L’hagiographie médiévale de saint Jean-Baptiste
Evangiles, légendiers sanctoraux et récits de voyage en Terre sainte
p. 201-216
Texte intégral
Pour les Amis de Saint-Jean-de-Jérusalem de Nancy.
Proverbes, 3, 32.
1La Vierge au Serin d’A. Dürer, La Vierge à la Chaise de Raphaël, La Vierge de la Victoire de Mantegna, La Vierge aux Rochers de Léonard de Vinci montrent tous saint Jean-Baptiste enfant aux côtés de Marie et son Fils. Ces représentations célèbres et bien d’autres, analysées par E. Mâle tout au long de sa carrière et dans un livre ultime1, soulignent, s’il en était besoin, l’importance évangélique et hagiographique de saint Jean, parent et précurseur du Christ. Cette étude va se limiter aux composantes hagiographiques de l’histoire du Baptiste. Des pères de l’Eglise jusqu’aux très actuels historiens de la littérature, de l’art et de la musique, on n’a jamais cessé d’en commenter les données. Saint Jean n’est pas, si l’on peut dire, un saint ordinaire : il est mal connu parce qu’on croit le connaître. Son histoire s’articule en trois moments : nativité, baptême du Christ, décollation qui peuvent paraître simples, mais un examen approfondi montre vite que chacun de ces épisodes comporte des significations inaperçues au premier abord. Dans un premier temps, nous allons préciser les traits principaux de cette histoire souvent énigmatique. Depuis Emile Mâle, on connaît bien les représentations plastiques (statues, peintures, vitraux et enluminures) qui montrèrent saint Jean-Baptiste aux différentes époques médiévales. On est moins familier avec les nombreux textes dont il fut également l’objet. Ils puisaient souvent une partie de leur documentation (analyses, exempla etc.) dans les légendiers abrégés du temps. Nous consacrerons une seconde partie au saint Jean des grands recueils sanctoraux composés par les dominicains du xiiie siècle.
2Quand ils se rendaient en Terre sainte, les pèlerins médiévaux partaient pour évoquer in situ les grands moments de l’histoire terrestre du Christ. Ils découvraient rapidement que le souvenir de saint Jean-Baptiste imprégnait tout le pèlerinage. La Sequela Christi à laquelle les conviaient les franciscains du mont Sion le leur faisait rencontrer à chaque pas. Notre dernière partie sera donc consacrée aux moments johanniques des récits de voyages en Terre sainte du xve siècle.
Saint Jean-Baptiste dans les Evangiles : une image fondamentale
3Chacun pense connaître l’histoire du Baptiste. Il nous semble pourtant indispensable d’en rappeler les principaux épisodes dans une perspective évangélique synoptique. Saint Jean appartient, par les femmes, à la proche famille du Christ. Sa mère Elisabeth est une parente2 de Marie. Comme l’histoire du Christ, le destin de saint Jean s’articule en trois moments : une annonciation et une nativité, une vie publique de prédication et une fin tragique fondée sur une injustice et un abus de pouvoir. Son père Zacharie reçoit la faveur de l’annonciation. Ce sacrificateur vieillissant apprend d’un ange apparu dans le Temple de Jérusalem qu’il va lui naître un fils qu’il faudra nommer Jean et qu’on devra élever en naziréen. Incrédule, Zacharie s’étonne que sa femme puisse encore concevoir et l’ange le frappe de mutisme pour le punir. Elisabeth, jusqu’alors stérile, conçoit et va cacher sa joie – et son embarras – dans les montagnes de Judée. Elle y reçoit la visite de Marie vierge et enceinte qui a aussi été l’objet d’une annonciation3. L’épisode est bien connu : Elisabeth salue Marie tandis que le futur Jean tressaille en son sein : « Bénie es tu entre les femmes... » Marie exprime alors sa joie par des paroles qui seront reprises par le Magnificat de l’Eglise catholique : « Mon âme exalte le Seigneur... » Luc indique alors que Jean vivra toute sa jeunesse au désert ainsi que l’ange l’avait prescrit à son père (I, 80).
4La vie publique de saint Jean s’organise tout entière autour de l’annonce du Messie. Quand le Précurseur surgit du désert, c’est un ermite hirsute, un ascète qui prêche la pénitence, annonce Celui qui vient et purifie ses ouailles en les baptisant par immersion dans le Jourdain. Il lui arrive aussi d’affronter les élites religieuses en place dont il stigmatise les certitudes formelles dans des sermons pleins d’invectives inspirées. Il connaîtra la plénitude quand Jésus viendra le trouver pour lui demander humblement le baptême : au milieu des prodiges, Jean désignera Jésus à ses fidèles comme le Messie. Ils ne se rencontreront plus. Le Christ dira son affection pour le Baptiste et Jean, déjà emprisonné à Machéronte, enverra ses disciples pour demander une dernière fois à Jésus s’il est le Messie. Indirecte, la réponse du Christ dissipera néanmoins les derniers doutes du Précurseur et lui permettra d’accomplir son destin. Jean n’est pas seulement un prédicateur pour les temps qui viennent, c’est aussi un censeur des mœurs de son époque. Intrépide, il n’hésite pas à reprendre le roi Hérode Agrippa qui a suborné la femme de son frère Philippe. Hérodiade ne pardonnera pas cette censure publique et obtiendra la décollation du Baptiste grâce aux charmes de sa fille Salomé. L’histoire est trop connue pour qu’on s’y attarde. Le Christ pleurera Jean qui aura payé de sa vie son amour du Bien et de la voie droite.
5A l’issue de ce bref mais indispensable rappel, on mesure à quel point le sens du personnage de saint Jean-Baptiste nous échappe encore. Des questions demeurent sans réponse : pourquoi le Messie a-t-il eu besoin d’un Précurseur ? Pourquoi Jean a-t-il eu un destin si bref ? Quel est le sens de son action ? Saint Jean est comme absorbé dans le rayonnement grandiose du destin de Jésus : pourquoi ? Présence très prégnante au début de l’évangile de Luc, il devient vite une absence mal comprise du simple fidèle. A y regarder de plus près, les récits évangéliques nous fournissent eux-mêmes des éléments pour progresser dans la connaissance du Précurseur.
6L’effacement presque immédiat de saint Jean correspond évidemment à la nature christo-centrique des Evangiles. Le destin du Baptiste évoque déjà celui de Jésus, mais la logique divine de l’histoire de la Rédemption exige de ne pas persévérer dans le parallèle. Dans l’évangile de Jean, c’est le Précurseur lui-même qui insiste sur ce point :
Il faut qu’il croisse et que je diminue. Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous, celui qui est de la terre est de la terre...
(III, 30)
7Le plus grand des hommes doit donc s’effacer devant le Fils de Dieu. Si l’on pénètre plus avant dans le texte évangélique en ses moments johanniques, on découvre rapidement les aspects symboliques du récit. En hébreu biblique, il faut toujours accorder de l’importance aux significations cachées de l’onomastique humaine. La traduction des noms de Zacharie (L’Eternel s’est souvenu), d’Elisabeth (Dieu son serment), de Jean (L’Eternel a fait grâce) nous renvoie à chaque fois à la sémantique allusive du pardon promis : tout pourrait presque se résoudre en une seule phrase : « L’Eternel s’est souvenu de sa promesse et a fait grâce ». Importance du message ! Une telle conjonction ne peut venir du hasard. Pour un croyant, elle exprime l’essence même du dessein divin4. L’avènement de saint Jean est donc un terminus a quo qui marque la fin de la colère de Dieu et, dès lors, on comprend mieux la prescription onomastique imposée à Zacharie par l’ange apparu dans le Temple. Les noms du récit de saint Luc annoncent, en eux-mêmes, le temps de la Rédemption.
8Cette onomastique orientée marque le premier niveau du symbolisme évangélique. Il est possible d’accéder au second niveau en interrogeant les correspondances existant entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Les exégètes médiévaux ont toujours souligné ces « symétries » spirituelles qui existent entre les deux traditions car elles permettent la mise en lumière de la finalité de l’Histoire et du dessein de Dieu à l’œuvre parmi Son peuple5. Située à l’exacte césure entre les deux traditions, l’histoire du Baptiste est riche de nombreux échos prémonitoires. Dès avant sa naissance, saint Jean se voit assigner un statut religieux et social particulier :
Ta femme Elisabeth t’enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jean. Il sera pour toi un sujet de joie et d’allégresse, et plusieurs se réjouiront de sa naissance. Car il sera grand devant le Seigneur. Il ne boira ni vin ni liqueur enivrante et sera rempli de l’Esprit saint dès le sein de sa mère [...]. Il marchera devant Dieu avec l’esprit et la puissance d’Elie, pour ramener les cœurs des pères vers les enfants et les rebelles à la sagesse des justes, afin de préparer au Seigneur un peuple bien disposé.
(Luc, I, 13-17)
9L’abstinence totale imposée à l’enfant ne permet pas le doute : dès sa naissance, Jean-Baptiste est un naziréen6. Voué à Dieu, il lui est prescrit de vivre à l’écart, de garder toute sa chevelure et de ne jamais se souiller par le contact d’un cadavre, fût-il celui de sa propre mère. Ce statut quasi-érémitique place saint Jean dans une sorte de « filiation » biblique : il est naziréen comme Samson et Samuel le furent avant lui. La naissance de Samson (= petit soleil) fut aussi l’objet d’une annonciation angélique :
Un ange de l’Eternel apparut à la femme et lui dit : voici, tu es stérile et tu n’as point d’enfant ; tu deviendras enceinte et tu enfanteras un fils. Maintenant prends bien garde, ne bois ni vin ni liqueur forte, et ne mange rien d’impur. Car tu vas devenir enceinte et tu enfanteras un fils. Le rasoir ne passera point sur sa tête, parce que cet enfant sera consacré à Dieu dès le ventre de sa mère ; et ce sera lui qui commencera à délivrer Israël de la main des Philistins.
(Juges XIII, 3-5)
10La similitude est frappante et elle n’est pas fortuite. Samson des temps de la Plénitude et du Pardon, Jean reproduit le destin du juge à un niveau d’excellence. Il n’affranchit pas les Hébreux du joug des Philistins, il les appelle à se libérer eux-mêmes du Mal. Il n’écrase pas les ennemis d’Israël sous les décombres d’un palais, il baptise le peuple et l’entretient dans l’attente du Christ. La force du Baptiste n’a rien de physique, elle est spirituelle : exempt des souillures sensuelles du juge, Jean a mérité de baptiser et de montrer le Messie. Ce qui est vrai de Samson l’est encore plus de Samuel (= entendu, exaucé de Dieu). Dernier des juges et premier prophète après Moïse, Samuel est consacré à Dieu par sa mère Anne qui a fait ce vœu pour sortir de la frustration de la stérilité :
... si tu donnes à ta servante un enfant mâle, je le consacrerai à l’Eternel pour tous les jours de sa vie, et le rasoir ne passera point sur sa tête.
(Samuel, I, 11)
11Samuel prophétisera dès l’âge de douze ans. Il annoncera les tribulations d’Israël retombé dans ses fautes. Il réformera les mœurs, écrasera les Philistins et leur reprendra l’Arche d’Alliance. Enfin, il établira Saül et David premiers rois d’Israël. Ce dernier point nous ramène au Messie car David est l’ancêtre direct de Jésus. L’analogie devient éclatante : saint Jean est un nouveau Samuel. Naziréen comme le juge, il annonce, baptise et présente au peuple le nouveau David, Jésus qui se dira aussi, par métaphore, Roi des Juifs.
12Reste un dernier point : pourquoi saint Jean est-il annoncé comme une nouvel Elie ? Le Baptiste ressemble, il est vrai au plus grand des prophètes :
C’est un homme vêtu de poil [de chameau] et ayant une ceinture autour des reins7.
(2 Rois, I, 8)
13Comme Elie, Jean vit près du Jourdain. Il reprend Hérode sur ses mœurs comme Elie reprochait Jézabel la Tyrienne à Achab. Enlevé au ciel sans passer par la mort, Elie cède la place à Elisée qui purifie la source de Jéricho et guérit le roi Naaman de la lèpre en le baignant (en le baptisant ?) dans le Jourdain : le corps décapité de saint Jean sera enseveli à Sébaste – Samarie, non loin de la tombe d’Elisée8. Pour les exégètes médiévaux, le doute n’est pas possible, l’univers biblique est orienté et animé d’une Volonté : de telles analogies ne sauraient être fortuites ! Nouveau Samson, plus grand que Samuel et semblable au prophète Elie, saint Jean-Baptiste leur apparaît enfin en maître de la Lumière. Conçu vers la fin de notre septembre, au moment de la Fête des Tabernacles, le Baptiste naît à la fin juin, non loin du solstice d’été. Jésus, son cousin, s’incarne au printemps et naît au solstice d’hiver. Le Christ et son Précurseur occupent donc les quatre moments fondamentaux de l’année solaire qui correspondent aux fêtes juives de la Lumière : ici encore, il ne saurait être question de coïncidences ! Les éléments bibliques et symboliques abondent dans les textes évangéliques consacrés à saint Jean et les commentateurs médiévaux n’ont pas manqué de les débusquer. Ils vont apporter un supplément de sens à l’hagiographie du Baptiste. Le Baptiste est un personnage essentiel de l’histoire de la Rédemption. Précurseur sans être prophète, réformateur sans être juge, il devient très vite le premier témoin de la foi nouvelle9. Comme le dit Jésus repris par saint Jérôme, il est bien « le plus grand des enfants des hommes ».
Saint Jean-Baptiste dans les légendiers hagiographiques du xiiie siècle
14Passionnés par le mystère de la Rédemption, les pères et les docteurs de l’Eglise étudièrent et commentèrent sans relâche l’histoire de saint Jean-Baptiste. Sur ce sujet, leurs œuvres s’accumulèrent en un imposant corpus qui aurait échappé à la masse des fidèles si les hagiographies médiévaux n’y avaient largement puisé. A partir du xiiie siècle, les dominicains vulgarisèrent toute cette matière en composant des légendiers hagiographiques abrégés, organisés selon l’ordre de l’année liturgique qui connurent un immense et pluri-séculaire succès. Nous pensons, en particulier, aux œuvres de Jean de Mailly et de Jacques de Voragine 10. Le propos de ces auteurs est bien connu. Jean de Mailly, dans son Abbreviatio in gestis sanctorum entend fournir des thèmes et des exempla aux prédicateurs paroissiaux11. Le titre choisi par Jacques de Voragine, Legenda Aurea, invite plutôt aux lectures édifiantes. Chacun des deux ouvrages ménage une large place à l’histoire de saint Jean-Baptiste dont sont évoquées la Nativité et la Décollation. Chaque légendier reprend A sa façon la trame évangélique pour l’adapter avec tact A ses propres objectifs.
15La présence de saint Jean dans l’Abbreviatio ne se limite aux deux fêtes prévues par la liturgie annuelle. Dès le début du légendier, elles se manifeste dans d’autres légendes sanctorales. Saint André l’apôtre apparaît en disciple du Précurseur qu’il quitte pour suivre Jésus. Jean de Mailly estime que l’Epiphanie ne commémore pas seulement la visite des Mages A l’Enfant. Elle évoque aussi le Baptême du Christ et, en cette circonstance, il rappelle l’humble soumission de Jésus A saint Jean, lors de leur rencontre sur les rives du Jourdain. L’histoire de la Nativité du Baptiste incorpore des circonstances apocryphes : Marie ne fait pas que visiter sa parente : elle séjourne chez Elisabeth et l’assiste dans son accouchement. C’est elle qui reçoit le nouveau-né entre ses mains12. Pour la fête de la Décollation de saint Jean (29 août), le récit de l’hagiographe se transforme en enquête policière. Les turpitudes d’Hérode sont détaillées, les circonstances d’un véritable complot entre Hérode, Hérodiade et Salomé sont dénoncées. L’exécution du Baptiste n’est plus la conséquence d’une promesse imprudente : Jean de Mailly assure que toute la famille royale de Judée l’a décidée d’un commun accord. Le dominicain rapporte aussi le châtiment des coupables : Hérode meurt en exil A Lyon. Hérodiade s’affaisse, tuée par le souffle miraculeux qui s’échappe des lèvres de la tête coupée et Salomé se noie pour s’être aventurée sur la glace fragile d’un fleuve gelé par l’hiver occidental qu’elle connaît mal. Nous parvenons ici aux confins de la littérature profane13.
16Chez Jean de Mailly, l’histoire des reliques du Précurseur s’enrichit d’anecdotes strictement françaises. Le chef de saint Jean traverse la moitié du monde connu14 pour être finalement déposé dans un monastère fondé au ixe siècle par le roi Pépin, A Saint-Jean d’Angély. Le doigt qui désigna le Messie A la foule du Jourdain échappe A la crémation de Sébaste. Il sera conservé A Rome après avoir été rapporté en France par sainte Thècle. Un miracle insigne offrira une autre phalange de saint Jean à l’une de ses dévotes de Maurienne, en Savoie15. Comme on peut ici le constater, l’hagiographie de saint Jean amorce une nouvelle évolution : elle quitte son contexte strictement évangélique et elle s’occidentalise sous l’influence du culte des reliques. D’abord gréco-syriaque, l’histoire des restes du Précurseur passe par un épisode strictement byzantin. Elle se développe ensuite à Ravenne, puis à Rome (Saint-Jean de Latran et Saint-Jean-hors-les-Murs), A Milan et à Turin pour venir s’épanouir et presque trouver une conclusion dans l’espace français. Cet itinéraire hagiographique, amorcé dès la romanité tardive doit aussi beaucoup à la fascination carolingienne pour les reliques. On y retrouve également l’influence des Croisades et des traces des dévotions sanctorales de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem16. La Legenda Aurea va reprendre nombre de ces éléments, mais elle apportera aussi une coloration spécifique à cette légende commune.
17Respectueux des prescriptions liturgiques, Jacques de Voragine consacre lui aussi deux textes à saint Jean-Baptiste pour en commémorer la Nativité et la Décollation. Il reprend très fidèlement la vulgate évangélique mais la complète par des commentaires théologiques souvent profus, empruntés aux pères et aux docteurs évoqués plus haut. Il dépasse largement l’humble propos de Jean de Mailly car la légende de saint Jean se trouve amplifiée par toute l’autorité de la théologie et de l’histoire sacrée médiévales. Ces textes ne sont pas ici intangibles. On les développe et on les augmente pour la plus grande édification des lecteurs. Fasciné par les échos secrets de la prédestination cachés au cœur de l’onomastique, J. de Voragine explique ainsi chacun des titres du Précurseur par une vertu correspondante :
Saint Jean-Baptiste a beaucoup de noms : en effet, il est appelé prophète, ami de l’époux, lumière, ange, voix, Elie, Baptiste du Sauveur, héraut du Juge et précurseur du Roi. Le nom de prophète indique le privilège des connaissances ; celui d’ami de l’époux, le privilège de l’amour ; celui de lumière ardente, le privilège de la sainteté17...
18Après avoir souligné les aspects positifs du doute exprimé par Zacharie18, il énonce ainsi les neuf privilèges dont fut favorisé le Baptiste et il allègue les trois témoignages de sa sainteté19. Il termine enfin en analysant la gloire spirituelle de saint Jean qu’il érige en parfait prédicateur animé de ferveur, de constance, de prudence et de modération20. L’esprit moderne supporte mal le vertige qui naît de ces catégorisations scolastiques et il se lasse vite de ces constants recours aux autorités dont la pertinence finit par être compromise par l’accumulation21. Ces commentaires empruntés à saint Ambroise de Milan et à Bède le Vénérable ont cependant le mérite d’augmenter l’intelligibilité et donc la grandeur du personnage de saint Jean : il devient ainsi le méga-saint qui domine de toute sa stature la foule innombrable des élus. En d’autres endroits les ambitions de l’archevêque de Gênes sont plus modestes. Il convoque toujours les mêmes auteurs, mais c’est pour expliquer des données plus simples, presque populaires de la légende de saint Jean. Il a besoin du De divinis officiis de Jean Beleth22 pour commenter le thème de la lumière déclinante fêté lors de la Saint-Jean d’été23. Il reprend tous les exempla présents chez Jean de Mailly et il demande à Eusèbe de Césarée, Bède le Vénérable et Pierre Comestor24 des explications du sens spirituel du brûlement des os qui accompagne chaque fête de la Décollation en Occident. Il rappelle enfin que c’est un hymne à saint Jean de Paul Diacre du Mont Cassin qui fournit à Guy d’Arezzo les noms des notes de la gamme25.
19Dans la Legenda Aurea le personnage de saint Jean-Baptiste atteint son extension hagiographique maximale. C’est le parfait Prédicateur qui s’implique corps et âme dans le combat entre le Bien et le Mal dont l’Homme est à la fois le terrain, l’enjeu et l’acteur. C’est aussi le Précurseur annoncé par les prophètes 26 qui prépare le chemin du Seigneur et présente le Messie au peuple d’Israël. C’est enfin un symbole d’harmonie dont l’avènement marque le déclin de la lumière physique qui s’approfondit durant la seconde moitié de l’année liturgique jusqu’à la naissance du Christ « Lumière du Monde ». Telle est la matière des légendiers dominicains. Ils documentent abondamment la prédication médiévale qui diffusera d’autant mieux l’histoire glorieuse du Baptiste. Si tous les fidèles en retrouvent aussi la thématique dans les représentations plastiques qui ornent les sanctuaires, certains d’entre eux ont également le privilège de marcher sur les traces du Précurseur lors d’un pèlerinage en Terre sainte. C’est à ce dernier point que nous consacrons la troisième partie de cette étude.
Saint Jean-Baptiste dans les récits de pèlerinage en Terre sainte
20De nombreuses légendes sanctorales trouvent leur développement ultime dans les mystères dramatiques de la fin du Moyen Age. Mystères de la Passion ou mystères hagiographiques dilatent ces pieux récits au comble de leurs possibilités narratives. La logique voudrait donc que nous consacrions ce troisième moment de notre étude à examiner la mise en scène de l’histoire de saint Jean-Baptiste dans les Mystères de la Passion. Dans ce même volume, d’autres viendront qui détailleront les éléments de la *re-présentation théâtrale de la geste du Précurseur. Seule demeure notre volonté de mesurer la force de l’impact de la réalité sur les mentalités chrétiennes de la période. C’est possible si l’on se tourne vers les récits de pèlerinages en Terre sainte. Les témoignages ne manquent pas : à l’issue de leur pieux périple, de nombreux pèlerins relatèrent les circonstances de leur visite des Lieux saints. Comment réagissaient-ils quand ils retrouvaient sous leurs pas les lieux et les vestiges de l’histoire du Précurseur ? Il n’est pas question ici d’interroger le vaste corpus laissé par les voyageurs. Nous interrogerons seulement un ensemble de récits francophones très homogènes qui s’échelonnent de 1395 à 1486 :
1395 : « Le Sainct Voyage de Jherusalem » [dit d’Ogier d’Anglure].
1418 : « Le Voyage d’Oultremer a Jherusalem, par le seigneur [Nompar] de Caumont ».
1421-1423 : « Les Voyages de Ghillebert de Lannoy ».
1432-1433 : « Le Voyage d’Oultremer » de Bertrandon de la Brocquiere.
1480 : « Le Voyage de la Saincte Cyté de Jherusalem » [anonyme].
1480 : « Le Voyage de Pierre Barbatre ».
1485-1486 : « Le Voyage de Georges Lengherand, Mayeur de Mons en Haynaut a Venise, Rome Jherusalem, Mont Sinaï et Le Kayre ».
1485-1486 : « Le Voyage aux Lieux saints27 » [dit de l’Anonyme de Rennes].
21Après la prise de Saint-Jean-d’Acre en 1291, le rêve oriental du royaume franc de Terre sainte s’est évanoui. L’Occident se résigne lentement à voir les musulmans détenir les Lieux saints. Dans ce nouveau contexte, l’esprit du pèlerinage évolue fortement. On s’en rend compte dès le début du xive siècle. En 1320, les franciscains se sont installés à Jérusalem et ils sont devenus les gardiens latins du Cénacle, du Saint-Sépulcre, de la Grotte de Bethléem et du Tombeau de Marie. Ils orientèrent alors la spiritualité pérégrine vers une méditation christo-centrique qui procédait d’une piété individuelle, affective et pratique : la Devotio Moderna. Ils accordèrent aussi une grande importance à la pénitence personnelle et à la conversion intime qui devinrent alors les indispensables conditions de la réussite et donc de l’efficacité du pèlerinage. Venise détenait le monopole du transport des pèlerins et les galées de la Sérénissime les emmenaient vers le Proche Orient pour un circuit des plus simples : Venise, Jaffa, Jérusalem, Bethléem, le Jourdain, Jérusalem, Jaffa, Venise28.
22Où commençait le pèlerinage ? A Venise ou à Jaffa ? La question est importante et mérite d’être posée. Dès Venise, les pèlerins pouvaient se procurer le guide franciscain du saint voyage où l’on ne manquait pas de signaler la richesse spirituelle de la ville. On se retrouvait tout de suite sur les traces de saint Jean :
« En une religion de nonnains ou sont les filles des seigneurs en religion, nommee Sainct-Zacharie, a l’entree de la porte, soubz le portail, y a une petite chapelle ou il ne peult tenir que trois personnes a la fois [...] Et derriere le grant autel, est le corps entier de sainct Zacharie, prophete et pere de sainct Jehan Baptiste29 ».
23Cette mention de l’église Saint-Zacharie de Venise se retrouvent dans d’autres récits : Ogier d’Anglure, Georges Lengherand l’évoquent et semblent considérer leur visite du sanctuaire comme une démarche importante. Dès leur débarquement en Terre sainte, les pèlerins retrouvaient rapidement le souvenir du Baptiste : l’église du Saint-Sépulcre comporte, sur sa gauche, un sanctuaire dédié à saint Jean, sans doute un baptistère. En quittant la cité, ils le retrouvaient après leur visite à Bethléem. On les menait alors dans les montagnes de Judée où ils s’immergeaient dans le récit de saint Luc. On leur montrait successivement :
- Le lieu de la rencontre de Marie et d’Elisabeth.
- L’endroit où la Vierge prononça le Magnificat.
- Le lieu de naissance de saint J-B. où Zacharie recouvra la parole.
24En ce troisième endroit, on évoquait devant eux une anecdote des Apocryphes :
Nous alasmes ou sainct Jehan nasquit. Et illec a une roche qui s’ouvrit quant le roy Herode foisoit persecuter les Innoscens : et lors, saincte Helizabeth y mist sainct Jehan. Et donc se cloÿt ladicte roche, mais sainct Jehan y demeura deux jours entiers, comme l’on dit30.
25Venait ensuite le Jourdain tout entier dédié au souvenir de saint Jean et du Baptême du Christ. Pour y parvenir, les pèlerins entreprenaient un voyage difficile, au bord du désert. Il présentait même quelques dangers parce que les Bédouins nomades rançonnaient souvent les chrétiens fourvoyés sur leur territoire. En dépit de ces périls évidents, bien peu de pèlerins renonçaient au déplacement : la berge où apparut le Messie revêtait une trop grande importance symbolique pour qu’on la négligeât. Le souvenir de saint Jean-Baptiste y était soigneusement entretenu :
... et en descendant audict fleuve est le monastere Sainct Jean ou il se tenoit quant Nostre Seigneur luy dist : « Johannes, baptisa me ! ». De la on va, tousjours descendant, au lieu ou Nostre Seigneur fut baptisé31.
26Les pèlerins se baignaient alors dans le Jourdain pour confirmer par un geste volontaire le baptême qu’ils avaient reçu dans l’inconscience de la petite enfance. Machéronte, ville de la détention et de la Décollation de saint Jean est toujours restée à l’écart du pèlerinage. Située à l’est de la Mer Morte, cette localité ne se trouvait pas dans la zone d’influence des franciscains du mont Sion et les chrétiens y auraient certainement couru de grands dangers.
27S’ils manifestent beaucoup de respect pour les lieux inclus dans la Sequela Christi, les pèlerins n’expriment aucune émotion particulière quant ils en relatent la visite. Démarquant le guide évoqué plus haut, ils se contentent de nommer les lieux et d’ajouter quelques informations complémentaires qui prouvent qu’ils s’y rendirent. En 1486, l’Anonyme de Rennes note ainsi que la chapelle qui fut jadis la maison de Zacharie n’a plus de toit32. La plupart du temps, on cite l’endroit et on en donne une description sommaire. Ce refus du pittoresque et cette apparente absence d’émotion ne doivent pas être interprétés en termes d’indifférence. Ces pèlerins ne sont pas des touristes. Ils ne visitent pas un pays réel mais un territoire spirituel, des lieux mythiques où se confirment pas à pas la véracité des Evangiles et la réalité du Salut qu’ils annoncent. La Terre sainte échappe presque à son statut géographique pour se muer en un espace sacré où s’accomplit jadis le mystère de la Rédemption qui est toujours à l’œuvre parmi les hommes. Concentrés sur cette pensée fondamentale, les pèlerins n’ont que faire du réel et du quotidien.
28Si le voyage d’Oultremer était long, le séjour en Terre sainte restait court. Après le Jourdain, les pèlerins revenaient à Jérusalem où ils retrouvaient saint Jean mêlé au souvenir de l’épopée des Croisades :
Item [vinsmes] en l’hospital de Sainct Jehan qui est destruyct lequel souloient tenir les chevalliers de Rhodes et encoires les appelle on religieux de Sainct Jehan de Hierusalem.
(Anonyme de 1480, p. 84)
29Sur la route du retour, des pèlerins faisaient parfois escale à Rhodes, bastion avancé de la Chrétienté face aux Turcs qui était aussi un haut lieu du culte de saint Jean-Baptiste puisque l’île était tenue par les chevaliers hospitaliers chassés de Terre sainte après 1291. On y montrait des reliques insignes du Précurseur. Nompar de Caumont y a visité l’endroit où l’on conservait jadis le chef de saint Jean (p. 51) et Pierre Barbatre y a vu :
... le bras de monseigneur sainct Jehan Baptiste tout entier depuis le couté, main et tout, fors un doy lequel est a Morienne en Savoye33.
30En 1480, l’île sort d’un long siège où elle résista victorieusement et avec l’aide de saint Jean – selon les hospitaliers – aux efforts des Turcs qui voulaient faire tomber ce dernier point d’appui chrétien en Méditerranée orientale. Aux yeux de l’Anonyme de Rennes, saint Jean et Rhodes sont enveloppés dans la même gloire qui fait de l’île :
... l’escu et la deffence de toute chrestienté a rencontre de tous les Infidelles34.
31Comme on peut le constater, à Rhodes comme en Terre sainte, les pèlerins vivent au cœur du merveilleux avec naturel et bien peu d’entre eux paraissent effleurés par le doute. Saint Jean-Baptiste fait partie de cette mythologie chrétienne qu’ils accueillent avec ferveur. Comme tous les faits rapportés par les Evangiles, la légende du Précurseur est un article de foi dont ils connaissent tous les détails. Seule leur manquait la vision des lieux où il vécut : le pèlerinage les leur faisait découvrir. Saint Jean-Baptiste, le plus grand des enfants des hommes est donc tout entier intégré à la Sequela Christi.
*
32Il est temps de conclure. Que nous reste-t-il de l’hagiographie médiévale de saint Jean-Baptiste ? L’évangélisme d’une part, la Réforme, d’autre part, n’ont pas ménagé le culte des saints et, petit à petit, l’Eglise a appris à se méfier des dulies excessives qui transformaient les élus en divinités secondaires parfaitement hérétiques. En décembre 1563, le Concile de Trente proscrivit les outrances du culte sanctoral. Le christianisme fut recentré sur les mystères de la Trinité et de l’Incarnation. Malgré son importance dans le récit évangélique, saint Jean-Baptiste pâtit un peu de l’esprit de la Contre-Réforme.
33Durant les deux derniers siècles, le Précurseur échappa aux Ecritures pour être capté par la littérature. Nous avons un peu oublié le Naziréen et le Baptiste hirsute35. Seul nous est demeuré le personnage du censeur intrépide qui ne craint pas de reprendre un monarque tout puissant sur ses mœurs. En fait, nous sommes passés de la dérive hagiographique à l’épiphanie littéraire. Nous goûtons la trouble histoire d’Hérode et d’Hérodiade et nous sommes fascinés par le corps lascif et interdit de Salomé dansant sous les yeux de son beau-père36. A notre connaissance, un seul auteur a su établir son œuvre dans le droit fil de la légende médiévale en en renforçant tout de même l’érotisme : ce fut Apollinaire. Il en prolongea si bien la logique rétributive qu’il parvint à une fin esthétiquement parfaite :
[Salomé, exilée de Judée comme toute sa famille par les Romains, est devenue la maîtresse d’un proconsul. Elle vit avec lui sur les bords du Danube...]
Il arriva que, s’étant un jour d’hiver égarée seule sur les bords du fleuve gelé, elle fut séduite par la glace bleuâtre et s’élança dessus en dansant. Elle était comme toujours richement accoutrée et dorée de ces chaînes à mailles minuscules pareilles à celles que firent depuis des joailliers vénitiens, que ce travail rendait aveugles vers l’âge de trente ans. Elle dansa longtemps, mimant l’amour, la mort, la folie. [...] Puis, les yeux mi-clos, elle essaya des pas presque oubliés : cette danse damnable qui lui avait valu jadis la tête du Baptiste. Soudain, la glace se brisa sous elle qui s’enfonça dans le Danube, mais de telle façon que, le corps étant baigné, la tête resta au-dessus des glaces rapprochées et ressoudées. Quelques cris terribles effrayèrent de grands oiseaux au vol lourd, et, lorsque la malheureuse se tut, sa tête semblait tranchée et posée sur un plat d’argent.
La nuit vint, claire et froide. Les constellations luisaient. Des bêtes sauvages venaient flairer la mourante qui les regardait encore avec terreur. Enfin, en un dernier effort, elle détourna ses yeux des ourses de la terre pour les reporter vers les ourses du ciel, et elle expira.
Comme une gemme terne, la tête demeura longtemps au-dessus des glaces lisses autour d’elle. Les oiseaux et les bêtes sauvages la respectèrent. Et l’hiver passa. Puis, au soleil de Pâques, ce fut la débâcle et le corps paré, incrusté de joyaux, jeté sur une rive pour les pourritures fatales37.
Notes de bas de page
1 Emile Mâle, Les Saints, compagnons du Christ, Paris, Beauchesne éditeurs, 1958 et 1988, 217 p.
2 Luc. I, 36.
3 Luc. I, 26. Jean a six mois de plus que Jésus. Il baptisera le Christ à trente ans. C’est cette indication qui permit au commentateurs médiévaux de déterminer l’âge exact du Christ à chacun des grands moments de sa vie publique.
4 On pense immédiatement à saint Paul : « Aujourd’hui, nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure... » I Cor., XIII, 12. Pour bien comprendre la métaphore, il faut évidemment évoquer ici la piètre qualité des miroirs antiques.
5 Il a souvent été demandé aux artistes médiévaux d’exprimer ces correspondances dans l’architecture et dans les arts plastiques. Ce point a été largement démontré par Emile Mâle en de nombreux endroits de ses célèbres travaux.
6 Naziréen = séparé, consacré [à Dieu].
7 Les Juifs portaient des vêtements amples et ne se ceignaient que lorsqu’ils partaient en voyage. La ceinture indique ici que le prophète est un perpétuel errant.
8 La tête de saint Jean restera d’abord aux mains d’Hérodiade qui la fera cacher à Jérusalem. Cette cachette sera révélée à deux saints moines qui emporteront la relique en Syrie. La tête sera ensuite déposée à Chalcédoine pour être finalement apportée à Constantinople par Théodose. De nombreuses églises sont consacrées au souvenir de la Décollation de saint Jean-Baptiste : cf. Saint-Jean de Latran à Rome, et les églises Saint-Jean de Monza et de Turin, pour ne parler que des plus célèbres sanctuaires italiens. Au xiie siècle, Guibert de Nogent citait – avec une malicieuse ironie – un sanctuaire qui prétendait conserver le chef de saint Jean-Baptiste enfant !
9 Stricto sensu, saint Jean n’est pas un martyr parce que son différend avec Hérode ne porte pas sur la foi, mais sur la morale judaïque. Cependant, l’Eglise médiévale le considère comme un martyr et même comme un double martyr. Inquiet des miracles qui se produisaient sur sa tombe, Hérode aurait fait déterrer le corps et ordonné son incinération. Seuls quelques os échappèrent aux flammes, cf. notre seconde partie.
10 Nous excluons Vincent de Beauvais de notre corpus par ce que le Speculum Historiale constitue non un légendier mais une chronique ab origine. V. de B. n’ajoute rien au récit évangélique qu’il reproduit fidèlement.
11 Cf. son prologue : « Comme beaucoup de pasteurs n ‘ont pas à leur portée les passions et les vies des saints qu’ils devraient connaître et prêcher en outre de leur charge [...], nous rassemblons ces vies sous une forme abrégée et spécialement celles des saints dont les noms figurent au calendrier... », Jean de Mailly, « Abrégé des gestes et miracles des saints », trad. du latin par Antoine Dondaine, OR Paris, Le Cerf, 1947, p. 23.
12 Cette présence de la Vierge auprès d’Elisabeth est constamment reprise dans les œuvres picturales de la fin du Moyen Age, cf. Mâle (Emile), Les Saints Compagnons du Christ, op. cit., p. 13.
13 Cf. notre conclusion générale.
14 Cf. notre n. 8.
15 Il s’agit évidemment de Saint-Jean-de-Maurienne. De nos jours, les armes de la ville font encore écho à cette légende : « d’azur à la main d’argent vêtue de même de chef en pointe ». Au début du xxe siècle, cette main héraldique surchargée d’une couronne deviendra la marque des fameux couteaux Opinel, fabriqués à Gevoudaz, près de Saint-Jean-de-Maurienne, cf. www.Opinel-musee.com. D’autres églises françaises prétendent conserver l’illustre phalange, ainsi, Saint-Jean-du-Doigt, dans le Finistère, près de Morlaix, église de pèlerinage construite au xve siècle.
16 Cf. notre troisième partie.
17 Cf. « Legenda Aurea », trad. J.-B. Roze, Paris, Garnier-Flammarion, 1967, p. 403.
18 Cf. ibid. p. 404. Le mutisme qui frappe Z. ne lui semble pas une punition : il ne fait que préparer le miracle inverse, la proclamation du nom de l’enfant !
19 Cf. ibid. p. 405.
20 Cf. ibid. p. 407.
21 C’est sans doute à cause de ces accumulations que Juan-Luis Vivès se moquait si cruellement de la Legenda Aurea qu’il appelait Legenda Plumbea !
22 Recteur de Paris et théologien, mort en 1190.
23 Il évoque alors les torches, les feux de joie et les roues enflammées de la Saint-Jean qui sont des rémanences des cultes solaires pré-chrétiens.
24 Théologien parisien, mort en 1179 et auteur d’une Historia Scholastica qui connut un prodigieux succès.
25 Il prit pour noms la première syllabe des sept premiers hémistiches de cet hymne :
Ut queant laxis/Resonare fibris
Mira gestorum/Famuli tuorum
Solve poluti/Labii reatum
Sancte Iohanne.
P. D. demande à saint J. de guérir ses maux de gorge pour qu’il puisse chanter les hauts faits spirituels du saint.
26 Cf. Malachie III. 1 : « J’enverrai mon messager ; il préparera le chemin devant moi ».
27 On trouvera les données bibliographiques habituelles en consultant : Dansette (Béatrice).– « Les Pèlerinages occidentaux en Terre sainte : une pratique de la Dévotion Moderne à la fin du Moyen Age ». Archivum Franciscanum Historicum, t. 72 (1979), fasc. 1 – 2, p. 128 sq.
28 Moins de 5 % des voyageurs demandaient à visiter le sanctuaire de Sainte-Catherine-du-Mont-Sinaï.
29 « Voyage de la saincte cyté... » (1480).p. 18. Les pèlerins français qui passaient par la route des Alpes ne manquaient pas de signaler le doigt de saint Jean conservé à Saint-Jean-de-Maurienne.
30 Bertrandon de la Brocquiere (1432), p. 11. C’est nous qui soulignons : ces derniers mots de la citation semblent exprimer un léger doute de l’auteur.
31 Cf. « Voyage de la saincte cyté... », p. 90.
32 Cf. p. 372.
33 Une relique du voyage aller est confirmée par une autre relique du voyage retour. P. Barbatre, p. 151.
34 Cf. « Voyage de la saincte cyté », p. 164. L’intervention céleste aurait été massive : le Christ, La Vierge et saint Jean seraient apparus à la tête des légions angéliques et auraient aidé à l’écrasement des Turcs qui subirent effectivement de très lourdes pertes.
35 Du xvie au xixe siècles, ces représentations continuèrent d’être exploitées par les arts plastiques.
36 Le thème a été introduit dans la littérature européenne par Heinrich Heine (cf. « Atta Troll ») qui l’avait trouvé dans la tradition. Il faut citer aussi « Trois Contes » de G. Flaubert (1877) et le poème inachevé de Mallarmé qui fait d’Hérodiade l’image même d’une luxure mortelle qui se refuse. La « Salomé » d’Oscar Wilde (1896) inspira deux opéras joués en 1907 : « Salomé » de Richard Strauss et « La Tragédie de Salomé » de Florent Schmitt.
37 Guillaume Apollinaire, « La Danseuse ». in Trois Exemples de châtiments divins. L’Hérésiarque et Cie. Œuvres complètes, sous la dir. de Michel Decaudin, Balland, Paris, 1965, p. 142 sq. La nouvelle avait paru en 1902, dans La Revue blanche.
Auteur
Université de Nancy 2
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