Le développement des batailles navales dans l’épopée du xive siècle
p. 9-26
Texte intégral
Expertes animos pelagi sic robore conplet1
1L’affrontement entre Chrétiens et Sarrasins est généralement, dans l’épopée française classique, une confrontation terrestre, ne fût-ce que parce que le théâtre des opérations est relativement circonscrit, l’action se déroulant soit en Europe de l’Ouest, soit au Proche Orient. En déplaçant l’action tout autour du bassin méditerranéen, l’épopée du xive siècle doit prendre davantage en compte la réalité maritime, et développe de ce fait une forme particulière de combat, la bataille navale.
2Dès lors, toute la difficulté pour le trouvère est d’arriver à faire percevoir à son public une réalité nécessairement moins connue que l’affrontement sur la terre ferme, qu’il s’agisse d’un combat singulier ou d’une bataille champel. Nous voudrions donc tenter ici de dégager la spécificité de ces batailles navales, tant à travers les descriptions mises en œuvre que par leur fonction dans le développement du récit.
3Pour ce faire, nous essaierons tout d’abord de montrer les apports, mais aussi les limites de l’épopée classique dans la description de cette forme particulière de combat, afin de mieux apprécier l’enrichissement du motif dans l’épopée tardive. Ainsi pourrons-nous cerner les enjeux de ces combats non seulement pour les héros chrétiens face à un péril sarrasin accru par les difficultés de la navigation, mais aussi pour le nécessaire renouvellement d’une production sur le déclin.
4Bien que le combat contre les Sarrasins soit le plus souvent terrestre, il serait faux de croire que l’épopée des xiie et xiiie siècles ignore totalement l’affrontement sur l’eau. Non seulement le combat naval existe, mais il est déjà illustré sous les deux types caractéristiques que va développer la chanson de geste tardive : d’une part, le combat proprement épique entre deux forces à peu près égales, et d’autre part la rencontre plus romanesque, parce que source de péripéties, des héros chrétiens en petit nombre croisant malencontreusement la route de bateaux sarrasins.
5Cette double typologie est illustrée dans Jourdain de Blaye, texte qui trahit la difficulté éprouvée par le trouvère à dépeindre une réalité moins aisément perceptible tant par lui-même que par son auditoire. Fuyant Blaye, Jourdain se jette, accompagné de ses parrain et marraine, dans une barge (v. 1119), qui sera ensuite appelée chalant (v. 1192). Dans leur fuite, ils trouvent néanmoins le temps d’embarquer leurs montures, qu’ils vont aussitôt monnayer, parce qu’inutiles (v. 1176-81). Le moment choisi par l’auteur pour la rencontre avec les Sarrasins en souligne le caractère fortuit :
Au matinnet quant li jors lor esclaire,
Reniers garda par mer et par palaigre,
Si a veü douz estoires en l’aigue2.
6Mais dans l’invitation à s’armer que lance Jourdain comme dans la description du combat, rien ne souligne la spécificité du combat naval, et seul le vers orphelin rappelle que l’affrontement se passe en mer :
Jordains li anfes se leva en piés sus,
Ou voit ses homes, si lor a menteü : […]
« Deffendons noz des brans d’acier molus,
Car, s’il noz prennent, trestuit seronz perdu. » […]
Dont s’atornerent, si furent plus seür.
Et Sarrazin lor sont errant venu.
Ainz des Jordain n’en i ot coart nul,
Bien i ferirent communaument trestuit.
Cui chaut de ce ? Paien les ont vaincus.
Les vis en mainnent et les mors laissent jus
Dedens mer el palaigre3.
7Ainsi donc, si la suite du récit prend en compte les circonstances particulières de la rencontre, puisque Jourdain va se jeter à l’eau pour s’accrocher à un morceau de bois et qu’un vent fort opportun va l’éloigner des nefs, l’affrontement lui-même est réduit à sa plus simple expression et rien n’est dit des techniques particulières au combat naval. Il est plus aisé pour le trouvère de décrire Jourdain se déshabillant prestement et joignant les pieds pour plonger que d’évoquer les manœuvres d’abordage, l’usage des grappins ou encore le transbordement d’un éventuel butin. Il en va de même lorsque Jourdain raconte ensuite l’événement4.
8Cette absence de caractérisation du combat naval se retrouve dans l’épisode chez les Urlaigue. Parti à la recherche de ses parrain et marraine, Jourdain doit accoster, à la suite d’un orage nocturne, à l’Ysle Fort (v. 2711), séjour de ces païens, qui vont au matin attaquer sa flotte. En fait, ce n’est qu’à la fin de la bataille que l’on comprend qu’il s’agit d’un mouillage et que l’attaque des Sarrazin evaige (v. 2693) se fait par la mer – même si le récit avait pris la peine de préciser que ceux-ci Par mer gardoient les pors et les rivages (v. 2694) ; en effet, le vocabulaire est suffisamment banal pour ne pas caractériser une attaque par le large :
[…] au matinnet quant il fu ajorné,
Sont li urlaigue fervesti et armé
Et sont issu de lor grant fermeté.
Bien sont dui cent fervesti et armé,
Cerchent les pors environ et en lez
Tant que il sont au dromont assené
Ou cil estoient qui ne s’en sont gardé.
Et li paien lor viennent abrievé
Com cil qui cuident bien avoir tout trouvé5.
9L’invasion des galies, sans sonner du cor ou de la busine (v. 2750-51), avec l’usage des armes de trait pourrait tout aussi bien se faire à partir du rivage. Même l’arme particulière du chef sarrasin, un croc de fer moult grant (v. 2769), est davantage utilisée comme un harpon permettant d’attirer des prisonniers que comme un grappin destiné à arrimer les vaisseaux. Et ce n’est qu’à ce point du récit qu’il nous est donné de comprendre que les attaquants sont eux-mêmes sur un bâtiment, et n’attaquent pas à partir du rivage, car il est fait mention de leur propre galie (v. 2772). La seule vraie caractérisation est l’usage de la hache que fait Jourdain (v. 2776), avant d’être pris et embarqué sur le navire ennemi.
10Au demeurant, la justification de cette bataille navale ne se trouve pas tant dans la spécificité descriptive que dans l’utilité narrative : obligés de caboter, les Sarrasins mettent plus de temps que les compagnons de Jourdain pour gagner la place forte de l’île ; les Chrétiens, après avoir accosté, vont surprendre à leur tour leurs agresseurs, lors de leur descente de bateau, et récupérer Jourdain.
11Cette difficulté à particulariser la bataille navale se retrouve dans la Geste Rainouart, et elle est d’autant plus sensible que l’on peut comparer les différentes versions du combat entre les familles de manuscrits et que les variations de vocabulaire sont significatives.
12La Bataille Loquifer et Le Moniage Rainouart présentent une variante commune du combat inégal entre quelques Chrétiens et de nombreux Sarrasins : dans ces deux textes, Rainouart, attiré par ruse sur un vaisseau sarrasin, seul ou presque contre tous, transforme le pont du bâtiment en lice, lorsqu’il découvre le traquenard. Devant la résistance du héros et accessoirement de ses compagnons, chevaliers ou moines selon le texte, les Sarrasins n’ont d’autre ressource que de se replier sur le gaillard, systématiquement qualifié de chastel et que les descriptions donnent à voir comme tel6 ; puis, devant le travail de démantèlement entrepris par l’homme au tinel, ils se résignent à évacuer les lieux comme on quitte une ville perdue.
13La peinture épique du combat laisse peu de place à une description réaliste de la bataille navale : dans La Bataille Loquifer, les Sarrasins sont plus de trente mille dans la nef7, les morts païens se comptent par centaines face à un seul homme ou peu s’en faut (v. 352 sq.) ; certes il est question des hommes qui tombent à la mer et se noient, mais l’accent est mis sur l’exploit proprement héroïque parce que disproportionné. Il en va de même dans ce texte pour les batailles entre navires : quittant l’île où il vient de combattre Loquifer, Rainouart saute sur le bateau de Guillaume en se servant de son tinel comme d’une perche, puis comme d’une godille pour approcher du rivage et embarquer ses compagnons :
Lors conmencerent a nagier sans sigler
Mes il ne porrent gaire longues aller
Que de paiens fu couverte la mer.
Mes Renoart lor vet grans cox doner,
Froisse ces nés et ces maz fet quasser.
Paien les voient, n’i ot qu’espoanter ;
Li plus hardiz n’i osa demorer,
Ensus se traient, n’i osent arester8.
14De même, par la suite, Rainouart va à lui seul couler la flotte sarrasine ancrée sous Porpaillart et en tuer les occupants9. Il est vrai que, sur un bateau, ce ne sont pas les morceaux de bois qui manquent pour faire office de tinel10.
15Toutefois, dans Le Moniage Rainouart, le beau-frère de Guillaume fait part de son désarroi de se trouver sur un bateau, car il n’en connaît point le maniement, ce qui le prive d’une partie de ses moyens et il ne sait pas nager11 ; or l’ennemi sait tirer avantage de ce handicap, puisqu’il se propose de faire sombrer le navire sur lequel Rainouart se trouve afin de lui faire boire la tasse :
« Laisson le boire de cele mer salee
tant qu’il en ait sa pance saolee ;
ne li iert vis que soit caude puree
qu’en la coisine a maintes fois humee12. »
16Mais là encore, lorsque la seule force héroïque ne suffit plus à repousser le péril sarrasin, Dieu vient au secours du héros chrétien en provoquant une tempête propre à épouvanter les païens et en dépêchant ses saints pour amener la nef au rivage (v. 4410 sq.).
17La dénomination de ces saints varie entre Le Moniage Rainouart I, c’est-à-dire la version avec vers orphelin de la famille de manuscrits c, famille réputée la plus ancienne, sinon la plus authentique, et Le Moniage Rainouart II13. Ce changement incite à comparer aussi les variantes dans la description du combat naval. La comparaison est significative.
18Tout d’abord, on constate que le Moniage I continue à dépeindre une situation terrestre puisque le chastel de la nef comporte une tour dans la famille c (v. 4191). Cette particularité semble peu recevable pour les autres versions, qui transforment le texte – non sans maladresse pour le manuscrit E – pour ne parler que du chastel. Par ailleurs, le manuscrit D (dit Moniage II dans l’édition Bertin) tend vers un plus grand réalisme : le copiste se refuse à croire que Rainouart soit capable d’arracher un mât pour en faire un objet contondant, et remplace le mot par fust ou encore mail14. Enfin, ce même copiste opère des changements dans le vocabulaire technique : si la substitution de quariax à pieres (v. 4235) peut paraître anodine15, il est remarquable que l’attirail propre à arrimer la nef où se trouvent les occupants de l’abbaye de Brioude est corrigé par le manuscrit D dans le sens d’un plus grand réalisme. En effet, là où les autres versions mentionnent des piques ou des pierres et des cognées (v. 4346), ce manuscrit préfère des perches aiguisées puis trouve plus logique pour couler le bateau d’en rompre les bords (le bastingage) que d’en couper les cordes (v. 4407). De l’ensemble du passage ressort essentiellement la prédilection des Sarrasins pour les armes de jet (v. 4187-4188), cependant que Rainouart et ses compagnons lancent des projectiles plus variés, en quantité étonnante (v. 4145, 4191-4195).
19Par conséquent, si, en raison des exploits de Rainouart et de l’aide apportée par le ciel au héros chrétien face aux Sarrasins, il est difficile de voir dans ces batailles navales une description réaliste, les variantes laissent percer une sensibilisation à une situation que les clausules transmises par la tradition épique ne suffisent peut-être plus à représenter, alors même que les dernières croisades ont rappelé l’importance de la force navale.
20On peut également sentir cette évolution dans la bataille qui oppose Grecs et Romains dans Florence de Rome, car si elle a lieu sur le rivage grec, elle est précédée d’une course poursuite en mer où la rapidité des navires en fonction de leur chargement joue un rôle important. Les Grecs païens ont des vaisseaux alourdis par le butin et observent avec inquiétude la remontée des Romains lancés à leur poursuite16.
21C’est peut-être ce réalisme qui rend l’épopée tardive plus sensible à une stratégie navale quand s’annonce un péril sarrasin. Ainsi dans L’Entrée d’Espagne, alors que se prépare l’expédition terrestre contre les Sarrasins de la péninsule ibérique, le poète prend la peine de mentionner une défense navale, qui en fait sera sans incidence sur la suite :
L’apostoille de Rome par Puille e par Secire
A cescuns port de mer fist aprester navire
Dont mout fist Saracins d’outre mer esbaïre17.
22La part que tendent à prendre les combats navals est particulièrement perceptible dans une adaptation où l’auteur transpose en mer une action initialement terrestre dans l’œuvre source. C’est le cas pour Florent et Octavien, dans la partie adaptée d’Octavian : la fin du siège de Rome est prolongée par de longues pérégrinations en Méditerranée, ce qui développe en une scène de bataille navale un motif plus traditionnel18.
23Il s’agit de la délivrance de l’empereur de Rome Octavien, pris avec son fils Florent sous les murs de Paris par les païens et amené par eux au siège de sa propre capitale. Dans Octavian, l’action conjuguée du roi Dagobert et d’Octavien le Jeune permet de desserrer l’étau autour de la ville, de repousser les païens à la mer non sans récupérer l’empereur et prendre le soudan. L’auteur de Florent et Octavien retarde cette délivrance : le soudan rembarque avec ses prisonniers et la libération va être l’occasion d’une bataille navale épique, sur laquelle nous reviendrons.
24Bien plus, dans le même volet d’aventures, entre la fin du siège de Rome et la délivrance de l’empereur, s’insère un autre combat naval, que l’on n’oserait qualifier de bataille, mais qui offre l’intérêt d’inverser le rapport de force dans le type du combat inégal : la flotte chrétienne tombe sur une malheureuse nef garitee (v. 10640) sarrasine. L’affrontement est nécessairement bref et conté comme tel en quatre vers (v. 10668-10671) pour nous apprendre qu’un seul homme échappe au massacre. Assurément, la victoire n’est pas très glorieuse pour les chrétiens, mais son récit est intéressant car, malgré la brièveté de l’action, l’auteur prend la peine d’évoquer la technique de l’encerclement : Lors les vont a tous lés vistement asaillant (v. 10668) selon le manuscrit de base, technique décrite de même dans les deux autres manuscrits par : Lors les vont assalir et deriere et devant. Certes, dans sa banalité affligeante, ce vers pourrait s’appliquer à un combat sur terre, mais il n’en est pas moins pour autant une description réaliste de la situation de combat naval, ce que confirment d’une part la répétition de cette manœuvre, mentionnée deux fois (v. 16321 et 16344), lors de la quatrième bataille navale de l’œuvre, et d’autre part sa mise à exécution, dans Dieudonné de Hongrie, par la flotte du soudan de Damas, dont l’importance n’est pas précisée, face au seul navire du héros :
Dieudonné ont enclos et devant et derier.
La peüsiés veïr bataille commenchier
De ferir, de jeter, de traire et de lanchier19.
25Selon qu’il s’agit de deux flottes qui s’affrontent, ou d’une confrontation extrêmement déséquilibrée, le déroulement et les implications varient, mais les deux types de batailles navales ont un point commun : il s’agit toujours de rencontres fortuites, dues aussi bien au hasard des trajets qu’aux aléas des conditions atmosphériques qui déroutent le navire vers des zones dangereuses de la Méditerranée.
26Ainsi, dans La Belle Hélène de Constantinople, après la prise d’Acre, Henri d’Angleterre et son beau-père se dirigent vers Rome assiégée, avec l’espoir d’y retrouver Hélène. Toutefois, à l’approche des côtes romaines :
Mes en la mer trouverent un encontre sy grant :
.XXX. vaissaux remplis de le gent Tervagant
Que pour assegier Romme vont par le mer nagant20.
27Ici, l’identification est immédiate, mais ce n’est pas toujours le cas ; dans Dieudonné de Hongrie, les flottes chrétienne et sarrasine se croisent et le soudan de Damas dépêche aux chrétiens pour les identifier un homme qui, à leur réponse, les invite à se rendre, jouant là le rôle du messager provocateur21. Il en va de même dans la troisième bataille navale de Florent et Octavien, à ceci près que le soudan de Babylone a identifié les chrétiens aux croix vermeilles et qu’il charge le marin d’évaluer la force des Chrétiens :
Le galïot s’en part qui raiddement singloit
Et avec luy vingt homes en qui il se fÿoit.
Entour l’ost crestïenne environ tournïoit
Et a leur ost esmee au myeulx que il pouvoit
Et puis s’en vint pres d’eulx et cil leur demandoit
Qui est ly sire d’eulx qui leur ost conduisoit22.
28Cette évaluation des forces en présence peut encore relever d’une amplification épique, comme dans La Belle Hélène de Constantinople, où les trente navires transportent trente mille Sarrasins (v. 11286-11291), proportion déjà bien moindre que dans la geste Rainouart, mais dans Dieudonné de Hongrie, la nef des chrétiens en fuite croise quatre navires transportant deux mille d’hommes (v. 13626 et 13647), détail qui semble déjà plus réaliste si l’on se fie à ce que Joinville dit des navires lui barrant la route de Damiette après la bataille de Mansourah23.
29Le vent joue généralement un rôle important dans ces rencontres, puisque dans Dieudonné de Hongrie, les quatre navires mentionnés rebroussent chemin à cause du vent24. C’est également le vent qui ne laisse pas à Dieudonné la possibilité d’éviter la flotte du soudan de Damas, inquiétante avant même d’être identifiée : toute rencontre navale préoccupe le héros, malgré ses dix mille hommes et son cor magique (v. 11229-11234).
30Lorsque la confrontation est inévitable, les manœuvres d’approche répondent à des logiques différentes selon que le rapport de force est équilibré ou non. Dans le premier cas, la bataille en bonne et due forme implique un mouvement des vaisseaux, ce que décrit La Belle Hélène de Constantinople :
Quant no bon crestïen vont paiens ravisant,
O devant se sont mis, se s’en vont ordenant ;
Pour combattre s’en vont Sarazin aprestant25.
31Certes, l’hémistiche si s’en vont ordenant appartient aux clausules appliquées à l’ordonnance des troupes sur un champ de bataille terrestre, mais, dans son caractère passe-partout, il s’applique néanmoins à la disposition de la flotte en ordre de combat. De même pourrait-on penser que la mention des nacaires et des busines est une cheville épique, puisque l’auteur de La Belle Hélène de Constantinople l’applique tout autant aux combats qui ont lieu aux portes de Rome (cf. v. 11506, 11656). Mais en fait, il semble que dans la réalité aussi les pratiques guerrières du combat terrestre aient été reproduites dans les manœuvres navales. Là encore, Joinville nous en donne témoignage avec la description de l’accostage du comte de Jaffa, qui se fait dans un fracas de claquements de drapeaux, de roulements de tambours et de sonneries tel qu’il sembloit que foudre cheïst des ciex (§ 159).
32Ce lieu commun se retrouve dans Florent et Octavien, mais aussitôt le poète introduit des détail réalistes tout à fait propres à la bataille navale :
Lors assemblent les nefz, mainte trompe en sonnoit,
De la plantté des nefz la mer fort escumoyt,
Que pres sont l’ung de l’aultre, apprement on trayoit26.
33Le premier échange se fait avec des armes de jet. On le constate dans La Belle Hélène de Constantinople, où :
Ly arbalestre vont a grant forche traiant […]
Et ly Sarrazin jettent maint gavrelot trenchant,
Et no gent crestïenne se vont acouvetant ;
De targes et d’escus se vont moult bien couvrant27.
34L’enchaînement logique des actions est souligné dans Florent et Octavien :
Quant le traire failli de dars et de quarriaulx,
Adonc ont l’un a l’autre abourdé lez vaissiaulx28.
35La plupart des récits mentionne également le jet de pierres et de cailloux. Si la technique, tout à fait efficace, n’a rien de nouveau, ce texte apporte une précision intéressante quant à la place choisie pour lancer les projectiles :
Dessus leurs mas monterent par dessus leurs chastiaux,
Sur ces paiens gettoient et piarres et cailliaux,
A maint en effondrerent et testes et serviaux29.
36Si Dieudonné de Hongrie nous épargne les détails du combat, c’est que, les Chrétiens étant mis en difficulté, le héros sonne du cor magique pour appeler les chevaliers faés, qui, grâce à leurs pouvoirs, achèvent rapidement le combat, sans qu’il soit nécessaire de décrire la phase de l’abordage.
37Celui-ci est en revanche décrit dans le second combat naval de l’œuvre. L’abordage est facilité par un rapport de force déséquilibré quand une flottille sarrasine conjugue ses efforts pour arrêter un seul navire :
Cis jeterent leur kaines u haues sont pendant :
La nef ont arestee qu’elle ne voit avant.
Et li ber Dieudonné va sus le bort montant ;
A l’espee d’achier va le nef defendant30.
38Ici, le trouvère fait une description plus appropriée du combat naval, et il est donc alors tout à fait logique que l’adversaire de Dieudonné, le roi Josué d’Acre, tombe à l’eau lorsqu’il est mortellement blessé (v. 13706). La mort de leur chef n’empêchera pas pour autant les Sarrasins de reprendre les prisonniers, alors que cette perte les fait fuir dans La Belle Hélène de Constantinople, où les forces sont, il est vrai, plus équilibrées. On retrouve dans ce texte-ci la même description d’abordage :
Caines orent de fier ou ly havet sont grant
Pour tenir les vaissaux qu’il ne voissent avant.
Et s’en vont no baron main a main combatant ;
D’espees et de lanches vont les nes despiechant31.
39Le corps à corps succède tout à fait logiquement à l’abordage et il faut noter la mention fréquente de la hache comme arme privilégiée, même si bien d’autres sont citées. Elle sert notamment dans la main des Chrétiens à entamer le bastingage du bateau abordé pour se frayer un passage :
Chieux tenoit une haiche a un large taillant ;
Sur le bort de ces nes va sy grant cop frapant
Que plus de plaine pame va ens es fust entrant32.
40C’est donc avec cette arme à la main qu’Amaury d’Ecosse saute dans le vaisseau ennemi et tue l’amiral, mais il est aussitôt assailli et abattu par les Sarrasins, qui s’apprêtent à le tuer quand les héros chrétiens viennent à la rescousse ; ainsi se trouve renouvelé le cliché narratif du héros chrétien trop avancé dans les rangs ennemis, désarçonné et secouru.
41Toutefois, le poète éprouve quelque difficulté à décrire la fin de cette moult tres grande meslee (v. 11341) car il semble introduire un rapport de cause à effet entre l’évacuation d’Amaury et la fuite de la flotte sarrasine (v. 11328-11331). Les modalités particulières du combat naval ne sont d’ailleurs pas soulignées dans le récit qu’en font ensuite les païens : en dehors de tout contexte, il pourrait tout aussi bien s’agir d’une bataille terrestre :
Or venismes en mer par maint riche calant ;
Le forte gent crestienne alames encontrant,
A eux nous combatismes a l’espee trenchant,
Et ly crestien nous furent tellement encauchant
Que nous y fumes tout matés et recreant33.
42Dans Florent et Octavien, la mention des armes est encore plus significative : dans les deux cents vers consacrés à la bataille navale, le mot espees n’est mentionné qu’une fois, et encore ne l’est-il qu’associé au mot haches pour commenter les échos du combat que perçoivent les prisonniers à fond de cale (v. 11349) ; dans la description du combat lui-même, il n’est question que de haches et coustiaux (v. 11236), et par trois fois le texte précise que c’est à la hache que se bat Octavien le Jeune, arme avec laquelle il frappe le soudan de Babylone34.
43Le combat s’achève le plus souvent par un massacre général, et n’y échappent que les personnages de quelque importance. Dans Florent et Octavien, les vainqueurs sarrasins jettent les survivants ( ?) sans intérêt à la mer après les avoir dévêtus35, cependant que dans La Belle Hélène de Constantinople, les Chrétiens n’oublient pas de se partager le butin (v. 11333-11334).
44Comparée à ce qu’elle était dans Jourdain de Blaye ou la Geste Rainouart, la description de la bataille navale dans les épopées en vers du xive siècle se fait donc beaucoup plus réaliste, grâce sans doute à une meilleure connaissance de la mer apportée par les dernières croisades. De ce fait, même la mention des projectiles lancés notamment des parties hautes des bateaux, déjà présente dans les textes, s’intègre mieux dans les techniques de combat. Mieux connue, la réalité maritime gagne en ampleur et en vient à particulariser les textes tardifs. Reste à examiner quel rôle joue la bataille navale dans le récit.
45Dans un rapport de force équilibrée, la bataille navale s’inscrit, comme la bataille champel, dans la lutte chrétienne contre les Infidèles. Elle ne résulte pas, nous l’avons vu, d’une action concertée, et il est remarquable à cet égard que la précaution prise de garder les ports dans L’Entrée d’Espagne reste sans écho dans la suite du récit. Même si la victoire revient toujours aux Chrétiens lorsque deux flottes se rencontrent, elle ne revêt jamais un caractère définitif : elle n’est qu’un épisode de la lutte sans fin qui oppose les deux camps.
46Quel en est l’intérêt alors ? La bataille navale joue un rôle déterminant dans une thématique plus propre à l’épopée du xive siècle, la reconquête de l’espace méditerranéen. Il ne s’agit pas d’une action localisée au Proche ou au Moyen Orient, comme dans les deux Cycles des Croisades, mais bien d’un parcours incessant de la Méditerranée, particulièrement dans Lion de Bourges36. Il ne s’agit plus de repousser l’envahisseur à la mer, mais bel et bien de battre l’ennemi sur son propre terrain, même si les nombreuses traversées de la Méditerranée répondent à une autre logique que celle d’une domination maritime.
47Dans ces navigations incessantes, quelques villes ô combien symboliques de la Chrétienté sont des pôles attractifs importants : Constantinople, Jérusalem et Rome. Si cette dernière, menacée37, est toujours chrétienne, les deux autres sont dans la plupart des textes disputées, reconquises et converties. A cette triade s’ajoute Palerme, au cœur de la Méditerranée, sur la ligne de démarcation d’une opposition nord-sud, enjeu de combats incessants entre Chrétiens et Sarrasins dans Lion de Bourges : si dans ce texte, ces combats sont terrestres, Palerme n’en est pas moins un port de mer, ce qui entraîne des mouvements de flottes ou des évasions en barques, qui dépassent le cadre de notre propos, mais s’inscrivent dans le renouvellement thématique qu’apporte l’omniprésence de la mer.
48Dans cette perspective, la bataille navale reste donc une démonstration de force destinée à affaiblir et décourager l’ennemi ; aussi faut-il faire savoir sa victoire et en conserver la preuve. C’est ainsi que dans La Belle Hélène de Constantinople, le corps de l’amiral sarrasin est embaumé et envoyé à son frère Hurtaut, qui assiège Rome. Les païens destinés à escorter la bière sont affreusement mutilés : on les rend borgnes et manchots avant de les renvoyer (v. 11581-11606).
49Dans une perspective plus individualiste et donc souvent plus romanesque, la bataille navale présente un intérêt littéraire car elle permet d’introduire quelque nouveauté dans des motifs attendus de l’épopée.
50Ainsi permet-elle de renouveler le motif narratif de la belle Sarrasine, puisque c’est en réduisant la flotte du soudan de Damas à néant que Dieudonné de Hongrie rencontre Corsabrine, qui va bien vite lui faire oublier son devoir conjugal et attendre un enfant qu’elle fera habilement passer pour le fils du soudan (v. 11310-11354 et 11688-11709). Dans la même perspective, c’est sur le bateau qu’ont lieu, dans Florent et Octavien, les retrouvailles familiales entre père et fils, entre mari et femme faussement accusée (v. 11359-11428). Par la suite, la quatrième bataille navale de cette œuvre, au cours de laquelle Florent est pris par l’amiral de Palerne, permettra indirectement ses retrouvailles avec son épouse38.
51Occasion de rencontre, la bataille navale est également cause de séparation. Dans Theseus de Cologne, alors même que le héros s’enfuit de Rome avec Flore, la fille de l’empereur, qu’il vient d’épouser en secret, les nouveaux époux sont interceptés par la flotte d’Abilant, l’empereur de Constantinople qui prétendait à la main de Flore. Si la résistance de courte durée ne peut être qualifiée de bataille, en revanche, cette interception va provoquer un combat naval entre Sarrasins ; en effet, la beauté de Flore suscite la convoitise du roi d’Antioche, allié d’Abilant. Au petit matin, ses navires attaquent la flotte grecque, et la galère impériale est éperonnée. L’empereur se noie, mais les Grecs réussissent à garder Flore cependant que Theseus reste aux mains d’Aceré d’Antioche, auquel il avait été confié. Cette bataille va séparer les époux pour une huitaine d’années39.
52Sous cette forme ou sous celle déjà illustrée dans Jourdain de Blaye, la rencontre navale fortuite qui fait tomber les héros chrétiens aux mains des Sarrasins se substitue au motif du traître vendant le héros ou l’héroïne, et crée l’enchaînement narratif avec d’autres thèmes connus de l’épopée comme celui du héros chrétien au service d’un roi païen ou de la princesse chrétienne mariée à un Sarrasin. Ainsi, à la suite des événements évoqués ci-dessus, Theseus va devenir le champion du roi d’Antioche, ou par exemple, lors de la tentative d’évasion par mer, Supplante va retomber aux mains des hommes de son mari sarrasin et être emprisonnée40. Dans Florent et Octavien, sans qu’il y ait combat naval, le rapport de forces patent entre les traîtres chargés de noyer Marsebille avec son fils et les païens survenus par hasard incitent les premiers à accepter les propositions des seconds de racheter les condamnés (v. 15394-564) ; mais cet épisode entraîne à son tour la séparation de la mère et de l’enfant (v. 15576-15601).
53Contentons-nous enfin pour les parcours individuels de signaler un combat sur mer tout à fait singulier, à tous les sens du terme, dans Lion de Bourges. Il s’agit du combat qui oppose Olivier au poisson diabolique. Celui-ci relève du péril sarrasin à plus d’un titre ; tout d’abord, il s’agit d’un diable qui a quitté le corps d’Otinel l’Esclavon, tué par Olivier, pour se fondre dans la peau d’un saumon (v. 28391-28397). Ensuite, cet avatar constitue une menace pour les chrétiens qui semblent être sa cible privilégiée, et notamment pour les pèlerins (v. 28299-28309, 28399-28400). Comme dans la Geste Rainouart, le bateau est transformé en lice, où bondit le poisson mais qu’il quitte bientôt pour replonger dans la mer tout en poursuivant le combat (v. 28478-28532). On comprend donc qu’Olivier ait prononcé une prière du plus grand péril, et que l’issue favorable du combat, dont le déroulement tient quelque peu du dessin animé avant l’heure, ne puisse être due qu’à l’envoi par Dieu du Blanc Chevalier (v. 28533-28561).
54Ce genre d’épisode mais aussi les séparations et les quêtes, avec les longueurs et les péripéties qui en découlent, ont longtemps contribué à une fâcheuse image de marque des épopées tardives, jugées trop longues, trop touffues, trop romanesques. A cet égard, la bataille navale pourrait apparaître comme une nouveauté sacrilège. Pourtant, dans sa mise en œuvre se dessinent quelques enjeux littéraires.
55Tout d’abord, la bataille navale participe du nécessaire renouvellement de motifs épiques un peu trop éculés. Elle dénote une capacité créatrice certaine pour un genre quelque peu vieillissant. Elle révèle également un effort de description réaliste, propre à rendre sensible une forme de combat sans doute moins connue. Continuant à entretenir l’esprit de croisade, l’épopée doit sans doute ce motif aux croisades elles-mêmes, qui ont amené une meilleure connaissance de la mer en général et de la Méditerranée en particulier.
56Il en découle assez logiquement dans les œuvres de pure fiction une plus grande part accordée aux phénomènes atmosphériques et aux durées de voyage, même si celles-ci sont encore quelquefois fantaisistes. Le récit ne se limite plus à mentionner en un vers des trajets de plusieurs semaines, mais insiste sur les aléas de la navigation. Dès lors, la bataille navale est une alternative à la tempête comme cause de séparation pour les familles, comme l’illustrent Lion de Bourges ou Tristan de Nanteuil.
57On peut même constater une exploitation équilibrée du motif narratif puisque bien des œuvres présentent les deux types de batailles navales. L’exemple le plus achevé est sans doute Florent et Octavien, puisque la bataille navale au rapport de force équilibré est encadrée par deux combats inégaux, le premier en faveur des chrétiens et le second en faveur des Sarrasins.
58Ainsi, l’omniprésence de la mer nous amène à rappeler une idée déjà avancée au colloque de Sfax sur la perception de la Méditerranée. Si tant est que le modèle épique soit homérique, l’épopée française classique en exaltant la lutte de chrétiens contre la gent sarrasine, sous le regard et avec l’aide de Dieu, autour de sites relativement circonscrits, trouve son fondement dans L’Iliade. Mais l’épopée tardive, en entraînant des héros plus lyriques, parce que plus individualisés, dans des pérégrinations en Méditerranée, en usant du merveilleux féerique, trouve sa justification dans L’Odyssée. La bataille navale, par les deux types de combats décrits, illustre ces deux aspects.
59L’étude des batailles navales a été limitée ici à quelques épopées en vers du xive siècle ; ce n’est peut-être pas un hasard si trois d’entre elles appartiennent au cycle du roi Dagobert. Cela pose avec encore plus d’acuité le difficile problème de l’imitation que nous n’avons pu aborder. Il conviendrait également de s’interroger sur l’apport de textes latins comme La Pharsale de Lucain ou La Guerre civile de César41. L’étude reste à faire également pour l’exploitation de ce motif dans les mises en prose.
60Notre propos était essentiellement de montrer que la bataille navale est passée au rang de motif narratif dans l’exaltation de la lutte de la chrétienté contre le monde païen, même si cela a débuté par un simple démarquage de la bataille sur terre. Toutefois, en développant la spécificité du motif, les trouvères ont réussi à lui donner du corps et à prouver une certaine capacité de renouvellement.
61Certes, la part de réalisme que la description entraîne fait quelque peu perdre la dimension épique du héros chrétien ; la bataille navale ne permet d’affirmer la suprématie chrétienne que lorsque l’ensemble des forces affronte l’ennemi. Dans un rapport de force défavorable, aucun des héros chrétiens n’est plus capable d’un surpassement épique comme Rainouart. Mais on peut expliquer cette particularité par un thème cher à l’épopée tardive, la nécessité d’une expérience douloureuse qui contribue à forger un héros en devenir42, un héros qui, lancé sur les mers, y mesure encore plus que sur terre sa petitesse face à l’immensité de l’œuvre de Dieu.
Notes de bas de page
1 Lucain, La Guerre Civile (La Pharsale), éd. A. Bourgery, Paris, Les Belles Lettres, 1958, livre V, v. 412. Ce vers à propos de César galvanisant ses troupes pourrait s’appliquer aux trouvères face à leurs auditoires.
2 Jourdain de Blaye, éd. Peter F. Dembowski, Paris, Champion, 1991, v. 1182-1184. Le mot estoire signifie ici « vaisseaux » plutôt que « flottes ».
3 Ibid., v. 1197-1198, 1201-1202 et 1205-1211. L’épisode est complètement transformé dans la version tardive en alexandrins, cf. éd. Takeshi Matsumura, Genève, Droz, 1999, v. 3111-26 : Renier et son épouse n’accompagnent pas Jourdain, et c’est un orage qui va précipiter le héros à la mer.
4 Jourdain de Blaye en décasyllabes, cf. v. 1225-1226 et 1304-1321. De surcroît, la narration véhicule de fausses croyances, puisque le trouvère suggère que Jourdain choisit à raison de se blesser au bras afin de pouvoir toucher terre :
Por ce le fist, gel voz di et creant :
Mers ne puet sanc souffrir ne tant ne quant. (v. 1262-1263)
La version en alexandrins y substitue le merveilleux animalier, puisque c’est une cerve blanche qui va sauver Jourdain des flots (v. 3122-3130).
5 Ibid., v. 2729-2737. La version en alexandrins supprime l’épisode.
6 La Bataille Loquifer, éd. Colette Dehalle, thèse de troisième cycle, Aix-en-Provence, 1979 (il s’agit du manuscrit A3), v. 324, 360, 406, etc. ; un chastel de bateau comprend des bretèches, v. 361, des fenêtres, v. 2032, est équipé pour soutenir un siège, v. 390-393 ; il est en outre question de cloier v. 262, 809, 2822 (cf. cloies, v. 291, 4165). Voir également Le Moniage Rainouart, éd. Gerald A. Bertin, Paris, Picard, 1973-1988, v. 4030, 4054, 4087.6, 4090 (il est fait mention de hourds, v. 4093) ; le chastel est suffisamment vaste pour contenir des embarcations à voiles (v. 4116-19), etc. Sur ce vocabulaire appliqué aux parties de navire, voir Christiane Villain-Gandossi « monographie et datations du navire médiéval », dans Iconographie médiévale, Image, texte, contexte, Paris, Editions du CNRS, 1990, p. 49-73, notamment p. 57.
7 La Bataille Loquifer, v. 233 et cf. v. 327. Dans Le Moniage Rainouart, les païens sont encore dix mille par nef, v. 3445-3449.
8 La Bataille Loquifer, v. 2827-2834 (nous corrigeons de en se au dernier vers cité).
9 Cf. ibid., v. 2917-20 et v. 3255-58 le récit qui en est fait par un Sarrasin.
10 Le Moniage Rainouart, v. 872-874, 3950-3956.
11 Cf. ibid., v. 4136-37, 4240-4244, 4315-4319 et La Bataille Loquifer, v. 4207.
12 Le Moniage Rainouart, v. 4372-4375, cf. v. 4232-4233, 4395-4407. Voir La Bataille Loquifer, v. 682-685. On retrouve les mêmes instruments pour saborder la nef.
13 L’identification difficile de saint Dome et saint Barbé du Moniage I (v. 4436) a provoqué dans le manuscrit D un remplacement par saint Denis, saint qui offre l’avantage d’avoir basilique sur rue. Voir la varia lectio du vers 4436 : le manuscrit E supprime ce vers, cependant que A3 conserve saint Barbé, mais substitue saint Denis à saint Domin (donné par la famille a).
14 Respectivement v. 3952 et v. 872, 4038, 4050, 4087 et 4087.25 ; l’éditeur a jugé bon de corriger par mast la première occurrence de mail mais pas les autres.
15 Sans doute le copiste trouvait-il curieux sur un navire une telle abondance de pierres, souvent citées dans le système de défense des Chrétiens (cf. v. 4145), mais du coup, la mesure exprimée par la capacité de charge du roncin ne fait peut-être plus autant sens.
16 Florence de Rome, Chanson d’aventures du premier quart du xiiie siècle, éd. Axel Wallensköld, Paris, Firmin Didot, 1907-1909, t. II, v. 3089-3103. La version picarde tardive, changeant la trame du récit, ne présente pas cet épisode.
17 L’Entrée d’Espagne, chanson de geste franco-italienne, éd. Antoine Thomas, Paris, Firmin Didot, 1913, v. 673-675.
18 Florent et Octavien, chanson de geste du xive siècle, éd. Noëlle Laborderie, Paris, Champion, 1991, v. 8098-11407, correspondant aux vers 4923-5119 d’Octavian, roman du xiiie siècle, éd. Karl Vollmöller, Heilbronn, 1883.
19 Dieudonné de Hongrie, éd. partielle par nos soins, Lille, Atelier national de reproduction des thèses, 1986, v. 11270-11272.
20 La Belle Hélène de Constantinople, éd. Claude Roussel, Genève, Droz, 1995, v. 11285-11287.
21 Dieudonné de Hongrie, v. 11235 sq. Cf. les pages de Jean-Claude Vallecalle sur « L’Ambassade belliqueuse », dans Messages et messagers dans les chansons de geste françaises, thèse de doctorat d’état, Université de Provence, 1992, p. 358 sq.
22 Florent et Octavien, v. 11196-11201.
23 Cf. Joinville, Vie de saint Louis, éd. Jacques Monfrin, Paris, Classiques Garnier, 1995, § 318 : les quatre galies transportent bien mille hommes. Il y en a deux fois plus dans Dieudonné de Hongrie, mais cela n’est peut-être pas à imputer à l’exagération épique : la proportion peut découler de la taille des navires, car les vaisseaux susceptibles de parcourir le delta du Nil sont sans doute plus petits.
24 Dieudonné de Hongrie, v. 13625. Le manque de maîtrise du combat, subordonné au vent – ainsi que l’importance des ancres à proximité du rivage – était déjà mentionné dans La Bataille Loquifer, v. 2835-2840.
25 La Belle Hélène de Constantinople, v. 11293-11295.
26 Florent et Octavien, v. 11226-11228.
27 La Belle Hélène de Constantinople, v. 11298 et 11308-11310.
28 Florent et Octavien, v. 11232-11233.
29 Ibid., v. 11240-11242, l’idée est reprise v. 11313-11314, où il semble que les lanceurs se postent sur les hunes. Si le procédé abonde déjà dans Le Moniage Rainouart (v. 4150-4151, 4193-4196, 4235-4236), le jet se fait du gaillard.
30 Dieudonné de Hongrie, v. 13677-13680.
31 La Belle Hélène de Constantinople, v. 11299-11302. Dans Le Moniage Rainouart, il était fait mention d’objets rigides, donc moins maniables que les chaînes, pour arrimer la nef : as graus de fer et as agus picois (v. 4351, cf. 4153, 4359).
32 La Belle Hélène de Constantinople, v. 11305-11307.
33 Ibid., v. 11623-11627.
34 Florent et Octavien, v. 11263, 11309, 11319. La mention de l’épée reste abondante cependant, v. 10671, 16346, cf. Dieudonné de Hongrie, v. 11296, 13661, 13680, 13702.
35 Ibid., v. 16380-81, c’est du moins l’interprétation vraisemblable qu’il faut en faire en rétablissant avant un vers manquant, d’après le manuscrit C.
36 Nous avons analysé cet aspect de l’épopée dans un article à paraître, « La Reconquête de l’espace méditerranéen dans quelques épopées tardives » lors du colloque de Sfax, La Méditerranée médiévale : perceptions et représentations (16-18 avril 1998).
37 Cf. dans ce volume même l’article de Claude Roussel.
38 Florent et Octavien, v. 17153 sq., il s’agit de la bataille évoquée note 35. Florent a servi de champion à l’amiral en lutte contre le soudan, mais est fait prisonnier ; or c’est chez le soudan que Marsebille a été recueillie après avoir été rachetée par le marchand sarrasin, cf. infra.
39 Cf. Theseus de Cologne, a general study and partial édition, par Elisabeth E. Rosenthal, Birkbeck College, University of London, 1975, tome 2, v. 2951 sq.
40 Dieudonné de Hongrie, v. 13708 sq. Elisabeth E. Rosenthal, op. cit. tome 1 p. 419, a rapproché cet épisode de celui de Baudouin de Sebourc où Elienor, sœur de Rouge Lion, cherchant son amoureux chrétien, est capturée par des pirates, chant II 520-552, éd L. Boca, Valenciennes, 1841.
41 Nous pensons notamment à la bataille navale lors du siège de Marseille, au livre m de La Pharsale (correspondant au livre ii, vi-vii du récit de César, La Guerre civile, éd. Pierre Fabre, Paris, Les Belles Lettres, 1936). Mais il y a également chez Lucain, pour le rapport de force disproportionné, le passage concernant Vulteius, au livre iv. On sait que Lucain et César constituaient des modèles de référence, cf. Edmond Faral, Les Arts poétiques du xiie et du xiiie siècle, Paris, Champion, 1924, passim. H faudrait également voir ce que pouvaient apporter les textes d’Hérodote et de Thucydide, notamment – mais pas uniquement – pour le premier avec la bataille de Salamine (livre viii) et pour le second avec les nombreux combats navals comme l’affaire de Corcyre et l’épisode de l’île de Tragia (livre i) ou la bataille de Patrai et Naupacte (livre ii).
42 Nous avons abordé la question du héros en formation dans « Hugues Capet : mystification ou mystique de la royauté ? », Bien dire et bien aprandre n° 17, La Figure du roi, Lille, Atelier national de reproduction des thèses, 1999.
Auteur
Université de Provence
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