Faut-il vraiment qu’Hernaut de Gironde soit roux ?
p. 83-98
Texte intégral
1Le quatrième fils d’Aymeri de Narbonne est un de ces personnages que l’on croit connaître car son surnom de «le rous » est aussi familier que celui de « le sor » pour Guerri dans Raoul de Cambrai. Mais l’épithète homérique attaché au nom d’Hernaut de Gironde masque une réalité et un caractère d’autant plus difficiles à cerner que cet Aymeride, contrairement à certains de ses frères, n’est le héros d’aucune chanson de geste1. Comme leur aîné commun, Bernard de Brabant, il n’est guère mentionné que lorsque le clan est réuni ou ne joue quelque rôle que dans des aventures communes à plusieurs frères ; comme lui, il n’apparaît le plus souvent que de façon épisodique, jouant les utilités dans l’ombre des héros.
2Toutefois sa rousseur, révélatrice d’« un effort évident de caractérisation individuelle2 » a contribué à en faire un personnage que l’atypie rend, au moins dans l’imaginaire des médiévistes, en apparence familier, et que caractérise également une correspondance quasi gémellaire avec son frère Garin d’Anseüne3. A examiner l’ensemble du cycle des Narbonnais, la réalité reflète cependant la lente élaboration d’un personnage de second plan, qui ne se révèle vraiment que dans les épopées de la seconde génération. Sa rousseur n’apparaît plus dès lors seulement comme une réminiscence de fonds indo-européen et la marque d’un caractère particulier, mais comme un jeu d’influences de quelques textes, qui, tout en singularisant le personnage, en faussent l’image.
3Il convient donc de se placer dans la perspective chronologique d’élaboration du cycle, quelle que soit la difficulté de datation des textes, pour montrer tout d’abord qu’Hernaut n’en est pas un des personnages primitifs, et que lorsqu’il apparaît, son nom n’est pas nécessairement associé à celui de Garin. En outre, dans la plupart des textes, il n’est pas caractérisé par sa rousseur et ses actions sont plutôt valorisées, à l’instar de tout fils d’Aymeri de Narbonne. Ainsi sera-t-il plus aisé de comprendre que l’image négative de vantard, de « gabeur », que trahissent ou traduisent son nom et sa rousseur, ne découle que de deux textes, qui se répondent et pour lesquels il sera possible de suggérer quelques sources et rapprochements inattendus.
4Hernaut n’est pas connu du noyau ancien du cycle; il n’apparaît ni dans Le Charroi de Nîmes ni dans La Prise d’Orange ou Girart de Vienne, textes pourtant postérieurs. Certes la descendance d’Aymeri de Narbonne pourrait sembler bien fixée à en croire le passage du Couronnement de Louis où Guillaume, révélant son identité à Corsolt, devant Rome, mentionne l’ensemble de sa fratrie :
« J’ai nom Guillelmes li marchis, a nom Dé,
Filz Aimeri, le vieil chenu barbé,
Et Hermenjart, ma mere o le vis cler,
Frere Bernart de Brubant la cité
Et frere Ernalt de Gironde sor mer,
Frere Guarin, qui tant fait a loer,
De Commarchis Bovon le redoté,
Frere Guibert d’Andernas le meinsné,
Si est mes frere li gentilz Aïmers4. » (CL, v. 818-26)
5Le passage semble caractéristique de la technique épique d’énumération, et contribue à donner l’impression non seulement que les fils d’Aymeri sont bien connus mais aussi que certains forment des paires5. Mais l’étude des différents manuscrits révèle que l’apparente mais trompeuse exhaustivité de la liste dans l’édition Langlois masque un flottement certain dans l’esprit des copistes quant à la composition de la fratrie, dans laquelle le duo Garin-Hernaut ne s’impose pas à eux6.
6La reconstitution éditoriale de la fratrie est un exercice intellectuel de médiéviste qui s’appuie sur les autres textes du cycle comme Le Siège de Barbastre (SB, v. 2965-71) et Les Enfances Guillaume (EG, v. 28-31), le début des Narbonnais ou la fin de La Mort Aymeri de Narbonne. Mais c’est méconnaître que Le Couronnement de Louis est antérieur de quelques décennies et que ce laps de temps est propice à étoffer la fratrie7. En effet, si La Chanson de Guillaume est le seul texte de la première moitié du xiie siècle à réunir Garin et Hernaut (G2, v. 2552-66), en revanche il est tout à fait remarquable que l’énumération de la fratrie est loin d’y être complète.
7Alors que, par la technique de l’énumération, Hernaut et Garin semblent donc souvent associés, nombreux sont les textes où l’un des deux frères est mentionné sans que l’autre ne le soit. C’est ainsi que La Prise d’Orange connaît déjà l’existence de Garin et ce ne sont pas moins de six textes qui mentionnent le seigneur d’Anseüne tout en ignorant son dioscure8. L’inverse est tout aussi vrai: l’exemple le plus probant est celui d’Aliscans, où le nom d’Hernaut est mentionné vingt-cinq fois, cependant que Garin est inconnu de ce texte ; bien plus, l’auteur fait de Vivien un neveu de Guillaume non pas par son frère Garin mais par une de leurs sœurs, révélant ainsi que la tradition n’a pas encore fixé l’arbre généalogique des Aymerides9.
8L’exemple de Girart de Roussillon souligne par ailleurs que, même au début du xiiie siècle, le personnage d’Hernaut n’est pas encore bien connu, dès lors que l’on sort de la sphère de production épique de langue d’oïl, puisque le manuscrit O propose le vers « Premers parlet Tenarz qui tint Girunde » (GR1, v. 3248) : l’identité du personnage n’est pas assurée, mais la mention d’un Anseïs de Narbonne dans la laisse parallèle qui suit incite à voir dans ce Tenart un Aymeride, ce que n’a pas manqué de faire le copiste du manuscrit P, du milieu du xiiie siècle, qui rétablit « Ernaus » (cf. varia lectio). Cela tend à prouver qu’au fil des décennies le nom du Narbonnais est associé au fief de Gironde et confirme une fois de plus les qualités de clarté et de logique reconnues par ailleurs à ce copiste.
9La démarche semble corroborée par La Chevalerie Ogier : après une première mention d’Hernaut dans l’entourage de Chariot qui ne permet en rien de voir en lui un Aymeride (COD, v. 1117), le texte en fait le tenant du fief de Gironde et le fils d’Aimeri (v. 1216-7). Mais il est significatif que le manuscrit A, pourtant plus tardif (début xive siècle) et de surcroît du nord de la France et picardisant – donc d’une région de tradition épique -, omette le vers 1217, supprimant ainsi la filiation : le personnage ne parvient donc pas à s’imposer vraiment à l’esprit des copistes, ni même des auteurs.
10A cet égard, l’édition synoptique des Enfances Vivien, comme celle du Couronnement de Louis, est particulièrement significative de la variabilité de la fratrie aymeride selon les manuscrits : certains passages méconnaissent l’énumération (EV, v. 933-38, 2797-804) ou la tronquent (EV, v. 2283-90), d’autres inversent les prénoms, faisant même d’Hernaut soit le seigneur d’Anseiine (EV, v. 2105) soit le «chétif » (EV, v. 2395, v. l.), ce qui prouve que pour les copistes du xiiie siècle les personnages s’imposent d’autant moins de manière évidente que le caractère dissyllabique des prénoms favorise les permutations involontaires10.
11Même dans le cadre d’une réécriture, l’exemple relativement tardif d’Adenet le Roi montre que le personnage n’a pas encore une grande prégnance; introduisant dans Buevon de Conmarchis une énumération qui n’existe pas dans son modèle, Le Siège de Barbastre, l’auteur (ou le copiste) confond Hernaut de Gironde et Hernaut de Beaulande son grand-père, alors même qu’il énumère les fils d’Aymeri :
« Ces nouveles saront François et Alemant
Et Aymers mes freres et Bernars de Brubant
Et Garins d’Anseüne, Guibers au cuer sachant,
Et Ernaus de Biaulande, qui n’a pas cuer d’enfant ;
Cil nous venront secorre a esperon brochant,
Ne serés si hardis que soiiés attendant11. »
12Dans la perspective des analyses menées par Joël Grisward, même lorsque les auteurs (ou les copistes) maîtrisent mieux la généalogie de la famille, les regroupements qui s’opèrent tant dans le récit que dans le balancement des vers confortent davantage la triade des trois premiers (sinon aînés) se répartissant charges à la cour et fonctions indo-européennes que l’association de Garin et d’Hernaut dans le cadre de la troisième fonction. Dans Elie de Saint-Gille, Hernaut est beaucoup plus mentionné que Garin, et les deux frères sont souvent dissociés, déjà du simple fait que le premier est prisonnier cependant que l’autre ne l’est pas ; mais, il est intéressant de remarquer que, dans les énumérations plus ou moins complètes, le regroupement se fait plutôt entre Bernard et Hernaut (ESG, v. 2495, 2530). A l’inverse, le dénouement de La Mort Aimeri de Narbonne associe dans la mort Bernard et Garin (MA, v. 3660 sq.), cependant qu’Hernaut survit à la bataille12.
13L’association gémellaire des frères est également souvent suscitée par une autre technique, celle des laisses parallèles, qui permettent de passer en revue l’ensemble des fils d’Aimeri: c’est vrai de la fin d’Aimeri de Narbonne annonçant la descendance du héros ou du début des Narbonnais, avec les attributions voulues par Aimeri, mais c’est également vrai dès que le clan se rassemble pour porter secours à l’un de ses membres ou au roi de France. Il en va ainsi par exemple lorsque les fils viennent secourir leurs parents assiégés dans Narbonne (N1, v. 5859-932) ou lorsque Beuvon assiégé appelle ses frères à la rescousse, parallélisme dupliqué par la délivrance des messages (SB1, v. 3160-262 et 3506-87).
14Reposant sur les bases techniques de l’énumération et du parallélisme, fortifié par le balancement du vers, le couple qui s’exerce entre Bernard de Brabant et Hernaut de Gironde, complétant un Guillaume de premier plan au sein d’une triade fonctionnelle, fait qu’Hernaut a peut-être d’abord été caractérisé par l’abondance de sa pilosité plus que par sa couleur, et ce par mimétisme avec son aîné. En effet, les épithètes homériques caractéristiques de Bernard soulignent sa chevelure blanche (ainsi que sa barbe dans Elie de Saint Gille), signe de sa primogéniture mais aussi de sa sagesse propre à la première fonction13. Or, dans La Chanson de Guillaume, qui nous ramène au noyau ancien du cycle, les épithètes touchant à la pilosité sont également appliquées à Hernaut; lorsque l’empereur Louis refuse son aide à Guillaume, sa famille se récrie et chaque membre propose à tout de rôle l’aide de plusieurs milliers d’hommes :
« – E jo treis », fait Hernald le flori. (G2, v. 2565)
15Dans la scène, Hernaut est le seul à être caractérisé autrement que par son fief et il est remarquable que l’épithète lui est appliquée alors que Bernard n’est pas présent. L’impression est confirmée à la seconde bataille de l’Archamp :
Mult i feri ben Willame al curb niés
Quant Deu de glorie enluminad le barné,
Eli quons Boeve de Comarchis, le ber,
E Naimeris e Ernard li barbez,
E Reneward qui portad le tinel. (G2, v. 2984-8)
16Là encore, Bernard ne fait pas partie de l’énumération mais c’est sans doute de cette technique et des procédés de balancement de vers que découle le glissement d’épithète entre Bernard et Hernaut. L’exemple le plus significatif de l’interchangeabilité des épithètes selon le balancement du vers et les nécessités de la rime est celui d’Elie de Saint Gille ; il suffit de rapprocher :
Et Bernait de Brubant et Hernaut li floris, (ESG, v. 223)
Et Bernait de Breubant et Hernaut a la barbe, (ESG, v. 265)
Et Bernait de Brubant et Hernaut li kenu, (ESG, v. 737)
vs « C’est Bertram et Hernaus et Bernait li kanus,
Fil somes Aymeri de Nerbone, au chenu. » (ESG, v. 847-8)
17Il faut bien le constater: le rythme du vers et l’assonance ne sont pas sans influence sur le choix et le mélange des épithètes faites en apparence pour individualiser les personnages. L’adaptateur de la Elissaga ne s’y est pas trompé puisque, dans le passage correspondant aux vers 847-8 (ESG, p. 123), Bernard n’a pas d’épithète alors qu’elle est ajoutée à la page suivante au nom d’Hernaut, dit également « à la longue barbe » (ESG, p. 164) tout comme Bernard14 (ESG, p. 170).
18Le phénomène se retrouve dans un texte contemporain, La Prise de Cordres et de Sebille, où Bernard et Hernaut sont tour à tour qualifiés de « barbé »(PC, v. 945, 1182, 1931, et cf. v. 1944). Mais il est plus rare dans le cycle de voir Bernard qualifié de « donzel » (PC, v. 1507), terme qui induit une jeunesse peu compatible avec son statut d’aîné. On l’aura compris, la logique de l’assonance prévaut bien souvent sur la cohérence des personnages dans l’ensemble de l’œuvre. C’est ainsi que, selon les nécessités du moment, l’auteur qualifie indifféremment Hernaut de « le blanc » (PC, v. 1115, 1437), ou de « le roux » (PC, v. 1075, 2024).
19Dès lors, la caractérisation est sinon totalement interchangeable du moins commune à un sous-ensemble de deux frères15. Cela pourrait expliquer l’inhabituelle épithète de « li vielz » donnée à Garin dans le manuscrit D du Couronnement de Louis (éd. Lepage, v. D 165), dans la mesure où il semble se substituer à Hernaut dans la triade fonctionnelle qui transmet à Louis les insignes de la royauté, reflet de la distribution des charges voulue par Aimeri au début des Narbonnais. Il ne faut toutefois par perdre de vue qu’il y a là un ajout qui ne correspond nullement au reste de la tradition manuscrite.
20La similitude des adjectifs touchant aux deux frères, Bernard et Hernaut, et plus généralement à toute la fratrie, vaut également pour les épithètes valorisantes et repose là encore sur la technique épique ; ainsi trouve-t-on à quelques vers d’intervalle :
Et Hernaut le vaillant et Bernait l’aduré (ESG, v. 2495)
vs Illeuques fu Bernars et Hernaut l’aduré; (ESG, v. 2530)
Guillelme apelle et Bertran lou sané (PC, v. 948)
vs Bertran lou conte et Hernalt lou sané. (PC, v. 1914)
21Et de fait les occurrences d’adjectifs valorisant Hernaut à l’instar de ses frères ne manquent pas dans les deux textes, reflet de ce que l’on trouve par ailleurs dans l’ensemble du cycle des Narbonnais. A bien des égards, et dans le noyau le plus ancien, car bon sang ne saurait mentir, Hernaut ne démérite pas : dans Aliscans, il veille la nuit sur l’armée (Al, v. 4969 sq.), il est désigné comme ses frères pour mener une « eschiele » (Al, v. 5158 sq.), comme eux, il se bat et lance son cri de ralliement « une enseigne doutee » (A1, v. 5365).
22Il commet cependant une faute, quand ne reconnaissant pas son frère Guillaume, il l’attaque (Al. v. 2560-623). Le double effet de la faute et de la hiérarchisation des frères dans l’échelle des valeurs guerrières fait qu’Hernaut ne peut qu’être désarçonné par son aîné. Certes, on peut voir dans cet acte l’effet de l’impulsivité du personnage, si souvent mise en avant, et le signe évident de sa rousseur. Mais il s’agit là, on le sait, d’un topos littéraire, et, à ce stade du récit, il n’a encore été qualifié que par son nom et son fief. Sa rousseur n’est relevée que bien après :
Hernaut se dresce, qui rous ot le menton. (Al, v. 3441)
23Notons au passage qu’il s’agit d’un second hémistiche, dont on sait que, dans la technique épique, il relève du mécanisme de remplissage pour obtenir la rime, le premier hémistiche étant davantage porteur de sens. Pour s’en convaincre, il suffit de constater qu’il s’agit là de l’unique mention de la rousseur d’Hernaut dans l’œuvre et que le mot « menton » apparaît trois fois à la rime dans la laisse en question et systématiquement dans les laisses en -on, même s’il n’y a que 7 vers comme dans la laisse CXXI.
24Joël Grisward a d’ailleurs montré que la rousseur du personnage ne nuisait en rien à sa beauté (N1, v. 948-50) et qu’elle n’empêchait nullement une grande valeur: de fait, l’abondance et la variété des épithètes laudatives dans La Prise de Cordres et de Sebille, à peu près contemporaine d’Aliscans, le confirment malgré deux mentions de la rousseur du héros16. Si l’on peut arguer que l’éloignement des occurrences peut entraîner quelque incohérence, il n’en va pas de même pour Guibert d’Andrenas, où se succèdent deux vers apparemment contradictoires :
Dites Ernaut, le vassal aduré,
Au felon rous qui tant a de fierté17 [...]
25Là encore, J. Grisward a souligné que la rousseur trahissait plus l’emportement que la fourberie18: elle ne ne traduit qu’un certain emportement comme le soulignent des épithètes comme « aïrous » (ESG, v. 647), « hetiez » (N1, v. 5846) et peut-être la plus rare « depers » (PC, v. 1487), encore qu’elles ne soient pas négatives. Il faut compter également, nous semble-t-il, avec la technique épique: l’adjectif de couleur, monosyllabique dans bien des cas pour ce qui touche à la pilosité, couplé à l’article défini également monosyllabique et propre à introduire l’épithète homérique, permet opportunément, selon les nécessités syntaxiques du contexte, de saturer le premier hémitische du décasyllabe en déterminant un prénom dissyllabique. Certes il particularise l’ndidividu, mais alterne également avec des titres comme « ber », « cuens » ou « duc » ou encore avec les liens de parenté. On peut le constater grâce aux variantes des manuscrits et un exemple probant est fourni par Les Enfances Vivien :
Li cuens Hernalt a la fiere vertut (ms A)
Hernaus li rous a la fiere vertu19 (ms B)
26Le jeu rythmique explique sans doute la facilité avec laquelle Hernaut peut être qualifié de roux sans que cela entre en contradiction avec ses actions: comme le fait remarquer l’éditrice de Guibert d’Andrenas, Hernaut prend une part active à la conquête d’Andrenas20.
27La familiarité du surnom d’Hernaut masque une réalité statistique significative. Tout d’abord, beaucoup d’œuvres du cycle ignorent le surnom touchant à la couleur de ses cheveux; sur l’ensemble à peine plus d’un texte sur trois recourt au surnom et le taux d’utilisation de celui-ci est à peine supérieur à 15 % des occurrences du prénom d’Hernaut, même en comptant les variantes. De surcroît, il s’avère que sur les huit textes qui utilisent le surnom, quatre n’y recourent qu’une fois, un autre deux fois, un autre encore trois fois et un dernier quatre fois21. Autrement dit, si l’on retire des statistiques le décompte des Narbonnais, il est clair que le taux d’utilisation de l’épithète de couleur tombe autour des 7 %. C’est dire combien l’image d’Hernaut s’est forgée autour de quelques textes et découle pour l’essentiel des Narbonnais, œuvre qui regroupe à elle seule près des deux tiers des occurrences du surnom.
28Ce fait recoupe une autre donnée non moins intéressante. Les chansons de geste qui recourent à l’épithète homérique « le roux » sont toutes postérieures à 1170 et, malgré les difficultés de datation, se situent au tournant du xiie et du xiiie siècle. On comprend dès lors que l’auteur des Narbonnais, texte composé avec plus de certitude au début du xiiie siècle, se soit emparé de cette donnée et l’ait exploité de façon beaucoup plus systématique.
29Cela n’ôte rien à la lumineuse analyse que Joël Grisward fait des Narbonnais, mais en ce qui concerne Hernaut, l’affirmation que «selon toute vraisemblance, la couleur si particulière de ses cheveux n’est pas une invention médiévale, elle constitue une donnée ancienne et signifie fonctionnellement » peut être tempérée et doit beaucoup à l’auteur des Narbonnais et à son talent. C’est lui qui trace le portrait le plus personnalisé du personnage, auquel répond celui de La Prise de Cordres et de Sebille.
30En effet, on y retrouve les traits de caractère d’Hernaut : bouillonnant, il est le premier à tenir tête au païen qui menace de laisser les Aymerides pourrir en prison (PC, v. 671 sq.), puis commente l’état de la prison (v. 691); sa griserie le pousse à n’avoir d’autre explication à sa capture qu’un enchantement (v. 944-58), mais surtout il s’emporte lorsque Nubie s’amuse à faire croire aux prisonniers qu’elle ne les fait sortir que pour les mener devant le prince païen :
Avis li est, qui lou va regardant,
Que li visages li voist tos esprenant
Et li diables li voist o cors entrent.
Voit lou Guillelmes, si l’a mostré Bertran :
« Biaus niés », dist il, « mes freire a maltalant; »
Ja iert diables s’il se vait aïrant. » (PC 1097-102)
31Aussitôt après, selon un topos bien connu, Nubie leur ouvre le trésor:
« Deus ! », dist Hernalz, « con grant avoir ci a !
Gloriox Pere ki lou mont estoras,
Ans tant n’en ot li fors rois Golïas ! »
Et dist Guillelmes : « Or poés oïr gas :
Ne cuidai pas c’au sicle tant en ait. » (PC, 1160-4)
32Voici le mot « gab » lâché : s’applique-t-il aux propos d’Hernaut ou plus largement au contexte? Il est remarquable qu’auparavant, c’est Hernaut qui emploie le verbe «gaber» pour répliquer vertement au païen qui les menace (v. 679) ou à Nubie qui plaisante (v. 1089): certes, la formulation de ces répliques relève de la stéréotypie, mais pour autant le personnage d’Hernaut se retrouve souvent lié à la plaisanterie et plus généralement à la prise de parole plus ou moins conflictuelle. Pour autant, Hernaut ne démérite jamais dans l’action : outre la combativité qui lui valent les épithètes de « superbe » (v. 257), de « courageux », (v. 594), de « guerrier » (v. 1796), il se révèle perspicace puisqu’il est le premier à identifier les secours et donc à détromper le sage Bertrand (v. 1835), et c’est lui qui lors des retrouvailles marque l’entrée de la belle sarrasine dans le cercle familial en la présentant à son futur beau-père :
Par la main destre la prist Hernalz li ber,
Si la livrait dant Bernait lou barbé. (PC, v. 1930).
33Au-delà du caractère quelque peu sanguin, c’est une certaine finesse d’Hernaut qui est mise en avant, supérieure parfois à celle de ses aînés, comme semble le corroborer un passage de La Mort Aimeri de Narbonne :
As eschés joe Guillaume au cort nés,
Hernauz et Bueves et danz Garins li ber.
Cil troi se sont encontre lui torné ;
Hernauz ses frere lor a un tret mostré
Par quoi li autre furent del jeu maté. (MAN, v. 2202-06)
34Le passage manque de clarté : faut-il comprendre que les trois premiers jouent contre Garin (ce qui possible grammaticalement avec le démonstratif d’éloignement) ou que les trois frères du vers 2203 luttent contre Guillaume ? Toujours est-il que, si la leçon du vers 2205 est bonne, Hernaut épate aussi bien adversaire que partenaires.
35Dans la brièveté des mentions qui sont faites d’Hernaut (et de Garin), Aye d’Avignon résume assez bien également le sort qui est fait au personnage qui nous occupe dans la plupart des textes du cycle des Narbonnais : entièrement dans l’ombre de Ganor ou de Garnier, Hernaut n’en joue pas moins son rôle d’adjuvant comme le soulignent les épithètes valorisantes, tout en gardant sa part d’originalité en étant le maître d’armes du païen à Aufalerne.
36Comment expliquer alors qu’en fin de compte, deux textes seulement, Le Siège de Barbastre et Aimeri de Narbonne, aient forgé une image de « gabeur » ou de parjure, forçant ainsi le trait et en faisant de la rousseur la concrétisation de ce comportement. Pourtant, dans le plus ancien des deux textes, Le Siège de Barbastre, nos considérations antérieures demeurent valables, les termes laudatifs sont nombreux : « au fier corage » (SB, v. 1120), « que tant home ont doté » (v. 3426), « li preuz et l’alosez », (v. 6347), « que plus preuz ne savon » (v. 6396), les actes de bravoure ne cèdent en rien à ceux des frères dans les énumérations, et Hernaut se singularise même en étant le premier à rattraper Corsolt en fuite (v. 6724). Alors pourquoi cette trilogie de parjures ?
37L’explication pourrait résider dans l’influence du Voyage de Charlemagne à Jérusalem et à Constantinople. Les spécialistes de la geste d’Aimeri semblent avoir oublié qu’Hernaut faisait partie du voyage et donc des « gabeurs ». Sur les douze preux qui « gabent » avec Charlemagne, cinq sont des Aymerides, et si Guillaume et Bernard, de même qu’Olivier, réalisent la prouesse dont ils s’étaient vantés, il est intéressant de remarquer qu’hormis le cas particulier d’Olivier dont le « gab » touche à l’honneur de l’empereur Hugues, celui-ci choisit de mettre à l’épreuve les fils d’Aimeri, représentatifs dex deux premières fonctions, à l’instar de l’empereur lui-même. Mais Hernaut fait partie des neuf qui n’ont pas à mettre à exécution leur vantardise.
38Il est possible que ce récit, si difficile à dater, ait été connu de l’auteur du Siège de Barbastre et qu’il ait voulu illustrer à sa manière la vantardise d’Hernaut, par le biais des vœux trahis. Cette innovation n’est en réalité pas sans maladresse ; d’une part, dans les vers 3189 sq., Beuvon ne dit pas qu’Hernaut avait juré de ne jamais boire d’eau, cependant que le rappel du messager (v. 3537 sq.) le mentionne, explicitant quelque peu les vers 3202-4), mais omet le vœu sur les femmes rousses ; d’autre part, ce vœu-ci ne trouve pas vraiment son démenti dans le vers 320522. Au demeurant, il est bon de rappeler qu’à aucun moment Hernaut lui-même n’est dit roux dans l’œuvre. Pourrait-on pousser la surinterprétation jusqu’à dire que «l’eve del fossé toute noire et hidouse» (v. 3546) est couleur de plomb? Sans aller jusque là, on peut voir une certaine similitude dans la transposition qu’Aimeri de Narbonne fait de ce vœu touchant à l’eau.
39Mais surtout, par ces vœux parjurés, l’auteur fait d’Hernaut, représentant de la troisième fonction, le miroir déformé, le portrait inachevé de son aîné, Guillaume, symbole de la deuxième fonction. En effet, ces vœux sont l’antithèse de celui prononcé par Guillaume, après la première bataille de l’Archamp, au moment de quitter Guibourc (Al., v. 2390-405): ce serment s’inscrit nettement dans un rapport de couple, et Guillaume jure de ne boire que de l’eau et de manger que du gros pain aussi longtemps qu’il sera loin de sa bien-aimée. Or Hernaut, en refusant toute femme rousse, sous-entend qu’il est tout prêt à avoir des aventures galantes et parallèment il refuse toute nourriture pauvre, qui au demeurant peut être rattachée précisément à la troisième fonction. Par conséquent, le vers 3539 du Siège de Barbastre se révèle comme le reflet du vers d’Aliscans dépeignant Guillaume mangeant à la cour:
Ainz manga torte et but eve a foison. (Al. v. 3420)
40Sentant confusément et respectant la hiérarchisation qui lie les deux frères au sein du cycle, l’auteur du Siège de Barbastre fait d’Hernaut par ses vœux parjurés un anti-héros, la marque en creux de ce qu’est capable de faire le véritable guerrier.
41Par le simple fait de sa postériorité, Aimeri de Narbonne annonçant la descendance du héros éponyme se devait d’apporter quelque cohérence dans l’héritage du Siège de Barbastre. Aisé à comprendre, le vœu touchant à la « tourte » est reconduit d’autant plus facilement qu’il n’est pas rompu: le parjure reste à l’état de souhait, puisque même la nourriture vile fait défaut, cependant que le vœu sur les femmes rousses et son parjure – passés sous silence dans le message – sont largement explicités dans une veine comique très marquée, mais qui ne dépareille pas dans le cycle. En transposant l’épisode de l’eau bue dans le passage du gué, l’auteur construit une logique de contraste dans les laisses parallèles, comme l’a montré Joël Grisward23. Mais ce faisant, peut-être avait-il en tête une autre immersion d’Hernaut: le plongeon dans l’eau n’est pas, en effet, sans rappeler celui dans la cuve de plomb fondu, de même que « granz .iiij. » liues (AN, v. 4559) semblent faire écho aux « de plom quatre granz sumes » (VC1, v. 567).
42On peut supposer que, porteur de l’héritage culturel d’un cycle déjà bien élaboré au début du xiiie siècle, conscient du handicap donné à Hernaut par la rousseur attribuée par certains textes des décennies précédentes, voire même ayant connu le récit contemporain des Narbonnais, l’auteur d’Aimeri de Narbonne a eu à cœur, dans l’annonce de la descendance du héros éponyme, de justifier la structure même du cycle : en faisant du personnage un parjure, il justifiait par là même l’incapacité qui était la sienne d’être le héros central et valorisé d’un texte indépendant qui, de fait, n’existait pas.
43L’étude chronologique du cycle des Narbonnais révèle qu’indéniablement, Hernaut ne peut être un personnage primitif, et que son élaboration est faite à la fois par les auteurs de la seconde génération et par les copistes plus tardifs qui, finissant par assimiler qu’Aimeri a un fils qui s’appelle Hernaut, ajoutent son nom dans la progéniture d’Aymeri et d’Hermenjart. Sa mention devient alors topique dès qu’on évoque les Aymerides, comme le soulignent les exemples tardifs et furtifs d’Hugues Capet ou de Clarisse et Florent24. Il apparaît donc que le personnage est le fruit d’une construction progressive du cycle, ce qui ne gêne nullement l’interprétation par le substrat indo-européen. Cela prouve seulement que des auteurs plus ou moins inspirés, notamment par la matière de Bretagne, comme le soulignent les judicieux rapprochements établis par Joël Grisward, ont su façonner un personnage et l’insérer non sans une certaine habileté dans le cercle familial, où il rejoint Blanchefleur, sa sœur, elle aussi victime de l’image donnée d’elle par deux textes seulement du cycle, Aliscans et La Chanson de Guillaume, en écho l’un de l’autre comme le sont Le siège de Barbastre et Aimeri de Narbonne.
44L’intégration d’Hernaut passait certes par une caractérisation, une individualisation, mais nous pensons avoir montré que, dans les passages accumulatifs, la technique épique suscite deux phénomènes liés : d’un côté, dans le lot des frères en retrait du héros, les épithètes laudatives sont interchangeables, notamment dans les séries cumulatives, et font que, dans la majorité des cas, Hernaut n’est en rien déprécié. De l’autre, sa particularisation par la couleur de cheveux est soumise tant aux nécessités de l’assonance pour le second hémistiche qu’à la rythmique très dense du premier, dans la mesure où tous les textes qui font d’Hernaut un roux sont encore décasyllabiques.
45Il en résulte un décalage entre la sporadicité de cette mention de couleur, mis à part le cas particulier des Narbonnais, et l’image caractérisée que fait naître l’épithète homérique, peut-être plus chez les médiévistes que pour les contemporains. Ce nonobstant, la spécificité de la prestation orale, et donc la nécessité de démarquer les frères pour le public – suscitée par l’allongement des récits et servie par la praticité d’un adjectif de couleur monosyllabique, processus surexploité dans Les Narbonnais – ont sans doute contribué à donner à Hernaut sinon un caractère ardent du moins un visage flamboyant.
Notes de bas de page
1 Du moins, pour ce qui est des manuscrits parvenus jusqu’à nous ; sur l’éventualité d’un texte consacré à Hernaut, voir le rappel de Joël Grisward, Archéologie de l’épopée médiévale, Paris, Payot, 1981, p. 290-1 et notes afférentes.
2 Jean Frappier, Les Chansons de geste du cycle de Guillaume d’Orange, Paris, sedes, 1955, p. 103.
3 J. Grisward, op. cit., p. 253-86. L’auteur emploie à plusieurs reprises l’expression « quasi-jumeaux ».
4 Nous utilisons les sigles et les éditions donnés par André Moisan dans son Répertoire des noms propres de personnes et de lieux cités dans les chansons de geste françaises et les œuvres étrangères dérivées, Genève, Droz, 1986. Nous ne signalerons donc que les éditions autres.
5 L’ordre d’énonciation dans Le Couronnement de Louis, ainsi reconstitué, pourrait être celui de naissance et correspondrait mieux à la répartition des fils en triades trifonctionnelles (cf. J. Grisward, op.cit., p. 53), ce n’est toutefois pas, on le sait, celui retenu par Les Narbonnais et Aimeri de Narbonne. L’éditeur de La Mort Aimeri de Narbonne, Paris, Didot, 1884, J. Couraye du Parc, fait d’Hernaut le fils aîné d’Aimeri, dans la table des noms propres, mais c’est sans doute par une mauvaise interprétation du vers 539 qui se rapporte au vers précédent et donc à Bernard, et non à Hernaut mentionné ensuite.
6 Cf. la varia lectio de l’édition citée ainsi que la note du v. 823 dans l’édition Yvan. G. Lepage, Les Rédactions en vers du Couronnement de Louis, Genève, Droz, 1978. Notons d’ores et déjà que, dans les manuscrits où Hernaut est nommé, sa détermination se fait par la seule mention de son fief et non par sa couleur de cheveux. Cette caractérisation par le fief est remarquablement stable dans l’ensemble du cycle, puisque seul le copiste du manuscrit E de La Chevalerie Vivien lui attribue Orléans (éd. † D. Mc Millan, Aix-en-Provence, cuerma, 1997, Senefiance n° 39 et 40), v. 1813A. Peut-être s’agit-il d’une réminiscence de l’épisode d’Orléans dans Aliscans. L’auteur de la mise en prose des Enfances Vivien, EV, Ms Pl, 1. 1159, 1337, 2157, 2426, commet la même erreur sans qu’on puisse pour autant y voir une filiation d’après les stemmas proposés par les différents éditeurs. La confusion découle peut-être du nom du traître usurpateur dans Le Couronnement de Louis.
7 Il faut donc nuancer la pensée de J. Grisward « Ce classement se retrouve avec une telle constance et une telle stabilité à travers les diverses chansons du cycle qu’il est impossible de voir là l’œuvre du hasard », op. cit., p. 142 (il en sera de même pour la rousseur, p. 254). Certes, on comprend aisément qu’il lui faille étudier les Narbonnais en termes de structure, plutôt que d’avoir une approche diachronique du cycle (cf. p. 19). Cependant, c’est cette approche que lui-même applique au personnage de Blanchefeur (chap. VII) pour souligner que deux textes suffisent à distordre son image. Nous voudrions montrer par la même approche qu’Hernaut est, comme sa sœur – à laquelle il est associé dans la troisième fonction – un personnage qui se compose au cours du cycle.
8 Outre La Prise d’Orange, il s’agit de Buevon de Conmarchis (voir infra), des Enfances Ogier, de Fouques de Candie, du Moniage Rainouart, et des Saisnes.
9 Outre Aliscans, Hernaut est mentionné sans Garin dans La Chevalerie Ogier, Clarisse et Florent, Les Enfances Renier, Girart de Roussillon et Huon d’Auvergne.
10 Cf. la varia lectio, v. 2395-6. On voit bien comment joue la technique épique à propos de la substitution d’Hernaut à Aymer le chétif au vers 2395 dans le manuscrit C3 : la syllabe manquante est compensée par le titre de « quens ». A l’inverse, à ce jeu-là, le copiste de Cl fait du second hémistiche un heptasyllabe au vers 2396.
11 BC, v. 681 -6, vs SB (v. 397 sq. ). Comme Buevon de Conmarchis correspond seulement aux 3 000 premiers vers environ du Siège de Barbastre, il n’est plus question d’Hernaut dans le texte d’Adenet, puisqu’Hernaut ne réapparaît qu’au vers 3189 du Siège de Barbastre. Signalons par ailleurs ce qui nous semble être une erreur non commentée du copiste du Moniage Guillaume, éd. N. Andrieux-Reix, Paris, Champion, 2003 : Hernaut est mentionné deux fois (v. 2278 et 2280) dans une seule et même énumération des Aymerides, par Gaidon l’ermite : dans le contexte, on pourrait substituer Bernard, autre prénom dissyllabique, ou plus vraisemblablement Garin, qui est dit selon les textes comte ou duc d’Anseüne.
12 Cette différence échappe à l’auteur d’Hugues Capet, qui associe Garin, Ernaut, Bernard et Guibellin (Guibert) dans la mort devant Narbonne, éd. N. Laborderie, Paris, Champion, 1997, v. 1073-7.
13 Cf. J. Grisward, op. cit., p. 173-4.
14 « a la barbe » est logiquement appliqué aussi à Aimeri (cf. J. Grisward, op. cit., p. 124) et pas seulement dans Les Narbonnais, mais encore à Beuvon, qui pourtant est plus jeune (MG2, v. 2279).
15 On retrouve le qualificatif de «barbés», à propos d’Hernaut dans La Chevalerie Vivien, éd. citée, v. 886.
16 Voir le relevé établi par O. Densusianu dans la table des noms propres et cf. J. Grisward, op. cit., p. 150, 260 et notes afférentes.
17 Ed. Muriel Ott, Nancy, thèse soutenue à l’Université de Nancy II en 1999, v. 346-7. L’association de l’hémistiche valorisant et de la rousseur significative se trouve dans tous les manuscrits.
18 Op. cit., p 254.
19 EV, v. 2801. Nous développons en italique les abréviations de l’édition semi-diplomatique. Rappelons que les autres manuscrits tronquent l’énumération. On retrouve la même variabilité par exemple au vers 2205 de La Mort Aimeri de Narbonne : « Hernauz li rox »(ms C), vs « Hernauz ses frere »(ms de base).
20 Op. cit., p. 102 et note afférente au vers 346.
21 Une fois, Al., v. 3441, AN, v. 4555 (et encore n’est-ce pas présenté comme une épithète homérique), EG, v. 3302, GA (éd. Ott), v. 347 ; deux fois, PC, v. 1075, 2024 ; trois fois, MG (éd. Laborderie), v. 2278, 2883, 5078 ; quatre fois, MAN, 3714, 3779, 3937, 4157.
22 « Ce me dites Hernaut de Gironde la bone,
Que a celles ensengnes el palés de Nerbone
L’oï ge bien venter a Aimeri le conte,
Por tant com il tenist le palés de Gironde,
Que ja ne mengeroit de tortre par besongne,
Ne ja a son vivant n’avroit fame rouse.
Car autresin seroient li enfant rous encontre.
Puis fu il tieus deux mois que il ot tel besongne
Qu’il ne pooit issir de Gironde la bone,
Ne ne menja de pain ne de blé ne d’avone,
Ne si n’i but de vin de baril ne de tonne,
Ne onques de claré n’i but nesune goute.
Cent mars d’argent donast por un cartier de tortre.
Mes l’eve del fosé, qui puant estoit tote,
Vers coez i avoit une grandime route,
El pan de son bliaut aloient il a conte ;
Ne la dedanz n’avoit fame noire ne bloie.
La le secoru ge et o moi dis mil homes,
A iceles ensengne me viengne ci secorre,
Entre gent sarrazine. » (v. 3189 sq.)
« A iceles ensengnes qu’el palais de Nerbone
Vos oïl ja vanter a Aymeri le conte
Que tant con tenisiez le palés de Gironde
Que ne ouvrîez eve ne mengerïez tortre,
Ne c’a vostre vivant n’avriez fame rouse ;
Puis fustes tieus trois mois en la cit de Gironde,
Que assis vos i orent li fil Borrel tuit doze ;
Por un cartier de pain donisieztot le monde,
De vin ne de claré n’i beütes vos onques,
Fors l’eve del fossé tote noire et hidouse.
La vos secorut il a trestot dis mil homes »
(v. 3537 sq.)
Le Siège de Barbastre, éd. Perrier
L’interprétation de J. Grisward pour le vers 3205, op. cit., p. 298, souffre du voisinage du vers suivant, qui sous-entend par l’évocation des enfants susceptibles de naître l’idée d’une relation durable. En outre est-il crédible qu’il n’y ait qu’une seule femme dans toute la ville assiégée pour assouvir les pulsions du Narbonnais ou est-ce à dire que toutes ses habitantes sont rousses ? Autant situer alors Gerone en Irlande...
23 Op. cit., p. 295. Notre interprétation va dans le sens du souci de structuration souligné ibidem, p. 297, mais rien ne prouve que ce vœu de ne pas reculer ait préexisté dans Le Siège de Barbastre, comme le suppose l’auteur, p. 299.
24 Pour Hugues Capet, cf. supra. Dans Clarisse et Florent, c’est le seul fils évoqué par Sorbarré (CF, v. 5378). Nous n’avons pu contrôler l’unique occurrence de Huon d’Auvergne (HA1, v. 9974), qui au demeurant présente une variante, signe de la difficulté d’identification pour les copistes.
Auteur
Université de Provence
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