. Enfin, le bon troc dépend de la part de numéraire affecté à l’opération.
31Le troc dépourvu de tout volet monétaire semble extrêmement rare à Smyrne. On sait l’importance de l’argent pour les sociétés asiatiques de l’époque moderne54. Les Européens doivent donc le plus souvent inclure dans la transaction une quantité de pièces d’argent. C’est ainsi que François Garnier envoie 200 piastres à François Tiran durant l’été 1679 pour que ce dernier puisse prendre les indiennes à fond blanc d’un Arménien dans le cadre d’une affaire à moitié troc contre du corail et à moitié contre de l’argent. Sans piastres livrées par son client, le commissionnaire doit parfois se résoudre à contracter un prêt à hypothèque auprès d’un confrère pour écouler la marchandise55. C’est ce que fait François Tiran au printemps 1681 en empruntant 200 piastres à Antoine Simon, marchand de Marseille et agent à Smyrne des chevaliers de l’ordre de Malte, avec un taux d’intérêt à 15 %56. La pratique n’est pas du goût des marchands, car elle rogne bien évidemment une part des futurs bénéfices.
32C’est d’ailleurs cet emprunt décidé par François Tiran sans l’accord de François Garnier qui scelle la brouille définitive entre les deux hommes en 168157. Cette opération révèle les écueils au bon fonctionnement du couple client/commissionnaire, et notamment la difficulté de faire circuler avec suffisamment de rapidité les informations et consignes entre le marchand donneur d’ordre et son représentant à Smyrne58.
Des gains à double détente et à construire dans la durée
33Quels sont les profits générés par le commerce du corail à Smyrne ? Quelques données trouvées dans les archives et fournies par la bibliographie nous en donnent une idée. Si nous n’avons pas de détails sur les achats de corail en grains ou en olivettes de François Garnier, nous en connaissons néanmoins le prix courant sur les principaux lieux de travail de la matière première dans le bassin occidental de la Méditerranée. Comme le montre le tableau suivant, le corail ouvré se négocie selon les types et les qualités à Marseille, Cassis, Gênes et Livourne dans une fourchette de prix allant de 16 à 20 livres tournois la livre poids de Marseille.
Tableau 3 : valeur du corail en grains ou olivettes en Provence, Toscane et Ligurie (1672-1680)59
Type | Lieu | Date | Vendeurs/acheteurs | Prix (sans précision = livre tournois) |
Olivettes | Marseille | 1672 | Les frères Sallade à G. Truilhard | 20 livres la livre poids de Marseille |
? | Marseille | 1673 | P. Géraud à G. Truilhard | 17 livres la livre poids de Marseille |
Grains | Gênes | 1674 | Censal de Gênes au Marseillais L. Truilhard | 20 livres 10 sous la livre poids de Marseille |
? | Livourne | 1675 | Esclaves musulmans au marchand juif Villareal | 5 à 5,5 piastres la livre poids de Livourne soit 17 à 19 livres la livre poids de Marseille |
Olivettes | Cassis | 1680 | H. Garnier à G. Brémond et É. Maunier | 16 livres la livre poids de Marseille |
34À Smyrne, François Tiran cède les produits de François Garnier sur la base d’un éventail de prix compris entre 10 et 25 piastres la livre de 100 drachmes locaux, soit environ 36 à 90 livres tournois la livre poids de Marseille. Les écarts de prix se justifient par la qualité du corail et le type de transaction. Ainsi, les olivettes, peu en demande à Smyrne autour de 1680, offertes à la clientèle en troc pur, dévalorisent le corail. Les grains ronds de qualité, cédés dans un échange de marchandises combiné avec des espèces métalliques, donnent de biens meilleurs résultats. Le corail peut-il donc rapporter jusqu’à trois à quatre fois son prix de départ ? Les coûts d’expédition, la fiscalité smyrniote, la commission de François Tiran et le prix plus élevé des marchandises prises en retour dans le système du troc devaient rogner une partie du gain. Mais avec une telle marge de départ, nul doute que celui-ci restait important dans le cadre d’une opération durant entre six mois et un an. De plus, l’affaire était loin d’être finie.
35La vente du corail permettait en effet à François Garnier d’acheter des marchandises asiatiques revendues par la suite à Marseille, en Europe ou ailleurs. Une fois à Marseille, la soie persane pouvait gagner Lyon où elle était cédée aux manufacturiers locaux. Les indiennes de Séronge avaient quant à elles la possibilité de prendre la direction de la foire de Beaucaire, comme le suggère d’ailleurs François Tiran à François Garnier en août 168060. Les indiennes de Perse étaient susceptibles de trouver des destinations plus lointaines. Un exemple nous permet de connaître les profits retirés par François Garnier avec le débit de ce dernier article. En 1684, après une vente de coraux au Levant, le marchand marseillais utilise les indiennes de Perse que son commissionnaire a reçues en échange dans le cadre d’un prêt à la grosse aventure pour les Amériques. Les conditions de cette obligation maritime nous sont connues61. Le débiteur, André Audibert, un marchand de La Seyne, s’engage à placer les marchandises sur le vaisseau Saint-Joseph et à les vendre à Cayenne ou sur les îles de Saint-Domingue et de la Tortue. Il promet de rendre au retour la valeur des indiennes augmentée d’un intérêt de 30 %. Dans ce cas du prêt à la grosse en marchandises pour les Amériques, les délais pour récupérer les bénéfices étaient d’un an au mieux pour un voyage en droiture. La patience était donc une vertu nécessaire et une lecture de l’activité s’impose. Si François Garnier ne peut négocier directement avec l’Asie lointaine, la raison est plus à rechercher dans son incapacité à intégrer les réseaux océaniques permettant ce type de commerce que dans une impossibilité de supporter l’immobilisation de capitaux dans la durée.
36Bien que simple maillon de circulations plus amples, bien que limité par le rayon d’action de l’entreprise maritime et commerciale marseillaise, bien que faisant preuve de rares mobilités, François Garnier fonde son activé de marchand de corail avec le monde pour horizon et respiration, entre le bassin occidental de la Méditerranée, l’Asie proche ou lointaine, l’intérieur de l’Europe et les Amériques. L’analyse des affaires de ce négociant n’a pas pour ambition de souligner ou d’expliquer les ressorts de la résistance de l’espace méditerranéen face à la concurrence transatlantique. François Garnier exporte d’ailleurs également des coraux vers Lisbonne et Cadix, qui gagnent par la suite Goa et Vera Cruz. Par ses affaires, ce marchand marseillais témoigne plutôt de l’ouverture de Marseille et de la Méditerranée sur le monde au xviie siècle. Par l’étude de ces quelques ventes de corail à Smyrne, cette contribution souligne également la grande variété des maillons et des moyens de la circulation des marchandises à l’œuvre au cours de la mondialisation de l’époque moderne et met en évidence l’impact de la particularité des produits sur les stratégies des hommes qui en font le commerce et sur la construction des chaînes qui permettent de les faire voyager.
Annexe
Annexe 1 : Poids et monnaies
La livre poids de Livourne vaut 339,55 grammes
La livre poids de Marseille vaut 13 onces et 388,51 grammes
La serre indienne vaut 419,57 grammes
Le chequis de 120 drachmes de Smyrne vaut 378,56 grammes
La piastre vaut environ 3 livres tournois
La roupie indienne vaut 45 pessas et 2 roupies 6 pessas valent une piastre
Sources : Horace Doursther, Dictionnaire universel des poids et mesures anciens et modernes, Bruxelles, 1840 et Jean-François Saigey, Traité de métrologie ancienne et moderne, Paris, 1834.
Annexe 2 : Lettre de François Tiran à François Garnier du 10 novembre 1679

Source : AD BdR, 9 B 175, Correspondance active de François Tiran à Smyrne.
Annexe 3 : Les principales étapes de la caravane intra-asiatique depuis et vers Smyrne à la fin du xviie siècle

Source : carte extraite d’André Daulier-Deslandes, Les Beautez de la Perse, Paris, 1673.
Notes de bas de page
1 Gedalia Yogev, Diamonds and Coral : Anglo Dutch Jews and Eighteenth-Century Trade, Leicester, Leicester University Press, 1978 et Francesca Trivellato, The Familiarity of Strangers. The Sephardic Diaspora, Livorno and Cross-Cultural Trade in the Early Modern Period, New Haven, Yale University Press, 2009.
2 Jean-Paul Morel, Cecilia Rondi-Costanzo, Daniela Ugolini (eds.), Corallo di ieri, corallo di oggi, Bari, Edipuglia, 2000.
3 Michel Vergé-Franceschi, Antoine-Marie Graziani, dir., Le Corail en Méditerranée, Ajaccio, Piazzola, 2004.
4 William Foster, The English Factories in India, 1637-1641, Oxford, Oxford University Press, 1912, p. 208.
5 Archives départementales des Bouches-du-Rhône (désormais AD BdR), 372 E 84, fol. 206, acte notarié du 14 fév. 1682 (achat du marchand marseillais Jérôme Eydin) et 356 E 449, fol. 522, acte notarié du 19 mars 1673 (achat de la Compagnie du Bastion de France). Les valeurs des poids et mesures sont présentées en annexe 1.
6 Archives nationales d’outre-mer (désormais ANOM), C 2 64, lettre de Martin à Surate du 25 juillet 1696. 11 roupies 12 pessas la serre indienne.
7 Edoardo Grendi, I Cervo e la Republica. Il modello ligure di antico regime, Torino, 1993, p. 151.
8 W. Noel Sainsbury, Calendar of State Papers, Colonial Series : East India, China and Japan, vol. 4 : 1622-1624, London, 1878, p. 471.
9 « État general de toutes les marchandises dont on fait commerce à Marseille […] en la presente annee 1688, & en quels lieux il s’en fait la consommation par le sieur Gaspar Carfueil, négociant de la ville de Marseille », dans Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire universel de commerce, Paris, t. III, 1730, p. 326-471.
10 Paul Masson, Histoire des établissements et du commerce français dans l’Afrique barbaresque (1560-1793), Paris, 1903, p. 147.
11 Gilbert Buti, « La flotte de commerce et de pêche de la France méridionale à la fin du xviie siècle », dans Antoine Reffuveille, dir., Tourville et les marines de son temps, Saint-Lô, Archives départementales de la Manche, 2003, p. 49-90.
12 Gilbert Buti, « Métamorphose commerciale et frémissement manufacturier (vers 1650-1720) », dans Xavier Daumalin, Nicole Girard, Olivier Raveux, dir., Du savon à la puce. L’industrie marseillaise du xviie siècle à nos jours, Marseille, J. Laffitte, 2003, p. 19-50.
13 Joseph Pitton de Tournefort, Relation d’un voyage du Levant, Paris, 1717, I, p. 15.
14 Edhem Eldem, Daniel Goffman, Bruce Masters The Ottoman City between East and West : Aleppo, Izmir, and Istanbul, New York, Cambridge University Press, 1999.
15 Paul Masson, Histoire du commerce français dans le Levant au xviie siècle, Paris, Hachette, 1906, tab. 15 (calculs avec les données des années 1671-1680).
16 Archives Nationales, CARAN, B III 205, mémoire donné par les échevins et députés du commerce de Marseille, 1682.
17 Sur Smyrne, cf. Le voyage à Smyrne. Un manuscrit d’Antoine Galland (1678), Paris, Chandeigne, 2000 et Bibliothèque Nationale de France (désormais BnF, ms. fr. 7174, « Mémoire de Monsieur d’Ortières », 1686, fol. 158-180).
18 AD BdR, Registres paroissiaux de Marseille, Saint-Martin, mariage Garnier-Marrot, 6 sept. 1653.
19 AD BdR, 357 E 144, fol. 987 v°, contrat de mariage du 7 sept. 1653.
20 AD BdR, 372 E 69, fol. 2.232, contrat de mariage du 12 déc. 1666.
21 Joan Costa, originaire de Cap de Creus sur la Costa Brava (AD BdR, 359 E 120, fol. 401, contrat d’apprentissage du 27 mai 1672).
22 Le Chevalier d’Arvieux signale ces achats des Marseillais à Gênes en 1676 (BNF, ms. fr. 7.164, « Mémoire contenant l’état présent du commerce des nations française, anglaise, vénitienne, et hollandaise, dans la ville d’Alep »).
23 Sa mère, Françoise Ailhaud, est la sœur de la seconde belle-mère de François Garnier.
24 AD BdR, 2 B 804, inventaire après-décès de Guillaume Tiran, 13 janv. 1671.
25 Chambre de commerce et d’industrie de Dunkerque, B 19, « Rolle général des bastiments de mer […] », vers 1687 (je remercie Gilbert Buti de m’avoir communiqué ce document).
26 AD BdR, registre paroissial de Notre-Dame des Accoules, mariage du 3 août 1669.
27 Prêt de 174 livres en 1667 pour le voyage de L’Espérance et de 177 livres pour le voyage du Saint-Cyprien en 1668 (AD BdR, 359 E 115 et 117, actes des 11 nov. 1667 et du 2 janv. 1669, fol. 903 v° et fol. 2).
28 AD BdR, 2 B 804, inventaire après-décès de Guillaume Tiran. Dans ses biens, se trouvent 5,5 livres de corail en filières et en chapelets enveloppées dans du papier.
29 Le registre de correspondance active de Smyrne a été conservé dans le cadre d’un procès opposant François Tiran à sa mère. Une de ces lettres est reproduite en annexe 2.
30 AD BdR, 9 B 175, registre de correspondance de la maison de commerce Tiran & Rampal (désormais non cité), lettres de François Tiran à François Garnier des 22 janv., 21 juillet et 10 nov. 1679.
31 Lettre de Tiran à Garnier du 21 janv. 1679.
32 Lettre de Tiran à Garnier du 29 avril 1679.
33 Lettres de Tiran à Garnier des 29 avril, 12 juin et 21 juillet 1679.
34 Cf. en annexe 3, la carte des caravanes entre le Levant et l’Asie intérieure.
35 Lettres de Tiran à Garnier des 22 janv. 1679, 13 avril 1680 et 23 août 1680.
36 Archives du Ministère des Affaires Étrangères, correspondance politique, Turquie, vol. XI, fol. 197 et suivants, « Caravanes venues de Perse » (rapport écrit vers 1676).
37 Avec l’ambre, les miroirs et les verres colorés. BnF, ms. fr. 5.632 : « Estat de la Perse » (1660), fol. 62 v°.
38 Sebouh D. Aslanian, From the Indian Ocean to the Mediterranean : Circulation and the Global Trade Networks of American Merchants from New Julfa, Isfahan, 1605-1747, Berkeley, The University of California Press, 2011.
39 En 1695-1696, les Arméniens détiennent pour 100 000 écus de corail dans le port de Bandar Abbas, ANOM, C 2 64, lettre de Martin à Surate du 25 juillet 1696.
40 Luce Boulnois, « Musc, or et laine : le commerce à Lhasa au xviie siècle », dans Françoise Pommaret, dir., Lhasa, lieu du divin. La capitale des Dalaï lama au xviie siècle, Paris, Oziane, 1998, p. 180-188.
41 AD BdR, 9 B 117, Amirauté de Provence et des mers du Levant, audience du 14 juin 1680 et 364 E 286, fol. 170 v°, acte du 28 mars 1681.
42 Lettre de Tiran à Garnier du 3 avril 1679.
43 Olivier Raveux, « Entre réseau communautaire intercontinental et intégration locale : la colonie marseillaise des marchands arméniens de la Nouvelle-Djoulfa (Ispahan), 1669-1695 », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 59-1, janvier-mars 2012, p. 81-100.
44 AD BdR, 13 B 43, tribunal de commerce du Marseille, affaire Paul de Serquis contre Marcara de Coripjean, rapport du 9 avril 1682.
45 AD BdR, 9 B 155, sentence de l’Amirauté de Marseille du 26 sept. 1679 ; 362 E 124, notaire Louis Bezaudin, fol. 985 et 13 B 50, sentences du tribunal de commerce de Marseille, 17 oct. 1674, affaire Melchion de Nazar contre Charles Guion.
46 AD BdR, 356 E 449, fo. 715 vo, acte du 17 juillet 1673.
47 « Estratto di una lettera del M. Rever. Padre F. Enrico de Noris (...) in cui gli dà ragguaglio della nuova pesca di corallo ritruovata nelle continenze del porto di Livorno », dans Il giornale de letterati per tutto l’anno 1676, Roma, 1676, p. 49-51.
48 Gedalia Yogev, Diamonds and Coral…, op. cit. et Walter J. Fischel, « The Jewish Merchant-Colony in Madras (Fort St George) during the 17th and 18th Centuries : A Contribution to the Economic and Social History of the Jews in India », Journal of Economic and Social History of Orient, vol. 3/1-2, 1960, p. 78-107, 175-195.
49 Le terme est employé dans la correspondance entre la maison Roux et Garavaque, son représentant à Smyrne, en 1764 (Archives de la Chambre de commerce et d’industrie de Marseille, L IX/739, lettre du 11 sept. 1764. Je remercie Sébastien Lupo de m’avoir communiqué cette source).
50 Lettre de Tiran à J. Fresquière du 5 août 1679.
51 Lettre de Tiran à Garnier, du 3 avril 1680.
52 Lettres de Tiran à Garnier des 5 août 1679, 20 février et 13 avril 1680.
53 Lettres de Tiran à Garnier des 29 avril et 12 juin 1679.
54 Carlos Marichal, « La piastre ou real de huit en Espagne et en Amérique : une monnaie universelle (xvie-xviiie siècles) », Revue Européenne des Sciences Sociales, XLV, 2007, p. 107-121.
55 Les marchandises sont hypothéquées et le paiement du principal et des intérêts se fait après le voyage retour.
56 Lettre de Tiran à Garnier du 8 juin 1681.
57 Lettre de Tiran à Garnier du 10 déc. 1681. François Garnier estime que les intérêts à payer sont trop élevés pour une marchandise qui n’est pas de premier choix et qui sera difficile à écouler au retour.
58 Il faut au mieux deux à trois mois pour une correspondance aller-retour entre Marseille et Smyrne.
59 AD BdR, 406 E 89, acte du 12 mars 1680, fol. 113 v° ; 39 E 53, Grand livre du marchand marseillais Truilhard (1672-1674) ; Guillaume Calafat, Cesare Santus, « Les avatars du “Turc”. Esclaves et commerçants musulmans en Toscane (1600-1750) », dans Jocelyne Dakhlia, Bernard Vincent (éd.), Les Musulmans dans l’histoire de l’Europe, tome 1. Une intégration invisible, Paris, Albin Michel, 2011, p. 471-522.
60 Lettre de Tiran à Garnier du 23 août 1680.
61 AD BdR, 359 E 126, fol. 622, acte du 27 mars 1684.
Auteur
Aix-Marseille Université, CNRS, UMR 7303 Telemme
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