Paladins ou martyrs ?
Les princes arméniens au combat*
Paladins or martyrs: Armenian princes in battle
p. 185-204
Résumés
L’étude porte d’abord sur l’Arménie du ive siècle sous influence iranienne, convertie au christianisme où se développa une littérature militante, fondée sur la Bible, qui inspira une série d’historiens. Puis au Ve siècle, la persécution antiarménienne des Sassanides entraîna la réaction des princes qui accompagnèrent le roi sassanide sur le champs de bataille en récitant des psaumes. S’il eut quelque tentation des princes d’apostasier, le clergé et le peuple frayèrent la voie à la résistance. Tous s’y rallièrent et la bataille d’Awarayr (451) compte des héros dont le prince Vardan Marmikonian, des nobles par dizaines, en tout plus de 800 hommes. Finalement on assiste à la définition d’un héroïsme chrétien spécifique aux Arméniens. L’appellation de martyr fut aussi bien décernée aux guerriers, qui défendaient l’Arménie, qu’à ceux qui étaient torturés et exécutés pour la foi. Les uns et les autres purent être canonisés.
This study first considers fourth-century Armenia under Iranian influence and having converted to Christianity, at a time when the country witnessed the development of a warrior literature founded on the Bible, which would inspire a series of historians. Then, in the fifth century, anti-Armenian persecution by the Sassanids entailed the reaction of the princes, who accompanied the Sassanid king on the battlefield, reciting psalms. If there was some temptation towards apostasy among the princes, the clergy and the people paved the way to resistance. All rallied to the cause and the Battle of Awarayr (451) numbered heroes including Prince Vardan Marmikonian, dozens of nobles, and in total over 800 men. This eventually led to the definition of a Christian heroism that was specific to Armenia. The term martyr was bestowed equally on warriors, who defended Armenia, and those who were tortured and executed for the faith. In addition, both could be canonized.
Texte intégral
1La dynastie iranienne des Arsacides, d’origine parthe, au pouvoir en Perse depuis 250 av. J.-C., avait donné à l’Arménie une branche cadette (52-428). Celle-ci fut reconnue par l’Empire romain qui, en revanche, fit admettre son protectorat par les Arsacides arméniens, puisque le roi Terdat Ier, frère de Vologèse, roi arsacide de Perse, venait recevoir la couronne royale des mains de l’empereur Néron. Même si le coup d’État des Sassanides (224-651), qui renversèrent les Arsacides de Perse, rejeta les Arsacides arméniens vers l’Empire romain, l’empreinte de l’Iran sur l’Arménie, sur le plan institutionnel, social et culturel, restait forte, si bien que la conversion officielle de l’Arménie au christianisme – en la personne de Terdat III et grâce à l’action de saint Grégoire l’Illuminateur, en 306, put apparaître comme une véritable révolution1.
Le dynastisme arménien face à la conversion du roi
Les ichkhan et nakharar
2Alors que, dans l’Iran sassanide, le roi des rois jouissait d’une autorité absolue, de référence divine – dans le cadre d’un mazdéisme intransigeant –, en Arménie même, son homologue arsacide, inscrit dans l’ancien système – centrifuge – des Parthes n’exerçait qu’un pouvoir limité. La classe supérieure des ichkhan (princes) détient, depuis des temps immémoriaux pour une partie d’entre elle, et sans que cela implique un quelconque lien personnel avec le souverain, des gawar (cantons) dont elle est le propriétaire naturel. Le roi arménien essaye d’entamer le dynastisme par une forme primitive de féodalisme, en concédant aux ichkhan, qualifiés alors de nakharar (au sens, peut-être de « préfet »), à titre personnel, une charge associée à la concession de « fiefs », avantages renouvelés au profit d’un successeur, sous réserve d’hommage2. Notons que le dynastisme est également perceptible pour ce qui concerne les grands offices du royaume. Ceux-ci sont détenus héréditairement par les chefs des maisons princières : ainsi pour le tagadir (couronneur du roi), le sparapet (chef de la cavalerie), le hazarapet (en charge de la perception de l’impôt et de la chancellerie)3.
3La conversion au christianisme, à situer probablement en l’année 306 (plutôt qu’en 301, date officiellement retenue), renforça radicalement la royauté arménienne. En l’imposant en 306, comme religion d’État, avec le concours vigoureux de Grégoire l’Illuminateur, Terdat III retrouvait et confortait les fondements divins de la royauté arménienne déjà discernables pendant la période du paganisme, occultant sa sujétion vis-à-vis de l’Empire romain et réalisant l’unité de la foi4.
L’extension des structures traditionnelles à l’Église
4Comme le souligne Jean-Pierre Mahé, la conversion officielle de l’Arménie au christianisme, paradoxalement, n’entraîna pas de réorganisation profonde des structures. La visée pastorale de Grégoire l’Illuminateur et l’intention politique de Terdat III était de « substituer le christianisme au mazdéisme, en modifiant le moins possible l’ordre de la société ou de l’État5 ». Outre le fait que le chef de l’Église arménienne, régulièrement appelé catholicos à partir du vie siècle6, hérita des titres et prérogatives du chef de la religion mazdéenne, sa charge s’inscrivit strictement dans le contexte du dynastisme. Concédée à titre héréditaire, comme les autres grands offices du royaume arsacide, cette charge se transmet en ligne masculine dans la maison de saint Grégoire jusqu’en 438, date de la mort de saint Sahak le Parthe et de l’extinction de cette descendance7. Il faut attendre une trentaine d’années pour que s’impose le principe électif, non sans récurrences dynastiques, puisque, du dernier tiers du xie siècle au début du xiiie siècle, la charge patriarcale passe le plus souvent d’oncle à neveu, dans la famille des Pahlawouni, exilée en Euphratèse.
5Le principe dynastique fut bientôt appliqué au niveau des diocèses, en ce sens que les principales familles de nakharar (Mamikonian, Archakouni, Genouni) voulurent avoir leurs propres évêques8, ce qui renforça encore la structuration ecclésiale du pays, ainsi doté d’une hiérarchie stable.
L’Église, garante de la nouvelle identité arménienne
6La création de l’alphabet arménien par saint Mesrop Machtots (traducteur du grec à la chancellerie royale, puis religieux), au début du ve siècle, peut-être cent ans après la conversion officielle au christianisme, à une époque où l’arménien ne s’écrivait pas – les actes des rois étant rédigés en grec ou en araméen, langues également usitées dans la liturgie, quoique incompréhensibles pour la plupart des fidèles –, permit d’enraciner la religion chrétienne dans les esprits et les cœurs, par la fixation de la liturgie en langue arménienne, par la traduction de la Bible, d’abord réalisée hâtivement et sur des « manuscrits trouvés par hasard », puis, après le concile d’Ephèse (431), auquel assistaient des disciples de Machtots, à partir de « sûrs exemplaires », envoyés par l’évêque de Constantinople9, ces traductions étant suivies de traductions de Pères de l’Église grecs ou syriaques, par là même, la culture arménienne trouvait le moyen de se pérenniser. Mesrop Machtots créa également l’alphabet des Albaniens du Caucase et, peut-être, celui des Ibères (composante essentielle du peuple géorgien)10.
Naissance d’une littérature militante
Portée patriotique de l’Âge d’Or
7Dans cette même période, naissait une littérature arménienne chrétienne, celle de l’Âge d’Or, d’une portée exceptionnelle. Cette littérature, au lendemain d’une période de quatre décennies bornée par le traité romano-perse de 387 (qui partageait l’Arménie entre l’Empire romain, centralisateur et assimilateur, et l’Iran sassanide, reconnaissant un royaume vassal de Persarménie, où la noblesse traditionnelle pouvait subsister) et la déposition de l’Arsacide arménien par les Sassanides, en 428 (la royauté ne devant être relevée qu’en 884/5, par les Bagratouni), devait galvaniser un sentiment patriotique enraciné dans le christianisme, dont l’un des inspirateurs est Korioun. En effet, outre son apport juridictionnel et théologique, elle manifeste une forte propension à l’historiographie nationale.
Korioun, père d’une historiographie de référence biblique
8Korioun, avec sa Vie de Mesrop Machtots, rédigée peu après 443, apparaît comme le père de l’historiographie arménienne, une historiographie de référence biblique. Il affirme que les Arméniens, étant baptisés, bénéficient (comme d’autres peuples se trouvant dans le même cas) de la même légitimité, pour la rédaction de leur histoire, que les rédacteurs de l’Histoire sainte, et manifestent l’action de la même grâce divine. Jusque-là isolés, privés d’informations, les Arméniens, grâce à la traduction de la Bible, découvrent le vaste champ d’action (dans le temps et l’espace) de Dieu et peuvent substituer à leur mémoire fabuleuse – sur les héros et les dieux – une mémoire véridique11. La traduction de la Bible fournit aux auteurs arméniens de l’Âge d’Or une mémoire collective et un cadre chronologique, en même temps qu’une technique d’écriture et des modèles littéraires : c’est ainsi que des livres historiques de l’Ancien Testament comme les deux livres des Maccabées (écrits au cours du iie siècle et relatant la révolte du chef juif, Judas Maccabée, contre la politique d’hellénisation conduite par le Séleucide Antiochus IV Épiphane, puis la lutte victorieuse de ses fils pour l’indépendance nationale) servent de modèles aux chroniques arméniennes de la résistance. Les Arméniens sont devenus (sans exclusive) le peuple de Dieu. La Vie de Machtots, nouveau Moïse, qui apporte aux Arméniens – comme aux Albaniens et aux Ibères – l’Écriture et la Loi divine, donne naissance à la première historiographie arménienne, marquée par un sentiment unitaire suscité par la maison princière des Mamikonian – émules des Maccabées - et s’inscrivant tout naturellement à la suite de l’Histoire sainte12. Pour tous les auteurs de l’Âge d’Or, il existe une seule histoire de l’Arménie, à laquelle chacun apporte sa contribution13.
Des historiens au service de la foi, de la patrie et des princes Mamikonian
9C’est ainsi que, enraciné dans le christianisme, le sentiment national se manifeste de manière éclatante dans une série d’œuvres historiques : l’Histoire des Arméniens d’Agathange (l’auteur grec – imaginaire – de l’œuvre), amplifiant la prédication de saint Grégoire et fixant la doctrine de l’Église arménienne, composée vers 451 pour contrer le zoroastrisme14 ; le Bouzandaran – suite du précédent jusqu’au partage de 384-387 – dont le titre se réfère à un « recueil de gestes épiques », combinées vers 470 par un partisan de la maison des Mamikonian, sauveurs de l’Arménie (en tout cas de l’identité arménienne), plus dignes de respect que les Arsacides arméniens, déchus en 42815 ; l’Histoire de l’Arménie, du moine Ghazar de P’arpi, ami de Vahan Mamikonian, le récit couvrant le siècle qui va du partage de 384-387 au rétablissement de l’autonomie consécutive à la victoire arménienne de 484, sur les Perses16 ; une Histoire primitive de l’Arménie, datant des ve-vie siècles, et utilisée postérieurement par Moïse de Khorène (viiie siècle)17; le récit sur la guerre des Vardanank’, dû au moine Yéghichê (Élisée) qui exalte la lutte et le martyre du général Vardan Mamikonian et de ses compagnons en 451, face aux Perses mazdéens venus éradiquer le christianisme de l’Arménie, et présentant les héros d’Awarayr comme de nouveaux Maccabées18.
La persécution antiarménienne des Sassanides au Ve siècle et la réaction des princes
Les tentatives d’iranisation dynastique et de syriacisation ecclésiastique
10Profitant des dissensions croissantes entre les souverains arméniens et les princes, les Sassanides tentèrent de placer sur le trône d’Arménie un rejeton de leur dynastie puis finirent par supprimer, en 428, la royauté arsacide avec l’assentiment des nakharar : au roi fut substitué un marzban (gouverneur de marche) perse d’abord, puis arménien. Ils substituèrent à la dynastie patriarcale issue de saint Grégoire des prélats syriaques, peu suspects de sympathie pour l’Empire byzantin, puis tolérèrent l’élection de patriarches issus du peuple arménien. Peu auparavant, la noblesse arménienne avait vu rétablir son ordre de préséance à la cour sassanide (résidant à Ctésiphon), ce qui promettait à la Persarménie – la partie de l’Arménie sous domination sassanide – un certain degré d’autonomie.
Recherche d’une réaction appropriée à la persécution
11On observe, sous le « roi des rois » Yazdgard (439-457), un durcissement de la politique antiarménienne. Jusqu’alors, le souci avait prévalu, chez les Sassanides, sans attaquer les fondements du christianisme, de favoriser le rapprochement de l’Église arménienne avec les Églises syriaques, dont la foi, parce qu’opposée à celle de l’Empire romain d’Orient, était admise. Entraîné dans d’importantes guerres contre les nomades qui menaçaient, au nord, par le Caucase, et surtout à l’est, à partir de l’Asie centrale, la puissance sassanide, Yazdgard, qui avait mobilisé les nobles arméniens et leurs contingents, fut indisposé – ainsi que la cour sassanide et les mages mazdéens avec lui - par la célébration du culte chrétien, au beau milieu de l’armée perse, par les aumôniers accompagnant les Arméniens19 ; ses efforts pour imposer alors le mazdéisme eurent pour conséquence, lorsqu’ils échouaient, soit des exécutions – comme celle de Garégin, un nakharar qui le contredisait sur la christologie-, soit à l’envoi en première ligne. Yazdgard, en 444, adressa aux peuples tributaires de son empire un édit leur enjoignant de le rejoindre dans la région de Nishapour (province du Khorasan, au nord-est de l’Iran), comme nous en informe Yeghichê20. Il mobilisa, entre autres, en Grande Arménie, des nobles, des hommes libres, des personnes de sang royal ; les Ibères, les Aghouank’, durent également répondre à l’ordre de mobilisation, qui toucha encore les Kurdes et les Goths. « Tous ces peuples étaient fidèles à la seule Église catholique et apostolique21. »
12Les chrétiens ainsi mobilisés « emportèrent avec eux les Livres saints et se firent accompagner par beaucoup de religieux et des prêtres, après avoir réglé les affaires du pays, sans compter sur la vie ». Se conformant aux prescriptions de l’apôtre Paul : « Serviteurs, obéissez à vos maîtres temporels, non point faussement et en apparence, mais de bon cœur, comme si vous serviez Dieu et non pas un homme, car c’est le Seigneur qui vous récompensera de votre labeur », les combattants chrétiens exécutent scrupuleusement les ordres de Yazdgard22. Prévoyant le pire, ces guerriers, selon Yéghichê, témoignèrent de leur foi publiquement : « Ils commencèrent dès lors à pratiquer leur religion en présence de l’armée, à expliquer leur sainte croyance et à chanter à haute voix des psaumes et des cantiques spirituels23. »
13À l’issue d’une grande victoire sur les Kouchans (peuple indo-européen dont l’Empire menaçait à l’est celui des Sassanides), et sur le conseil des mages et des « chaldéens », Yazdgard décide de convertir de force à la religion de Zoroastre tous ceux qui étaient fidèles au saint Évangile du Christ, entre autres « la nombreuses cavalerie des Arméniens, des Ibères et des Aghouank’24 », les prenant au piège dans un endroit montagneux, puis, à l’occasion d’un festin, leur faisant présenter « de la chair immolée » (aux divinités mazdéennes), enfin les déportant en masse vers une région désertique pour combattre les peuples de la steppe : « Fortifiés par l’amour du Christ, ils enduraient avec une grande joie toutes ces souffrances pour son nom et pour la sublime espérance qui est préparée aux patients observateurs de ses commandements », et ce d’autant plus facilement que « beaucoup d’entre eux, dans leur jeunesse, avaient appris les saintes Écritures25 ». À bout d’expédients – après avoir accablé d’impôts l’Église et le peuple et maltraité la noblesse, à commencer par le prince Vahan Amatouni, intendant général du pays, le souverain sassanide se décida à attaquer de front l’Église. Persuadé par son ministre, le « grand commandeur » Mihr-Narsê, mazdéen fanatique, que l’imposition du mazdéisme, non seulement amènerait les Arméniens à la vraie foi, mais, en outre, les détacherait des Grecs et entraînerait dans leur sillage les Ibères et les Aghouank’, le souverain sassanide promulgua, en 449, en Arménie même, un édit adressé - dans la forme où les chroniqueurs arméniens le présentent – par Mihr-Narsê, à la noblesse arménienne, au nom de Yazdgard26.
14Dans cet édit, d’après Ghazar de P’arpi, le roi, arguant de son devoir de ramener les sujets égarés à la vraie religion, celle de Zarathoustra, annonçait l’envoi, par l’intermédiaire des mages, des dogmes du mazdéisme, mis par écrit à l’intention des Arméniens, et mettait ces derniers en demeure d’abandonner leur religion « fausse et stérile27 ».
15Une réponse collective fut rédigée par l’épiscopat, placé sous l’autorité du patriarche Hovsêp‛, de Hoghotsim, et par les nakharar, les uns et les autres réunis au siège patriarcal d’Achtichat. Dans cette réponse, après avoir souligné la primauté de la soumission à Dieu, l’assemblée se référait au précepte paulinien d’obéissance envers les « maîtres temporels », comme en témoigne Ghazar de P’arpi :
Aussi nous, étant soumis d’abord aux préceptes de notre religion, et ensuite à votre puissante autorité, nous sommes disposés, autant qu’il est en nous, à vous servir, non point par contrainte […], mais à exécuter volontiers et avec empressement tous vos ordres et toutes vos volontés, à vous être soumis, non seulement en acquittant nos tributs, mais aussi en versant pour vous notre sang et celui de nos fils28.
16Convoqués à la cour de Ctésiphon et sommés de se convertir, les nakharar eurent, selon Yéghichê, une réaction unanime :
Si tu nous laisses notre foi, nous ne te changerons point pour un autre maître sur la terre ; mais nous ne changerons pas Jésus-Christ pour un autre Dieu, puisqu’il n’y en a point d’autre que lui […]. Si tu nous offres des supplices, nous devons les accepter ; si tu nous présentes le glaive, voici nos têtes29.
17Ces solennelles affirmations n’empêchèrent pas la plupart des princes de se soumettre aux prosternations rituelles, encouragés dans cette voie par un chrétien de la cour, adepte de la restriction mentale. Il est certain que les liens étroits des nakharar avec la cour sassanide, les similitudes culturelles et institutionnelles avec les Perses, rendaient difficiles une réaction radicalement conforme à leurs engagements chrétiens : l’hérésie donatiste, née dans l’Empire romain, déclarant invalides les sacrements délivrés par les évêques qui avaient failli pendant les persécutions de Dioclétien, au début du ive siècle, procédait d’une excessive rigueur vis-à-vis d’une défaillance provoquée par les circonstances. En dépit de la différence de contexte, il peut paraître difficile, là aussi, de considérer les princes arméniens surpris par la persécution sassanide, comme de vrais renégats.
18Encouragés par l’apostasie de fait de la majorité des princes arméniens, Yazdgard les fit raccompagner en Arménie par de nombreux mages et prélats mazdéens, chargés de transformer les églises en pyrées (autels du feu) et de propager la religion mazdéenne. Ce ne furent pas moins de sept cents docteurs mazdéens qui tentèrent de convertir l’Arménie et d’y imposer les ablutions à l’urine de bœuf et le mariage entre frère et sœur30.
La résistance chez les Arméniens : une union biblique
19C’est du clergé que partit la résistance – les évêques, dans leurs diocèses, étant relayés par les chorévêques – pour gagner ensuite le peuple, qui prit les armes. Les princes ne devaient suivre qu’après. Le lien entre le clergé et le peuple apparaît évident dans l’épisode d’Ankegh, près de Dwin, en novembre 449. Le chef des mages, accompagné de beaucoup d’autres mages, s’apprêtant, un dimanche, à aller enfoncer les portes de l’église, le prêtre Ghéwond, encouragé par d’autres clercs, et sans attendre la décision des évêques, s’y opposa31.
20Alors une grande foule repoussa les soldats et les mages. On s’arma de pierres pour casser la tête des mages et du chef des mages et, après qu’on les eut forcés à rentrer dans leurs propres résidences, en exaltant le culte de l’Église, ils accomplirent sans interruption les cérémonies sacrées jusqu’au dimanche suivant32.
21Cet acte de résistance semble avoir embrasé le pays. Le chef des mages, sur le point de renoncer à la conversion forcée des Arméniens, manifeste son étonnement devant l’unanimité de l’Église arménienne : « Quant à moi, j’ignorais l’union indissoluble du clergé, puisqu’il est bien différent d’entendre ou de voir de ses propres yeux33. » L’union des chrétiens est consommée, sinon avec l’adhésion feinte du marzban arménien Vasak Siouni, du moins avec le rappel du prince Vardan Mamikonian par ce dernier, alors qu’il s’apprêtait à passer en territoire romain, et par sa réintégration – puisqu’il avait feint d’accepter les rites mazdéens, lorsqu’il se trouvait à Ctésiphon – à l’Église arménienne, après que –, convoqué à une réunion nocturne, il eut été soigneusement interrogé par les évêques sur ses sentiments religieux et à nouveau admis à la communion34. Ce retour dans sa patrie et à son Église désignait Vardan Mamikonian comme le chef du soulèvement des Arméniens pour la défense de leur foi. Dès lors, le ralliement des nakharar au clergé et au peuple était assuré, l’union sacrée, consommée : les nakharar sur la sollicitation des évêques, puis le marzban Vasak Siouni, fait prisonnier à l’occasion de la première victoire remportée par les Arméniens sur les Perses, s’engagèrent sur l’Évangile35. L’ardeur religieuse paraissait effacer les différenciations sociales, tout autant que la distance traditionnelle entre les hommes et les femmes. L’unanimité est soulignée par Yéghichê : il n’y avait plus qu’« une seule préoccupation dans le cœur de tous », ils étaient « unis dans le Christ », « unanimement, ils s’étaient couverts de la même armure », « ils s’étaient revêtus de l’unique cuirasse de la foi36 ».
22C’est une exigence radicale de vérité qui se manifeste alors chez les fidèles arméniens : des reproches sont adressés aux nakharar qui, sur le conseil d’un chrétien de la cour de Ctésiphon, avaient tout en réservant, en leur for intérieur, leur fidélité au Christ, accepté d’offrir des sacrifices au feu et au soleil. On peut attribuer au clergé, sinon au peuple, les admonestations formulées par Yéghichê : « Que ferez-vous du précepte du Seigneur ? “Celui qui me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans le Ciel, et devant les saints anges”37? » Plus loin : « Vous aviez eu pour nourriture un corps vivant et un sang immortel, maintenant, vous vous souillerez de la vapeur et de la fumée des victimes et de la corruption38. » Ou encore : « Vous étiez les héritiers du Paradis, maintenant vous donnez vos âmes en héritage à l’enfer39. » Mais les princes arméniens renégats, ou leurs parents, allaient se racheter radicalement de leurs fautes.
23Vardan, à la veille de l’invasion de l’Arménie par la Perse, et au moment de la concentration des troupes arméniennes à Artachat, sous l’effet d’une impérieuse nécessité, substituait aux seigneurs apostats qui avaient suivi le prince de Siounie [Vasak], leurs frères, leurs fils et leurs neveux », auxquels il peut, en toute sécurité, confier un commandement. Des Arméniens fidèles à leur foi, il est dit : « Ils regardaient l’apostasie comme une mort, et comme une vie éternelle de mourir pour Dieu40. »
La définition d’un héroïsme chrétien spécifique
La référence aux Maccabées
24Le choix paraît être, pour les prêtres et les combattants, le royaume de Dieu plutôt que le royaume terrestre. Haranguant les troupes arméniennes à Awarayr, à la veille de l’engagement avec l’armée perse, le prince Vardan Mamikonian rappelle la solidité des fondements de l’Église arménienne, à laquelle les combattants fidèles au Christ sont incorporés : « Bien que nous soyons sur la terre avec nos corps, nous sommes enracinés avec la foi dans le ciel. Là, personne ne peut toucher à l’édifice du Christ41. »
25Yéghichê affirme, en introduction à son chapitre V sur « l’invasion des Orientaux :
L’amour de Dieu est au-dessus de toutes les grandeurs terrestres, et il rend les hommes intrépides à la manière des cohortes incorporelles des anges, comme cela s’est vu très souvent en différents endroits depuis le commencement42.
26Le modèle héroïque qui inspire l’auteur semble être puisé dans le soulèvement national juif (167 av. J.-C.) contre Antiochus IV Épiphane, roi séleucide, dont la politique d’hellénisation menaçait l’identité du peuple d’Israël. À l’issue de cette révolte, la Palestine recouvra son indépendance et la liberté religieuse. Les chroniqueurs arméniens inscrivant leurs ouvrages dans la continuité de la Bible, Yéghichê est nourri des Livres des Maccabées, qui relatent cette épopée, le premier, écrit vers 100 av. J.-C., s’avérant plus historique que le second (écrit d’ailleurs près d’un quart de siècle avant), qui se présente comme un ouvrage d’édification, à caractère théologique et historiographique43. Vardan Mamikonian, dans le récit de Yéghichê, semble avoir galvanisé les troupes chrétiennes en leur faisant la lecture (assurément par l’intermédiaire des clercs) des Livres des Maccabées, au fur et à mesure de leur installation dans le théâtre d’opérations. Si le sparapet raconte aux soldats « les souvenirs des braves » – les Maccabées –, c’est certes, en leur rappelant « les coutumes militaires » – celles des Arméniens –, mais aussi et surtout grâce à « la connaissance des Saintes Écritures », dont il était familier depuis l’enfance. Les références historiques font plutôt songer au premier des Livres des Maccabées :
27Choisissant le mémorable exemple des Maccabées, il le lisait pour le faire entendre à tous, et il leur commentait la marche des événements : comment, en combattant, ils avaient, grâce aux lois divines, résisté au roi Antiochus ; et bien qu’alors ils aient terminé leur existence par la mort, toutefois la renommée de leur vaillance est parvenue jusqu’à notre époque, non pas seulement sur la terre, mais éternellement dans le ciel44.
28Vardan cherche ici à toucher le sens de l’honneur des combattants arméniens, en même temps que leur quête de la gloire éternelle. Il y a encore là une certaine confusion entre gloire terrestre et gloire céleste.
Être un paladin ou un martyr
29Deux formes d’héroïsme chrétien sont définies : l’une pour les combattants, et plus particulièrement les nobles ; l’autre pour les non-combattants, à savoir le clergé et ceux qui, par leur statut social, ou en raison des circonstances, ne portent pas les armes.
30Dans le cas du combattant noble, le lignage sort rehaussé des hauts faits militaires – jusqu’au sacrifice de sa vie – accomplis pour la défense de la foi. Ces maisons arméniennes – Mamikonian, Siouni, Amatouni, Artzrouni, Bagratouni – qui, au temps de la royauté arsacide, s’estiment égales en noblesse au souverain arménien et tiennent farouchement à leur rang à la cour arménienne, puis perse, (rang défini par le Gahnamak, ou « Livre des sièges », définissant la place des nobles à la cour de Ctésiphon45, dans un système de préséances auquel la cour de Constantinople semble, plus tard, avoir fait écho) - veulent rivaliser d’exploits non plus pour le roi terrestre, mais pour le roi céleste. Dans sa harangue aux troupes, Vardan rappelle que les nombreux combats, où les Arméniens ont été victorieux, ont été livrés « en vue d’une gloire terrestre », avec la perspective de recevoir « un nom illustre dans la nation » et « de très riches présents ». Il y a une valeur plus haute : « Car si, pour un chef mortel, nous avons déployé tant de bravoure, que ne ferons-nous pas dès lors pour notre roi immortel […] ? » Si les combattants chrétiens doivent bannir toute crainte, c’est parce que « notre chef n’est pas un homme, mais le suprême commandant de tous les martyrs46 ». Ici, la différenciation est clairement faite entre la gloire de ce monde et la gloire dans l’au-delà : comme pour la réaction vis-à-vis des persécutions, un temps de de discernement a été nécessaire.
31Aucune confusion n’est possible entre motivation temporelle et motivation spirituelle, dans le cas du sacrifice suprême du combattant, comme l’établit, vers le milieu du VIIe siècle, dans son Histoire du Tarôn (dont la première partie est attribuée à Zénob Glak), récit populaire consacré à la révolte des Arméniens contre les Sassanides, en 571, et aux premières incursions arabes, Hovhan Mamikonian ; léguant, à la veille de sa mort, ses domaines et ses pouvoirs à Vahan le Loup, prince de Tarôn, et le plaçant sous la protection du saint Précurseur (Jean le Baptiste), vénéré dans le monastère éponyme, Mouchegh, seigneur de Mouch, de Khoyt’ et de Sasoun, s’exprime sans équivoque : « Or, mon fils, sachez bien que si vous succombez pour les chrétiens et pour l’Église, vous serez un martyr ; si vous entreprenez la guerre pour des honneurs temporels, c’est de la bravoure47. » C’est bien dans la catégorie des martyrs que vont finalement se ranger Vardan et ses compagnons.
32Quant à la bataille livrée aux Perses par les Vardanank‛, elle s’engagea le 2 juin 451, près du village d’Awarayr, dans le district d’Artaz, au sud-est de l’Arménie, non loin du lac d’Ourmia, au centre d’une plaine arrosée par le Deghmout, dont le cours séparait les troupes arméniennes et les troupes perses, très supérieures en nombre et confortées par la présence des éléphants de guerre48.
33La place centrale de l’eucharistie dans la vie des chrétiens arméniens y est à nouveau mise en évidence. Après les exhortations du « saint prêtre » Ghewond, les ecclésiastiques, une fois les autels préparés, « célébrèrent les saints mystères ». Les catéchumènes, à la veille d’une bataille décisive – l’affrontement entre christianisme et mazdéisme – brûlèrent les étapes pour être admis dans l’Église : « Ils [les prêtres] préparèrent aussi les fonts et, s’il se trouvait dans la masse des troupes quelque catéchumène, il recevait le matin le baptême et l’eucharistie49. » L’affirmation de l’auteur selon laquelle, « de cette manière, ils se purifièrent comme à la grande solennité de Pâques50 », suggère une communion générale.
34La conjonction, en particulier pour les nakharar, des prouesses du lignage et de l’héroïsme chrétien, apparaît dans les procédés stylistiques – par exemple, l’énumération épique – mis en œuvre par l’auteur à propos des princes qui conduisirent leurs contingents au combat :
Ils précipitèrent leur marche et arrivèrent tous sur le lieu du combat, d’abord [les Vartaniens] et ceux qui étaient restés fidèles, avec chaque corps de troupe, et ayant fait tous leurs préparatifs. [C’étaient] : Nerschapouh Ardzrouni, Khorêne Khorkhorouni, qui était général, Ardag Balouni, Vahan Amadouni et la troupe des Vahévouni51.
35Au total, près de trente noms de lignages ou de personnages illustres sont ainsi évoqués. À l’issue de la bataille, c’est le même type d’énumération épique : « Voici les noms des illustres héros qui endurèrent le martyre [dans cette bataille] ». Cela commence avec « le héros Vartan, de la race des Mamigoniens, avec cent trente-trois hommes ». L’auteur compte en tout « deux cent quatre-vingt-sept héros » et, en outre, « des martyrisés qui appartenaient à la race royale, à celle des Ardzrouni, et aux autres dynasties de satrapes, huit cent quarante hommes, dont les noms, le jour de ce grand combat, furent inscrits dans la liste de la vie52 ».
36Ghazar de P’arpi mentionne aussi « les noms de ceux qui, en ce jours, méritèrent, avec saint Vartan, d’être appelés [au séjour] fortuné et céleste et subirent le martyre ». Il accole au nom des plus éminents des deux cent soixante-seize hommes « couronnés avec les illustres satrapes »- ceux qu’il cite – l’épithète de « bienheureux ». C’est pour l’ensemble des combattants arméniens d’Awarayr, morts pour la défense de la foi chrétienne, à savoir « mille trente-six hommes », que Ghazar affirme : « Le nom de chacun est conservé dans le livre de vie par le Christ rémunérateur53. » Mais il mentionne explicitement les noms des princes qui « en ce jour, méritèrent avec saint Vartan, d’être appelés [au séjour] fortuné et céleste, et subirent le martyre », en leur agrégeant sans les nommer, ceux qui sont tombés avec eux :
37Voici les noms de ceux qui, en ce jour, méritèrent, avec saint Vartan, d’être appelés [au séjour] fortuné et célest, et subirent le martyre : de la famille Khorkhorouni, le bienheureux Khorène ; de la famille des Balouni, le bienheureux prince Ardag ; de la famille des Kentouni, le bienheureux Dadjad ; de la famille des Timaksian, le bienheureux Hemaïag ; de la famille des Kadchpérouni, le bienheureux Nersèh ; de la famille des Kenouni, le bienheureux Vahan ; de la famille des Endzaïn, le bienheureux Arsène ; de la famille des Seroouantzd, le bienheureux Karékin : et ainsi que nous l’avons appris, à la suite de différentes recherches et de divers examens, ceux qui, dans le champ de bataille, ont été couronnés avec les illustres satrapes, forment un chiffre de deux cent soixante-seize hommes54.
Le martyre « désarmé »
38Le martyre de non-combattants est présenté dans le même esprit, et donc en des termes semblables, par les sources arméniennes : ainsi pour les Ghéwondiank’ – ou « Léontiens » –, compagnons du prêtre Ghéwond, près de Nichapour où un certain nombre d’ecclésiastiques, dont Ghéwond et le patriarche Hovsêp’ de Hoghotsim, étaient retenus prisonniers. Refusant catégoriquement, malgré leur loyalisme sassanide, de se rallier au mazdéisme, les « Léontiens » doivent affronter le martyre, le 24 juillet 45455. Yéghichê et Ghazar impriment alors à leurs récits l’allure d’un martyrologe, en mentionnant le nom et l’origine géographique des « six saints, qui furent martyrisés là, dans le désert » (Yéghichê)56 et qui « ont été couronnés » (Ghazar)57. La notion de gloire est transcendée par les ecclésiastiques arméniens, sûrs de mériter, par leur martyre, « la gloire éternelle58 ».
39Le martyre désarmé concerne, à l’époque de Vahan Mamikonian, un prince de Siounik’ qui avait refusé « d’avoir recours au Feu et d’adorer le Soleil » pour sauver sa vie, comme voulait le lui imposer Mihran, général des Perses, et avait été décapité le 25 septembre 482 :
Ainsi le saint prince siounien Azt acheva sa vie, par le martyre dans le mois de Hori, le seizième jour de ce mois. Ses restes furent recueillis et déposés dans la chapelle de saint Grégoire59 [dont il vient d’être question].
La tradition d’une « chrétienté de frontière »
La canonisation des guerriers par l’Église arménienne
40Au témoignage de presque toutes les chroniques arméniennes médiévales, comme à celui de l’épopée populaire Dawit’ de Sasoun, contemporaine, pour sa mise en forme (fin xiie siècle), de l’épopée byzantine Digénis Akritas (l’akrite étant le guerrier de la frontière orientale), et comme cette dernière célébrant les exploits des combattants chrétiens face aux ghâzî arabes60 (ce dernier terme désignant les combattants – surtout frontaliers – de la « guerre sainte »), la communion du guerrier avant la bataille est une tradition bien ancrée, qui peut remonter au vie siècle, mais est réellement attestée comme une pratique régulière, pour l’ensemble des soldats, sous les empereurs de la dynastie macédonienne (pour la plupart d’ascendance arménienne)61. On la relève également chez les Byzantins. Une différence essentielle s’observe cependant : si, malgré les éclatantes victoires de l’empereur Nicéphore Phokas (963-969) sur les Arabes du Proche-Orient, et en dépit des efforts obstinés du basileus, le patriarcat de Constantinople, fidèle aux canons de l’Église, refuse de porter sur les autels les guerriers morts au combat contre l’« infidèle62 », en revanche, les Arméniens, constitués en chrétienté de « frontière63 » (comme leurs voisins géorgiens) n’hésitent pas à vénérer comme saints des martyrs qui se situent dans la lignée aussi bien des Vardanank’ que des Ghéwondiank’.
Permanence du martyre des princes dans la double conception des Arméniens
41C’est également sur le même plan que les sources postérieures – par exemple, au xe siècle, l’histoire de T’ovma Artzrouni (issu de la dynastie royale des Artzrouni) – placent le sacrifice des guerriers morts pour la défense de l’Arménie chrétienne et celui des chrétiens arméniens morts dans les pires supplices pour rester fidèles à leur foi.
42La notion de martyre est récurrente dans les sources arméniennes et particulièrement chez T’ovma Artzrouni (milieu ixe-début xe siècle), vardapet (docteur en théologie) dont l’ouvrage, Histoire de la Maison des Artzrouni, fait largement écho aux ravages et persécutions suscités par al-Moutawakkil, calife abbasside de Bagdad (847-861) qui envoya successivement en Arménie comme gouverneurs Aboû Sayd, puis le fils de ce dernier, Yoûsoûf, et enfin, à la tête d’armées considérables, l’émir turc Boûghâ al-Kabîr. Avant la victoire éclatante remportée, en 852, dans le Vaspourakan, sur l’armée de Boûghâ, par Gourgên Artzrouni, frère d’Achot Artzrouni, grand prince du Vaspourakan (province méridionale de l’Arménie), avec un modeste contingent (900 hommes face à une armée musulmane de 15 000 combattants, selon le chroniqueur), une sereine préparation au combat à caractère religieux, clôturée par la communion, est évoquée par T’ovma Artzrouni :
Pour les Arméniens, ne bougeant pas encore, ils achevaient la liturgie du jour, les prêtres lisaient le Saint Évangile en divers lieux du camp. La prière terminée, ayant rendu gloire à Dieu et prononcé l’« amen », ils s’assirent pour manger le pain64.
43S’il y a le martyre de ceux qui meurent au combat pour la défense de la foi et de la patrie, l’historiographie et l’hagiographie arméniennes mettent également en évidence, dans des termes similaires (la notion de combat spirituel étant, à l’occasion, renforcée par une terminologie paulinienne), le martyre de chrétiens « désarmés » : c’est le cas pour les saints Atomiank’, à savoir le prince Atom Antzéwatsi et ses compagnons, vaillants guerriers au demeurant, décapités ou crucifiés à Dwin en 853, en raison de leur refus d’apostasier, après avoir été capturés par l’émir Boûghâ65. Dans ce registre, la dynastie princière, puis royale, des Bagratouni a donné deux martyrs illustres : le sparapet Sembat Abelabas, déporté à Sâmarra sous le calife Moutawakkil (il y mourut entre 862 et 867), qui, sans avoir été éxécuté par ses geôliers, souffrit de terribles tourments pour avoir refusé d’apostasier et mérita ainsi le nom de khostovanogh (le Confesseur)66.
44Vaillant adversaire des Arabes, le roi Sembat Ier (890-914), traîné aux pieds de la forteresse arménienne de Yérendjak, dans le Siounik’, dont la garnison refusait de se rendre, fut supplicié pour faire céder les assiégés, décapité, et son corps exposé à Dwin sur une croix : aussi fut-il appelé Nahadak (le Martyr)67. Le catholicos Hovhannês V Patmaban (l’Historien), le déclara saint aussitôt après son martyre et témoigna de ses miracles.
Diverses interprétations arméniennes du martyre
45Après la bataille d’Awarayr, Ghazar de P’arpi donne, sur le mode de vie de certains princes arméniens, des détails qui les apparenteraient avant l’heure aux moines-soldats des ordres militaires apparus au xiie siècle en Occident (et dont le principe fut alors rejeté par l’Église arménienne) et qui faisaient d’eux « des anges avec une enveloppe corporelle » :
Ils avaient établi des écoles à leur propre usage, où ils apprenaient la doctrine de l’Église […], ils suivaient les exercices spirituels même dans le camp, comme dans une maison, quelquefois publiquement, et d’autres fois en secret, selon les circonstances […]. En prenant les armes, ils récitaient mentalement les psaumes, et, en attaquant l’ennemi, ils priaient intérieurement dans leur cœur68.
46Cette ascèse faisait qu’ils revenaient vainqueurs. À la veille d’une bataille avec les Perses, engagée par le général des Arméniens, Vahan, en 482, ceux qui devaient « obtenir la couronne du martyre », dont Vasak, frère de Vahan, sont transfigurés et apparaissent semblables aux guerriers de l’« armée céleste69 ». À l’isssue de la bataille remportée par les Perses, périssent, entre autres élus, le commandant de la cavalerie et le frère de Vahan Mamikonian, que Ghazar ne craint pas d’appeler « le saint chef Sahag et saint Vasag Mamigonien70 ». Il faut souligner ici la spécificité du martyre chez les Arméniens, c’est la même terminologie qui est employée pour tous ceux qui meurent pour témoigner de leur foi, soit dans les supplices, comme les Ghéwondiank’, soit à la guerre, comme les Vardanank’ ou les compagnons de Vahan Mamikonian : ils sont appelés nahatak – terme qui, après le sens d’« athlète », a pris celui de « martyr » – et méritent le nom de sourb, « saint ».
47Le combat pour la foi est, même lorsqu’il n’entraîne par la mort, assimilé – abusivement – au martyre par T’ovma Artzrouni, du moins dans le cas de Gourgên, fils d’Apoupeldch, qui, tantôt en combattant les Arabes, tantôt en composant avec eux (il avait feint l’apostasie lors de la déportation des princes arméniens à Sâmarrâ, par le calife al-Moutawakkil), domina pendant un temps le Vaspourakan, après le milieu du ixe siècle71. Le chroniqueur écrit hardiment, à propos de Gourgên :
Je n’hésite point, je ne crains ni honte, ni blâme et le regardant comme l’égal et le compagnon de ces martyrs en exaltant comme martyre ses pénibles combats contre les envahisseurs arabes, jusqu’à l’effusion et à la profusion du sang pour le bien de la patrie, au sacrifice de son âme et de sa chair pour le bien de l’Église du Christ, pour conserver sains et purs ceux qui croient au Père, au Fils et au Saint-Esprit72.
48Ce glissement dans l’interprétation de la guerre – toujours défensive – contre des adversaires non chrétiens est confirmé dans la suite de la chronique : « Toujours à la recherche du martyre des batailles […], ayant préparé la défaite de la race d’Ismaël, le grand général Gourgên dressa partout, en tous lieux, en toute rencontre, le signe du triomphe73. » Cette référence à la croix de la Passion – dont la restitution triomphale, à Jérusalem, en 630, par l’empereur byzantin Héraclius, avait valu à ce dernier la vénération des Arméniens, et dont des reliques étaient conservées dans le monastère de Varag, au Vaspourakan – pourrait être un prélude à une idéologie de croisade, si la « guerre sainte » des Arméniens n’était restée strictement défensive.
La commémoraison des Vardanank’ dans l’Église arménienne
Le catholicos Nersês Chenorhali : les martyrs d’Awarayr (451)
49Saint Nersês IV Chenorhali, l’un des plus éminents catholicos des Arméniens (1166-1173), contemporain des princes roubêniens de Cilicie, dont le pontificat marque un rapprochement sensible avec l’Église grecque, n’a pas craint de consacrer certains de ses charakan (hymnes religieuses) aux combattants de la foi. La troisième et dernière stance d’un de ces charakan résument éloquemment l’esprit du combat et du sacrifice de saint Vardan et de ses compagnons :
Ô vous, véritables martyrs de la Sainte Trinité, sollicitez [d’elle] la paix pour ceux qui sont opprimés par la tyrannie des impies, afin que nous trouvions l’allégresse dans le combat victorieux : puissants et sûrs témoins, couronnés par le Christ74 !
50Le thème du combat et du témoignage suprême pour la croix est explicite dans la sixième stance (sur huit) d’un autre charakan :
Muni du bouclier de la foi,
Couvert de la cuirasse de l’espérance,
Ayant mis sur la tête,
Comme le casque sauveur,
Le signe de la croix,
51Vahan, apparaissant comme chef, rendant témoignage dans la fleur de la jeunesse,
Fut glorifié par son sang
En vrai martyr du Christ75.
Nersês Chenorhali : martyrs d’Édesse (1144)
52Le même Chenorhali, dans son Élégie sur la prise d’Édesse (capitale du comté franco-arménien d’Édesse, conquise par l’émir turc Zengî, en 1144), évoque une atmosphère qui rappelle, près de sept siècles plus tard, celle de la bataille d’Awarayr.
53Mobilisés comme les Vardanank’, les défenseurs d’Édesse invoquent l’exemple des martyrs :
Les martyrs, ces cohortes
Innombrables
Qui vainquirent les puissances du mal
Visibles et invisibles […].
Et qui sont maintenant :
Ceints du diadème de la vie immortelle76 […].
54La notion de gloire est celle d’une société structurée spirituellement par le christianisme et, socialement, par une noblesse guerrière :
Au courage du héros
Gardons de mêler la frayeur du lâche ;
Méritons un nom glorieux,
Qui retentira parmi toutes les nations77.
55En fait, la sainteté reconnue aux Vardanank’ (et à leurs émules de 1144) a des racines vétéro-testamentaires ; les défenseurs d’Édesse apparaissent, en effet, sous la plume de l’auteur des charakan vardaniens, comme des :
Émules des Maccabées
Et des guerriers compagnons de Vardan78.
56Il faut noter, à ce propos, que la référence aux Maccabées était récurrente dans les chroniques franques relatives aux croisades et que les ordres religieux-militaires leur étaient volontiers comparés.
Les Vardanank’ dans la liturgie arménienne
57Chaque année, depuis la bataille d’Awarayr, l’Église arménienne commémore les « saints Vardanank’ », – c’est-à-dire le prince Vardan Mamikonian, les représentants des grandes maisons arméniennes et leurs compagnons d’armes, ainsi que les quelque huit cents combattants, dont l’origine sociale n’est pas précisée, morts au cham d’Awarayr – loyaux au roi terrestre – en l’occurrence, le souverain sassanide – et au Roi céleste, martyrisés pour avoir refusé de privilégier le service du premier aux dépens de la fidélité au second. Invoquant le Christ en l’opposant au soleil adoré par les Perses mazdéens, l’hymne, chantée chaque année en l’honneur des « saints » Vardaniens, se référe à eux, sans ambiguïté, comme à des martyrs :
O Soleil de justice
Qui vous êtes levé sur l’Arménie,
Vous avez fait resplendir la Sainte Église
Par l’effusion du sang des martyrs.
Par leurs prières épargnez-nous,
Ô Donateur de biens,
Et ayez pitié de vos créatures79.
Épilogue. Un ultime héritier de Vardan : « Le brave Liparit »
58Les sources nationales relatives à l’histoire de l’État arménien de Cilicie (1073- 1375) mentionnent plusieurs personnages dont le comportement rappelle celui des Vardanank‛ : le plus emblématique est sans doute Liparit Orbélian, issu de la maison arméno-géorgienne des Orbélian/Orbéliani80. Ce prince, sparapet de l’armée cilicienne sous le règne de Kostandin IV, alors que le royaume arménien était envahi par les Mamelouks, au sud, par les émirs turcomans, au nord, s’opposa héroïquement, vers 1367-1369, à une invasion de l’émir turcoman Mantchak, à la solde des sultans du Caire. Sachant qu’il allait y laisser sa vie, il obéit à l’ordre du roi qui, jaloux de son prestige, cherchait à le perdre. Dans le Tagh (chant, poème) qu’il lui a consacré, le moine Hovhannês de Telkouran, affirme : « Il était vaillant comme saint Sarkis, comme saint Thoros, comme saint Vardan81. »
Quand Liparit eut succombé sous le nombre, en tentant de barrer aux Turcs l’entrée du pont qui donnait accès à la ville de Sis, capitale royale, « La lumière rayonna sur le saint corps inanimé, du brave Liparit qui, avec sire Hohan, mourut pour la chrétienté82.
59Un tel comportement est encore longtemps attesté, dans la littérature historique ou hagiographique de l’Arménie, qui perd son indépendance avec la chute du royaume cilicien, en 1375, sous les coups de Mamelouks, et de la Géorgie dont les différents royaumes sont progressivement annexés par l’Empire russe au cours des trois premières décennies du xixe siècle. Les martyrs princiers sont, entre le xve et le xviie siècle, plus discernables chez les Géorgiens que chez les Arméniens, en raison du maintien, plus large et plus durable, des structures socio-politiques.
Notes de bas de page
1 Pour tout ceci, nous nous permettons de renvoyer à Marie-Louise Chaumont et Giusto Traina, III, Les Arméniens entre l’Iran et le monde gréco-romain (ve siècle av. J.-C. – vers 300 ap. J.-C.), dans Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Toulouse, Privat, 2007-2008.
2 Jean-Pierre Mahé, IV, « Affirmation de l’Arménie chrétienne (vers 301-590) », dans Histoire du peuple arménien, p. 170-171.
3 Ibid., p. 171, dans Claude Mutafian (dir.), Roma-Armenia (Catalogue de l’exposition, Bibliothèque apostolique du Vatican, 25 mars-16 juillet 1999), Edizioni De Luca, Rome, 1999, p. 69.
4 Ibid.
5 Ibid., p. 70.
6 Id., dans Histoire du peuple arménien, p. 167. Les chefs de l’Église arménienne de la maison des Grégorides résident d’abord dans leur domaine d’Achtichat, près duquel se trouvait le « Siège de saint Thaddée », réuni à celui de saint Grégoire en 342 (ibid.). La promotion de Vagharchapat est concomitante de la construction de l’église d’Edjmiatzin sous le pontificat de saint Sahak (ibid.).
7 Ibid.
8 Id., dans Histoire du peuple arménien, p. 167-168.
9 Ibid., p. 180-181.
10 Ibid., p. 181-182.
11 Id., « Entre Moïse et Mahomet : réflexions sur l’historiographie arménienne », Revue des Études arméniennes, Nouvelle Série, t. 23, Paris, 1992, p. 125-126.
12 Ibid., p. 126-127.
13 Ibid., p. 128-129.
14 Id., dans Histoire du peuple arménien, p. 183.
15 Ibid.
16 Ibid.
17 Ibid., p. 184.
18 Ibid.
19 René Grousset, Histoire de l’Arménie des origines à 1071, réédit., Paris 1995, p. 189-190.
20 Ibid.
21 Yéghichê, dans Victor Langlois, Collection des historiens anciens et modernes de l’Arménie, 2 vol., 2e édition, Lisbonne, 2001, t. 2, p. 186, col. 1.
22 Ibid., p. 186, col. 2.
23 Ibid., p. 188, col. 1.
24 Ibid., p. 189, col. 1.
25 Ibid., col.2.
26 Ibid., p. 190, col. 2.
27 Ghazar de P’arpi, dans V. Langlois, Collection des historiens, t. 2, p. 281, col. 2.
28 Ibid., p. 282, col. 1.
29 P. 196, col. 1.
30 R. Grousset, op. cit., p. 193-194.
31 Ibid.
32 Yéghichê, p. 202, col. 1.
33 Ibid., p. 203, col. 1.
34 R. Grousset, op. cit., p. 196.
35 Ibid., p. 196-197.
36 P. 205, col. 1.
37 Ibid., p. 200, col. 2.
38 Ibid., p. 201, col. 1.
39 Ibid.
40 Ibid., p. 215, col. 2.
41 Ibid., p. 216, col. 2.
42 Ibid., p. 215, col. 1 et 2.
43 Bible de Jérusalem, « Jérusalem nouvelle », Paris, 1979, p. 671-673.
44 Yéghichê, p. 217, col. 2. Voir l’encadré « Les ‘saints’ Maccabées » dans André Chouraqui, L’univers de la Bible, t. VII, Paris, p. 109. Robert W. Thomson a étudié la question dans son article « The Maccabees in early Armenian historiography », Journal of Theological Studies, 26, Oxford, Oxford University Press, 1975, p. 329-341, repris dans id., Studies in Armenian Literature and Christianaty, Variorum, 1994, VII.
45 Sur le Gahnamak, voir Gérard Dédéyan, « Les listes féodales du Pseudo Smbat », Cahiers de civilisation médiévale, n° 1, janvier-mars 1989, p. 30-32.
46 Yéghichê, p. 217, col. 1.
47 V. Langlois, Collection des historiens, t. I, p. 366, col. 1.
48 R. Grousset, op. cit., p. 204.
49 Yéghichê, p. 220, col. 2.
50 Ibid.
51 Ibid., p. 215, col. 2.
52 Ibid., p. 222, col. 2.
53 Ghazar, ibid., p. 298, col. 1 et 2. Sur tout ceci, voir Grousset, Histoire de l’Arménie, p. 206. À propos des Vardanank’, nous renvoyons aussi à la contribution du cardinal Claudio Gugerotti, « Vardan Mamikonean et l’idéologie martyriale », dans Claude Mutafian (dir.), Roma-Armenia, p. 89-92, et à celle de Gabriella Uluhogian, « Ve siècle : le “siècle d’or” », ibid., p. 87.
54 Yéghichê, p. 222, col.
55 P. 211-212.
56 P. 242, col. 2.
57 P. 315, col. 2.
58 Ghazar, p. 319, col. 2.
59 Ghazar, p. 341, col. 1.
60 Cf. Nicolas Adontz, « Les fonds historiques de l’Epopée byzantine Digénis Akritas », dans Études byzantines, Bibliothèque arménienne de la Fondation Calouste Gulbenkian, Lisbonne, 1965, p. 7-36.
61 Cf. Béatrice Caseau, Jean-Claude Cheynet, « La communion du soldat et les rites religieux sur le champ de bataille », dans B. Caseau, J.-Cl. Cheynet et V. Déroche (dir.), Pèlerinages et lieux saints dans l’Antiquité et le Moyen Âge. Mélanges offerts à Pierre Maraval, Paris, 2006, p. 115-116.
62 Gilbert Dagron, Pierre Riché et André Vauchez (dir.), Histoire du christianisme, t. IV, Paris, 1993, p. 238. L’ouvrage classique (en grec) sur la « guerre sainte » à Byzance est celui d’A. Kolias-Dermitzakè, Ho hiéros polémos […], Athènes, 1991. On consultera aussi le commentaire de G. Dagron (en particulier, p. 147-148, où il cite des extraits des Taktika de Léon VI, se référant au dévouement des musulmans pour le djihâd) dans G. Dagron et H. Mihaescu, Le traité sur la guérilla (De velitatione) de l’empereur Nicéphore Phocas, 963-969), Éditions du CNRS, Paris, 1986 ; ou, encore, la mise au point récente d’Antonio Carile « La guerra santa nella Romània (impero romano d’Oriente) secoli VII-XI », dans Mauro Perani (dir.), Guerra santa, guerra e pace dal Vicino Oriente antico alle tradizioni ebraica, cristiana e islamica, Atti del convegno internazionale, Ravenna 11 maggio-Bertinoro 12-13 maggio 2004, Éditions Giuntina, Florence, 2005.
63 Cf. Père Levon B. Zekiyan, « Une chrétienté de frontière », dans Arménie. Il y a mille ans, Ani, numéro hors-série de Paris tête d’affiche, Mairie de Paris, 1992, p. 98-100.
64 T’ovma Artzrouni, dans Marie-Félicité Brosset, Collections d’historiens arméniens, t. I, Saint-Pétersbourg, 1874, p. 123.
65 Ibid., p. 138-139. Sur tout ceci, voir R. Grousset, op. cit., p. 362-363.
66 T’ovma Artzrouni, p. 166-167 ; R. Grousset, op. cit., p. 362-363.
67 Sources mentionnées dans Grousset, op. cit., p. 439.
68 P. 320, col. 1.
69 P. 337, col. 1.
70 Ibid., col. 2.
71 Voir l’étude de Joseph Laurent, « Un féodal arménien au ixe siècle : Gourgen, fils d’Aboubeldj », dans id., Études d’histoire arménienne, Bibliothèque arménienne de la Fondation Calouste Gulbenkian, Louvain, 1971.
72 T’ovma Artzrouni, p. 155.
73 Ibid., p. 160.
74 Dans Félix Nève, L’Arménie chrétienne et sa littérature, VII, « Cantiques en l’honneur de Vartan et de ses compagnons, guerriers arméniens, Saint martyrs de la foi », p. 208, et dans Inni sacri di San Nerses il Gracioso, trad. par le Père Mesrobio Gianascian, Saint-Lazare-Venise 1973 « Inno di gloria », p. 195.
75 Ibid., p. 210, p. 195.
76 Recueil des Historiens des Croisades, Documents arméniens, t. I, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris 1869 (édit. et trad. Edouard Dulaurier), p. 249.
77 Ibid., p. 248-249.
78 Ibid., p. 248.
79 La Divine Liturgie du Rite arménien, trad. par Monseigneur Garabed Amadouni, Saint-Lazare-Venise, 1957, p. 92, Inni sacri di San Nerses il Gracioso, p. 185.
80 Sur ce personnage, voir l’étude très précise de Mariya Romanova, « Le maréchal Liparit : la gloire des Orbélian (i) », dans Actes du colloque international « L’Europe et le Caucase : les relations interrégionales et la question de l’identité », 27-28 septembre 2012, à paraître aux Éditions Geuthner. Il est également étudié dans la thèse (à paraître) de M. Romanova, La défense de l’État arménien de Cilicie (1073-1375), Centre d’études médiévales de Montpellier, Université Paul-Valéry Montpellier, 10 décembre 2014.
81 « Cantilène du brave Libarit », dans Archag Tchobanian, La Roseraie d’Arménie, 3 vol., Ernest Leroux, Paris 1918-1929, t. 3, p. 59.
82 Ibid., p. 62.
Notes de fin
* Cette contribution est un remaniement de notre communication « Défense de l’Arménie, martyre et salut aux ive-ve siècles », dans Dominique Avon et Karam Rizk (dir.), De la faute et du salut dans l’histoire des monothéismes, Karthala, Paris 2010, p. 47-75.
Auteur
Université Paul Valéry Montpellier 3
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