Introduction
p. 5-19
Texte intégral
1Ranger les travaux de Gilbert Buti dans les cases artificielles d’une histoire à tiroirs s’avère une mission fort périlleuse et, pour tout dire, une gageure. Il serait commode, et la tentation ne nous a pas épargnés, de justifier nos difficultés par le caractère foisonnant d’une production scientifique hors-norme. Un peu comme si la curiosité toujours en éveil de ce chercheur avait finalement abouti à l’écriture d’une histoire en miettes, d’une œuvre mosaïque mélangeant les approches sociales, économiques ou culturelles en d’incessants virements de bord, ou pour utiliser un vocabulaire familier à l’historien de la mer, en un libertinage que l’on disait jadis propre aux marins du Levant. Le procédé serait facile. Il ne rendrait en rien justice à la cohérence d’un parcours de recherche volontairement affranchi des découpages habituels de notre historiographie. Historien de la mer, Gilbert Buti l’est assurément. Mais alors que s’affirme à la fin du xxe siècle la tentation d’une histoire fragmentée, le chercheur livre à la communauté scientifique une thèse qui réussit la synthèse d’une histoire complexe et multi-scalaire des mondes méditerranéens, découverts depuis les grèves tropéziennes ou le pont de tartanes sillonnant les eaux de l’Archipel1. Au vrai, rien ne manque à ce maître ouvrage, et chacun de ses chapitres fixe à sa manière une route à suivre, un axe à développer, un chantier nouveau à explorer.
2En consacrant, après sa thèse, la majeure partie de ses travaux aux gens de mer et au commerce maritime, Gilbert Buti a considérablement renouvelé notre connaissance des sociétés littorales et des économies liées à la mer. S’efforçant d’embrasser ces dernières dans leur complexité, il n’en ignore aucun des acteurs. Les négociants, les marchands et les capitaines, provençaux ou de nations étrangères, apparaissent de manière première dans ses préoccupations. Mais l’auteur s’intéresse aussi aux groupes plus modestes, plongeurs, pêcheurs luttant contre les puissants madragaires, ou victimes de la surexploitation de la ressource. Le grand public a découvert bien tardivement l’historien de la course et de la piraterie. Mais sait-on en dehors de nos séminaires, journées d’études et colloques spécialisés que Gilbert Buti est également un historien de l’esclavage, à travers l’étude des gens de couleur et des esclaves dans les ports provençaux à l’époque moderne2 ? À l’heure où le tatouage semble avoir définitivement échappé au registre de la marginalité, ses études sur les « Tatouages, tatoués et tatoueurs de la marine » ne mériteraient-elles pas une attention plus soutenue3 ? Alors que l’histoire du genre connaît un succès non démenti chez les éditeurs français depuis plus de quinze ans, les travaux de ce chercheur sur les « Femmes d’affaires maritimes » ne constituent-ils pas enfin un modèle du genre4 ? À l’heure de réfléchir sur la mondialisation, bien trop souvent présentée comme récente, et dans laquelle les routes et les trafics maritimes portent la croissance des échanges, n’aurait-on pas intérêt à lire ou relire ses travaux sur les hiérarchies portuaires, la caravane (ou voyage à la cueillette) en Méditerranée et les échanges intercontinentaux de produits ?5 Historien des hommes et des femmes qui ont façonné nos identités méditerranéennes, Gilbert Buti explore aussi sans relâche leurs conditions, leurs activités et leurs pratiques culturelles. Il en sonde les âmes en analysant l’influence de la franc-maçonnerie dans les espaces portuaires6. Il leur redonne une voix en s’interrogeant sur la diffusion de la Lingua franca sur les rivages de la mer intérieure7. Il en retrace les souffrances et les blessures en examinant les corps blessés et invalides8.
3Les différentes contributions qui composent ce recueil, tout autant qu’une marque d’amitié, prouvent par leur diversité la pertinence des pistes suivies par Gilbert Buti tout au long de ses recherches. À l’image de ces dernières, elles caractérisent le changement de cap dessiné par l’histoire maritime depuis plus de trente ans, progressivement enrichie par les apports d’une histoire économique renouvelée, par l’importance des études d’histoire culturelle et par l’émergence récente des thématiques environnementales. Dans ce livre, dans la droite lignée des objectifs de l’ouvrage Les Français, la terre et la mer (xiiie-xxe siècle)9, la mer sera ainsi perçue et analysée, successivement ou simultanément, comme gisement de ressources, lieu de travail, vecteur des échanges, territoire de cultures et de pouvoirs, observatoire des relations humaines, autant d’éléments qui, lus ensemble, brossent un tableau global des sociétés maritimes et littorales, dans ses invariants et sa diversité. Pour rendre hommage à Gilbert Buti, montrer l’importance des voies qu’il a tracées pour la recherche et lui signifier l’attente de la communauté historienne autour des travaux individuels et collectifs qu’il mène aujourd’hui et conduira demain, nous avons fait le choix d’accueillir des contributions allant du xvie au xixe siècle et ne portant pas obligatoirement sur le monde méditerranéen. Pour l’historien du xxie siècle comme pour le marin du xviiie, les horizons maritimes portent l’épaisseur du temps et poussent toujours à se nourrir d’ailleurs.
Une histoire culturelle de la mer
4La mer a-t-elle imprimé sa marque sur la conscience et les représentations des individus à qui elle servait de moyen de subsistance et de cadre de vie lors des siècles passés ? Les populations littorales se distinguaient-elles fondamentalement, à l’époque moderne, par leurs croyances ou leurs manières d’appréhender le monde, des autres communautés ou groupes vivant dans les espaces continentaux ? L’œuvre de Gilbert Buti fait la part belle à ces questionnements. S’il analyse les sociétés côtières ou le peuple des navigants à la lumière des sources et des questionnements classiques d’une histoire générale, l’historien du négoce ultra-marin, des capitaines provençaux et des fortunes de mer n’oublie rien de la prégnance et de la dureté de l’onde dans la formation d’une identité, comme dans la détermination d’une stratégie d’ascension ou de reconnaissance sociale10. La Méditerranée de Gilbert Buti enrichit parfois ceux qui en font commerce, même sous couvert de pratiques inavouables ou condamnées, trafiquants de « bois d’ébène » ou patrons de barques brutaux11. Si la vague appelle le marin, la terre représente pourtant pour l’immense majorité des gens de mer une fin espérée et rassurante. La robe parlementaire couvre, à défaut de toujours l’effacer, le souvenir salé des embruns12, pendant que le bosquet ou le lopin de vigne complète les revenus du cabotage13, et que l’espoir d’une inhumation chrétienne éloigne le spectre d’une mort sans sépulture. C’est à ces représentations des périls de la vie maritime, mais aussi de la fascination suscitée par le royaume liquide, que se rattachent les trois contributions proposées dans ce premier chapitre.
5Réalisé entre 1783 et 1786, le séjour en France de la jeune anglaise Anna Catarina Cradock nous est connu grâce à son carnet de voyage. En l’analysant au regard d’une histoire des sociétés portuaires, mais aussi au prisme d’une histoire des représentations des mondes littoraux, Alain Cabantous nous en fournit une précieuse grille de lecture. Parcourant le pays de la Bourgogne à la vallée du Rhône, les pas de cette voyageuse la conduisent également à Marseille, Sète, Bordeaux, Nantes, Rochefort ou La Rochelle. Dotée d’un bon sens de l’observation, Anna Cradock exprime un intérêt inégal pour les lieux découverts. La topographie portuaire ne captive pas la jeune femme, qui exprime en revanche une vraie curiosité pour les activités mécaniques et manufacturières, de la manufacture de corail de Marseille à l’arsenal de Rochefort ou à la fonderie d’Indret. Passionnée par les paysages grandioses offerts par la rencontre de la mer et des terres, Anna Cradock recherche les points de vue remarquables qui expriment la toute-puissance du Créateur et la prégnance d’une théologie naturelle.
6S’interrogeant sur les usages et les formes du jeu de l’oie, loisir originaire d’Italie et adopté en France dès le xviie siècle, Sylviane Llinares nous livre une stimulante réflexion sur l’apport du Nouveau Jeu de la Marine à l’histoire du fait maritime. Largement diffusées par les imprimeurs lors du dernier siècle de l’Ancien Régime, les estampes autour desquelles se rassemblent les joueurs sont richement illustrées grâce à la finesse de la taille douce. Elles ont d’abord pour vocation d’instruire et participent d’une pédagogie de la culture navale. La précision et la diversité du vocabulaire qu’elles utilisent, écueils, tempêtes ou scènes de combats incitent le joueur à se munir de dictionnaires, voire d’ouvrages de navigation. Accordant une place croissante aux gens de mer, ces vignettes embrassent la totalité des mers du royaume, donnant à apercevoir à l’historien d’aujourd’hui de précieux détails sur les types de bâtiments ou les paysages littoraux.
7Étudiant les formes de commémoration des morts en mer à Gruissan aux xixe et xxe siècles, Anne Carol et Régis Bertrand réalisent une étude rigoureuse et synthétique des quatre espaces et monuments qui structurent ce complexe original, sans équivalent en Méditerranée française. Les cénotaphes disposés sur le chemin d’accès à Notre-Dame des Auzils, comme l’église paroissiale Notre-Dame de l’Assomption et le cimetière de la commune littorale, racontent le passé d’une cité maritime, qui a connu l’apogée de sa prospérité sous la monarchie de Juillet, mais dont l’histoire a été tressée de deuils et de naufrages. Les deux auteurs mettent en lumière, par une description précise, l’ambiguïté des cénotaphes, improprement rangés sous l’appellation récente de cimetière marin, alors qu’ils sont des lieux de souvenir, et non des espaces funéraires. Réunissant la mémoire des morts, mais aussi la reconnaissance des vivants qui ont échappé à un destin tragique, le complexe de Gruissan est un ensemble toujours en devenir, qui rappelle que la disparition en mer hante toujours les marins.
Gens de mer
8Aussi fluctuante que la limite des vagues, l’influence de la mer se projette à l’intérieur des terres. Elle encourage les paysans de la Provence intérieure ou des massifs littoraux à porter jusqu’à la grève la prune de Brignoles ou la châtaigne des Maures. Elle convainc les membres de la bourgeoisie ou de la notabilité urbaine de devenir quirataires, désormais attentifs aux nouvelles du large. Des liens quotidiens forment ainsi une trame complexe entre le peuple des navigants, capitaines, mousses ou matelots, et le monde varié de tous ceux qui participent de l’économie maritime à des degrés divers, fileurs de chanvre ou de sparte et scieurs de long, muletiers distribuant les produits de la mer ou modestes vendeuses de rue. Au reste, la frontière existe-t-elle vraiment, sur un littoral marqué par une importante pluriactivité, et le long duquel le pêcheur se transforme selon la saison en patron de cabotage ou en vigneron ? Parce qu’elles embrassent dans une même réflexion la complexité de cette société littorale, découvrant l’épais tissu des relations qui unissent les individus, les recherches de Gilbert Buti apparaissent comme un apport essentiel à nos connaissances des gens de mer en Méditerranée sur la longue durée. Les contributions suivantes en sont l’écho. En partie consacrées aux mers océanes, elles ouvrent une réflexion comparative sur les différents mondes maritimes occidentaux.
9La première étude de ce chapitre sur les gens de mer est celle d’André Zysberg. Les trois grandes guerres qui marquent le règne de Louis XIV après 1672 fournissent à l’auteur l’occasion d’examiner la mise en place progressive en Provence et Languedoc du système des classes. André Zysberg montre comment des résistances à cette obligation nouvelle se sont exprimées dans les ports provençaux, et nous donne un certain nombre d’explications pour comprendre le refus d’une partie des gens de mer de servir sur les navires du roi. Le manque de reconnaissance des sacrifices réalisés par les marins lors des combats comme l’absence régulière de subsides pour alimenter le versement des soldes et des demi-soldes expliquent pour l’essentiel le choix des réfractaires. Le bilan des quarante années étudiées est cependant à nuancer. L’obéissance et la soumission au roi des marins provençaux et languedociens l’emportent finalement sur la tentation de la clandestinité ou de la fuite.
10La communauté des gourdiecs de Belle-Île-en-Mer, à laquelle Christophe Cérino consacre son étude pour le xviiie siècle, apparaît riche d’enseignements pour notre connaissance d’une population de gens de mer malaisée à repérer sur tous les littoraux du royaume, celle des pêcheurs à pied. Constituant un groupe situé à l’interface de la pêche sardinière, de l’activité agricole et de la libre cueillette des ressources de l’estran, les gourdiecs sont pleinement inscrits dans l’organisation sociale de l’île. En refusant de s’engager dans la possession d’une exploitation, ils se garantissent du poids des impositions foncières, tout en s’assurant une survie par une activité de pêche qui alimente leur consommation quotidienne et un petit commerce informel. La défiance des États de Bretagne vis-à-vis de cette population, qui risque d’échapper à la mobilisation lancée pour la réorganisation foncière de l’île après 1766, tranche à cet égard avec l’empathie des Bellilois pour des familles qu’ils fréquentent au quotidien. Elle se démarque aussi des descriptions des pêcheurs à pied données par Duhamel du Monceau, empreintes de préromantisme, fort éloignées finalement des rudes conditions de vie de ces gens de peu.
11À partir des archives de la Chambre municipale d’Assurances et d’Avaries d’Amsterdam, Thierry Alain parvient à reconstituer un corpus de près de 700 capitaines et de 1 000 marins ayant en commun d’avoir pratiqué le commerce maritime en Méditerranée au cours du xviiie siècle. Bien connue pour le xviie siècle, l’économie maritime des Province-Unies a suscité un nombre plus réduit d’études pour le dernier siècle de l’Ancien régime, les enquêtes sur le groupe des navigants hollandais en Méditerranée restant pour l’essentiel à mener. À partir des sources réunies, l’auteur relève les caractéristiques essentielles présentées par les équipages au départ ou à l’arrivée d’Amsterdam. Ne limitant pas leurs trajets à des lignes maritimes en droiture jusqu’à Smyrne, les capitaines attachés au premier port de Hollande pratiquent parfois la caravane méditerranéenne à bords de bâtiments de tonnage moyen. À l’instar des flottes nordiques, ils savent avec opportunité tirer profit de la neutralité fréquente de leurs pavillons. Souvent originaires des rives de la Baltique, d’Allemagne ou d’Angleterre, ces capitaines ne constituent durant leurs carrières que de modestes patrimoines, et apparaissent fortement liés par des solidarités confessionnelles que renforce une commune résidence dans la partie occidentale de la ville.
12Entrouvrant pour nous les caisses des navigants en Méditerranée, Claire Boër nous donne à voir ce qui constitue la partie la plus secrète de la vie quotidienne du marin provençal sous l’Ancien Régime. Les 63 inventaires après décès examinés, rendus obligatoires par l’ordonnance de la Marine d’août 1681, offrent en effet un aperçu des biens dont s’entoure le navigant pendant ses traversées. Au-delà d’un constat de dénuement souvent perceptible, la caisse emportée à bord est révélatrice de la spécialité du marin, calfat, capitaine ou simple matelot, mais aussi de la hiérarchie sociale qui caractérise l’équipage. Les biens du capitaine, instruments de navigation, boucles de chaussures ou épées, expriment ainsi autant son expertise que son autorité sur le navire. La faiblesse des linges de rechange chez les matelots, comme la rareté des objets de toilette disent clairement les rudes conditions des métiers de la mer au xviiie siècle, tandis que la présence remarquable de mouchoirs de poche ou de col, coupés dans les textiles en vogue au sein des sociétés du temps, sont plus le signe d’une réceptivité des marins aux nouveaux modes de consommations que d’une hypothétique identité maritime provençale.
13Faisant écho aux travaux de Gilbert Buti pour la période moderne, Laurent Pavlidis nous offre un portrait des gens de mer à Saint-Tropez entre la fin du xviiie siècle et le milieu du xxe siècle. Dans un contexte de progressive réduction numérique du groupe des navigants, il démontre la persistance d’une activité de petit cabotage qui fait de la cité provençale le deuxième port varois au xixe siècle. Riche de son sable, de son vin, de son liège ou de ses bois de construction ou de chauffage, Saint-Tropez alimente aussi la place marseillaise, et de nombreux ports du Ponant en officiers, capitaines, lieutenants ou seconds, qui embarquent sur les navires au long cours des grandes compagnies maritimes. L’existence d’un réseau établi entre les capitaines tropéziens, bien formés dans l’école d’hydrographie locale, et les armateurs marseillais, explique sans doute la lente décrue des gens de mer à Saint-Tropez, atténuée aussi par la vitalité de la flottille de pêche qui opère dans le golfe. Utilisant des sources variées, registres de matricules, minutes notariales, mémoires de capitaines ou ex-voto, Laurent Pavlidis révèle ainsi l’un des nouveaux chantiers de l’histoire du fait maritime, celui d’une approche prosopographique des gens de mer dans les ports du littoral méditerranéen français.
Acteurs du commerce maritime
14Le monde du négoce maritime et de ses différents protagonistes a formé un des principaux fils directeurs des recherches de Gilbert Buti depuis ses débuts dans la corporation des historiens. N’a-t-il pas fait son premier apprentissage dans le métier auprès de Charles Carrière, et avec Danielle Trichaud, en étudiant les marchands marseillais et le commerce de la cochenille mexicaine au xviiie siècle ?14 Attentif aux groupes comme aux individus, ses travaux se sont attachés à saisir ce monde d’acteurs marqué par une grande diversité de statuts, de pratiques et de fortunes15. Ils abordent des questions aussi diverses que les stratégies professionnelles de ces hommes, leurs modes d’expression ou leur insertion dans leur société ou dans les milieux extérieurs qui les ont accueillis16. L’étude des marchands marseillais et étrangers structure ce troisième chapitre. L’ouverture sur l’Atlantique, bien que minoritaire, permet néanmoins, à travers l’histoire de Lorient, d’aborder de manière plus spécifique la question des pouvoirs et des institutions politiques dans le destin des ports de commerce.
15La contribution d’Anne Brogini montre que l’essor du commerce maltais à la fin du xvie siècle en Méditerranée occidentale repose sur un élan économique provençal jusqu’alors demeuré assez mésestimé par les historiens. Il apparaît que les Marseillais, à l’instar des Nordiques qui élisent Livourne comme base essentielle des opérations vers le Levant, fondent en partie leur impulsion maritime sur l’île de Malte. Cette dernière, stratégiquement située, est placée sous autorité espagnole. Elle est cependant gérée par l’ordre religieux-militaire des Hospitaliers, au sein duquel les Français, et notamment les Provençaux, sont majoritaires dès le début du xviie siècle. Dès les années 1590, Malte constitue donc la principale escale commerciale, puis sanitaire, des marchands provençaux et phocéens se rendant en terre d’Islam, tant en Afrique du Nord (Tunis, Tripoli) qu’au Levant (Alexandrie et Smyrne). La situation de l’île permet la diversification de leurs activités et la ramification de leurs réseaux marchands entre les deux rives.
16Le monopole dont bénéficie durant un demi-siècle (1741-1793) la Compagnie royale d’Afrique sur le commerce des concessions françaises d’Afrique du Nord fait de cette entreprise un observatoire privilégié pour approcher les pratiques négociantes du xviiie siècle. La contribution d’Olivier Lopez propose de s’interroger sur ces pratiques et, plus spécifiquement, sur le rapport dialectique entre intérêt particulier et intérêt collectif dans le cadre spécifique d’une société commerciale semi-publique. Grâce à la mobilisation de sources jusque-là inexploitées, le travail de l’auteur offre une nouvelle lecture d’un antagonisme profond entre deux de ses principaux administrateurs, Pierre Jean Pignon et Gaspard Armény de Bénezet. Mises en lumière par une approche prosopographique, les luttes d’influence permettent de dessiner la construction des jeux de réseaux. Elles sont également vues d’une autre manière lorsqu’elles sont mises en parallèle avec une recherche des investissements personnels qui conduisent à s’éloigner quelque peu de l’essentielle liaison entre les deux rives méditerranéennes pour suivre des chemins de redistribution allant jusqu’à Fréjus, Cassis ou Saint-Tropez.
17André Lespagnol livre une étude sur les relations entre les milieux marchands malouins et marseillais durant les xviie et xviiie siècles. Malgré la distance, les dissemblances et les différences d’échelle, les deux cités portuaires ont entretenu d’intenses rapports maritimes, commerciaux et financiers. Au-delà du plus visible, c’est-à-dire la fréquentation régulière et parfois massive du port phocéen par des dizaines de navires malouins-terre-neuviers venant décharger leurs cargaisons de morue et, après 1688, des frégates apportant de Cadix cochenille et piastres, se sont nouées des relations plus profondes et plus subtiles entre négociants marseillais et malouins (de Cadix autant que de Saint-Malo), sur la base d’échanges de services commerciaux et financiers (commission, assurances, change) et de participations croisées dans des grandes entreprises et opérations à risque comme celles en direction de l’Amérique espagnole. Le point ultime de cette symbiose est l’installation de négociants malouins sur la place phocéenne, qui, venus de Cadix dans les années 1680, lança les Marseillais sur les routes de la Mer du sud et des grands trafics océaniques.
18Gérard Le Bouëdec se penche sur l’histoire de Lorient, une ville-port longtemps placée sous la tutelle étatique à travers les compagnies des Indes ou la Marine. De l’Ancien Régime au xxe siècle, l’État est resté longtemps le dispensateur des richesses et de l’emploi, et donc le maître de l’avenir de la cité, même si la diversification des activités portuaires à partir de la fin du xixe siècle, autour du port de commerce et surtout du port de pêche, corrige quelque peu le profil monolithique lorientais. Cette situation n’est pas incompatible avec une certaine réussite, ce qui pose, bien sûr, quand tout semble se décider dans la capitale, la question du rôle des acteurs locaux qu’ils soient politiques (maires et députés) ou économiques (chambres de commerce, entrepreneurs et ingénieurs des ports). Cette contribution tente de mesurer leur degré d’émancipation et d’initiative. Les élus, jusqu’au rang de ministre, pèsent vraiment pour la première fois entre 1890 et 1926, pour défendre le modèle militaire mais aussi soutenir l’activité halieutique. Cette dernière, tout en assurant à la puissance publique un rôle d’intervenant privilégié, offre une échappée belle aux acteurs économiques locaux.
Réseaux, trafics et routes maritimes
19Comment se constituent les réseaux marchands, comment parviennent-ils à jeter leurs filets à travers le bassin méditerranéen ou à les projeter au-delà des océans, comment se recomposent-ils lorsque les ressacs de la politique et de l’économie remettent ponctuellement ou durablement en cause l’existence d’un « chemin de mer »17 ou limitent l’accès à un marché ? Sensible à l’idée que le monde méditerranéen n’existe que par la circulation d’hommes et de femmes qui, au fil des siècles, ont sillonné la mer en quêtes de profits, d’aventure ou de sécurité18, Gilbert Buti a inlassablement exploré et analysé les modes de fonctionnement des réseaux marchands liés aux trafics et aux routes maritimes, que ce soit à l’échelle des « colporteurs des mers et caravaneurs en Méditerranée occidentale »19 – profondément revalorisée par ses approches – ou à travers l’étude, dans le sillage des travaux de Charles Carrière, des multiples connexions qui, au xviiie siècle, font du port de Marseille une escale importante dans les échanges maritimes internationaux20. Il en ressort des représentations renouvelées – plus complexes aussi – du réseau portuaire21 et des circuits d’échanges initiés par les communautés marchandes du littoral provençal22, des dynamiques des marchés dans lesquels elles évoluent, des liens « faibles » ou « forts » engendrés par leurs circulations, des relations internes23 ou entretenues avec les institutions économiques et politiques24, mais aussi de la nature des produits transportés et du mode de fonctionnement de ces réseaux comme, par exemple, dans leur relation à la fraude25 ou dans le maniement et la maîtrise langagière au service de la marchandise26. Les textes présentés ci-dessous s’inscrivent dans la même démarche et soulignent – s’il en était encore besoin – toute la richesse de ces approches.
20Celui de Guillaume Calafat, tout d’abord. À partir de l’analyse de la correspondance active des consuls des nations françaises de Méditerranée, l’auteur montre à quel point les réseaux marchands contribuent non seulement à la circulation des marchandises, mais jouent aussi un rôle majeur comme sources de renseignements au cours des xviie et xviiie siècles. Grâce aux consuls en poste à Livourne, la Chambre de commerce de Marseille est ainsi régulièrement informée de l’importance du trafic français à Livourne, des fraudes sur la perception des droits de cottimo et de 20 % ou de la situation du marché des esclaves « turcs » en Méditerranée, des captifs particulièrement recherchés par les intendants des galères de Marseille et Toulon, tandis que les armateurs marseillais, davantage soucieux de préserver leurs bonnes relations avec les Régences, évitent de trop s’y engager. Guillaume Calafat démontre aussi comment la circulation de l’information sur les risques contagieux et sur les mesures prises par le port toscan pour s’en prémunir, participe grandement – lorsqu’elle n’est pas instrumentalisée à des fins commerciales – à l’évolution des pratiques marseillaises de la santé et à l’uniformisation de la discipline sanitaire à l’échelle du bassin méditerranéen. Les archives de la Chambre de commerce de Marseille conservent également les lettres des « agents » qui représentaient cette institution à Livourne. Dans la seconde moitié du xviie siècle, ces derniers aident à la perception des taxes. Ils offrent ainsi des statistiques intéressantes sur le trafic maritime français dans les dernières décennies du xviie siècle, montrant que Livourne peut également être une source importante de revenus pour la Chambre de commerce et l’entreprise maritime provençale. Au final, ce travail sur les consuls et les « agents » français à Livourne permet de mettre au jour les intérêts partagés, les complémentarités et les tensions qui peuvent exister à l’intérieur des milieux marchands et maritimes français, provençaux et marseillais au cours de l’époque moderne.
21Réseaux encore, avec la contribution de Nicole Bardiot qui analyse comment la poudre purgative inventée par un modeste médecin de Lourmarin, dans le Vaucluse, parvient à dépasser l’échelle régionale pour être vendue dans l’ensemble du royaume, puis dans le monde entier. Au-delà de l’efficacité du produit – dûment constatée par l’État, puis confirmée par le bouche à oreille – et d’un mode de conditionnement pratique et peu onéreux, l’auteure identifie les différents éléments qui ont permis le succès international de cette « spécialité » confectionnée à partir de plantes médicinales cueillies dans les Alpes provençales : l’usage des réseaux des ordres religieux, notamment à l’étranger et dans les colonies, les hommes d’Église conservant une position et une réputation solide dans les pratiques de santé ; le recours aux marins passant par Marseille (capitaines, seconds, chirurgiens de bord, subrécargues etc.) qui font ainsi office de commis voyageurs ; la durée, puisque la vente amorcée en 1705 par le docteur Jean Ailhaud est assurée pendant plusieurs générations jusqu’à la fin du xixe siècle où des médecins de la famille continuent à vendre le remède de leur ancêtre. Les analyses de Nicole Bardiot permettent aussi de reconstituer les méthodes commerciales employées pour la vente de ce remède et de connaître l’organisation géographique et sociale de ce réseau jusqu’au maillon le plus simple : les débitants. Elle réussit ainsi à lever le voile sur le monde méconnu et néanmoins essentiel de l’intermédiaire ultime entre le produit et le consommateur.
22Réseaux toujours, dans un registre différent, avec le texte proposé par Xavier Daumalin sur l’organisation, depuis Marseille, du premier tour de la Méditerranée en navire à vapeur (1836). L’analyse du manuscrit de Joseph Édouard Vence, fils et collaborateur de Joseph Laurent Vence responsable des travaux auprès de l’industriel et armateur Louis Benet, permet de suivre jour après jour l’emboîtement des différents éléments du réseau qui se met en place pour assurer le transfert des informations et des compétences nécessaires à la construction et au lancement du premier navire à vapeur jamais réalisé par un industriel local. Il apparaît ainsi que dans la Provence de la première moitié du xixe siècle, la technologie de la vapeur appliquée au transport maritime est entièrement dominée par les Britanniques, que ce soit pour la fourniture des plans, du système de propulsion (Miller & Ravenhill), dans le choix du système de mesure – des pieds anglais –, de la langue, pour la surveillance des travaux (assurée par l’ingénieur Evans) ou le fonctionnement régulier du navire pendant son périple (engagement du mécanicien Charles Halton). Xavier Daumalin montre encore comment le transport maritime à vapeur est d’emblée l’enjeu d’un bras de fer politique entre l’État – soucieux de renforcer la présence commerciale et politique de la France en Méditerranée orientale – et les intérêts privés marseillais, davantage enclins à étendre et à pérenniser leur présence en Algérie, malgré les réserves ou les hésitations du gouvernement.
23La concurrence des réseaux et l’instrumentalisation de cette concurrence à des fins politiques, apparaissent encore plus nettement dans les analyses que Christopher Denis-Delacour et Mathieu Grenet réservent aux relations entre la Compagnie royale d’Afrique et les régences maghrébines au cours du xviiie siècle. S’appuyant sur plusieurs procès – contre le capitaine livournais François Augustin (1748), puis contre le capitaine vénitien Jean Vianello (1770) – , les auteurs démontrent comment les autorités maghrébines de l’époque – le Dey d’Alger ou le Bey de Constantine – contournent le monopole de l’exclusif dont la compagnie bénéficie depuis les ordonnances royales de 1741, en accordant leur protection, au nom d’un système concessionnaire fondé sur la mise en concurrence des puissances bénéficiaires, à des réseaux marchands interlopes qui parviennent à capter une part importante du trafic des blés, des laines ou d’autres produits. La concurrence des réseaux légaux et illégaux – du point de vue français s’entend – apparaît ainsi au cœur des stratégies de cession/appropriation de parcelles de souveraineté et des relations entre acteurs marchands privés ou appuyés par l’État. Elle révèle aussi le caractère aléatoire, pour ne pas dire illusoire, des politiques économiques fondées sur le système de l’exclusif dans cette partie du bassin méditerranéen.
Produits de la mer, produits sur mer
24L’entrée par les produits a régulièrement été choisie par Gilbert Buti pour conduire ses recherches sur les sociétés littorales et les économies maritimes. Par cette approche, se décryptent avec finesse et sur du concret « matériel » les archives permettant de saisir les activités de collecte des ressources de la mer, leur transformation, leur commercialisation et leur consommation. Il suffit de lire ses travaux sur les madragues et sur le corail pour se rendre compte des apports de cette démarche27. En travaillant de la sorte, ce sont les acteurs qui sont saisis au plus près de leurs pratiques, depuis la perception de leur milieu d’activités jusqu’à la gestion des ressources offertes par leur environnement28. Au-delà des produits marins, Gilbert Buti s’est aussi intéressé, dans le cadre de la mer comme vecteur des échanges, aux produits voyageurs, ceux qui empruntaient la mer à court ou long rayon. Nous trouvons ici le vin et les fruits des vergers de Provence, le corail rouge de Méditerranée sur les routes de l’Asie, les blés de mer, vitaux dans la résolution des crises frumentaires, le café réceptionné du Yémen et des Caraïbes et en partance vers les Échelles du Levant, et, bien entendu, la cochenille, petit insecte au pouvoir colorant unique et placé au cœur d’une toile reliant le Mexique, Cadix, Marseille, le Languedoc, Smyrne et Alep29. Ce thème des produits sur mer permet de mettre en lumière et de comprendre les ressorts des connexions de territoires proches ou beaucoup plus lointains, de saisir les transformations réciproques dans les sociétés d’envoi et de réception, d’identifier les capacités d’action des acteurs à l’intérieur de chaînes commerciales de longueurs très variables, depuis les producteurs jusqu’aux consommateurs finaux. C’est à l’aune de ces différentes remarques qu’il faut lire les cinq dernières contributions de cet ouvrage.
25Avec l’étude de l’insertion de la firme toulousaine Gloton et de sa succursale marseillaise dans le négoce de la soie en Méditerranée au début du xviie siècle, Gaëlle Lapeyrie aborde la question encore largement en friche du commerce français au Levant entre les Capitulations de 1535 et l’édit d’affranchissement du port de Marseille de 1669. L’enjeu est de taille car il s’agit de comprendre, dans une période marquée par la fin de la domination italienne et la montée en puissance des acteurs nord-européens, comment la cité phocéenne a gagné l’importance de sa place dans le commerce levantin. Grâce à une analyse de la comptabilité de l’entreprise, l’auteure révèle les stratégies développées et les pratiques mises en place par la firme toulousaine et ses partenaires pour capter et gérer les principaux mouvements du trafic des soies brutes persanes et syriennes. Le prix des marchandises, leurs qualités, les modalités du transport maritime et les ressorts de la distribution finale sont analysés pour saisir l’ensemble d’une chaîne commerciale complexe. Au terme de l’étude, il apparaît que l’activité innovante de la maison Gloton dans le commerce des soies brutes est un bon exemple de la capacité du négoce français à créer les conditions d’une prospérité nouvelle, permettant de concurrencer avec efficacité les Italiens et fortifiant les relations du port de Marseille avec les Échelles levantines.
26Daniel Faget aborde la question des pêches sur les rives nord-occidentales du bassin méditerranéen aux xviie et xviiie siècles avec l’exemple catalan des fontaines de Salses. Par l’étude d’un ensemble de sources variées, depuis des actes notariés jusqu’aux livres de comptes des fermages, et grâce à l’outil informatique, l’auteur restitue les particularités de la collecte d’espèces amphihalines – notamment de muges – dans un cours d’eau intérieur relié à un milieu lagunaire. Le régime juridique d’exploitation, les techniques utilisées, la diversité des acteurs impliqués dans l’activité, la question de la gestion des ressources et l’approvisionnement des réseaux de distribution sont mis au jour pour offrir une approche globale des ressorts et des productions de ces pêcheries. Cette étude apporte un éclairage local sur la porosité des cultures maritimes dans la Méditerranée de l’époque moderne, sur l’extrême variété des pratiques halieutiques dans cet espace et sur la juxtaposition encore mal connue des différentes échelles de la distribution du poisson dans la mer intérieure.
27Avec le tabac, Philippe Hroděj s’intéresse aux produits cultivés aux Amériques et exportés vers le Vieux Continent. Aux origines de la colonisation de Saint-Domingue coexistent les activités générées par la chasse, les cuirs que vendent les boucaniers à la Tortue, et le « pétun ». Très vite le tabac devient une culture indispensable, non seulement comme marchandise de troc, mais comme seul moyen de véritablement peupler la Tortue puis la Grande Terre. On parle de culture peuplante. La pratique culturale est peu gourmande en moyens. Sans réel capital, des familles s’établissent, des engagés sont recrutés pour travailler dans les « pièces à tabac », des esclaves, Indiens ou Africains, les rejoignent peu à peu. La « drogue » connaît des hauts et des bas. Elle est mise en ferme en 1674. Le renouvellement du bail est ponctué d’épisodes de révoltes préoccupantes, attisées par les Néerlandais. Le déclin est alors rapide. L’indigo puis la canne à sucre relèguent progressivement le tabac au rang de bout de cargaisons sans le faire totalement disparaître.
28Sébastien Lupo s’intéresse au commerce de la cochenille par l’élite du monde marchand marseillais. Formée par les négociants, cette dernière se développe au xviiie siècle en s’investissant particulièrement dans le commerce international. Dans le port mondial de Marseille, la maison Roux en offre un exemple très documenté. Elle dispose de moyens financiers et relationnels d’envergure grâce à un vaste réseau de correspondants. Parmi les articles échangés, les négociants affichent une prédilection pour les plus rares et onéreux, susceptibles d’offrir les meilleurs profits, comme la cochenille, réputée pour ses propriétés tinctoriales. Récoltée en Nouvelle-Espagne, elle ne gagne l’Europe que par Cadix avant d’être exportée, toujours par voie maritime, vers les centres de production textile. Le réseau des Roux, qui s’étend notamment sur l’Espagne, le Levant et le Languedoc, se conforme aux exigences de ce trafic. Or, en dépit d’un intérêt indéniable et d’un contexte diplomatique favorable, Sébastien Lupo montre que cette activité n’affleure que sporadiquement. Les Roux peinent à structurer une chaîne commerciale efficace. Leurs arbitrages révèlent une grande circonspection qui confine à l’apathie. L’analyse incrimine plutôt la circulation des informations, une organisation inadaptée et des divergences d’intérêts que l’indolence des acteurs. Le rôle intégrateur de la cochenille dans le réseau des Roux apparaît médiocre et la Méditerranée s’apparente à une discontinuité, une frontière.
29Avec l’exportation du corail rouge de Méditerranée depuis Marseille vers l’Asie à la fin du xviie siècle, Olivier Raveux montre comment les ressources de la mer ont joué un rôle important et souvent méconnu dans les échanges intercontinentaux de l’époque moderne. Par l’analyse de quelques ventes de corail du marchand marseillais François Garnier et de son commissionnaire François Tiran à Smyrne autour de l’année 1680, cette contribution souligne la grande variété des maillons et des moyens de la circulation des marchandises à l’œuvre dans le commerce de longue distance durant la période où se structurent avec plus d’intensité les relations entre l’Europe, l’Asie et l’Amérique. Elle examine notamment le travail des négociants marseillais et arméniens dans une niche commerciale difficile, mais apportant de confortables bénéfices quand les produits sont de qualité et les caractéristiques du marché bien perçus. Cette étude met également en évidence l’impact de la particularité des produits sur les stratégies des hommes qui en font le négoce et sur la construction des chaînes qui permettent de les faire voyager.
30Avant de larguer les amarres et de laisser la parole aux auteurs, il nous reste à souligner le caractère à la fois partiel et exploratoire de notre entreprise éditoriale. Si l’histoire maritime a su se rénover au cours des trois décennies pour devenir un champ de recherches profondément novateur et capable d’éclairer, par ses questionnements et ses recherches, le fonctionnement des sociétés passées et présentes, il reste encore beaucoup à faire. Les contributions rassemblées ici ne peuvent aborder que quelques pistes de recherche ouvertes par les travaux de Gilbert Buti. En suscitant de nouvelles recherches, puisse cette contribution augmenter le nombre de ceux entraînés dans le sillage.
Notes de bas de page
1 Cette thèse intitulée « Activités maritimes et gens de mer à Saint-Tropez (mi xviie-début xixe siècles). Contribution à l’étude des économies maritimes » a été soutenue en 2000 à l’École des hautes études en sciences sociales, puis publiée sous le titre Les Chemins de la mer. Un petit port méditerranéen : Saint-Tropez (xviie-xviiie siècles), Rennes, PUR, 2010, 498 p. Sans indication, les articles et ouvrages cités dans cette introduction ont été rédigés par Gilbert Buti.
2 « Commerce honteux pour négociants vertueux à Marseille au xviiie siècle ? », dans Éric Saunier, dir., « Villes portuaires du commerce triangulaire à l’abolition de l’esclavage », Cahiers de l’histoire et des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions, n° 1, 2008, p. 199-219 ; « Gens de couleur et esclaves en Provence au xviiie siècle », Cahiers des Anneaux de la Mémoire, n° 13, 2010, p. 307-325.
3 « Images sur soi, images de soi. Tatouages, tatoués et tatoueurs dans la marine en France (fin xviiie siècle-début xixe siècle) », dans Sylviane Llinares, dir., Avec vue sur la mer, Paris, CTHS-électronique, 2011, p. 55-65.
4 « Femmes d’affaires maritimes en France méditerranéenne au xviiie siècle », dans Jacques Guilhaumou, Karine Lambert, Anne Montenach, dir., Genre, Révolution, Transgression, Aix-en-Provence, PUP, 2015, p. 267-276.
5 Deux exemples : « Aller en caravane : le cabotage lointain en Méditerranée, xviie et xviiie siècles », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, n° 52-1, janvier-mars 2005, p. 7-38 ; « Marseille, la péninsule Ibérique et les empires américains (1659-1793) : “Le soleil des affaires se lève aussi à l’Ouest” », Revue d’Histoire maritime, n° 13, 2011, p. 211-232
6 « Préface », dans Éric Saunier, dir., Les Francs-maçons et la mer, de la loge au quai, Paris, Musée de la Franc-maçonnerie, 2015.
7 « Langue des ports, langue des marins. La Lingua franca en Méditerranée », dans Marie-Laure Griffaton et Alain Cabantous, dir., Ports d’Europe en quête de nouveaux mondes, Dunkerque, Musée portuaire de Dunkerque, 2013, p. 82-85.
8 « Œil de verre et jambe de bois ? Les invalides de la marine du quartier maritime de Marseille au xviiie siècle » dans Gilbert Buti et Anne Carol, dir., Comportements, croyances et mémoires. Europe méridionale xve-xxe siècle. Études offertes à Régis Bertrand, Aix-en-Provence, PUP, 2007, p. 57-70.
9 Alain Cabantous, André Lespagnol et Françoise Perron, dir., Les Français, la terre et la mer (xiiie-xxe siècle), Paris, Fayard, 2005, 902 p. (Gilbert Buti a participé à la rédaction de plusieurs chapitres de cet ouvrage).
10 « Entre “fortunes de mer” et “honnêtes profits”. Marins provençaux au xviiie siècle », dans Gérard Chastagnaret, Jean-Claude Daumas, Antonio Escudero et Olivier Raveux, dir., Los niveles de vida en España y Francia (siglos xviii-xx) In Memoriam Gérard Gayot, Alicante, Université d’Alicante et UMR-Telemme-Université de Provence, 2010, p. 267-284.
11 « Commerce honteux pour négociants vertueux… », art. cit.
12 « Du comptoir à la toge. Antoine Anthoine : négoce, familles et pouvoirs en Provence au xviiie siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 112, 2005, n° 4, p. 201-215.
13 « Gens de mer et du terroir : capitaines-vignerons et marins-forestiers de la France méditerranéenne au xviiie siècle », dans Christophe Cérino, Aliette Geistdoerfer, Gérard Le Bouëdec et François Ploux, dir., Entre terre et mer. Sociétés littorales et pluriactivités (xve-xxe siècle), Rennes, PUR, 2004, p. 147-162.
14 Gilbert Buti et Danielle Trichaud, « Le marché marseillais de la cochenille au xviiie siècle », Aix-en-Provence, mémoire de maîtrise d’histoire de l’Université de Provence, 1972.
15 « Marchands caravaniers de La Seyne dans les Échelles du Levant au xviiie siècle », Regards sur l’histoire de La Seyne-sur-mer, n° 6, 2006, p. 35- 42 ; « Femmes d’affaires maritimes… », art. cit. ; « Des Ruyter sur les rives de la Méditerranée (fin xviie-début xixe siècle) », dans Christian Borde et Christian Pfister, dir., Histoire navale, histoire maritime. Mélanges offerts à Patrick Villiers, Paris, SPM, 2012, p. 17-27 ; « Du comptoir à la toge… », art. cit. ; « Commercianti di lingua tedesca a Marsiglia nella seconda metà del xviii secolo », dans Teresa Colletta, dir., Città portuali del Mediterraneo. Luoghi dello scambio commerciale e colonie di mercanti stranieri tra Medioevo ed età moderna, Milano, Franco Angeli 2012, p. 290-301.
16 Trois exemples : « Pratiques marchandes au temps des troubles et des incertitudes. Le cas de Marseille au xviiie siècle », The Historical Review. La Revue historique, vol. VII, 2010, p. 23-36 ; « Langues et langages des capitaines marchands de Marseille au xviiie siècle », dans Gilbert Buti, Michèle Janin-Thivos et Olivier Raveux, dir., Langues et langages du commerce en Méditerranée et en Europe à l’époque moderne, Aix-en-Provence, PUP, 2013, p. 127-148 ; « Commerce honteux pour négociants vertueux… », art. cit.
17 « Le “chemin de la mer” ou le petit cabotage en Provence (xviie-xviiie siècles) », Provence historique, fasc. 201, juillet-septembre 2000, p. 297-320.
18 Antony Molho, Diogo Ramada Curto, « Les réseaux marchands à l’époque moderne », Annales. Histoire, Sciences, Sociales, 2003-3, 58e année, p. 572.
19 « Colporteurs des mers et caravaneurs en Méditerranée occidentale. L’exemple des relations entre la France méridionale et l’Italie du Sud au xviiie siècle », dans Biagio Salvenini, dir., Lo spazio terrenico nella ‘grande transformazione’. Merci, uomini e istituzioni nel Settecento e nel primo Ottocento, Bari, Edipuglia, 2009, p. 263-286 ; « Aller en caravane… », art. cit.
20 « Marseille au xviiie siècle : réseaux d’un port mondial », dans Michèle Collin, dir., Ville et port, xviie-xxe siècles, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 209-222.
21 « Port de Méditerranée (fin du xviiie siècle- début xixe). Qu’est-ce qu’un port méditerranéen ? », dans Antonio Morales Moya, dir., 1802. Espana entre dos siglos. Ciencia y Economia, Madrid, SECC, 2003, p. 377-400.
22 « Perception, construction et utilisation de l’espace. D’Oaxaca à Bassorah : les négociants marseillais et la cochenille mexicaine au xviiie siècle », dans Paul Aubert, Gérard Chastagnaret et Olivier Raveux, dir., Construire des mondes. Élites et espaces en Méditerranée, xvie-xxe siècle, Aix-en-Provence, PUP, 2005, p. 251-268.
23 « Commercianti di lingua tedesca… », art. cit.
24 « Pratiques et contrôles de la circulation maritime en Méditerranée (1680-1780) », dans Lucien Bély, dir., Les circulations internationales en Europe (1680-1780), Paris, PUPS, 2011, p. 11-43.
25 « Territoires et acteurs de la fraude à Marseille au xviiiesiècle », dans Marguerite Figeac-Monthus, Christophe Lastécouères, dir., Territoires de l’illicite : ports et îles. De la fraude au contrôle (xvie-xxe siècle), Paris, Armand Colin, 2012, p. 157-172.
26 Gilbert Buti, Michèle Janin-Thivos et Olivier Raveux, dir., Langues et langages du commerce…, op. cit.
27 « Madragues tropéziennes, xviie-xixe siècle », dans Éric Barré, Élisabeth Ridel et André Zysberg, dir., Ils vivent avec le rivage. Pêche côtière et exploitation du littoral, Histoire maritime, n° 2, Caen, 2005, p. 27-44 ; « Usages de la mer et conflits d’usage. Madragues et pêcheurs en Provence (xviie-xixe siècle) », Bulletin de la Société des Amis du Vieux Toulon et de sa région, 2009, n° 131, p. 233-260 ; « Une intégration marseillaise dans la filière du corail : la manufacture royale Miraillet, Rémuzat & Cie (1781-1792) », Revue d’Histoire maritime (avec Olivier Raveux, à paraître en 2016).
28 « Techniques de pêche et protection des ressources halieutiques en France méditerranéenne (xviie-xixe siècle), dans Pesci, barche, pescatori nell’area mediterranea dal medioevo all’età contemporanea, Milan, Franco Angeli, 2010, p. 105-122.
29 Quelques exemples : « Marseille entre Moka et café des îles : espaces, flux et réseaux (xviie-xviiie siècles) », dans Michel Tuchscherer, dir., Le commerce du café avant l’ère des plantations coloniales : espaces, réseaux, sociétés (xve-xixe siècle), Le Caire, Institut français d’archéologie orientale, 2001, p. 213-244 ; « Crise frumentaire et commerce international au xviiie siècle : Marseille et la crise andalouse de 1753 », dans Jean-Louis Miège, dir., Les céréales en Méditerranée. Histoire, Anthropologie, Économie, Marseille, cnrs-Éditions, 1993, p. 109-128 (avec Charles Carrière) ; « Perception, construction et utilisation de l’espace. D’Oaxaca à Bassorah… », art. cit.
Auteurs
Aix Marseille Universités, CNRS, UMR 7303 Telemme
Aix Marseille Universités, CNRS, UMR 7303 Telemme
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