La mort du sultan détrôné (1622-1918)
Un survol à travers l’histoire politique de l’Empire ottoman
The death of the deposed Sultan (1622–1918): A survey of the political history of the Ottoman Empire
p. 163-179
Résumés
Cet article suit les traces de la transformation des structures socio-politiques de l’Empire ottoman depuis le début du xviie siècle, en se concentrant sur la mort et les obsèques des sultans détrônés. En ce qui concerne les xviie et xviiie siècles, l’article démontre comment la mort du sultan déchu contribua à la transformation des traditions d’inhumation du sultan et comment elle servit à rendre plus visible l’affaiblissement du pouvoir de la personne du sultan. Quant aux xixe et xxe siècles, alors que se constituait et se développait une opinion publique dans l’empire, les obsèques du sultan détrôné devinrent de plus en plus susceptibles de provoquer une réaction du public, voire une manifestation politique.
This paper tracks the transformation of the sociopolitical structures of the Ottoman Empire from the early seventeenth century onwards, by focusing on the death and funeral of dethroned sultans. As regards the seventeenth and eighteenth centuries, it demonstrates how the death of the deposed sultan contributed to the transformation of the sultan’s burial traditions and made the weakening power of the figure of the sultan more visible. As for the nineteenth and twentieth centuries, when public opinion was taking shape and developing in the empire, the funeral of the dethroned sultan became increasingly likely to cause public reaction, or even political demonstration.
Texte intégral
1La mort est devenue un champ de recherche à part entière dans l’historiographie ottomane à partir des années 1980, suite au développement des études sur la mort en France dans les années 19701. Plusieurs sous-thèmes, à commencer par les formes des tombeaux, les inscriptions funéraires, les rites de soin funéraire et les cérémonies des obsèques ont été explorés par des historiens ottomanistes, majoritairement francophones2. La mort du sultan est une des composantes de ce nouveau champ de recherche. La littérature consacrée aux aspects événementiels de la mort d’un sultan existait de longue date, mais l’année 1996 marqua tournant historiographique avec la publication des articles de G. Necipoğlu, K. Kreiser, N. Vatin et G. Veinstein, centrés sur l’évolution des rites des obsèques et des tombeaux, et la perception politique de la mort du souverain3. L’article de N. Vatin et G. Veinstein annonçait la publication d’un ouvrage de référence, pour cet objet historiographique spécifique, et au-delà : Le Sérail ébranlé (Fayard, 2003) qui couvre une période étendue (1324-1808), est particulièrement attentif aux significations et échos sociaux-politiques de la disparition des sultans. Le présent article s’inscrit avant tout dans cette perspective historiographique qui vise à analyser la mort des sultans dans la longue durée des structures socio-politiques de l’Empire.
2Contrairement à ce qu’on pourrait supposer d’une dynastie régnant pendant plus de six siècles, la maison d’Osman n’était pas étrangère aux détrônements. Parmi les trente-six sultans, douze trouvèrent la mort après leur déposition4. En outre, mourir en sultan devint un cas presque exceptionnel durant certaines périodes. Parmi les cinq sultans régnant entre 1617-1687 (Mustafa Ier, Osman II, İbrahim, Murad IV et Mehmed IV), seul Murad IV mourut tandis qu’il était toujours sur le trône. À la suite de deux courts règnes entre 1687-1695 qui se terminèrent par la mort naturelle des sultans, la période de détrônements continua jusqu’en 1730 par deux abdications forcées (Mustafa II et Ahmed III). Ainsi, de la mort d’Osman II en 1622 jusqu’à celle d’Ahmed III en 1736, six funérailles de sultan sur neuf furent celles de détrônés. Mourir sur le trône devint de nouveau un cas minoritaire à partir du début du xixe siècle. Parmi les neuf derniers sultans, seuls trois (Mahmud II, Abdülmecid, Mehmed V) eurent la « chance » de mourir en souverain. La première décennie du siècle assista d’abord aux funérailles de deux sultans (Selim III et Mustafa IV) détrônés puis exécutés. À la suite de deux règnes sans déposition, quatre des cinq derniers sultans moururent détrônés (Abdülaziz, Murad V, Abdülhamid II, Mehmed VI5). Durant le dernier demi-siècle de l’Empire, la famille, la bureaucratie, le palais et le public ottoman étaient en fait beaucoup plus familiers des obsèques d’un ex-souverain que de celles du sultan sur le trône. Le fait que les funérailles des sultans déchus sont devenues majoritaires durant les deux périodes décrites ci-dessus, était fortement lié aux changements dans la structure politique de l’Empire. Dans les pages suivantes, nous allons relire ces périodes à travers la mort et les obsèques de sultans détrônés, en y suivant les traces déterminantes de la transformation de la structure politique de l’Empire.
Vers un État moderne, ou l’ère de la limitation de l’autorité du sultan (1622-1736)
3À partir de la fin du xvie siècle les crises politiques provoquées notamment par l’inflation élevée furent accompagnées par de multiples changements dans la structure de l’Empire, à commencer par la monétarisation accrue des impôts et de l’économie, la hausse du nombre des janissaires, le renforcement de la puissance économique et politique des maisons des vizirs et des uléma et finalement la perte du pouvoir du sultan face aux élites du pouvoir, groupes privilégiés (les janissaires, les ouléma, la Cour, la dynastie et les vizirs)6. La structure de l’État moderne et bureaucratique se formait et les équilibres politiques entre les piliers de l’État se recomposaient. Le droit de succession fut modifié progressivement du « père au fils » vers « l’aîné de la famille » ; la politique fratricide disparut et la pratique d’envoyer les princes dans les provinces comme gouverneurs fut abandonnée. Les princes, politiquement moins puissants, commencèrent à vivre enfermés dans le palais (kafes). Il y avait donc désormais plusieurs alternatives légitimes pour le trône. Le détrônement du sultan devint ainsi une option politique encore plus probable que jamais. Parallèlement à tous ces développements, la place de la mort du sultan dans le cycle des crises politiques fut inversée. La mort du sultan – qui risquait auparavant de générer un vide temporaire d’autorité jusqu’à l’arrivée du prince héritier dans la capitale ou une crise de succession, voire une guerre entre princes – ne causait désormais plus de crises politiques, mais les crises pouvaient coûter le trône, voir la vie aux sultans7.
4La déposition de Mustafa Ier en 1618 marqua le début de l’ère des détrônements. Les premières obsèques d’un sultan déposé de cette nouvelle ère eurent lieu quatre ans plus tard. Il ne s’agissait pas des obsèques de Mustafa Ier, mais de son successeur Osman II, qui n’avait que dix-huit ans. La politique du jeune sultan visait à élargir l’étendue de son pouvoir, à restaurer le poids politique de la personne du sultan et à sécuriser ainsi son règne. Cependant, ses manœuvres politiques exaspérèrent les ouléma, les militaires, et même la dynastie. Une mutinerie des janissaires et des sipahi (les cavaliers de la Porte) soutenue par les ouléma de rangs inférieurs éclata le 18 mai 1622. Le lendemain les révoltés entrèrent jusqu’au harem impérial où Mustafa Ier se trouvait. On le proclama de nouveau sultan. Osman II fut capturé le 20 mai et étranglé à la forteresse de Yedikule sous la surveillance Davud Paşa (le beau-frère de Mustafa Ier et le nouveau grand-vizir). D’après certaines chroniques ses testicules furent comprimées jusqu’à ce qu’il meure et on lui coupa une oreille et le nez afin de l’amener à la mère de Mustafa Ier comme preuve de sa mort8.
5La nuit du même jour, son corps fut transféré au palais de Topkapı, le palais principal et le centre de l’administration de l’Empire. Il était d’usage de préparer le corps du sultan défunt pour l’enterrement dans ce palais, qui était par ailleurs le lieu où commençaient les obsèques publiques. Cette tradition fut pratiquée jusqu’à la fin de l’Empire, même après le déménagement définitif de la cour ottomane dans un nouveau palais en 1856. Le 21 mai 1622, les obsèques d’un fils sultan exécuté se déroulaient dans le palais pour la première fois. Précisons d’abord que certains aspects des funérailles ne variaient pas selon le statut du défunt. Comme N. Vatin l’explique, qu’il s’agisse d’un sultan détrôné ou d’un sultan mort sur le trône,
on rend à son corps les devoirs qui sont dus à tout musulman ; il subit le lavage rituel, est mis au linceul ; il est porté sur un musallâ et l’on prononce une prière funéraire pour son âme ; enfin il est mené en procession jusqu’à l’emplacement de sa tombe où il est inhumé canoniquement9.
6Le corps d’Osman II ne faisait pas une exception. En outre, selon la tradition impériale de l’époque, la prière funéraire du sultan devrait être présidée par le cheikh-ul islam et cette coutume fut également suivie malgré une difficulté considérable. Le cheikh-ul islam, dont la fille avait contracté un mariage légal avec Osman II, n’étaient pas venu aux obsèques, mais un autre fut nommé sur le champ cheikh-ul islam et présida la prière funéraire10.
7On peut évoquer deux particularités des obsèques d’Osman II qui ne furent pas tout à fait conformes aux usages impériaux de la période, et contribuèrent à leur modification. Premièrement, les conditions de la mort d’Osman nécessitaient davantage de témoins pour confirmer sa disparition, afin d’empêcher les rumeurs et les faux prétendants probables. C’est alors que débuta la tradition de la visite du corps du sultan avant la toilette funéraire par les autorités politiques, nouvelle pratique qui renforça davantage l’aspect public de la mort du sultan11. Deuxièmement, contrairement à tous les sultans décédés avant lui, Osman II n’eut pas son propre mausolée (türbe). Il fut inhumé dans celui de son père (Ahmed Ier). Ce choix aux fortes connotations politiques marqua une étape dans un changement progressif qui avait déjà commencé et qui allait se poursuivre. D’abord Selim II (1574), ensuite Murad III (1595) et finalement Mehmed III (1603) furent inhumés dans les mausolées bâtis dans le jardin de Sainte-Sophie près de palais de Topkapi, et non pas auprès de la mosquée construite en leur nom comme il était de la coutume. Quand Osman II fut enterré dans le mausolée d’Ahmed Ier placé juste en face de Sainte-Sophie, il y avait donc déjà une tendance à regrouper les tombeaux des sultans, à créer une sorte de « nécropole impériale » près du palais et donner ainsi plus de visibilité à la continuité ininterrompue de la dynastie12. L’enterrement suivant était celui de Mustafa Ier (1639), le prédécesseur et successeur d’Osman II, détrôné une deuxième fois en 1623. On l’inhuma dans son propre mausolée. Cette fois-ci, il ne s’agissait pas d’une nouvelle construction, mais de l’ancien baptistère de Sainte-Sophie, qui était utilisé comme magasin d’huile pour les lampes. Un an plus tard, son successeur Murad IV mourut sur le trône. Bien qu’il eût été le sultan le plus puissant de son siècle, son corps fut placé dans le mausolée de son père (Ahmed Ier), tout comme son frère Osman II. L’inhumation dans le mausolée d’un autre sultan n’était donc plus une exception réservée à un sultan détrôné. Cette pratique allait désormais faire pleinement partie de la tradition funéraire de la maison d’Osman. La modification était avant tout la conséquence de la diminution progressive de l’importance individuelle du sultan face à sa propre dynastie. Cependant, les particularités du cas d’Osman II – un sultan détrôné et exécuté – peuvent être considérées parmi les facteurs principaux qui facilitèrent cette évolution.
8Si l’affaiblissement du pouvoir du sultan depuis la fin du xvie siècle avait rendu le régicide plus probable, il n’avait pas privé l’assassinat du sultan de son poids politique. Aucun acteur n’admet son rôle dans l’exécution d’Osman II et les chroniqueurs du xviie siècle le considèrent comme un acte cruel et maléfique. Davud Paşa fut finalement désigné comme unique responsable et exécuté en 1623, au même endroit qu’Osman II. Le régicide créait une très lourde responsabilité politique, ce qui n’empêcha pas qu’il se reproduise en 1648.
9« Ne suis-je pas votre Padischah ? Qu’est-ce que cela signifie13 ? » Telles étaient les paroles d’İbrahim quand on lui déclara sa déposition. Malgré les trois détrônements durant les dernières trois décennies, il était visiblement toujours difficile d’admettre pour le sultan qu’il n’était pas le souverain absolu. Au cours du xviie siècle, le décalage entre la théorie et la pratique du système politique était devenu encore plus important. L’une accordait le sultan le pouvoir absolu, tandis que l’autre le contraignait à se soumettre aux ordres de ses kul (esclaves), ses subalternes14.
10İbrahim fut d’abord emprisonné, puis étranglé dix jours après son détrônement (18 août). Comme l’ambassadeur français l’explique dans sa dépêche la « cause de sa mort vient d’un bruit qui commençoit à courir et qui estoit veritable que la milice particulière des sipahis se repentoient disia d’avoir depose leur Prince et le vouloient restablir15 ». Le nouveau sultan n’avait même pas sept ans et les hauts dignitaires ayant renversé İbrahim ne voulaient pas que l’ombre de son père plane sur le trône. Contrairement au cas d’Osman II, l’exécution d’İbrahim fut juridiquement justifiée par une fatwa du cheikh-ul islam16. Malgré l’accord des hauts dignitaires, une fois l’ordre rétabli, la responsabilité de l’acte fut à nouveau attribuée à une seule personne, le grand-vizir Sofu Mehmed Paşa, qui fut mis à mort en exil en novembre 184917. Le régicide était devenu plutôt facile à commettre, mais c’était toujours un sacrilège grave.
11Les obsèques d’İbrahim furent conformes aux coutumes, à l’exception du lieu de son enterrement : le mausolée de son oncle Mustafa Ier. C’était le premier sultan inhumé dans le mausolée d’un autre qui n’est pas son père. Ce choix était sans doute possible grâce à la disparition progressive de l’ancien mode de succession (de père au fils aîné) et à l’installation du principe de la séniorité. Cependant, la mort d’un sultan détrôné était visiblement utilisée à nouveau comme une opportunité de modifier la tradition funéraire, afin d’accentuer davantage l’importance de la dynastie.
12Mehmed IV, le fils d’İbrahim resta sur le trône pendant trente-neuf ans. Ce deuxième plus long règne de toute l’histoire de l’Empire prit fin en novembre 1687, avec une révolte des militaires. Quand le sultan estima son détrônement inévitable, il envoya une lettre auguste aux révoltés. Par cette lettre, le sultan déclarait qu’il confiait sa vie et celles de ses deux fils aux révoltés, et demandait que son fils ainé soit intronisé à sa place. À la différence de son père, au moment de son détrônement Mehmed IV semble avoir compris que son pouvoir absolu en apparence était bien limité dans la pratique. Cependant, la dernière phrase de sa lettre démontre que cela restait pour lui très difficile à admettre : « Un autre nom de Dieu exalté est subjugueur/exterminateur (kahhâr), je souhaite d’Allah que vous soyez tous subjugués/exterminés18 ».
13Mehmed IV vécut enfermé dans une partie du palais qui lui fut réservée et mourut en janvier 1693, à la suite d’une grippe sévère. Au moment de son décès, il se trouvait, avec la Cour, au palais d’Édirne. Le soin du corps et la prière funéraire furent effectués dans ce palais, en suivant les coutumes appliquées au palais de Topkapı. Son cercueil fut envoyé à Istanbul et inhumé dans le mausolée de sa mère, Turhan Sultan, situé dans la mosquée construite par celle-ci19. C’est ainsi que le renforcement progressif d’une conception plus large de la politique dynastique et de la puissance des femmes du harem impérial depuis le xvie siècle se reflétait dans la tradition d’inhumation des sultans20 après la mort d’un sultan détrôné. La mosquée de la reine mère allait accueillir les tombeaux de cinq autres sultans, dont trois détrônés. Les premiers allaient être les deux fils de Mehmed IV.
14Suite à deux courts règnes de deux frères de Mehmed IV, clos par leur mort naturelle, son fils aîné Mustafa II monta sur le trône en 1695. Son règne ne dura que huit ans et fut clos en août 1703, par une révolte qui l’obligea à abdiquer le trône. Il fut enfermé comme son père, mais plus brièvement car il décéda quatre mois après sa déposition. Les chroniqueurs notent que sa tristesse, provoquée par son détrônement et son enfermement, était une des causes principales de sa disparition, sans oublier de rappeler la raison plus médicale de son décès : l’obstruction de la vessie21. Le court délai entre sa déposition et sa mort provoqua aussi des rumeurs qui évoquèrent un assassinat par empoisonnement22. Selon l’ambassadeur de France « plusieurs dis[ai]ent qu’on a[vait] avancé ses jours23 ». À la suite des obsèques, Mustafa II fut enterré dans le mausolée de sa grand-mère Turhan Sultan. Il s’agissait également du lieu où se trouvait le tombeau de son père Mehmed IV, et ni les chroniqueurs ottomans ni l’ambassadeur français n’oublièrent de souligner ce lien patriarcal24.
15Son frère Ahmed III régna pendant vingt-sept ans jusqu’à ce qu’il soit détrôné en 1730 par une révolte. Comme les révoltes précédentes ayant renversé un sultan, celle-ci ne visait pas (du moins explicitement) au départ le sultan, mais plutôt ses principaux appuis politiques. Le détrônement devint inévitable quand le sultan perdît İbrahim Paşa, son gendre et son grand-vizir depuis douze ans. Ahmed III le fit exécuter à la demande des révoltés et leur livra son corps. Mais les révoltés ne reconnurent pas le grand-vizir et accusèrent le sultan de livrer le corps d’autrui. C’était une sorte de langage symbolique et le sultan en déduisit rapidement que la révolte ne prendrait pas fin sans sa déposition25. C’était sans doute aussi la crainte de régicide qui l’obligeait à abdiquer. Malgré les deux derniers détrônements sans régicide, cette option était loin d’avoir disparu de l’imaginaire politique. C’est pourquoi Ahmed III, tout comme ses prédécesseurs, n’oublia pas de demander la garantie de survie avant de quitter le trône. Comparé à ses prédécesseurs, il semble avoir été plus serein au moment de son abdication. Son calme était peut-être un signe qui démontre qu’il reconnaissait les limites de son pouvoir et la capacité de (dé)faiseurs du sultan, de ses subalternes. L’écart entre la théorie et la pratique du système politique concernant le rôle du souverain se resserrait et l’ère de détrônements qui avait commencé en 1618 par la déposition de Mustafa Ier arriva ainsi à sa fin en 1730.
16Après avoir vécu enfermé au palais pendant six ans, Ahmed III fut inhumé dans le mausolée de Turhan Sultan, auprès de son père et son frère. Avec leurs tombeaux, le mausolée de la reine mère devint une sorte de cimetière des détrônés, mais il ne le resta pas longtemps… Les deux premiers successeurs d’Ahmed III (Mahmud Ier, Osman III – les fils de Mustafa II) furent enterrés également dans ce mausolée quand ils moururent sur le trône, respectivement en 1754 et 1757. Il semble donc difficile de parler d’une tendance à regrouper et ainsi isoler les tombeaux des sultans détrônés. Tout était, avant tout, lié à l’affaiblissement de la puissance du sultan face aux piliers de l’État, notamment face à sa propre dynastie. Pourtant, le fait que les premiers sultans inhumés dans le mausolée de leur père, leur oncle, leur mère et leur grand-mère étaient tous des sultans détrônés n’était pas fortuit. En guise de conclusion de cette première partie, nous pouvons suggérer que durant la période en question, la mort du sultan détrôné était l’occasion idéale de modifier la tradition d’inhumation en faveur de la dynastie et qu’elle servait ainsi à rendre plus visible l’affaiblissement du pouvoir du sultan.
De la fin de l’ancien régime vers la fin de l’Empire (1808-1918) : le politique, une affaire encore plus publique
17Après soixante-dix-huit ans sans détrônement, le xixe siècle ottoman s’ouvrit par deux dépositions consécutives. Les acteurs principaux, les causes et le déroulement de la première révolte du xixe ayant renversé le sultan présentaient de multiples similitudes avec les précédents. La révolte des janissaires en 1808 éclata notamment contre l’élargissement progressif d’un corps militaire créé dans le cadre d’un projet de réforme (Nizam-ı Cedid, proclamé en 1793)26. Une rumeur rappelant celle qui aboutit au détrônement d’Osman II circulait parmi les janissaires : Selim III allait bientôt abolir leur corps. Le processus de détrônement fut donc à nouveau déclenché en invoquant la mise en question du statut ou des droits traditionnellement acquis d’un des groupes privilégiés. Les révoltés assassinèrent les leaders de la nouvelle armée, obtinrent l’abolition du Nizam-ı Cedid et l’exécution des certains vizirs et bureaucrates. Ils démantelèrent donc les appuis du pouvoir du sultan avant de demander sa déposition. Mustafa IV monta ainsi sur le trône le 29 mai 1807. L’exécution de Selim III ne fut pas à l’ordre du jour avant l’éclatement d’une autre révolte qui allait détrôner son successeur.
18Le renversement de Mustafa IV fut d’une nature sans précédent, particulièrement grâce à l’identité du (dé)faiseur du sultan : Alemdar Mustafa Paşa, un ayan (magnat local) des Balkans. Grâce aux multiples changements dans le système fiscal et administratif de l’Empire durant le xviiie siècle, les ayan s’étaient transformés en aristocrates fonciers musclés, disposant d’un pouvoir économique, bureaucratique et militaire croissant. Le détrônement de Mustafa IV était la preuve incontournable de leur puissance, démontrée au plus haut niveau de l’Empire. Cependant, il resta une exception, car la politique centralisatrice de l’État allait amoindrir leur pouvoir.
19Le 28 juillet 1808, Mustafa Paşa, qui s’était allié avec les bureaucrates réformateurs du sultan déchu, assiégea le palais impérial alors que des rumeurs couraient sur le probable assassinat de Selim III. Durant le siège, Mustafa IV ordonna l’exécution de Selim III, ainsi que celle du prince Mahmud, afin de devenir le seul membre mâle de la dynastie. Mais le jeune prince échappa à l’exécution et fut mis sur le trône par Mustafa Paşa, qui devint alors grand-vizir. Quand le Paşa avait appris la mort de Selim III durant le siège, il avait juré ne laisser aucun survivant dans le palais, sauf Mahmud27. Mais il ne tua pas Mustafa IV. Le sultan déchu vécut jusqu’à ce qu’une autre révolte des janissaires soit déclenchée en sa faveur. Les révoltés assassinèrent le grand-vizir faiseur de sultan, mais ne parvinrent pas à détrôner le sultan. Mahmud II fit exécuter Mustafa IV (le 17 novembre 1808) et garantit ainsi son règne en devenant le seul prétendant légitime pour le trône.
20Par ces deux assassinats, le régicide réapparut sur la scène politique ottomane après plus d’un siècle et demi. Ces exécutions visaient avant tout à sécuriser le règne du sultan sur le trône. C’était un motif préexistant, comme en témoigne la fatwa justifiant l’exécution d’İbrahim en 1648. Cependant ces fois-ci, l’objectif était de ne laisser aucun héritier légitime sur le trône, sauf le sultan. Cette stratégie – développée sans doute dans l’urgence créée par les révoltes en dehors du palais – rappelle les fratricides et infanticides appliqués durant l’ère des puissants sultans et avant l’installation du kafes au xviie siècle. Elle fut l’un des facteurs qui permirent la résurgence d’un sultan (Mahmud II) dominant la structure politique.
21La nature de ces régicides donna d’ailleurs certaines caractéristiques sans précédent aux obsèques des deux sultans détrônés. Comme le prince Mahmud échappa à l’exécution, la stratégie de Mustafa IV échoua, mais par cet échec, le décès d’un sultan déposé ouvrit la voie du trône à un prince. Cela était une première pour l’histoire de l’Empire. Le principe de « le roi est mort vive le roi » était aussi valable pour les Ottomans28. Le corps politique du sultan, représenté du plus en plus par la dynastie à partir du xviie siècle ne mourrait donc jamais. Mahmud II l’hérita de la dynastie, mais aussi de Selim III, un sultan détrôné plus d’un an auparavant. En apparence il succédait à Mustafa IV, mais en fait il était devenu sultan à la place de Selim III.
22Les funérailles de Selim III eurent lieu le lendemain de sa mort. Il fut inhumé dans le mausolée de son père Mustafa III. D’après le témoignage de Georg Oğulukyan, un arménien contemporain, la cérémonie était « somptueuse29 ». Les obsèques des sultans étaient certes loin d’être modestes, si nous considérons la présence des plus hautes autorités, de la troupe, du peuple et « la valeur symbolique des lieux où se déroulaient les cérémonies », mais elles n’étaient certainement pas ostentatoires, notamment à partir du xviie siècle30. Les chroniques ne signalent rien d’extraordinaire dans le déroulement des obsèques de Selim qui puisse être à l’origine de sa qualité « somptueuse » constatée par Oğulukyan31. Cet adjectif se justifiait peut-être par l’émotion régnant dans la capitale suite à la mort de Selim. En effet, contrairement aux autres sultans détrônés, au moment de ses obsèques Selim était toujours politiquement en vie... Si après la disparition de Mustafa II en décembre 1703, seulement quatre mois seulement après sa déposition, l’ambassadeur français écrivait que « le lendemain de sa mort, on n’en a non plus parlé que si c’eut esté un particulier32 », en revanche, après la mort de Selim III, détrôné quatorze mois auparavant, le chargé d’affaires expliquait dans son rapport que lorsque Mahmud II parut pour la première fois en public « il montra une grande douleur de la mort de Sultan Selim », et « la pitié » et « le respect » qu’il exprima « pour la mémoire de son cousin lui a gagné le cœur de ses sujets33 ». La mémoire de Selim III était visiblement une source de légitimité dont Mahmud II avait besoin non seulement devant l’armée rebelle – qui voulait en effet remettre Selim III sur le trône –, mais aussi devant ses sujets, le public… Cette puissance politique exceptionnelle du sultan détrôné et défunt donna un caractère de vengeance politique post-mortem à ses funérailles et même à l’avènement du nouveau sultan. Le mot vengeance mérite d’ailleurs bien sa place car Alemdar Mustafa Paşa, qui terrorisait ses adversaires au nom de la vengeance du sang de Selim III, fit exécuter environ trois cents personnes dans les deux jours qui suivirent le meurtre de Selim34.
23Quant aux obsèques de Mustafa IV, l’aspect le plus intéressant était une rumeur circulant dans la capitale. Conformément aux coutumes, le cercueil du sultan fut porté du palais jusqu’au lieu d’enterrement, le mausolée de son père Abdülhamid Ier. Mais d’après la rumeur le cercueil était vide ; Mahmud II voulait faire croire aux janissaires révoltés qu’il était désormais le seul fils de la dynastie et espérait ainsi les faire obéir. Cependant, le jour des funérailles, on entendait certains janissaires qui disaient que le sultan n’était qu’un être humain qui pouvait être remplacé par un autre35. Suite à deux régicides en quelques mois, la légitimité et la sacralité de la dynastie n’étaient pas apparemment plus indiscutables. C’est donc à la suite de la mort d’un sultan déchu que les funérailles impériales, conçues avec tout leur symbolisme pour renforcer la légitimité de la dynastie, devinrent une occasion de la mettre en question. Cependant, ces questionnements restaient confinés dans des limites étroites, définies par la réalité de l’ordre politique ottoman où régnait sans interruption une seule dynastie depuis plus de cinq siècles. La stratégie de Mahmud II fut finalement une réussite. Il resta sur le trône jusqu’à sa mort en 1839.
24Il faut attendre 1876, pour retrouver la maison d’Osman dans les préparatifs des funérailles d’un fils détrôné. Entre temps, l’Empire connut de nombreux changements radicaux. D’abord le pouvoir des ayan fut progressivement affaibli et le corps des janissaires fut aboli (1826). Cette abolition fut présentée aussi comme la fin de l’institution responsable de tous les détrônements et régicides36. Bien entendu, cette simplification historiographique ne suffit pas à mettre fin aux détrônements et tentatives de détrônement, qui réapparurent sur la scène politique reconfigurée par les transformations politiques et sociales. Le règne de Mahmud II et la période des Tanzimat (réorganisation 1839-1876) marquèrent la fin définitive de l’ancien régime ottoman. Durant cette période, la politique gouvernementale se transforma progressivement en un ordre de plus en plus légal-rationnel, centralisé et uniformisé. Les nouveaux supports et mécanismes de légitimité de la structure politique ottomane comme l’opinion publique et la citoyenneté se développèrent et devinrent des acteurs principaux de l’espace politique ottoman. Durant la période des Tanzimat, la bureaucratie administrative (la Sublime Porte) devint plus que jamais le centre du gouvernement37. C’était une époque de puissants ministres et grand-vizirs. Les idées constitutionnalistes gagnèrent une considérable popularité parmi les hommes de lettres, notamment grâce à la montée de la presse et une opposition de la presse. Le renversement d’Abdülaziz (30 mai 1876) par certains hauts bureaucrates constitutionnalistes, à commencer par Midhat Paşa, porte les traces de ces développements et du réaménagement de la scène politique ottomane.
25Seulement cinq jours après sa déposition, Abdülaziz décéda au palais de Feriye où il était enfermé38. Quand on le trouva dans sa chambre, les veines de ses bras étaient ouvertes. Le procès-verbal des médecins confirmant le suicide fut communiqué rapidement aux missions étrangères et publié dans les journaux afin de répondre aux soupçons d’assassinat39. La fatwa ouvrant la voie à la déposition d’Abdülaziz indiquait « le dérangement d’esprit » comme une raison capable de justifier le détrônement40. Après sa mort, le même argument fut invoqué41. Il servait à prouver le suicide et en même temps à dédouaner le sultan détrôné de ce pêché majeur. Ses obsèques eurent lieu le jour même et il fut inhumé dans le mausolée de son père, Mahmud II. Cette rapidité, bien qu’elle fût conforme aux normes islamiques, visait sans doute également à empêcher une manifestation probable et à faire taire le plus vite possible les rumeurs. Les obsèques furent dignes d’un sultan. Comme il était de coutume, on l’emmena au palais de Topkapı pour les soins du corps et les funérailles42. La résidence permanente des sultans n’était plus là depuis 1856, mais à Dolmabahçe, en dehors de péninsule historique. La mort d’Abdülmecid en 1861 avait déjà confirmé que l’ancien palais continuait à occuper la place principale dans les funérailles des sultans et la mort d’Abdülaziz souligna que les sultans détrônés y avaient toujours leur place.
26Murad V, le successeur d’Abdülaziz, avait des relations suivies avec les francs-maçons et l’opposition constitutionnaliste depuis qu’il était prince. Quand il monta sur le trône en 1876, on s’attendait à ce qu’il inaugure une ère de monarchie constitutionnelle. Mais le sultan souffrait de désordres mentaux liés visiblement à la paranoïa développée chez lui durant ses années d’enfermement. La mort subite d’Abdülaziz et l’assassinat de certains ministres (15 juin) par la suite achevèrent de l’ébranler. Il était désormais impossible de cacher les signes de son « dérangement d’esprit » à l’opinion publique. Il fut déposé seulement trois mois après son intronisation et laissa ainsi sa place à son frère Abdülhamid II (31 août).
27Le début du nouveau règne fut marqué par une relation d’obligation mutuelle entre Midhat Paşa et Abdülhamid II. Le pacha qui avait effectué deux détrônements pour faire promulguer la constitution avait toujours besoin de l’accord du nouveau sultan pour atteindre son objectif. Quant à Abdülhamid II, il était très peu connu du public et avait une légitimité fragile, surtout face à Midhat Paşa. Le sultan le nomma grand-vizir (19 décembre) et promulgua finalement la constitution (23 décembre). Il semblait être convaincu de l’utilité politique de la constitution, mais n’oublia pas d’y introduire un article qui lui donna « le pouvoir exclusif d’expulser du territoire de l’Empire ceux qui […] sont reconnus comme portant atteinte à la sûreté de l’État ». Et il s’en servit rapidement pour expulser Midhat Paşa (février 1877)43. Un an après, il suspendit la constitution et le parlement pour une durée indéterminée. Arrivé au trône à la fin de la période des Tanzimat marquée par de puissants bureaucrates, il installa ainsi un régime politique dominé par un sultan autocrate. Il n’oublia pas d’ailleurs de venger Abdülaziz et la dynastie. Un tribunal spécial fut convoqué pour juger les responsables de la mort d’Abdülaziz fut créé en 1881 et l’explication officielle du suicide présentée au moment du fait fut remplacée par l’assassinat. Midhat Paşa, rentré au pays en 1878, fut jugé coupable et envoyé en exil, où il allait être étranglé (1884). Une particularité permanente, mais latente de la politique ottomane fut ainsi reconfirmée : un (dé)faiseur du sultan n’avait que peu de chance de survivre longtemps, et encore moins de rester politiquement actif. La seule nouveauté concernait sans doute les nouveaux outils politiques (comme la presse), dont le sultan se servait pour donner plus de publicité à la discréditation des défaiseurs du sultan.
28Malgré son détrônement justifié par sa maladie mentale permanente, Murad V fut toujours considéré comme un rival par Abdülhamid II. Ce n’était pas une paranoïa sans fondement. En mai 1878, un mois après la fermeture du parlement, il y eut une tentative de putsch en faveur de Murad, et, quelques mois plus tard, une organisation secrète (Aziz-Scalieri), composée de francs-maçons, fut découverte alors qu’elle se préparait à le libérer. Abdülhamid estima, au début, nécessaire de faire tuer Murad44. Mais ce dernier vécut pendant vingt-huit ans sous le règne d’Abdülhamid et mourut finalement d’une attaque de diabète (29 août 1904). Ses obsèques démontrèrent combien Abdülhamid était toujours hanté par le fantôme politique de ce sultan des rêves perdus de l’opposition.
29Le dernier vœu de Murad V était d’être inhumé dans le mausolée du Cheikh Yahya Efendi (1495-1571) à Beşiktaş. Le mausolée n’appartenait pas à la dynastie et il se trouvait en dehors de la péninsule historique, où tous les fils régnants étaient inhumés depuis plus de quatre siècles et demi. Le vœu était donc contraire à la coutume impériale. La décision finale concernant le lieu d’enterrement appartenait toujours au sultan sur le trône. Abdülhamid II indiqua un cimetière dynastique ancien : le mausolée de Turhan Sultan. Cependant, dans ces obsèques (30 août), la coutume importait moins que le désir du sultan d’empêcher une probable manifestation politique.
30Les journaux ottomans, réduits au silence par la censure, ne publièrent que l’annonce officielle de la mort de Murad45. La correspondance diplomatique de l’ambassadeur de France est l’un des rares témoignages concernant le déroulement des funérailles :
Le décès survenu dans la matinée […] ne fut publié que le soir ; mais malgré cette dissimulation, de grandes masses de peuple s’étaient portées le lendemain matin sur le parcours qu’on supposait devoir être suivi par le cercueil […]. Cette apparence de démonstration offusqua l’humeur ombrageuse du Sultan Abdul Hamid ; sur son ordre, le corps de son frère fut clandestinement transporté par voie d’eau de Tchiragan à Stamboul, où on le débarqua dans les bâtiments de la douane, que l’on avait fait évacuer soin ; et de là, entre deux haies d’agents de police et de gendarmes, le cercueil, dépourvu de tout insigne rappelant le haut rang du défunt, fut précipitamment porté au mausolée familial, distant d’environ 100 mètres de l’enceinte de la douane46.
31Murad V était décédé durant les jours de célébration de l’anniversaire de l’avènement au trône d’Abdülhamid II. La nuit d’enterrement, le sultan annula l’illumination des bâtiments publics, mais pas pour longtemps… On reprit les célébrations, car l’après-lendemain était le jour même de l’anniversaire47. Tous les signes d’un deuil probable devaient être invisibles, inaudibles sous les bruits et lumières des célébrations. Rien d’étonnant peut-être, car l’usage ne voulait pas que le deuil d’un sultan défunt (même mort sur le trône) domine l’atmosphère de la ville. Cependant, il est certain qu’Abdülhamid avait la volonté d’effacer le souvenir de Murad. Il négligea même de faire construire le sarcophage de son tombeau. Le fantôme politique de Murad V ne disparut pourtant pas. Quatre ans plus tard, à la fin du mois d’août en 1908, c’est-à-dire un mois après la révolution Jeune Turque qui l’obligea de rétablir la constitution, Abdülhamid se rappela « par hasard » le sarcophage manquant du tombeau de son frère et ordonna sa construction48.
32Après la révolution de juillet, Abdülhamid ne put rester que neuf mois sur le trône. Une mutinerie (13 avril 1909) contre la restauration du régime constitutionnel causa indirectement son détrônement. La révolte qui renversa le gouvernement fut écrasée dans les dix jours. Mais les Jeunes Turcs (le Comité d’union et progrès – désormais CUP) y trouvèrent l’excuse nécessaire pour détrôner Abdülhamid en lui accusant d’en être complice (27 avril). Sa déposition ouvrit la voie pour une conquête absolue du pouvoir par le CUP. Contrairement aux exemples précédents, cette fois, les cadres politiques ayant joué un rôle décisif dans le détrônement (à commencer par le dirigeant jeune-turc Talat Bey) ne furent pas exclus du pouvoir politique par le successeur du sultan déchu. Mehmed V (Reşad) n’était d’ailleurs pas en possession d’un tel pouvoir. Son règne fut avant tout l’ère des Jeunes Turcs.
33Le lendemain de sa déposition, Abdülhamid fut exilé à Salonique, la ville de la Révolution jeune turque. On le fit revenir à Istanbul en octobre 1912, après l’éclatement des guerres balkaniques et juste avant que la ville tombe. Il passa le reste de sa vie au palais de Beylerbeyi sur la rive asiatique où il décéda de pneumonie, le 10 février 1918. Ses obsèques, tout à fait dignes d’un sultan, furent suivies par un public nombreux et ému, et provoquèrent – comme F. Georgeon le remarque – « un élan soudain de ferveur à la fois religieuse et patriotique – une revanche posthume contre ceux qui l’ont détrôné49 ». Abdülhamid n’était plus une alternative réaliste au pouvoir depuis des années. La grande affection que le public stambouliote démontra dans son enterrement était un signe du mécontentement contre le régime jeune turc, devenu de plus en plus répressif, notamment après 1913 et considéré responsable des privations durant ces années de la Grande Guerre50.
34Quand Abdülhamid apprit qu’il allait être exilé à Salonique, sans doute sous l’effet sentimental provoqué par la séparation subite de la ville de sa vie, il pensa à sa mort : « tous mes ancêtres, dit-il, sont enterrés ici. Je veux mourir ici51 ». Il était probablement frappé aussi par l’émergence de la possibilité d’un exil éternel, d’être exclu de la nécropole dynastique. Comme nous l’avons constaté à propos de la mort de Murad V, Abdülhamid était conscient de l’importance politique des funérailles et du tombeau d’un sultan. Après son décès, sa proche famille insista pour qu’on l’enterre dans le mausolée de Mehmed II52. Le mausolée du conquérant de la ville se trouvait dans le premier complexe de mosquée impériale à Istanbul, qui était l’une des premières structures monumentales déterminant le paysage de la ville, symbolisant son islamisation/ottomanisation53. Plus important encore, Mehmed II n’était pas seulement considéré comme l’un des plus grands des sultans, il était déjà en voie de devenir « un héros national54 ». Le choix de ce mausolée (pour ou par Abdülhamid) était donc un coup politique et historiographique. Mais cette manœuvre post-mortem fut rejetée par les dirigeants de CUP. Comme la tradition le nécessite, le lieu d’enterrement fut indiqué – du moins en apparence – par l’ordre du sultan sur le trône et Abdülhamid fut enterré dans le mausolée de Mahmud II, auprès de sa mère.
35La mort du sultan déchu était certes toujours une affaire publique et politique. Mais à partir du xixe siècle, les obsèques conçues pour souligner la puissance de la dynastie et organisées sans faire d’ombre aux sultans régnant sortirent de plus en plus de leur cadre préétabli. Le rôle politique croissant de l’opinion publique, surtout à partir des années 1850, en était le facteur principal. Durant le long dernier siècle de l’Empire, notamment à partir du règne de Mahmud II, les cérémonies publiques traditionnelles (comme celle du vendredi, de l’avènement au trône) gagnèrent plus d’importance et devinrent des cérémonies impériales. De nouvelles fêtes et cérémonies publiques (comme celle de l’anniversaire de la naissance et l’intronisation du sultan), visant également à émerveiller le public, furent créées55. Comparées à ces fêtes et cérémonies, les obsèques du sultan détrôné devenaient de plus en plus une cérémonie officielle où le public n’était plus une cible à émerveiller, mais un acteur actif et capable d’influencer (bien qu’indirectement) le déroulement de la cérémonie, d’affecter, de marquer son message politique, et même de la transformer en une manifestation politique. Cette nouvelle particularité semble avoir donné sa couleur à chaque cérémonie d’obsèques du sultan détrôné à partir du début du xixe siècle, de manière chaque fois différente selon le contexte politique. Déjà au début du xixe siècle, les obsèques de Selim III contribuèrent à la réanimation politique du sultan détrôné. C’est ici qu’une exception dans l’histoire de l’Empire se produisit : le sultan sur le trône cherche sa légitimité dans le respect qu’il démontre en public pour la mémoire d’un sultan détrôné. Quelques mois plus tard, les obsèques de Mustafa IV furent la scène de murmures mettant en cause la légitimité indiscutable de la dynastie. En 1876, l’influence de l’opinion publique sur les obsèques du sultan détrôné fut encore plus considérable. Le choix d’accélérer l’enterrement d’Abdülaziz était lié à l’intention de soustraire cette mort suspecte à l’attention de l’opinion publique, et sans doute également à la crainte d’une probable manifestation pendant les obsèques contre le gouvernement qui l’avait renversé. En 1904, quand Murad V décéda, Abdülhamid II n’hésita pas de déroger à la tradition funéraire de la dynastie pour éliminer le risque d’une manifestation publique contre son régime, et fit ainsi transférer le cercueil du sultan détrôné dans son tombeau d’une manière clandestine. Le régime hamidien censura d’ailleurs la presse pour que les journaux ne publient rien d’autre que l’annonce officielle de la mort du sultan détrôné afin de contrôler l’opinion publique. Quand Abdülhamid II décéda en 1918, ses obsèques furent l’occasion d’une manifestation contre le régime jeune turc, et un moment de réanimation politique pour ce sultan détrôné neuf ans plus tôt. La forte participation physique et émotionnelle du public stambouliote à ses obsèques marquait l’apogée d’une tendance centenaire.
Conclusion
36Comme N. Vatin et G. Veinstein le rappellent avec raison « le sultan décédé n’était plus le sultan56 ». La cérémonie d’intronisation du successeur précédait les obsèques et le nouveau sultan était le seul ayant le droit de décider le lieu d’enterrement de son prédécesseur. Cependant, le sultan détrôné et le sultan sur le trône n’étaient pas complètement égaux dans la mort. En guise de conclusion, je voudrais souligner une particularité déterminante de la mort du détrôné pour chacune des périodes analysées ci-dessus.
37D’abord, tous les fils régnants de la dynastie avaient certes droit aux mêmes soins funéraires et à des obsèques similaires durant les xviie et xviiie siècles, mais les premiers sultans enterrés dans le mausolée de leur père, leur oncle, leur mère et leur grand-mère furent les détrônés. Durant cette période, la mort du sultan déchu était visiblement considérée comme une occasion politique particulièrement conforme pour accélérer une modification en cours dans la tradition d’inhumation, en faveur de la visibilité de la dynastie. Ensuite, les obsèques du sultan détrôné gagnèrent plus d’importance publique et politique à partir du début du xixe siècle. En principe, il ne fallait pas que les obsèques du sultan défunt fassent de l’ombre au sultan régnant. Cette règle non-écrite semble être d’ailleurs encore plus valable pour les cas des sultans morts sur le trône car la fin de leur vie ouvrait un nouveau règne, et la cérémonie d’intronisation et sa joie étaient prioritaires. La mort du sultan détrôné durant les xviie et xviiie siècles ne constitua pas une exception à cette règle. Leurs obsèques se déroulèrent également presque sans avoir aucun bruit ni écho politique. Cependant à partir du xixe siècle, la disparition du détrôné commença à avoir des effets sur la légitimité du sultan sur le trône ou/et du gouvernement. Selon le contexte politique et les particularités du cas, la mémoire du détrôné défunt devenait désormais temporairement capable de renforcer ou d’affaiblir la légitimité du souverain. Ses obsèques pouvaient provoquer une réaction du public et se transformer en une manifestation politique. Elles inquiétaient ainsi de plus en plus le sultan et/ou le gouvernement. La mort devint donc un moment de renaissance politique pour le sultan détrôné. La source de sa puissance post-mortem n’était que partiellement liée à la mémoire des politiques menées durant son règne. Parallèlement au renforcement progressif de l’opinion publique, le cercueil du détrôné devenait de plus en plus capable de représenter plus que le sultan défunt l’était. Ce cercueil était maintenant politiquement plus lourd, comme s’il portait aussi les déceptions de l’opinion publique et même la possibilité perdue d’« autres présents, meilleurs » pour les divers imaginaires politiques.
Notes de bas de page
1 En France, ce champ historiographique a été notamment marqué par les travaux pionniers de Ph. Ariès, M. Vovelle et P. Chaunu.
2 Pour une critique bibliographique voir, G. Veinstein, Préface, dans G. Veinstein, Les Ottomans et la Mort, Leyde, E. J. Brill, 1996, p. 7-16 ; B. Onaran, « Fransız Osmanlı Tarihi Çalışmaları Hakkında Bir Değerlendirme », TALİD, 8/15, 2010, p. 333-335.
3 G. Necipoğlu, « Dynastic Imprints on the Cityscape », dans J.-L. Bacqué-Grammont et A. Tibet, Cimetières et traditions funéraires dans le monde islamique, vol. 2, Ankara, TTK, 1996, p. 29-33 ; K. Kreiser, « Istanbul, die wahre Stadt der Muslime », op. cit., p. 9-21 ; N. Vatin & G. Veinstein, « Les obsèques du sultan ottomans de Mehmed II à Ahmed 1er (1481-1616) », dans G. Veinstein, Les Ottomans et la mort, op. cit., p. 207-243.
4 Ces chiffres excluent les souverains de la période d’interrègne (1403-1413), la courte régence de Korkud Çelebi en 1481, la mort de Bayezid Ier en captivité (1403) et celle de Bayezid II, un mois après d’avoir abdiqué le trône sous une certaine pression politique, mais de sa propre initiative (1512).
5 Quand Mehmed VI (Vahideddin), le dernier sultan s’éteignit le 16 mai 1926, l’Empire n’existait plus et il était hors de question qu’il soit inhumé à Istanbul ou dans les frontières de la Turquie républicaine. Il s’était déjà exilé suite à l’abolition du sultanat par le gouvernement d’Ankara (novembre 1922) et au moment de son décès il se trouvait à San Remo. Son corps fut enterré à Damas sous mandat français, dans la mosquée de Selim Ier. Ses obsèques qui déroulèrent dans des conditions tout à fait particulières restent en dehors du cadre de cet article.
6 Pour plus d’explications sur le terme de « groupes privilégiés » voir B. Tezcan, The Second Ottoman Empire, New York, Cambridge University Press, 2010 et aussi B. Onaran, Détrôner le sultan, Paris, Peeters, 2013, p. 55-60.
7 R. A. Abou-El-Haj, Formation of Modern State, Albany, State University of New York, 1991 ; N. Vatin & G. Veinstein, Le Sérail ébranlé, Paris, Fayard, 2003 (pour le renversement du cycle de crise voir p. 81-82 et aussi L. Peirce, The Imperial Harem, Oxford, Oxford University Press, 1993, p. 260, 262) ; B. Tezcan, op. cit., ; B. Onaran, op. cit., p. 3-61.
8 Sur les causes du détrônement et l’exécution d’Osman II voir G. Piterberg, An Ottoman Tragedy, Berkeley, University of California Press, 2003, p. 16-29 ; N. Vatin & G. Veinstein, op. cit., p. 227-239 ; B. Tezcan, op. cit., p. 115-152 ; B. Onaran, op. cit., p. 4-18.
9 N. Vatin, « Le corps du sultan ottoman », REMMM, no113-114, 2006, p. 219.
10 N. Vatin & G. Veinstein, op. cit., p. 407.
11 N. Vatin, art. cit., p. 219
12 G. Necipoğlu, art. cit., 29, 33 ; N. Vatin & G. Veinstein, op. cit., p. 432-435
13 Naîma Mustafa Efendi, Târih-i Na‘îmâ, vol. 3, M. İpşirli éd., TTK, Istanbul, 2007, p. 327.
14 R. A. Abou-El-Haj, The 1703 Rebellion and the Structure of Ottoman Politics, Istanbul, Nederlands Historisch-Archaelogish Instituut Istanbul, 1984, p. 6-7 ; B. Onaran, art. cit., p. 23.
15 Archives du Ministère des Affaires étrangères-Paris (désormais AMAE), Correspondance Politique (désormais CP), supplément, La Turquie, vol. 3, p. 171 verso, 16.09.1648, de Jean de La Haye (ambassadeur à Constantinople) à la Cour.
16 Pour la traduction en français de la fatwa voir N. Vatin & G. Veinstein, op. cit., p. 203.
17 M. Süreyya, Sicill-i Osmani, vol. 4, N. Akbayar éd., Istanbul, Tarih Vakfı Yurt Yay., 1996, p. 1060-1061.
18 Cité dans İ. H. Uzunçarşılı, Osmanlı Tarihi, vol. 3.1, Ankara, TTK, 1951, p. 506-507.
19 Silahdar Fındıklılı Mehmed Ağa, Zeyl-i Fezleke, N. Karaçay Türkal éd., thèse de doctorat non-publiée, Istanbul, Marmara Üniversitesi, 2012, p. 1475-1476.
20 L. Peirce, op. cit., p. 206-208.
21 N. Vatin & G. Veinstein, op. cit., p. 76 ; Silahdar Fındıklılı Mehmed Ağa, Nusretnâme, M. Topal, éd., thèse de doctorat non publiée, Istanbul, Maramara Üniversitesi, 2001, p. 657.
22 M. W. Montagu, The female traveller in the Turkish dress, Londres, 1767, p. 189.
23 AMAE, CP, La Turquie, vol. 39, 12 janvier 1704, p. 203 vo, de Charles de Ferriol (ambassadeur à Constantinople) au Roy.
24 N. Vatin & G. Veinstein, op. cit., p. 434-435 ; Silahdar Fındıklılı Mehmed Ağa, Nusretnâme, op. cit., p. 657-658 ; AMAE, CP, La Turquie, vol. 39, 12 janvier 1704, p. 203 verso.
25 İ. H. Uzunçarşılı, Osmanlı Tarihi, vol. 4.1, Ankara, TTK, 1956, p. 209.
26 Pour une étude sur cette révolte terminée par le détrônement de Selim III voir A. Yıldız, « Vaka-yı Selimiyye or the Selimiyye Incident : A Study of the May 1807 Rebellion », thèse de doctorat non publiée, Istanbul, Sabancı University, 2008.
27 Câbî Ömer Efendi, Câbî Târihi, M. A. Beyhan éd., Ankara, TTK, 2003, p. 176-177.
28 S. Faroqhi, « Symbols of power and legitimation », dans S. Faroqhi et al., An Economic and Social History of the Ottoman Empire, vol. II 1600-1914, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 614.
29 Georg Oğulukyan’ın Ruznamesi, Hrand D. Andreasyan (trad. et éd.), Istanbul, Edebiyat Fak. Basımevi, 1972, p. 33.
30 N. Vatin & G. Veinstein, op. cit., p. 353 ; S. Faroqhi, op. cit., p. 614.
31 Şânî-zade Mehmed ‘Atâ‘ullah Efendi, Şânî-zâde Târîhi, vol. I, Z. Yılmazer éd., Istanbul, Çamlıca, 2008, p. 29-30 ; Ahmed Âsım Efendi, Âsım Târîhi, vol. II, Istanbul, Matbaa-i Ceride-i Havadis, 1857, p. 207-208. ; Mustafa Necib Efendi, Mustafa Necib Efendi Târîhi, Istanbul, Matbaa-i Ceride-i Havadis, 1863, p. 92.
32 AMAE, CP, La Turquie, vol. 39, 12 janvier 1704, p. 207 recto, de Charles de Ferriol (ambassadeur à Constantinople) au Roy.
33 AMAE, CP, La Turquie, vol. 217, 29 Juillet 1808, p. 57 verso, de M. de la Tour-Maubourg (chargé d’affaires à Constantinople).
34 A. Danacı-Yıldız, « III. Selim’in katilleri », Osmanlı Araştırmaları, no31, 2008, p. 82, cf. Şânî-zade Mehmed ‘Atâ‘ullah Efendi, op. cit., p. 199.
35 T. Öz, « Selim III Mustafa IV ve Mahmud II Zamanlarına Ait Birkaç Vesika », Tarih Vesikaları, vol. 1, no1, 1941, p. 25 ; Câbî Ömer Efendi, Câbi Tarihi, M. A. Beyhan éd., Ankara, TTK, 2003, p. 305.
36 B. Onaran, op. cit., p. 61-64.
37 C. V. Findley, Bureaucratic Reform in the Ottoman Empire, Princeton University Press, 1980, p. 151-220.
38 Abdurrahman Şeref, « Sultân Abdülaziz’in Vefatı İntihar mı Katl mi ? », Türk Tarih Encümeni Mecmuası, nº 6/83, 1926, p. 321-325 ; İ. H. Uzunçarşılı, « Sultân Abdülaziz Vak’asına Dair Vak’anüvis Lütfi Efendi’nin Bir Risalesi », Belleten, vol. 8. nº 28, 1943, p. 349-373
39 AMAE, CP, La Turquie, vol. 404, 4 Juin 1876, p. 354 recto, de M. le Cte de Bourgoing (ambassadeur à Constantinople) à la mission ottomane à Paris ; La Turquie, no129, 4-5 juin 1876 ; Sabah, n° 88, 6 juin 1876.
40 Pour la traduction en français de la fatwa voir, La Turquie, no127, 2 juin 1876
41 La Turquie, n° 129, 4-5 juin 1876.
42 Même si les ministres avaient l’intention de faire faire le lavage rituel d’Abdülaziz dans le palais de Feriye, Murad V intervint en rappelant que le corps d’un sultan ne peut être lavé que dans le palais de Topkapı (İ. H. Uzunçarşılı, Midhat Paşa ve Yıldız Mahkemesi, Ankara, TTK, 1967, p. 95-96).
43 F. Georgeon, Abdülhamid II, Paris, Fayard, 2003, p. 61-78. Le livre constitue notre appui principal pour la période d’Abdülhamid II.
44 İ. H. Uzunçarşılı, « Beşinci Sultan Murad’ın Tedâvîsine ve Ölümüne Aît Rapor ve Mektuplar, 1876-1905 », Belleten, vol. 10, no38, 1946, p. 319-320.
45 S. Yanatma, The Deaths and Funeral Ceremonies of Ottoman Sultans (From Sultan Mahmud II to Sultan Mehmed VI Vahideddin), mémoire de master non-publié, Istanbul, Boğaziçi Üniversitesi, 2007, p. 42-43.
46 AMAE, Correspondance Politique et Commerciale (désormais CPC), La Turquie, vol. 4, 1er septembre 1904, p. 193 verso, d’Edmond Bapst (chargé d’affaires à Constantinople) au ministre des Affaires étrangères. D’autres récits confirment qu’on fit sortir le cercueil discrètement du côté mer du palais afin de le soustraire à la masse réunie pour assister aux funérailles, voir İ. H. Uzunçarşılı, « Beşinci Sultan .. », loc. cit., p. 353.
47 AMAE, CPC, La Turquie, vol. 4, 1er septembre 1904, p. 194 recto et 6 septembre 1904, p. 195 recto-verso, d’Edmond Bapst (chargé d’affaires à Constantinople) au ministre des Affaires étrangères.
48 S. Yanatma, op. cit., p. 51, n. 119.
49 F. Georgeon, op. cit., p. 440-441.
50 İ. H. Uzunçarşılı, « II. Sultan Abdülhamid’in hal’î ve ölümüne dair bazı vesikalar », Belleten, vol. 10, n° 40, 1946, p. 729 ; F. Georgeon, ibid.
51 Cité dans F. Georgeon, op.cit., p. 425.
52 S. Yanatma, op. cit., p. 61, 132-133. Cf. A. F. Türkgeldi, Görüp işittiklerim, Ankara, TTK, 1949, p. 143.
53 G. Necipoğlu, art. cit., p. 1, 26.
54 Le consensus sur son statut de « héros national » sera établir dans les années 1950 voir H. Kara, “The literary portrayal of Mehmed II in Turkish historical fiction”, New Perspectives on Turkey, n° 36, 2007, p. 71-95.
55 H. Karateke, Padişahım Çok Yaşa, Istanbul, Kitabevi, 2004, p. 40-45, 102-108 ; F. Demirel, « Osmanlı Padişahlarının Doğum Günü Kutlamalarına Bir Örnek », İlmî Araştırmalar, n° 11, 2001, p. 67-72.
56 N. Vatin & G. Veinstein, op. cit., p. 353.
Auteur
Université de Mimar Sinan Güzel Sanatlar
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les sans-culottes marseillais
Le mouvement sectionnaire du jacobinisme au fédéralisme 1791-1793
Michel Vovelle
2009
Le don et le contre-don
Usages et ambiguités d'un paradigme anthropologique aux époques médiévale et moderne
Lucien Faggion et Laure Verdon (dir.)
2010
Identités juives et chrétiennes
France méridionale XIVe-XIXe siècle
Gabriel Audisio, Régis Bertrand, Madeleine Ferrières et al. (dir.)
2003
Des hommes à l'origine de l’Europe
Biographies des membres de la Haute Autorité de la CECA
Mauve Carbonell
2008