Les voyages de reliques aux onzième et douzième siècles
p. 73-104
Texte intégral
1On sait que ce n’est que tardivement par rapport à l’Orient chrétien que l’Occident développa la pratique de la fragmentation et du déplacement des reliques1. Après un premier essor des translations à l’époque carolingienne, visant soit à enrichir les trésors des églises et à les doter de nouveaux protecteurs, soit à mettre à l’abri des envahisseurs les corps saints ainsi accumulés2, les siècles qui suivirent virent se multiplier les transports solennels de reliques en toutes sortes de circonstances : non seulement lors de processions lustratives ou liturgiques mais aussi pour symboliser, par la présence même des restes matériels du saint patron, la possession d’un domaine foncier3 pour appuyer une action militaire4, pour donner la caution des saints les plus prestigieux aux conciles de paix5, pour obtenir, grâce aux offrandes déposées par les fidèles, l’argent nécessaire, en période de difficulté à la vie des communautés religieuses6 etc…
2Dans certains de ces déplacements de reliques, il ne s’agit que d’un transport à courte distance et pour un temps également brièvement circonscrit, ne dépassant pas quelques heures. Dans d’autres cas, au contraire, nous avons affaire à de véritables voyages qui peuvent durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois et entraîner les châsses et leurs porteurs loin de leur église de départ. Comment se déroulaient ces expéditions ? Quels étaient les itinéraires et les étapes ? Comment les voyageurs étaient-ils accueillis ? Voici, entre autres, quelques questions auxquelles les documents permettent de donner des éléments de réponse. Ces documents sont, pour l’époque des XI° et XII° siècles, essentiellement des documents hagiographiques car le transport des reliques s’accompagnait généralement de miracles, qui étaient d’ailleurs la condition principale de leur succès et, une fois rentrés chez eux, les religieux, moines ou chanoines, qui avaient organisé le voyage en faisaient souvent rédiger le récit, à la gloire de leur saint protecteur. Les textes les plus détaillés concernent les quêtes avec reliques qui se multiplient à partir du milieu du XI° siècle7. Nous possédons ainsi le compte-rendu du voyage que firent en 1058 les moines de Bergues-Saint-Winoc avec les reliques de sainte Lewine8 et de celui qu’entreprirent en 1060 les religieux du monastère de Lobbes avec les reliques de saint Ursmer et de saint Ermin9. Le premier a été écrit par le célèbre hagiographe Drogon de Bergues, le deuxième par un moine anonyme. On connait également l’histoire du transport des reliques de leur saint patron par les moines de l’abbaye de Saint-Amand en 1066 grâce au moine Gilbert10. Au début du xii° siècle, un moine anonyme du prieuré de Corbeny, dépendant de Saint-Rémi de Reims, composa le récit du voyage accompli en 1102 par les frères du prieuré avec les reliques de saint Marcoul11. Vers le milieu du xii° siècle Hermann de Laon rédigea, d’après le récit des participants, l’histoire des deux voyages réalisés en 1112 et en 1113 par les chanoines de la cathédrale de Laon avec diverses reliques de la cathédrale12. Enfin peu après 1158, un moine anonyme de l’ancienne abbaye de Gigny devenue, à cette époque, prieuré de Cluny, décrivit les principaux faits de la quête qui amena les moines de ce prieuré en 1158 dans la région lyonnaise avec les reliques de saint Taurin13. Ces sept récits constitueront la base de mon étude avec la description du voyage entrepris en 1107 par les moines de Saint Amand pour récupérer des domaines usurpés en Brabant, description faite par le moine Gontier14. D’autres relations, moins détaillées, permettront de préciser certains aspects de ces expéditions.
3La première question qu’on est amené à poser concerne les motifs du départ. Le plus souvent c’était à la suite d’un désastre ayant amené la destruction totale ou partielle des bâtiments ou devant le danger de ruine du patrimoine de la communauté qu’on se décidait à risquer sur les routes les précieux ossements15 ; mais certains voyages de reliques avaient simplement pour but de se procurer un supplément de ressources en vue d’un ouvrage particulier : en 1102, les religieux du monastère de Saint-Thierry-au-Mont-d’Or promenèrent leurs reliques dans la région rémoise pour obtenir l’argent nécessaire à la construction d’un portique devant le portail de l’église16 ; en 1144 ou 1145, la même région vit arriver les moines de Saint-Rémi de Reims quêtant pour la confection d’un nouveau reliquaire en l’honneur de saint Gibrien17. Dans ce cas, s’ajoutait un autre objectif : faire connaître le nom du saint, alors à peu près inconnu à cause de l’oubli dans lequel son culte était tombé. C’est un motif semblable qui animait les frères de l’abbaye de Bergues lorsqu’ils parcoururent la Flandre maritime en portant le corps de sainte Lewine qu’ils venaient de voler en Angleterre et dont ils voulaient faire connaître la vertu thaumaturgique18.
4L’initiative venait donc des communautés religieuses propriétaires des reliques, parfois même du seul gardien de celles-ci19 mais en général une telle décision n’était pas prise à la légère et on consultait éventuellement, comme à Laon en 1112, des "sapientes et religiosi viri". L’accord et la protection du seigneur laïc étaient également recherchés mais plus encore l’autorisation et la bénédiction des évêques20. On constate d’ailleurs que l’accueil des évêques dans les diocèses visités, était en général très bon. On choisissait ensuite avec soin ceux qui allaient escorter les châsses : des religieux mais aussi des laïcs et des prédicateurs. Leur nombre est assez rarement connu. En 1112, les reliques de Notre-Dame de Laon étaient escortées par treize personnes : sept chanoines et six laïcs. En 1113 il n’y avait plus que neuf clercs pour le deuxième voyage 21 ; mais le nombre des accompagnateurs pouvait être beaucoup plus élevé : à une date inconnue du xi° siècle, les reliques de sainte Berlinde quittèrent le prieuré de Meerbeke, dépendant de l’abbaye de Nivelles, en compagnie de vingt-quatre laïcs et de six clercs. La présence de prédicateurs pour mieux célébrer les vertus du saint est attestée à propos d’un voyage entrepris vers 1080-1086 par les moines de Saint Benoît-sur-Loire22.
5Il fallait ensuite choisir l’itinéraire. Il est évident que le motif de départ exerçait une influence sur le trajet envisagé. Lorsqu’il s’agissait d’affirmer un droit de propriété menacé, on acheminait tout naturellement les châsses et leur précieux contenu vers les domaines contestés ou vers la résidence des autorités auxquelles on voulait se plaindre. Ainsi firent les moines de Saint-Amand en 1107 comme le montre la carte n° 2 b, la situation des deux principaux domaines usurpés, ceux d’Herlinkhove et de Melle, commande manifestement le déplacement des porteurs de reliques. Ce circuit est le plus court de ceux étudiés ici : 200 km environ23.
6De même, les moines de Lobbes se dirigèrent d’abord vers Bergues24 où résidaient alors le comte de Flandre Baudoin VI et la comtesse Richeut pour obtenir d’eux la restitution de terres injustement enlevées mais cette démarche ne constituait qu’un des buts du voyage qui se poursuivit par un assez long périple en Flandre maritime, région où se trouvaient la plupart des domaines en question et où le saint, de son vivant, avait exercé son activité missionnaire25. Le retour se fit par Gand et Bruxelles, soit au total, 570 km environ.
7Le désir de faire connaître les mérites d’un saint nouveau ou peu renommé amenait à choisir comme zone de prospection une région relativement proche de l’église de départ pour que les fidèles pûssent ensuite, sans trop de difficulté, venir honorer le saint dans son sanctuaire. Ainsi la châsse que l’on fit circuler pour la fabrication du reliquaire de saint Gibrien parcourut les villages voisins "castella vicina et villas"26. De même les reliques de sainte Lewine ne quittèrent pas la Flandre maritime27. L’itinéraire parcouru présente une forme très allongée, avec une poussée jusqu’à Walcheren mais ne totalise que 280 km environ.
8Au contraire, ceux qui cherchaient avant tout à recueillir les offrandes des populations avaient, en principe, beaucoup plus de latitude dans leur choix. Certes les régions voisines du sanctuaire offraient un terrain favorable puisque le saint y était déjà connu. Ainsi les reliques du prieuré de Gigny furent promenées "per regiones circumpositas"28. Le tracé de ce circuit de 340 km environ est en fait influencé par la nécessité de passer par l’abbaye de Cluny dont dépendait Gigny. Les reliques descendirent ensuite la vallée de la Saône et les Dombes jusqu’à Lyon où elles reprirent la direction de Gigny. D’autres expéditions n’hésitèrent pas à franchir dès le XI° siècle, c’est-à-dire dès le moment où la pratique des quêtes se généralisa, les limites du diocèse et même de la province29. Les critères précis de choix ne sont malheureusement pas toujours connus. Le moine de Saint-Amand, Gilbert, auteur du récit du voyage de 1066, signale que, si celui-ci fut dirigé vers la Gaule, c’est-à-dire vers le Laonnois30, c’était, entre autres raisons, sur la demande des habitants de cette région31. Il est vrai que l’abbaye y avait des possessions importantes dès l’époque carolingienne, notamment le domaine de Barisis dans la région de Coucy32. Le saint y était donc connu. Au cours du voyage qui se déroula sur 360 km environ, les moines vinrent porter les reliques du saint protecteur jusque sous les murs du château de Coucy dont le seigneur persécutait les membres de la familia de Saint-Amand33. Ce voyage se rapproche donc finalement de ceux liés à des revendications de biens.
9Nettement différents apparaissent les deux voyages des chanoines de Laon : d’abord la distance parcourue est beaucoup plus considérable : environ 1 000 km pour le premier et environ 2 000 km pour le deuxième ; d’autre part les régions visitées semblent choisies avant tout en fonction des possibilités d’y faire une quête fructueuse. Hermann de Laon signale en effet que les reliques de Notre-Dame de Laon furent dirigées vers l’Angleterre en 1113 car il y fleurissait alors une grande opulence grâce à la paix et à la justice rétablies par le roi Henri Ier34. Ce choix semble avoir été déterminé aussi par une autre raison : les bons rapports entre le clergé de la cathédrale de Laon et le milieu épiscopal anglais dont plusieurs membres avaient suivi l’enseignement d’Anselme aux écoles de Laon35. Comme le montre la carte, la région parcourue est essentiellement le sud de l’Angleterre de Canterbury à la Cornouaille. Hermann de Laon arrête malheureusement son récit à Bath. Nous ne savons donc rien sur le déroulement de la fin du voyage36. Quant au voyage de 1112, nous ne savons pas exactement pourquoi le Berry et la vallée de la Loire furent choisis37.
10Enfin les religieux de Corbeny porteurs de la châsse de saint Marcoul se dirigèrent d’abord vers le sud-est38, sans doute pour rendre une visite de politesse à l’abbaye-mère de Saint-Rémi puis poussèrent jusqu’à Chalons avant de prendre la direction du nord-ouest vers ce qui était, semble-t-il, le principal objectif de l’expédition, la ville de Péronne, où les reliques avaient déjà été transportées en 1085. Ce voyage est le seul qui présente deux pôles d’attraction situes de part et d’autre du sanctuaire de départ. Tous les autres ne se dirigent que dans une seule direction : une fois atteinte, la région recherchée est parcourue plus ou moins longuement puis les reliques sont ramenées à leur point de départ.
11Après les données spatiales, que savons-nous des données temporelles de ces voyages de reliques ? Quand partait-on et pour combien de temps ? Le circuit le plus précisément délimité est celui des moines de Saint-Amand en 1066 : ils partirent le 7 juin et rentrèrent chez eux le 4 juillet39, soit un voyage de quatre semaines exactement. En 1107, leur départ eut lieu à peu près au même moment de l’année, le 3 juin. Une semaine après, le 10 juin, les reliques se trouvaient à Melle, 6oit approximativement au milieu du trajet. Par la suite l’auteur ne donne plus aucune indication temporelle mais, à titre d’hypothèse et en supposant le même rythme de déplacement qu’au début, on peut estimer 1’ensemble du voyage à une quinzaine de jours. Pour le circuit des moines de Lobbes, en 1060, nous connaissons au contraire la date de retour mais pas celle de départ. Nous savons toutefois que celui-ci eut lieu quelques jours avant l’Ascension qui fut célébrée à Strazeele. Comme l’Ascension tombait cette année-là le 4 mai, on peut placer le départ au début du mois de mai ou à l’extrême fin d’avril. Les reliques étaient de retour à Lobbes le 28 juin, soit deux mois après leur départ. Les deux voyages des chanoines de Laon sont, eux, très bien datés : le premier se déroula du 4 juin au 21 septembre 1112, le deuxième du 28 mars au 6 septembre 1113. Soit un peu plus de trois mois et demi en 1112 et un peu plus de cinq mois en 1113. La quête des moines de Corbeny débuta pour la Pentecôte de 1102, soit le 30 avril. Au moment de la Saint Jean, les voyageurs étaient à Péronne. Ils n’en partirent au plus tôt que quatre jours après, soit le 28. En comptant un minimum de cinq jours pour le retour puisque quatre étapes sont sûres et une cinquième probable, entre l’abbaye d’Homblières et Le Van, nous arrivons au 3 juillet, soit une durée d’un peu plus d’un mois pour l’ensemble du circuit. Pour les autres voyages, les renseignements sont beaucoup plus maigres : nous savons simplement que les reliques de saint Taurin étaient au village de Bagé, c’est-à-dire peu de temps après le début du voyage, au moment de la Saint Jean. Quant au transport des reliques de sainte Lewine, il eut lieu peu après la translation solennelle du 27 juillet 1058. Si le voyage fut bien effectué la même année, il se situe vraisemblablement en août ou en septembre 1058.
12Tous ces voyages eurent donc lieu à la fin du printemps et en été, ce qui est facilement compréhensible car la belle saison améliore l’état des chemins, fournit de meilleures conditions de voyage40 et permet même, éventuellement, de dormir sous la tente. On note d’autre part que le rythme de déplacement est très lent. Si on calcule, en effet, le rapport entre la distance parcourue et la durée de chaque circuit, c’est-à-dire la distance moyenne parcourue en un jour, on obtient les chiffres approximatifs suivants :
13(Pour les circuits des reliques de sainte Lewine et de saint Taurin, le manque de chiffres ne permet pas de calculer les moyennes journalières).
14La vitesse moyenne apparaît assez uniforme puisqu’elle se situe dans tous les cas entre 9 et 14 kilomètres par jour41. Toutefois il ne s’agit là que de moyennes abstraites qui ne reflètent pas du tout la physionomie et le rythme réel des expéditions. Celles-ci étaient, en effet coupées de nombreuses haltes dont certaines duraient plusieurs jours, voire plus d’une semaine. Ainsi les moines de Corbeny restèrent au moins cinq à six jours à Péronne42 ; les chanoines Laonnois, après avoir attendu au moins une quinzaine de jours les vents favorables à Wissant, séjournèrent huit jours à Winchester, dix jours à Exeter, trois jours à Barnstaple, trois jours à Taunton43 ; les religieux de Saint-Amand passèrent deux jours en 1107, au domaine d’Herlinkhove44 etc… Certaines étapes journalières apparaissent d’autre part extrêmement courtes : les moines de Lobbes mirent "quelques jours" pour faire les 17km qui séparent Strazeele de Blaringhem, si bien qu’ils fêtèrent la Pentecôte à Bergues alors qu’ils avaient célébré l’Ascension à Strazeele, soit dix jours pour faire environ 55 kilomètres. De même ils mirent une semaine pour faire la cinquantaine de kilomètres qui sépare Gand de Bruxelles et huit jours pour joindre Bruxelles à Lobbes, distante de 70 kilomètres environ45.
15En revanche, d’autres journées furent essentiellement consacrées à faire de la route, si l’on en juge par la distance parcourue. Ainsi, partant de Bergues, les religieux de Lobbes allèrent d’un trait jusqu’à Furnes, 28 kilomètres plus loin46. De même, lors du circuit des reliques de saint Amand en 1066, les étapes Saint-Amand - Cambrai (39 km), Barisis-Laon (30 km), Laon-Chauny (36 km) furent parcourues chacune en un jour47. De même encore, la châsse de saint Marcoul fut transportée en un jour de Corbeny à Reims (27 km) et de Châlons à Epernay (26 km)48. Des étapes d’une trentaine de kilomètres n’étaient donc pas rares et permettaient de rattraper un peu de temps.
16La durée des étapes pose le problème des moyens de transport. S’appuyant sur des exemples du XIV° et du XV° siècles, P. Heliot et M.L. Chastang supposent que les châsses étaient véhiculées sur roues49. Je n’ai trouvé confirmation de cette hypothèse dans aucun des textes étudiés. Certes, Hermann de Laon signale, à propos du séjour en Angleterre des chanoines Laonnois, que ces derniers avaient des chevaux50 mais on ne trouve nulle part mention de chariot tandis qu’au contraire de nombreux passages confirment que les reliques étaient transportées à pied sur le brancard traditionnel appelé en latin feretrum (d’où le français fierte et qui donna, dès le IXe siècle, son nom a la châsse qu’on y posait. Ainsi les reliques de saint Marcoul quittent leur église, en 1102, sur un brancard élégamment confectionné et orné51. Au retour, en approchant de Corbeny, le cortège est entouré par la foule du peuple. Certains, selon une coutume que l’on retrouve ailleurs, passent en courant sous la châsse, ce qui aurait été impossible si elle n’avait été portée sur des épaules humaines52. Les reliques de saint Taurin étaient portées par quatre hommes marchant parfois d’un pas si rapide que la foule ne pouvait suivre leur rythme et leur demandait parfois de ralentir leur marche53. Ce qui confirme, en effet, ce mode de déplacement est le fait que les châsses étaient très souvent escortées par une foule de fidèles enthousiasmés par les miracles survenus et qui, eux, marchaient forcément à pied54. Le seigneur de Buzançais et ses milites allèrent même jusqu’à prendre sur leurs propres épaules la fierté de Notre-Dame de Laon en 1112 pour la porter jusqu’au village voisin55. Enfin aucune étape dont on est sûr qu’elle a été faite en un jour ne dépasse trente à quarante kilomètres, ce qui est parfaitement compatible avec un déplacement à pied. L’allure la plus fréquente semble cependant être celle d’une procession entrecoupée de haltes et de ralentissements.
17Essayons de voir maintenant comment les étapes étaient fixées. Si la région d’ensemble et quelques grandes haltes étaient déterminées dès le départ, entre celles-ci, la marche des porteurs de reliques avait un caractère assez improvisé. Certaines étapes ont manifestement un rôle d’arrêt technique nécessité par l’impossibilité de joindre deux villes en un jour. Ainsi, en 1066, les frères de Saint-Amand partis de Laon dans la matinée en direction de Noyon, se trouvent au coucher du soleil dans le petit village (castellulum) de Chauny où ils demandent l’hospitalité pour la nuit56. De même, les moines de Corbeny, rentrant vers leur prieuré, se trouvent obligés de passer leur dernière nuit au village des Vans, à 20 kilomètres seulement de chez eux57. D’autres étapes ont l’air tout aussi peu préparées. Les religieux de Lobbes, arrivant au village de Blaringhem, se demandent si c’est le hasard ou la providence divine qui les a conduits là58. Les chanoines de Laon parvenus à Exeter acceptent, sous la pression de la foule des infirmes, de rebrousser chemin jusqu’à Salisbury59. C’est souvent aussi la pression populaire qui oblige les quêteurs à prolonger leur séjour en un lieu qu’ils étaient sur le point de quitter. Le meilleur exemple en est fourni par le voyage des reliques de saint Marcoul. Alors que les moines ne pensaient rester qu’un seul jour à Péronne, ils furent amenés par les supplications de la foule avide de miracles, appuyée par les notabilités religieuses de l’endroit, à prolonger durablement leur arrêt60. La châsse de saint Amand ne subit qu’un retard plus modeste : arrêtée, à la sortie de Laon par la foule amassée à la suite d’un miracle, elle dût stationner là pendant trois heures61. Parfois enfin, c’est tout simplement la fatigue du voyage qui oblige les quêteurs à prolonger leur halte, comme le firent les moines de Lobbes à Gand en 106062.
18Le rôle joué par les relations personnelles n’était pas négligeable dans le choix des étapes : en Angleterre, en plus des anciens étudiants des écoles de Laon qui leur réservèrent l’accueil le plus favorable à Canterbury, à Exeter, à Salisbury, les chanoines de Notre-Dame furent hébergés par le seigneur de Barnstaple dont la femme était la sœur du seigneur de Picquigny, vidame d’Amiens63. Dans un autre voyage, celui des reliques de saint Ursmer nous voyons les moines, après avoir reçu un bon accueil à Bergues de la part du comte et de la comtesse de Flandre, être reçus la nuit suivante par le châtelain de Fumes sur l’ordre de la comtesse64. Peut-être est-ce aussi le cas du chevalier nommé Baldradus, un des principaux conseillers du comte, qui hébergea chez lui les quêteurs entre Oosburg et Lisseweghe65.
19Dans l’ensemble, nous pouvons finalement distinguer quatre types d’étapes au cours de ces circuits de reliques : d’abord les grandes villes, en général sièges épiscopaux, où les porteurs de reliques sont presque toujours très bien accueillis et peuvent déposer les précieuses châsses dans l’église cathédrale ; puis les villages rencontrés au hasard du trajet où les reliques obtiennent très souvent d’être abritées dans l’église paroissiale. Une troisième catégorie est constituée par les domaines dépendant de l’église de départ ou de l’abbaye-mère s’il s’agit d’un prieuré. Les voyageurs y étaient assurés d’une bonne réception et d’un logement sûr. Nous trouvons ce type d’étape dans les deux voyages des moines de Saint-Amand et dans celui des moines de Gigny où les doyennés de Cluny (en particulier ceux de Chaveyriat et de Montberthoud) fournirent plusieurs lieux de halte. Enfin les monastères constituent, dans presque tous les circuits des lieux d’accueil importants soit parce qu’on y était assuré d’y trouver le calme et le repos, soit parce qu’on se sentait obligé d’y faire une visite de politesse66.
20La place des reliques était donc, à l’étape, tout naturellement dans l’église, sur un autel ou devant celui-ci mais il arrivait parfois que les circonstances amenassent d’autres situations. A plusieurs reprises l’hostilité du curé local, jaloux de voir toutes les offrandes affluer vers les nouvelles reliques, obligea les arrivants à trouver un autre local. Les Laonnois en firent l’expérience à deux reprises : en 1112 d’abord, à Saint-Laurent-de-Cala. Le desservant, un moine, accueillit d’abord les reliques sur un autel secondaire mais, voyant les fidèles s’y presser et délaisser les saints locaux, il expulsa les quêteurs et leurs châsses. Heureusement le prévôt du château leur proposa une tente spacieuse qui fut aussitôt montée, ornée de rideaux et de luminaires par les pieuses femmes du lieu de façon à abriter décemment les reliques qui y passèrent la nuit67. Le même scénario se reproduisit au cours du deuxième voyage, à Christchurch : chassés de l’église, les chanoines errèrent dans la ville, ne trouvant aucun logement car c’était jour de foire et la ville était pleine de marchands. Finalement ils furent abrités dans une maison des faubourgs grâce à la charité d’une bourgeoise de la ville. La maison, décorée de tentures, constitua une sorte de chapelle dont trois cloches, prêtées par un marchand, signalaient le précieux contenu68. Inversement, c’est parfois l’enthousiasme provoqué par les reliques qui provoque un tel afflux de population que l’église se révèle trop petite : à Herlinkhove, en 1107, on dut sortir la châsse de saint Amand du sanctuaire et la placer sous une tente improvisée69.
21Nous retrouvons le logement sous la tente dans deux autres voyages : celui des reliques de saint-Amand en 1066 et celui des reliques de saint Ursmer en 1060, mais cette fois-ci de façon beaucoup plus organisée. Les moines de Lobbes, prévoyants et bien équipés, se déplaçaient avec deux tentes, une pour les reliques et, vraisemblablement, une autre pour eux. Lorsqu’aucune église ne pouvait abriter les châsses, on montait rapidement le papilio du saint. Ceci se produisit trois fois : a Cassel, i Bruges, au village de Fimia, entre Gand et Bruxelles70. Les moines tâchaient, de leur côté de trouver un logement plus confortable : à l’auberge comme à Cassel, dans une maison (mansio) comme à Oosburg. Quant aux frères de Saint-Amand, ils furent bien obligés de coucher sous la tente à Noyon. Après avoir placé les reliques dans la cathédrale, ils montèrent leur tente sur la place de la ville71.
22De telles nécessités étaient cependant rares et les hagiographes à qui nous devons ces récits insistent, comme on pouvait s’y attendre, sur l’accueil enthousiaste que rencontrent les quêteurs. Lorsqu’il a été possible d’annoncer par avance l’arrivée du cortège, les dignitaires ecclésiastiques suivis du peuple en liesse sortent en procession au-devant des arrivants en chantant des hymnes, en portant des croix et en balançant des encensoirs72. La foule accourt vers les saints ossements "comme un essaim d’abeilles"73 et, parfois, c’est une véritable voie triomphale qui leur est tracée : à Mâcon, dès qu’on annonce l’arrivée du corps de saint Taurin, les habitants quittent leur travail, se précipitent dans la rue au son des cloches, nettoient la chaussée et ornent les rues de rideaux et de tapis74. Une fois les reliques déposées dans une église, c’est un défilé ininterrompu de malades et d’infirmes désireux de toucher les reliques ou de bien-portants venus "orationis causa", chacun déposant une pièce de monnaie ou un cierge près de la châsse.
23Il arrivait pourtant, et les hagiographes ne le cachent pas car c’est pour eux l’occasion de montrer la punition divine qui s’abattait, par la suite, sur les coupables, que la réception fût nettement hostile. Parfois, c’était la population entière d’un village qui refusait d’accueillir les visiteurs. Ainsi les habitants de Legny, près de Lyon, chassèrent avec des injures les moines du prieuré de Gigny75. Ceux de Leffinghe, en Flandre maritime, laissèrent installer dans la plus grande indifférence les reliques de sainte Lewine dans leur église et n’apportèrent aucune offrande, disant qu’ils n’avaient jamais entendu prononcer le nom de cette sainte auparavant76. On constate la même indifférence parmi les habitants de Nesle lors du premier voyage des reliques de Notre-Dame de Laon77.
24Dans d’autres cas, une partie seulement de la population, ou des individus isolés expriment leur mécontentement : lorsque les reliques de saint Marcoul sont exposées à Péronne, le seigneur du lieu et quelques bourgeois commencent à déposer leurs dons mais plusieurs jeunes gens se moquent d’eux en disant qu’un tel saint n’a jamais existé78. L’opposition peut prendre une forme plus insidieuse : à Bourg-Saint-Christophe, près de Lyon, une partie des paysans vient honorer les reliques de saint Taurin mais un autre groupe, « animé d’une mauvaise incrédulité », amène un paralytique dans l’église et met le saint au défi de le guérir, pensant faire éclater ainsi l’impuissance de celui-ci79. Ces paysans incrédules étaient conduits par le curé du village car, comme on pouvait s’y attendre, l’opposition la plus affirmée venait des desservants locaux menacés non seulement d’une captation d’oblations mais aussi d’une baisse de prestige des saints locaux. Plusieurs manifestations de leur hostilité ont déjà été examinées.
25Il semble bien pourtant que les manifestations favorables l’emportaient car la plupart de ces circuits de reliques ont atteint leur but et ont permis de recueillir de nombreuses offrandes tout en développant le culte des saints mis ainsi en vedette. Une preuve indirecte de leur succès en est leur multiplication tout au long du Moyen Age. Pour les xi° et xii° siècles nous n’avons, en fait, qu’un seul témoignage de l’échec complet d’un tel voyage. Il s’agit de celui entrepris par les moines de Marchiennes dans la première moitié du xii° siècle. Partis en Angleterre avec les reliques de sainte Eusebie, ils se heurtèrent à l’indifférence des habitants de la grande île, si bien qu’après avoir épuisé l’argent prévu pour leurs dépenses quotidiennes, ils en furent réduits à vendre leur équipement et jusqu’au tissus d’argent dans lequel étaient enveloppées les reliques. Ils rentrèrent à Marchiennes plus pauvres qu’ils en étaient partis80.
26Le développement des quêtes avec reliques entraîna d’ailleurs des abus dont le principal fut de substituer des quêteurs professionnels aux membres des communautés intéressées et finit par tomber dans le discrédit à la fin du Moyen Age81. Elles n’en contribuèrent pas moins cependant, surtout à l’époque envisagée ici, à l’essor du culte des reliques qui constitue une des formes les plus remarquables de la piété médiévale.
DISCUSSION
27Mademoiselle TAVTANI : A l’occasion des voyages de reliques évoqués, se formait-il des processions où les différents ordres ou groupes de la société défilaient suivant un rite précis ?
28Monsieur SIGAL : II faut bien distinguer les translations de reliques et les voyages ou les quêtes avec reliques. La translation de reliques, si elle prend parfois la forme d’un voyage, notamment à l’époque carolingienne, est avant tout, aux XI° et XII° siècles, conçue comme une cérémonie, obéissant à un certain rituel. Dans ce rituel, la procession solennelle occupe une place importante. En revanche, les voyages de reliques que je viens d’évoquer sont beaucoup moins ritualisés. Toutefois, à l’entrée et à la sortie des villes ou des grandes abbayes, nous retrouvons les rites professionnels. Lorsque l’arrivée des porteurs de reliques a été annoncée à l’avance, soit par un messager, soit par des fidèles, un cortège professionnel composé du clergé de la ville ou de la communauté monastique suivis de la foule du peuple va à la rencontre du cortège des arrivants. De même la sortie de la ville se fait aussi, très souvent, selon le mode processionnel et dans l’enthousiasme populaire. Ce cérémonial d’accueil des reliques n’est pas sans ressemblance avec celui qui se développe à la fin du Moyen Age pour les entrées royales.
29A une question de Monsieur SUBRENAT, Monsieur SIGAL répond :
30Le thème du malade ou de l’infirme guéri contre son gré par un saint se trouve déjà dans quelques recueils de miracles des XI° et XII° siècles, mais assez rarement. La raison du refus de la guérison est, en général, le fait que l’infirme, une fois guéri, ne pourra plus vivre de la charité publique comme auparavant.
Notes de bas de page
1 cf. H. DELEHAYE, Sanctus, essai sur le culte des saints dans l’Antiquité, Bruxelles 1927 ; P. SEJOURNE, article Reliques in Dictionnaire de Théologie Catholique, tome XIII, col. 2312.2376, H. LECLERCQ, article Reliques et reliquaires, in Dictionnaire d’Archéologie chrétienne et de Liturgie, tome XIV, 2, col. 2294-2359.
2 cf. P. RICHE, La vie quotidienne dans l’empire carolingien, Paris, 1973, pp. 320-331.
3 Cet aspect du culte des saints a été étudié en particulier par B. De GAIFFIER, "Les revendications de biens dans quelques documents hagiographiques du xi° siècle" in Analecta Bollandiana, tome L, 1932, pp. 123-138.
4 Un bon exemple en est fourni par le transport des reliques de saint Lambert au siège de Bouillon en 1141. Cf. Cl. GAIER, "Le rôle militaire des reliques et de l’étendard de saint Lambert dans la principauté de Liège" in Le Moyen Age, tome LXXII, 1966, pp. 235-249.
5 Cf. le témoignage bien connu du chroniqueur Raoul GLABER, Histoires, édit. Prou, Paris, 18&6, pp. 104-105, IV, chap. 5, § 16.
6 Ces quêtes avec reliques ont été étudiées et décrites par Pierre Heliot et Marie-Laure Chastang voici une dizaine d’années, cf. P. HELIOT et M.L. CHASTANG, "Quêtes et voyages de reliques au profit des églises françaises du Moyen Age" in Revue d’histoire écclésiastique, tome LIX, 1964, pp. 759-822 et tome LX, 1965, pp. 5-32. Cette étude qui envisage le phénomène pour l’ensemble du Moyen Age et sous tous ses aspects ne consacre que peu de place, mis à part quelques exemples, aux conditions précises et aux modalités des déplacements des reliques.
7 Sur l’origine de cette pratique vraisemblablement au x° siècle, voir P. HELIOT et M.L. CHASTAND, op.cit., pp. 803-805.
8 Translatio sanctae Lewinnae, Acta Sanctorum, 1ère edit, Anvers-Bruxelles, a partir de 1643, juillet, V, pp. 623-627. Cette collection sera désormais désignée par le sigle AASS.
9 Miracula sancti Ursmari in itinere per Flandriam, AASS, Avril, II, pp. 573-578. L’ouvrage a été réédité dans les Monuments Germaniae Historica, Scriptores, tome XV, pp.XV, pp. 833-837, mais de façon incomplète. J’utiliserai donc l’édition des AASS en tenant compte des corrections de l’édition des MGH.
10 Miracula sancti Amandi in itinere gallico, AASS, Février, I, pp. 895-898. Extraits dans MGH, Scriptores, XV, pp. 849-851.
11 Miracula sancti Marculfi Peronae facta, AASS, Mai, VII, pp. 533-539.
12 Miracula sanctae Mariae Laudunensis, Migne, Patrologie Latine, tome CLVI, col 961-1018. Ces deux voyages sont aussi relatés partiellement par GUIBERT de NOGENT, De vita sua, édit. BOURGIN, Paris, 1907, III, chap. 12 et 13.
13 Circumvectio corporis sancti Taurini, AASS, Août, II, pp. 650-655.
14 Miracula sancti Amandi in itinere bragbantino, AASS, Février, I, pp. 900-901. Extraits in MGH, Scriptores, XV, pp. 852-853.
15 Il s’agit d’un incendie pour l’abbaye de Saint-Amand en 1066, pour la cathédrale de Laon en 1112, pour le prieuré de Gigny en 1158, des désastres de la guerre pour l’abbaye de Lobbes en 106C, de la dévastation du domaine par des seigneurs pillards et d’une épizootie du bétail pour le prieuré de Corbeny en 1102, de l’usurpation de possessions plus lointaines pour les moines de Saint-Amand en 1107.
16 Miracula sancti Theodorici, AASS, Juillet, I, p. 79, chap.16, § 32.
17 Miracula sancti Gibriani, AASS, Mai, VII, p. 621, I, § 6.
18 Translatio sanctae Lewinnae, p. 623, II, § 21 : "…ut et notae fierent tantae Virginis reliquiae et inter eundo Ominipotens Dominus cujus foret meriti declararet."
19 D’après le récit du moine Adalgise, le transport de plusieurs reliques de l’abbaye de Saint-Thierry-au-Mont-d’Or fut décidé par le sacristain ; Miracula sancti Theodorici, p. 79, chap. 16, § 32 "… privatim deliberavit sacrista noster, ut loculus aptaretur pretiosis Sanctorum reliquiis qui circumcirca deferretur…"
20 Consultation du comte de Flandre et des évêques locaux par les moines de Saint-Amand en 1066, par ceux de Lobbes en 1060 ; autorisation épiscopale demandée par les religieux de Corbany en 1102. L’autorisation épiscopale finit par devenir obligatoire pour les quêtes. D’autres quêtes s’engagèrent sous la protection de l’autorité royale comme celle de la cathédrale de Senlis en 1155 et celles de Saint-Corneille de Compiègne en 1182 et vers 1185. Cf. P.HELIOT et M.L.CHASTANG, op.cit. pp. 5-7.
21 Miracula sanctae Mariae Laudunensis col.968, I, § 3 et col. 974, II, § 1. Y avait-il des médecins parmi eux ? On pourrait le penser d’après une allusion de Guibert de Nogent aux "soins habituels donnés aux malades". De vita sua p. 192, III, chap. 13. Cf. S. MARTINET, "Le voyage des Laonnois en Angleterre en 1113" in Mémoires de la Fédération des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie de l’Aisne, tome IX, 1963, pp. 81-82.
22 Miracula sancti Benedicti, édit. DE CERTAIN, Paris, 1858, pp. 319-320, VII, § 26.
23 Les distances ont été calculées d’après les routes modernes, plus rectilignes que celles du Moyen Age. Les chiffres approximatifs que je propose sont donc des minima.
24 Voir la carte n° 1b. Deux étapes, entre Oosburg et Lisseweghe n’ont pu être localisées car l’auteur n’indique pas le nom de l’endroit. Je n’ai pu identifier, d’autre part, le village de Finia, nom probablement déformé, entre Gand et Bruxelles.
25 Miracula sancti Ursmari, p. 570, I, § 1 et p. 572, II, § 8.
26 Miracula sancti Gibriani, p. 621, I, § 6.
27 Voir la carte n° 1a.
28 Voir la carte n° 5b.
29 Cf. P.HELIOT et M.L.CHASTANG, op.cit, p. 809.
30 Voir la carte n° 2a.
31 Miracula sancti Amandi, p. 896, I, § 3 s "… petitione quoque Francorum obnixa…"
32 Cf. H.PLATELLE, Le temporel de l’abbaye de Saint-Amand des origines à 1340, Paris, 1962.
33 Miracula sancti Amandi, p. 897, I, § 7.
34 Miracula sanctae Mariae Laudunensis, col. 973, II, §1.On peut rapprocher cette indication de celle fournie par un moine de l’abbaye de Marchiennes à propos du voyage accompli vers la même époque avec les reliques de sainte Eusebie. Miracula sanctae Rictrudis, Analecta Bollandiana, tome XX, 1901, p. 435 : "…eo quod terra illa bonis omnibus affluens, incolas haberet ditissimos et sanctos indigentes maximis honorarent muneribus."
35 Cf. S. MARTINET, op.cit., p. 85
36 Voir la carte n° 4. Quelques problèmes se posent pour la localisation de certaines étapes : après avoir quitté Exeter, les chanoines allèrent à Danaxaveria que S. Martinet assimile à Dartmouth (S. MARTINET, op.cit., p. 89). Il semble préférable d’interpréter ce nom comme un terme général désignant le Devon. Cf. J.P.TAT-LOCK, "The English Journey of the Laon canons" in Speculum, tome VIII, 1933, pp. 454-465. Une autre étape malaisée à définir est celle de Taunton. Le texte latin indique la ville de Totenes, qui correspondrait bien, pour l’orthographe à Totnes, près de Plymouth mais Totnes est loin de Barnstaple et on ne voit pas pourquoi les Laonnois seraient retournés à nouveau dans l’extrême-sud du Devon pour repartir ensuite vers Bristol.
37 Voir la carte n° 3. Le nom du village atteint après Buzançais n’est pas indiqué. Je n’ai pu, d’autre part identifier avec précision Saint-Laurent de Cala. Il existe plusieurs Saint-Laurent aux environs de Tours. Peut-être s’agit-il d’une mauvaise orthographe pour Sanctus Laurentius de Plana (Saint-Laurent-de-la-Plaine, M. et L., con de Saint-Florent-le-Vieil). D’autre part, à la sortie du Mans, Mons de Guarda semble correspondre à Montguerre mais trois lieux-dits portent ce nom dans les communes de Conlie, Saint-Marceau et Sainte-Sabine.
38 Voir la carte n° 5a. Au total les reliques parcourent 370 km.
39 H. Platelle place à tort ce retour le 2 juillet. Cf. H. PLATELLE, op.cit. p. 124. Le texte dit bien, en effet, que les reliques arrivèrent dans leur abbaye le quatrième jour des nones de juillet. Miracula sancti Amandi, p. 896, I, §3.
40 Les voyageurs eurent cependant à affronter à plusieurs reprises de fortes pluies. Cf. Miracula sanctae Mariae Laudunensis, col.972, I, §12 et col.979-980, II, § 10 ; Miracula sancti Marculfi, p. 534, I, § 6.
41 Certes, nous ne connaissons pas toutes les étapes, car les hagiographes ne mentionnent en général que celles où ont eu lieu des miracles, celles où l’accueil a été particulièrement favorable ou, au contraire, particulièrement mauvais. Les chiffres des distances réellement parcourus sont donc probablement un peu supérieurs à ceux que j’ai indiqués, mais une moyenne d’ensemble autour de 1o à 12 km/jour reste vraisemblable.
42 Miracula sancti Marculfi, pp. 536-538
43 Miracula sanctae Mariae Laudunensis, col. 978, II, § 7, col. 982, II, § 12, col. 984, II, § 18, col. 984, II, § 19.
44 Miracula sancti Amandi, p. 900, § 4-8.
45 Miracula sancti Ursmari, p. 571, I, § 6, et p. 575, III, § 21 et 22.
46 Ibid, p. 572, II, § 10.
47 Miracula sancti Amandi, p. 897, I, § 4, § 8 et § 12.
48 Miracula sancti Marculfi, p. 535, I, § 6 et 7.
49 Cf. P.HELIOT et M.L.CHASTANG, op.cit.p. 819.
50 Miracula sanctae Mariae Laudunensis, col. 980, II, § 10 et col. 981, II, § 11. On remarque qu’il s’agit justement du voyage le plus long et le plus lointain.
51 Miracula sancti Marculfi, p. 534, I, § 6
52 Ibid, p. 539, III, § 26. Même phénomène pendant le voyage des reliques de saint Ursmer en Flandre, Miracula sancti Ursmari, p. 573, II, §14.
53 Circumvectio sancti Taurini, p. 652, II, §14.
54 Exemples : Miracula sancti Amandi, p. 896, I, § 5 ; p. 897, II, § 9 ; Miracula sancti Ursmari, p. 671, I, § 3 ; p. 573, II, § 12.
55 Miracula sanctae Mariae Laudunensis, col. 969, I, §, 5. Les miraculés essayaient aussi, parfois, de manifester leur reconnaissance au saint en portant, ne serait-ce qu’un instant, le brancard où reposaient ses restes. Cf. Miracula sancti Amandi, p. 897, II, § 9
56 Miracula sancti Amandi, p. 899, II, § 12.
57 Miracula sancti Marculfi, p. 539, III, § 26.
58 Miracula sancti Ursmari, p. 571, I, § 6.
59 Miracula sanctae Mariae Laudunensis, col. 982-983, II, § 13. En effet on croyait que la résidence dans le diocèse où se trouvaient les reliques était une des conditions de la guérison. Or la renommée des miracles de la Vierge avait attiré à Exeter de nombreux malades du diocèse voisin de Salisbury qui estimaient ne pouvoir être guéris que dans cette ville.
60 Miracula sancti Marculfi, p. 534-536. Ce séjour imprévu les amena à annuler un détour par Arras qu’ils avaient projeté de faire à leur arrivée à Péronne.
61 Miracula sancti Amandi, p. 897, II, § 9
62 Miracula sancti Ursmari, p. 574, III, § 18. Les moines demandèrent aux frères de Saint-Pierre-au-Mont-31andin l’autorisation de rester un jour chez eux pour se reposer.
63 Miracula sanctae Mariae Lauduanensis, col.983, II, § 17
64 Miracula sancti Ursmari, p.572, II, § 10.
65 Ibid, p. 573, II, § 15. C’est la seule étape où nous soyons à peu près sûrs que les moines ont logé dans un château.
66 Dans une même ville, les châsses visitaient ainsi plusieurs églises : à Tours les reliques d de Notre-Dame de Laon passèrent de l’église Saint Saint-Maurice à celle de Saint-Martin ; à Reims, la châsse de saint Marcoul quitta au bout d’un jour la cathédrale pour aller processionnellement jusqu’à Saint-Rémi.
67 Miracula sanctae Mariae Laudunensis, col. 970, I, § 9.
68 Ibid. col. 979-980, II, § 10.
69 Miracula sancti Amandi, p. 901, § 4.
70 Miracula sancti Ursmari, p. 572, I, § 7 ; p. 572, II, § 11 et p. 574-575, III, § 20. Dans ce dernier cas, le curé avait fermé l’église et s’était enfuit avec les clés â l’arrivée des quêteurs. Ces derniers commencent à installer leurs tentes dans l’atrium lorsque, par miracle, les portes de l’église s’ouvrent seules et les reliques peuvent y pénétrer.
71 Miracula sancti Amandi, p. 898, II, § 13.
72 Cf. par exemple, l’arrivée des reliques de saint Taurin à Cluny. Circumvectio sancti Taurini, p. 650, I, § 1 ; ou celle des châsses de Notre-Dame de Laon à Chartres, Miracula sanctae Mariae Laudunensis, col. 971-972, I, § 13.
73 Miracula sancti Ursmari, p. 574, III, § 18.
74 Circumvectio sancti Taurini, p. 652, II, § 10.
75 Circumvectio sancti Taurini, p. 653, II, § 22.
76 Translatio sanctae Lewinnae, p. 623, II, § 52-53.
77 Selon GUIBERT de NOGENT, De vita sua, p.150, III, chap. 12. En revanche, Hermann de Laon ne signale rien de particulier à cet endroit.
78 Miracula sancti Marculfi, p. 539, III, § 26.
79 Circumvectio sancti Taurini, p. 654, III, § 27-28. Une scène assez semblable se déroula à Bazançais lors du premier voyage des chanoines de Laon. GUIBERT DE NOGENT, De vita sua, p.187-188, III, chap. 12.
80 Miracula sanctae Rictrudis, pp. 55-56 et B. DE GAIFFIER, op.cit., p. 135. On note que sur les deux rédactions des Miracula sanctae Rictrudis, une seule mentionne cet épisode peu glorieux pour l’abbaye de Marchiennes.
81 Cf. P. HELIOT et M.L. CHASTANG, op.cit., pp. 815-821.
Auteur
Université Paul Valéry (Montpellier)
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