La mort et la sainteté du prince serbe
The death and holiness of the Serbian prince
p. 61-78
Résumés
Dans l’État médiéval serbe, la sainteté royale était une caractéristique attribuée à la dynastie entière, et par conséquent les descriptions de la mort du souverain font en général partie de la tradition hagiographique. Cet article a pour sujet principal les images de la mort dans plusieurs sources serbes : des hagiographies aux offices, panégyriques, oraisons funèbres et matériaux épigraphiques (majoritairement des inscriptions funéraires). Dans ces sources, la mort du souverain est présentée comme un événement public prédit et annoncé à l’avance, et d’une importance particulière pour la communauté. La mort du souverain est aussi représentée comme celle d’un moine, ce qui est un reflet de la formule tripartite souverain – moine – saint qui est elle-même un aspect essentiel du modèle de règne idéal dans la Serbie médiévale.
In the Serbian medieval state, royal holiness was a characteristic feature attributed to the entire dynasty, and descriptions of the ruler’s death are thus generally part of the hagiographical tradition. This paper is primarily concerned with images of death in various Serbian sources, from hagiographies to offices, panegyrics, funerary speeches and epigraphic material (mostly funerary inscriptions). The experience of the ruler’s death is presented in these sources as an announced, foreseen and essentially public event of special importance to the community. The ruler’s death is also represented as a monk’s death, which is a reflection of the tripartite formula ruler – monk – saint, which was an essential aspect of the model of ideal rulership in medieval Serbia.
Texte intégral
1Au Moyen Âge, l’État trouvait son centre naturel dans le personnage du prince. C’est pour cette raison que la mort du prince était considérée comme un événement crucial dans la vie de la communauté, un événement qui, en règle générale, laissait une trace dans les différentes sources écrites à l’époque. Quand il s’agit de la mort princière dans l’État médiéval serbe, nous rencontrons le phénomène particulier de canonisation de la lignée princière entière, ce qui place les descriptions des morts des princes dans le patrimoine de la littérature hagiographique. Étant donné que les Serbes sont un peuple « jeune » sur la scène politique européenne, ils ont constitué leur État relativement tard, durant le xie siècle, et cet État a été continuellement gouverné, à partir de la moitié du xiie siècle, par la dynastie des Némanides et ensuite par la dynastie des Lazarević/Branković, qui s’appliquèrent à récupérer l’héritage idéologique de leurs prédécesseurs. Grâce aux modèles de gouvernement instaurés par saint Sava, le premier archevêque de l’église serbe autocéphale (1219), une symphonie des pouvoirs spirituel et séculier s’établit en Serbie, gage de la proclamation de la sainteté des princes de la dynastie des Némanides. L’autorité du lignage saint (beata stirps) assurait une aura sacrée à l’État entier et se trouvait à la base de la croyance en l’élection divine du peuple. Cette circonstance impose un cadre spécifique de recherche, plaçant au centre de notre intérêt la question de la relation entre la mort et la sainteté au Moyen Âge serbe.
2Le culte du saint se manifeste principalement à travers les miracles, et c’est selon la typologie des miracles représentée dans le récit hagiographique que la fonction de la sainteté est déterminée.1 Ainsi, différents souverains du lignage saint, à l’instar de son fondateur, saint Syméon, appartiennent au type de saints myroblites, c’est-à-dire, de saints souverains, fondateurs de l’État et de la dynastie ; le premier archevêque serbe, saint Sava, appartient au type de saint thaumaturge, dont les miracles sauvent la patrie des ennemis ; saint Stefan, qui a fait construire le célèbre monastère de Dečani (1321-1331) et le saint prince Lazar, martyr de la bataille de Kosovo (1389) appartiennent aux saints martyrs, dont la mort en martyre offre la rédemption2. Les textes hagiographiques qui donnent les témoignages les plus complets concernant notre sujet sont tissés de topoi littéraires, mais le choix même de ces lieux communs et la façon dont ils sont intégrés dans le récit d’une Vie indiquent, entre autres, le type de piété, son développement, la sensibilité spécifique envers l’au-delà, et la relation entre les phénomènes des miracles et la sainteté, qui font l’objet de cette étude. Examinons maintenant l’analyse des caractéristiques de la mort et la façon dont elle était perçue au Moyen Âge.
3Le monde du Moyen Âge était familier avec la mort. La mort physique, dans l’esprit de la croyance chrétienne, était vécue comme une entrée dans la vie éternelle, une sorte de nouvelle naissance, et « l’image idéale de la mort » a subi des changements importants tout au long du Moyen Âge, allant d’une position générale du contemptus mundi – le mépris du monde matériel, friable et périssable – à l’image de la Résurrection du Christ qui a triomphé de la mort. En comparant les descriptions de la mort des membres des différentes groupes sociaux, nous voyons que la mort était réglée par un rituel coutumier au Moyen Âge : celui qui allait mourir en avait le pressentiment, et c’est ainsi que la mort se faisait annoncer3. La mort annoncée s’inscrit pleinement dans le cadre chrétien de la narration ; même lorsqu’elle est subite, comme la mort au combat, différents signes avant-coureurs montrent qu’elle fait partie de la providence divine, qu’elle présage une catastrophe, ou bien, dans le cas de la mort violente, qu’elle est l’œuvre du diable. Dans le contexte de l’annonciation, qui est un trait important de la mort, il faut souligner l’apparition des prémonitions de la mort, qui constituent un élément important du récit hagiographique. Du point de vue d’un historien des mentalités, les prémonitions sont un indicateur important de l’expérience de la mort et de la future sainteté du défunt.
4Les descriptions de la mort sont très fréquentes dans les sources serbes médiévales. À la base de la plupart des récits, la mort s’annonce au mourant sous l’aspect d’un saint, le plus souvent de son saint patron, qui l’aidait dans les différentes situations durant sa vie. Ainsi, par exemple, Stefan de Dečani vit apparaître dans son rêve son patron, saint Nicolas de Myra, qui l’aidait dans toutes les heures difficiles de sa vie, et qui avait même opéré un grand miracle pour que Stefan recouvre la vue après avoir été aveuglé par son père, le roi Stefan Milutin (1282-1321), qui y avait été incité par le diable. Il est intéressant que la description de l’annonce de la mort de Stefan de Dečani contienne une caractéristique importante – la mort est perçue comme un événement heureux. Une nuit, saint Nicolas apparut au héros de cette histoire, et « s’approchant, il lui dit : Commence à te préparer pour la mort, Stefan, car tu te présenteras bientôt devant Dieu. Oh, la bonne nouvelle ! Il émergea de son sommeil, ses larmes se mêlèrent à la joie, il se jeta par terre et rendit grâce à Dieu et à l’annonciateur du départ bienheureux4 ». Presque toutes les hagiographies serbes qui décrivent la mort des individus éminents, notent que le défunt savait qu’il allait mourir, et il avertissait même ses sujets à l’avance. Ainsi le roi Stefan Dragutin (1276-1282) envoie des lettres aux évêques, higoumènes et seigneurs, annonçant sa propre mort et les invitant à venir à sa cour pour assister à cet événement : « Sentant sa mort venir, le roi Dragutin convoque le Conseil de la patrie, et à cette occasion prend l’habit de moine5. » Dans cet exemple nous discernons les deux caractéristiques mentionnées de la mort – elle est annoncée et publique.
5Dans le genre hagiographique, la mort se fait annoncer par des signes célestes, surtout lorsqu’il s’agit de la mort d’un homme important pour la communauté. C’est ainsi qu’à Belgrade, le 19 juillet 1427, au moment où le souverain de l’époque, le despote Stefan, tombait de son cheval, « on entendit soudainement un tonnerre terrible, plus tonitruant que jamais, et à partir de ce moment les ténèbres envahirent toute cette région, on avait l’impression que la nuit régnait et qu’elle s’était un peu éclairée au coucher du soleil. Pourtant, il était midi6. » Il faut souligner que chez les auteurs anciens nous trouvons souvent la croyance que de tels signes dans le ciel et sur la terre annoncent les malheurs et les événements inhabituels qui ébranlent la vie de la société. À sa manière, la communauté elle-même participe à l’expérience de la mort comme un événement important dans sa vie. Dans ces descriptions nous suivrons les différentes formes d’expression des sentiments collectifs, ou plus précisément, nous verrons ce qui était acceptable comme modèle de comportement.
Les images de la mort
6La mort était publique, elle appartenait à l’expérience collective ; qu’il s’agisse de la mort au combat, de la mort violente ou de la mort d’un malade dans son lit, le mourant était toujours entouré. L’homme médiéval était familier de la mort ; cela se voit dans le fonctionnement du pouvoir organisé, qui reflétait l’ordre de la communauté et usait de la peur des lois et des sentences de la justice par le moyen de nombreuses exécutions, entre autres. En même temps, le sentiment de la mort faisait partie d’un vécu profondément personnel ; l’individu portait la mort comme une image de ses peurs, comme un refuge, une promesse du paradis, comme le Jugement dernier ou la grande lumière qui accompagne une prouesse héroïque. La mort au Moyen Âge était considérée comme un passage, un changement d’état, mais non une cessation d’existence7. Elle était omniprésente. D’une certaine manière, les morts continuaient à vivre au sein de leurs communautés, et ils communiquaient toujours avec les vivants, non seulement à travers le souvenir et tout ce qui ressort de la mémoire, mais surtout à travers la vénération des saints comme médiateurs et intercesseurs au Jugement dernier. À travers leurs reliques, grâce à leurs apparitions en rêve, à leurs conseils et leurs messages prémonitoires, jouant le rôle d’assistants dans les batailles, grâce à leurs guérisons miraculeuses ou bien dans le cadre de la célébration liturgique les défunts et les saints participaient aux différents aspects de la vie communautaire8. Selon les mots de l’hagiographe serbe, le moine hagiorite Théodose (fin xiiie – début xive siècle), « comme s’il y avait eu accord, les vivants convenaient avec les morts9 », et c’est de cette concordance essentielle entre les deux mondes que sont imprégnées toutes ces traces du passé grâce auxquelles on voulait laisser un souvenir de soi et de sa durée dans ce monde.
7Nous commencerons notre promenade à travers les images de la mort princière au Moyen Âge serbe par la représentation de la mort dite « la mort apprivoisée ». Comme nous l’avons déjà souligné, elle était essentiellement pressentie et annoncée, donc, publique10. Elle se termine par l’image du paradis, semblable au jardin fleuri où les morts dorment11. Cette image rend possible l’étape principale qui succède à la peur du mystère de la mort, et c’est l’acceptation de la mort12 comme quelque chose d’inéluctable, comme une fatalité, comme une promesse de la vie future. De l’acceptation de la mort comme une forme de sensibilité médiévale témoignent les épitaphes, indicatives de la conception qu’ont eu de la mort les membres de différentes couches sociales, laïcs et prêtres. Les expressions visibles de cette conscience de la fugacité de la vie sont écrites en forme de prières. Dans ces textes les vivants sont appelés à prier pour les morts, conscients que la vie est éphémère et qu’ils mourront aussi un jour, revêtus « de leur corps terrestre et corrompu13 » selon une plainte funéraire consacrée au despote Georges Branković, prince serbe de la première moitié du xve siècle. Les inscriptions sur les tombeaux donnent le témoignage le plus saisissant de l’expérience de la mort dans la vie quotidienne de l’homme ordinaire14. Elles parlent, souvent d’une manière très émouvante, de la curiosité intime de l’homme médiéval devant le mystère de la vie et de la mort, de sa volonté de se présenter devant l’Éternel. Écrites à la première personne, elles offrent l’image de la piété laïque, adressant une prière au juge céleste pour obtenir le salut dans l’autre vie, à venir.
Le motif de la fugacité
8Memento mori, comme une mise en garde dans le monde terrestre et la résultante de la spiritualité médiévale, se trouvait à la base d’une croyance dévote que « se souvenant de la mort, nous embellissons notre vie ». Cet avertissement portait en soi une conscience profondément enracinée de la fugacité de toute chose terrestre, et elle s’est exprimée très clairement dans la sensibilité du Bas Moyen Âge. Le concept de « fugacité » – un élément de l’opinion médiévale concernant le mépris du monde –, s’exprimait, à partir de la fin du xive siècle, par une sorte d’indignation devant la mort, et dans l’Occident médiéval elle revêt des accents typiquement gothiques dans les représentations des transis – des corps en état de décomposition-, sorte d’avertissement devant le secret impénétrable de l’au-delà. Le grand motif de cette époque était celui de la danse macabre, dont le message était que nous sommes tous égaux face à la mort. Durant plusieurs siècles de l’histoire médiévale la figure célèbre qui symbolisait la mort fut celle d’un chevalier, ou, plus précisément, celle du Cavalier de l’Apocalypse. Le mot macabre reflète la vision de la mort du Bas Moyen Âge, et cette vision est fondamentalement différente en Occident par rapport à la sensibilité de l’Orient byzantin15. Les scènes de la passion du Christ, comme une image première de la mort en tant que telle, sont sublimées dans la sphère culturelle byzantine ; elles évitent le réalisme, étant plutôt concentrées sur les aspects spirituels du drame.
9Les concepts de la fugacité et de l’inanité des valeurs terrestres sont connus dans le milieu serbe, et nous trouvons des témoignages fiables sur la réceptivité de ce milieu aux nouvelles conceptions dans les inscriptions funéraires conservées, relativement nombreuses. En règle générale, elles expriment la pensée sur l’éphémère, à travers l’image de la confrontation entre les vivants et les morts, les morts étant l’image future des vivants. Sur les stèles funéraires nous reconnaissons les citations tirées des stichères, gravées pour servir de rappel et d’avertissement aux vivants. Nous trouvons des pensées similaires, depuis l’époque de saint Sava, au début du Typikon de Karyès16, aussi bien que dans la Vie de Syméon Nemanja, dans les descriptions de sa prise d’habit : « Notre voie est courte, notre vie n’est que fumée, vapeur, terre et poussière ; elle apparaît brièvement et bientôt disparaît17 ». Sur une stèle funéraire dans le monastère de Gradac, bâti par la reine serbe Hélène d’Anjou, se trouve une inscription qui transmet un message identique, en y ajoutant le topos littéraire de la fugacité, à travers la confrontation des vivants avec les morts, ces derniers étant l’image future des précédents : « j’étais ce que vous êtes, vous serez ce que je suis18 ».
10Dans l’art orthodoxe nous ne rencontrons presque jamais les représentations du macabre, ni les corps en état de décomposition, typiques de l’Occident au Bas Moyen Âge. Les images de la mort sont en général des représentations de la « mort apprivoisée » des dignitaires de l’État ou de l’Église, où le défunt est représenté reposant sur un catafalque, dans ses habits solennels, entouré de sa famille ou de ses confrères. La vie future est représentée par la scène du repos sur les genoux d’Abraham et du rafraîchissement par l’eau claire et froide du paradis, et l’accent religieux est mis sur les scènes de la Résurrection. Dans les Vies, la mort porte l’épithète de « sereine », elle est comme un « doux rêve » qui annonce la salvation future19. La nouvelle sur la mort est « joyeuse20 », car la mort, avant tout, signifie pour les justes le début de la vie éternelle en Christ, et l’image de l’heure de la mort, comme l’image de l’échelle dans la même composition, revêt un sens eschatologique. De même, à la Chandeleur (la Sainte Rencontre), l’homme rencontre Dieu après sa mort, ce qui signifie que la mort mène l’âme du défunt à l’état premier où elle attend l’heure de la Résurrection universelle21.
Le départ du prince
11De toutes les manifestations de l’omniprésence de la mort, c’est l’image de la mort du souverain qui a laissé le plus de traces dans les sources. Quand il s’agit de la publicité et de l’éclat de la majestas du souverain, de toutes les cérémonies et de tous les rituels qui déterminaient essentiellement son pouvoir royal ou impérial, c’étaient les aspects rituels de ses funérailles qui servaient, dans la plupart des cas, à affirmer et à accentuer sa grandeur22. De même, les obsèques du souverain, surtout à Byzance, avaient pour but d’instaurer l’autorité et la fonction impériale de son héritier. C’est pourquoi les funérailles étaient plus majestueuses que les acclamations et les couronnements, et les discours prononcés pendant ces spectacles étaient plus grandioses23. La mort de l’empereur confirme que celui qui brièvement incarnait la fonction impériale est mortel, mais cela n’empêchait pas que l’enterrement fût conçu avec une pompe et un éclat qui glorifiaient la basileia absolue. Ainsi « la dichotomie entre une fonction qui est, selon sa nature, éternelle et durable, et une fonction temporaire, est soulignée par les cérémonies funéraires ; ces cérémonies étaient l’indicateur de la constance de l’idée du pouvoir impérial, et dans ce sens elles jouaient un rôle politique évident24 ». Puisque le souverain apparaît comme le représentant du Christ sur terre et le garant du salut de ses sujets, sa mort est un moment de grand deuil, et la succession au trône signifie souvent le début de grands troubles et de la peur et annonce les malheurs de la guerre civile. Tout cela arrive, selon les mots de Théodose, à cause de la « gloire amère du royaume25 ». Comme pendant à la symbolique divine, où les réalités de la nature et de l’histoire servent d’images et de préfigurations, nous trouvons le respect des souverains exprimé en métaphores religieuses26. Les grands événements dans la vie privée de tout un chacun aussi bien que dans la sphère collective, comme la naissance, le baptême, le mariage et la mort, se trouvaient, par le saint sacrement, dans le rayonnement du mystère divin. Nous avons déjà vu que la mort princière, qui était un moment extrêmement important dans la vie de la communauté, était toujours annoncée – soit par le moribond lui-même, soit par la nature dans les signes avant-coureurs de la catastrophe. Quoi qu’il en soit, il s’agissait d’un événement d’une importance politique primordiale, où le Conseil de la patrie se réunissait, comme nous l’avons vu dans la description de la mort du roi Stefan Dragutin. Ceux qui venaient pour assister à la mort du souverain étaient « consumés de deuil, les larmes amères aux yeux », tremblant de cette peur médiévale qu’apportent la mort du souverain et la succession au trône. Sentant que des temps incertains approchaient après la mort du roi Stefan Dragutin, « on entendit les cris et les gémissements partout dans le royaume, et les hurlements retentirent… Pourquoi te sépares-tu de nous, ô, toi qui étais notre berger et éducateur ? Qui défendra notre sol natal à ta place27 ? » Ces propos témoignent d’une fonction importante du souverain – il devait être l’éducateur de son peuple, le bon berger et le défenseur. De nombreux écrivains évoquent le sentiment provoqué par la mort du prince comme une affliction proche, dans la sensibilité médiévale, du deuil d’un père. Ainsi un hagiographe de la première moitié du xve siècle, Constantin le Philosophe, décrit la tristesse des sujets du despote Stefan (1395-1427) après sa mort, et cette description nous montre la façon habituelle d’exprimer son deuil à la suite de la mort d’un souverain-père :
Les gens se griffaient le visage et s’arrachaient les cheveux, et ils revêtirent les habits noirs. Ils rasèrent les crinières des chevaux... Et les chevaliers… criaient, affolés : « Nous voilà maintenant pauvres et étrangers ». Les moines arrachaient et jetaient par terre les poils de leurs barbes. Le désarroi régnait… Ils rugissaient comme des lions tous ensemble du fond de leurs cœurs, et en vérité les nouveaux Israélites firent une grande lamentation pour le nouvel Israël28.
12L’auteur de la plainte funèbre pour le despote Georges Branković invite tout le monde, selon les coutumes, à déplorer la mort du souverain, et il pose la question rhétorique suivante :
Maintenant que tu es mort, comment allons-nous vivre ? Comment subirons-nous la nuit obscure ? Comment pourrons-nous regarder vers le ciel, que le fardeau amer et lourd des temps passés nous montre dans les étoiles embrouillées ? Ô étoile amère qui nous annonças cela ! Quelle épée avais-tu présagé qui récolterait notre vie ?
13Ensuite il dit :
Que chacun d’entre vous pleure, que chacun d’entre vous s’écrie : Je suis perdu !… Oh, le grand néant ! Toi, saint Seigneur, tu étais notre représentant ! et dans ces derniers mots se cache l’explication de ce grand deuil pour le souverain défunt au Moyen Âge29. Dans la Serbie médiévale à l’époque des Némanides, le modèle idéal du règne, suivant l’exemple de Stefan Nemanja, s’accomplissait par la prise d’habit et la proclamation posthume de la sainteté, c’est pourquoi nos écrivains anciens accordent une attention particulière aux descriptions de la mort de Syméon, qui contiennent toutes les caractéristiques d’une mort monacale.
La prise d’habit et la mort
14Probablement la plus belle image de la mort d’un ancien souverain devenu moine, dans la littérature médiévale serbe, vient de la plume de Stefan, fils de Nemanja, le futur roi Proto-Couronné30. Très poétique, remplie d’émotions personnelles, et pourtant soumise aux règles et à la fonction du genre hagiographique, cette image de la mort représente un passage classique : elle inclut toutes les étapes de la formation du modèle : souverain, moine, saint31. L’image du moine qui aspire à la béatitude de la vie éternelle et abandonne ce qui est « périssable et de ce monde32 », c’est-à-dire le pouvoir et la gloire, et qui les remplace par une vie où « ayant dirigé ses pensées vers le ciel, il se tenait debout sur terre, mais son esprit et son âme séjournaient au ciel ». Stefan emprunte la description de la mort comme volonté divine aux psaumes (82 et 104) :
Ses jugements s’exercent sur toute la terre, Il créa les corps humains et Il connaît les secrets humains, dans sa main se trouve toute création et, par sa miséricorde, Il connaît la fin de tout un chacun.
15L’image du paradis comme la fin idéale de la vie terrestre des justes témoigne d’une croyance profonde de l’homme médiéval en un sens final de la vie et de la mort, en une relation active entre les deux plans d’existence33. En préparant la mort de Syméon, le Très-Haut « prépara une échelle » – métaphore des vertus grâce auxquelles l’on accède au ciel. La mort ressemble à une ascension de cette échelle céleste : « le Saint, posant son pied humblement sur cette échelle, accourait vers celui qui l’appelait34 ». Sur le plan terrestre, Syméon tombe malade, et il sait que l’heure de sa mort approche. Dans ce sens, cette mort est annoncée, c’est-à-dire, pressentie. Elle est aussi publique, ce qui correspond parfaitement à l’idée de la mort au Moyen Âge. Nemanja dit à son fils Sava de convoquer tous les moines hagiorites, pour qu’ils soient présents à l’heure de son départ. Dans cette image hagiographique, le moribond voit les serviteurs de Dieu et les armées nombreuses qui s’approchent, il entend leurs voix et leurs chants35. La suite de cette description correspond pleinement à l’image de la mort monacale : en présence de sa confrérie, devant l’icône de la Vierge, sur des nattes en jonc tressé, accompagnée de pleurs, de sanglots et de gémissements de toute cette assemblée, ce qui faisait partie du rituel. Cette manière d’exprimer les émotions, nous l’avons déjà dit, révèle une émotivité forte, presque excessive, que les hommes médiévaux exprimaient en d’autres occasions aussi ; nous la rencontrons dans les descriptions de la rage et de la fureur de la bataille, dans la joie jusqu’à l’oubli de soi-même et dans le même temps s’arrachant les cheveux, se griffant le corps et pleurant obligatoirement. Confronté à la tristesse des moines qui l’entouraient et de son fils préféré, Syméon prononce les mots dignes de son rôle de protagoniste, futur habitant des jardins d’Éden, qui attend l’heure douce de la mort : « Pourquoi êtes-vous affligés ? Commencez les chants funèbres ! ». Il chantait avec eux et en chantant « il rendit son esprit dans les mains du Seigneur. Et son visage était souriant, ineffable. Tout le monde le regardait avec admiration36. » À part la description de la mort de saint Syméon, devenue une sorte d’archétype idéal de la mort monacale, il faut prêter attention aux représentations très suggestives d’une conception radicalement ascétique, dans la Vie du roi Stefan Dragutin – moine Théoktiste37. L’hagiographe présente l’histoire des exploits ascétiques du roi en les accordant aux messages des Pères de l’Église, et il applique littéralement le principe de memento mori, connu dans la pratique anachorétique. Le prince-moine, qui se prépare pour sa mort, anticipe joyeusement sa vie future, en accord avec une conception sublime de l’ascèse comme expression de la joie et de l’amour envers Dieu.
16Revenons à la description de la vie, de la mort et de l’ascèse de saint Syméon. En plus d’être mort en moine et ensuite sanctifié, Nemanja était un souverain idéal dans sa vie terrestre princière. Il était connu pour sa droiture morale, la protection et l’édification des églises et des monastères, la vertu orthodoxe, mais il était aussi le guerrier idéal, et tous les biographes mentionnent ses succès sur le champ de bataille. De même, tous ses héritiers au trône serbe furent considérés comme de grands guerriers, même s’ils ne l’étaient pas tous, parce qu’un souverain médiéval était censé être un grand chef militaire. Héritée de l’Antiquité, cette image du prince-guerrier idéal culmine dans la victoire sur le champ de bataille, au moment où le souverain tue le chef ennemi de sa propre main. La sensibilité médiévale a ajouté à cette image une autre, celle de la mort triomphale, c’est-à-dire, la mort au combat.
La mort du prince au combat
17Pour expliquer le phénomène de la célébration de la mort du guerrier dans la société médiévale serbe, nous devons tout d’abord mentionner les modèles occidentaux, puisque l’idéal de la célébration de la vertu guerrière du prince chez les Serbes venait, en partie, des modèles chevaleresques de la culture occidentale et, en partie, de la tradition vétérotestamentaire. La société guerrière du Haut Moyen Âge appréciait la prouesse héroïque et la forme épique, et elle exprimait son admiration pour la force physique, la mort couronnant un exploit héroïque, où dominent le courage personnel et la loyauté au chef, à travers un code d’honneur aristocratique. Ce modèle, guerrier à la base, devint avec le temps empreint d’une couleur émotive d’inspiration chrétienne. Née dans un milieu de clercs lettrés et inspirée par l’image de la mort d’un héros différent – dans ce cas le saint chrétien – cette mort, venant de la culture cléricale, avait imposé son cadre mental à la culture des chevaliers et des guerriers38. C’est ainsi que le paradigme de la mort du guerrier, incarné dans la description épique de la mort de Roland, s’est transformé en l’image de la mort chrétienne d’un saint. Il suffit d’une connaissance rudimentaire du Moyen Âge serbe pour reconnaître ici l’image complexe de la mort du prince Lazare à la Bataille de Kosovo (1389), l’histoire hagiographique de la mort en martyre du futur saint et de son choix de l’empire céleste, histoire entrelacée sur plusieurs plans avec l’image épique du guerrier, du chevalier, selon un code féodal de l’honneur dont les éléments clés sont la foi, la fidélité et la gloire. Les lieux communs d’un contexte féodal s’entremêlent avec les images symboliques de la vie du Christ. Mentionnons la Cène, le motif de la trahison, l’autosacrifice du plus grand héros comme preuve de fidélité féodale, et finalement, la mort au combat des chefs des deux armées. L’image de la mort de Lazare, c’est-à-dire sa transposition hagiographique en image de la mort en martyre, nous ramène à une époque précédente, où nous pouvons suivre les deux fonctions du prince dans la société serbe, c’est-à-dire sa fonction guerrière et sa fonction cléricale.
18Il s’agit de deux cas particuliers qui témoignent de la complexité de ce phénomène. Le premier concerne le phénomène de double règne, créé déjà à l’époque des fils de Nemanja, Stefan et Sava, quand l’État, à l’aide des prières du fondateur de la dynastie, saint Syméon, sous le règne partagé de ses deux fils, dans un rapport symphonique du pouvoir spirituel et profane, approchait de son apogée. Une telle harmonie, sanctifiée par les cultes des saints dynastiques, devient le modèle idéal pour les générations futures. L’invincibilité de la patrie est garantie par la participation directe du saint patron – d’abord de saint Syméon, associé à saint Sava ensuite, qui par leurs prières, leurs interventions à travers les miracles, et leurs actions concrètes, sauvent la patrie des ennemis. Une protection similaire nous est connue par un récit hagiographique et l’icône peinte par le moine Longin. Il s’agit d’une tradition connue de la bataille de Velbužd, le moment du plus grand triomphe du jeune roi Stefan Dušan. La tradition ultérieure, qui provient du cercle monacal de Dečani, tend à attribuer cette victoire aux efforts communs de deux souverains : une partie de mérites revient, ainsi, au saint roi Stefan de Dečani, qui, à l’instar de Moïse, prie pour la victoire, et l’autre revient à Stefan Dušan, qui dirige la puissante cavalerie d’élite et, au moment du triomphe guerrier, décapite le souverain ennemi39. Dans sa préface au Code, l’empereur Stefan Dušan souligne avec fierté cette victoire qu’il a remportée et mentionne une caractéristique importante de la mort au combat. Il dit qu’il n’a pas seulement décapité, de sa propre épée, l’empereur bulgare Michel, mais aussi que « son tombeau (celui de Michel) se trouve toujours dans mon pays40 ». Le lecteur instruit se souviendra de la scène classique du champ de bataille autour de Troie, qui traduisait un sentiment général que la victoire n’est complète qu’au moment où la terre des vainqueurs est semée des cadavres des adversaires. C’étaient des exploits de ce genre qui apportaient le plus grand triomphe aux chefs militaires romains. La mort accompagnée de l’humiliation et de l’horreur n’est pas seulement liée à la défaite au combat. Elle est, en partie, le prototype de la mort en martyre, qui représente un fondement important du récit hagiographique.
La mort en martyr
19Parmi les images de la mort en martyre dans les sources serbes anciennes, l’une des plus poignantes est celle de la mort du roi Stefan de Dečani, venant de la plume de Grégoire Camblak. Le but de l’higoumène de Dečani était de composer une Vie comme une sorte de célébration préparatoire du futur saint. Pour cela, la description de Stefan comme futur saint martyr n’est pas étonnante. Dans le prologue, notre écrivain dit « je décrirai la fin en martyre de sa vie, et comment il s’est élevé à l’assemblée des martyrs41». La description de la mort en martyre comprend un antihéros de l’histoire. Dans le cas de Stefan de Dečani, c’était son fils Dušan. Camblak n’épargne pas Dušan, disant pour lui que « maintes fois blessé par le désir de l’empire, il cachait un serpent (le mal) en lui, de peur de ne jamais assouvir son désir. Ensuite, ne pouvant plus supporter la flamme de l’ambition, ayant derrière lui de fortes armées et de nombreux puissants seigneurs… il se souleva pour conquérir l’empire42 ». Son père lui conseillait d’être un peu patient, mais en vain – « l’âme qui s’est précipitée vers le mal » ne pouvait pas écouter de bons conseils. Après quelques jours, le fils condamna son père à une mort terrible par strangulation. Ce qui est le plus intéressant pour nous dans ce récit épouvantable est une remarque de Camblak : « Comment serait-il (Stefan de Dečani) un martyr parfait, si non de cette manière-ci ? Car, le martyre est unique, tandis que les façons de mourir sont maintes43 ». La mort de Stefan appartient à la catégorie de la mort en martyre grâce à la proclamation de sa sainteté, rapidement après sa mort. Par ses autres caractéristiques, cette mort appartient à la catégorie de la mort violente. Un meilleur exemple de mort violente nous vient aussi de Camblak, d’un épisode célèbre qui raconte la mort de Junac.
La mort violente
20Cet épisode44 de la Vie écrite par Camblak raconte la manière spéciale dont Stefan, en tant que saint, protégeait le monastère de Dečani, qu’il avait érigé, et par conséquent, nous voyons la vengeance terrible du saint, qui par ses miracles punit l’acte de violence qu’un certain homme, nommé Junac avait commis contre le monastère de Dečani. Junac est décrit comme un « mécréant », donc, semblable à un animal. L’higoumène du monastère avait ouvert la châsse où gisait le roi martyr, et il priait devant ses reliques pour qu’il le délivre du mal que Junac faisait au monastère. Durant la prière de l’higoumène, Junac faisait un rêve dans lequel il se trouvait au monastère, et vers lui avançait « un homme terrible vêtu de vêtements impériaux » sortant de la châsse de Stefan. Cet esprit l’avait frappé avec un chandelier qui s’était cassé sous la force du coup, après quoi suivirent la vengeance et l’anathème, encore pires que le coup. Réveillé brusquement, Junac hurla comme une bête, épouvanté et souffrant comme si les coups avaient été réels. En proie à une forte fièvre, victime d’une crise de nerfs et de la manifestation évidente de la malédiction, Junac a passé sept semaines dans le monastère, pendant que son corps pourrissait d’une manière atroce. Camblak décrit la puanteur immonde qui se dégageait de ses plaies, la perte des dents et de la langue et la décomposition du corps qui correspond aux représentations du corps d’un transi. La dernière scène d’horreur était celle du corps putréfié qui gisait sur le sol alors que l’âme y était toujours retenue de force, pour donner un exemple aux autres. Il faut dire que l’épisode de la mort de Junac est unique, par le réalisme de la description et par l’accent mis sur les éléments naturalistes liés à la mort (la décomposition du corps, la puanteur des plaies etc.), et qu’elle est dans ce sens solitaire dans le corpus hagiographique serbe ; de ce fait, elle ne pourrait pas nous fournir les arguments pour affirmer qu’il s’est produit un changement de sensibilité eschatologique dans l’automne du Moyen Âge serbe.
21Les images décrites qui caractérisent la mort du prince au Moyen Âge serbe sont étroitement liées à l’expérience du sacré.
L’expérience de la sainteté
22La mort et les miracles appartenaient au domaine sacré. La mort des saints et des « défunts privilégiés », l’arrivée de leurs reliques dans un milieu nouveau et la déposition dans une autre tombe, représentent un moment fondamental dans la vie d’une communauté. La communauté était consciente que la présence des reliques du saint les protégeait de l’ennemi, et cette conscience était un aspect important de l’identification collective. L’attention qu’accordaient Stefan le Proto-Couronné et son frère Vukan à la translation des reliques de saint Syméon de Chilandar dans une tombe à Studenica, donc leur retour au pays natal, révèle l’importance de la présence du saint dans le monde médiéval. La translation des reliques de Syméon dans sa patrie a laissé des traces dans les Vies et dans les fresques du narthex de Studenica.
23Les récits de la translation des reliques oscillent entre le texte hagiographique comme genre littéraire et l’historiographie au sens large (chroniques et annales)45. Selon la définition de Martin Heinzelmann, les récits des translations ont leurs origines dans les formes littéraires classiques, comme les éloges funèbres, les panégyriques lus pendant les adventus des empereurs et les lettres de l’époque paléochrétienne consacrées à la découverte des reliques des pionniers de la foi du Christ46. Nous les trouvons dans les compositions paléochrétiennes, faisant partie des vitae ou des passiones, où ils figurent souvent comme une sorte de transition entre le récit des miracles du saint durant sa vie et celui des miracles qui se sont produits après la mort du héros. Quand la translation des reliques devint de plus en plus importante pour la vie de la communauté et qu’elle fut de plus en plus étroitement liée à la sacralisation de l’église, où les reliques gisaient et où l’on respectait leur culte, et aux autres formes de la célébration liturgique, les récits des translations devinrent un sous-genre littéraire du récit hagiographique. À la différence des récits des vies des saints et de leurs passions, qui se concentrent avant tout sur les exemples (exempla) des vertus chrétiennes, les récits des translations des reliques sont à rapprocher des témoignages (testimonia) sur les actions miraculeuses des reliques du saint47. Tout comme les autres formes hagiographiques, les récits de la translation des reliques se modifient, autant sur le fond que sur la forme, durant les siècles de l’histoire médiévale. Indépendamment de ce fait, la translatio comme genre littéraire témoigne d’un événement historique particulier, crucial dans la vie d’une église ou d’un monastère recevant des reliques, et pour cette raison elle offre un regard précieux de l’intérieur sur une expérience collective de ce que nous pouvons, à cette occasion, appeler l’expérience de la sainteté. Bien sûr, elle démontre aussi la fonction de cet événement dans le cadre de ladite communauté. Il va sans dire que, à l’instar du rôle des reliques dans la société médiévale, l’expérience de la sainteté se modifiait elle aussi, et que ces changements ne suivaient pas une ligne uniforme et chronologique.
24Quand il s’agit de l’expérience collective, on reconnaît depuis longtemps les similitudes entre l’entrée solennelle du prince dans une ville (adventus regis) et l’arrivée solennelle des reliques dans un milieu où la seconde tombe du saint est préparée (translatio reliquiarum). L’adventus, aussi bien que la translation, suscite une exaltation émotive forte chez les observateurs et les participants. Les descriptions de ces cérémonies montrent que l’événement provoquait l’extase et les pleurs, et « les larmes étaient belles et édifiantes ». Huizinga ajoute son commentaire à cette affirmation : « Aujourd’hui encore, un spectateur indifférent au souverain qui fait son entrée solennelle en ville, peut ressentir cette exaltation forte, ces frissons et ces larmes. Au Moyen Âge, une telle exaltation immédiate était remplie d’une vénération semi-religieuse de la pompe et de la grandeur, qui se frayait le chemin par moyen des larmes sincères48 ». Dans la littérature secondaire sur la question, on compare, à juste titre, cette entrée solennelle du souverain en ville, qui faisait partie des spectacles éphémères de la communauté médiévale, aux nombreuses descriptions de l’arrivée des reliques saintes dans un nouveau milieu. L’accueil des reliques, le plus souvent des ossements d’un saint, était un moment solennel dans la vie de la communauté, avant tout parce que les saintes reliques étaient garantes de la protection, souvent même de la survie de la communauté, et de l’intervention divine à laquelle aspirait chaque individu et la communauté tout entière. Cette communauté peut être définie selon le principe territorial ou national, comme c’était le cas de l’État serbe des Némanides.
25Sava donne une description de la translation de Nemanja :
Et, après avoir pris avec moi ses saintes reliques, j’entrepris mon voyage… et je suis passé, on pourrait dire, à travers les flammes et les eaux, et j’en suis sorti vivant et sans blessure. Je suis arrivé avec les saintes reliques au Hvosno, et quand son fils, le souverain Stefan Nemanja et son frère, le prince Vukan apprirent la nouvelle, ils vinrent, avec de grands honneurs, ils prirent les précieux restes du vénérable Syméon, et ils chantèrent des psaumes pour remercier Dieu. Car, comme le bienheureux Joseph, ayant ramené le corps de son père Jacob d’Égypte en terre promise, ainsi ces fils dévots de Syméon accueillirent leur père, ils s’en réjouissaient et portèrent eux-mêmes son saint corps. Et ils le déposèrent en grande pompe dans cette sainte église, dans la tombe que le saint avait faite pour lui-même49.
Une fois déposées dans la nouvelle communauté, les reliques du saint continuaient à opérer des miracles.
Les miracles
26La notion du merveilleux exprimait bien ce sentiment de plénitude que l’homme éprouvait au contact de Dieu. Dans ce sens, le miracle présente une forme symbolique de la révélation et une alliance nouvelle de l’homme avec Dieu, grâce au Christ.50 Dans les sources principales, c’est-à-dire dans les vies et les offices, les récits des miracles étaient composés pour le culte où les miracles du saint avaient une place importante comme des indicateurs visibles de la réalisation de la sainteté. En même temps, les héros des hagiographies, en règle générale, s’efforçaient d’atteindre, voire de dépasser leurs saints modèles51. Décrivant les miracles de Sava, Théodose dit :
et tous ceux qui avaient entendu parler des miracles qui s’étaient produit jadis croyaient en ces miracles nouveaux qui se produisaient maintenant. Car celui-ci n’était pas inférieur aux anciens et aux saints, il a même surpassé certains d’entre eux par ses nombreux bienfaits52.
27Le modèle central et la source des pouvoirs miraculeux des saints étaient le Christ en personne, et les miracles concrets des saints signifiaient que sa mission salvatrice se perpétuait dans le temps historique. Selon les mots de Théodose, « les saints opèrent tous ces miracles pour notre salut53… » De plus, les catalogues des miracles sont marqués d’une typologie dite « biblique », où sont mentionnés différents héros de l’Ancien et du Nouveau Testament comme des modèles de sainteté à part le Christ.
28En parlant des saints patrons de l’État et de la dynastie serbe, Syméon et Sava, Théodose dit que « les miracles et les pouvoirs des saints n’étaient pas ordinaires ». Les prières communes des saints pères apportaient « l’eucharistie de la foi » partout dans les vastes terres serbes54. De cette manière on fixait clairement un cadre du merveilleux, défini selon le principe territorial et national, et il correspondait à un type particulier de sainteté, présente chez les autres peuples médiévaux55. Comme attendu, la partie du texte consacrée aux prières des deux saints est citée à côté du texte vétérotestamentaire où l’on loue le Seigneur Dieu d’Israël « car il visita et sauva son peuple et leva la coupe de notre salut ». En tant qu’un rappel au lecteur, la coupe du salut s’inscrit pleinement dans le contexte de l’histoire de Théodose, où les reliques de Syméon que Sava ramène dans la patrie, avec les prières des deux saints bienheureux, apportent la paix entre les frères brouillés et mettent fin aux calamités de la guerre civile56. Nos écrivains anciens, selon un schéma bien connu dans la littérature de l’époque, recourent au motif de David chaque fois que le contexte contemporain le demande, surtout dans les temps des troubles et des guerres intérieures. Dans la société serbe médiévale, les miracles les plus importants sont ceux des saints patrons de la patrie, Syméon et Sava. Pour raconter leurs miracles, les hagiographes lettrés utilisaient des postulats importants de la théologie médiévale des miracles, soulignant leur sens sotériologique, c’est-à-dire leur rôle sur le plan de la rédemption. Dans la tradition serbe ultérieure on a continué à célébrer le culte des saints locaux.
29Ainsi un programme complexe théologico-politique de la Métropole de Sremski Karlovci, héritière des traditions du programme national, fut formé en même temps que le panthéon baroque des saints nationaux (Serbia Sancta), au centre duquel se trouvait le culte partagé de Syméon et de Sava57. Une réflexion sur la perception du merveilleux comprend forcément une définition du surnaturel, comme une caractéristique importante du miracle chrétien. Le saint obtient une force surnaturelle grâce à son amour envers Dieu. Cet amour est la source d’une forme particulière d’énergie, appelée « le feu divin », dont témoignent les écrivains anciens quand ils décrivent les miracles de saint Sava. Ils définissent sa sainteté comme « surnaturelle », comme en témoigne l’Office de la translation des reliques de saint Sava. La théologie byzantine et serbe du Moyen Âge est profondément marquée par cette catégorie du surnaturel, qui engendre une pensée théologique inhabituelle et paradoxale. Elle voit le miracle comme un paradoxe, quelque chose d’inattendu et d’incroyable, un événement qui dépasse le cours naturel des choses.58 Ainsi, pour décrire les miracles, on utilise les épithètes « merveilleux » ou « terrible », comme on utilise des expressions similaires pour décrire les réactions des témoins qui étaient présents durant ces miracles. Les miracles se produisent, à la base, sur un plan historique, grâce à la « foi merveilleuse » du saint. Pourtant, peut-être que, dans le contexte de l’étude des influences des miracles sur la vie de l’homme médiéval, il faudrait souligner d’abord le fait que la croyance aux miracles servait de motivation et de soulagement dans la vie quotidienne. Les miracles étaient des indicateurs visibles d’une protection particulière des saints et de l’aide personnelle aux individus en péril, et ce trait n’a pas changé jusqu’à nos jours.
30Avec les exemples donnés, nous avons essayé d’illustrer les spécificités du phénomène de la mort du prince dans le contexte du développement de l’État serbe médiéval. Ces particularités, comme nous l’avons vu, sont le résultat d’un postulat idéologique fondamental sur la beata stirps, qui a posé les bases de la croyance selon laquelle le peuple et la dynastie sont élus59. Cette idée, dans les siècles à venir, surtout à l’époque de la création de l’État serbe indépendant, trace le chemin du mythe de « l’âge d’or60 ». Le mythe des origines, dont l’historicité repose sur la célébration d’une histoire commune, est un vecteur important de la lente construction de la conscience nationale. Dans ce processus, les célébrations du peuple élu (le motif de « l’empire céleste ») et le rappel de l’âge d’or (sous les Némanides) furent particulièrement valorisés.
Notes de bas de page
1 Marc Van Uytfanghe, « L’origine, l’essor et les fonctions du culte des saints. Quelques repères pour un débat rouvert », Cassiodorus n° 2, 1996, p. 143-196.
2 Sur les catégories de la sainteté v. Robert Folz, Les saints rois du Moyen Âge en Occident, vie-xiiie s., Subsidia Hagiographica n° 76, Société des bollandistes, Bruxelles 1984, p. 149 – 153. Comparer avec Gábor Klaniczay : « From sacral kingship to self-reprezentation. Hungarian and European Royal Saints in the 11th-13th centuries », in Elisabeth Vestergaard (ed.), Continuity and change in the Middel Ages. Political institutions and literary Monuments, Odense, University Press of Southern Denmark, 1986 ; repr. dans Gabor Klaniczay, The Uses of Supernatural Power, Princeton, Princeton University Press, 1990, p. 61-86. Pour le culte des saints dans la Serbie médiévale voir Smilja Marjanović-Dušanić, Sveti kralj [The Holy King], Belgrade, Clio, 2007.
3 Philippe Ariès, L’homme devant la mort, vol. I, Paris, Seuil, 1977, p. 14-18.
4 Život kralja Stefana Dečanskog od Grigorija Camblaka [La Vie du roi Stefan de Dečani écrite par Grégoire Camblak], Stara srpska književnost vol. III, Novi Sad – Belgrade, Matica srpska, 1970, p. 154 (ci-après : Grégoire Camblak).
5 Životi kraljeva i arhiepiskopa srpskih od arhiepiskopa Danila II [Les Vies des rois et archevêques serbes écrits par l’archevêque Daniel], Srpska književna zadruga, Belgrade 1935, p. 39 (ci-après : Daniel).
6 Život despota Stefana Lazarevića od Konstantina Filozofa [La Vie de despote Stefan Lazarević écrite par Constantin le Philosophe], Stara srpska književnost vol. III, op. cit., p. 250 (ci-après : Constantin le Philosophe).
7 Patrick J. Geary, Living with the Dead in the Middle Ages, Exchange and Interaction between the Living and the Dead in Early Medieval Society, New York, Cornell University Press, 1994, p. 77-92.
8 Peter Brown, The Cult of the Saints : Its Rise and Function in Latin Christianity, Chicago, University of Chicago Press, 1981, p. 69 – 85.
9 Sur la communication des vivants avec les morts, cf. Teodosije, Žitija [Théodose, Les Vies], Stara srpska književnost u 24 knjige, vol. V, Belgrade, Prosveta - Srpska književna zadruga, 1988, p. 165 (ci-après : Théodose).
10 Ph. Ariès, op. cit., p. 13 sq.
11 Ibid., 32 – 34 ; Imagining Heaven in the Middle Ages : A Book of Essays, éd. Jan S. Emerson & Hugh Feiss, New York-Londres, Routledge, 2000.
12 Ph. Ariès, op. cit., p. 34 – 35.
13 Nadgrobno slovo despotu Đurđu Brankoviću [La plainte funèbre pour le despote Georges Branković], Stara srpska književnost vol. III, op. cit., p.265.
14 Pour les exemples v. Ljubomir Stojanović, Stari srpski zapisi i natpisi [Les anciennes inscriptions serbes], vol. I, Srpska Kraljevska Akademija, Beograd 1902, 1-4, n° 151 ; Danica Popović, « Prilog poznavanju srednjovekovnih nadgrobnih ploča u manastiru Sopoćani », Novopazarski zbornik n° 7, 1983, p. 38 – 39.
15 Sur la mort à Byzance v. Nicolas Constas, « Death and Dying in Byzantium », dans Derek Krueger ed., Byzantine Christianity. A People’s History of Christianity, vol. III, Minneapolis, Fortress Press, 2006, p. 124- 145 ; Dorothy Abrahamse, « Rituals of Death in the Middle Byzantine Period », Greek Orthodox Theological Review n° 29, 1984, p. 125-134 ; George Dennis, « Death in Byzantium », DOP, n° 55, 2001, p. 1-7.
16 Sveti Sava, Sabrani spisi [Œuvres complètes], Stara srpska književnost u 24 knjige, vol. II, Belgrade, Prosveta - Srpska književna zadruga, 1986, p. 37 (Typikon de Karyès 1199) : « ... car la voie est courte par laquelle nous marchons, mes frères aimés. Notre vie est fumée, vapeur, terre et poussière ; elle apparaît brièvement et vite s’envole » (ci-après : Sava).
17 Sava, p. 100.
18 Éd. Danica Popović, « Gradački nadgrobni natpisi », Saopštenja n° 24, 1992, p. 51 – 62.
19 Ainsi, par exemple, Théodose peint la mort du futur saint Syméon comme un moment où « son visage s’éclaira, et il regardait joyeusement la très sainte icône du Christ et la très sainte icône de Sa Mère... Regardant joyeusement l’icône du Christ, il semblait déposer son âme dans ses mains. Et d’un coup, l’air se remplit de senteurs tellement plaisantes que tous ceux qui étaient présents admiraient une si étrange et indicible plaisance. Ainsi le saint père s’endormit doucement en Dieu... », Théodose, p. 144.
20 Théodose décrit les sentiments mixtes de Sava à cause de la perte de son père, et il mentionne, entre autres, « la joie – car il lui fut donné de le voir terminer son exploit, paré de tous ses bienfaits, et parce que il l’a envoyé en éclaireur comme doux médiateur dans les prières au Christ », Théodose, p. 144.
21 Cf. Branka Ivanić, « Psalam 118. u Minhenskom psaltiru i tema Posebnog suda », Zbornik za likovne umetnosti Matice srpske n° 32-33, 2003, p. 125.
22 Il semble que les aspects rituels avaient le rôle principal dans la conception primitive du royaume en Occident. Pour la conception byzantine du rôle et de l’importance des funérailles impériales, cf. Patricia Karlin-Hayter, « L’adieu à l’empereur », Byzantion n° 61, 1991/1, p. 112- 154 et Élisabeth Malamut dans le présent volume.
23 Patricia Karlin-Hayter, art. cit., p. 112.
24 Mais en même temps, elle correspondait à un stéréotype coriace. La relation entre l’empereur et sa mortalité hantait et effrayait les habitants de l’Empire, tout comme la chute potentielle de Constantinople, la Ville protégée par Dieu et surtout par la Vierge Théotokos. À ce sujet cf. Patricia Karlin-Hayter, art. cit., p. 113 sq.
25 Théodose, p. 231.
26 Johan Huizinga, L’automne du Moyen Âge, précédé d’un entretien avec Jacques Le Goff, Paris, Payot, 2002, p. 210.
27 Daniel, p. 40.
28 Constantin le Philosophe, p. 251.
29 Nadgrobno slovo despotu Đurđu Brankoviću [La plainte funèbre pour le despote Georges Branković], op. cit., p. 265.
30 Stefan Prvovenčani, Sabrani spisi, [Œuvres complètes], Stara srpska književnost u 24 knjige, vol. III, Prosveta - Srpska književna zadruga, Belgrade 1988, p. 86.
31 Sur la formule tripartite (souverain – moine – saint) du pouvoir idéal dans la Serbie médiévale voir Smilja Marjanović-Dušanić, Vladarska ideologija Nemanjića [L’idéologie monarchique des Némanides], Belgrade, Clio - Srpska književna zadruga, 1997, p. 274-286.
32 S. Prvovenčani, op. cit., p. 84.
33 Ibid., p. 85.
34 Ibid.
35 Ibid., p. 85.
36 Ibid., p. 86.
37 Les topoi littéraires de l’ascétisme radical dans cette Vie appartiennent à la tradition monastique syrienne, et nous les rencontrons dans la littérature hagiographique serbe dans la Vie de saint Pierre de Korisha de Théodose. À ce sujet, v. Danica Popović, « Kult kralja Dragutina – monaha Teoktista », Zbornik radova vizantološkog instituta no39, 1999-2000, p. 309-326 ; Smilja Marjanović-Dušanić, Sveti kralj, op. cit., p. 131-139. Ici il faut noter l’ordre du roi sur le destin posthume de son corps, qui interdit la proclamation publique de sa sainteté.
38 Ph. Ariès, op. cit., p. 13.
39 Explication détaillée de l’icône de l’iconographe Longin par Vojislav J. Đurić, Ikona Svetog kralja Stefana Dečanskog, Belgrade, 1985.
40 Zakonik cara Stefana Dušana [Le Code de l’empereur Stefan Dušan], éd. Nikola Radojčić, Belgrade, Académie serbe des sciences et des arts, 1960, p. 144.
41 Grégoire Camblak, p. 154.
42 Ibid., p. 155.
43 Ibid., p. 156.
44 Ibid., p. 164-165.
45 Patrick J. Geary, Furta sacra. Thefts of Relics in the Central Middle Ages, Princeton, Princeton University Press, 1990 (rev. ed.), p. 10.
46 Martin Heinzelmann, « Translationsberichte und andere Quellen des Reliquienkultes », in Typologie des sources du Moyen Âge occidental n° 33, Turnhout 1979, p. 34-101.
47 P. J. Geary, op. cit., p. 11.
48 J. Huizinga, op. cit., p. 1-3, 173-175, 182 ; sur les larmes comme un don divin voir Piroska Nagy, Le don des larmes au Moyen Âge. Un instrument spirituel en quête d’institution (ve-xiie siècle), Paris, Albin Michel, 2000.
49 Sava, p. 116 – 117.
50 Sur la perception des miracles voir Benedicta Ward, Miracles and the Medieval Mind : Theory, Record and Event, 1000 – 1215, (rev. ed.) University of Pennsylvania Press, Philadelphia, 1987 [1982].
51 Natalie Delierneux, « L’exploitation des topoi hagiographiques : du cliché figé à la réalité codée », Byzantion n° 70, 2000, p. 57-90.
52 Théodose, p. 223.
53 Ibid., p. 168.
54 Ibid., p. 172 – 173.
55 G. Klaniczay, op. cit., p. 61-86.
56 Théodose, p. 172-173.
57 Sur le rôle des saints nationaux dans le programme théologico-politique au baroque, cf. Miroslav Timotijević, Srpsko barokno slikarstvo [La peinture baroque serbe], Novi Sad, Matica srpska, 1996, p. 361 – 384. Pour la construction de l’hagiologion national baroque, id., « “Serbia sancta” i “Serbia sacra” u baroknom versko-političkom programu Karlovačke mitropolije », dans Sveti Sava u srpskoj istoriji i tradiciji [Saint Sava dans l’histoire et tradition serbes], Belgrade, Académie serbe des sciences et des arts, 1998, p. 389-397 (avec bibliographie plus ancienne). Cf. Smilja Marjanović-Dušanić, « Se souvenir de Byzance. Les reliques au service de la mémoire en Serbie (xve-xixe s.), dans Olivier Delouis, Anne Couderc et Petre Guran (dir.), Héritage de Byzance en Europe du Sud-est à l’époque moderne et contemporaine, Athènes, École française d’Athènes, 2013, p. 99-116.
58 Sur le phénomène du miracle voir Pierre -André Sigal, L’homme et le miracle dans la France médiévale (xie-xiie siècle), Paris, Les Éditions du Cerf, 2007, p. 10 sq.
59 Аndré Vauchez, « “Beata stirps” : sainteté et lignage en Occident aux xiiie et xive siècles », in Georges Duby et Jacques Le Goff (dir.), Famille et parenté dans l’Occident médiéval, Rome, 1977, p. 397-406.
60 Pour la notion de l’âge d’or et des peuples élus, cf. Anthony Smith, Chosen peoples, Oxford, Oxford University Press, 2003, p. 131-165.
Auteur
Université de Belgrade, faculté de philosophie
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