« On y sentait la mort »
Les morts de Catherine de Médicis
“One could feel death”: The deaths of Catherine de’ Medeci
p. 131-152
Résumés
Cette contribution analyse le rôle de la mort non seulement dans la biographie de Catherine de Médicis mais aussi dans la construction politique de son autorité : arrivée au sommet du pouvoir grâce à des morts soudaines, elle s’y maintient en mettant en scène son veuvage, qui fait d’elle une femme forte. En analysant les productions symboliques relatives à la mort, cet article entend montrer combien l’omniprésence de la mort dans le décor de Catherine de Médicis est moins à lier à son goût pour le morbide ou à sa spiritualité qu’à une nécessité politique : être une femme de pouvoir dans un pays qui exclut les femmes du pouvoir. Enfin, la dernière partie de cette étude s’intéresse à la mort réelle de Catherine de Médicis, pleine d’enseignements et pourtant passée inaperçue.
This contribution analyzes the role of death, not only in the biography of Catherine de’ Medici but also in the political construction of her authority: having acceded to the heights of power after a series of sudden deaths, she remained there by showcasing her widowhood, which made her appear a strong woman. By analyzing symbolic productions relating to death, this article aims to show how much the omnipresence of death in the decorum of Catherine de’ Medici is not a testament to her taste for the morbid or her spirituality, but rather a political necessity: to be a woman of power in a country that excluded women from power. The last part of the article examines the actual death of Catherine de’ Medici, which is highly informative and yet has gone unnoticed.
Texte intégral
On y sentait la mort ; son mari instinctivement s’en reculait, comme d’un ver, né du tombeau de l’Italie. Elle était fille d’un père tellement gâté par la grande maladie du siècle que la mère la gagna, mourut en même temps que lui au bout d’un an de mariage. La fille elle-même était-elle en vie1 ?
1Ces mots de Michelet disent combien, du berceau au tombeau, la mort irradie la vie de Catherine de Médicis, moteur de sa propre histoire et de l’Histoire qu’elle traverse. La mort de Catherine de Médicis, c’est d’abord, en un sens génitif, le macabre comme propriété de Catherine de Médicis. La mort est son propre, quelque chose qui lui appartient, comme une fatalité dont elle ne peut se défaire. Des guerres d’Italie aux guerres de Religion, du décès de son mari à celui de ses enfants, la mort s’impose comme l’acteur central de sa biographie. Une mort entêtante, lancinante qui l’entoure, la harcèle, lui ravit ses beaux jours en même temps qu’elle la hisse aux premières places de la vie publique.
2Michelet écrivait de Catherine qu’elle était « froide comme le sang des morts2 ». Non sans misogynie ni illusion rétrospective : parce que la reine mère était rendue responsable des massacres de la Saint-Barthélemy et plus généralement de toutes les violences, il s’agissait de pister dans son caractère ou dans son passé des éléments qui annonçaient la tragédie des guerres de Religion. Harcelée par la mort dès ses premiers jours, elle ne pouvait que porter la mort : « purgée ainsi, féconde d’enfants malades et d’enfants morts, elle même vieillit, grasse et rieuse, dans nos effroyables malheurs3 ». Dans l’imaginaire des hommes de la Renaissance, nourris de théologie, d’astrologie et de sciences occultes, il n’est pas de hasards dans l’existence - Dieu est le subtil ingénieur des accidents du monde : la reine mère en demeure persuadée : « telle a esté la volonté de Dieu, qui dispose de nous comme il luy plaist4 ». Le jour de ses obsèques, le 4 février 1589, Renaud de Beaune rappellera cette enfance tourmentée, comme une prémonition : « ce n’est point chose nouvelle si Dieu faict recognoistre ses afflictions, et s’il visite ceux qu’il ayme dès leur enfance et jeunesse. C’est quelquefois pour miraculeusement les eslever en plus haut degré d’honneur5 ». Ce sont les afflictions de la mort qui élevèrent Catherine au trône de France.
3L’histoire de la mort pour Catherine de Médicis est celle d’une tentative éperdue de conjuration de la mort : cernée par des morts soudaines, qui rythment et impriment à son destin des bifurcations non désirées, Catherine de Médicis décide de se réapproprier la mort, de la dompter, de s’en servir pour asseoir et légitimer son pouvoir (I). Or, malgré une vie passée à anticiper la mort, Catherine meurt en janvier 1589 « au grand étonnement de tous » au cours de cérémonies qui passent largement inaperçues (II).
La mort comme construction politique de Catherine de Médicis
Le pouvoir par la mort
4Catherine de Médicis n’a pas attendu le décès de son mari Henri II (1547- 1559) pour arborer sur elle le noir des veuves qui flanquait son décor. C’est au hasard – on disait alors « Fortune » ou « Providence » – qu’elle doit sa place au sommet du pouvoir : une série de morts violentes et inattendues la conduisent des palais florentins aux couloirs du Louvre. Catherine de Médicis naît pour ainsi dire déjà en deuil, à Florence, le 13 avril 1519, au sein de l’une des plus prestigieuses familles patriciennes d’Italie6. Sitôt après, son père, Laurent II de Médicis, meurt le 4 mai 1519. Catherine n’a pas trois semaines. Sept jours avant sa mère, Madeleine de La Tour d’Auvergne, s’était éteinte. Les mauvaises langues de l’époque dirent que celle-ci n’avait pas seulement épousé un mari… mais avec lui la vérole. Les défunts laissent Catherine, la duchessina (la petite duchesse) riche d’un bel héritage. D’emblée, c’est la mort qui fait d’elle la proie fragile des appétits de ceux qui, Français et Espagnols en tête, rêvent de s’allier aux Florentins pour conquérir la péninsule. Catherine se trouve par cette double mort l’instrument précoce du désir des Grands et la seule descendante légitime de la dynastie Médicis7.
5Sa jeunesse est bercée par les dramatiques aléas des guerres d’Italie. Le 16 mai 1527, les Médicis sont renversés. À huit ans, Catherine, nièce de Clément VII, qui jusqu’alors avait été confortablement élevée par sa grand-mère puis par sa devient un otage de choix pour les républicains qui savent qu’ils tiennent avec elle un moyen de pression sur le pape8. La jeune Catherine de Médicis est confiée par la République de Florence au couvent de la Santissima Annunziata delle Murate (les « emmurées9 »). On lui a destiné la cellule que sa marraine Catherine Sforza s’était jadis fait construire. Chaque jour, la jeune fille peut passer devant sa pierre sépulcrale, qui jouxte le grand autel. Aux Murate, la jeune Catherine apprend vite à séduire par la force des mots et la puissance de l’esprit : elle a appris, orpheline, à ne devoir son salut qu’à cette force de séduction par le verbe, mais aussi par l’imitation des autres, la simulation et la dissimulation étant pour elle, plus que pour tout autre enfant, une question de survie10. Que ces années de formation, au milieu des morts et au cœur des troubles italiens aient forgé son caractère, préparé Catherine aux guerres de Religion françaises, rien ne le montre mieux qu’une lettre écrite à la fin de sa vie. Catherine de Médicis écrit aux religieuses des Murate, les remerciant de leur hospitalité généreuse « en ce temps où Florence était assiégée par les séditions et les guerres civiles11 ». Ces années de troubles florentins sont pour elle, sans qu’elle en ait encore bien conscience, une pédagogie du pouvoir, l’apprentissage de la fragilité des gouvernants. Elle vit en ses jeunes années ce que les théoriciens florentins écrivent déjà et qu’ils enseigneront par la suite : gouverner n’est pas un droit acquis mais l’art de se maintenir au pouvoir malgré les aléas du temps. Avec la possibilité d’une mort brutale en arrière-plan obsédant.
6Quand les Médicis reviennent à Florence en 1530, Catherine a survécu. À onze ans, elle est vieille de plusieurs vies. Il est temps de lui trouver un mari. François Ier accepte de marier son fils Henri au pape contre Catherine. Les deux hommes pensent se payer en monnaie de singe : promettre Naples au roi de France ne mange pas de pain – les Espagnols tiennent la place. En retour, donner Henri d’Orléans au pontife n’est pas un énorme sacrifice. Il n’est que cadet ; du reste peu apprécié par son père. C’est son frère aîné, François de France, duc de Bretagne qui doit hériter du royaume et rien ne laisse alors présager une mort rapide, propulsant la jeune Médicis au rang de dauphine. Mais ici encore, une mort brutale vient bousculer le destin de Catherine de Médicis et faire d’elle une reine de France en puissance. François, fils aîné du roi, meurt, le 10 août 1536. Plusieurs de ses ennemis soupçonnent Catherine de l’avoir empoisonné. En 1575 encore, un pamphlétaire laisse entendre qu’on connaît
les grandes et fortes presomptions qui sont contre elle, d’avoir fait empoisonner le Dauphin François aisné du Duc d’Orleans son mary, l’envie enragée qu’elle luy portoit, pour le voir fort aimé du Roy et honoré de toute la noblesse Françoise pour ses vrayement royales vertus, la jalousie qu’elle semoit entre ces deux frères, la familiarité qu’elle avoit aussi avec ceux qui furent soupçonnez de ce meschant acte12.
7À la mort de son aîné, Henri devient donc l’héritier du trône. Lorsque François Ier s’éteint en 1547, celle qui ne devait jamais qu’être la belle-sœur du roi devient reine de France. Elle est sacrée en 1549 et pousse le dévouement conjugal jusqu’à adopter pour ses tenues le « noir et blanc » de son mari13. Entourée depuis toujours par les morts, Catherine se pense incapable de donner la vie. Elle est infertile de 1533 et 1544. Cette inexplicable infécondité menace Catherine mais surtout la Couronne de France. Des rumeurs de répudiation se font entendre ici ou là, dans les lettres des ambassadeurs et les couloirs du palais. « Il y eut force personnes, écrit Brantôme, qui persuadèrent au roi et à M. le Dauphin son mary de la répudier, car il estoit besoing d’avoir de la lignée en France14. » Au cours de ces premières années françaises, Catherine consulte tous les astrologues, chimistes et sorciers qu’on lui recommande. L’astrologie a pour but de vaincre la mort : de la devancer, de la conjurer, de l’anticiper. Elle porte des talismans, où la figure de Vénus, déesse de l’amour, est prédominante et implore les astres de lui donner un héritier. Elle goûte toute sorte de philtres et de remèdes, ceux que lui font ingurgiter les médecins royaux, Louis de Bourges puis Jean Fernel (1497-1558). C’est ce dernier qui est crédité d’avoir mis un terme à l’infertilité. Le miracle tant espéré se produit enfin : en mai 1543, Catherine de Médicis est enceinte. Elle accouche le 19 janvier 1544 d’un garçon, François, le futur François II. Puis, en douze ans, Catherine, donne naissance à neuf enfants, dont sept survivent.
8Mais la mort l’obsède toujours. Terriblement inquiète de la santé de ses enfants lorsqu’elle est loin d’eux, elle demande au peintre Germain le Mannier de dresser régulièrement leur portrait, préférant un dessin aux bulletins de santé les plus détaillés. Entre janvier 1547 et août 1549, plus de vingt portraits lui seront expédiés15. Sauf exception, en ces années de jeune mère, elle est tenue à l’écart des décisions politiques par son mari, qui s’appuie sur ses deux favoris pour gouverner : sa maîtresse, Diane de Poitiers, et le connétable Anne de Montmorency. Au début de 1559, Catherine de Médicis a enfin l’impression d’avoir conjuré l’omniprésence de la mort dans son entourage. Pour la première fois, ses lettres témoignent d’un certain bonheur et d’une assurance, acquis par le ventre : « je vous puis aseurer que nous ne portasmes jeamès myeulx » ou encore « l’on ne parle que de faire bonne chère et de joye et de plésyr16 ».
9Mais un funeste tournoi en décide autrement. Le 30 juin 1559, le roi est touché au visage par la lance de Gabriel de Montgomery (1530-1574). En se brisant, l’arme blesse grièvement le monarque, à peine âgé de quarante ans. Henri II meurt quelques jours plus tard, le 10 juillet 155917. Cette issue tragique, Catherine la redoutait. La mort lui colle à la peau. Elle la hante et prophètes ou astrologues la confortent dans ses craintes. Nostradamus avait, dès 1555, prophétisé la mort en duel du monarque, que Catherine de Médicis aurait supplié de ne pas monter en selle :
Le lyon jeune le vieux surmontera
En champ bellique par singulier duelle
Dans caige d’or les yeux lui crevera :
Deux classes une, puis mourir, mort cruelle18.
10« Par la mort inopinée » d’Henri, l’épouse du roi devient pour trente ans la « reine mère ». Elle n’est d’abord certes que la mère du roi, François II, âgé de quinze ans et donc majeur selon les Lois du Royaume. Mais un pessimisme catastrophiste habite désormais la cour de France comme si les malheurs qui avaient régulièrement frappé la vie de Catherine de Médicis annonçaient ceux qui toucheraient le royaume en son entier ; comme si l’inquiétude propre à la reine mère s’était propagée à tout le pays à l’orée des années 1560. Les courtisans ont tous en tête une prophétie avançant que François II n’atteindrait pas sa dix-huitième année. Les almanachs apocalyptiques font florès. Le 17 novembre 1560, le jeune roi tombe malade, l’abcès qu’il porte à l’oreille gauche verse des flots de pus sur l’avenir :
quant je panse, écrit Catherine fin novembre 1560, l’état en quoy je me trove des ennuis et aflictyon qui plait à Dyeu m’envoyer, après tant de mauls et de malheurs, de voyr l’estat en quoy est le Roy mon fils, de une doleur de teste si extreme. J’espère que Notre Signeur ne me fayré pas tent de malheur que de me l’ôter19.
11François II meurt le 5 décembre 1560.
La mort de Catherine de Médicis
12Avec la mort de son mari puis de François II, Catherine de Médicis devient régente du royaume. Elle est alors amenée à occuper la première place de la vie politique : « contemplative, l’épouse royale ne parvient à s’affirmer que dans l’exercice de la régence : il faut, pour qu’elle puisse exister dans une structure absolutiste, que son époux disparaisse20 ». Mais il faut en même temps que le souvenir du roi mort - dont la veuve a hérité l’aura - soit sans cesse renouvelé. Le pouvoir d’une reine veuve tient en ce macabre paradoxe : son époux doit dispaître et sans cesse paraître. C’est pourquoi, la figure de la mort joue un rôle décisif dans la construction de l’image et de la légitimité politiques de Catherine de Médicis21. Son interminable veuvage n’est pas seulement une façon d’exprimer la douleur d’une perte de l’être aimé. C’est aussi un mode de légitimation politique : dans son image publique, les rappels de son veuvage sont innombrables. Vivant, son mari la privait de tout accès au pouvoir. Mort, c’est lui qui fonde son autorité.
13Devenue « gouvernante », puis régente, Catherine de Médicis se dote d’un véritable sceau royal, où son effigie prend la place du roi mort22 : elle y figure debout, en majesté. Élément clef de sa stratégie de légitimation politique, on aperçoit clairement son voile de veuve, recouvert par la couronne23. Catherine a besoin de ses morts pour gouverner : celle de son mari (ici figurée par le voile). Mais aussi celle de sa mère : tandis que la règle d’héraldique veut qu’une femme compose ses armoiries en combinant celles de son père et celles de son mari, Catherine innove : elle y insère aussi les armes de sa mère – une La Tour d’Auvergne – essentielles pour faire d’elle une « vraie » française quand ses origines Médicis l’accusaient d’être une étrangère24. Son habit de veuve sera une innovation. Elle abandonne le blanc, les parures et les décolletés pour ne se vêtir que de noir, qui n’était pas encore fixé comme le signe du deuil : c’est alors la couleur des souverains les plus puissants d’Europe, les Habsbourg. À compter de cet instant, ses portraits officiels ne la représenteront plus qu’en veuve, à commencer par un fameux portrait de François Clouet de 156025.
14En 1560, symptôme de cette volonté de mettre au cœur de son propre pouvoir l’image de son mari mort, Catherine de Médicis offre à tous les parlements du royaume l’éloge funèbre de son mari, composé par Pierre de Paschal, enchâssé dans de superbes reliures, « pour y estre mis et gardé à perpetuelle mémoire26 ». Sur les couvertures de ces éloges sont parsemés les symboles macabres qui seront désormais la marque de Catherine de Médicis, veuve éternelle : des miroirs brisés, des faux tranchant des lacs d’amour, des cornes d’abondance renversées, des larmes, des plumes arrachées. Sur la couverture de nombre d’ouvrages offerts à la reine mère, on repère aisément ces éléments de deuil : ainsi un De l’estat et succès des affaires de France, aujourd’hui au Musée Condé, dédié par l’auteur à Catherine27. Nicolas de Nicolay, géographe officiel du roi, insère ces symboles dans la carte de la « châtellenie de Billy », qu’il dédie à la Reine mère : en bordure, on peut admirer, sur fond noir, des faux, des miroirs brisés, des éventails de plumes, des cornes vides et aux quatre angles, les attributs de la mort28. Répétée à l’infini, dans tous les décors de la reine mère, cette iconographie macabre rappelle sans cesse le statut de veuve de Catherine de Médicis : parmi les rares fragments préservés du Palais des Tuileries, commandé par la reine mère et aujourd’hui détruit, on a récemment restauré dans la cour Marly du Louvre une arcade ionique réalisée par Philibert Delorme29. Sur les bagues des colonnes, on aperçoit clairement voir des torches, des plumes coupées et des miroirs brisés30. Dans le jardin du palais, Bernard Palissy réalise une grotte, dont une partie du décor au moins, reprend ces symboles mortuaires. Henri est le mort de Catherine de Médicis.
15Les demeures de la reine prennent le deuil, comme leur propriétaire. Aux Tuileries, Catherine fait aménager un spectaculaire « appartement de deuil » : une enfilade de pièces tendues les unes de soie blanche sur fond de satin noir, les autres de velours noir coupé, semées des devises de la reine. Des lits de velours noir brodés de perles, des colonnes d’ébène, des poupées de deuil et des candélabres de jais viennent meubler ce spectaculaire décor d’exhibition mortuaire31. Encore visible de nos jours à côté de la bourse du Commerce de Paris, la « colonne Médicis », érigée par Jean Bullant en 1578, seul élément restant de l’« hôtel de la reine », affiche aussi un décor macabre le long des cannelures : fleurs de lys et cornes d’abondance sont mêlées aux miroirs cassés et aux lacs d’amour déchirés, symboles du veuvage inconsolable de la reine. Dans le haut de la colonne, on repère des C (Catherine) et des H (Henri) entrelacés. Volker Hoffman a montré combien, loin d’être une colonne astrologique comme on a longtemps pu l’écrire, la colonne est en réalité un monument funéraire à la mémoire d’Henri II : sa structure interne s’inspire de la Colonne Trajane, avec en son cœur un escalier en permettant d’atteindre le sommet. Trajan avait demandé qu’à sa mort les cendres soient enfermées dans la base de la colonne32. Catherine se veut l’incarnation de cette colonne à l’intérieur de laquelle sont renfermées les cendres.
16La mort est ainsi essentielle dans la construction sociale du pouvoir de Catherine de Médicis. Elle adopte à la mort d’Henri II comme emblème une lance brisée, entourée de la devise « Lacrymae hinc, hinc dolor – De là viennent mes larmes et ma douleur ». Mais sa survie politique dépend de sa capacité à produire des images d’elle-même comme femme de pouvoir et pas simplement comme veuve. Assez rapidement, en ces années cruciales, la devise de Catherine change pour se fixer sur « Ardorem extincta testantur vivere flamma » – bien que la flamme soit éteinte, les cendres vivent toujours. L’emblème correspondant est une montagne de chaux vive. Arrosée par des gouttes d’eau tombées du ciel, la chaux continue de brûler sans qu’aucune flamme apparaisse. On a souvent dit que les cendres vives désignaient l’inextinguible amour de la reine mère pour Henri II. Il faut surtout souligner l’habile construction politique par laquelle la mort d’Henri est utilisée pour légitimer le pouvoir de Catherine de Médicis : puisque le roi ne meurt jamais, les cendres vives ne symbolisent pas seulement l’amour du roi, mais bien le roi lui-même, ou mieux, la royauté, qui vit toujours en Catherine : les cendres vivent toujours, oui, mais en Catherine.
17Vers 1562, Catherine trouve la figure historique qui lui correspondait le mieux. À cette date, l’apothicaire Nicolas Houel dédie à la reine mère une Histoire de la reine Artémise, dont les dessins sont confiés à Antoine Caron33. Régente de Carie après la mort de son mari Mausole, Artémise (†351 av. J.-C.) est un personnage unique de veuve puissante. Un des dessins clefs de Caron représente Artémise « buvant les cendres » de son défunt époux. Pour Catherine, revêtir les traits d’Artémise est essentiel – en ingérant les restes de son mari, elle dit qu’en elle se poursuit la monarchie et fait un geste politique décisif voire inédit, dans un pays où les femmes sont exclues du trône. Dans un royaume où règne la loi salique, on comprend mieux pourquoi la propagande fera feu de tout bois pour faire de la reine la « Nouvelle Artémise34 ». De la sorte, Catherine revendique d’être la véritable urne cinéraire d’Henri : en ingérant les cendres, elle se fait l’incarnation continuée du pouvoir du roi. Pour être puissante, elle doit vivre avec un mort en elle. C’est ce que dit Ronsard, qui commente le monument commandé par Catherine pour recevoir le cœur d’Henri – il était de coutume de séparer le corps et les entrailles des Grands – en engageant le passant à ne pas s’étonner de voir un vase si petit abriter le cœur d’un si grand roi : le véritable réceptacle du cœur d’Henri n’est autre que Catherine elle-même35. Catherine ne survit politiquement qu’au travers de cette greffe cardiaque. Elle est une morte en sursis à qui l’on a greffé le cœur d’un roi.
18L’identification de Catherine avec Artémise motive l’un des plus ambitieux projets de construction de la reine mère : elle commande un bâtiment mortuaire pour y ensevelir les Valois, adjoint à la Basilique Saint-Denis, sépulture traditionnelle des rois de France36. Dessinée par le Primatice, la « Rotonde des Valois », couronnée d’un dôme, réinvente le Mausolée d’Halicarnasse, construit par Artémise pour son mari. À l’intérieur de la Rotonde, le tombeau sculpté par Pilon pour Henri II est conforme à la tradition : le roi y est figuré en bas comme un transi, sur le moment de la mort, en état de décomposition. La figure de Catherine à ses côtés en revanche est très différente : la reine mère rejette en effet l’œuvre de Girolamo della Robbia qui la représentait, elle aussi, en gisante (1565)37. À la place, elle commande à Germain Pilon un étonnant « transi », qui la représente en jeune femme, bien vivante. Dans cet étonnant tombeau, Catherine est figurée presque de manière érotique, avec des courbes arrondies, une jambe sortie du drap telle une Vénus. Crainte de la mort ? Désir d’immortalité ? Il y a aussi une stratégie politique : jeune et belle veuve, Catherine, enterrée vivante38, est rendue inaccessible aussi bien aux attentats qu’aux prétendants. La puissance de Catherine, son autorité politique, se nourrissent de la mort d’Henri sans cesse rappelée et représentée.
19Dans les trente années qui suivent la mort d’Henri et la séparent de la sienne (1559-1589), Catherine occupe une place centrale dans la vie politique du pays, notamment sous Charles IX (1560-1574), dont elle est d’abord régente, puis encore sous Henri III (1574-1589). Rançon de sa puissance, la longue série de deuils qui frappe ses proches se répète avec une funeste régularité. Tout en l’épargnant elle : à plusieurs reprises déjà, elle a frôlé la mort ; enfant, tandis que Florence est assiégée, on menace de l’exposer au canon des assaillants ; plus tard, en 1557, elle tombe malade et l’on n’espère nulle guérison. Mais, Catherine a une santé de fer, elle survit. En revanche, elle voit passer presque tous ses enfants. Sa fille Élisabeth, reine d’Espagne, meurt en 1568. Son autre fille, Claude de Lorraine, la quitte en février 1575. Le 30 mai 1574, Charles IX, qui n’avait pas vingt-quatre ans, s’éteignait dans ses bras, faisant d’elle de nouveau une régente39.
20Dix ans plus tard, le 25 juin 1584, Henri de Lorraine, duc de Guise, assistait, inquiet, aux côtés d’Henri III, au convoi mortuaire du duc François d’Anjou (1555-1584) dernier fils de Catherine de Médicis. Avec lui trépassait l’ultime espoir des Valois. Car Henri III n’avait pas d’enfants et c’est un huguenot, Henri de Bourbon (1553-1610), roi de Navarre, qui pouvait prétendre à la succession. La mort du duc d’Anjou précipitait sous l’égide du duc de Guise, la reformation de la « Ligue », un mouvement de catholiques zélés habités par une fervente volonté de reconquête et décidés coûte que coûte à empêcher l’avènement d’un roi protestant40. Quand Henri III meurt en 1589, la reine Margot est la seule survivante des dix enfants de Catherine de Médicis.
L’invisible mort de Catherine de Médicis
Mourir en province
21Catherine de Médicis, experte s’il en est ès choses de la mort, passa pour ainsi dire à côté de la sienne. Sa mort fut éclipsée par celle des deux frères Guises, qu’Henri III venait de faire assassiner à Blois pour tenter de conjurer la reformation de la Ligue (23 et 24 décembre 1588). Celle qui avait régné comme cernée par la mort, qui avait vécu comme morte, fut surprise dans une scène macabre qu’elle n’avait pas préparée : « La royne mère est décédée la veille des roys dernière [5 janvier 1589], au grand estonnement de tous… », écrit Étienne Pasquier41. Catherine rédige son testament le jour même de son décès42. Elle n’avait pourtant cessé, durant toute sa vie, d’envisager sa mort. Mais tandis qu’elle s’était imaginée aux côtés de son mari dans la « Rotonde des Valois », qu’elle avait patiemment et somptueusement fait bâtir, la situation du pays l’en empêcha : morte à Blois, elle fut enterrée sur place parce que les ligueurs tenaient la capitale. À l’Étranger, sa mort passa quasi inaperçue au milieu des autres nouvelles d’importance. En France, on n’en parla guère : Jean Pussot, d’habitude bon observateur des grands évènements, n’en touche mot dans son journalier43.
22Peut-on pour autant dire, comme tant d’observateurs, que ses funérailles furent bâclées ? N’est-ce pas encore et jusqu’au dernier souffle, alimenter la légende noire de la Reine mère ? Il importe de reprendre le dossier.
23Les contemporains ont tous rappelé combien la nécessité du temps (la guerre civile) empêcha l’organisation de funérailles parisiennes – c’est-à-dire « grandioses » dans l’imaginaire déjà parisiano-centré de l’époque. Bourgeois de Paris, modéré resté dans la capitale malgré la Ligue, Pierre de l’Estoile a joué un rôle considérable dans la minoration de cet événement en écrivant que la reine-mère
fut pleurée de quelques siens domestiques et familiers, et ung peu du Roy son fils, qui en avoit encore affaire et qui lui fit faire ses funerailles dans l’eglise S. Sauveur de Blois non royalement, mais comme le temps le pouvoit permettre44.
24De multiples témoignages signalent à l’inverse la peine démonstrative d’Henri III : selon De Thou, le roi ordonna qu’on « détendit tous les appartements » puis que « tous les murs fussent peints en noir et semés de larmes45 ». Le maréchal de Retz, un proche de la reine mère, décrivait ainsi au duc de Nevers l’état d’esprit de la cour : « nous en sommes tellement troubléz que je vous oze jurer que nous ne scavons tous où nous en sommes46 ». Un autre témoin mentionne les « larmes » qu’il échappa en abondance lors des obsèques, on y reviendra. Quoi qu’il en soit des sentiments réels du monarque et des courtisans, les caisses du Royaume sont vides, la capitale hostile et la guerre omniprésente. Rien ne permet pour autant de penser que Catherine de Médicis se vit priver de « funérailles royales47 ».
25Peu de jours avant l’exécution des Guises, en revenant de l’office du soir, le 17 décembre 1588, la reine mère se sent fiévreuse et se met au lit. La nouvelle de l’assassinat des Lorrains par Henri III aggrave-t-elle son état de santé ? C’est ce qu’affirment de nombreux témoins. L’ambassadeur et médecin Cavriana craint que le « spectacle funèbre du duc de Guise » ne l’affaiblisse encore48. Pierre de l’Estoile ajoute que « ceux qui l’approchoient de plus près eurent opinion que le desplaisir qu’elle avoit pris de ce que son fils avoit fait [l’assassinat des Guises] lui avoit avancé ses jours49 ». L’historien De Thou rapporte que Catherine « avoit eu une petite attaque de fièvre, et commençoit à se rétablir, lorsque cet accident imprévu [l’assassinat des Guises] lui porta le coup de la mort50 ».
26La coïncidence entre le crime politique (23 et 24 décembre) et la mort naturelle (5 janvier) est en effet troublante. Pour les observateurs, elle était signifiante : depuis toujours, la biographie de Catherine est scandée de ces bifurcations soudaines, causées par des morts violentes. Il est toutefois permis de douter du lien direct entre l’assassinat des Guises et le décès de la reine mère. L’autopsie révèle un poumon et un cerveau bien malades51. Du reste, n’avait-elle pas déjà vu trépasser « tant de ses enfants » ? En quoi la mort des Lorrains l’aurait-elle davantage affectée que sa longue série de deuils ? Coriace, on la dit rapidement « convalescente52 ». Le 31 décembre 1588, le médecin Cavriana espère la voir sur pieds et au travail « d’ici une semaine53 ». Le dimanche 1er janvier 1589, elle est debout et souhaite entendre la messe dans la chapelle du château, contre l’avis des médecins. Elle rend ensuite visite au Cardinal de Bourbon, retenu prisonnier. Ce dernier lui aurait reproché d’avoir piégé les Guises54. C’est alors seulement que la maladie reprend. Le 3 janvier 1589, le nonce Morosini annonce que « la sérénissime reine mère a de nouveau un peu de fièvre ». Le 4, il ajoute « elle a une très grande fièvre et quoique les médecins l’appellent une fièvre de rhume sans danger, toutefois l’âge avancé de la malade et sa rechute inspirent de grandes craintes55 ». La reine mère a presque soixante-dix ans.
27Le 5 janvier 1589, Catherine de Médicis s’éteint, à une heure de l’après midi, après s’être confessée et avoir reçu les derniers sacrements, se conformant de la sorte à l’idéal de la « bonne mort » chrétienne. Cavriana dit qu’elle mourut d’un « mal de côté » et d’une « inflammation des poumons56 ». Brantôme rappelle combien étaient alors coutumiers les empoisonnements : « il y en a aucuns qui ont parlé diversement de sa mort, et mesme de poison. Possible qu’ouy, possible que non ; mais on la tient crevée de dépit57 ». En ces temps troublés, et bien que tout indiquât une mort naturelle, il fallait lever le doute. Le corps fut aussitôt ouvert et autopsié – c’était adapté en période de guerre civile mais c’était surtout la coutume parmi la noblesse58. L’ouverture du corps était un préalable nécessaire à l’embaumement. Il s’agissait donc pour Henri III d’offrir à sa mère le traitement réservé aux rois et reines défunts, en tant qu’ils étaient l’incarnation de la souveraineté.
Le double corps de la Reine
28Palma-Cayet est ainsi proche de la vérité quand il écrit que « ceste royne fut fort regrettée par le Roy son fils, qui luy fit faire ses funerailles dans l’eglise Sainct Sauveur de Blois le plus royalement qu’il put lors59 ». Rien ne vient dire en effet que les funérailles furent banales, même si elles n’eurent pas l’éclat des cérémonies parisiennes. Plusieurs criées furent faites dans diverses villes, pour annoncer la mort de la reine mère. À Blois, des « crieurs » allèrent par la ville commander de « prier Dieu pour son ame, la qualifièrent femme de roy, mere de trois roys et de deux roynes60 ». À Chartres, le 5 février 1589, les curés de la ville reçurent injonction
de faire entendre à leurs paroissiens, en présence de la messe parochialle, que ledit jour et lendemain matin seront faicte en l’eglise de Chartres les obsèques pour le remède de l’âme de le feue Royne mère, la mémoire de laquelle soit en perpetuelle bénédiction, à ce que les chefs de maison se disposent à luy rendre et faire ce dernier honneur et debvoir d’y assister et prier Dieu de la remettre avec les bienheureux en repos éternel61.
29Les honneurs rendus à la reine défunte ressemblent à ceux prêtés à toutes les reines, et particulièrement à ceux d’Anne de Bretagne, morte en 1514 et pour laquelle on dispose de descriptions précises62. Brantôme trace un parallèle explicite entre les funérailles des deux reines :
Catherine fut mise en son lit de parade, ainsi que j’ay oüy dire à une de ses dames, ni plus ni moins que la Reine Anne […] et vestuë des mesmes habits Royaux qu’avoit ladite Reyne, qui n’avoient servy depuis sa mort à d’autres qu’à elle63.
30Quand le coup d’État menace, que plane la crise de succession, il s’agit de souligner l’impassible continuité de la monarchie, en revêtant la dépouille de Catherine des habits mortuaires d’Anne. Certes, c’est aussi faire avec les moyens du bord : recluse en province car chassée de Paris, la Couronne trouve au château de Blois les restes des cérémonies funèbres d’Anne de Bretagne, morte sur place64. Mais c’est en même temps de légitimer Catherine de Médicis en l’associant à la femme défunte de Louis XII, « père du peuple ». À l’image de sa vie, Catherine en sa mort court après la légitimité.
31Le nonce Morosini, présent sur place, a laissé une rare (et méconnue) description du rite funéraire :
Le corps fut embaumé, mis dans un cercueil de plomb, renfermé dans un de bois. On donna ensuite satisfaction au peuple qui accourait de tous les environs pour voir la reine : on transporta son corps de la chambre ordinaire à celle des audiences, orné des plus beaux habits d’or qui soient au palais. Beaucoup de dames, en habits de deuil, veillaient près du corps, autour duquel brûlait une grande quantité de lumières et des pères franciscains psalmodiaient toute la nuit65.
32L’embaumement est connu depuis longtemps et s’est généralisé dans les milieux aristocratiques au cours de la seconde moitié du xive siècle. Il est lié à d’autres pratiques funéraires spécifiques, notamment l’ensevellissement en des lieux distincts des viscères, du cœur et du corps, dans l’intention de multiplier les occasions de messes66. On ne sait rien de la « dispersion » du corps de Catherine de Médicis : son cœur a-t-il été enterré à part comme c’était la coutume ? Certains auteurs avancent sans preuves qu’il a rejoint celui de son mari dans le monument funéraire du cœur d’Henri, dit des « Trois grâces », aujourd’hui conservé au Louvre67.
33Embaumer est surtout rendu nécessaire par le long intervalle qui sépare le décès de l’enterrement : dans le cas de Catherine de Médicis, trente journées s’écoulent entre le 5 janvier et le 4 février 1589. Le corps n’est laissé que quelques jours à découvert, le temps que les plus proches lui rendent un dernier hommage. Puis la dépouille est enfermée dans un cercueil de plomb doublé de bois, mais laissée sur les lieux du trépas. L’espace laïc de mort, la demeure aristocratique, est ainsi le lieu privilégié des funérailles nobiliaire au détriment de l’espace sacré, l’église. L’embaumement est donc indispensable même si la mort de Catherine au cœur de l’hiver ralentit la décomposition.
34La description de Morosini est précieuse à défaut d’être précise. Différentes étapes semblent ici se télescoper. Classiquement, dans un premier temps, le cercueil contenant la dépouille est exposé dans une salle d’apparat tendue de noir ; dans un second temps, les murs de la salle se démettent de leurs tentures de deuil pour les couleurs éclatantes de l’or et de l’azur. C’est probablement ce que le nonce décrit quand il parle du passage « de la chambre ordinaire à celle des audiences » et du corps « orné des plus beaux habits d’or ». Surtout, et c’est caractéristique de l’époque, Morosini ne distingue pas entre la dépouille et l’effigie. Brantôme n’est guère plus précis. Traditionnellement en effet, après l’exposition du cadavre, c’est une effigie – mannequin d’osier au visage de cire à la ressemblance du défunt – qui est étendue sur un lit de parade, habillée de vêtements royaux ; elle garde les yeux ouverts et porte sur sa tête comme dans ses mains les insignes de la royauté. C’est cette effigie qui est donnée à voir aux visiteurs tandis que le corps, enfermé dans un cercueil est soit déposé sous l’effigie, soit conservé dans une autre pièce. Si l’on suit le déroulement des funérailles de François Ier en 1547 – modèle du genre – l’effigie du roi est disposée sur un lit de parade, dans une salle d’honneur somptueusement décorée pendant onze jours. Dans une chambre voisine, le corps embaumé est veillé par des proches et des religieux.
35Catherine de Médicis n’eut-elle pas d’effigie ? C’est peu probable. Et c’est ce dont témoigne un second témoignage, bien plus précis, celui de l’ambassadeur vénitien Giovanni Mocenigo. Après avoir embaumé le corps,
on l’a placé dans une chambre tendue de noir et, de deux heures en deux heures, on changeait l’assistance, qui se composait d’un certain nombre de dames et de filles d’honneur à son service et de moines de l’ordre de Saint François, disant l’office des morts et d’autres oraisons.
Dans une autre chambre tendue de tapisseries de soie et d’or, on a préparé un dais fort somptueux sous lequel on a placé l’effigie de la reine mère. Et pendant quarante jours, matin et soir, la table de la Reine sera dressée et servie puis distribuée aux indigents, selon l’antique coutume de la maison royale de France68.
36Mocenigo mentionne explicitement l’utilisation d’une effigie. Les funérailles de Catherine apparaissent donc bien « dans la lignée de celle des rois. Il s’agit de célébrer le décès d’une personne de rang royal et l’organisation du cérémonial vise d’abord à dire la position sociale comme à exalter la dignité de celui ou celle qui a quitté le monde ». L’effigie de Catherine est présentée avec la « Couronne et le manteau royaux69 », symboles de sa puissance terrestre70. La mention de la « grande quantité de lumières » brulées n’est ici pas anodine : partie intégrante de la liturgie, support de dévotions individuelles et collectives, le luminaire funéraire est aussi la marque du rang social. De manière générale, plus le défunt est de rang élevé, plus la profusion des lumières est importante. Les funérailles des plus grands peuvent ainsi s’illuminer de plus d’un millier de cierges, consommant une quantité massive de cire dans un déploiement ostentatoire de luxe71. Dans la même idée, l’importance de l’assistance, le fait qu’elle soit changée « de deux heures en deux heures » sont autant de signes destinés au monde et à la postérité. On dit là rang social de la défunte. Catherine de Médicis était personne royale, il s’agissait de l’honorer comme il se devait.
37Mocenigo fait allusion à l’une des coutumes les plus étranges et frappantes du cérémonial funéraire français : « pendant quarante jours, matin et soir, la table de la Reine sera dressée et servie ». La tradition nobiliaire, vivace tout au long du xvie siècle, est en effet de servir solennellement, matin et soir, des repas à l’effigie du défunt, comme si ce dernier était vivant. Ce rite est inhérent à la fonction de l’effigie et est destiné à montrer que, jusqu’à l’enterrement, la reine est bien vivante : le masque de cire posé en haut de l’effigie la représente les yeux ouverts72.
38Dans une thèse célèbre et controversée, Ralph Giesey a rapproché la distinction entre la dépouille et l’effigie de la célèbre théorie des « deux corps du roi », développée par Ernst Kantorowicz73. L’effigie viendrait selon lui matérialiser le corps institutionnel et immortel de la monarchie. Comme l’ont démontré plusieurs auteurs74, force est de constater que la thèse de Giesey est affaiblie par l’utilisation d’une effigie pour la reine, dans la mesure où celle-ci ne règne pas et n’a par conséquent de corps institutionnel immortel. À nul instant, on ne crie « la reine est morte, vive la reine ! » La féminisation de l’effigie tendrait alors à prouver que celle-ci représenterait davantage la dignité d’une personne que l’immortalité d’un corps politique75. Bien que Catherine de Médicis ait gouverné, en sa qualité de régente, elle ne peut incarner la souveraineté et l’immortalité de la Couronne, réservée aux hommes.
39Critique vis à vis de la thèse de Giesey, Alain Bourreau a de son côté insisté sur la dimension chrétienne, et non juridique, de l’effigie : elle représenterait le défunt, les yeux ouverts, dans l’espoir et dans l’attente de la Résurrection. Dans son Discours funèbre sur la mort de la reine mère, le poète Jean Bertaut a bien illustré cette espérance que signifie le dédoublement du défunt entre un corps putrescible, mis au cercueil (mort temporellement) et une effigie en gloire éternelle :
Or est ceste Princesse, autrefois nostre bien, Maintenant en la tombe un corps qui ne sent rien : Et ne l’a peu sauver de la mort temporelle ce qui la sauvera de la mort eternelle, Sa Foy, Sa piété, son zele nonpareil, Et son renom qui voit l’un et l’autre Soleil76.
40L’effigie vient ici anticiper l’espoir d’une résurrection et rappelle « la foi, la piété et le zèle » de la défunte. Au xvie siècle, cet imaginaire d’une « mort-passage » est en concurrence avec celui d’une « mort-putréfaction ». On retrouve le premier chez la reine mère lorsqu’elle commande à Germain Pilon le groupe statuaire de la Résurrection destiné à surplomber son gisant et celui d’Henri II77. À l’image de sa représentation figurée au tombeau, son effigie est en attente de la vie éternelle. Mentionnée ici par le nonce, la présence de Franciscains récitant des psaumes autour du cercueil était coutumière. Elle démontre la dimension fondamentalement religieuse des funérailles, même célébrées dans un espace laïc comme la demeure aristocratique. Mais, en période de schisme protestant et de mise en doute par la propagande ligueuse de l’orthodoxie de la Reine mère, les prières des réguliers rappelaient l’intransigeante identité catholique de Catherine de Médicis : autant que religieuses, leurs oraisons étaient ici confessionnelles.
41Sur les obsèques du 4 février 1589, on sait très peu de choses. Le jour de l’enterrement, le roi donne l’ordre de transférer le corps de sa mère depuis le château de Blois vers l’église Saint-Sauveur78. Le sermon funèbre est prononcé par un archevêque « politique », bien connu de la reine mère, Renaud de Beaune79. Le contenu en est assez classique – certains l’ont qualifié de « plat ». Après avoir rappelé et mythifié l’arbre généalogique de Catherine, le prélat célèbre les vertus de la défunte. On retrouve chez Renaud de Beaune cette évolution du sentiment de la mort80. Entre le xve et le xvie siècle, on est passé d’une mort subie comme une punition du péché à une mort prélude à la Résurrection :
La mort naturelle nous a été ordonnée pour le péché du premier homme, nous tourne en vie et bénédiction par la mort et résurrection de nostre Christ. Pouvons-nous désormais craindre la mort, puisque c’est le commencement de la vie éternelle, puisque par ceste mort nous sommes vivifiez ? […]. Mais, depuis que nostre Christ est mort pour nous, et qu’il est la mort de nostre mort et la vie de nostre ame, qu’il a brisé l’enfer qui souloit devorer le genre humain, ceste mort, qui souloit estre si terrible, est tournée aux chrestiens en benediction […]. Nostre Sauveur admonestait ses disciples leur dict, que, si le grain de froment n’est jecté en terre et mortifié, il ne peust revivre et sainct Paul nous admoneste que si, nostre corps est semé en infirmité, il resuscitera en gloire.
[…] Sa vie a esté une perpetuelle penitence, contrition, devotion assidue et perseverante ; et en sa maladie, et jusques à la fin, elle a receu les sacremens de confession et penitence, l’extresme-onction et par icelle consignée en la mort de nostre Sauveur, elle a receu ce premier viatique des chrestiens, le Sainct-Sacrement du corps de nostre Seigneur, ainsi munie et armée de la foy, qu’elle a constamment declarée jusques au dernier soupir81.
42L’assistance à l’enterrement proprement parler se révèle tout aussi parlante que les cérémonies précédentes. Furent présents en l’église Saint-Sauveur le roi Henri III, sa femme Louise de Vaudemont, la petite fille de Catherine, Chrestienne de Lorrain, les princes de Bourbon ainsi que, sans plus de précisions « des cardinaux, ambassadeurs, prélats et autres seigneurs et dames »82. De manière symptomatique, le légat du pape Morosini ne se montra point aux funérailles de Catherine de Médicis pour ne pas paraître aux côtés d’un roi excommunié ipso facto par le meurtre des Guises. C’est à l’évidence un camouflet pour le roi. Henri III désirait en effet rendre un hommage particulier à sa mère. Il assista aux funérailles « vestu de violet, et la Royne sa femme, vestuë de tanné83 ». Le violet (ou pourpre) est traditionnellement la couleur traditionnellement portée par les rois à l’occasion de décès importants. Le le tanné (brun) est la couleur portée par les reines dans les mêmes situations84. L’originalité est à chercher ailleurs : parce que la « souveraineté » ne se partage pas, il est de coutume que les rois de France n’assistent pas – ou seulement pour quelques minutes le temps d’asperger le cercueil d’eau bénite – aux funérailles des reines. Or Henri III participe aux obsèques de Catherine, pour manifester, selon Mocenigo « sa perte et sa douleur » :
Ces deux derniers jours ont été faites les obsèques de la sérénissieme reine mère et, contrairement à l’antique coutume des rois de France, en présence du Roi, de la reine, des ambassadeurs et de toute la cour, le roi ayant ainsi voulu, par cette extraordinaire démonstration, montrer combien grande était sa perte et sa douleur, comme il est bien vu pour avoir accompagné les funérailles avec beaucoup de larmes, comme ainsi faisait la reine et certains courtisans, profondément inquiets de la misère de leur temps85.
43Personne royale, la reine ne peut en principe être honorée en présence du roi, si ce n’est conjointement ce qui est impossible en cas de décès. Bien qu’en matière de funérailles des reines, la norme et l’exception se décrètent sur trop peu d’exemples, Henri III fait ainsi un geste significatif – et remarqué comme tel par les observateurs – en assistant aux funérailles de sa mère. Il souligne ce faisant l’importance de la défunte et rend hommage à son infatigable dévouement pour le royaume.
« Une chèvre morte » : la dépouille de Catherine aux mains des propagandistes
44Dans tous les sens du terme, l’hommage rendu par Henri III fut unique.
45La mort de la reine mère a été diversement appréciée et a fait l’objet d’appropriations opposées. Les témoignages se contredisent ainsi depuis les causes de la mort (mort naturelle ? poison ? Tristesse liée à la mort des Guises ? Dépit en raison de la désobéissance de son fils ?) jusqu’à l’enterrement à proprement parler. L’ambassadeur Mocenigo a laissé une première description de l’autopsie :
Le corps de la Serenissime reine mère fut ouvert et il fut trouvé de bonne composition et, magré son grand âge de 69 ans et sept mois, qu’il était presque sain et que si la bonté divine l’avait voulu libérer de ce mal de poitrine qui la conduisit à la mort, elle serait restée vivante encore de nombreuses années86
46Le nonce Morosini en revanche écrit que « le corps de la reine fut ouvert, par ordre du Roi, et on trouva le poumon attaqué, le sang répandu dans la cervelle avec un abcès dans le côté gauche87 ». Comme son corps vivant, le corps mort de Catherine est l’objet d’appropriations contradictoires en fonction des intérêts en jeu – ses opposants la décrivent comme pourrie de l’intérieur ; ses adhérents la présentent en pleine possession de ses moyens.
47La question de la pourriture et de l’odeur du cadavre de Catherine de Médicis sont aussi le support de discours militants. Etienne Pasquier a laissé sur ce point une lettre étonnante, partout reprise, qu’il convient ici de citer :
son corps [fut] mis en l’Eglise de Sainct Sauveur, dedans un cercueil de plomb, en attendant que, la France plus calme on la puisse transporter à Sainct-Denys : vray que n’ayant été bien embaumé, (car la ville de Bois n’est pourveuë de drogues et espiceries pour cet effect) quelques jours aprés, commençant de mal sentir, depuis le partement du Roy, on a esté contraint de l’enterrer en pleine nuict ; non dans une voûte, pour n’y en avoir aucune, ains en pleine terre, tout ainsi que le moindre de nous tous ; et mesmement en un lieu de l’Eglise où il n’y a aucune apparence qu’elle y soit88.
48La lettre est curieuse tant elle semble issue des rangs ligueurs, ennemis de Catherine. L’odorat est en effet essentiel dans l’imaginaire de la « bonne mort ». Mélange d’épices et d’aromates, l’embaumement est censé ralentir la putréfaction et permettre à la dépouille d’exhaler, quelque temps au moins, une bonne odeur, comme celle émanant, selon la légende, du corps des saints89. Il est indispensable d’éviter les mauvais relents du cadavre, tant il existe un lien fort entre puanteur et péché, tant on imagine pestilentiel le parfum du diable90. Souligner l’odeur épouvantable de Catherine, c’est la ramener au bas corporel, au diable mais aussi à l’animalité – méthodes traditionnellement employées par ses adversaires. Or, Étienne Pasquier, présent à Blois, affirme dans cette lettre vouloir « honorer [l]a mémoire » de la Reine mère91. En réalité, plus que le témoignage d’un observateur, sa leçon est celle d’un moraliste. Il est de fait fort douteux que la ville de Blois, qui avait vu s’éteindre nombre de princes et de princesses, eût été si incompétente en matière d’embaumement. Le mot de Pasquier constitue en réalité un rappel à l’humilité, nécessaire pour gagner le Paradis. Le goût de Catherine pour le faste, son coûteux mécénat, ses dépenses architecturales mirifiques lui avaient valu la réputation d’être dispendieuse. Sa mort simple, à Blois, viendrait alors compenser sa vie luxueuse et lui permetrait d’espérer le salut. C’est ainsi que Pasquier souligne a dessein le contraste entre sa vie et sa mort :
Miserable, certes, est la condition humaine ! Cette Princesse, qui n’estimoit l’Eglise de S. Denis, ancien tombeau de nos Roys, assez capable pour recevoir ny le corps du Roy son mary, ny le sien, ny de Messieurs ses enfans, avoit fait travailler, par trente ans, au bastiment de trois chapelles hors l’Eglise, pour leur servir de sepulchres ; et fait dresser les portraitures en marbre, tant de son mary, que la sienne, avec une despense pareille à celle des Rois d’Egypte, en leurs Mausolées ; la voicy reduite au mesmes pied que les plus pauvres de la France92 !
49Élément d’humilité à porter à son crédit selon Pasquier, l’enterrement à Blois est certes involontaire – dans son testament, Catherine de Médicis spécifie son souhait d’être inhumée à Saint-Denis, qu’elle a contribué plus que quiconque à ériger en lieu de sépulture par excellence des monarques français93. Mais les ligueurs parisiens en décident autrement :
le peuple de Paris eust opinion qu’elle avoit donné consentement et occasion à la mort des deux princes Lorrains. Et disoient les Seize que si, on apportoit le corps à Paris, pour l’aller enterrer à Saint Denis, au sepulchre magnifique que, de son vivant, elle avoit basti à elle et au feu roy Henri, son mari, qu’ils la traineroient à la voierie ou le jetteroient dans la riviere94.
50Après sa mort, Catherine de Médicis fut peu ou pas célébrée par les poètes et les écrivains. Brantôme cent fois s’était
estonné et esmerveillé de tant de bons écrivains que nous avons veux de nostre temps en la France, qu’ils n’ayent esté curieux de faire quelque beau recueil de la vie et gestes de la Reyne mere95.
51En guise d’épitaphe, Pierre de l’Estoile conclut qu’à Blois « où elle estoit adorée et reverée comme la Junon de la Cour, elle n’eust plus tost rendu le dernier soupir qu’on n’en fist non plus de compte partout que d’une chevre morte », poursuivant de la sorte l’assimilation bestiale de Catherine et de la charogne96. Le prédicateur ligueur Guincestre annonça en chaire à Paris la mort de la reine mère le 8 janvier 1589 : « elle a fait beaucoup de bien et de mal, et je crois plus de mal que de bien » et laissait à ses auditeurs le choix de dire ou non un pater pour son salut97. Dans une lettre privée, Henri IV ne cache pas sa joie à apprendre ensemble le décès des Guises et la maladie de Catherine. Le 1er janvier 1589, quelques jours à peine avant la mort de Catherine, il laisse entendre que le décès de la reine mère le « ferait bien chanter le cantique de Siméon »98. L’épitaphe la plus célèbre est celle dont Pierre de l’Estoile se fait l’écho : « la reine qui ci-gît fut un diable et un ange […]. Toute pleine de blâme et pleine de louange » et s’achève ainsi « Souhaite-lui passant, Enfer et Paradis99 ».
52Pour conclure, rappelons brièvement que les vicissitudes de Catherine de Médicis ne s’arrêtèrent pas avec son décès. Sa mort dura longtemps. De Thou nous fait connaître la suite de l’histoire :
le corps de cette Princesse fut mis en dépôt dans l’eglise de S. Sauveur, jusqu’à ce qu’on pût le transporter à S. Denis, pour être mis dans le Superbe Mausolée qu’elle avoit fait ériger au Roi Henri III son époux et où, de son vivant, on avoit déjà placé sa statuë. Mais la mort du Roi, arrivée cette même année, & les guerres qui suivirent ce funeste évenement, empêcherent d’abord qu’on ne s’acquittât envers elle de ce triste devoir ; et son corps resta long-tems depuis dans la même chapelle où il avoit été déposé, sans que personne daigna seulement songer à elle100.
53Personne ? Voire. En réalité, Catherine de Médicis ne resta pas indéfiniment à Blois. En souvenir probable du dévouement de Catherine envers son père, c’est Diane de France, fille naturelle d’Henri II, qui s’inquiéta du sort de la reine mère. Avec insistance, elle sollicita auprès d’Henri IV le droit d’inhumer Catherine de Médicis à Saint-Denis, ce qui fut finalement accordé, en avril 1609, après de strictes vérifications101. La France était alors en paix intérieure depuis la conclusion de l’édit de Nantes. Les ligueurs avaient perdu la partie, les Valois avaient cédé la place aux Bourbons. Comment mieux symboliser la fin des guerres de Religion et la réconciliation des Français ? On laissera alors le dernier mot au poète Jean Bertaut qui souligna dans son discours funèbre la capacité de Catherine de Médicis à faire renaître le beau temps après l’orage, ce qui était du reste, le sens de la première devise de la reine mère :
Et ce qui nous ravit l’apparence et l’attente
De tout humain secours durant ceste tourmente,
C’est la mort qui n’aguiere a terminé le cours
Des ans de ceste Royne, oracle de nos jours
En qui seule vivoit l’art d’enchanter l’orage
Par charmes divins qu’un esprit doux et sage
Porte dans sa parole ez publiques traictez,
Où l’on veut, en flattant les esprits irritez
Monstrer une prudence és grands faits exercée
Et de deux ennemis estre le Caducée102.
Notes de bas de page
1 Jules Michelet, Renaissance et Réforme. Histoire de France au xvie siècle [1855], rééd. Paris, Laffont, 1982, p. 440-441.
2 Nicolas Courtinat, « Un monde de cauchemar : les Guerre de Religion de Michelet », Travaux de littérature, 16, 2003, p. 269 – 288.
3 J. Michelet, Renaissance et Réforme, op. cit., p. 241.
4 Lettres de Catherine de Médicis, éd. par Hector de la Ferrière puis Gustave Baguenault de Puchesse, Paris, Imprimerie Nationale, 1880, 1909, 10 vol. (désormais cité LCM), vol. I, p. 156 (6 décembre 1560, lettre à M. de Rennes).
5 Oraison funebre faicte aux obseques de la royne mere du roy par Messire Regnault de Beaune… . à Bloys, le IIIe jour de fevrier 1589, Blois Jamet Mettayer, 1589, p. 3.
6 Lucien Romier, Le royaume de Catherine de Médicis. La France à la veille des guerres de religion, 1925, rééd. Genève, Slatkine, 1978, vol. I, p. 5.
7 Thomas Trollope A., The girlhood of Catherine de’ Medici, London, Chapman and Hall, 1856, p. 3-5.
8 LCM, I, p. III.
9 A. Von Reumont, La jeunesse, op. cit., Paris, Plon, 1866, p. 95 sq.
10 Ibid., p. 105.
11 Ibid., p. 105.
12 Théodore de Bèze, Henri Estienne, Innocent Gentillet et Jean de Serres, Discours merveilleux de la vie, actions et deportements de Catherine de Médicis, royne-mère, Genève, Droz, 1995, p. 144.
13 Alexandra Zvereva, « Tous les yeux sont tournés vers la Reine : Catherine de Médicis en portraits », colloque « Le roi montré », Blois (2010) à paraître aux Presses universitaires de Rennes, en 2012. Je remercie l’auteur de m’avoir communiqué ses réflexions.
14 Œuvres complètes de Pierre de Bourdeille, abbé séculier de Brantôme, Paris, R. Sabe, 1838, vol. 2, p. 116
15 Alexandra Zvereva, « La collection de portraits au crayon de Catherine de Médicis », extr. de A. Zvereva, Les Clouet de Catherine de Médicis. Chefs-d’œuvre graphiques du musée Condé, catalogue de l’exposition de Chantilly, 2002, Paris, Somogy éditions d’art, 2002, p. 6-11.
16 LCM, I, p. 117.
17 Romier Lucien, « La Mort d’Henri II », Revue du Seizième siècle, 1913, 1, p. 140-152.
18 Cité par Crouzet Denis, Nostradamus, Une médecine des âmes, Paris, Payot, 2011, p. 56 (la première édition des Prophéties de Nostradamus date de 1555).
19 LCM, I, p. 154.
20 Fanny Cosandey, La reine de France, Symbole et pouvoir, Paris, Gallimard, 2000, p. 371.
21 Margriet Hoogvliet, « Princely culture and Catherine de Médicis », dans Martin Gosman et Alastair McDonald et Arjo Vanderjagt, Princes and Princely Culture : 1450-1650, Brill, London, 2003, vol. 1., p. 103.
22 Ivan Cloulas, Catherine de Médicis, Paris, Fayard, 1984, p. 155.
23 Ambre Vilain-De Bruyne, « Le cachet de Catherine de Médicis. Une matrice réginale inédite », Revue de la BNF, vol. 43, 1, 2013, p. 74-78.
24 Michel Pastoureau, Traité d’héraldique, Paris, Picard, 1979, p. 47-48.
25 François Clouet, Catherine de Médicis en veuve, 1560, Paris, BnF, Estampes, Rés. Na 22.
26 Isabelle de Conihout et Pascal Ract-Madoux, « Veuves, pénitents et tombeaux. Reliures françaises du xvie siècle à motifs funèbres de Catherine de Médicis à Henri III », dans Jean Balsamo (éd.), Les funérailles à la Renaissance, XIIe colloque international de la Société Française d’étude du Seizième Siècle, Jean Balsamo (dir.), Genève, Droz, 2002, cit. p. 227.
27 Bernard de Girard, seigneur du Haillan, De l’estat et succez des affaires de France, Paris, L’Huillier, 1572 (Musée Condé, 22-BIS-C-006).
28 Claude Longeon, Une province française à la Renaissance : la vie intellectuelle en Forez au xvie siècle, Université de Saint-Étienne, 1975, p. 183-184.
29 Emmanuel Jacquin, « Les Tuileries de Catherine de Médicis », dans Marie-Noëlle Baudoin-Matuszek (dir.), Paris et Catherine de Médicis, Paris, Délégation à l’action artistique de la Ville de Paris, 1992, p. 87-105.
30 Musée du Louvre, département des sculptures, R.F. 2011-03. Voir aussi des fragments de bagues de colonne, Musée du Louvre, ENT2001-153 et ENT2010-07.
31 Edmond Bonnaffé, Inventaire des meubles de Catherine de Médicis en 1589. Mobiliers, Tableaux, Objets d’Art, Manuscrits, Paris, Auguste Aubry, 1874, passim.
32 Luisa Capodieci, Medicæa Medæa. Art, astres et pouvoir à la cour de Catherine de Médicis, Genève, Droz, 2011, p. 633 ; Hoffman Volker, « Donec totum impleat orbem : Symbolisme impérial au temps de Henri II », Bulletin de la Société d’histoire de l’art français, 1978, p. 29-42, notamment p. 39 ; Anatole de Barthélemy, « La colonne de Catherine de Médicis à la halle au blé », Mémoires de la société d’histoire de Paris et de l’Île-de- France, 1879, t. 6, p. 180-199.
33 Valérie Auclair, « De l’exemple antique à la chronique contemporaine. L’histoire de la Royne Arthémise de l’invention de Nicholas Houel », Journal de la Renaissance, I, 2000, p. 155-188.
34 Sheila Ffolliott, « Catherine de’ Medici as Artemisia : Figuring the Powerful Widow », dans Margaret W. Ferguson et al. (éd.), Rewriting the Renaissance : The Discourses of Sexual Difference in Early Modern Europe, Chicago, University of Chicago Press, 1986, p. 227-241 ; Id., « A Queen’s Garden of Power : Catherine de’ Medici and the Locus of Female Rule », dans Cesare Mario A. di (éd.), Reconsidering the Renaissance : Papers from the Twenty-First Annual Conference, Binghamton, New York, 1992, p. 245-255 ; Id., « The Ideal Queenly Patron of the Renaissance : Catherine de’ Medici Defining Herself or Defined by Others ? », dans Lawrence Cynthia (éd.), Women and Art in Early Modern Europe : Patrons, Collectors and Connoisseurs, University Park, Pennsylvania, The Pennsylvania State University Press, 1997, p. 99-110.
35 Pierre de Ronsard, « Sonnet sur le cœur du feu roy Henry » dans Les poemes de P. de Ronsard Gentilhomme vandomois, Paris, Gabriel Buon, 1567, p. 137 : « Ne t’esbahis admirant sa grandeur, Qu’un peu d’espace en si peu de rondeur esseure un cœur qui conquist tant de places : Pour un grand cœur falloit grand place aussi. Mais l’onmbre en est tant seulement icy, Car de ce Roy l’espouse Katherine. En lieu de marbre Attique ou parien, Prenant le cœur le mist en sa poitrine, Et pour tombeau le garde auprès du sien. »
36 Michele Beth Bassett, The Funerary patronage of Catherine de Medici : the tomb of Henri II, Heart monuments and the Valois chapel, PhD, Columbia University, 1999, p. 23-33.
37 Cette œuvre, probablement rejetée par Catherine, est visible au Louvre R.F. 1515.
38 Jeanice Brooks, « Catherine de Médicis, nouvelle Artémise : women’s laments and the virtue of grief », Early Music, 1999, XXVII, 3, p. 419-436.
39 LCM, 4, p. 310 (31 mai 1574, « Au Roy Monsieur mon fils roy de Pologne »).
40 Nicolas Le Roux, Un Régicide au nom de Dieu. L’Assassinat d’Henri III, Paris, Gallimard, 2006.
41 Estienne Pasquier, « Lettre VIII à Maistre Nicolas Pasquier son fils », dans Les œuvres complètes d’Estienne Pasquier…, Amsterdam, Libraires Associés, 1733, p. 378.
42 BnF, Ms. Nouvelles Acquisitions françaises 7111, fol. 251 vo (testament de Catherine de Médicis).
43 Journalier de Jean Pussot maître charpentier à Reims (1568-1626), Stefano Simiz et Jérôme Buridant (éd.), Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 2008, p. 100-101. Pussot consacre en revanche une page entière aux « assassinats de messeigneurs de Guyse ».
44 Pierre de L’Estoile, Registre-journal du règne de Henri III, Madeleine Lazard et Gilbert Schrenck (éd.), Genève, Droz, 2003, tome VI (1588-1589), p. 131 (souligné par nous).
45 Jacques Auguste De Thou, Histoire Universelle, La Haye, 1740, tome 7, p. 503.
46 BnF, Richelieu, Manuscrit français (Ms. fr.) 3422, fol. 67, cité par Nicolas Le Roux, Un régicide..., op. cit., p. 207 (lettre de Retz à Nevers, Blois, 5 janvier 1589).
47 Fanny Cosandey, La Reine de France, op. cit., p. 207.
48 Abel Desjardins (dir.), Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane, Paris, Imprimerie impériale, 1859-1886, vol. IV, p. 846.
49 Pierre de L’Estoile, Registre-journal, op. cit., t. VI, p. 131.
50 Jacques-Auguste de Thou, Histoire universelle, op. cit., t. 7, p. 367 ; Étienne Pasquier sous-entend que c’est le geste meurtrier de son fils, son « coup de majesté » qui, indirectement, causa sa mort : « Il n’y a heur qui ne soit de fois à autre contrebalancé de quelque malheur : car, pour le regard de sa fortune, elle vit mourir auparavant soi tous ses enfants mâles, hormis celui qu’elle avait aimé dessus tous les autres, lequel, pour récompense, sans y penser, lui causa la mort », Pasquier, « Lettre VIII », op. cit., p. 378.
51 Horatio Brown, « The Death of Catherine de Medici », English Historical Review, vol. XI, 1896, p. 748-750.
52 Abel Desjardins, Négociations diplomatiques, op. cit., vol. IV, p. 852
53 « E fra otto di speriamo che potrà ritornarer ai suoi uffici e modi ordinari », dans, Desjardins, Négociations diplomatiques, op. cit., t. IV, p. 852
54 Abel Desjardins, Négociations diplomatiques, op. cit., vol. IV, p. 852.
55 Archives du Vatican, citées par Henri L’Epinois, La Ligue et les Papes, Paris, V. Palmé, 1886, p. 274.
56 Lettre du médecin Cavriana à Serguidi, 6 janvier 1589, cité dans Desjardins Abel, Négociations diplomatiques, op. cit., vol. IV, p. 853.
57 Pierre de Brantôme, Œuvres complètes, op. cit., vol. 2, p. 246.
58 « Le corps de la Serenissime reine mère fut ouvert » écrit l’ambassadeur Mocenigo, cité par Horatio Brown « The Death of Catherine », art. cit., p. 749.
59 Pierre Victor Palma-Cayet, Chronologie novenaire, dans Choix de chroniques et de mémoires sur l’histoire de France, J. A. C. Buchon (éd.), Paris, Desrez, 1836, t. I, p. 15-16.
60 Ibid., p. 16.
61 Eugène de L’Epinois, « Mémoires de Guillaume Laisné, prieur de Mondonville. Consistance du domaine royal de Chartres », Mémoires de la société archéologiques d’Eure-et-Loire, 1859, vol. 2, p. 224. L’appel des curés à leurs paroissiens fut peu entendu car la ville ouvrit ses portes au duc de Mayenne le 9 février 1589.
62 Fanny Cosandey, La reine de France, op. cit., p. 209.
63 Pierre de Brantôme, Œuvres complètes, op. cit., p. 134.
64 Hélène M. Bloem, « The Processions and Decorations at the Royal funeral of Anne of Britanny », Bibliothèque d’humanisme et Renaissance, t. LIV, 1992, p. 131-160.
65 Rapport du nonce Morosini au pape, cité par Ivan Cloulas, Catherine de Médicis, op. cit., p. 602 ; Sur la politique de Morosini en France, voir Martin Victor, Le gallicanisme et la réforme catholique : essai historique sur l’introduction en France des décrets du concile de Trente (1563-1615), Paris, Picard, p. 219 sq.
66 Colette Beaune, « Mourir noblement à la fin du Moyen Âge », dans La Mort au Moyen Âge, Colloque de l’Association des historiens médiévistes français, Strasbourg, Istra, 1977, p. 12-43.
67 Musée du Louvre M.R. 1591 A, M.R. 1591 B.
68 Horatio Brown, « The death of Catherine », art. cit., p. 749.
69 Fanny Cosandey, La reine de France, op. cit., p. 212.
70 Casimiro Tempesti, Sotia della Vita et geste di Sisto Quinto sommo Pontefice…, Rome, Remondini, 1744, vol. 2, p. 132 : « Imbalsamato il corpo, e alzata l’effigie di relievo con Corono e Manto reale sotto richissimo Baldacchino stette esposta quaranta giorni secondo l’antica usanza de’ Re Francesi, e con mediocra pompa corrispondetne agl’infornuti d’allora furon celebrate l’esequi et Arsivescovo di Bruges [sic pour Bourges] recito l’orazione funerale ».
71 Sur l’importance du luminaire dans les cérémonies funéraires médiévales, Catherine Vincent, Fiat Lux. Lumières et luminaires dans la vie religieuse du xiiie au xvie siècle, Paris, Le Cerf, 2004, notamment le chapitre IX.
72 Elizabeth R. Brown, « Royal Bodies, Effigies, funeral Meals and Office in sixteenth century France », Migrologus, VII, 1999, p. 437-508 notamment p. 451-456 ; et plus réemment « Refreshment of the Dead : post mortem meals, Anne de Bretagne, Jean Lemaire de Belges, and the influency of Antiquity on Royal Ceremonial », dans J. Balsamo (éd.), Les funérailles à la renaissance, op. cit., p. 113
73 Ralph E. Giesey, Le roi ne meurt jamais. Les obsèques royales dans la France de la Renaissance, Paris, Flammarion, 1987 ; Ernst Kantorowicz, Les deux Corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Paris, 1989 ; Alain Bourreau, Le simple corps du roi. L’impossible sacralité des souverains français, xve-xviiie siècles, Paris, Les éditions de Paris, 1988.
74 Notamment Monique Chatenet, Elizabeth R. Brown et Fanny Cosandey.
75 Monique Châtenet et Alain Marchandisse, « Les funérailles de Georges d’Amboise (Lyon et Rouen, 25 mai – 20 juin 1510) », in Au seuil de la Renaissance : le cardinal Georges d’Amboise (1460- 1510) [actes du colloque, Rouen, 8-9 octobre 2010], Jean-Pierre Chaline (dir.) Rouen, Société de l’histoire de Normandie, 2012, p. 159-169.
76 Jean Bertaut, Les œuvres poetiques de M. Bertaut evesque de Sees, publiées d’après l’édition de 1620, rééd. Millwood, Kraus Reprint, 1982, p. 155.
77 Musée du Louvre R.F. 2292, M.R. 1592, M.R. 1593
78 Bibliothèque Nationale de France Richelieu, Manuscrits français (Ms. Fr.), 20153, p. 363-368 : « ordre du portement du cops de la Royne Caterine de Medicis de la salle du château de Blois ; 4 février 1589 », cité par N. Le Roux, Un régicide, op. cit., note 5, p. 385.
79 Frederic Baumgartner, « Renaud de Beaune, political prelate », The Sixteenth Century Journal, t. IX, 1978, p. 99-114.
80 Kathleen Cohen, Metamorphosis of a Death Symbol : The Transi Tomb in the Late Middle Ages and the Renaissance, University of California Press, 1973, p. 172.
81 LCM, IX, p. 509.
82 LCM, IX, p. 498.
83 P.-V. Palma-Cayet, Chronologie novenaire, op. cit., p. 16.
84 Michel Pastoureau, « Les couleurs de la mort », dans Bidon-Alexandre Danielle et Treffort Cécile, À réveiller les morts. La mort au quotidien dans l’Occident médiéval, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1993, p. 97-108.
85 H. Brown, « The Death of Catherine de Medicis », art. cit., p. 750.
86 Ibid., p. 749.
87 Cité par I. Cloulas, Catherine de Médicis, op. cit., p. 601.
88 É. Pasquier, Lettre VIII, op. cit., p. 378.
89 Jean-Pierre Albert, Odeurs de sainteté. La mythologie chrétienne des aromates, Paris, EHESS, 1990.
90 Murielle Gaude-Ferragu, « La mort du prince : les funérailles de Pierre de Beaujeu, duc de Bourbon (1503) », dans J. Balsamo (éd.), Les funérailles à la Renaissance, op. cit., p. 55-76.
91 É. Pasquier, « Lettre VIII, op. cit., p. 378
92 Ibid., p. 378
93 Jean-Marie Le Gall, Le mythe de Saint-Denis, entre Renaissance et Révolution, Seyssel, Champ Vallon, 2007, passim.
94 P. de L’Estoile, Registre-journal, op. cit. vol. 6, p. 131.
95 P. de Brantôme, Œuvres complètes, op. cit., vol. 2, p. 113.
96 P. de L’Estoile, Registre-journal, op. cit., vol. 6, p. 130-132.
97 Cité par I. Cloulas, Catherine de Médicis, op. cit., p. 604.
98 Recueil des lettres missives d’Henri IV, éd. par Jules Berger de Xivrey, Paris, 1843, t. II, p. 416 (lettre à Madame de Grammont, 1er janvier 1589).
99 I. Cloulas, Catherine de Médicis, op. cit., p. 604.
100 J.-A. De Thou, Histoire universelle, op. cit., t. 7, p. 368
101 Archives Nationales, K108, n° 104 : lettres d’Henri IV relatives au transport du corps de Catherine de Médicis 26 mars-4 avril 1609.
102 J. Bertaut, Les œuvres poétiques, op. cit., p. 225.
Auteur
Aix Marseille Université, CNRS, Telemme UMR 7303
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