Ontologie et représentationisme chez Fichte*
p. 47-62
Texte intégral
1C’est sur le concept de la représentation que se fonde l’ontologie transcendantale de Fichte : en tant qu’enquête qui concerne le savoir, la Doctrine de la Science ne peut en effet parler de ce qui est que grâce à ce qu’elle sait et qui, comme tel, n’est pas être mais se trouve en lieu et place de l’être. Avec la reconnaissance du caractère vicarial du savoir par rapport à l’être, Fichte partage sans doute l’affirmation kantienne selon laquelle la philosophie transcendantale ne s’occupe pas d’objets mais de la manière dont ceux-ci peuvent être connus a priori par le sujet1. En cela, on n’a toutefois énoncé que l’aspect général de la vicariance qui distingue le représentationisme fichtéen : on peut parler de la réalité, c’est-à-dire qu’elle a un sens accompli, en tant qu’elle est une réalité connue. Les débats contemporains suscités par la Critique de la raison pure sur la relation entre connaissance et réalité témoignent clairement que la pure conception vicariale de la représentation n’exclut pas du tout un représentationisme pour lequel, à côté de la réalité du savoir connaissant se donne une réalité en soi et indépendante du savoir même. Bien qu’il soit en effet vrai que la réalité essentielle (chose en soi) soit une réalité rationnelle, et que pour elle aussi vaut le lien pensée-être, il n’en reste quand même pas moins que, avec la séparation qui intervient entre l’objet phénoménal et l’objet nouménal, s’ouvre la question de savoir comment la représentation peut exercer une fonction vicariale par rapport à une réalité qui est différente d’elle. Considérons par exemple la solution proposée sur ce point par la Théorie de la représentation de Karl Leonhard Reinhold : la Vorstellung vient ici à être considérée comme une repraesentatio qui reçoit son propre nom grâce au rôle de remplaçant que la matière de la représentation exerce à l’égard de l’objet extérieur dans la conscience2. Bien qu’une réalité en soi doive être considérée comme contradictoire par rapport à la réalité mentale, parce que leurs formes sont différentes3, précisément le rôle vicarial de la représentation renvoie dans cette théorie reinholdienne à la nécessité absolue d’une réalité de l’objet qui dépasse le savoir phénoménal. Si, en effet, la matière de la représentation prend la place de l’objet représenté, il faut qu’on ait à l’extérieur de l’esprit exactement celle réalité à laquelle correspond l’image mentale, à moins de conclure que la représentation intérieure est une pure création du sujet connaissant4.
2Au représentationisme reinholdien, qui postule la donabilité de la réalité extérieure à la conscience, et qui trouve pourtant son fondement dans l’opposition entre l’immanence mentale et la transcendance chosique, répond depuis l’époque d’Iéna la Doctrine de la Science fichtéenne. En bref, cette dernière essaie de résoudre le moment de la réalité transcendante dans un immanentisme complet pour lequel la présence du Non-Moi dans la représentation de la conscience est justifiée à partir de l’activité par laquelle le Moi se pose lui-même et s’oppose un objet. Dans la « Déduction de la représentation » de la Grundlage, on peut lire que la réalité est seulement dans l’intellect parce que c’est seulement en lui que se réalise la transformation de l’idéal dans le réel. La ferme conviction de la réalité des choses à l’extérieur de nous résulte du fait que sa production par l’imagination productive reste inconsciente pour la conscience commune5 ».
3Fichte est resté fidèle jusqu’à sa mort à cet immanentisme de la représentation. Bien que la restructuration de la Doctrine de la Science après l’Atheismusstreit le conduise à relativiser la valeur du Moi et de la conscience pure, qui passent du statut de fondements ultimes du savoir à celui de moments dans lesquels l’absolu se manifeste, il reste vrai que même après Iéna la question de la représentation concerne uniquement le lien que le savoir établit avec l’être. Si ce dernier point est clair, il demeure moins facile de reconnaître les conditions ou les conséquences théoriques que la nouvelle conception fichtéenne de la représentation implique. Dans les pages suivantes, il s’agit donc d’en analyser les caractères principaux, d’en mettre en évidence la cohérence spéculative et d’en fixer le sens dernier.
« Vorstellung » et « Repräsentation »
4Fichte soustrait tôt le concept de représentation au champ purement théorique-cognitif. Si dans la Grundlage, qui, certainement, se ressent considérablement de l’approche reinholdienne du thème du représenter, il est encore d’avis que la Vorstellung a trait à la partie théorique de la philosophie, il pense néanmoins déjà que la question représentative n’épuise pas la Doctrine de la Science en son entier. Dans Über den Begriff der Wissenschaftslehre, il peut donc affirmer que la réflexion philosophique est bien sûr un représenter, ce pourquoi le sujet philosophique est sans doute un Moi représentant, mais que, toutefois, cela ne signifie pas du tout que l’objet sur lequel s’exerce la représentation – le Moi considéré dans sa pureté – est lui-même une représentation6. Le Fichte de la Grundlage, peut donc affirmer contre Reinhold que le représenter constitue seulement une détermination particulière de l’être, mais qu’il n’en est pas l’essence, et que donc la Théorie de la représentation ne peut être considerée comme une propédeutique à la science de la philosophie7. Lorsque disparaît la division en partie théorique et partie pratique de la philosophie dans la Doctrine de la science Nova methodo, on remarque de façon encore plus incisive que les représentations des choses sont liées au sentiment de la nécessité – c’est-à-dire que les représentations de la réalité extérieure ne sont pas le simple produit de l’action des choses sur l’esprit (comme le pensent les philosophes dogmatiques), mais qu’elles sont l’effet du lien qui s’établit entre choses et représentations. Le représenter n’est jamais la relation simple entre entités – le sujet qui connaît et la réalité connue –, mais il est plutôt le rapport complexe entre activités – l’agir de l’objet sur le sujet qui se couple avec l’agir du sujet sur l’objet. Les représentations ne sont donc pas des miroirs du monde parce qu’elles sont elles-mêmes des déterminations de l’activité spontanée de la conscience8.
5Avec la reconnaissance du lien représentatif – non entre entités mais entre activités – intervient sans aucun doute une variation significative par rapport à la question de la représentation qui distingue la Doctrine de la Science de la Théorie de la représentation reinholdienne mentionnée ci-dessus. Pour Reinhold aussi, le lien entre réalité extérieure et réalité mentale n’est pas une relation immédiate entre entités différentes : la première ne se transforme pas en la seconde par un processus d’action-réaction. En tant que la représentation se fonde sur le rapport entre ses deux conditions intérieures – la forme et la matière de la représentation –, Reinhold peut affirmer qu’il n’est pas du tout vrai que la chose devient représentation, dès lors que la représentation même a sa nature spécifique. La représentation de l’arbre est donc différente de l’arbre représenté en tant qu’elle possède avant tout une matière – on pourrait dire : les données sensorielles – qui ne s’identifie pas avec l’objet au sens propre du terme. Reinhold développe à cet égard l’exemple de l’arbre en observant que l’arbre vu de loin et l’arbre vu de près est toujours le même arbre, bien qu’il ne soit pas représenté de la même façon, en tant que la matière de la représentation de l’arbre change et augmente au fur et à mesure qu’on se rapproche de lui et qu’on en voit mieux les déterminations et les caractéristiques constitutives9. Mais entre la représentation de l’arbre et l’arbre, il y a aussi une différence de forme : si la première est subjective, le second est objectif au sens ou il est la forme typique de la matière de l’objet10. La forme objective est donc la forme que l’objet a en soi, la subjective est au contraire celle qu’il prend dans la représentation qu’on en a. Ici on voit bien la différence à laquelle je faisais allusion auparavant : pour Reinhold, une chose peut devenir objet de la représentation en tant qu’elle perd sa forme objective et assume dans la conscience la forme de la représentation. Alors que, pour Reinhold, il y a une substitution de la forme subjective à la forme objective – on pourrait dire un changement des formes de l’être (de la réalité extérieure à la réalité mentale) –, chez Fichte, le rapport représentatif ne s’instaure pas entre entités formelles mais entre activités, celle du Moi et celle du Non-Moi. Il en retourne ici clairement de la différence entre une philosophie de la factualité (Reinhold) et une philosophie de l’actualité (Fichte).
6Le lien qui relie l’absolu et le savoir est compris même dans la dernière Doctrine de la Science selon une modalité représentative que Fichte, le plus souvent, préfère nommer avec le terme latin repraesentatio plutôt qu’avec son pendant allemand Vorstellung : la Wissenschaftslehre Erlangen parle par exemple du Moi comme du « Repräsentant des Absoluten11 ». À bien y regarder, la différence entre les deux notions est seulement terminologique et celui qui voulait y reconnaître une variation sémantique consécutive au changement des éléments de la relation se tromperait. Leur emploi démontre en fait leur synonymie : dans les deux cas, il s’agit de la fonction vicariale que le savoir (fût-il défini comme repraesentare plutôt que comme vorstellen) exerce par rapport à un autre élément. La Wissenschaftslehre Königsberg peut à cet égard parler du schème de la vie comme du pur « Stellvertreter » de la vie12, en comprenant par là exactement ce que désignent le terme latin repraesentatio et le terme allemand Vorstellung. Et il n’est pas du tout étonnant que l’Anweisung zum seeligen Leben exprime le lien qui relie l’absolu et son phénomène en utilisant le terme Vorstellung :
Il faut que l’être-là se saisisse, se connaisse et se forme lui-même en tant que simple être-là, et il faut qu’il pose et forme vis-à-vis de lui-même un être absolu, dont lui-même est précisément le simple être-là : il faut qu’à travers son être, il s’anéantisse vis-à-vis d’un autre être-là absolu, ce qui donne précisément le caractère de simple image, de représentation ou de conscience de l’être13.
7Il est plutôt raisonnable – et c’est là une différence importante qu’il convient de fixer – de faire la distinction entre un représentationisme inférieur et un représentationisme supérieur pour désigner la distance qui sépare la conception d’Iéna d’un savoir qui représente le représenté et la conception ultérieure d’un savoir dans lequel l’absolu se représente soi-même en tant qu’il est représenté dans et par le savoir.
Relation symbolique, ressemblance transcendantale et égalité spéculative
8Concentrons notre attention sur la Doctrine de la science d’après Iéna et essayons de mettre en évidence certains moments propres du représentationisme supérieur de Fichte. À cet effet, il est avant tout approprié de se rattacher à la Théorie de la représentation reinholdienne déjà citée afin d’introduire et d’illustrer un des moments les plus importants qui, dans une conception représentative qui se déclare transcendantale, doivent caractériser la relation entre représentation et représenté. Reinhold refuse qu’un tel rapport puisse être compris dans le sens mimétique : il n’est pas du tout vrai que les représentations sont des images-copies (Bilder) des choses, ni qu’il y a une ressemblance (Ähnlichkeit), au sens de la théorie de la copie, entre les deux moments de la relation. Reinhold refuse une telle conception en la considérant comme le fruit du préjugé selon lequel, entre le représenter et le voir, il y aurait une analogie ; si, entre l’image de la rétine et l’objet visible, existe une ressemblance, il ne doit pourtant y avoir de ressemblance entre l’objet de la représentation et la représentation mentale. Il faut au contraire avancer que les représentations ne sont pas images-copies des choses. Il leur manque en effet le caractère de la similitude au sens de la théorie de la copie (Abbildungstheorie), lequel doit au contraire être présent dans le rapport image en tant que copie / original de l’image. Il est par exemple impossible de comparer la représentation de la rose comme image-copie avec la rose comme original parce que, pour opérer une telle confrontation, il est nécessaire de se rattacher à la relation représentative. Cela exclut que la représentation puisse être comprise en tant que simple copie de l’original. En d’autres termes, la comparaison n’intervient jamais en dehors de l’esprit mais toujours à l’intérieur et par la représentation mentale. Il ne peut donc jamais y avoir d’objet en soi pour la comparaison, parce que, pour être confronté, l’objet doit perdre sa propre « enséité » pour devenir un objet représenté : sa matière ne pourra donc pas être semblable à celle de l’objet extérieur, pour autant qu’elle aura acquis une autre forme – la forme de la représentation –, en devenant matière de la représentation. La conclusion que Reinhold tire de ce raisonnement est importante pour notre réflexion sur Fichte :
Je ne peux donc pas passer de la prétendue image à l’orginal sans précisément transformer cette image en l’original ; autrement dit : l’image n’a pas d’original pour moi ; elle n’est donc pas image, mais c’est elle-même l’original14.
9À bien y regarder, une telle négation du rapport de ressemblance entre la représentation de l’objet et l’objet, comme aussi le refus que la représentation puisse être définie en termes d’image, trouvent leur explication dans la thèse transcendantale que le savoir n’est pas le simple reflet de la réalité. Le primat que, dans sa Théorie de la représentation, Reinhold attribue à l’image par rapport à l’original veut signifier que l’esprit a ses propres lois, grâce auxquelles il ne reçoit pas passivement, dans son intériorité, le monde, mais au contraire le produit dans et avec le savoir. Le problème qui se pose à ce stade de notre argumentation est de savoir si, dans une théorie de la représentation qui refuse le rapport original-copie et qui reconnaît que l’image est elle-même un original avec une matière et une forme spécifique, le thème de la ressemblance et de la correspondance entre le contenu représentatif et l’objet représenté ne continue pas à se poser. Et c’est précisément eu égard à cette question que l’on voit combien l’opposition entre phénomène et chose en soi – présente dans la Théorie de la représentation reinholdienne – force à postuler la ressemblance ou la correspondance entre matière et objet de la représentation. Si je vois une tulipe – l’exemple est de Reinhold –, je suis capable de la distinguer d’autres tulipes par les différences qui les caractérisent. Mais ces caractères appartiennent-ils à la matière de la représentation ou à l’objet représenté ? Reinhold pense qu’ils sont des propriétés de l’objet :
Mais toutes les différences que nous percevons dans les objets doivent aussi être présentes dans les représentations de ces derniers, et elles doivent y être présentes en tant que données si elles doivent avoir leur fondement dans les objets, et ne pas être simplement arbitraires15.
10Reinhold peut pourtant affirmer que la représentation conduit à prendre conscience de quelque chose qui appartient à l’objet, que l’on peut donc distinguer une tulipe d’une autre tulipe grâce aux différentes matières qui correspondent aux différents objets16. Ici s’affirme la ressemblance entre représentation et objet qui était niée auparavant : et cela a lieu, en définitive, parce que Reinhold continue à soutenir la différence entre le phénomène et la chose en soi – une différence qui le conduit à en revenir à une correspondance entre les prédicats de la matière et ceux de l’objet de la représentation. Afin que une telle contradiction puisse disparaître, il faut évidemment refuser l’opposition entre représentation phénoménale et objet nouménal, c’est-à-dire qu’il faut accorder – j’utilise à cet égard la thèse que Husserl soutient dans les Logische Untersuchungen – que l’objet intentionnel est l’objet réel et extérieur même, que donc il est absurde de les distinguer l’un de l’autre : « L’objet transcendant ne serait pas même objet de cette représentation, s’il n’était pas son objet intentionnel17 ».
11Le primat transcendantal du savoir sur les choses mis en évidence par la Théorie de la représentation reinholdienne résonne fortement dans le représentationisme supérieur de Fichte. Il s’agit maintenant de comprendre si et comment même la dernière philosophie fichtéenne contient le problème qu’on a vu surgir chez Reinhold. On sait que la seule manifestation de l’absolu est pour la Doctrine de la Science le savoir absolu ; la relation qui se trouve entre les deux éléments est comprise comme étant le rapport entre ce qui est et ce qui apparaît, non toutefois dans le sens de l’opposition platonicienne entre l’original et sa copie, mais, transcendantalement, comme lien entre être et savoir. Un savoir qui est donc bien sûr image de l’être, mais non de façon factuelle. L’affaiblissement de la valeur attribuée à l’activité du savoir dans sa compréhension comme reconstruction (Nachkonstruktion) d’un faire propre à l’absolu s’accompagne en effet de la thèse selon laquelle le se-poser du savoir est un construire sa propre essence d’image de l’absolu18. La Doctrine de la science 1811 s’exprime sur ce point de la façon suivante : « L’imager est l’impression nécessaire de l’être de l’imageant dans l’imager, et ainsi précisément l’être et son image tiennent-ils absolument ensemble19 ». Ici est repris le refus reinholdien de la thèse selon laquelle la relation représentative consisterait dans le rapport entre un original à imiter et une copie qu’imite l’original ; conséquemment, le refus de la conception classique de la vérité comme adaequatio intellectus et rei. À proprement parler, ce qui apparaît n’est pas en fait l’absolu séparé de sa relation avec le savoir, mais l’absolu dans cette relation : « Ce qui apparaît est l’éternel, “qui là est savoir”20 ». En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une simple modification d’être, dans le sens de la dialectique hégélienne ou de la chute schellingienne de l’indifférent dans le différent. Le changement de forme d’être qui se réalise dans le passage de l’absolu au savoir peut s’accomplir en tant que la forme n’est pas un donné ou une factualité (c’est là la thèse de la Théorie reinholdienne) mais une activité de construction par l’absolu et de reconstruction par le savoir. Avec les mots de la Wissenschaftslehre Erlangen : l’absolu se manifeste dans la forme de l’intelligere, mais, non pas cependant comme absolu « nude et simpliciter », mais comme absolu « in der Form des als21 ». L’immédiateté de la manifestation de l’absolu dont parle l’idéalisme de Schelling vient à être remplacée par la relation médiate entre absolu et savoir. « L’absolu qui apparaît ici n’est de ce fait pas l’absolu, mais il n’est que dans sa représentation22 ».
12Les questions qui se posent à ce stade sont les suivantes : que signifie la modification de forme qui intervient avec le phénomène de l’absolu par rapport à la question de la ressemblance refusée par Reinhold ? Est-il raisonnable de comprendre la relation entre l’absolu et son phénomène comme un lien entre semblables, sans retomber dans la thèse imitative de l’original et de la copie, et sans oublier que la copie a ses lois spécifiques et qu’elle-même est donc l’original ? Est-il raisonnable d’utiliser des termes comme ressemblance ou analogie s’il n’y a, à proprement parler, aucun original au-delà de la représentation ? Ou faut-il au contraire conclure que, pour la Doctrine de la Science, il n’existe aucun rapport d’analogie ou de similitude entre les éléments de la relation représentative ?
13Pour répondre à ces questions, il convient de rappeler la définition que les Thatsachen des Bewußtseins (1813) donnent du concept d’image :
Qu’est-ce absolument que l’essence de l’image ? Il en existe un concept négatif. L’être n’est pas image, et l’image n’est pas être ; pourtant, l’image a une relation à l’être et sans l’être elle ne saurait être image ; l’image absolue est image de l’être absolu, rapport à l’être absolu23.
14Une telle définition négative du rapport entre absolu et image établit avant tout la diversité qu’il y a entre l’absolu et son phénomène. Elle nous dit en plus qu’aucun passage d’être ne se réalise entre les éléments de la relation, c’est-à-dire que l’absolu ne se présente pas, ne tombe pas et ne passe pas dans la manifestation avec sa forme spécifique, mais qu’il se présente à nouveau grâce à l’image dans une forme qui est différente de la sienne propre. Une telle définition nous explique encore que la relation transcendantale entre l’absolu et l’image n’est pas une relation symbolique comme le serait celle – je reprends un exemple que j’ai trouvé chez Theodor Lipps et qui, à mon avis, convient bien à notre discours – entre le contenu spirituel (Inhalt) et l’objet représenté : « Le contenu représente l’objet, par exemple la face avant d’une maison déformée par la perspective représente pour moi la maison24 ».
15L’image dans le sens fichtéen ne se trouve donc pas dans une relation symbolique avec l’absolu, comme si la maison que je vois en face était un symbole de l’objet « maison » : dans l’image de l’absolu, je n’ai nul signe de l’absolu, mais je vois l’être que l’absolu possède dans la forme en dehors de soi. Dans le savoir, je ne vois pas l’absolu en positif mais seulement en négatif : cela ne signifie pas qu’entre eux il y ait le même lien symbolique que celui qui relie la maison représentée dans son contenu mental et à la maison comme objet : l’image de l’absolu dans le savoir me donne en fait tout l’absolu – bien que dans une autre forme – et pas seulement une partie de l’objet, comme c’est le cas dans la représentation symbolique de la maison.
16Une clarification supplémentaire de la question du type de représentation qu’il y a entre l’absolu et le savoir est donnée encore une fois par les Thatsachen des Bewußtseyns. Dans la Nachschrift Lisco, on lit que la deuxième forme d’être constituée par la manifestation de l’absolu est la substance – Fichte dit qu’elle est « ein Sustantiv25 » – qui se donne seulement dans la forme de l’entendement ; cela veut dire que la manifestation n’apparaît pas comme elle est en soi, c’est-à-dire en Dieu, mais comme elle se donne dans la forme de l’être du savoir. Fichte explique sa propre thèse avec les mots suivants :
Ce n’est pas ce qui découle de l’être qualitatif de l’apparaître (dont rien ne découle) mais ce qui découle de l’être formel, de la forme de l’entendement, qui est l’objet de la déduction de la ds26.
17Ce passage nous indique que la Doctrine de la Science expose le savoir non selon la qualité déterminée qui le caractérise, selon la matière donc, mais selon la forme. Par là, Fichte semble exclure la thèse de la ressemblance (matérielle ou de contenu) entre le représentant (le savoir) et le représenté (l’absolu) que la Théorie de la représentation reinholdienne avait confondus. Pour le confirmer, on pourrait lire les passages du même écrit où est dit que la Doctrine de la Science observe le lien que la manifestation de l’absolu a avec la forme de l’esprit, et que, donc, elle possède le phénomène uniquement selon une image vide et « sans contenu réel provenant de l’essence divine ». Et c’est exactement ainsi qu’il doit être – ajoute Fichte – « parce que sinon le contenu serait déjà recueilli dans la forme de l’entendement27 ». Que donc la Doctrine de la science concerne le savoir et non la vie, que sa tâche ne consiste pas à remplacer la vie mais seulement à l’éclaircir28, tout cela paraît constituer des affirmations qui excluent une conception représentative fondée sur la ressemblance ou sur la correspondance matérielle que le savoir saisirait entre l’absolu et lui-même.
18À bien y regarder, toutefois, pour la Doctrine de la Science il n’y a aucune distinction entre l’être qualitatif (le contenu) et l’être formel (la forme) de la représentation : l’image représentative possède une qualité qui lui vient de l’être image de l’absolu, elle a par suite une forme qui est la forme avec laquelle elle se comprend comme image de l’absolu. Cela signifie que, pour entendre ce qu’est l’image, est requise la compréhension tant de son être intérieur ou qualitatif que de la genèse de son être formel. Et précisément parce que la matière, ou l’être qualitatif, et la forme, ou l’être formel, de la représentation ne peuvent jamais se donner séparés dans l’image – autrement l’image ne se comprendrait pas comme image de l’absolu – on peut affirmer du point de vue transcendantal que, entre l’absolu et son phénomène, il y a une correspondance, c’est-à-dire une relation de ressemblance.
19Cela est confirmé par l’explication fichtéenne du rapport de l’absolu à sa représentation. Pourquoi par exemple la Doctrine de la Science considère-t-elle le Moi (qui est en fin de compte le Nous comme totalité des toutes les consciences finies) comme le représentant de l’absolu ? Voyons comment Fichte explique ce point dans la Wissenschaftslehre Erlangen. L’absolu compris de façon transcendantale n’est ni « un absolu pour l‘aveuglemen » ni « un autre dans la vision pour la compréhension de la Nécessité de la croyance29 ». Autrement dit, l’absolu ne se transforme pas de manière mécanique et « ohne Licht » (comme cela a lieu, selon Fichte, chez Schelling), mais compte tenu de l’activité de l’image. Mais quelle est la forme dans laquelle l’absolu peut apparaître en tant qu’absolu, à savoir en prenant la forme de l’existence sans perdre son caractère absolu ? Cette forme est celle du Moi : « Le en tant que est l’exposition de l’essence intérieure par le Moi, de l’habiter en soi même ; ici commence la lulière et la visibilité30 ». Le Moi est « le repraesentans immédiat, et la représentation de Dieu » parce que c’est uniquement en lui que l’absolu est capable de manifester son caractère absolu. Et il peut le faire dans le Moi dès lors que le savoir égologique est, quant à l’être, exactement le « Modus essendi » de l’absolu, c’est-à-dire son « Zustand ». Quant au contenu, il est au contraire « intelligirende Exposition », exposition compréhensive de l’absolu même31.
20On dit par là qu’entre l’absolu et l’image, entre Dieu et le Moi, il y a une ressemblance d’essence. Une ressemblance d’essence qui est bien sûr comprise du point de vue transcendantal, c’est-à-dire à partir des lois de la pensée, mais néanmoins une ressemblance. S’il est vrai que l’absolu est selon la Doctrine de la Science inconnaissable, en connaissant le savoir, on connaît toutefois Dieu en dehors de soi, c’est-à-dire qu’on a une image semblable à Dieu. Fichte distingue – et ce n’est pas par hasard – le moment du daß et celui de « l’essence de l’exister32 ». Ce qui est important pour notre réflexion, c’est que le second moment vient à être défini comme le « quale » de l’existence : cela renvoie à une qualité de l’essence de la manifestation dans laquelle l’absolu se représente. Le Moi est donc le représentant de l’absolu, il est Dieu en dehors de soi parce que sa nature égologique correspond dans l’image à la nature inconnaissable de Dieu. Si la nature intérieure de l’absolu est comprise comme le « Singulum » qui est « von sich, in sich, durch sich », qui est « esse in mero actu33 », la nature extérieure de l’absolu se trouve dans l’être-là (Dasein) constitué par le Moi dont le caractère est un « Wohnen in sich selber34 » : dans le passage de l’inclusion de l’absolu à l’immanence du même absolu dans le savoir, la correspondance de contenu n’est pas perdue, mais c’est seulement la forme spécifique qui l’est. Le Moi peut donc être considéré comme le représentant de l’absolu dans le savoir non seulement parce que l’absolu s’y manifeste (la question du Daß de la relation), mais aussi parce que l’existence a l’essence particulière (le Wesen de la relation) du Als qui représente la nature de l’absolu. « Aus der Beziehung nun jenes Existirens, schlechthin : u. dieses seines Wesens aufeinander folgt das Ich35 ». Un Moi qui représente l’absolu en tant qu’intervient en lui un retour (Rückkehr) à soi, soit de l’existence – et donc le Moi est le Moi de l’existence – soit de l’absolu – et donc le Moi est le Moi de l’absolu.
21À la question de l’essence du Moi, Fichte répond donc qu’il est le retour en soi de l’existence divine, qu’il est le als de Dieu. Il n’est donc pas le Moi qui représente Dieu, mais Dieu qui se représente dans le Moi. « Dieu lui-même est immédiatement dans le Moi ; et il est le Moi ; et le Moi est le point de contact immédiat recherché entre lui-même et son exister36 ». Entre l’absolu et sa représentation dans le Moi, il y a enfin une ressemblance, comme l’affirme explicitement la Metaphysik Erlangen (1805) : « Dieu dans sa véritable immédiateté ne pénètre pas dans les objets achevés et clos d’un monde dans lequel la vie est éteinte, mais il pénètre dans la vie d’êtres raisonnables, en tant qu’elle est le monde vrai et authentique : dans la pensée et l’agir semblables à Dieu des hommes37 ». Et dans les Thatsachen des Bewußtseins (1813), on lit encore que le Moi est la manifestation de l’absolu dans l’image « tout à fait selon l’analogie de l’être divin, en tant qu’il est indépendant et reposant en lui-même38 ».
22Sur ce point se séparent les chemins de l’idéalisme transcendantal (Fichte) et de l’idéalisme spéculatif (Schelling et Hegel). L’absolu de la Doctrine de la Science est par rapport au savoir tant l’objet que le contenu ; en entrant dans la relation représentative, l’absolu n’est plus un objet scindé du savoir, mais un objet qui a pris la forme du savoir, c’est-à-dire qui est devenu le contenu du savoir, bien qu’il ne possède plus la forme de l’absolu, c’est-à-dire qu’il ne soit plus l’absolu. Mais en tant qu’il devient contenu du savoir, entre l’absolu et le savoir même il n’y a plus de relation de similitude irréfléchie, éventuellement quantifiable dans le sens schellingien : le Als du rapport représentatif souligne la transformation formelle de la nature de ce qui apparaît, sur la base de laquelle il n’est plus possible de trouver l’absolu dans le savoir à la manière dont, dans le tableau, se trouve l’image du paysage, parce que le savoir n’est pas la simple copie de l’original mais qu’il est, comme l’affirmait déjà Reinhold, lui-même l’original. La ressemblance entre les éléments de la relation représentative peut donc être défendue en un sens transcendantal : non plus, comme cela se passe chez Hegel et Schelling, sur la base du rapport de Präsentation entre absolu et savoir, c’est-à-dire en affirmant que le savoir possède la même forme que l’absolu, mais en entendant le lien qui relie les deux moments dans le sens de la Repräsentation : dans cette dernière sont compris et l’acte constructif par l’absolu – Fichte parle de l’existence de Dieu comme du « devenir fluide de son être intérieur39 » – et l’activité du savoir.
23Ce qu’on a dit jusqu’à présent nous permet d’avancer deux considérations : 1) la ressemblance transcendantale entre l’absolu et sa représentation ne concerne pas la forme, mais le contenu : les éléments de la relation représentative sont semblables eu égard à la qualité de leur matière ; ils sont au contraire différents par rapport à la forme ; 2) cette ressemblance est la ressemblance dont on peut parler à partir de la réflexion et de la reconstruction de la philosophie. En tant qu’il s’agit d’une relation représentative entre absolu et savoir, l’élément de raccord entre les termes que nous avons trouvés dans la ressemblance ne peut strictement prétendre à la validité qu’à l’intérieur d’une telle considération médiate. Pour utiliser un terme de la Wissenschaftslehre 1804/II, on pourrait dire que la ressemblance de contenu et de qualité entre absolu et savoir a un sens pour l’existence extérieure (äussere Existenz) de la lumière, mais non pour son existence intérieure (innere Existenz). Le discours sur la relation représentative saisit donc seulement l’extériorité, mais il ne nous dit rien à propos de l’intériorité de la réalité. Fichte l’affirme clairement quand, eu égard de l’existence intérieure de la lumière, il parle de la vie absolument inconcevable : par rapport à elle, le concept s’effondre, il trouve sa limite ultime40. L’inconcevabilité de l’absolu a son explication en relation à l’aspect extérieur qui lui appartient : elle est donc le caractère (Merkmal) qui résulte de la négation de la médiation conceptuelle, et est donc elle-même un produit du concept. Écoutons Fichte :
Ainsi cette incompréhensibilité elle-même provient du concept et de la pure évidence immédiate, en sorte que toute la qualité de l’absolu et le fait qu’une qualité ne peut précisément que lui être attribuée, provient du concept41.
24L’absolu n’est pas donc inconcevable en soi mais seulement en tant qu’il y a un concept qui ne le conçoit pas.
25On pourrait se demander ici si cela signifie que la ressemblance entre l’absolu et le savoir n’est pas en définitive réelle dans le sens où elle ne concerne pas leur relation authentique. En d’autres termes, quand on affirme qu’absolu et savoir sont à ce point semblables que le deuxième peut représenter le premier, disons-nous en définitive que cela est vrai du point de vue de la pensée mais non du point de vue de l’être ? Que donc la ressemblance est uniquement dans la pensée et non dans l’être ? Il me semble que les réponses à ces questions ne peuvent être que positives. Il resterait toutefois à éclaircir si même entre l’existence extérieure et l’existence intérieure de la lumière il y a une similarité : enfin, il s’agit de la même entité considérée sous deux perspectives différentes mais complémentaires. Ce serait comme si on disait que la considération intérieure comprend Dieu chez soi et que l’extérieure l’entend en dehors de soi, mais que, toutefois, les deux sont incommensurables entre elles. Dans les deux cas, il s’agit néanmoins du même Dieu : un Dieu qui ne peut que ressembler à soi-même, qu’il reste en soi ou qu’il entre dans le phénomène. Une telle ressemblance qui va au-delà du concept parce qu’elle implique la confrontation entre une existence extérieure ouverte au savoir médiat et une existence intérieure qui, au contraire, est fermée au même savoir, Fichte ne peut l’admettre. Et c’est exactement par rapport à ce point qu’on comprend bien comment la Doctrine de la Science est capable de résoudre le thème de la représentation dans les termes seulement de la représentation pensée, c’est-à-dire de la relation représentative entre éléments de la pensée, et non de l’être. Sur cette relation intrinsèque que le représentationisme supérieur établit entre l’être et la pensée – sur le fait que, donc, l’on ne peut parler des caractères de l’être qu’en tant qu’ils sont des caractères de la pensée – on reviendra ci-dessous. Il valait toutefois la peine de la fixer déjà comme un moment constitutif de la Doctrine de la science fichtéenne.
Subjectivité et objectivité de la représentation
26La représentation du Moi est représentation de l’absolu, soit en un sens subjectif, soit en un sens objectif : elle a en effet l’absolu comme objet, mais elle est aussi le moment dans lequel l’absolu se manifeste. Dans la représentation s’unissent pourtant l’activité de l’absolu et l’activité du savoir ; elle est donc le point de contact entre le savoir qui sait et l’absolu qui est su, le point où l’identité et la diversité du savoir et de l’absolu se montrent clairement.
27Cela dit, il n’est toutefois pas encore établi si une nature subjective ou objective peut être attribuée à la représentation. Au moins nominalement, Fichte est de l’avis que l’existence est « die absolute u. reine Objektivität selbst » ; de cette façon, il veut exclure que l’existence soit un raisonnement réflexif plutôt qu’une « Projektion, u. Hinstellung », c’est-à-dire un fait absolu. Fichte reprend ici le concept de la « Thathandlung » d’Iéna, considéré non plus comme le fondement de la Doctrine de la Science mais comme le phénomène de l’absolu. Si, dans la Grundlage, l’opposition conceptuelle était entre le fait de la conscience, qui définissait l’entreprise de la Philosophie élémentaire de Reinhold, et l’acte conscientiel, la Tathandlung est certainement maintenant considérée comme un fait, non pas, cependant, comme un « factum factum et consummatum », mais comme « factum fiens, absolute fiens42 ». L’objectivité de la représentation a pourtant le sens de l’immédiateté qui distingue l’être-là de l’absolu ; elle exclut que la représentation du savoir du Moi puisse être confondue avec la forme représentative de chaque savoir déterminé, de la table, de la paroi etc. Le Moi représente l’absolu, mais non comme l’image de la table représente la table. La première forme de la représentation est genèse ou position absolue du savoir du Moi : le Moi se connaît soi-même et se reconnaît comme image de l’absolu dans la mesure où il se fait ou se pose comme tel. Ce « se poser » est certainement absolu dans le sens où il n’est pas déductible des objets préexistants ; contrairement à la Doctrine de la Science d’Iéna, il n’est toutefois pas subsistant par soi parce qu’il est, comme on l’a vu, la représentation dans laquelle l’absolu même se représente.
28Toutefois cette objectivité de la représentation n’exclut pas son caractère subjectif ; au contraire. En d’autres termes : même dans l’indéductibilité qui la distingue, la représentation de l’absolu est un moment qui se réalise avec et à l’intérieur du savoir qui a comme objet l’absolu. Le transcendantalisme de la Doctrine de la Science conduit à exclure que la représentation soit une forme de l’être et force à reconnaître que seul le savoir peut exercer la fonction vicariale de l’existence de l’absolu. Plus précisément, il s’agit ici d’une forme d’intentionnalité du savoir représentatif qui n’est plus uniquement noétique mais noématique : le représenter de l’absolu ne s’épuise pas dans les composantes de la conscience absolue ou dans la manière d’entendre l’absolu, mais concerne aussi le corrélat intentionnel représenté par l’absolu. La Doctrine de la Science montre comment un tel moment représentatif sur lequel se fondent les formes dérivées du représenter empirique ne s’épuise pas dans une intentionnalité qui se compose seulement d’une matière (ou d’un contenu) et d’une qualité de la représentation (on pense à ce sujet à la phénoménologie que Husserl soutient dans les Recherches logiques). La représentation de l’absolu, bien qu’elle ait une matière, n’est pas composée par les contenus sensitifs ou hylétiques d’un objet déterminé : son contenu matériel est en effet l’absolu même. Elle ne se compose pas non plus d’une qualité spécifique qui aurait à son côté d’autres qualités de l’acte comme par exemple la sensation, l’imagination etc. : la représentation de l’absolu est en fait l’unique forme propre et originaire dans laquelle l’absolu s’extériorise. À côté de ces composantes noétiques, qui concernent l’acte représentatif, la représentation de l’absolu a aussi le noème constitué par son sens objectif, c’est-à-dire le moment dans lequel l’absolu se manifeste. Pour illustrer ce caractère de la représentation au sens fichtéen, je voudrais ici rappeler une distinction que Christian Wolff propose dans la Psychologia empirica : selon le philosophe de Breslau, la représentation (repraesentatio) d’une chose est l’idée (idea) qui restitue (refert) la chose ou l’idée considérée de manière objective. À cet égard, il explique comment la représentation qui présente la chose à l’esprit n’est ni l’objet représenté dans l’esprit, ni l’acte mental par lequel se réalise la représentation, ni enfin l’acte par lequel l’esprit devient conscient de la représentation et, par là, de la chose représentée43. Pour Fichte, comme pour Wolff, la représentation de l’absolu est le moment idéel où l’absolu s’expose, il n’est donc pas l’absolu comme objet de la représentation. Contrairement à Wolff, elle est toutefois l’acte aussi par lequel le savoir se comprend en son sens dernier de phénomène de l’absolu. Afin d’éclaircir l’essence de la représentation de l’absolu, Fichte utilise dans la Wissenschaftslehre Erlangen le terme Begriff. Évidemment, il ne s’agit pas de la catégorie dans le sens kantien, catégorie qui, en raison de son caractère vide, doit être remplie par le contenu des intuitions sensibles ; le concept au sens fichtéen identifie plutôt l’élément idéel et objectif pour autant que l’absolu existe. Avec le Begriff est aussi explicité le moment central du savoir qui en fait la représentation de l’absolu et le distingue de l’absolu. Voici la définition du Begriff proposée par Fichte : « Dieselbigkeit in der Nichtidentität, u. Nichtidentität in der Identität, in absoluter, u. unabtrennbarer Vereinigung44 ». Il importe pour notre propos que, grâce à la double composante de l’identité et de la différence, le caractère objectif du savoir qui représente l’absolu peut être garanti : « Wesentliche Dieselbigkeit in der wesentlichen Nichtdieselbigkeit, als unmittelbare qualitative Einheit. – ist die Objektivität45 ». Le savoir représente l’absolu de manière objective : il n’est pas donc seulement un acte du sujet, mais il est la forme rationnelle dans laquelle l’objet du savoir constitué par l’absolu se phénoménalise. Une forme rationnelle dans laquelle l’absolu existe avec une forme différente de celle qu’il a quand il est chez soi. Contrairement à l’identité hégélienne de l’identité et de la non-identité entre les opposés, la Doctrine de la science revendique la ressemblance entre le savoir et l’absolu dans la représentation qui les unifie : ressemblance qui signifie en même temps identité et différence des éléments qui se trouvent dans la relation représentative.
Conclusion : immanentisme, panthéisme et ontologisme épistémologique
29La représentation transcendantale de l’absolu assure que l’absolu n’est pas quelque chose d’indépendant et d’existant en dehors de sa manifestation : Fichte réclame à ce propos l’immanentisme de la Doctrine de la science pour lequel est exclue toute conception philosophique posant Dieu à l’extérieur du monde. Platon, Jean l’Évangéliste et Spinoza sont des penseurs avec lesquels Fichte se déclare d’accord à ce propos dans la Metaphysik de 180546. Immanentisme et panthéisme apparaissent de cette façon comme deux aspects complémentaires du représentationisme transcendantal supérieur : leur complémentarité est certainement propre à la dernière Doctrine de la science et il vaut la peine, en conclusion de notre raisonnement, d’en mettre en évidence les principes théoriques.
30Le premier des dits principes est constitué par la thèse selon laquelle, entre l’absolu et son existence, il y a une opposition absolue qui se fonde dans l’unité du savoir représentatif : la conceptualité que Fichte utilise pour exprimer un tel état des choses souligne en particulier la relation négative et excluante qu’il y a entre éléments essentiellement différents. En bref, le représentationisme supérieur trouve dans la négation réciproque des les termes la condition pour poser sa propre unité synthétique. Dans la Wissenschaftslehre Erlangen, on lit par exemple que l’enseité de l’absolu exclut qu’il s’ensuive du savoir : l’En-soi de l’être revient à l’« autoannihilation positive de la lumière47 ». La relation oppositive trouve son expression la plus claire dans l’Anweisung zum seligen Leben, dans laquelle on lit par exemple que c’est seulement en tant que l’homme s’anéantit soi-même qu’il peut se réunir de manière authentique avec Dieu :
31Dans la mesure où, entre les deux moments de la relation, il y a une négation réciproque, en tant que l’absolu n’est pas son image et vice-versa, leur réunification peut se réaliser dans le point de contact entre eux que constitue le moment représentatif. L’idéalisme transcendantal de la Doctrine de la science souligne ici, contrairement à l’idéalisme de Hegel, que l’unité concrète n’est pas la synthèse de l’unité abstraite et de la différence, mais la synthèse limitative des éléments opposés qui sont en relation. Le dernier Fichte, sur ce point, ne s’est pas éloigné du noyau conceptuel de la Grundlage d’Iéna. L’opposition entre le Moi et le Non-Moi trouvait alors aussi sa solution sur la base du rapport de limitation réciproque : la réalité du Moi et la négation du Non-Moi étaient réunies grâce au concept de limite48.
32Dans la représentation de l’absolu aussi, l’absolu sort de soi et, en même temps, le savoir limite sa prétention d’être l’auteur de l’être de l’absolu49. L’extranéité de l’être par rapport au savoir ne l’exclut pas, elle comporte au contraire la représentation du premier par le second. Le représentationisme supérieur de la Doctrine de la science trouve son fondement dernier dans la synthèse entre moments réciproquement opposés. Le panthéisme de l’idéalisme fichtéen souligne pourtant que l’absolu n’est pas à l’extérieur du savoir, que donc, entre les deux moments, il y a un immanentisme de moments différents.
33Le passage de l’absolu au savoir – et c’est là le deuxième des principes fondateurs du représentationisme supérieur de la Doctrine de la science – se fonde sur le mouvement du premier vers le second compris à partir des lois du savoir. J’ai déjà rappelé comment, pour Fichte, le fait de savoir se réalise à travers une fluidification de l’enseité de l’absolu, qui, en sortant de soi et en se manifestant, assume une autre forme d’être, celle du savoir. Ce qui est central chez Fichte, c’est donc, comme d’ailleurs chez Hegel, un devenir de l’être qui se phénoménalise : c’est l’absolu qui, dans les deux cas, a à exister, et seulement lui. Le panthéisme des deux conceptions idéalistes se fonde donc sur la transformation soit des formes de l’être – en soi et en dehors de soi (Fichte) – soit de l’être formellement considéré – idéel et réel (Hegel). Tandis que, dans une philosophie spéculative telle que celle de Hegel ou celle de Schelling, il s’agit uniquement du mouvement de l’être par lequel l’absolu se construit soi-même, dans la philosophie transcendantale de Fichte, la manifestation n’est jamais exposition d’être mais uniquement d’être dans le savoir50. L’auto-construction de l’absolu vaut ici dans la mesure où elle est comprise à partir de sa manifestation : la conscience n’est pourtant pas le lieu de la chute ou la détermination de l’absolu dans le fini, mais elle est au contraire le Durch à travers lequel l’absolu se construit soi-même. Le panthéisme de la Doctrine de la Science se distingue donc par son devenir, qui n’est pas un mouvement ontologique (Schelling et Hegel) mais un événement ontologique-déontologique : l’absolu n’est pas, mais il doit (soll) être.
34À ce propos, – et là se trouve le troisième caractère du panthéisme fichtéen que je voudrais mettre en évidence – l’exposition de l’être dans le savoir n’est plus compréhensible dans le sens du substantialisme spinozien mais dans celui de la subjectivé absolue qui se phénoménalise. Non pas bien sûr comme chez Hegel, où les déterminations phénoménales de l’absolu sont des spécifications de l’essence de l’absolu. L’absolu fichtéen reste différent de son phénomène, bien qu’il soit totalement présent en lui. Il constitue donc un excédent par rapport à la manière dont il peut être représenté ; pourtant, il implique l’infinité des modes de la représentation, ce dont Hegel fait une critique féroce. Pour Fichte, ainsi que pour Hegel, il reste toutefois vrai que la compréhension ou non compréhension de l’absolu se mesure à sa déterminabilité : la WL Königsberg affirme à ce propos que l’absolu séparé des déterminations qu’il prend dans et grâce au savoir est « une pensée vide »51 ; dans la Doctrine de la science Erlangen, l’inconcevabilité de l’absolu vient dépendre de sa simplicité ou de son manque de distinctions52. Dans une telle relation entre l’absolu et ses déterminations, la nécessité de la pensée devient évidente, afin que l’absolu se donne : Fichte, comme par ailleurs plusieurs des philosophes classiques allemands, est d’avis qu’on peut parler de l’être concret et actuel uniquement en tant qu’il est compris dans les déterminations de la pensée. La conception fondamentale qui s’affirme ici est en définitive que l’unité ne peut pas se donner sans la multiplicité, que toutefois leur synthèse intervient seulement à travers la pensée. Avec Fichte (et la philosophie classique allemande), on a donc une philosophie de l’être qui se comprend soi-même comme une philosophie de la connaissance. Le représentationisme supérieur de la Doctrine de Science renvoie au lien indissoluble entre ontologie et épistémologie. Un passage de la Nachschrift Lisco (Thatsachen des Bewußyseins) éclaire bien la relation entre l’être et la connaissance qui se réalise dans l’esprit : on y lit en effet que la manifestation de l’absolu est l’existence qui se trouve dans l’entendement53.
35Enfin – et c’est là la quatrième considération que je veux proposer – le représentationisme supérieur de la Doctrine de la science renvoie à une relation de présence et d’absence de l’absolu dans l’image qui peut être comprise dans et grâce au savoir. Pour répondre à une question déjà posée, l’absolu est cet original qui existe seulement quand il n’existe pas comme original. Il n’existe donc pas comme un original au-delà de la représentation, mais uniquement dans et par la représentation. La modalité d’opposition entre les deux moments, absolu et image, est pourtant transcendantale ; la différence ontologique entre les membres de la représentation n’a donc pas de valeur en soi mais seulement pour le savoir qui la pense. À travers le concept de la représentation, une nouvelle preuve ontologique de l’existence de Dieu peut donc se réaliser. Fichte l’affirme clairement dans la Seconde exposition de la Doctrine de la Science 180454. Fichte y affirme que le seul passage de la pensée à l’existence de Dieu se donne pour et par le savoir ; il est donc vrai que, quand on pense Dieu, on le pense comme existant parce que le Dieu pensé est un Dieu existant55.
Notes de bas de page
1 Immanuel Kant, Critique de la raison pure, A 12/B 25.
2 Karl Leonhard Reinhold, Versuch einer neuen Theorie des menschlichen Vorstellungsvermögens, Prag et Jena, 1789, p. 232 (cf. aussi Karl Leonhard Reinhold, Reinhold, Gesammelte Schriften. Kommentierte Ausgabe (RGS), t. 1, éd. par Martin Bondeli et Sivan Imhof, Bâle, Schwabe Verlag, 2013, p. 154.
3 Ibid., § 15 (RGS, 1, p. 153-156).
4 Ibid., § XXIX (RGS, 1, p. 197-199).
5 GA I/2, 374-375.
6 GA I/2, 149.
7 GA I/2, 263.
8 « Im Bewustsein kommen zwar Vorstellungen mit dem Gefühle der Nothwendigkeit vor, oder das vorstellende ist ein Bewustsein deßelben, was mit dem Gefühle der Nothwendigkeit da ist ; nun aber ist das Vorstellende, was es auch immer sein mag, durch Selbstthätigkeit ; also auch diese Vorstellungen sind Producte der Selbstthätigkeit », GA IV/3, 336.
9 Karl Leonhard Reinhold, Versuch einer neuen Theorie des menschlichen Vorstellungsvermögens, cit., § XV (RGS, 1, 153-156).
10 Ibid., § XVI (RGS, 1, 157-164).
11 GA II/9, 242. Sur le concept de « Repräsentation » dans la DS 1805, cf. Gaetano Rametta, « Der Begriff ‘Repräsentation’ in der Wissenschaftslehre 1805 », Fichte-Studien, 34 (2009), p. 153-170.
12 GA II/10, 160.
13 « Das Daseyn muß Sich selber als bloßes Daseyn, fassen, erkennen und bilden, und muß, Sich selber gegenüber, ein absolutes Seyn setzen, und bilden, Dessen bloßes Daseyn eben es selbst sey : es muß, durch Sein Seyn, einem Andern absoluten Daseyn gegenüber, sich vernichten ; was eben den Charakter des bloßen Bildes, der Vorstellung, oder des Bewußtseyns des Seyns, giebt », GA I/9, 88. Trad. fr. op. cit., p. 85.
14 « Ich kann also nicht von dem angeblichen Bilde zum Original übergehen ohne daß ich eben dasselbe Bild zum Original mache, das heißt : das Bild hat kein Original für mich ; es ist also kein Bild, sondern selbst Original », Karl Leonhard Reinhold, Versuch einer neuen Theorie des menschlichen Vorstellungsvermögens, op. cit., p. 243 (RGS, 1, p. 163).
15 « Alle Unterschiede aber, die wir an den Gegenständen wahrnehmen, müssen auch in den Vorstellungen derselben vorkommen, und zwar als gegeben vorkommen, wenn sie ihren Grund in den Gegenständen haben, und nicht willkührlich seyn sollen », ibid., p. 284 (RGS, 1, p. 188)..
16 Ibid. (RGS, 1, p. 188).
17 « Der transzendente Gegenstand wäre gar nicht Gegenstand dieser Vorstellung, wenn er nicht ihr intentionaler Gegenstand wäre », Edmund Husserl, Logische Untersuchungen, t. 2, part. 1 : Untersuchungen zur Phänomenologie und Theorie der Erkenntnis, in Edmund Husserl, Gesammelte Werke (Hua), t. XIX/1, U. Panzer (éd.), La Haye, Nijhoff, 1984, p. 439.
18 Le concept fichtéen d’« image imageante » a été souligné en particulier par Miklos Vetö, L’image fichtéenne, paradigme de la métaphysique de la subjectivité, in Jean-Chritophe Goddard/Alexander Schnell (éd.), L’être et le phénomène. La Doctrine de la Science de 1804 de J. G. Fichte, Paris, Vrin, 2009, p. 479-496. Sur le concept d’image en général cf. l’étude classique de Julius Drechsler, Fichtes Lehre vom Bild, Stuttgart, Kohlhammer 1955. Dans la littérature plus récente on peut lire Alessandro Bertinetto, La forza dell’immagine. Argomentazione trascendentale e ricorsività nella filosofia di J. G. Fichte, Milano, Mimesis 2010 ; Marco Ivaldo, « La costituzione dell’immagine e l’assoluto nel tardo Fichte », Rivista di storia della filosofia, 4/2014, p. 667-684.
19 « Das Bilden ist eben nothwendiger Abdruck des Seyns des Bildenden im Bilden, und so eben hängt das Seyn u. sein Bild schlechthin zusammen », GA II/12, 185. Sur la WL 1811 cf. Matteo D’Alfonso, Vom Wissen zur Weisheit. Fichtes Wissenschaftslehre 1811, Amsterdam-New York, Rodopi, 2005.
20 « Das was erscheint ist das Ewige, “das ist da wißen” », DS Könisgberg, GA II/10, 115.
21 GA II/9, 240.
22 « Das hier erscheinende Absolute, ist daher nicht unmittelbar das absolute, sondern es ist nur in seiner Repräsentation », GA II/9, 240-241.
23 « Was ist Bildwesen überhaupt ? Es giebt davon einen negativen Begriff. Das seyn ist nicht bild, und das bild ist nicht seyn ; doch hats bild Beziehung aufs seyn und ohne seyn vermöchte es nicht zu seyn bild ; absolutes bild ist bild des absoluten seyns, Beziehung auf absolutes seyn », GA IV/6, 258.
24 « Der Inhalt […] ‚repräsentiert’ den Gegenstand, beispielsweise die perspektivisch verschobene Vorderansicht eines Hauses repräsentiert mir das Haus », Theodor Lipps, Leitfaden der Psychologie, Leipzig, Engelmann, 19062, p. 11.
25 GA IV/6, 260.
26 « Nicht was aus dem qualitativen Seyn der Erscheinung folgt (woraus nichts folgt) sondern was aus [dem] formalen Seyn, aus [der] Verstandesform folgt, das ist Gegenstand der Deduction der wl », GA IV/6, 260.
27 « Ohne realen Gehalt aus dem göttlichen Wesen […] weil Gehalt sonst schon in [die] Verstandesform aufgenommen wäre », GA IV/6, 262.
28 GA IV/6, 262. Sur le concept de vie chez le dernier Fichte on peut consulter entre autres Jean-Christphe Goddard, La philosophie fichtéenne de la vie. Le transcendantal et le pathologique, Paris, Vrin 1999 ; Gûnter Zöller, Leben und Wissen. Der Stand der Wissenschaftslehre beim letzten Fichte, in Erich Fuchs, Marco Ivaldo, Giovanni Moretto (éd.), Der transzendentalphilosophische Zugang zur Wirklichkeit. Beiträge aus der aktuellen Fichte-Forschung, Stuttgart-Bad Cannstatt, Frommann-Holzboog, 2001, p. 307-330.
29 « Ein absolutes für die Blindheit […] ein anderes im Sehen für die Einsicht der Nothwendigkeit des Glaubens », GA II/9, 241.
30 « Das als ist die Exposition des innern Wesens durch das Ich, des in sich wohnen selber ; hier erst beginnt das Licht, u. die Sichtbarkeit », GA II/9, 248.
31 GA II/9, 240.
32 « Wesen des Existirens », GA II/9, 249.
33 GA II/8, 229, 243.
34 GA II/9, 245.
35 GA II/9, 249.
36 « In Summa : Gott selber unmittelbar ist im Ich ; u. er ist das Ich ; u. das Ich ist der gesuchte unmittelbare Berührungspunkt seiner selbst u. seines Existirens », GA II/9, 249-250.
37 « Gott in seiner wahrhaftigen Unmittelbarkeit tritt nicht ein in den fertigen, u. geschloßnen Objekten einer Welt, in der das Leben erloschen ist, sondern er tritt ein im Leben vernünftiger Wesen, als der wahren u. eigentl. Welt : im gottähnlichen Denken u. Handeln der Menschen », GA II/9, 161 ; je souligne.
38 « ganz nach der Analogie des göttlichen Seyns, als ein auf sich selbst ruhendes selbständiges », GA II/15, 109 ; je souligne.
39 « Flüßig werden seines innern Seyns », GA II/9, 260.
40 GA II/8, 119, 125.
41 « Nun stammt diese Unbegreiflichkeit selber aus dem Begriffe, und aus der reinen unmittelbaren Evidenz, sonach stammt die ganze Qualität des absoluten, und daß ihm eine Qualität eben nur beigemessen werden konnte, aus dem Begriffe », GA II/8, 59.
42 GA II/9, 252-253.
43 « Repraesentatio rei dicitur Idea, quatenus rem quandam refert, seu quatenus objective consideratur ». « Si obiectum aliquod in mente repraesentatur, distingui debet actus mentis, quo fit repraesentatio ; repraesentatio ipsa, quatenus objectum quoddam menti exhibet, et denique actus, quo mens repraesentationis istius, consequenter rei, qualis repraesentatur, conscia sibi est » (Christian Wolff, Psychologia empirica, methodo scientifica pertractata, qua ea, quæ de anima humana indubia experientiæ fide constant, continentur et ad solidam universæ philosophiæ practicæ ac theologiæ naturalis tractationem via sternitur, Francofurti et Lipsiae, 1738, § 48, p. 30).
44 GA II/9, 257.
45 GA II/9, 257-258.
46 GA II/9, 157-158.
47 « Positive Selbstvernichtung des Lichts », GA II/9, 221.
48 « Etwas einschränken heißt : die Realität deßelben durch Negation nicht gänzlich, sondern nur zum Theil aufheben. Mithin liegt im Begriffe der Schranken außer dem der Realität, und der Negation noch der der Theilbarkeit […] Dieser Begriff ist das gesuchte X. und durch die Handlung Y. wird demnach schlechthin das Ich sowohl als das Nicht-Ich theilbar gesetzt », GA I/2, 270.
49 « Nun aber vernichtet in dieser Erzeugung sogar das sich erzeugende Licht sich selbst, indem es den Akt dieser Erzeugung macht zu dem Akte eines fremdes, des Seyns in sich », GA II/9, 223.
50 Sur la différence ici à l’œuvre entre le niveau épistémique de la philosophie de l’être et le niveau épistémologique de la philosophie transcendantale, cf. l’étude classique de Marik J. Siemek, Die Idee des Transzendentalismus bei Fichte und Kant, Hamburg, Meiner 1984. Sur la phénoménologie fichtéenne dans le contexte de la philosophie classique allemande, cf. Wolfgang Janke, Vom Bilde des Absoluten. Grundzüge der Phänomenologie Fichtes, Berlin, de Gruyter, 1993.
51 « Ein leerer Gedanke », GA II/10, 115.
52 GA II/9, 240.
53 « was da ist oder existirt, ist da im Verstande ; der Verstand ists absolute Element oder [der] Träger alles Daseyns, und außer [dem] Verstande ist gar kein Daseyn, denn Daseyn heißt : Seyn im Verstande », GA IV/6, 260.
54 « Sehen, als Sehen, gesetzt, folgt, daß wirklich gesehen werde, oder : das Sehen sieht nothwendig. […] Offenbar ist dieser Satz die Vollziehung dessen, was in dem Ihnen allen bekannten scholastischen Beweise des Daseyns Gottes, als des entis realissimi gefordert, aber nicht geleistet, aus dem blosen Gedachtwerden eines Etwas auf sein Daseyn zu folgern », GA II/8, 397.
55 Sur la preuve ontologique chez Fichte je me permets de renvoyer à mon essai « La réhabilitation fichtéenne de l’argument ontologique », in : Jean-Christophe Goddard/Alexander Schnell (éd.), L’être et le phénomène. La Doctrine de la Science de 1804 de J. G. Fichte, Paris, Vrin, 2009, p. 453-464.
Notes de fin
* Je remercie Jean-François Goubet pour la révision du texte français.
Auteur
Université de Parme
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