Conspirateurs et régicides devant le parlement de Paris au lendemain de l’assassinat d’Henri IV (1610)
Conspirators, regicides and malcontents at the Parlement de Paris in the wake of the assassination of Henri IV
p. 277-296
Résumés
Cet article propose une histoire non-événementielle de l’événement inouï que constitue l’assassinat d’Henri IV, le 14 mai 1610, non pas pour lui-même mais pour étudier son retentissement à travers le royaume et à l’échelle des réactions ordinaires. Les plumitifs de la chambre criminelle du parlement de Paris permettent de retracer les poursuites judiciaires menées à l’encontre d’auteurs de gestes et de paroles considérés comme des menaces à l’intégrité du roi, de l’État et de l’ordre public. Alors que déjà s’érige la légende henricienne, ces individus, possibles criminels de lèse-majesté, sont-ils pour autant des Ravaillac en puissance ou même simplement en pensée ? Ou cela relève-t-il de la simple jactance de taverne et du processus normal de circulation de l’information ? Il s’agit de prendre au sérieux les « bruits » qui entourent la mort du roi grâce auxquels on peut avoir prise sur une forme d’expression politique « populaire » voire une opinion publique commune, rarement audible et souvent disqualifiée, exceptionnellement rendue accessible.
This article proposes a non-event-driven analysis of the extraordinary event that was the assassination of Henri IV on 14 May 1610. The assassination is not examined in itself but in its many repercussions across the kingdom and as expressed in ordinary reactions. The proceedings of the Criminal Court at the Parlement de Paris allow us to trace the judicial prosecutions against those whose words or acts were considered as threats to the king, the state and public order. At a time when the legend of King Henri was already emerging, were these individuals would-be Ravaillacs, beyond their objectionable words or possible lèse-majesté offences? Or were their words merely tavern talk and part of the normal process by which information circulates? The aim of this study is to take into account the various forms of “noise” that surrounded the death of the king, which provide insight into a form of popular political expression, or even common public opinion, which is otherwise rarely audible and most often discredited.
Texte intégral
Il n’est pas temps de croire la conjuration contre les princes quand ils sont occis par les conjurés.
Jean de Montlyard, L’Inventaire de l’Histoire de France, 16171
1Sur une gravure célèbre de 1757 on peut voir, par un jeu de symétrie, le régicide Damiens faire face à Ravaillac, son double monstrueux, tous deux attendant dans la geôle l’heure de leur supplice2. Que celui qui a osé lever la main sur Louis XV ait été surnommé, comme d’autres après lui, « le nouveau Ravaillac » souligne assez la place unique qu’occupe l’assassinat d’Henri IV dans la mémoire collective. Il est le point de départ d’une série mémorable d’éliminations brutales de rois, meurtres réussis, entrepris ou au moins projetés qui, dans l’histoire de la monarchie française, sont pourtant exceptionnels3. Même rarement accompli, le régicide demeure un lieu commun de l’imaginaire et une donnée permanente de l’institution royale en France en ce qu’il interroge la légitimité dynastique4.
2L’histoire de l’assassinat d’Henri IV par le fanatique François Ravaillac a été largement faite5 : il ne s’agira pas ici de revenir sur le drame sanglant survenu le 14 mai 1610, vers 4 heures de l’après-midi, rue de la Ferronnerie, en plein Paris, ni sur ce qui constitue son pendant spectaculaire, le supplice de Ravaillac, écartelé en place de Grève le 27 mai suivant. Pas plus qu’on ne trouvera dans les lignes qui suivent de nouvelle preuve ou hypothèse apportée au débat sur la théorie du complot, conférant encore souvent à l’assassinat d’Henri IV le statut de grande énigme de l’histoire de France. La démarche proposée ici est tout autre puisqu’il s’agit de tenter une histoire non-événementielle de l’événement. Une telle approche par le « paradoxe de l’événement » s’inscrit dans une lignée historiographique déjà ancienne. Pour Pierre Nora, en 1972,
l’événement témoigne moins pour ce qu’il traduit que pour ce qu’il révèle, moins pour ce qu’il est que pour ce qu’il déclenche. Sa signification s’absorbe dans son retentissement ; il n’est qu’un écho, un miroir de la société, un trou6.
3Dans cette optique, l’attentat politique offre un matériau de choix pour l’historien, comme en témoignent les études menées depuis L’assassinat d’Henri IV de Roland Mousnier en 1964 à Un meurtre, une société, de Bernard Guenée en 1992, parus chez Gallimard dans la collection des « Journées qui ont fait la France ». Très récemment, Gilles Malandain a fait à son tour, à propos de l’assassinat du duc de Berry en 1820, la démonstration de la « fécondité heuristique de l’attentat politique, geste simple et spectaculaire qui se dépasse toujours lui-même, pour ouvrir une “brèche” plus ou moins large dans le cours ordinaire des choses7 ».
4En postulant que ce sont les réactions qui « font » l’événement et ses conséquences autant que le geste régicide réel, cette étude propose de s’engouffrer, à nouveaux frais, dans la brèche produite par l’assassinat d’Henri IV et d’en étudier le retentissement. Roland Mousnier avait centré son analyse sur les conditions du tyrannicide et la construction de l’absolutisme8. Michel Cassan s’est quant à lui récemment intéressé aux réactions municipales et à la parole officielle de l’appareil d’État. En reconstituant la diffusion des nouvelles au jour le jour, il a révélé les mécanismes de la formation et de la circulation de l’information politique ainsi que l’action du pouvoir royal et des autorités locales afin de contenir la « Grande Peur » et les risques de troubles9. Quant aux témoignages laissés par la littérature des livres de raison, fortement façonnées par l’information officielle10, ils livrent peu d’indications sur les sentiments ou du moins les réactions ordinaires à l’attentat. Mon ambition consiste à rechercher l’impact de l’événement dans les traces laissées, dans les jours et les mois qui suivent l’assassinat, par les poursuites judiciaires à l’encontre des auteurs de gestes et de paroles considérés comme des menaces à l’intégrité du roi, de l’État et de l’ordre public. Certainement les « Ravaillac en pensée », voire les « Ravaillac en puissance11 » ne sont-ils pas aussi nombreux que la Couronne et les magistrats ont pu le craindre. Sans doute les « bruits » saisis au vol par la justice relèvent-ils pour la plupart de la jactance ou du fantasme. Mais bien qu’isolés, ces comportements mis en perspective permettent de mesurer l’onde de choc produite et laissent deviner « l’extraordinaire fermentation des esprits en ces premiers mois de 161012 ». Ils offrent, en outre, l’occasion rare d’avoir prise – même partielle, même déformée, même indirecte – sur une parole généralement inaudible et une forme d’expression politique « populaire » le plus souvent disqualifiée. Le surgissement de l’événement violent et inouï ouvre ainsi l’accès à une « parole tronquée, dénigrée, mais foisonnante13 », enfouie le reste du temps, révélée par l’archive judiciaire.
Sources : l’événement devant la justice
5Au soir du 14 mai 1610, Paris est sous le choc. Dans un passage bien connu de son Registre-Journal, Pierre de l’Estoile décrit la stupéfaction, l’« effroy et estonnement au cœur » du peuple parisien à l’annonce de la mort du roi :
[…] on vid, en un instant la face de Paris toute changée […]. Les boutiques se ferment ; chacun crie, pleure et se lamente, grands et petits, jeunes et vieux ; les femmes et les filles s’en prennent aux cheveux. Et cependant tout le monde se tient quoy : au lieu de courir aux armes, on court aux prières et aux vœux pour la santé et la prospérité du nouveau Roy ; et toute la fureur du peuple, contre l’attente et intention des meschans, n’est tournée que contre ce parricide scélérat et ses complices, pour en avoir et poursuivre la vengeance14.
6Jakub Sobieski, un seigneur polonais de passage à Paris, relate de semblables scènes d’affolement collectif15. L’assassinat du roi est un choc retentissant, une commotion collective. Il est aussi vécu comme une calamité qui fait craindre le retour de la guerre civile. La minorité de Louis XIII et la perspective d’une régence suscitent une forte angoisse parmi les sujets. De fait, si les contemporains observent que l’effroi et la tristesse l’emportent sur la panique et la colère, des voix discordantes se font cependant entendre à Paris et dans le royaume. Dès le lendemain du drame, des individus se réjouissent publiquement de la mort d’Henri IV et applaudissent le « beau coup » du régicide16, médisent du feu roi ou même menassent le jeune roi et sa mère. La recherche des complices, des commanditaires, des admirateurs voire des imitateurs potentiels du geste de Ravaillac se poursuit dans un climat de forte tension et de peur d’un nouvel attentat. Jusqu’à l’automne 1610, L’Estoile rapporte ainsi une quinzaine d’arrestations. « Plusieurs fanatiques qui ne parlaient que de tuer Roys furent mis prisonniers, on en amena de divers endroits en la Conciergerie » lit-on encore dans le Mercure Français17. Quelles traces les archives du parlement de Paris portent-elles de l’événement et de ces poursuites ?
7Dans les registres des plumitifs de la chambre criminelle de la Tournelle, à la page du 14 mai 1610, figure la mention suivante :
Dudit jour de rellevée,
Sur les quatre à cinq heures du seoir, nouvelles sont venues au parlement que le Roy avoit esté tué d’un coup de cousteau, estant sa Majesté en son carrosse, accompaigné des sieurs d’Espernon, de Monbasson et de Rocquelaure18.
8À leur manière froide et protocolaire, les greffiers du parlement de Paris enregistrent le choc de l’événement inouï qui vient de saisir la capitale et bientôt le royaume tout entier. Le procès de François Ravaillac est mené promptement : l’un de ses interrogatoires se trouve une page plus loin dans le registre, à la date du 21 mai 1610. Mais au-delà du criminel fameux, l’intérêt et le caractère inédit de l’étude des archives du parlement de Paris réside dans l’ombre portée du régicide sur les pages suivantes du registre : parmi l’ordinaire sanglant du grand criminel jugé par la chambre de la Tournelle (meurtres, infanticides, incestes, vols domestiques, etc.), j’ai pu relever 27 cas de poursuites judiciaires liées à l’attentat contre le roi19. Le parlement de Paris jugeant pour l’essentiel en appel des sentences prononcées par des justices inférieures, les affaires arrivent devant la Tournelle avec un certain décalage chronologique, à partir du 12 juin 1610. Les registres plumitifs de la chambre criminelle du parlement de Paris portent la relation de l’ultime interrogatoire précédant le jugement définitif au grand criminel, avec mention de la peine prononcée. Délaissées des historiens du fait de leur écriture très difficile à déchiffrer, ces notes des greffiers, rédigées en forme de feuilles d’audience, comportent une information partielle qui manque souvent de précision et de cohérence. Mais comme l’indiquait Alfred Soman, un des rares historiens à s’y être aventuré20, elles sont indispensables pour combler l’absence des sacs des procès et le laconisme des registres d’arrêts de la plus haute cour de justice du royaume21.
9À ce corpus inédit, il faut ajouter cinq affaires jugées devant le tribunal seigneurial de Saint-Germain-des-Prés, aux portes de Paris. Ces informations criminelles sont exceptionnelles à l’échelle du fonds d’archives germanopratin puisqu’il est rare que l’événement vienne troubler le cours ordinaire des choses et laisser son empreinte sur le matériau lourd, répétitif et en apparence immobile des archives de la pratique judiciaire de première instance22. Ces documents ont l’avantage de fournir une documentation provenant de la base de l’édifice judiciaire, d’une justice subalterne de première instance, et comprenant des pièces d’instruction développées et des récits riches d’informations.
10L’ensemble de cette documentation parisienne offre ainsi la possibilité de connaître une partie de la poursuite judiciaire des crimes nés de l’assassinat d’Henri IV ou suscités par l’événement. De quels crimes s’agit-il ? Qui en sont les auteurs ? Enfin quel sort la justice leur réserve-t-elle ?
Contenus et crimes : mauvaises paroles, complots, régicides et crimes de lèse-majesté
11Les 27 individus interrogés devant le parlement de Paris entre juin et décembre 1610 sont poursuivis pour des paroles, voire des comportements, portant atteinte à la personne du roi et à la souveraineté de la Couronne. Les incriminations poursuivies, telles que les précisent les arrêts lorsqu’on a la chance de les avoir, se rapportent à des « propos seditieux23 », des « propos temeraires et insollens […] tenus et proferés contre l’honneur et respect deu au Roy et à son estat et au prejudice de ses eedictz et ordonnances et repos public24 », « pour raison de la meschanté detestable et damnable volonté qu’il a eue, meschant propos par luy proferez contre la majesté du roy25 », ou encore des « paroles insolentes et meschantes contre le roy26 ». Certains propos sont explicitement désignés comme des « crime[s] de leze-majesté27 ». Les motifs d’inculpation sont plus difficiles à déduire des seuls plumitifs, qui révèlent que les poursuites mêlent souvent plusieurs charges, de gravité variable et dont les contenus séditieux évoluent avec le temps et le cours de la vie politique durant ces mois troublés.
12Les archives criminelles confirment les observations de Pierre de l’Estoile lorsqu’il rapporte, scandalisé, qu’à l’annonce de l’assassinat d’Henri IV, plusieurs individus se seraient réjouis publiquement. En divers endroits du royaume, on loue le « coup du roi ». Ainsi cet habitant du Nivernais qui, lorsqu’on « luy vint dire que le bon roy estoit mort », aurait répondu « qu’il y a dix ans qu’il debvoit estre mort28 ». Certains applaudissent le geste de Ravaillac au motif « que le roy meritoit bien ce qui est arrivé ». Un habitant d’Amboise se serait écrié : « Voilà un beau coup, je l’attendois29 ! J’ay perdu du bien, j’en auray30 ». Au-delà de ces manifestations bruyantes et imprudentes de satisfaction, dont on analysera plus bas les différents arguments, l’inquiétude pour l’avenir pointe.
13La mort brutale d’Henri IV provoque en effet une situation dynastique délicate : immédiatement, l’établissement de la régence de Marie de Médicis et le lit de justice du 15 mai visent à asseoir la légitimité du jeune Louis XIII et de la reine. La Couronne n’est cependant pas à l’abri des critiques et les Français ne se privent pas de commenter cette nouvelle situation, de s’en émouvoir voire de contester l’autorité de la régente et du roi. Ainsi Benoist Niel, soldat arrêté dans le bailliage de Mâcon, aurait « dict que le roy estoit trop petit31 ». Près de Vendôme, à des soldats lui demandant « ce que l’on disoit du roy », un serviteur nommé Pierre Corbin « feit response qu’il [Louis XIII] disoit à sa mere qu’il ne vouloit estre roy et qu’on tuoit les rois32 ». C’est aussi ce que l’on raconte à Paris d’après Pierre de L’Estoile, qui rapporte la scène dans laquelle, le soir du drame, le petit prince aurait dit à son gouverneur : « Je voudrois […] n’estre point roy, et, que mon frère le fust plustost : car j’ay peur qu’on me tue, comme on a fait le Roy mon père33 ». La sécurité du roi est l’objet d’inquiétudes. On redoute que le jeune prince succombe à son tour, comme son père, sous les coups de poignard d’un nouveau Ravaillac et la thèse du complot gagne rapidement les esprits34. Jacques Verrier, cloutier demeurant à deux lieues d’Auxerre, est interrogé le 28 juin en ces termes : « S’il a pas dict que le roy estoit mort et qu’il en mourroit deulx dans la saint Remy et qu’il failloit que le daulphin mourrust et qu’il le sçavoit bien ? ». Le prévenu répond « qu’il n’en a jamais parlé, au contraire il a dict qu’il vouldroit avoir esté tué au lieu du roy35 », défense en forme de protestation de loyauté absolue utilisée à plusieurs reprises dans les plumitifs du parlement.
14La vie du jeune roi et de la reine est-elle réellement en danger ? Sans doute la bravade de ce garçon de treize ans, accusé de s’être vanté que « s’il avoit un caractere, il tueroit le petit roy » n’est-elle pas à prendre au sérieux. De fait, alors qu’en première instance le prévôt de Paris avait prononcé la peine de mort, les magistrats de la Tournelle se contentent, par arrêt du 14 juillet 1610, de le faire fustiger avant de le renvoyer auprès de sa mère36. Estienne La Ferriere apparaît comme un candidat plus crédible au régicide : le 31 juillet 1610, il est « trouvé saisy d’ung cousteau qu’il tenoit nud en la main lorsque le roy a passé » le chemin menant à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés ; immédiatement, ce soldat vagabond est suspecté d’avoir eu « envie de faire quelque coup ». Le prisonnier s’en défend et explique qu’« il passoit son chemin et ne songeoit point que le roy fust à Sainct-Germain », et qu’il ne « voulloit fere aucun mal » avec son couteau qu’il « tenoit en la main pour ce qu’il n’avoit point de guesne et que sa pochette est trouée37 », selon un argument de défense classique utilisé par ceux qui portent des armes en dépit des interdits.
15D’autres suspects, moins isolés, semblent plus dangereux encore car potentiellement impliqués dans des actions collectives et clandestines. Le 23 juillet 1610, un dénommé René Kaiman dresse devant le parlement le récit rocambolesque de ses aventures de Paris à Blois où, de recommandations en rencontres, il se retrouve embarqué dans un sombre complot pour assassiner la reine. Il raconte comment des hommes (tous inconnus, prétend-il) lui firent « promettre de tuer la royne », « luy baillerent deux cens doublons » et le tinrent prisonnier jusqu’à ce qu’il parvienne à s’enfuir en prétextant la nécessité de « ses afferes naturelles ». Manifestement les preuves concrètes manquent pour étayer ce récit confus et imprécis, et les magistrats parisiens renvoient le tueur manqué auprès de sa femme et de ses enfants à Nantes, tel un inoffensif affabulateur38. Le cas de Jehan Felix entraîne la justice un peu plus loin sur la piste du complot international. Interrogé par le bailli de Saint-Germain-des-Prés le 1er décembre 1610, ce notaire « romain de nation » se présente (en italien que l’on fait traduire par un interprète) comme un voyageur inoffensif qui, de retour du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, est à Paris « pour veoir la ville, d’aultant qu’il ne l’a jamais veue39 ». Toutefois, le magistrat ne se satisfait guère de ces arguments touristiques et suspecte de noirs desseins. De fait, Jehan Felix apparaît sous les traits d’un catholique fervent, défenseur des jésuites et pourfendeur de protestants, affirmant que « lorsque le pape auctorisoit la guerre contre les infidelles, ceulx qui c’estoient confessez et communiez – quel qu’ilz fissent la guerre et qu’ilz thuassent – ne laissoient d’estre sauvez ». Plus grave, l’Italien pourrait être un agent à la solde de Rome et de l’Espagne (pour lesquelles il porterait des lettres) et projetterait de se rendre en Angleterre pour assassiner le roi et ainsi avoir « plaine remission de ses pechés ». « Où il a apprins cette doctrine de thuer et assassiner les roys et les princes ? » interroge le bailli. Felix dément l’accusation et prétend n’avoir parlé du monarque anglais que pour espérer sa conversion prochaine « à la religion catholique, apostolique et romaine40 ». Cette affaire révèle combien la thèse de la conjuration – internationale, aux ramifications étendues et menaçant l’équilibre des monarchies européennes – continue son insidieux et insaisissable travail. Cette crainte permet en effet de contourner l’impossibilité à admettre la tragédie car « il est plus gratifiant d’attribuer aux événements les plus sombres un mobile humain complexe, obscur et sinistre, comme sont réputés les complots, plutôt qu’une cause simple sur laquelle on n’a pas de prise »41. Cette explication d’ordre anthropologique et psychologique permet ainsi de comprendre comment, à la fin de l’année 1610, les révélations de l’intrigante demoiselle d’Escoman, accusant le duc d’Épernon et la marquise de Verneuil d’avoir guidé le bras de Ravaillac, relancent la thèse du complot. Interrogés en avril 1611, les familiers de la marquise nient avoir rencontré le régicide ; son surintendant des affaires précise même « qu’il ne l’a jamais vu que lorsqu’il fut mené au supplice42 ». Cette piste a beau faire long feu (la calomniatrice est emprisonnée à perpétuité en juillet 1611)43, elle fait aussi grand bruit et contribue à alimenter la rumeur du complot tant il semble impensable qu’un être aussi insignifiant, aussi médiocre que Ravaillac ait pu réussir ce que d’autres avant lui n’avaient pu achever. C’est que, rappelle François Billacois, la sociologie des régicides change au début de l’époque moderne : les gentilshommes sont remplacés par des « êtres jeunes et de condition modeste : valets, soldats, compagnons, boutiquière… La distance sociale ajoute l’insolence à l’horreur du crime44 ». Les sources judiciaires confirment cette mutation.
Criminels : pauvres hères, fous et vagabonds
16Le 18 juin 1610, Pierre de L’Estoile commente l’arrestation de la fille d’une lavandière à Paris « pour s’estre vantée tout haut de tuer, avec un cousteau qu’elle avoit, le Roy et la Roine. Puisque les lavandières se meslent de ce mestier, je vous laisse à penser que ce sera du reste45 ». Le chroniqueur ironise moins sur la multiplication des intentions régicides que sur les qualités sociales des individus pris dans les mailles du filet judiciaire. Une fois encore, les appréciations de L’Estoile semblent plutôt justes. En effet, les quelques informations relatives à l’identité des prévenus mettent en avant une majorité d’hommes de basse extraction, travailleurs manuels gagnant leur vie comme tisserands, teinturier, maçon, charretier, « pauvre homme de bras », jardinier ou encore soldats, à quatre reprises. Cinq accusés sont identifiés comme vagabonds. Estienne La Ferrière, évoqué plus haut, arrêté armé à Saint-Germain-des-Prés sur le passage du roi en juillet 1610, a par exemple tout du gibier de potence : ce jeune homme de 20 ans, mendiant sa vie en demandant « la passade », revient d’Italie où il a servi dans les armées royales. Depuis dix jours, il loge au faubourg Saint-Honoré où il prétend rechercher des personnes originaires de son village de Château-du-Loir afin de leur emprunter l’argent nécessaire pour rentrer chez lui. Un de ses compagnons d’errance le décrit comme « ung jeune homme sans barbe, de mediocre stature, assé menue de visage46 ». Frêle, malingre, sous-alimenté tel un chien errant, La Ferriere ressemble ainsi fort au traître Ravaillac, décrit comme « ung jeune homme assez menu de visaige et de corsaige, la barbe blonde, les yeulx assez petitz, mal vestu, ayant ung pourpoint comme de verd jaulne, et ung manteau tanné47 ». Dans ces portraits, qui sont aussi des fantasmes, on voit se dessiner la physionomie du criminel-type, qui deviendra le lieu commun de la description judiciaire à la fin de l’Ancien Régime48.
17Pierre Trouillon présente un profil similaire. Ce « pauvre mendien » de vingt ans, ancien soldat originaire du Limousin et errant dans les faubourgs de la capitale depuis deux mois, est arrêté par les sergents de Saint-Germain-des-Prés le mercredi 19 mai 1610, cinq jours après l’assassinat d’Henri IV, pour s’être réjoui publiquement « que le Roy avoit esté tué et que devant qu’il fust sept jours, Paris seroit prins49 ». Trouillon se défend en affirmant « qu’il estoit transporté de son esperit ». La nuit du 13 mai, « jour du couronnement de la Royne », dans un cadre propice aux tentations diaboliques, alors qu’il est seul dans sa chambre, chandelle éteinte, « il luy vinst plusieurs visions qui le tantoient ». Cette expérience nocturne le laisse « l’esprit tout égaré », à tel point qu’il consulte le lendemain un apothicaire du faubourg Saint-Denis qui lui donne des « unguens » qui, au lieu de le soigner, entretiennent sa confusion. Le jardinier Nicolas Poulliet est poursuivi pour de semblables visions régicides. Interrogé le 25 juin 1610 devant la chambre de la Tournelle, il concède qu’il « peut bien avoir parlé de vision et de son chault mal50 » car cette maladie est alléguée comme une cause de délire. Effective ou simulée, la folie est en effet présentée comme une circonstance atténuante par des prévenus qui cherchent à minorer l’intentionnalité de leurs paroles. Ainsi Jehan Presle nie-t-il avoir « dict de mauvaises paroles » mais ajoute qu’il « est troublé de son entendement quelques fois51 ». La récurrence du thème de la folie dans les archives judiciaires souligne aussi l’existence non pas tant de régicides en puissance que d’un certain nombre d’illuminés et de fanatiques gagnés par « ces sortes d’épidémie par suggestion qui suivent les crimes et les suicides “sensationnels”52 ».
18Le frère Jehan Durant, dit Saint Anne, est coutumier de dire des « mauvais propos contre le Roy ». En juillet 1610, les magistrats du parlement de Paris l’interrogent sur des faits remontant à 1601 et à 1603, auquel il répond « qu’il a esté hors de son esperit », « qu’il ne s’en souvient » ou encore qu’il a été accusé à tort. « S’il se souvient que au mois de mars dernier, il dict, faisant un grand orage, que ce soit le diable qui emportoit le roy et que, s’il ne l’emportoit, qu’il l’emporteroit bien tost » ? Le moine répond « qu’il n’en parla jamais », pas plus qu’il n’a tenu de propos contre la Vierge53. Plusieurs fois emprisonné pour semblables propos à Troyes, l’homme d’Église attire nécessairement l’attention sur lui lorsque le roi est tué par le « démoniaque » Ravaillac qui se croyait investi d’une mission divine, comme avant lui le « folastre » moine Jacques Clément avait tué Henri III54. De plus, Jehan Durant est entré aux Feuillants, ordre monastique qui a tenu des positions ligueuses radicales durant la guerre civile et qui a accueilli Ravaillac pendant quelques semaines dans son couvent parisien, avant de le chasser à cause de ses lectures et de ses visions. En définitive, si le frère Durant n’apparaît pas comme partie prenante dans l’assassinat d’Henri IV, il est considéré comme un fou mystique qu’il convient d’enfermer : ainsi les magistrats du parlement de Paris confirment-ils la sentence du bailli de Troyes consistant à le tenir « reserré entre quatre murailles en l’un des monasteres des Feuillantins pour y estre nourry le reste de ses jours au pain et à l’eaue », avec interdiction de « le laisser vaguer ny commicquer à personne55 ». L’exclusion du corps social et l’enfermement apparaissent comme une solution pour mettre de tels déments hors d’état de nuire. Afin d’être « gardé et observé pour qu’il ne puisse nuire à cela personne », le jardinier Poulliet, rencontré plus haut, est ainsi envoyé aux « geolles de la maison de l’hospital de Sainct-Germain-des-Prez », une des premières expériences d’enfermement dans la capitale au xvie siècle56. Dans ce contexte hautement dramatique, la stigmatisation et l’exclusion des fous apparaissent comme une nouvelle réaction à la misère, désormais dépouillée de son glorieux manteau christique pour progressivement incarner le désordre et constituer un problème central pour la police urbaine57. Sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, l’enfermement au titre de la folie sera aussi un moyen pour les autorités un moyen d’étouffer promptement les voix discordantes et menaçantes pour l’autorité royale58. Cependant, aussi inquiétants soient-ils, marginaux et fous comparaissant devant la justice ne sont pas considérés comme des complices crédibles du régicide, ni même des « Ravaillac en pensée », et c’est bien ainsi que la cour d’appel du parlement de Paris les traite sur le plan pénal.
Répression : les mouches et les gros bourdons, une « justice d’araigne » ?
19En théorie, les crimes de lèse-majesté humaine et divine occupent le sommet de la hiérarchie des crimes telle que la doctrine les classifie sous l’Ancien Régime59. Pour le jurisconsulte français Claude Le Brun de la Rochette, au début du xviie siècle, le crime de lèse-majesté du prince tient « de la plus extrême atrocité que l’on sçauroit excogiter ». Que le prince soit tyran ou violent envers ses sujets « ne peut servir d’excuse au parricide entrepreneur » puisque c’est Dieu « qui donne des Roys aux peuples60 ». La construction de l’État monarchique dans sa voie absolue repose sur cette fusion, « cette intime réciprocité » entre le corps du roi et le corps de l’État : pour Georges Vigarello, « le crime de lèse-majesté mobilise la métaphore corporelle dans sa plus implacable version physique : celle d’un corps-à-corps sanglant entre le coupable et le roi61 ». Dès lors, l’extrême punition imposée au coupable du geste régicide doit l’être aussi au coupable en pensée car, selon les jurisconsultes de la première modernité, « En ce crime, on punit même la seule volonté, bien qu’elle n’ait pas sorty à effect62 ». En la matière, une jurisprudence existe du vivant de Henri IV, qui a été l’objet de multiples tentatives d’assassinat avant de périr sous le poignard de Ravaillac : en juin 1600, Nicole Mignon a été envoyée au bûcher « pour avoir eu et declaré sa vollonté d’attenter par poison à la personne du roy63 ». Ainsi la doctrine et la jurisprudence recommandent-elles la plus extrême fermeté à l’égard des régicides et criminels de lèse-majesté en actes ou en désir. Toutefois, les sentences prononcées en appel par la chambre de la Tournelle en 1610 à l’égard des coupables de mauvaises paroles ou intentions contre le roi révèlent une pratique pénale plus complexe.
20Aucune sentence de mort n’est prononcée par la cour parisienne. Les cinq condamnations à la pendaison données par des tribunaux royaux dans les bailliages sont toutes annulées et réduites à des peines corporelles moindres. En appel, le parlement de Paris minore plus souvent les peines initiales (six cas) qu’il ne les confirme (quatre cas) voire les augmente (on relève un cas de transformation d’une peine de cinq ans de bannissement d’Auvergne en condamnation aux galères). On ne peut toutefois soupçonner la cour de laxisme puisque la moitié des vingt-six appelants est condamnée à des peines afflictives lourdes : après avoir subi fustigation et amende honorable, les coupables seront soit conduits aux galères pour cinq ans ou à perpétuité – autant dire qu’ils sont condamnés à une mort différée – soit bannis pour cinq ans du royaume – autant dire envoyés se faire pendre ailleurs, ou plus tard, en cas de récidive ou de rupture de ban. Deux coupables convaincus d’être insensés sont enfermés. Enfin, neuf sont libérés (soit près d’un tiers des accusés), après avoir été souvent « blasmé[s] à genoux » devant la cour64.
21Au regard de ces résultats, le jugement sévère de L’Estoile sur l’impéritie de la justice mérite donc d’être nuancé. Certes, L’Estoile est un témoin bien informé de l’actualité judiciaire parisienne puisque, outre la lecture assidue des « canards » et autres feuilles volantes relatant des faits divers plus ou moins tragiques et sanglants, il prend connaissance des arrêts de justice du parlement de Paris, qu’ils soient criés au pied des échafauds ou imprimés, ou encore grâce à ses amis et relations au palais de justice65. Pourtant, lorsqu’il regrette que les pièces et informations des procès de plusieurs « garnements » soient « demeurées au sac » et qu’« on n’en a oncques plus ouï parler, et ne sçait-on que tout est devenu »66, le vieux chroniqueur se trompe : Jacques Verrier, l’individu originaire d’Auxerre dont il est vraisemblablement question, est en réalité condamné par le parlement de Paris aux galères perpétuelles67. Il s’agit sans doute autant d’une erreur par omission que par intention, afin d’accentuer le sentiment – que L’Estoile dit généralisé dans la capitale – que les criminels jouissent d’une parfaite impunité :
Le peu de recherche que l’on faisoit, en ce temps, de la mort du feu Roy, et le peu d’envie qu’on monstroit avoir de faire justice des coulpables, offensoient beaucoup de personnes, et donnoient subject de parler au peuple68.
22Cette lamentation pointe deux éléments. D’une part, L’Estoile souhaiterait que la cour soit plus sévère et prononce des peines qui puissent servir « d’instruccion et d’exemple au peuple, et d’un donne garde à la jeunesse d’aujourd’hui69 ». De fait, le chef d’inculpation, aussi important soit-il, ne modifie pas la pratique de clémence – relative et sélective – exercée par la première cour du royaume qui joue, grâce au droit d’appel, le rôle de « vitrine » d’une justice royale centralisée et d’« asile » des justiciables contre les abus des juges subalternes70. D’autre part, L’Estoile, comme d’autres, pense que la justice épargne les véritables responsables, ceux qui ont armé le bras de Ravaillac – jésuites, Ligueurs « et autres mal affectionnés à cest Estat71 ». De plus en plus scandalisé, le vieux chroniqueur fidèle à la monarchie déplore cette « douceatre et mollasse justice » tout juste capable de s’en prendre à de pauvres « bélistres et maraux » qui n’ont que « le cul et les dents », afin d’entretenir une agitation qui n’est « qu’artifices et feintes, pour couvrir le peu de recherche qu’on faisoit d’un mal qui estoit bien vray et plus grand »72. L’Estoile dénonce cette justice d’araignée qui consiste à « tuer beaucoup de mouches, mais non pas les gros bourdons », et ainsi épargner les véritables assassins du regretté roi73. De fait, les archives ne révèlent guère de « gros bourdons » et la conspiration tant recherchée et imaginée reste introuvable.
Devis publics, bruits et désinformation
23Au terme de cette analyse, il apparaît que les poursuites menées par la chambre criminelle du parlement de Paris traduisent moins la volonté de la justice de trouver les complices éventuels et les hypothétiques commanditaires de Ravaillac qu’elles ne révèlent l’attention portée à la parole publique et aux « bruits » ordinaires dans un contexte exceptionnel et hautement sensible. En telles circonstances, la justice identifie des cas de lèse-majesté dans des paroles qu’elle n’aurait sans doute pas réprimées en temps normal.
24Les sources judiciaires permettent de saisir les modes de circulation de la nouvelle de l’assassinat d’Henri IV dans le royaume, ses effets sur les devis ordinaires et combien elle suscite les interrogations et les commentaires des populations. Dans un premier temps, les sujets ont du mal à croire à la mort du roi. Le 21 mai 1610, soit une semaine après le drame, le mendiant Pierre Trouillon affirme devant le magistrat de Saint-Germain-des-Prés « qu’il ne le croioit pas et ne le croit pas encor74 ». À Boulogne près de Paris, trois jours après l’attentat, les villageois demeurent incrédules et interrogent un prêtre nommé Belliard, venu de la capitale pour une messe funèbre :
Le service faict, quatre ou cinq paisans se meyrent à l’entour de luy et luy demanderent des nouvelles ; il leur dict que la mort du roy estoit veritable, qui estoit un grand malheur à la France et que le meschant qui avoit faict l’assassinat estoit un meschant et que c’estoit un grand malheur que trois princes de la maison de Bourbon avoient esté tuez75.
25L’homme d’Église parisien représente aux yeux des villageois une source d’information traditionnellement fiable. La taverne en est une autre : en tant qu’espace de passage et de rencontre des hommes, de diffusion et de discussion des nouvelles, elle apparaît régulièrement dans les récits. C’est par exemple en « buvant à la taverne » que le sergent Jacques Jucourt aurait dit tout haut « qu’ils estoient bien heureux d’avoir la paix après la mort d’un si grand roy76 ». L’alcool et le jeu délient les langues, au risque de l’imprudence. Pierre Loyer, qui plus est irresponsable du fait de son grand âge, affirme ainsi qu’il n’a fait que répéter ce qu’il a « ouy dire » par sept hommes inconnus, des marchands se rendant à Clermont77. La nouvelle de la mort du roi circule sur les chemins, dans les auberges, dans les boutiques où, en entrant, l’on « demande quelles nouvelles78 », et dans les ateliers où l’on commente l’actualité pendant l’ouvrage.
26Parce qu’elle est publique, cette parole peut être l’objet de dénonciations. La procédure judiciaire est en effet un processus interactif dans lequel se rencontrent des acteurs aux intérêts divers, voire divergents, et qui se fonde à l’époque sur le primat de la preuve testimoniale et sur le rôle des habitants dans la surveillance de l’espace public et la défense de l’ordre et de la sûreté. L’Italien Felix, catholique zélé, comploteur et tyrannicide en puissance est ainsi identifié comme une menace par la femme qui l’héberge à Saint-Germain-des-Prés en décembre 1610. Alertée par les propos anti-huguenots de son hôte et craignant qu’il « ne la tuast pour ce qu’elle estoit de la Relligion », cette protestante fait alors immédiatement appel à ses voisins et coreligionnaires pour démasquer le criminel avant de le dénoncer à la justice et à l’ambassade d’Angleterre79. Le sens du danger et la sensibilité accrue des populations, bouleversées par la tragédie et inquiètes de voir rejouer les antagonismes confessionnels, peuvent motiver les dénonciations auprès des autorités. Classiquement, les personnes accusées ont cependant plutôt tendance à présenter leurs accusateurs comme des « ennemys » qui, par leurs « faulces accusations », veulent leur nuire80. Benoist Niel, par exemple, le 6 juillet 1610, proteste « qu’il a tousjours esté serviteur du Roy et mourir pour son service et que sont ses ennemis qui en ont deposé81 ». Le curé Belliard se prétend victime de la vengeance d’un « gentilhomme contre lequel il a fulminé une motion82 ». Si l’argument semble d’emblée éminemment stratégique, puisqu’il s’agit pour les accusés de sauver leur vie, il arrive que le juge et l’historien puissent reconnaître dans la dénonciation de propos compromettants le prétexte pour solder de vieilles haines. C’est semble-t-il le cas dans l’affaire qui incrimine le maître sellier Gédéon Lenoble, dénoncé par sa voisine avec laquelle il ne cesse de se quereller83. La mort soudaine du roi et la poursuite des « mauvais propos » pourrait ainsi fournir l’occasion rêvée de se débarrasser de son ennemi, comme ailleurs certaines accusations de blasphème mettent en évidence l’instrumentalisation de la justice pour régler des conflits particuliers84. Dans le climat de crise de l’année 1610, l’événement se construit à l’intersection du fait monstrueux, de sa résonance, du soupçon judiciaire, de l’imaginaire social mais aussi des logiques et des intérêts particuliers des acteurs.
27Suscitées par l’événement dramatique, voire libérées par lui, les paroles considérées comme séditieuses relèvent ainsi du devis ordinaire et du « bruit commun » qui, en temps normal, s’expriment sans être écoutés. En temps de crise, les autorités et la société se montrent plus sensibles aux contenus politiques et aux critiques ; celles qui portent atteinte à la mémoire du feu roi deviennent intolérables et répréhensibles. Les magistrats du parlement de Paris reprochent ainsi aux suspects d’avoir « tenu des propos contre l’honorable memoire du feu roy85 », d’avoir « mal parlé de la memoire du feu roy86 », ou encore « d’avoir meschammant, follement et temerairement proferé contre la très heureuse memoire du feu roy Henry le Grand et tres illustre et tres noble posterité les parolles mentionnées aud. procès87 », dans une emphase digne des meilleurs panégyriques du roi. Aussitôt après la disparition tragique d’Henri IV, commence en effet le « grand encensement » du monarque et la construction de la légende du « Bon roi Henri »88. Le drame du 14 mai 1610 opère le passage à la plus glorieuse postérité d’un roi pourtant assez impopulaire dans les dernières années de son règne. L’événement, soudain et inouï, agit cependant dans un premier temps comme un révélateur des mécontentements des Français qui, « non sans raisons, […] criaient tous89 ». Les archives judiciaires permettent d’en percevoir, « au ras du sol », le contenu.
28L’information criminelle menée contre Gédéon Lenoble, maître sellier de Saint-Germain-des-Prés, se présente comme un instantané et un condensé des récriminations issues du peuple urbain. Dans les premiers jours de juin, dans une chambre de la rue des Égouts où ils sont plusieurs à travailler, la conversation tourne autour de l’attentat contre Henri IV, sujet toujours d’actualité. D’après plusieurs couturières présentes, Lenoble aurait, « par mepris », « mal parlé du feu roy, dit qu’il estoit bien joyeux de sa mort et que celuy qui l’avoit tué avoit bien fait, qu’il nous avoit delivré de tout plain de maulx ». Ayant servi dans les armées royales, dont il est sorti mutilé, le maître sellier se lamente d’abord de l’ingratitude d’Henri IV envers ses vétérans90 : « J’ay eu bien du mal pour luy et j’en suis mal sallarié, et tant de pauves estropietz dont il n’a point faict d’estat », alors que « sy c’eust esté ses garces et ses bastars, il en eust faict estat ». Son amertume prend ainsi la forme d’un discours stéréotypé sur les mœurs du Vert-Galant, pour ensuite laisser libre cours à la traditionnelle xénophobie anti-italienne prenant pour cible Marie de Médicis, au motif que « depuis que la Florantine est venue en France, nous n’avons eu que mal91 ». La mort du roi réveille les critiques sur le remariage d’Henri IV, après qu’il a obtenu l’annulation de son union avec Marguerite de Valois : dans une taverne d’Auvergne, on peut entendre dire « que le roy avoit deux femmes et qu’elles estoient point legitimes » et « que les enfans du roy n’estoient legitimes »92. L’impopularité de la reine est répandue : à Bourges, Estienne Lienard aurait raconté à l’assistance que « la Roine avoit fait fere du potage et y feit mettre du poison ; son chien en a mangé qui en est mort93 ». Les stéréotypes de la princesse italienne – nécessairement machiavélique et empoisonneuse – nourrissent les fantasmes et les discours en illégitimité de la régence. Le motif fiscal quant à lui apparaît dans une scène de taverne en juillet 1610, au cours de laquelle Pierre Guinet aurait pris à partie un collecteur des tailles et menacé « ce coquin de roy » : « Si je le tenoit, je luy donneray un coup de couteau94 ! » À ce propos, l’insensibilité d’Henri IV au désespoir des paysans accablés par les tailles est au cœur d’une histoire cruelle et tragique rapportée a posteriori par Pierre de L’Estoile, qui ne manque pas de faire le lien entre la justice divine et la mort du roi95.
29Le malaise aristocratique et les affaires internationales, sur fond de défense du catholicisme dans la continuité des visées ligueuses, occupent enfin une large place dans les paroles poursuivies en justice. Ainsi par exemple le maître sellier Lenoble achève-t-il sa diatribe en affirmant que « la plaie de Biron saignoit encor », en référence au maréchal de Biron accusé d’avoir trahi Henri IV et exécuté en août 1602. Cette affaire, qui en son temps monopolisa « les devis ordinaires et entretiens des compagnies de Paris »96, cristallise les résistances à l’encontre de la construction de l’absolutisme royal écartant les Grands du gouvernement97. En juillet 1610, près de Vendôme, on peut encore entendre dire « que le roy traitoit mal sa noblesse »98. Les conversations relatives à la guerre et à l’intervention des puissances étrangères inquiètent tout particulièrement les magistrats. La guerre qu’Henri IV projetait de faire, aux côtés des princes protestants, contre les Habsbourg est en effet fort impopulaire dans le royaume99. Une partie des catholiques sont farouchement opposés à cette entreprise, considérant que « le roy avoit de pernicieux desseings contre la France, qu’il vouloit ruiner la France »100. La mort du roi arrête opportunément ces projets et offre aux grands seigneurs français une chance inespérée de jouer un rôle de premier plan101. Elle fait naître la rumeur d’une intervention des Espagnols pour établir sur le trône de France le jeune prince de Condé, premier prince du sang, réfugié depuis quelques mois à Bruxelles pour soustraire son épouse au désir du vieux roi. Quelques jours après sa mort, « le sabmedy », « quant on dist que monsieur le daulfin avoit esté procclamé roy », « il passa un homme à cheval […] par son pays [dans le bailliage de Creil], qui dict que on avoit veu monsieur le prince de Condé roy. Le lendemain sur ce, plusieurs personnes s’assemblerent » affirme un charretier du village de Saint-Uvast102. Par la suite, les mentions de pareille conjuration abondent dans les archives. En juillet, dans une taverne, on aurait affirmé « que le prince de Condé estoit allé en Espagne et qu’il debvoit venir avec L [cinquante] mil hommes, pretendans estre roy103 ». À Troyes, « encores qu’on eust crié « vive le Roy » à Paris », le « bruict commun » rapporte que « les Espagnolz et monseigneur le prince [de Condé] vindroient faire la guerre au roy104 ». On parle ailleurs de « cent cinquante mil hommes »105. En août, près de Vendôme, un domestique aurait dit à des soldats
que la roine n’est point legitime et que le prince de Condé ne recongnoissoit d’aultre royne que la roine Marguerite, et qu’il y avoit quarante qui estoient engaigez pour en fere aultant que le meschant qui avoit tué le Roy106.
30La désinformation court ainsi longtemps, jusqu’en septembre 1610 au moins. Menée par « des gens meschans et séditieux, aucteurs de mauvais bruicts et faux » ainsi que les qualifie Marie de Médicis durant l’été107, elle alimente la peur d’une « nouvelle Saint-Barthélemy » contre les protestants toujours protégés par le régime de l’édit de Nantes, fragilise la régence et déstabilise le royaume.
31Les sujets inquiétés par la justice se défendent bien entendu d’avoir mêlé leurs voix au mécontentement général. Au-delà des dénégations classiques, les protestations grandiloquentes de loyauté conduisent plusieurs d’entre eux à dire souhaiter « avoir receu le coup » à la place du feu roi108. D’autres plaident la réserve et le silence innocent. Ainsi lorsque les magistrats remontrent à Estienne Lienard « qu’il a parlé des affaires du royaume », l’accusé « dit que tout cela ne sortit de sa bouche et jamais en sa vie n’en a parlé »109. De même, le prêtre Bulliard « dict qu’il n’en parla jamais et que luy qui est un paouvre prebstre qui ne se mesle des affaires de France, il ne pouvoit et ne vouldroit tenir telz propos110 ». On voit ici combien le principe selon lequel les affaires de l’État relèvent exclusivement du domaine réservé de la Couronne se trouve contesté par les pratiques sociales. La circulation du « bruit commun » et la densité des devis ordinaires débattant de la chose publique permettent de démentir le postulat d’incapacité des sujets ordinaires à l’articulation ou à la compréhension des « secrets » du pouvoir royal. Les sources éclairent cette « contradiction flagrante » de l’expression populaire sous l’Ancien Régime, systématiquement disqualifiée et pourtant écoutée avec inquiétude par les élites et les autorités urbaines111.
32Contrairement à Henri III, qui « fut victime d’un double assassinat : celui de sa personne d’abord, celui de sa mémoire ensuite112 », Henri IV n’a succombé qu’une fois. Alors que, aussitôt, ses partisans et ses hagiographes travaillent à lui tresser une somptueuse couronne d’immortalité, la justice de son côté s’est efforcée de défendre la mémoire du premier Bourbon. Pourtant, les raisons de souiller cette mémoire ne manquent pas, tant les sujets murmurent dans les dernières années de son règne : c’est l’immense intérêt des sources judiciaires que de permettre de saisir, à la faveur de la crise, une expression politique que l’on pourrait qualifier de populaire, au sens de commune. Si cette enquête ne perce pas l’hypothétique mystère de l’assassinat d’Henri IV, n’en déplaise à L’Estoile et aux amateurs d’intrigues, on peut espérer qu’elle contribue à lever le voile sur une autre énigme pour les historiens, assurément moins sulfureuse, mais sans doute plus fondamentale : l’existence d’un espace public pré-habermassien (ou d’une sphère publique plébéienne, pour reprendre la terminologie d’Habermas) et pré-démocratique, dans lequel on échange, on débat, on critique, on proteste113. Au début du xviie siècle, la justice et la police n’ont ni l’ambition ni les moyens de contrôler cette parole mais contribuent certainement, à leur mesure, à asseoir la paix civile choisie par les Français. Après l’été, alors que le calme revient dans le royaume, les poursuites judiciaires s’essoufflent. En définitive, le geste de Ravaillac et le choc durable qu’il provoque entraînent un retournement de l’opinion à l’égard du crime politique, désormais désavoué114.
Notes de bas de page
1 Jean de Montlyard, continuation de l’Inventaire général de l’Histoire de France, Paris, Mettayer, 1627, p. 995, cité par Alfred Soman, « Le traître sur la sellette : réflexions sur le procès du duc de Biron (1602) », dans Yves-Marie Bercé et Elena Fasano Guarini (dir.), Complots et conjurations dans l’Europe moderne, Actes du colloque international Rome, 30 sept.-2 oct. 1993, Rome, EFR, 1996, p. 243.
2 Bibliothèque Nationale de France (désormais BNF), Estampes et photographie, Hennin, 8845 (RESERVE QB-201 (102)-FOL), François Ravaillac et Robert François Damien dans leur prison.
3 Seuls Henri III en 1589 et Henri IV en 1610 ont été assassinés, tous deux remplacés par leur héritier mâle. Le régicide, peu fréquent en Angleterre et en Espagne, concerne surtout l’Europe méridionale et l’Europe du Nord (John Morrill, « Conclusion : King-Killing in Perspective », dans Robert von Friedeburg (éd.), Murder and Monarchy. Regicide in European History, 1300-1800, Londres, Palgrave Macmillan, 2004, p. 293-296). L’époque contemporaine ouvre en revanche une phase nouvelle de violences politiques (cf. Karine Salomé, L’ouragan homicide. L’attentat politique dans la France du xixe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2010).
4 Pierre Retat (dir.), L’attentat de Damiens. Discours sur l’événement au xviiie siècle, Lyon, Éditions du CNRS-Presses Universitares de Lyon, 1979 ; François Billacois, « Du régicide : matériaux pour une enquête sur la légitimité dynastique », dans La France d’Ancien Régime, Études réunies en l’honneur de Pierre Goubert, Toulouse, Privat, 1984, t. I, p. 71.
5 La bibliographie est immense, qui s’adresse aux spécialistes et au grand public : pour une synthèse récente présentant, sur le mode de l’enquête policière mais de manière référencée, les différentes hypothèses et historiographies relatives au régicide, voir François Pernot, Qui a vraiment tué Henri IV ?, Paris, Larousse, 2010.
6 Pierre Nora, « L’événement monstre », Communications, 1972, vol. 18, p. 168. Pour une réflexion historiographique sur le « retour de l’événement » et la portée heuristique du singulier, voir François Dosse, Renaissance de l’événement. Un défi pour l’historien : entre sphinx et phénix, Paris, PUF, 2010.
7 Gilles Malandain, L’introuvable complot. Attentat, enquête et rumeur dans la France de la Restauration, Paris, Éditions de l’EHESS, 2011, p. 13.
8 Roland Mousnier, L’assassinat d’Henri IV. 14 mai 1610, Paris, Gallimard, 1964.
9 Michel Cassan, La Grande Peur de 1610. Les Français et l’assassinat d’Henri IV, Seyssel, Champ Vallon, 2010.
10 Ibid., p. 165-184. La moitié des livres de raison consultés, soit 44 ouvrages, mentionne de l’événement. Les auteurs s’intéressent plus particulièrement au portrait du meurtrier et aux signes inquiétants qui auraient précédé l’assassinat du roi.
11 R. Mousnier, L’assassinat d’Henri IV, op. cit., p. 19-20.
12 Jean-Pierre Babelon, Henri IV, Paris, Fayard, 1982, p. 990
13 G. Malandain, L’introuvable complot, op. cit., p. 17-18.
14 Pierre de l’Estoile, Mémoires-Journaux, éd. Jouaust et Lemerre, Paris, Tallandier, 1982, t. X, p. 221.
15 M. Cassan, La Grande Peur de 1610, op. cit., p. 27-43.
16 P. de l’Estoile, Mémoires-Journaux, op. cit., t. X, p. 238.
17 Cité par R. Mousnier, L’assassinat d’Henri IV, op. cit., p. 20.
18 BnF, Manuscrits français (désormais ms. fr.) 10951, fol. 96 vo. Le cahier pour l’année judiciaire 1609-1610 est exceptionnellement conservé à la Bibliothèque nationale au lieu des Archives nationales, où se trouve la série.
19 En l’absence de répertoire, j’ai constitué le corpus au fil de la lecture des registres plumitifs de la Tournelle : BnF, ms. fr. 10951 ; Archives Nationales (désormais AN), X2A 972 et 973.
20 Voir A. Soman, « Les procès de sorcellerie au Parlement de Paris, 1565-1640 », Annales, 1977, vol. 32, n° 4, p. 790-814.
21 En l’absence du registre des arrêts criminels du parlement de Paris correspondant aux mois de mai et juin 1610, j’ai limité mes recherches au registre suivant, portant sur la période juillet-octobre 1610 (AN, X2A 176) et ai pu retrouver 11 arrêts correspondant à des cas relevés dans les plumitifs.
22 Une première réflexion tirée de ce petit corpus germanopratin a été exposée dans Diane Roussel, « Les frères de Ravaillac. Devis ordinaires et mauvaises paroles au lendemain de l’assassinat d’Henri IV », dans Jérémie Foa et Pierre-Alexis Mellet (dir.), Sang des hommes et main de Dieu : mises en forme et désinformations des guerres de Religion, Paris, H. Champion, 2012, p. 351-363.
23 AN, X2A 176, 9 juillet 1610, Edme Rousselot.
24 AN, X2A 176, 13 juillet 1610, Joachin Lemire.
25 AN, X2A 176, 14 juillet 1610, Antoine Depars.
26 AN, X2A 972, fol. 59 vo, 6 juillet 1610, Edme Rousselot.
27 AN, X2A 176, 7 juillet 1610, Louis Herteur ; AN, X2A 176, 27 août 1610, Pierre Corbin ; AN, X2A 176, 24 septembre 1610, Pierre de Soillat.
28 AN, X2A 972, fol. 62, 10 juillet 1610, Gilbert Cleriat.
29 AN, X2A 972, fol. 57, 5 juillet 1610, Pierre Loyer.
30 BnF, ms. fr. 10951, fol. 103, 12 juin 1610, Liger Delafons.
31 BnF, ms. fr. 10951, fol. 116 vo, 6 juillet 1610, Benoist Niel.
32 BnF, ms. fr. 10951, fol. 140, 27 août 1610, Pierre Corbin.
33 P. de l’Estoile, Mémoires-Journaux, op. cit., t. X, p. 230.
34 Ibid., p. 261.
35 BnF, ms. fr. 10951, fol. 112 vo, 28 juin 1610, Jacques Verrier. Il s’agit vraisemblablement du « semblable garnement » arrêté à Auxerre le 28 mai et décrit par L’Estoile comme « aiant loué Ravaillac du coup qu’il avoit fait, denigré publiquement du feu roy et dit que c’estoit une belle despesche » (P. de l’Estoile, Mémoires-Journaux, op. cit., t. X, p. 261 et p. 309).
36 BnF, ms. fr. 10951, fol. 119 vo, 8 juillet 1610, Anthoine Aupars.
37 AN, Z2 3418, 31 juillet 1610, Estienne La Ferriere.
38 BnF, ms. fr. 10951, fol. 124, 23 juillet, René Kaiman.
39 AN, Z2 3419, 1er décembre 1610, Jehan Felix.
40 AN, Z2 3419, 1er décembre 1610, Jehan Felix.
41 Yves-Marie Bercé, « Introduction », dans Yves-Marie Bercé et Elena Fasano Guarini (dir.), Complots et conjurations, op. cit., p. 4-5. Voir aussi Corinne Leveleux-Teixeira et Bernard Ribémont (dir.), Le crime de l’ombre. Complots, conjurations et conspirations au Moyen Âge, Paris, Klincksieck, 2010.
42 Il subsiste dans les archives du parlement de Paris l’instruction criminelle du procès de Jacqueline Le Voyer, demoiselle d’Escoman (AN, X2B 1181, 7 mai 1611). À ce propos, voir R. Mousnier, L’assassinat d’Henri IV, op. cit., p. 24-31 ; Pierre Chevallier, Les régicides. Clément, Ravaillac, Damiens, Paris, Fayard, 1989, p. 239-265, défend cette hypothèse.
43 J.-P. Babelon, Henri IV, op. cit., p. 994-995.
44 F. Billacois, « Du régicide… », art. cit., p. 72.
45 P. de l’Estoile, Mémoires-Journaux, op. cit., t. X, p. 282.
46 AN, Z2 3418, 31 juillet 1610, Estienne La Ferriere.
47 AN, X2B 1181, 7 mai 1611.
48 Porphyre Petrovitch, « Recherches sur la criminalité à Paris dans la seconde moitié du xviiie siècle », dans André Abbiateci, François Billacois, Yves Castan et al., Crimes et criminalité en France, xviie-xviiie siècles, Cahiers des Annales, 33, Paris, Armand Colin, 1971, p. 249.
49 AN, Z2 3418, 26 mai 1610, Pierre Trouillon.
50 BnF, ms. fs. 10951, f. 112, 25 juin 1610, Nicolas Poulliet.
51 AN, X2A 973, 22 décembre 1610, Jehan Presle.
52 R. Mousnier, L’assassinat d’Henri IV, op. cit., p. 20.
53 BnF, ms. fr. 10951, fol. 115 vo, 6 juillet 1610, Frère Jehan Durant.
54 Nicolas Le Roux, Un régicide au nom de Dieu. L’assassinat d’Henri III. 1er août 1589, Paris, Gallimard, 2006, p. 181.
55 X2A 176, 6 juillet 1610, Jehan Durant.
56 BnF, ms. fr. 10951, fol. 112, 25 juin 1610, Nicolas Poulliet.
57 Michel Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard, 1972, p. 67-109.
58 F. Billacois, « Du régicide… », art. cit., p. 74
59 Robert Muchembled, L’invention de l’homme moderne. Culture et sensibilités en France du xve au xviiie siècle, Paris, Fayard, 1988, p. 164-165.
60 Claude Le Brun de la Rochette, Le procès civil et criminel (1re éd. 1605), Lyon, P. Rigaud, 1622, Livre second, p. 65 sq., citation p. 70.
61 Georges Vigarello, « Le corps du roi », dans G. Vigarello (dir.), Histoire du corps, Paris, Seuil, t. I, p. 405.
62 A. Despeisses, Pratique universelle, Lyon, 1660, t. II, p. 646, cité par F. Billacois, « Du régicide… », art. cit., p. 74.
63 Arrêt du 14 juin 1600, cité par A. Soman, « Le traître sur la sellette… », art. cit., p. 243.
64 Enfin, un coupable doit être l’objet d’une information criminelle plus poussée ; on ignore la sentence du dernier.
65 Voir Florence Greffe et José Lothe, La Vie, les livres et les lectures de Pierre de L’Estoile. Nouvelles recherches, Paris, H. Champion, 2004 ; D. Roussel, Violences et passions dans le Paris de la Renaissance, Seyssel, Champ Vallon, 2012, p. 67-81.
66 P. de l’Estoile, Mémoires-Journaux, op. cit., t. X, p. 261 et p. 309 .
67 BnF, ms. fr. 10951, 28 juin 1610, fol. 112 vo, Jacques Verrier ; arrêt : AN, X2A 176, 2 juillet 1610.
68 P. de l’Estoile, Mémoires-Journaux, op. cit., t. X, p. 304.
69 Ibid., p. 280-281, à propos d’un garçon apprenti tisserand de 14 ans ayant menacé le jeune roi, dont la condamnation à mort décidée par le prévôt de Paris est commuée en peine de galères par le parlement. Il s’agit très probablement d’Antoine Aupars, âgé de 13 ans selon le registre des plumitifs de la Tournelle : sa peine est en effet amoindrie, mais il est en réalité condamné à être « fustigé sous la custode, mené au penitencier pour estre admonesté et après rendu à sa mère qui s’en chargera » (BnF, ms. fr. 10951, fol. 119 vo, 8 juillet 1610 : Anthoine Aupars ; arrêt : AN, X2A 176, 14 juillet 1610).
70 Alfred Soman, « La justice criminelle, vitrine de la monarchie française », dans Yves-Marie Bercé et Alfred Soman (dir.), La Justice royale et le Parlement de Paris (xive-xviie siècle), Bibliothèque de l’École des Chartes, 153, 1995, p. 291-304. À ce sujet, voir aussi Robert Muchembled, « Fils de Caïn, enfants de Médée. Homicide et infanticide devant le parlement de Paris (15751604) », Annales, 5, 62, 2007, p. 1063-1094.
71 P. de l’Estoile, Mémoires-Journaux, op. cit., t. X, p. 223.
72 Ibid., t. X, p. 355.
73 Ibid., t. XI, p. 17-18, en octobre 1610.
74 AN, Z2 3418, 26 mai 1610, Pierre Trouillon.
75 BnF, ms. fr. 10951, fol. 156, 24 septembre 1610, maître Belliard.
76 BnF, ms. fr. 10951, fol. 144, 1er septembre 1610, Jacques Jucourt.
77 AN, X2A 972, fol. 57, 5 juillet 1610, Pierre Loyer.
78 C’est pour avoir demandé « quelles nouvelles » en entrant dans la boutique de son maître que Jehan de la Quintinie est suspecté d’avoir tenu des propos dangereux (BNF, ms. fr. 10951, fol. 154, 16 septembre 1610, Jehan de la Quintinie)
79 AN, Z2 3419, 1er décembre 1610, Jehan Felix. Cette affaire fait écho au cas d’un Italien poursuivi par l’ambassadeur d’Angleterre avec un tel acharnement qu’il parvint à le faire bannir du royaume de France, rapporté par A. Soman, « Le traître sur la sellette… », art. cit., p. 243-244.
80 BnF, ms. fr. 10951, fol. 122, 15 juillet, Diboury ; Ibid., fol. 154, 16 septembre 1610, Jehan de la Quintinie.
81 BnF, ms. fr. 10951, fol. 116 vo, 6 juillet 1610, Benoist Niel.
82 BnF, ms. fr. 10951, fol. 156, 24 septembre 1610, Maître Belliard.
83 AN, Z2 3418, 22 juin 1610, Gedeon Lenoble.
84 Olivier Christin, « Le statut ambigu du blasphème au xvie siècle », Ethnologie française, n° spécial « Paroles d’outrage », t. XXII n° 3, 1992, p. 337-343. Voir également Françoise Hildesheimer, « La répression du blasphème au xviiie siècle », dans Jean Delumeau (dir.), Injures et blasphèmes, Mentalités n° 2, Paris, Imago, 1989, p. 63-82.
85 BnF, ms. fr. 10951, fol. 164, 8 octobre 1610, Maître Marin (blanc).
86 BnF, ms. fr. 10951, fol. 164, 8 octobre 1610, Raoulet Coulin.
87 BnF, ms. fr. 10951, fol. 122, 15 juillet 1610, Diboury ; arrêt AN, X2A 176, 20 juillet 1610.
88 Sur la légende henricienne, voir J.-P. Babelon, Henri IV, op. cit., p. 1000-1005.
89 R. Mousnier, L’assassinat d’Henri IV, op. cit., p. 166-196, citation p. 169.
90 L’Estoile rapporte semblables propos d’hommes de guerre « pressé[s] de l’incommodité soldatesque » (P. de l’Estoile, Mémoires-Journaux, op. cit., t. X, p. 354).
91 AN, Z2 3418, 22 juin 1610, Gedeon Lenoble.
92 AN, X2A 972, fol. 57, 5 juillet 1610, Pierre Loyer.
93 BnF, ms. fr. 10951, fol. 159 vo, 28 sept 1610, Estienne Lienard.
94 BnF, ms. fr. 10951, fol. 139 vo, 26 août 1610, Pierre Guinet.
95 P. de l’Estoile, Mémoires-Journaux, op. cit., t. X, p. 318-319.
96 Ibid., t. VIII, p. 40.
97 Arlette Jouanna, Le devoir de révolte. La noblesse française et la gestation de l’État moderne, 1559- 1661, Paris, Fayard, 1989, p. 206-211.
98 BNF, ms. fr. 10951, fol. 140, 27 août 1610, Pierre Corbin et AN, X2A 176, 27 août 1610.
99 J.-P. Babelon, Henri IV, op. cit., p. 994-995.
100 BNF, ms. fr. 10951, fol. 156, 24 septembre 1610, Maître Belliard.
101 Nicolas Le Roux, Le roi, la cour, l’État, de la Renaissance à l’absolutisme, Seyssel, Champ Vallon, 2013, p. 330-335.
102 BNF, ms. fr. 10951, fol. 116 vo, 6 juillet 1610, Loys Heurteur et AN, X2A 176, 7 juillet 1610.
103 AN, X2A 972, fol. 57, 5 juillet 1610, Pierre Loyer.
104 AN, X2A 972, fol. 59 vo, 6 juillet 1610, Edmon Rousselot.
105 BnF, ms. fr. 10951, fol. 164, 8 octobre 1610, Maître Marin (blanc).
106 BnF, ms. fr. 10951, fol. 140, 27 août 1610, Pierre Corbin et X2A 176, 27 août 1610.
107 P. de l’Estoile, Mémoires-Journaux, op. cit., t. X, p. 333
108 AN, X2A 972, fol. 57, 5 juillet 1610, Pierre Loyer.
109 BnF, ms. fr. 10951, fol. 159 vo, 28 sept 1610, Estienne Lienard.
110 BnF, ms. fr. 10951, f. 156, 24 septembre 1610, Maître Belliard.
111 Arlette Farge, Dire et mal dire. L’opinion publique au xviiie siècle, Paris, Le Seuil, 1992, p. 16.
112 N. Le Roux parle ainsi des « deux morts d’Henri III » (N. Le Roux, Le roi, la cour, l’État…, op. cit., p. 241 sq., citation p. 242).
113 Pour une discussion du modèle habermassien, voir Patrick Boucheron et Nicolas Offenstadt (dir.), L’espace public au Moyen Âge. Débats autour de Jürgen Habermas, Paris, Presses Universitaires de France, 2011 ; Massimo Rospocher (dir.), Beyond the Public Sphere : Opinions, Publics, Spaces in the Modern Europe, Bologne-Berlin, Il Mulino-Duncker and Humbolt, 2012.
114 Georges Minois, Le couteau et le poison. L’assassinat politique en Europe (1400-1800), Paris, Fayard, 1997, p. 216.
Auteur
Université de Reims Champagne-Ardenne, CERHiC, EA 2616
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les sans-culottes marseillais
Le mouvement sectionnaire du jacobinisme au fédéralisme 1791-1793
Michel Vovelle
2009
Le don et le contre-don
Usages et ambiguités d'un paradigme anthropologique aux époques médiévale et moderne
Lucien Faggion et Laure Verdon (dir.)
2010
Identités juives et chrétiennes
France méridionale XIVe-XIXe siècle
Gabriel Audisio, Régis Bertrand, Madeleine Ferrières et al. (dir.)
2003
Des hommes à l'origine de l’Europe
Biographies des membres de la Haute Autorité de la CECA
Mauve Carbonell
2008