Le rivage incertain
Une pêcherie catalane à l’époque moderne. Les fontaines de Salses (xviie-xviiie siècles)
p. 273-293
Texte intégral
1Exploitées depuis l’Antiquité1 et jusqu’au milieu du xxe siècle pour leurs ressources halieutiques, les fontaines de Salses participent à l’époque moderne d’une économie des pêches développée sur l’ensemble des rives nord-occidentales du bassin méditerranéen. Évoquées dans une étude récente consacrée aux activités de la famille Bardou, une dynastie d’entrepreneurs perpignanais du xixe siècle2, elles demeurent mal connues pour l’ensemble des périodes qui précèdent la Révolution française. L’écriture d’une histoire des pêcheries de Salses présente il est vrai des difficultés importantes. Elle nécessite la synthèse de sources variées (actes notariés, contrats de fermages, délibérations municipales, livres de comptes) pour une période pluriséculaire. Elle oblige l’historien à maîtriser la lecture de sources rédigées dans des langues différentes, catalan, français, castillan, véhiculant des unités monétaires variées (livres catalanes, pistoles et livres tournois), rendant indispensable un travail de conversion toujours délicat, qui a été facilité ici par l’utilisation d’une base de données relationnelle conçue par Éric Carroll, Ingénieur de recherche à l’UMR 7303 Telemme3. Elle impose enfin une reconstitution de la longue généalogie des propriétaires ou bénéficiaires de la seigneurie de Canet, durant l’époque troublée qui accompagne la guerre de Trente Ans, puis le régime des confiscations de biens en Catalogne.
2L’analyse des techniques utilisées dans ces pêcheries, de la diversité des acteurs qui les mettent en œuvre et du rôle qu’elles occupent dans l’approvisionnement des réseaux locaux de distribution du poisson présente pourtant un intérêt évident pour l’histoire des économies littorales. Elle doit contribuer à éclairer nos connaissances des activités halieutiques modernes sur les côtes roussillonnaises et languedociennes, encore très lacunaires malgré de récents apports4, en offrant ici un exemple particulier, celui de l’exploitation d’espèces amphihalines5, dans un cours d’eau intérieur relié à un milieu lagunaire. Un triple questionnement structure la réflexion qui va suivre. Comment, dans un contexte de monopole seigneurial, les fontaines de Salses ont-elles pu initier dès le xviie siècle des pratiques régulières d’investissements, rappelant celles observées à propos d’autres pêcheries jouissant d’un statut similaire bien qu’installées en pleine mer, les madragues6 ? En quoi ces espaces particuliers, entre Corbières et lido catalan, sont-ils l’illustration de la porosité d’une culture maritime, gagnant de proche en proche l’ensemble des populations locales ? Comment enfin, dans le contexte d’émergence des politiques hygiénistes du xviiie siècle, la perpétuation de la pêche au poison dans les fontaines de Salses marque-t-elle l’inscription de celles-ci dans un régime juridique particulier, celui de la propriété seigneuriale ?

Fig. 1 : Étang de Leucate, carte de Cassini, xviiie siècle

Fig. 2 : Résurgence de Font Estramer, cliché de l’auteur.
Les fontaines de Salses. Une entreprise halieutique de droit seigneurial
Un système hydraulique complexe
3Ignorées de la plupart des automobilistes qui empruntent aujourd’hui l’autoroute reliant Narbonne à Perpignan et au Perthus, dont le tracé ne domine pourtant les sources des fontaines que de quelques mètres, Font Estramer et Font Dame se présentent à l’observateur comme deux modestes cours d’eau, d’ailleurs assimilés à de simples ruisseaux dans les textes de l’époque moderne. D’un débit relativement constant avoisinant 5 m3 s, ces deux petites rivières constituent le principal apport en eau continentale de la grande lagune de Salses-Leucate, qui du cap Leucate au nord, à la plaine de la Salanque au sud, dessine une partie de la plaine alluviale du Roussillon (fig. 1).
4Alimentées par des eaux légèrement salées dont les températures oscillent entre 17 et 19 °C, les fontaines sont des résurgences karstiques nourries par les eaux d’infiltration du massif des Corbières. La plus orientale des deux, Font Estramer, Estramar ou Extramer, surgit à la surface de la terre sous les traits d’une résurgence de type vauclusien, large vasque de 25 mètres de diamètre (fig. 2) dont les profondeurs demeurent encore aujourd’hui pour partie inexplorées.
5Débordant de ce que les textes anciens désignent en catalan sous le nom de gorch, ou en français par « gour » ou « gouffre », les eaux de la Font Estramer s’écoulent alors en direction de l’étang de Salses-Leucate par plusieurs canaux d’environ 500 mètres de longueur, en traversant la sagne d’Opoul avant d’effectuer leur jonction à proximité de leur embouchure7. À quelques centaines de mètres de là, plus au sud, la résurgence de Font Dame alimente un ruisseau dont le cours n’excède pas 1 000 mètres8. Son organisation, moins lisible que celle de Font Estramer, est caractérisée par l’existence de 4 griffons principaux, d’une observation difficile et notoirement dangereuse, la partie amont du cours de cette dernière fontaine, dite « La Couverte », circulant de manière souterraine, sous une épaisseur importante de débris de roseaux constituant un sol instable troué d’ouvertures invisibles.
Des privilèges anciens, monnaie d’échange politique au xviie siècle
6Propriétés de la couronne d’Aragon au début du xve siècle, l’étang de Leucate et le ruisseau de Font Dame passent dans le domaine privé le 24 mai 1430, lorsqu’ils sont cédés par Alphonse V d’Aragon au chevalier Jean de Pau, viguier de Roussillon, pour une somme de 5 000 florins9. Intégrée à la vicomté de Canet par le jeu des successions nobiliaires, Font Dame appartient au milieu du xvie siècle à la famille noble espagnole des Castro-Piños. Une de ses représentantes, Pétronille de Piños, agissant en tant que tutrice de son fils Michel Galcerand de Piños, comte de Vallfogona, y ajoute le 16 juin 1600 les « gorchs y corrents del molí Estramer », propriété de la communauté de Salses, avec « tot le dret de pescar que dite universitat te en aquels10 », le gouffre et le ruisseau étant cédé pour la somme de 2 400 livres « moneda de Rossello ». Désormais réunis entre les mêmes mains, les deux fontaines passent enfin au début du xviie siècle à la famille de la grande noblesse espagnole des Híjar, par l’union de Francisca de Castro-Piños y Fenollet y Zurite († 1663), vicomtesse de Canet, avec Juan Francisco Cristobal Fernandez de Híjar y Fernandez de Heredia (1552-†1614)11. Les troubles militaires qui s’emparent de la région après l’entrée du royaume de France dans la guerre de Trente Ans, en obligeant Francesca de Castro-Piños à se réfugier en Espagne dès 1641, ouvrent pour les fontaines de Salses une série confuse de séquestres et de confiscations. S’il n’entre pas dans l’objectif de cette étude de retracer précisément les épisodes complexes qui caractérisent après cette date les changements de main sur la vicomté de Canet, il convient d’en rappeler les traits essentiels. Saisis par l’autorité royale, les biens confisqués ou mis sous séquestre récompensent les principaux acteurs du parti français, mais aussi les membres de la cour. L’examen des arrentements des fontaines permet d’évoquer brièvement les figures principales de ces largesses royales. À n’en point douter, le juriste Joseph Fontanella, à qui Louis XIV octroie en 1649 la vicomté de Canet, appartient à la première des catégories présentées. Comptant parmi les soutiens les plus influents de la politique française, le nouveau maître des fontaines bénéficie au milieu du xviie siècle d’une position de force dans la province. Il occupe à cette date les fonctions de régent de la chancellerie de Catalogne, Roussillon et Cerdagne, de président de la Royale audience, puis à partir de 1660, de Président à mortier du nouveau Conseil souverain12. Joseph d’Ortaffa y Gualva, qui remplace Fontanella cette même année, en endossant le titre de séquestre royal des rentes de la vicomté de Canet, trouve ici comme son prédécesseur la récompense de son hostilité aux Habsbourg, à l’instar de l’abbé Gaspard Sala, nommé par le roi de France à l’abbaye de San Cugat (diocèse de Barcelone), qui pour dédommagement de son bénéfice perdu, obtient les revenus de la seigneurie roussillonnaise en 166313. Le colonel du régiment de Roussillon Joseph de Caramany, puis Joseph de Pons, seigneur de la seigneurie de Monclar, successivement à la tête de la vicomté de Canet en 1668 et 1676 présentent au final un profil similaire, celui d’appartenir au cercle des serviteurs de la couronne14. C’est pourtant une représentante issue d’un autre cercle du pouvoir, celui de la noblesse de cour, qui va jouir le plus longtemps du produit de l’arrentement des fontaines de Salses durant la période des confiscations. Après avoir été brièvement rétrocédées en 1681 à leur légitime propriétaire, le duc Jaime Francisco de Híjar (1642-†1700), ces dernières tombent en effet dans l’escarcelle du duc de Sforza, en représailles de la saisie par les Espagnols du Marquisat de Varci dans le Milanais15. La mort en 1685 du duc de Sforza laisse sa seconde épouse Louise-Adélaïde de Thianges, dame d’honneur de la duchesse d’Orléans, seule bénéficiaire de la vicomté de Canet jusqu’à sa mort en 1732, avant que par un arrêt du conseil d’État enregistré par le conseil souverain de Roussillon, cette propriété ne soit rétrocédée à la famille Hijar, fermant définitivement la longue parenthèse des confiscations du xviie siècle. Plus que cette énumération, qui ne vaut que pour souligner l’extrême complexité juridique qui prévaut à la destinée des pêcheries étudiées, l’examen de la valeur réelle des fontaines au sein de la seigneurie de Canet, comme celle de l’évolution des montants de leurs arrentements, permettent ici de mieux comprendre l’intérêt scrupuleux qu’ont pu manifester à leur endroit les différents personnages qui se sont succédés à la tête de la vicomté.
Poids et évolution de la rente halieutique dans la seigneurie de Canet
7Rapportant 4 530 livres tournois de rente au duc d’Hijar en 168116, la seigneurie de Canet apparaît comme un fief de modeste importance, dont les terres utiles sont pour partie couvertes par des pâtures, ou occupées par l’importante emprise des étangs17. Le produit de l’exploitation halieutique, matérialisé par la mise en valeur des fontaines d’une part, et par les dîmes sur les poissons de mer et d’étang d’autre part, en dégageant une rente de plus de 1 540 livres durant cette même année, confère à la vicomté un caractère spécifique, marqué par l’importance des activités de pêche. Un rapport presque identique entre les produits de la pêche et ceux de l’agriculture caractérise les comptes de la seigneurie plus d’un demi-siècle plus tard, laissant entrevoir cependant une baisse généralisée de la rente de ce fief roussillonnais, puisque entre 1738 et 1742, les fermes et dîmes du poisson n’assurent plus au duc d’Híjar qu’un revenu de 1 000 livres, sur les 3 807 produites annuellement par la vicomté (fig. 3)18.
Arrentements | Montants (livres-tournois) |
Cens, impôts en nature (grains, viande) | 1710 |
Four à pain de Canet | 350 |
Four à pain de Sainte-Marie-la-Mer | 112 |
Herbages de Torreilles | 150 |
Herbages de Las Conilleras | 250 |
Réversion par les moniales du couvent de Salvador d’une partie de la dîme perçue à Torreilles | 70 |
Dîme du poisson de mer, étang et eaux douces de Canet | 115 |
Dîme du poisson de mer de Torreilles | 50 |
Pêche des fontaines de Salses | 1000 |
Total annuel des rentes | 3807 |
Fig. 3 : Rentes annuelles perçues par le seigneur de Canet (1738-1742).
8Cette baisse, significative, prend un relief particulier si l’on y ajoute l’important mouvement de dévaluation subi par la livre depuis la fin du règne de Louis XIII, la réformation de 1726 n’ayant que partiellement compensé les mutations précédentes de 1683 et 1720. L’évolution des prix de la livre de sardine grosse à Perpignan, fixée par les consuls, est en un sens un révélateur de l’érosion monétaire qui touche le royaume19. Vendue les jours gras 6 sols la livre en 1720, la sardine coûte 7 sols et 6 deniers après 1730, gardant comme la monnaie du royaume une étonnante stabilité de sa valeur après cette date et jusqu’à la dernière décennie du xviiie siècle. À des échelles différentes, cette orientation des prix à la hausse lors du premier tiers du xviiie siècle devrait donc se retrouver dans les montants de la rente seigneuriale, sauf à prendre en compte un épuisement de la ressource ou une forte dégradation de l’état des pêcheries dans les trois premières décennies du xviiie siècle.
9L’analyse du montant des arrentements des fontaines durant plus d’un siècle (1649-1773) montre que l’exploitation des richesses halieutiques a connu d’importantes fluctuations, oscillant entre 550 et 3 525 livres annuelles (fig. 4).
Valeur annuelle de la ferme des fontaines de Salses (1660-1769)

10Cette variation ne n’explique qu’imparfaitement par le régime troublé des confiscations, source possible d’une désorganisation de l’exploitation des rivières de Salses20. Les trois décennies qui suivent la signature du traité des Pyrénées, durant lesquelles le duc d’Hijar est privé de la jouissance de son bien, connaissent ainsi une hausse sensible, bien que marquée par quelques irrégularités (1668, 1689), qui porte les arrentements des fontaines à un niveau de crue en 1693, avec un montant annuel de 1 540 livres durant cette ferme quadriennale. Le recul qui se produit à partir de la mise aux enchères de 1696 est à mettre sans équivoque à l’actif de la dégradation des relations internationales imputable à la longueur de la Guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697), puis au déclenchement de la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714). Affaiblies par la conjoncture, et peut être par un effort de mise en valeur insuffisant, les pêcheries de Salses ne se remettent que lentement du conflit entre les deux couronnes. Leurs arrentements sont toujours inférieurs à 1 000 livres par an jusqu’à la fin de la décennie 1720, moment ou se produit un retournement de tendance, qui accompagne les fermes à la hausse jusqu’à pic de 3 525 livres en 1757. Le retour aux affaires du duc d’Hijar en 1730, bien représenté localement par la famille Rovira, explique sans doute cette embellie. Mais celle-ci se nourrit également de l’inclusion depuis 1732 dans les contrats d’arrentements, de la jouissance d’une partie de l’étang de Salses contiguë au débouché des fontaines dans la lagune, désignée sur les cartes par le toponyme de « La Roquette ». Les dernières fermes localisées dans les fonds d’archives, celles de 1765-1769 et de 1769-1773 indiquent un assoupissement de la rente halieutique, à un moment pourtant d’apaisement de la situation internationale. L’analyse de ces évolutions permet d’avancer deux constats. Le premier relève de la remarquable permanence de l’exploitation des fontaines de Salses, qui, bien que connaissant des fluctuations de leur valeur, ne tombent jamais en déshérence entre 1660 et 1770. L’explication de cette continuité doit sans doute être mise en lien avec la stabilité des structures juridictionnelles qui organisent le fonctionnement des pêcheries durant la période. Le régime des confiscations, puis le retour de la seigneurie aux ducs d’Hijar ne modifient en rien à ce titre ces structures de gestion et de surveillance. Des procureurs choisis par le seigneur, issus de la noblesse ou de la bourgeoisie urbaine, représentés auprès des fermiers par leurs substituts, veillent à s’assurer de la bonne collecte de la rente, et organisent avec une régularité de 4 ans la mise aux enchères des fontaines. Garantie d’efficacité, certains de ces procureurs ou leurs descendants directs occupent leur charge près de 40 ans, à l’exemple d’Antoine de Viladomar au service de la duchesse de Thianges de 1689 à 1730, ou des membres la dynastie des Rovira, juristes perpignanais anoblis dévoués au duc d’Hijar entre 1730-1769. Un deuxième constat peut-être évoqué, bien que plus attendu, celui de la sensibilité des activités de la pêche lagunaire à la détérioration de la situation politique. La compréhension de la vulnérabilité économique des fontaines de Salses en temps de guerre nécessite une présentation précise de leur fonctionnement, de leur financement, des entrepreneurs qui les exploitent et des réseaux de distribution activés par ces derniers.
Salses, ou l’évanescence d’une frontière maritime
Pêches de rivières et poissons de mer
11Les procédés de pêche mis en œuvre par les fermiers des fontaines de Salses apparaissent comme un compromis entre pratiques halieutiques maritimes et techniques en usage dans les eaux continentales. Ils se caractérisent par la modestie des matériels rassemblés et des investissements réalisés. Les rares inventaires conservés des matériels attachés à l’exploitation des fontaines permettent d’évoquer certains engins utilisés dans les pêcheries, et d’en déduire les principaux gestes halieutiques. Le plus ancien de ces documents, celui du 2 septembre 1430, réalisé à l’occasion de la vente de Font Dame par le roi d’Aragon, retranscrit dans un acte de 1736, évoque la présence d’« une barque, filets et autres engins propres à la pêche conservés à la dite fontaine et étang de Salses »21. Une mention bien plus tardive, le contrat d’arrentement du 10 septembre 1649, précise l’obligation qui est faite aux fermiers de faire l’acquisition de « tres bigas per far la tanca per dita pesca y una barca per pescar dit peix »22. L’usage d’une embarcation est rappelé lors de l’acte d’arrentement du 3 mai 1738, qui mentionne parmi les effets inventoriés « un bateau avec voiles, des filets gangils, une embouchure de ret neuf, 4 morronels23 vieux, 1 tire morronel eusé, une balance »24. Tous ces appareils ne représentent pas une valeur considérable. Dans son livre des recettes et dépenses relatifs à la ferme qu’il contrôle entre 1748 et 1752, le négociant perpignanais Joseph Escalais notifie avoir versé 122 livres à ses prédécesseurs au moment de son entrée en jouissance des Fontaines pour rachat de matériel de pêche, et 118 livres au représentant du duc d’Hijar pour des effets supplémentaires25. Ces vagues références, mises bout à bout, trouvent du sens si l’on y ajoute les mentions récurrentes aux usages du poison. L’inventaire de 1430, déjà cité, spécifie ainsi la présence dans la maison de Font Dame, détruite en 1921, mais qui s’élevait jusqu’à cette date à l’emplacement exact de la petite « maison du garde » que l’on peut encore apercevoir aujourd’hui, la présence de « 3 tonneaux propres à y mettre et tenir la tithimale, vulgairement dit lletrese ». Cette utilisation banale des poisons est confirmée dans les actes des fermes, dans la correspondance privée et dans les arrêts et ordonnances émanant des autorités royales. Le fermier Jean Goyer Lafontaine n’accepte ainsi en 1729 l’arrentement des fontaines que « sous condition qu’il lui sera permis pendant ladite ferme de pêcher avec les filets qu’on a accoutumé de pêcher et de donner aussi l’amertume ou llatresa »26. Si la dénomination de tithymale est bien connue sur tout le littoral méditerranéen, où elle désigne généralement à l’époque moderne la grande euphorbe Euphorbia characias, il est probable que d’autres substances vénéneuses ont été utilisées par les entrepreneurs de Salses27. L’arrêt de l’intendant Bauyn du 11 février 1739 le laisse en effet penser, qui mentionne à propos des fontaines « le titimale et autres plantes et sucs vénéneux ». Le terme de llatresa est lui-même source d’interrogation, puisqu’il désigne en catalan le « lait de sorcières » ou « herbe aux verrues », c’est-à-dire la grande chelidoine Chelidonium majus, banale sur les pourtours des zones lagunaires roussillonnaises, et qui concentre des alcaloïdes paralysant les voies respiratoires et le système nerveux des poissons. Dans tous les cas, le recours aux plantes apparaît comme une condition impérative pour garantir la rentabilité des pêcheries de Salses28. Don Isidro de Lasarte, « administrateur général des possessions du duc d’Hijar en Europe », s’adressant à son maître en 1730, déplore ainsi le danger que ferait courir l’interdiction de cette technique indispensable pour l’exploitation des fontaines, parce que la llatresa
attira en si el pescado que se refugia a las cavernas de l’agua de la fuente en las quales ninguna especia de redes ni otra maquina puede entrar y solo el licor de esta herba attira en el corriente de la agua para tomar con los redes ordinaries el pescado y siempre en todos los actos de arrendamientos es estado diche que la pesca se aria con essa herba y morranells que es una especia de nances de berga donde el pescado esta recatado dentro de la agua sin poder salir y de aqui se toma par vender29.
12Dotés de ces renseignements, une reconstitution des pratiques de pêche devient possible. Paralysé par le poison déversé aux points de résurgences des fontaines et entraîné par le courant vers la partie aval des deux cours d’eau, le poisson était arrêté avant l’embouchure des deux rivières soit par un filet tendu entre les rives, soit par une barrière constituée de pieux (bigas) permanents fixés verticalement dans le lit, qui permettait la pose d’une claie saisonnière de cannes (Arundo donax) similaire à celles que l’on pouvait observer à la même époque dans les bordigues de Martigues, de Sète ou de Bizerte30. Des nasses (moranells) complétaient apparemment ce dispositif, tandis que l’anse de la Roquette, partie de l’étang arrentée avec les fontaines, faisait l’objet d’une pêche plus classique, à l’aide de filets fixes ou traînants.
13Techniques très particulières, les pêches pratiquées dans les fontaines concentrent leur efficacité sur un type de poisson bien identifié, appelé llises dans les textes catalans, mot qui désigne plusieurs espèces de la famille des mulets. Dotés d’une membrane adipeuse qui protège leurs organes oculaires des effets des variations de salinité, les muges n’éprouvent aucune difficulté à vivre temporairement dans des eaux dont la salinité de dépasse pas 2 %, ce qui est le cas des fontaines de Salses. Entrées dans la lagune lorsque les pluies importantes ouvraient des graus temporaires dans le cordon dunaire séparant les étangs de la mer, les différentes espèces de muges, Liza ramada, Liza aurata, Mugil cephalus (ce dernier étant souvent désigné dans les textes comme « cabot » ou « grosse tête »), dont les tailles pouvaient varier de 200 gr à 1 kg, évitaient les chutes importantes de température des eaux lagunaires en se réfugiant en hiver dans les eaux relativement chaudes des fontaines, en partie souterraines. Plus rarement, un bar ou quelques anguilles pouvaient aussi être capturés lors des opérations de pêche, l’usage des nasses se justifiant pleinement à propos de ces dernières.
Rendements des pêches et gestion de la ressource
14Si les comptes du fermier Joseph Escalais ne nous donnent pour la période 1758-1762 que la valeur monétaire des pêches réalisées dans les fontaines durant chacune des 4 saisons de l’arrentement, ces montants, rares et donc précieux, peuvent être interprétés à la lumière des prix du poisson vendus sur le proche marché de Perpignan une dizaine d’années plus tard. Pour cette dernière localité, qui captait l’essentiel des pêches de Salses, un registre de comptes du fermier des pesées du poisson a été conservé, qui court du 15 août 1771 au 4 avril 177231. Englobant la saison des pêches dans les fontaines, habituellement étalée du mois de janvier au mois de mars, et détaillant dans des centaines d’opérations les prix quasi quotidiens de la livre de mulet à la poissonnerie, ce document exceptionnel permet de calculer sur les trois premiers mois de 1772 les prix moyens de ce poisson, dont la valeur varie, en fonction des arrivages, et sans doute des différences de taille et de qualité. Les écarts relevés vont de 12 à 30 sols la livre. Le poisson arrivant des fontaines, origine toujours précisée, présente des prix similaires à celui qui est pêché dans les étangs ou sur le littoral. La moyenne des prix du muge entre le premier janvier 1772 et le 31 mars 1772 est de 21 sols la livre32, valeur qui peut servir de référence pour le calcul des tonnages réalisés à Salses quelques années plus tôt. Celui-ci donne pour les 4 années de la ferme de Joseph Escalais d’importantes variations. Alors que les mauvaises années, à l’image de 1762, une quantité de 800 kg de poisson est retirée des fontaines, ce chiffre peut accuser une très forte hausse, comme en 1760, avec un tonnage de pêche pour les deux rivières qui dépasse 3 tonnes durant le trimestre d’activité (fig. 5).

Fig. 5 : Estimation des tonnages de muges réalisés dans les fontaines de Salses (1759-1762). AD PO, 1 J 477.
15Ce dernier résultat, même tempéré par une moyenne quadriennale de 1,8 tonnes suffit amplement à l’expliquer l’intérêt manifesté par les candidats au fermage pour une opération finalement peu coûteuse en capital, les bonnes années de pêche rapportant généralement des sommes bien supérieures au montant annuel des arrentements. À ce titre, le bilan général déficitaire du fermier Escalais ne trouve son explication que dans le montant trop élevé de l’arrentement endossé en 1758, les 3 525 livres annuelles à verser au procureur du duc d’Hijar, record séculaire et sans lendemain apparaissant déconnectées de la valeur réelle des pêcheries. Investissement le plus souvent fructueux, la ferme des fontaines suppose de la part des fermiers une organisation rigoureuse de leur exploitation. Les comptes d’Escalais autorisent à ce propos une reconstitution de la rotation spatiale des opérations de pêche dans les deux rivières. Ces dernières sont mises en coupe réglée, à l’exemple de l’année 1759 (fig. 6). La saison de pêche 1759 commence au mois de janvier par des opérations découplées sur moulin Estramer. Le prélèvement porte dans un premier temps sur la partie aval de la rivière (le « ruisseau Estramer »), avant de se déplacer vers l’amont, jusqu’à sa source (le « gour »). Ce n’est qu’au mois de mars 1759 que les fermiers mettent en exploitation Font Dame, selon un principe similaire à celui qui avait prévalu pour Font Estramer, les opérations de pêche se concentrant d’abord sur le ruisseau avant de se porter sur Font Couverte, entre la maison d’exploitation et le moulin et les résurgences. À l’extrême fin du mois de mars et dans la première quinzaine d’avril, deux dernières opérations sont enfin organisées sur le gour Estramer, mettant un terme à la saison de pêche 1759 dans les fontaines de Salses.

Fig. 6 : Rotation des opérations de pêche sur les fontaines de Salses (janvier 1759-avril 1759).
16Le caractère systématique de l’exploitation des deux rivières, ne négligeant aucun segment de leurs cours, présente nous venons de le voir un étalement de plus de trois mois. Deux raisons peuvent légitimer cet espacement des opérations. La première est liée à des contingences physiques. Le mauvais temps et les fortes pluies, en inondant la sagne, rendent parfois difficile l’exploitation des pêcheries. La seconde tient à l’organisation des réseaux de distribution du produit des fontaines. Les comptes d’Escalais, multipliant les références de ventes du poisson « à des particuliers », comme les registres des pesées du poisson de Perpignan, qui mentionnent avec régularité le passage des mulets de Salses sur la romaine du peseur municipal, démontrent le caractère spécifiquement local de l’écoulement de la ressource des fontaines. Il est donc impératif pour les fermiers d’éviter toute saturation du marché, en échelonnant l’arrivage de leurs produits sur les bancs des poissonneries.
Gens de terre et investissement halieutique
17À l’image d’une réalité bien étudiée à propos du financement des madragues, l’exploitation des fontaines de Salses suscite la création de réseaux de participation dépassant largement le monde des gens de mer. La mise en valeur du monopole seigneurial rejoint ici les privilèges d’exploitation du rivage concédés par le roi à de membres de la noblesse, qui se traduisent sur tout le littoral méditerranéen par une multiplication d’initiatives économiques, dans laquelle se mêlent quirataires des compagnies madragaires ou de la « pêche au bœuf », entrepreneurs occasionnels des pêches et acheteurs opportunistes de marées sitôt transformées en poissons de conserves.

Fig. 7 : Catégories sociales d’appartenance des fermiers des fontaines de Salses et de leurs cautions (1643-1769).
18L’analyse du groupe des fermiers des fontaines et de leurs garants durant la période 1649-1773 révèle bien en un sens cette interpénétration de monde de la terre et de celui de la mer. Dans un échantillonnage finalement classique, analogue à celui repéré à propos des fermes des poissonneries en Provence et en Roussillon, les fontaines de Salses attirent les représentants habituels de la notabilité d’Ancien Régime, provenant de toutes les localités bordant la lagune de Leucate, et bien évidemment de ce centre économique de la province, qu’est la cité de Pergignan (fig.7 et 8).
19Marchands et négociants, représentants du monde de l’artisanat, de la maîtrise ou de la rente, chirurgiens attachés à la garnison de Salses ne négligent pas ainsi un investissement de proximité, qui s’il ne promet pas un rendement nécessairement très élevé, présente au moins l’avantage d’une certaine sûreté garantie par la durée quadriennale des fermes qui lisse leurs bilans d’exploitations. Matérialisation du mélange entre la terre et la mer qui caractérise la plupart des espaces littoraux de la Méditerranée moderne, les fontaines de Salses accordent une place importante à la paysannerie et au monde de la pêche au sein du groupe des investisseurs. La technicité des gestes d’exploitation mis en œuvre dans les pêcheries, comme la prégnance des zones de pâtures entourant les fontaines, pourraient expliquer à eux seuls l’intérêt manifesté par ces deux catégories pour le contrôle des deux rivières. Dans les faits, le brouillage des frontières qui caractérise la lagune de Salses marque aussi les catégories sociales traditionnelles. À l’instar des pêcheurs de Leucate, partagés entre l’exploitation de leurs terres et celle de l’étang, opposés durant tout le xviiie siècle aux patrons de Gruissan uniquement tournés vers le large33, ceux de Fitou, de Salses ou de Canet semblent pratiquer la pluriactivité, à l’exemple de Paul et Joseph Manaut, fermiers des fontaines en 1635, 1660, 1664 et 1676, qui professent indistinctement, au gré des actes d’arrentements, les professions d’agriculteur ou de pêcheur34. Les actes de fermage en notre possession ne donnent par ailleurs qu’une image réductrice de l’implication de l’ensemble de la société locale dans les investissements des fontaines. Ne comportant que les noms des fermiers et ceux de leurs garants, ils laissent dans l’ombre le mouvement de drainage de fonds que constitue l’arrentement de chaque ferme. La comparaison de l’acte de fermage de 1757, emporté par Joseph Escalais, avec le livre de compte tenu par ce dernier, suffit à le démonter amplement. Dans le premier document, le négociant de Perpignan apparaît seul, en compagnie de son père, Pierre Escalais, maître boulanger de Perpignan qui lui tient lieu de garant. Dans les faits, l’examen des versements financiers effectués par les associés d’Escalais, au sein d’un bilan déficitaire, révèle un total de 6 partenaires, dont le fermier en titre. Deux d’entre eux, Vaquer père et fils, sont connus. Jean Vaquer, un bourgeois de Salses, bénéficie de la ferme des Fontaines en 1765, sous la caution du marchand droguiste de Perpignan Huguet. Bosch, dont la fonction n’est pas précisée dans ces documents, est peut-être le peseur de la cadène de Perpignan, dont les comptes sont conservés pour les années 1771 et 1772. Rigaud, le cinquième associé, professe le métier de marchand, sans que l’on connaisse son lieu d’origine, à l’égal du dénommé Jean Milhaud. Hormis le groupe des investisseurs, deux personnages supplémentaires sont mentionnés dans le registre des comptes d’Escalais, tous deux présentés comme les « domestiques » de la société. Pierre Vidal, un agriculteur de Salses, a été caution du fermier Jean Goyer La Fontaine, garde magasin au château de Salses, en 1729. Le pêcheur Jean Llado, originaire de Salses, est le second de ces domestiques, son nom réapparaissant en 1758 à l’occasion d’un procès intenté par le duc d’Híjar à la communauté villageoise35.

Fig. 8 : Localisation des fermiers et cautions des fontaines de Salses (1649-1769).
20Animées par des réseaux locaux d’associés, unis par l’interconnaissance et une familiarité partagée des usages de la pêche et de la distribution, les fontaines de Salses offrent au monde des petits propriétaires l’opportunité d’entreprises de rapport. Le monopole seigneurial n’empêche donc en rien une initiative économique toujours audacieuse, pariant sur l’abondance saisonnière du poisson et sur des conditions politiques permettant un écoulement facile de la marchandise. Obéissant à un régime juridique spécifique, les fontaines de Salses suscitent néanmoins tout au long de leur existence des tensions et des conflits, bien perceptibles à la lecture des sources conservées.
Fontaines de Salses et conflits d’intérêts
21L’analyse des conflits attachés à l’exploitation des fontaines doit être envisagée à plusieurs niveaux. Ces oppositions sont d’abord le reflet des changements qui caractérisent la construction de l’État moderne. Elles marquent l’élaboration progressive par ce dernier d’un appareil législatif unifié, entrant de plus en plus en contradiction avec le régime d’exception inhérent au maintien des privilèges. Elles sont aussi le résultat d’une intégration croissante par les autorités provinciales ou municipales de considérations sanitaires dans l’organisation des marchés de distribution alimentaires. Elles se rattachent enfin à des mouvements de résistance pluriséculaires contre le monopole seigneurial et ceux qui en tirent profit. Facilement repérables lorsqu’ils émanent d’une collectivité, ces mouvements de refus sont plus difficiles à appréhender lorsqu’ils sont le fait de simples individus, dont les actes de braconnage ou de récupération illicite ne nous apparaissent alors qu’en négatif dans les règlements édictés à la demande du propriétaire des fontaines.
Braver l’interdit, ou la délinquance ordinaire du petit peuple de l’étang
22Exploitées depuis l’Antiquité, les richesses des fontaines de Salses ont été progressivement privatisées par le processus de féodalisation en œuvre depuis le xe siècle. Les limites contestées de cette propriété, mouvantes dans la partie d’étang liée à la ferme des fontaines, confuses sur sa partie haute à travers un réseau complexe de circulations souterraines, offrent aux populations locales nombre d’opportunités de braver l’autorité seigneuriale durant toute l’époque moderne.
23L’exploitation de l’anse de la Roquette apparaît dès le xviie siècle comme un premier point de discorde entre les procureurs des seigneurs de Canet et les habitants de Salses. Placée sur le passage du poisson qui se réfugie au début de l’hiver dans les fontaines, cette portion d’étang revêt un aspect stratégique pour les pêcheurs de la localité comme pour les fermiers des pêcheries. Les premiers tentent régulièrement d’y caler leurs battudes. 4 pièces de ces filets sont ainsi découvertes par le fermier Paul Manaut le 20 novembre 1635, à l’embouchure de la Font Estramer36. La pose de ces longueurs de filets fixes, organisée à cette occasion dans la discrétion, obéit parfois à des opérations moins clandestines. Les règlements du xviiie siècle nous renseignent dans ce domaine sur l’existence dans l’étang de Salse d’une pratique que l’on pouvait observer à la même époque dans l’étang de Thau, celle de la battude frappante37. Destinée essentiellement à la capture des mulets, cette technique nécessitait plusieurs embarcations, et consistait à diriger le poisson vers les mailles des filets fixes préalablement calés en frappant la coque des barques à coup d’avirons. La pratique est apparemment courante au droit de l’embouchure des fontaines au xviiie siècle, puisque l’arrêt du conseil souverain de Roussillon de 1736 qui défend « à toutes personnes de quelque état et condition qu’ils soient de pescher ni chasser tant de jour que de nuit à la partie de l’étang de Salses depuis l’endroit appelé la Pointe de Garrius tirant vers l’aire d’Alenya du côté de la Font Dame de Salses, et de l’endroit appelé le moulin Estramer », précise aussi l’interdiction de « frapper sur les bateaux ni autrement faire du bruit au dit estang de Salses et à ses bords […] depuis la feste de Saint-Michel de septembre jusques et inclus le dit mois de mars et sous la peine de 20 livres par contrevenant38 ». On comprend que dans ces conditions, la délimitation précise de la partie d’étang rattachée à la ferme des fontaines ait constitué un problème récurrent durant toute la période, alimentant de nombreux procès entre la communauté de Salses et de seigneur de Canet. Les appels successifs qui marquent ce dossier durant tout le xviiie siècle, comme les délais très longs intervenant entre les arrêts du conseil souverain et les opérations de bornage de l’anse de La Roquette, disent assez la sourde résistance d’une communauté d’habitants soucieuse de maintenir un libre accès aux plus proches ressources de l’étang. Contre une assemblée provinciale qui réaffirme régulièrement les droits de la duchesse de Sforza ou du duc d’Híjar, non sans en avoir préalablement scrupuleusement vérifiés les titres, en 1702, 1736, 1740, 1752, 1756, les riverains revendiquent avec obstination « les droits que les habitants de notre dite communauté a de temps immémorial du passage des bateaux […] à l’endroit de l’étang appelé La Roquette39 ». Si une première conciliation intervient en 1741, il faut attendre cependant 1772 pour qu’un bornage définitif soit réalisé dans l’étang, à l’aide de grand piquets de bois plantés par un groupe de 8 pêcheurs de Saint-Laurent-de-la-Salanque, désignés par les deux parties comme experts indépendants40. Dans les faits, la lutte de la communauté des habitants de Salses contre les détenteurs des fontaines ne présente pas un front uni. Une ligne de partage la traverse nettement, qui divise ceux qui de près ou de loin, tirent parti de l’exploitation des rivières, et ceux qui en sont écartés. Le procès intenté par le marchand pelletier Jean-Antoine Gros, fermier des fontaines de 1754 à 1758 au consul de Salses Castel apparaît à ce titre comme révélateur41. L’origine de l’affaire apparaît simple. Au printemps 1758, Castel a autorisé les habitants de la communauté à pêcher dans la Couverte de Font-Dame. Emprisonné à la conciergerie de Perpignan au mois de juin 1758, Castel livre une déposition qui permet de reconstituer le contexte dans lequel il a accordé cette autorisation. Celui-ci affirme n’avoir « donné la dite permission qu’après avoir été vivement pressé et sollicité par les habitants de Salses [qui lui avaient] donné à comprendre qu’il avait le droit de le faire et que s’il ne le faisait pas il était parjure et qu’il laissait perdre les droits de la communauté ». La pression des habitants, qui a poussé Castel à la contravention, révèle la volonté du plus grand nombre de ne pas respecter les interdits liés à la propriété des fontaines. Ils démontrent aussi l’implication de certains membres de la communauté dans l’exploitation de ces dernières. Condamné à payer pour sa libération une lourde somme de 1131 livres, Castel trouve en effet comme caution le pêcheur Jean Llado, employé comme domestique des fermiers des pêcheries.
Affirmation du droit public et inquiétudes sanitaires
24Plus inquiétante pour les entrepreneurs de Salses que les contraventions commises par les proches habitants, la condamnation par les autorités de l’usage des poisons apparaît dans la première moitié du xviiie siècle comme un péril plus redoutable pour le maintien de la viabilité de l’exploitation des deux rivières. Celle-ci émane durant la décennie 1730 de deux strates différentes du pouvoir, la justice du roi, et les autorités municipales de Perpignan.
25Soucieux de faire réaffirmer par les agents de la royauté sa liberté pleine et entière sur ses fontaines, Isidore Fernandez de Híjar demande en 1730 au consistoire du domaine de Perpignan42 le renouvellement d’une ordonnance rendue le 24 février 1702 en faveur de la duchesse de Sforza, « portant défense à autrui de pêcher et de [la] troubler dans sa pêcherie privée ». Transmise au procureur du roi siégeant au Conseil souverain, la requête du duc d’Híjar reçoit le 2 septembre 1730 une conclusion qui ne lui est pas favorable43. L’article 9 du nouveau règlement rédigé par le procureur interdit effectivement l’usage de la lletresa dans les fontaines de Salses. Cette décision, immédiatement interjetée en appel devant le Conseil souverain, apparaît comme la manifestation d’une volonté d’application du droit royal par un grand serviteur de la couronne. L’ordonnance du 13 août 1669 sur les eaux et forêts, qui établissait on le sait les juges royaux comme compétents sur toutes les affaires relevant de pêcheries assises sur les eaux intérieures, défendait aussi « à toutes personnes de jeter dans les rivières aucune chaux, noix vomique, coque de Levant, momie et autres drogues ou appâts44 ». Présentant que ses pêcheries sont une propriété privée, sur laquelle l’ordonnance de 1669 ne saurait s’appliquer, le duc d’Híjar réussit dans les années suivantes à soustraire ses fontaines du droit commun. Un arrêt du Conseil du 19 septembre 1736, confirmé le 3 août 1756 puis le 26 mars 1790 lui reconnaît en effet « le droit de pêcher dans la Font Dame et Moulin Estramer en faisant usage de la Tithymale, à peine de 1 000 livres non comminatoires » pour ses détracteurs.
26Réfutant devant les juges de la province l’usage d’autres drogues que la tithymale, les avocats du duc d’Híjar affirment l’innocuité de cette substance, en s’appuyant affirment-ils sur « l’expérience de plusieurs siècles45 ». L’argument destiné aux représentants de la justice royale semble ne pas avoir convaincu totalement les autorités municipales de Perpignan quelques années plus tard. Dans un rapport adressé le 30 janvier 1739 aux consuls de la ville, les clavaires mostasafs alertent les édiles sur la qualité inquiétante des poissons provenant des fontaines. Ces officiers d’administration, désignés par les consuls et le conseil de douzaine de Saint-Pierre, ont constaté le même jour « la très grande quantité de Llisses » offerte aux acheteurs. Chargés de veiller à la qualité des produits écoulés à la halle, ces agents municipaux ont fait éventrer un de ces poissons, l’opération ayant révélé une chair jaune source de suspicion. Transportés avec leur poisson à l’hôtel de ville, les clavaires convainquent alors les consuls de consulter un collège de médecins afin de procéder à des analyses plus approfondies. Ces derniers réunis le 1er février 1739 pour examiner le poisson des fontaines déclarent :
[qu’il] pourrait altérer la santé et occasionner des simpthomes funestes par la grande acrimonie qui approche celle des poisons, tel est le sentiment de Sennect Dioscorides Rovilieus […] et Dodonaeus ce qui est confirmé par l’expérience que nous avons des années précédentes de plusieurs personnes qui en ayant mangé périrent dans moins de 7 heures en foy de ce avons déclaré ne pouvoir être distribué et avons donné le présent certificat46.
27Dès le 11 février 1739, l’intendant de Roussillon Prosper-André Bauyn fait donc « très expresse inhibition et défenses à tous voituriers et poissonniers de porter, vendre, ni débiter dans cette ville et les autres villes et lieux de cette province le dit poisson appelé llisses pris avec le Titimale et autres sucs venimeux, soit au Moulin Estramé ou ailleurs, à peine de 30 livres ». Cet ordre s’accompagne d’une décision de saisie immédiate du poisson qui pourrait se trouver en possession des voituriers et poissonniers, avec ordre d’ensevelissement immédiat47.
28Face à la gravité des faits évoqués par les médecins, invérifiables dans les sources, et alors que ces mesures ne sont renouvelées qu’en mars 174048, on peut se demander si l’offensive menée par les autorités contre le poisson des fontaines n’obéit pas à d’autres considérations qu’à la seule prise en compte des considérations hygiénistes qui s’imposent progressivement au xviiie siècle. L’une des explications de la décision de janvier 1739 réside peut-être dans l’analyse des politiques édilitaires mises en œuvre par les consuls de Perpignan durant la même période. Afin d’assurer un large accès de leurs populations aux marchés alimentaires, les représentants de la cité disposent de plusieurs recours. La fixation d’un maximum sur le poisson est l’un d’entre eux. Elle a été utilisée de nombreuses fois à Perpignan au cours des xviie et xviiie siècles, mais risque d’avoir un effet contraire au but escompté, en éloignant les voituriers de la cité roussillonnaise49. Un deuxième instrument, plus efficace, réside dans la réduction provisoire des taxes prélevées par le fermier de la cadène sur le poisson apporté à la halle. Particulièrement prisée en période de carême, cette politique a été appliquée durant l’hiver et le printemps 169450, ainsi qu’à partir de février 173851. On en mesure l’inconvénient pour les recettes de la ville. Tenu par un contrat qui la lie au fermier de la cadène, et qui prévoit pour ce dernier un droit de prélèvement de 15 % sur la valeur du poisson pesé à la halle, la municipalité, en réduisant ce droit de moitié, doit s’engager à verser au fermier une indemnité de dédommagement qui fait l’objet d’une rude négociation. Les consuls mettent alors en avant l’augmentation des ventes que produira la baisse des taxes. Cette augmentation, en compensant pour partie la baisse des revenus de la cadène, amenuise d’autant la somme à verser au fermier à titre de réparation. Ce souci de préserver la cité de la pénurie, sans grever les finances de la ville, transparaît dans la plupart des sources relatives à l’organisation des marchés alimentaires à Perpignan. Il a sans doute prévalu en janvier 1739, et a des conséquences directes sur l’exploitation des fontaines de Salses. Les articles et conditions d’arrentement de la ferme de la cadène, fixés en 1661 et répétés jusqu’à la Révolution française sans grandes modifications, prévoient en effet une clause de totale exemption des taxes pour le poisson provenant de Font Dame et de Font Estramer. Le détournement hors de la cité, voire la destruction des flux de muges qui inondent parfois la halle à la fin de l’hiver, sont autant de taxes supplémentaires à prélever sur le poisson venu des autres espaces lagunaires ou du littoraux. Ce calcul visant à restaurer les marges bénéficiaires des fermiers, et donc de la ville, jamais avoué, bénéficie localement de la confusion fréquente, à quelques années d’intervalle, des postes de responsabilité consulaires et de la détention des fermes de la cadène. Caution du fermier Thomas Canta en 1704, Antoine Barescut est ainsi consul en 1707, tandis que quelques décennies plus tard François Xaupi, bourgeois honoré de la ville et l’un des médecins à l’origine des certificats de condamnation du poisson de Salses en 1739 et 1740, occupe la même la fonction municipale en 172552. Que l’on retrouve près des fermiers des fontaines de Salses les noms d’individus impliqués dans la ferme de la cadène, comme les Huguet, marchands droguistes de Perpignan, au cours des deux décennies 1760 et 177053, n’entre pas en contradiction avec ce qui vient d’être dit. Le fait apporte au final une preuve supplémentaire de la capacité des élites économiques locales à saisir la moindre des opportunités d’investissement dans la province de Roussillon.
29Exploitées de façon ininterrompue durant les deux derniers siècles de l’Ancien Régime, les fontaines de Salses doivent être analysées comme un élément d’un système d’exploitation halieutique. Limité à une distribution locale, le poisson de Salses côtoie sur les étals de Perpignan du poisson issus des autres pêches régionales, sardines de Collioures ou mérous du cap de Creu, mais aussi du poisson provenant de pêches plus lointaines, anchois de la rivière de Gênes ou morues de l’Atlantique. Apportant un éclairage local à cette juxtaposition encore mal connue des différentes échelles de la distribution du poisson en Méditerranée, les fontaines de Salses démontrent l’intégration du secteur des pêches dans une pluriactivité littorale. Les techniques qui y sont mises en œuvre confèrent cependant à ces pêcheries une forte originalité, et démontrent la richesse et l’extrême variété des pratiques halieutiques méditerranéennes d’Ancien Régime.
Notes de bas de page
1 Mela Pomponius, De situ Orbis, livre II, V, traduction Louis Baudet, Paris, Panckouke, 1843.
2 Edwige Praca, « Pêcheries et salines : les activités commerciales de Pierre Bardou-Job sur la façade maritime des Pyrénées-Orientales (xixe siècle) », La Clau, n° 1, Perpignan, 1998, p. 41-42.
3 Base de données HISTOSPONGIA, Éric Carroll, Daniel Faget, 2015.
4 Gilbert Larguier, « Pêche, environnement et société littorale autour du golfe du Lion au xviiie siècle », dans Gilbert Larguier, dir., Les hommes et le littoral autour du golfe du Lion (xvie-xviiie siècle), Perpignan, PUP, 2012.
5 Espèces vivant alternativement en eau douce et en mer.
6 Gilbert Buti, « Madragues et pêcheurs provençaux dans les mailles des pouvoirs (xviie-xixe siècles) », dans Pouvoirs et Littoraux du xve au xxe siècle, Actes du Colloque international de Lorient (24, 25, 26 septembre 1998), Rennes, PUR, 1998, p. 48-73.
7 Sagne : nom donné au roseau commun Phragmites Australis. Par extension, on désigne en Languedoc par Sagnes les roselières constituant un des paysages caractéristiques des zones vaseuses qui bordent les lagunes méditerranéennes.
8 Hélène Ladagnous, Claude Le Bec, Lagune de Salses-Leucate-Direction de l’Environnement et de l’Aménagement littoral, Sète, IFREMER Sète R.Int. Del/97-02/Sète, mars 1997, p. 18-19.
9 AD PO, 1 B 403, Arrêt du Conseil souverain du Roussillon, fol. 76-80, 19 septembre 1736.
10 AD PO, 1 B 401, Venda per la universitat de Salces al Vescomte de Canet del molí Estramer y gorchs de la dite universitat, 16 juin 1600.
11 María José Casaus Ballester, « La Cas Ducal de Híjar y sus enlaces con linajes castellanos », Boletín Millares, n° 27, Centro Asociado UNED. Las Palmas de Gran Canaria, 2008, p. 107.
12 Jean Capeille, Dictionnaire de biographies roussillonnaises, Perpignan, Imprimerie J. Comet, 1910-1911, p. 215.
13 AD PO, 1 C 1372, Conférences de Figuères. Affaire de la vicomté de Canet (1663-1665).
14 AD PO, 3 E 3 988, Revenus de Font Dame (1533-1757). Arrentements des fontaines de Salses 1664, 1668, 1676.
15 AD PO, 1 J 175-2, Papiers Hijar 1681-1748, Représailles des vicomtés de Canet et Evol en faveur du duc desforces, 29 décembre 1682.
16 Somme exprimée dans les sources en pistoles, soit l’équivalent à la fin du XVIIe siècle d’un double Louis d’or (le « Louis »), valant un peu plus de 10 livres.
17 AD PO, 1 C 1678, État des rentes de la vicomté de Canet, 1681.
18 AD PO, 1 J 175-2, Papiers Hijar (1681-1748). Estado en relacion de las rentas que el Duque de Hijar percibe en estos contados de Rossellon. Rentas cierttos del viscontado de Canet (1738-1742).
19 La livre-poids de Perpignan pesait 408 gr.
20 AD PO, 3 E 3/988 Vicomté de Canet. Revenus de la Font Dame de Salses : transactions, baux à ferme (1533-1757) ; Minutes Domech-Codalet, Fermes des fontaines de Salses : 3 E 7/81 (1721, fol. 280-281), /85 (1725, fol. 313-314), /89 (1729, fol. 195-197), /96 (1738, fol. 201-202), /100 (1742, fol. 295-296) ; Minutes Domech-Albafulla, Ferme des fontaines de Salses : 3 E 7/107 (1749, fol. 509-516), /111 (1753, fol. 207-209), /115 (1757, fol. 95-98), /119 (1761, fol. 183-185), /122 (1765, fol. 193-195), /124 (1769, fol. 82-84).
21 AD PO, 1 B 403, Arrêt du Conseil souverain du Roussillon, fol. 76-80, 19 septembre 1736.
22 AD PO, 3 E 3/988, contrat de fermage du 10 septembre 1649 : « trois poutres pour faire la barrière pour la dite pêche et une barque pour pêcher le dit poisson ».
23 Morenell (catalan) : nasse.
24 AD PO, 3 E 7/96, Minutes Domech-Codalet, ferme des fontaines de Salses, 3 mai 1738, fol. 201-202.
25 AD PO, 1 J 449/2, Livre des recettes et dépenses, tenu par Joseph Escalais fermier de la Font Dama et du Moulin Estramar (1er mai 1758-1er mai 1762).
26 AD PO 3, E 7/89, Minutes Domech-Codalet, Ferme des fontaines de Salses, 1729, fol. 195-197.
27 Daniel Faget, « Le poison et la poudre. Passé du braconnage halieutique en Méditerranée (xviiie-xxe siècle) », dans Daniel Faget, M. Sternberg, dir., Pêches méditerranéennes, Origines et mutations, Aix-en-Provence, MMSH L’Atelier Méditerranéen, 2015, p. 169-188.
28 Entre 1925 et 1950, les exploitants des fontaines utilisaient encore du chlore pour pousser le poisson vers des nasses métalliques (témoignage Henri Conte, actuel propriétaire, 17 juin 2014).
29 AD PO, 1 J 175-2, Papiers Hijar (1681-1748), Cayer de minutas de las cartas escritas a S. Ex. el Duc de Hijar desdels 10 abril 1730 fins a 14 mars 1731… : « La llatresa attire vers elle le poisson qui se réfugie dans les cavernes de l’eau de la fontaine dans lesquelles aucune espèce de filet ni d’autre machine [ne] peut pénétrer et que seule la liqueur de cette herbe attire dans le courant pour être attrapé par des filets ordinaires, et dans tous les actes d’arrentement, il a toujours été dit que la pêche se faisait avec cette herbe et des morranells, qui sont une espèce de nasses de [berga ?] où le poisson se regroupe dans l’eau sans pouvoir sortir et d’où il est pris pour être vendu ».
30 Daniel Faget, « Contribution à l’étude de l’histoire des pêches en Tunisie. Les pêcheries de Bizerte face aux mutations coloniales (1880-1920) », dans Daniel Faget, Myriam Sternberg, dir., Pêches méditerranéennes, Origines et mutations, Aix-en-Provence, MMSH L’Atelier Méditerranéen, 2015, p. 69-91.
31 AD PO, 1 J 477, Registre de pesée de la cadène de Joseph Bosch, 15 août 1771-4 avril 1772.
32 La livre-poids de Perpignan sous l’Ancien Régime équivalait à : 0,408 kg.
33 Gilbert Larguier, « Pêche et société en Languedoc au xviiie siècle. La pêche aux bœufs », L’Histoire grande ouverte. Hommages à E. Le Roy Ladurie, Paris, Fayard, 1997, p. 59-67.
34 AD PO, 3 E 3/988, Vicomté de Canet. Revenus de la Font Dame de Salses : transactions, baux à ferme (1533-1757).
35 AD PO, 3 E 7 116, Procès Híjar contre Castel, consul de Salses, 1758.
36 AD PO, 3 E 3/988, Vicomté de Canet. Revenus de la Font Dame de Salses : transactions, baux à ferme (1533-1757).
37 Encyclopédie méthodique. Dictionnaire de toutes les espèces de pêches, Paris, H. Agasse, 1796, p. 200.
38 AD PO, 1 B 403 Arrêt du conseil souverain (de Roussillon) rendu « la requête de Don Isidore Fernandez duc d’Hijar, Grand d’Espagne, vicomte du Canet et d’Evol, portant qu’il sera expédié des criées pour l’étang de Salses, et défendant de pêcher au dit étang, 1736, fol. 76-80.
39 Archives privées Henri Conte, Demande de conciliation de la communauté de Salses au duc d’Híjar, 9 septembre 1771.
40 Archives privées Henri Conte, Acte de bornage de la propriété du duc d’Híjar, minutes François Domech, 25 février 1772.
41 AD PO, 3 E 7 116, procès Hijar contre Castel consul de Salses, 27 juin 1758.
42 Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Paris, Garnery, 1807, t. II, p. 856-857. Depuis 1688, le conseil de consistoire du domaine royal en Roussillon avait été réuni au Conseil souverain, créé en 1642. Le Conseil était donc compétent pour juger de toutes les affaires civiles et criminelles, mais aussi de toutes les affaires qui concernaient le domaine du roi.
43 Archives privées Henri Conte, Jugement de la commission d’attribution, Conseil souverain de Roussillon, 3 août 1756.
44 Ordonnance du 13 août 1669 sur le fait des eaux et forêts, De la juridiction des Eaux et Forêts, art. III et Sur les Pêches, art. XIV.
45 Archives privées Henri Conte, Jugement de la commission d’attribution, Conseil souverain de Roussillon, 3 août 1756.
46 AD PO, 1 C 1558, Ordonnances des consuls de Perpignan sur le poisson (1688-1770). Certificat des médecins Simon, Coste, Arago et Xaupi, 1er février 1739.
47 Idem, Arrêt de l’intendant Prosper-André Bauyn, 11 février 1739.
48 Idem, Certificat des médecins Simon, Coste, Arago, Xaupi, 7 mars 1740.
49 AD PO, 1 C 1558, Ordonnance des consuls de la ville de Perpignan sur les prix du poisson pendant les jours gras, maigres et carême, 17 juillet 1720. Idem, 15 février 1759.
50 Idem, Arrêt de l’intendant de Roussillon Raymond de Trobat sur la réduction des taxes sur le poisson de carême, 17 février 1694.
51 Ibid., Arrêt de l’intendant de Roussillon Prosper-André Bauyn sur la réduction des taxes sur le poisson pendant la durée de carême 1738.
52 AD PO, 112 EDT 353, Fermes de la cadène 1704, 1707 ; J. Capeille, Dictionnaire de biographies roussillonnaises, Perpignan, Imprimerie J. Comet, 1910-1911, p. 677-678.
53 AD PO, 3 E 7/ 122, Minutes Domech-Albafulla, Ferme des fontaines de Salses, 1765, fol. 193- 195 ; AD PO, 112 EDT 353, Ferme de la cadène 1776, Ferme de la cadène 1773, Délibération consulaire du 22 novembre 1777 en faveur de Claude Huguet et Antoine Frigola.
Auteur
Aix-Marseille Université, CNRS, UMR 7303 Telemme
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