La figure de l’oiseau dans l’Ovide moralisé
p. 269-281
Texte intégral
1L’oiseau de l’Ovide moralisé est bien sûr issu d’une métamorphose, et l’auteur anonyme du xive siècle, qui entend traduire Ovide du latin au roman, avant de livrer la signification cachée sous les fables, est fasciné comme son modèle par le processus de transformation et décrit comme lui les détails du comportement animalier.
2S’il est, à quelques nuances près, fidèle à sa source latine, celle-ci semble ne pas toujours lui suffire, et il emprunte alors des détails, parfois contradictoires avec la légende, à l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien, au Physiologus latin ou à ses adaptations romanes, mais aussi sans doute à des encyclopédies médiévales parfois difficiles à identifier.
3Cette méthode de « contamination des sources »1 donne parfois une impression d’incohérence, si du moins l’on ne regarde que l’amont, la translation : car avec cet auteur, il faut toujours regarder l’aval, la moralisation de la légende, dont il a déjà une claire conscience au moment même où il traduit la fable.
La description de l’oiseau
Des oiseaux bien identifiés
4C’est d’abord en artiste que le translateur roman dépeint la métamorphose et décrit l’oiseau, en utilisant les données du poème latin pour nous en livrer le spectacle. Le phénomène le plus souvent retenu, celui qui constitue la merveille, est celui de l’allégement : le personnage perd sa gravité et son déplacement se fait plus rapide. Ainsi Picus devenu pivert Se merveille dont tant se voit / Isnaul et mouvable2. Ensuite il se couvre de plumes, parfois colorées, et ses bras deviennent des ailes3, comme les sœurs de Méléagre changées en pintades4 ou Perdix qui se jette dans le vide et que Pallas transforme en perdrix5, comme les compagnons de Diomède, et en particulier Acmon, dont les propos insultants ont éveillé la colère de Vénus. Le poème latin insiste sur ces détails : comaeque / In plumas abeunt, plumis nova colla teguntur / Pectoraque et tergum ; majores bracchia pennas / Accipiunt cubitusque levis sinuatur in alas6. Le translateur roman est plus économe, du moins dans le manuscrit A pris comme base par l’éditeur C. de Boer : Sa crine devient / Nove plume, por ces despis, / Sor son col, son dos et son pis… (3854-3856). Le manuscrit B, celui de Lyon, est plus prolixe, et très fidèle au modèle antique :
Ses cheveux plumes devenoient
Et de plumes tous se couvroient
Son col et son dos et son pis.
Plus grans pennes ont les bras pris
Ses coutes se tournent en eles
Legieres mouvans et isneles7.
5Puis la bouche du héros se durcit en bec, et ses pieds se palment parfois8. Ses membres s’allongent et s’affinent, comme Ésaque changé en « plongeon »9. Enfin son cou s’amaigrit, sa gorge se rétrécit et sa voix se transforme, comme Acmon dans le manuscrit A10.
6Ces tableaux parfois développés témoignent de l’intérêt du poète antique et de son adaptateur médiéval pour l’observation et la peinture des oiseaux.
Le nom de l’oiseau
7Une question semble propre à la métamorphose en oiseau, celle de son nom : quelques volatiles en effet sont décrits sans être nommés, ce qui ne manque pas d’être surprenant dans un texte médiéval, et dans l’Ovide moralisé en particulier, qui s’interroge souvent sur la chronologie relative de la métamorphose et de l’appellation de l’oiseau11.
8Au livre XII, Cénée devient un oiseau nouveau, que le texte n’identifie pas. Chez Ovide, Mopsus, l’un des compagnons du héros, voit surgir un oiseau : Vidit avem pennis liquidas exire sub auras (525) et Nestor, qui raconte l’histoire, témoigne lui aussi de la présence de cet étrange oiseau, Quae mihi tunc primum, tunc est conspecta supremum (526). Dans la version romane, les autres compagnons de Cénée sont eux aussi témoins et garants du prodige :
Qui desouz le fez veü orent
Issir un oisel, et bien sorent
Que li bers muëz y estoit.
Li oiseaux sor nous voletoit,
Je vi l’oisel, ce n’est pas fable…
(2849-53)
9Et le vieux Nestor de conclure : si tenimes a voir / Ce qu’il ot dit dou damoisel / Qui fu muez en cel oisel (2868-70). Mais l’oiseau n’est pas identifié, ne reçoit pas de nom, ce qui lui laisse tout son mystère.
10Au livre XIV, les compagnons de Diomède deviennent des oiseaux dont l’hypotexte latin ne nous dit pas le nom ; selon Ovide ils ressemblent seulement au cygne : Si volucrum quae sit dubiarum forma requiris, / Ut non cygnorum, sic albis proxima cygnis12. En revanche, le translateur utilise une glose de son manuscrit pour proposer le nom de ces oiseaux. On ne comprend pas très bien comment la glose a pu en faire des mouettes, dont la blancheur peut-être évoque les cygnes, mais dont la forme et la taille semblent exclure cette comparaison : La glose afferme endroit ce pas / Que moës ont nom cil oisel / Que devindrent li damoisel (XIV, 3876-3878). Pline l’Ancien, au livre X de son Histoire Naturelle, ne veut pas « passer sous silence les oiseaux de Diomède », qu’il décrit sans nous éclairer sur leur véritable identité13.
11Au livre XIII, Memnon lui aussi devient un oiseau « qu’on ne nomme pas ». Plus exactement de ses cendres naissent des oiseaux qui se battent et s’entretuent, et qu’on appelle « Memnonides », du nom de Memnon14 : même si Pline l’Ancien évoque cette légende dans son Histoire Naturelle15, ce n’est pas un oiseau identifié, et ce nom revient pratiquement à l’anonymat.
La figure du phénix
12Par ailleurs la légende de Memnon, et de l’oiseau inédit qui s’envole de ses cendres, évoque bien sûr celle d’un oiseau célèbre au contraire, qui occupe une place de choix dans le livre XV des Métamorphoses et de l’Ovide moralisé, le phénix.
13La métamorphose semble due à un phénomène de contiguïté, de similitude : c’est la parenté des cendres qui s’envolent avec la légèreté de l’oiseau qui semble le principe de la transformation. Ainsi au livre XIV, un nouvel oiseau naît des cendres de la ville des Rutules, Ardée : il conserve les traces physiques de l’incendie :
…Et des faveloisches vola
Uns oisiaus, qui lors fu veüz
Premierement et coneüz.
Sa vois fu triste et sa color
Et sa maigresse et sa palor,
Ses cors, sa façons et sa taille
Et quanqu’il ot fu telz, sans faille,
Come il avint à cité prise,
A ville arse, have et desprise16.
14Pour Ovide, il s’agit du héron. Le translateur se contente de transcrire le latin, arde, en proposant aussi jarde (ou jadre, ou sarde, suivant les manuscrits) : pense-t-il au jar, le mâle de l’oie ?
15Quoi qu’il en soit, la naissance à partir de cendres, l’aspect inédit aussi, qui suggère l’unicité de l’oiseau, et peut-être encore les deux étapes de la métamorphose17, évoquent la figure du phénix.
16Ce qui est curieux pourtant, c’est que la version adoptée par Ovide et par son translateur du xive siècle pour décrire le phénix lui-même, laisse de côté le motif du bûcher. La version romane suit fidèlement la description de l’oiseau par Ovide. Cependant l’introduction comporte une différence sans doute importante du point de vue dogmatique : le vers latin Haec tamen ex aliis generis primordia ducunt, que le traducteur latin des Belles Lettres rend par « Cependant tous ces animaux doivent à d’autres les principes de leur existence », et qu’on pourrait traduire plus précisément par « tous ces animaux doivent à d’autres espèces les principes, les origines, les commencements de leur vie », correspond dans la version romane à « Ces choses que j’ai nommées (c’est-à-dire « qui ont une existence »), sont d’autres espèces formées » : c’est donc seulement leur forme, et non plus le principe de leur existence, qu’elles tirent d’autres espèces : évidemment pour le penseur chrétien, le seul principe de toute existence est Dieu lui-même : le prologue nous redit que les formes de toutes les créatures étaient contenues dans l’intellect divin avant la Création ; Dieu a donc donné à la matière ces formes multiples18. De même, l’idée de semence, contenue dans le latin seque ipsa reseminet, disparaît dans les mots français qui de soi seul meismement / Se rapareille et renouvelle : elle serait sans doute difficile à adapter dans l’allégorèse chrétienne.
17Ensuite les données sont celles du poème ovidien : la première exception concerne la nourriture, qui n’est pas terrestre – non fruge neque herbis – qui n’est pas celle des autres créatures, il ne vit pas de la pasture dont li autre ont leur norreture. Il s’agit d’épices, symboles du détachement spirituel, de l’envol vers les sphères célestes : l’encens, l’amome pour le poète latin, la cinamaine19, l’encens, l’amaine20 et autre espice pour le translateur roman. Le phénix roman n’a pas besoin, semble-t-il, de purifier sa bouche avant de faire son nid, comme avant un sacrifice : l’auteur veut en faire la figure du Christ, par conséquent sa bouche est toujours pure. Dans les deux textes l’oiseau meurt « au milieu des parfums », mais dans la version chrétienne le nouveau phénix naît simplement de lui : le penseur chrétien a supprimé la mention latine de corpore patrio, tropconcrète peut-être pour être orthodoxe. L’Écriture ne dit pas que le Christ naît « du corps de Dieu », Dieu le Père n’a pas de corps matériel. Comme dans le modèle latin, la force du petit phénix lui permet de lever le nid – mais celui-ci n’est plus que son bercuel (c’est le latin cunas suas) : il ne peut plus dans le texte chrétien être le cercueil (sepulcrum) de son Père immortel.
18Mais ni chez Ovide ni chez son traducteur roman n’apparaît le thème du bûcher, qui est présent dans les Bestiaires : pour Guillaume le Clerc, l’oiseau allume le feu avec son bec, tandis que Pierre de Beauvais, à la suite du Physiologus, lui fait battre des ailes21.
19Dans cet exemple particulier, l’Ovide moralisé reste donc très proche du poème ovidien. Les seules petites transformations sont justifiées par le désir de conformité avec la doctrine chrétienne, qui sera exposée dans la moralisation. Curieusement c’est dans les légendes de ces oiseaux mal identifiés que le translateur roman retrouve le motif des Bestiaires médiévaux, la renaissance, en trois étapes, à partir des cendres.
20Mais cette fidélité au poème ovidien n’est pas absolue. On trouve plusieurs descriptions d’oiseaux qui empruntent aux Bestiaires latins ou romans des caractéristiques parfois contradictoires avec les données de la fable latine.
L’utilisation des Bestiaires et d’autres sources
21C’est ainsi que, traduisant la métamorphose de Perdix, le neveu de Dédale que ce dernier avait poussé dans le vide par jalousie, mais que Pallas sauve en le transformant en perdrix, le translateur ajoute à propos de cet oiseau un élément qui ne doit rien aux Métamorphoses et qui en outre n’est pas cohérent avec la légende : Mes tant est sos et oublieus / Qu’il oublie ses propres eus / Et dou couver ne li souvient (VIII, 1757-59). Le personnage de la légende au contraire ressemblait à son oncle Dédale :
Bon sens et subtil ot assez
Pour retenir et pour entendre,
Si mest cure et paine à apprendre
Le mestier, qui moult li plesoit,
Et curieusement fesoit,
Com cil qui bien y entendoit,
Ce que ses mestres commendoit.
(VIII, 1722-1728)
22C’est dans le Physiologus ou les Bestiaires romans que le translateur a trouvé cette remarque sur la sottise de la perdrix. Le Physiologus présente la perdrix comme fraudulentum, en s’appuyant sur le verset 17.11 de Jérémie : Une perdrix couve des œufs qu’elle n’a pas pondus. / Ainsi celui qui se fait des richesses injustes : / au milieu de ses jours il doit les quitter / et en fin de compte il n’est qu’un sot22.En effet, la perdrix vole les œufs d’une autre mère et les couve. Mais dès que les petits entendent la voix de la mère qui a pondu les œufs, ils s’envolent vers elle, et la perdrix « reste sotte, seule et vaine » : remanet stultus et solus et inanis23. Pierre de Beauvais transcrit très fidèlement ces données : commençant par qualifier la pertris de triceresse, il conclut par les mots : remaint seule et vaine24. Le Bestiaire divin de Guillaume le Clerc appelle la perdrix oiseau plein de voisdie, orde et méfesant, mult traiteresce, laronesce, parce qu’elle emble et cove les altrui oes, mais reconnaît aux petits le pouvoir de retrouver leur vraie mère : La false mère remeint sole, conclut Guillaume le Clerc, ajoutant : Si ne se tent mie pur sage25. Si l’auteur de l’Ovide moralisé se sert ici de ces autres sources, c’est pour mieux décrire l’oiseau sans doute. C’est surtout parce qu’il pense déjà à sa moralisation.
23L’auteur français amplifie aussi le récit de la légende des alcyons, au livre XI. Après la tempête qui a coûté la vie à Céyx, sa femme Alcyoné et lui sont métamorphosés en oiseaux. Ovide alors raconte seulement que ces oiseaux vivent toujours en couple et nidifient sur la mer en hiver. Il écrit que « pendant sept jours sereins de la saison d’hiver, Alcyone couve son nid suspendu sur les flots. Alors c’est en mer le calme plat. »26. À la suite sans doute de ces vers, les alcyons sont devenus signes d’heureux présage. Or dès la fin de la partie « traduction » de la légende, notre auteur ajoute une idée à sa source :
‘Alchiones’ les claime l’on.
En yver, par le temps felon,
Vont voletant sor la marine.
Lors est folz qui par mer chemine
Pour la tempeste et pour le vent.
(XI, 3778-3781)
24Où le moraliste a-t-il trouvé cette note discordante ? Les Bestiaires ne parlent pas de l’alcyon, et on ne trouve que l’aspect positif chez le Pseudo-Hugues de Saint-Victor ou chez Isidore, comme chez Aristote ou Pline27. Le Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine de Pierre Grimal livre certes un récit sensiblement différent de celui d’Ovide28 : avec Céyx, Alcyoné « formait un ménage si heureux qu’ils se comparaient eux-mêmes à Zeus et à Héra. Irrités de cet orgueil, les dieux les transformèrent en oiseaux, lui en plongeon, elle en alcyon ». Mais, poursuit l’article, « Comme Alcyoné faisait son nid au bord de la mer, et que les vagues le lui détruisaient sans pitié, Zeus en eut compassion et ordonna que les vents se calmeraient pendant les sept jours qui précèdent et les sept jours qui suivent le solstice d’hiver, période pendant laquelle l’alcyon couve ses œufs. Ce sont les ‘jours de l’alcyon’, qui ne connaissent pas de tempête » : si l’orgueil des jeunes époux peut avoir suggéré à notre interprète l’idée de l’attachement aux biens matériels, cette version ne justifie pas que l’anonyme du xive siècle ait fait des alcyons des oiseaux de mauvais augure. En l’état actuel de nos recherches, il ne nous est pas permis de dire quelle est sa source – ni même s’il en a une. Tout ce que nous pouvons affirmer, c’est que cet aspect négatif est ajouté par l’auteur dans la pensée de sa moralisation.
25Le poète roman s’écarte encore d’Ovide pour décrire les oiseaux de la légende de Philomena. Pour la huppe, issue de la métamorphose de Térée, il ne reprend pas les détails de l’aigrette et du bec, qui dans l’hypotexte lui donnaient l’air d’avoir une tête armée29, mais ajoute les qualificatifs orz et despiz, petis et viauz. Dans le Physiologos grec, la huppe est la messagère du monde invisible et son symbolisme est positif (la progéniture de la huppe soigne ses parents)30. Mais le pseudo Hugues de Saint-Victor, dans le De Bestiis (I, 52) introduit la note discordante de sa puanteur, copiée sur Isidore31, qui lui-même s’appuie sur un commentaire de Jérôme à Zaccharie, 5, 932 : la huppe est caractérisée comme un oiseau à crête particulièrement répugnant, qui ramasse les excréments humains et se nourrit d’ordures nauséabondes, et qui vit autour des tombes. Si le Physiologus ne cite que la sollicitude de la huppe pour ses parents vieillissants, pour illustrer le précepte : « Tu honoreras ton père et ta mère »33 et si Pierre de Beauvais se contente de transcrire fidèlement celui qu’il appelle Phisiologes34, Guillaume le Clerc évoque aussi l’aspect négatif de l’oiseau :
La hupe est un oisel vilain :
Son ni n’est pas corteis ne sain,
Einz est fait de tai et d’ordure.
Mès mult sunt de bonne nature
Li oiselet qui de li issent ;
Car quant les pères enveillissent [...]
Dunques les socurent lor filz35.
26Les deux autres oiseaux, issus de la transformation de Procné et de Philoména, ne sont pas explicitement nommés par Ovide : « l’une s’envole vers les forêts, l’autre pénètre sous les toits ; sa poitrine garde les traces du meurtre et son plumage est tâché de sang. » Le translateur médiéval précise que Procné devient une arondele et Philoména un rossignos. Mais c’est sans doute une glose qui le lui permet. Celle qui « s’envole vers les forêts » pourrait être le rossignol36 et celle qui « pénètre sous les toits » admettrait l’analogie de l’hirondelle… si sa poitrine était rouge37. Seul Pierre de Beauvais décrit le rossignol38 et l’hirondelle – mais il ne signale pas la couleur rouge de l’oiseau39.
27Un autre oiseau, représenté sur la toile de Pallas au livre VI, reçoit curieusement une interprétation qui inverse les données de la fable ; il s’agit du volatile issu de la métamorphose de Pigmea, la reine des Pygmées, que Junon changea en grue parce qu’elle avait voulu se faire rendre les honneurs divins : si Pallas la tisse dans un des quatre médaillons qui entourent sa toile, c’est pour en faire un avertissement destiné à Arachné et aux mortels qui outrepassent les limites de la sphère humaine40. Or notre exégète lui donne une lecture positive : il quitte ici les données de la fable pour utiliser peut-être celles de Pline, qui dépeint le voyage de migration des grues comme un exemple de prudence41. Parmi les Bestiaires médiévaux, seul celui de Pierre de Beauvais décrit la grue, qui a moult de porveance en soi42 .C’est cette observation du comportement des grues qui fournit à notre moraliste la matière de son allégorie (VI, 560-596).
28De même la métamorphose de l’Antigone troyenne en cigogne est un châtiment de Junon à laquelle elle « osa jadis se mesurer », Antigonen ausam contendere. Ovide décrit simplement le « blanc plumage » de la cigogne, qui « s’applaudit elle-même en claquant du bec », candida pennis / Ipsa sibi plaudat crepitante ciconia rostro43. L’Ovide moralisé ne se contente pas de reprendre ce détail pittoresque et bien observé (Si fet son bec trop fort cliquier / Et haut noisier) : il décrit longuement le comportement des cigognes, qui construisent leurs nids au plus aparissant repaire / de la vile, et nourrissent leurs petits de morsiaus vilz et ors : / Raines, serpens et poissons mors (VI, 616-634). Ces aspects négatifs ne viennent pas de Pline, qui ne décrit que leur voyage de migration44 et leur piété filiale45. Ni le Physiologus ni les Bestiaires romans ne mentionnent la cigogne46. Isidore de Séville « donne en exemple les cigognes pour inciter les générations à s’entraider »47 et le pseudo Hugues de Saint Victor rappelle que « la cigogne est ennemie des serpents ». « Les serpents sont les pensées perverses ou les frères pervers », et comme « la cigogne frappe de son bec », « le juste réprime les mauvaises pensées et reprend les frères méchants »48. Ce n’est pas dans ces textes que l’auteur de l’Ovide moralisé a lu les détails qu’il présente49. Il est donc étrange de voir l’auteur de l’Ovide moralisé dresser ce tableau négatif des cigognes, que, sans doute, il commence par interpréter comme les figures des prostituées, mais qu’ensuite il va comprendre de façon positive. Il est vrai que dans la légende, les métamorphoses en grue et en cigogne étaient les châtiments de l’orgueil : le tableau dépréciatif des cigognes va dans le sens de la fable ovidienne, et prépare la première allégorie. Mais la deuxième interprétation va leur faire subir une nouvelle métamorphose…
29Ainsi donc la peinture des oiseaux dans l’Ovide moralisé se caractérise par cette « contamination des sources ». Comment apprécier cette technique ? Ne risque-t-elle pas de provoquer une certaine incohérence ? Si l’on peut concéder qu’il y a parfois un certain « bricolage » des sources, la présentation des fables annonce et justifie les futures allégories : telle est la cohésion profonde de toute l’entreprise de l’Ovide moralisé.
Les interprétations spirituelles : bipolarité
30Ce qui distingue finalement les allégories des oiseaux dans l’Ovide moralisé, c’est leur ambivalence : les oiseaux peuvent être des figures positives ou négatives.
Interprétation négative
31On pourrait penser que le symbolisme des oiseaux est toujours positif ; c’est loin d’être le cas. On comprend en particulier pourquoi le translateur a ajouté parfois à sa source principale des détails négatifs dans sa description des oiseaux50.
32Si, en décrivant la perdrix, il reprend au Physiologus ou aux Bestiaires le détail de la sottise de l’oiseau, qui ne correspond pas au personnage légendaire de Perdix, intelligent et inventif, c’est parce qu’il sait qu’il va allégoriser négativement cette figure. Pourtant son interprétation est différente de celle qu’il pouvait lire dans le Physiologus ou les Bestiaires : il ne fait pas de la perdrix la figure du diable51, mais, repensant peut-être à son explication « historique » de Phaéton, et dans des pensées autoréflexives aussi sans doute, l’assimile au savant qui s’enorgueillit de son savoir, Cil qui met s’entente et sa cure / En vaine sapience aquerre (VIII, 1868-69). Dieu punit ces savants orgueilleux52. Le moraliste s’appuie donc sur l’idée de sottise, ajoutée aux Métamorphoses, et sur celle de solitude qui clôt le Physiologus, comme les Bestiaires de Guillaume le clerc ou de Pierre de Beauvais, quand il écrit : Et ce que decevablement, / Par tricherie ou en emblé, / Orent aguis et assemblé / Les convent perdre. / Ensi avient : Qui mal acquiert à mal preu vient (1912-1916).
33Si, sous sa plume, les alcyons deviennent de mauvais augure, cet ajout est dû au fait qu’il sait déjà comment il va « moraliser » le personnage de Céyx, si amoureux de sa femme Alcyone qu’il hésite un moment à entreprendre le voyage vers le sanctuaire d’Apollon : dans l’allégorie il figurera les pécheurs invétérés, ceux qui aiment tant les plaisirs de ce monde53, qu’ils refusent de se repentir et de partir en pèlerinage : les oiseaux sont ces pécheurs, les hommes et les femmes qui s’adonnent aux plaisirs terrestres, dont il abusent54, / Et les embracent gloutement (4139-40). Et Quant l’en voit telz oisiaux voler / Pour les mondains biens engoler, / C’est signe de troublacion / Et d’amere perdicion… (4142-4145).
34Comment sont compris les oiseaux de la légende de Philoména ? La première « exposition » est « l’histoire vraie » de Pandion, roi d’Athènes, de Térée roi de Thrace, son allié devenu son gendre, et des deux filles de Pandion, Procné et Philoména : la légende de métamorphose a été inventée après coup pour rendre compte de cette histoire, pour la figurer, pour l’imager. C’est parce que Philoména avait été cachée dans un bois et qu’elle avait bien « chanté » (bien raconté son histoire : l’auteur fait référence à la tapisserie de Philoména), que la fable a « feint », fait semblant (aux sens médiévaux du terme), a imagé ses caractéristiques par une métamorphose en rossignol. Pour ce que tant fu ou boscage / [...] / Et que tant avoit bien chanté / [...] Faint la fable qu’el fu muee / En rousseignol. C’est parce que Procné après sa vengeance s’était enfuie en haut d’une tour que la fable a « feint » qu’elle était devenue une hirondelle, oiseau qui fait son nid en haut des tours : ici, c’est un détail matériel que la fable illustre par un trait caractéristique de son personnage, le lieu de vie de Procné après sa fuite, qui se trouve être le lieu de vie habituel des hirondelles. C’est parce que Térée a commis le pire des crimes que la fable a « feint » qu’il était devenu une « hupe et orde et vis » : c’est ici que nous retrouvons les caractéristiques des bestiaires qui font de la huppe un oiseau sale et plein « d’ordure ». Mais l’interprète reprend aussi le détail matériel tiré d’Ovide qu’il avait omis dans sa translation : Térée avait été « chevalier armé d’un casque avec crête », d’où la transformation en huppe, avec son « aigrette » caractéristique.
35La deuxième moralisation est tropologique : Procné figure l’âme humaine, unie au corps, représenté par Térée. Philoména est le symbole des biens terrestres. Pour l’hirondelle, l’interprète du xive siècle a pu s’inspirer de l’allégorie de Pierre de Beauvais, qui est négative55 : dans l’Ovide moralisé, Procné / l’âme humaine, met Térée / le corps en péril et encourt la damnation pour jouir (« voir » sa sœur devient « avoir » dans l’allégorie) de Philoména / des plaisirs terrestres. Mais l’allégorie du rossignol est entièrement positive chez Pierre de Beauvais, le seul des auteurs de Bestiaires à présenter cet oiseau56 : le moraliste du xive siècle ne doit rien à cette interprétation.
Interprétations positives
36Cependant nombre d’oiseaux représentent des transformations bénéfiques : ils peuvent être les figures des vertus ou des âmes repenties, Aigle de haut entendement, / Paön de biau contenement, / Colon de simple humilité… (XV, 607577). Cygnus métamorphosé en cygne représente l’espoir du salut. La tropologie lui donne l’analogie favorable du riche homme qui s’umelie, capable de tirer une leçon de l’exemple d’autrui et de s’amender (II, 1173-1208). L’anagogie l’assimile à ceux qui se repentiront. L’interprète s’appuie sans doute ici sur la couleur blanche de l’oiseau : Devendront cigne pur et monde (1249). Le seul bestiaire roman qui traite du cygne, celui de Pierre de Beauvais, ne retient que le chant de l’oiseau, et en fait la figure de l’âme qui a joie en tribulation57.
37Le phénix est bien sûr la figure adéquate du Christ, et Marie est le « doux nid » plains d’espices, / Plains de douceur, plains de delices, / D’encens, de mirre et d’aroment, / De caise et d’autre odorement, / Où li vrais Phenix se coucha… (XV, 6129-33). Cénée aussi est allégorisé par le Christ, aux vers 2978-2993 du livre XII. Le changement de sexe de Cénée, que Neptune lui avait accordé après l’avoir violée, est interprété par l’Incarnation. Puis, quand le héros, étouffé parce que les Centaures ne peuvent le tuer par l’épée, devient un oiseau, il est l’eaxcte analogie du Christ ressuscité (3007-3009).
Interprétations doubles
38Mais la gent ailée est susceptible d’interprétations doubles – de celles qui ont parfois agacé la critique et provoqué ses accusations d’incohérence contre l’Ovide moralisé58.
39C’est le cas pour les dames de Thèbes qui pleurent la mort d’Ino et que Junon transforme : Les unes mue en pierre dure, / Et les autres mue en oiseles, / Qui sor mer vont batant lor eles (IV, 4879-4881). Or les compagnes d’Ino reçoivent successivement deux leçons tropologiques inverses ; la première est négative :
Li cuer inconstant et muable,
Volage et vain et foloiable […]
Sont samblable a oisiaux volans.
(4914-4920)
40Mais cette interprétation ne fait pas le tour des possibilités offertes par la fable à l’exégète, qui propose une deuxième solution :
Si puis, ce me semble, aus oiseles
Comparer ceulz qui o les eles
De droite contemplacion
Lievent la meditacion
De lor cuers au ciel droitement.
(4958-62)
41L’aigle lui-même est une figure ambivalente, qui peut recevoir une lecture positive ou négative : dans l’interprétation allégorique de la toile d’Arachné, L’aigle fu Sains Jehans li sages (784). Au livre V aussi, dans l’allégorie du bouclier de Persée (celui d’Athéna), l’aigle représente saint Jean, qui Parla de la divinité / Et de la pardurableté / Dou fil et de s’Ascencion. (1334-1361). Et dans la lecture « ordonnée » de la prédication pythagoricienne, l’aigle, qui vole plus hautement, est l’image du prélat, qui plus saintement doit vivre et ses sougiez atraire, / Par doctrine et par examplaire… (4685-88). Mais le frère de Nestor, Périclymène, tué par Hercule, qu’il avait attaqué en prenant la forme d’un aigle, est l’orgueilleuz volant que Dieu Fist trebuschier mat et dolant / Des cieulz… (3175-76).
42Il faut pour finir revenir sur ces allégories qui inversent les données de la fable : la grue et la cigogne, tissées par Athéna pour avertir Arachné de renoncer à son hybris, reçoivent finalement une lecture positive. La grue devient une figure de contemplatif :
Pigmea fu une roïne
Qui en l’Escripture Devine
Mist sa cure et s’entencion,
Si vault en contemplacion
Vivre tous les jours de sa vie.
(547-551)
[…] Teulz fu Pigmea la gentis,
Qui fu pensive et ententis
De soi garder et pourveoir
De mesfaire et de forsveoir.
Teuls est l’ame contemplative.
(597-601)
43L’explication de ces inversions opérées par l’allégorie nous est fournie quelques vers plus bas : après avoir proposé une lecture négative de la métamorphose d’Antigoné en cigogne, l’interprète se ravise : Autre sentence i puet l’en metre, / Miex acordable a cestre59 letre, / Quar sapience en sa tisture / Ne doit metre aucune laidure (669-672). Une nouvelle fois, c’est à la vie de contemplation qu’est comparée la figure légendaire. Antigoné, fille de Laomédon, devint cigogne Qu’ele n’ot cure de desroi, / D’orgueil ne de presumpcion, / Ainsi vault par contemplacion / Voler vers le ciel hautement (678-81). Ainsi l’interprète transforme les avertissements de la fable en tableaux positifs, qui doivent inciter le lecteur à adopter ce style de vie.
Conclusion
44Que nous apprend ce rapide panorama ? Le poète roman prend plaisir à décrire les oiseaux, et quand Ovide ne suffit pas, il se plonge dans l’Histoire Naturelle de Pline, dans le Physiologus latin ou les Bestiaires romans.
45Mais on s’aperçoit que, quand les détails fournis par ces autres sources contredisent la légende ovidienne, ils sont toujours en cohérence avec l’allégorie, qu’ils annoncent et justifient. C’est donc son interprétation qui reste le point de mire de l’auteur roman.
46Cela n’empêche pas que cet esprit ne soit aussi un poète, et un « scientifique », au sens où on pouvait l’entendre au début du xive siècle : ses tableaux sont souvent précis et colorés, saisissent sur le vif les traits et les comportements des habitants du ciel. Il est vrai que l’observation et la description de la nature relèvent de sa mission, qui consiste à retrouver le doigt de Dieu dans la Création, pour lui rendre grâce et conduire les esprits humains à le reconnaître et à le rejoindre. C’est la conception des encyclopédistes des xiiie et xive siècles, c’est dans cet esprit sans doute que l’auteur dépeint les oiseaux et les autres animaux.
Notes de bas de page
1 G. Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, éd. du Seuil, Paris, 1982. p. 370.
2 Ovide moralisé, livre XIV, vers 2874-76 ; cf. Ovide, Métamorphoses, éd. et trad. Georges Lafaye, Les Belles Lettres, Paris, 1969, livre XIV, vers 388-89 : se solito velocius ipse / Currere miratur.
3 Cf. Picus : Mét., XIV, 393-395, éd. et trad. cit., t. III, p. 103 ; Ovide moralisé, XIV, 2884-90.
4 Mét., VIII, 544-46 : … natis in corpore pennis / Allevat et longas per bracchia porrigit alas / [...] versasque per aera mittit, 5 « (Diane) fait croître des plumes sur leurs corps, les relève de terre, étend de longues ailes sur leurs bras [...] et les envoie, ainsi métamorphosées, à travers les airs », éd. et trad. cit, t. II, p. 79. Ov. Mor., VIII, 2662-64 : Par l’air s’en sont toutes volees. / Noves pennes lor sont venues : / Toutes sont oisiaux devenues.
5 Mét., VIII, 252-55 : … Pallas avemque / Reddidit et medio velavit in aere pennis. / Sed vigor ingenii quondam velocis in alas / Inque pedes abiit… « Pallas […] en fit un oiseau et, au milieu même des airs, le couvrit de plumes. La vigueur de son esprit si prompt a passé dans ses ailes et dans ses pieds », éd. et trad. cit., t. II, p. 69. Ov. Mor., VIII, 1742-46 : …l’a fait oisiel, / Qui toute sa legiereté, / Son enging et s’aperteté / Retint aux penes et aus piez. / Isniaux est et bien afaitiez.
6 Mét., XIV, 498-501 : « ses cheveux se changent en plumes, des plumes revêtent son cou, qui a pris une forme nouvelle, sa poitrine et son dos ; d’autres plus grandes, couvrent ses bras ; ses coudes deviennent en se courbant des ailes légères », éd. et trad. cit., t. III, p. 106-107.
7 Notons que dans cette version, le translateur reprend et développe l’idée de légèreté et de mobilité.
8 Picus perçoit la dureté de son bec, quand de colère il en frappe les arbres : Mét., XIV, 391-92, éd. et trad. cit., t. III, p. 103 ; Ov. Mor., XIV, 2881-83. C’est le ms B qui reprend pour Acmon le détail précisé par Ovide (magna pedis digitos pars occupat, « à ses pieds, les doigts sont presque envahis par les parties voisines ») : Entre les dois des pies se tiennent / Charneuses peauls qui les detiennent (XIV, 3858-59).
9 Ce fils de Priam essaie de se suicider après la mort d’Hespérie, sa bien-aimée. Thétis le métamorphose en oiseau qui, plongeant sans cesse dans la mer, reçoit le nom de plongeon. Cf. Mét., XI, 793-794 : Fecit amor maciem ; longa internodia crurum, / Longa manet cervix… ; Ov. Mor., XI, 4227-4228 : Longue entrejointe es cuisses a / [...] et maigre a le cors.
10 Mét., XIV, 498 : Vox pariter vocisque via est tenuata. Ov. mor., ms A : La vois li est trop agroillie (v. 3852), li conduis dont la vois vient / Li restraint (3853-54).
11 Cf. Cygnus, au livre II : Mét., v. 377 : Fit nova Cygnus avis ; Ov. Mor., 1130-31 : En la fin fu Cignus muez / En un oisel, qui ‘cigne’a non. Cf. aussi un autre Cygnus au livre XII : Mét., 144-145 : corpus deus aequoris albam / Contulit in volucrem, cujus modo nomen habebat, « le dieu des mers a fait de son corps cet oiseau au blanc plumage dont naguère il portait le nom » ; Ov. mor., 1922-1924 : Que Neptunus ot ja mué / En blanc oisiau, qui porte encores / Le non qu’il avoit eü lores. Cygnus portait-il le nom de l’oiseau, ou a-t-il donné son nom à un oiseau nouveau ?
12 « Si tu demandes quelle est la forme de ces oiseaux incertains, / sans être celle des cygnes au blanc plumage, elle s’en rapproche beaucoup », Métamorphoses, XIV, 508-509, éd. et trad. cit., t. III, p. 107.
13 Chapitre LXI, éd. Dubochet, Paris, 1848-1850, volume 2, livre X, : « Juba les appelle catarractes ».
14 Métamorphoses, XIII, 618 ; Ovide moralisé, XIII, 2428-2431.
15 Pline l’Ancien, loc. cit., chap. XXXII : « Des auteurs disent que tous les ans il vient d’Éthiopie à Ilion des oiseaux qui se livrent combat sur le tombeau de Memnon ; ce qui leur a valu le nom de memnonides. » Note de l’édition Dubochet : « selon Cuvier, il se pourrait que ces memnonides fussent les combattants (stringa pugnax), oiseaux de rivage bien connus par les batailles acharnées des mâles au printemps ». Il s’agit d’un échassier.
16 Ov. mor., XIV, 4336-4344. Cf. Mét., XIV, 575-579 : …tepida patuerunt tecta favilla, / Congerie e media tum primum cognita praepes / Subvolat et cineres plausis everberat alis ; / Et sonus et macies et pallor et omnia, captam / Quae deceant urbem… (…du milieu de ses ruines s’envole un oiseau jusqu’alors inconnu, qui, à grands coups d’ailes, rejette au loin la cendre ; ses cris, sa maigreur, sa pâleur, tout en lui rappelle une ville prise…), éd. et trad. cit., t. III, p. 109.
17 Soulignées pour les Memnonides par les mots latins primo similis volucri, mox vera volucris (XIII, 607) plus que par la translation française, qui peut-être ne comprend pas l’allusion : Premierement samblent oiseles / […] Si furent elles, ce m’est vis (XIII, 2407-2409).
18 C’est ce qui explique le soutien que notre auteur anonyme apporte à Ovide rédigeant les deux premiers vers des Métamorphoses : In nova fert animus mutatas dicere formas / Corpora. Cf. Ovide moralisé, I, 72-96.
19 Sorte de cannelle pour l’éditeur de Boer.
20 Ou amome, plante orientale odoriférante pour de Boer.
21 Cf. éd. C. Cahier – A. Martin, dans Mélanges d’archéologie, d’histoire et de littérature, t. 2, 1851, p. 183-185. Guillaume le Clerc : Od son bek alume le feu ; […] Si se met enz demeintenant ; / Si se art en poldre et en cendre. Pierre de Beauvais : Si se drèce sor son ni par dedans, si muet les èles et débat vers le soleil tant que une grant calor ist de lui, qui esprent les espices en son nid, et art tot environ lui, tant qu’il est ars et bruslés en son ni. Physiologus : circumvolens se de aromatibus, ignem ipse sibi incendit et seipsum exurit.
22 Clamavit perdix et congregavit quae non peperit, faciens sibi divitias non cum iudicio ; in dimidio autem dierum eius relinquent ea, et in novissimis suis erit stultus. Cf. La Sainte Bible, éd. du Cerf, Paris, 1961.
23 Physiologus, XXV, éd. Sbordone, Physiologus, Milan, 1936, p. 46.
24 Édition Cahier, t. 3, p. 247.
25 Ibid., p. 249.
26 Perque dies placidos hiberno tempore septem / Incubat Alcyone pendentibus aequore nidis. / Tunc jacet unda maris. (XI, 745-747).
27 Cf. Florence McCulloch, Medieval Latin and French Bestiaries, Chapel Hill: University of North Carolina Press, 1962, art. Kingfisher (halcyon), p. 135.
28 Article Alcyoné, p. 27-28. Voir Hygin, Fables, 65.
29 Mét., VI, 672-674 : c’est parce que Térée était un guerrier et que son casque portait une aigrette que ce trait physique s’est conservé dans sa métamorphose en huppe. Dans l’Ovide moralisé, c’est l’aspect moral du personnage qui explique sa transformation.
30 II est vrai qu’Aristote mentionne qu’elle construit son nid avec des excréments humains.
31 Avis spurcissima, écrit Isidore (Etymologiae, XII, 7, 66), qui s’appuie sur le nom de la huppe : « Upupam Graeci appellant, quod stercora humana consideret ».
32 Cf. Patrologie Latine, XXV, col. 819-820.
33 Horum filii, cum viderint parentes suos senuisse [...] tunc filii eorum evellunt vetustissimas pennas parentum suorum, et diligunt oculos parentum suorum, et fovent eos sub alas suas…, éd. Sbordone., p. 21.
34 Et quant li joene hupelot voient lor père et lor mère si à meschief, si esrachent les vielles pennes de lor père et de lor mère ; si les norissent sous lor eles…, éd. Cahier., t. 2, p. 177-178.
35 Éd. Cahier, t. 2, p. 179.
36 Pline admire longuement le chant du rossignol, mais ne décrit aucun autre aspect. Cf. Histoire Naturelle, X, XLIII, éd. cit, vol. 1, p. 405.
37 Buffon signale une « hirondelle à gorge roussâtre » et une « hirondelle à ventre roux », mais la première vit sur les bords de la Plata et la seconde au Sénégal (Histoire Naturelle, t. 6, p. 698 et 610).
38 Il se tient volentiers en beax forès et en beaus gardins, et demaine si grant joie de li meisme et de son chant qui tant li plaist, que por I poi que il ne se deront tot en chantant. Éd. cit., t. 2, p. 159.
39 En outre, la version romane ajoute un développement sur le cri de l’hirondelle qui deviendraun lieu commun au Moyen Âge, mais qui n’est pas chez Ovide, ni chez Pierre de Beauvais.
40 Mét., VI, 90-92 : cf. la note 3 de G. Lafaye : « Gerana, la grue, reine d’un peuple de nains habitant aux sources du Nil, avait voulu se faire rendre les honneurs divins.», éd. cit., t. II, p. 5. L’oiseau n’est pas décrit.
41 À l’arrière-garde elles placent des surveillants qui se relèvent, poussent des cris, et de la voix contiennent la troupe. Pendant la nuit elles posent des sentinelles qui tiennent un caillou dans la patte ; si la sentinelle s’endort, le caillou tombe, et trahit la négligence, éd. cit., X, XXX, p. 401.
42 Pierre explique différemment le détail des cailloux : Et cèle qui gaite, por ce que èle ne vieut pas dormir, si prent petite pierètes en ses piés ; porce que èle ne se poet fermement ester, ne que se poet fermement endormir, éd. Cahier, p. 142. C’est cette explication que reprend l’Ov. Mor. : Et cele qui fait l’eschaugaite, / Pour fere plus segurement / La garde, fet asamblement / Sous ses piez de pierres menues, / Por ce qu’en estant dorment grues, / Si qu’el vait toute chancelant : / Lors ne li prent fain ne talant / De dormir… (VI, 570-577).
43 Cf. Mét., VI, 93-97 et note 4 de G. Lafaye, ibid. : cette héroïne troyenne, qui n’a aucun rapport avec la fille d’Œdipe, se vantait d’avoir d’aussi beaux cheveux que Junon : c’est la déesse qui la punit en la métamorphosant.
44 Pline, Hist. Nat., X, XXXI.
45 Pline, Hist. Nat., X, XXXII.
46 Mais Dom Pierre Miquel traite dans le même article grue, cigogne, héron et ibis (Dictionnnaire symbolique, p. 101) : peut-être les médiévaux les confondaient-ils en effet.
47 Étymologies, XII, 7, cité par Dom Pierre Miquel, loc. cit., p. 106.
48 P. L. 177, 43D, cité ibid.
49 Au xviiie siècle encore, dans la longue description qu’il donne de l’oiseau, Buffon ne rapporte aucun commentaire péjoratif.
50 On comprend peut-être aussi que plusieurs fois des personnages de la légende présentent la métamorphose en oiseau comme une perte.
51 Cf. éd. cit., p. 247-250.
52 De la hautesce de savoir / Les verse, et pour leur non savoir / Les dampne, et destruit et confont / Ceulz qui tel sapience font. / Lor sapience lor assote, / Si qu’il ne sevent veoir gote / Et que Dieu congnoistre ne pueent / Par lor fol sen, où il s’apueent, / Qui les met à perdicion (VIII, 1896-1903).
53 Maint amerent tant le monde / Et la mondaine vanité […] / Qu’il orent espousee et prise, 3813-3818.
54 C’est la distinction augustinienne entre frui et uti.
55 Ta pasture que tu quiers en volant, c’est qu’il ne te chaut comment mais que tu aies ta volonté de ton cors et les delis dou monde. Cependant la capacité de soigner les yeux de ses petits est comprise comme la possibilité de guérir de nos péchés, représentée par la confession. Cf. éd. Cahier, p. 145.
56 Il est example de la sainte âme qui en la nuit de ceste vie atent nostre Segnor le vrai soleil de justice. Et quant èle sent qu’il est venus en son cuer par grasse, si a grant joie…, éd. cit., p. 159.
57 Le pseudo Hugues de Saint-Victor écrit cependant : « Le cygne a le plumage blanc, mais la chair noire : c’est un symbole de dissimulation. La blancheur de plumes cache la noirceur du péché de la chair » (P.L., 177, 51 B, cité par Dom Pierre Miquel, Dictionnaire symbolique des animaux, p. 135.
58 C’est le cas pour les Minyéides transformées en chauves-souris, que nous n’avons pas voulu compter parmi les oiseaux malgré leurs nombreux points communs avec les autres volatiles.
59 Sic.
Auteur
Université Lyon 2 – Lumière
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