Nouvelle approche de la Chanson des Nibelungen
p. 13-33
Texte intégral
1Dans cette contribution aux Mélanges offerts à André Moisan, je désirerais présenter la nouvelle analyse, révolutionnaire, que Jean Fourquet a élaborée récemment de la Chanson des Nibelungen. Pour cela, je me fonde sur les nombreux entretiens que j’ai pu avoir avec lui ces dernières années, de même que sur certaines notes manuscrites qu’il m’a confiées et des articles qu’il a publiés. J’utilise également des travaux personnels en cherchant à apporter des arguments complémentaires à l’appui de sa thèse.
Contenu et structure de l’œuvre
La Chanson des Nibelungen, qui compte 2 379 strophes de 4 vers longs, se compose d’après la division des manuscrits de 39 aventures ou chapitres, qui se regroupent de la façon suivante : 11 + 11 + 17.
Première partie : les 11 premières aventures traitent du bonheur de Kriemhild, de son amour et de son mariage avec Siegfried. Tandis qu’à Worms, Kriemhild, la fille des rois burgondes grandit sous la garde de ses trois frères, Gunther, Gernot et Giselher, le jeune Siegfried reçoit une éducation de prince auprès de ses parents, le roi Siegmund et la reine Sieglinde, à la cour de Néerlande, située à Xanten. Après avoir été armé chevalier, Siegfried, qui a entendu vanter la beauté de Kriemhild, décide de la conquérir. Pourtant, la quête de la fiancée ne s’accomplit pas selon le cérémonial courtois : c’est à la manière de guerriers errants que Siegfried et ses compagnons se rendent à Worms. Hagen, conseiller et vassal de Gunther, le reconnaît aussitôt et raconte les aventures antérieures de Siegfried ; c’est là que se situe un récit fort court dans lequel Hagen rappelle la conquête du trésor des Nibelungen ainsi que de la chape magique – Tarnkappe en allemand -, le combat victorieux contre le dragon. A la manière d’un bretteur féodal avide d’annexions, Siegfried provoque sans gêne le roi Gunther à un duel dont l’enjeu serait leurs deux royaumes ; il est intelligemment apaisé par le frère de Gunther, Gernot, et Siegfried décide de rester à Worms. Au service des rois burgondes, Siegfried défait les Saxons et les Danois. Il est ensuite admis auprès de Kriemhild. C’est alors que Gunther, roi de Worms, décide de conquérir dans la lointaine Islande la reine de ce pays, la vierge Brunhild, douée d’une force surhumaine et qui impose des épreuves terribles à ses prétendants. Siegfried accepte de l’aider à condition d’obtenir la main de Kriemhild, et tous deux se rendent en Islande. Dans les épreuves sportives, Siegfried se substitue à Gunther grâce à la chape magique qui le rend invisible et lui donne la force de douze hommes en plus de la sienne propre ; il gagne au nom de Gunther. Brunhild est contrainte de suivre Gunther à Worms. Les noces de Brunhild et Gunther et de Kriemhild et Siegfried se terminent (à l’insu des invités de la fête) par une dissonance. Brunhild, à laquelle le comportement de Siegfried à Isenstein a donné à penser qu’il était un vassal de Gunther, est déconcertée par les grands honneurs qu’on lui rend à Worms (c’est au reste Siegfried lui-même qui avait demandé à être présenté comme tel). Elle soupçonne une tromperie et se refuse à Gunther pendant la nuit de noces, si bien que le roi doit demander une seconde fois à Siegfried de lui prêter assistance. Rendu invisible par la chape magique, Siegfried lutte avec Brunhild, la vainc, lui dérobe, sans qu’elle s’en aperçoive, un anneau et une ceinture d’orfroi et la remet ensuite – sans partager sa couche – à Gunther qui lui ravit sa force surnaturelle en même temps que sa virginité. Après la fête Siegfried retourne avec Kriemhild à Xanten où tous deux passent dix années de bonheur, mais il commet l’imprudence de remettre à sa femme l’anneau et la ceinture dérobés à Brunhild. C’est alors que l’action rebondit.
Deuxième partie : les 11 aventures suivantes content la mort de Siegfried et le mariage de Kriemhild avec Etzel (Attila). Brunhild, toujours méfiante et tourmentée par de mauvais pressentiments, amène Gunther à inviter Kriemhild et Siegfried à Worms, où une grande fête sera donnée. Au cours de cette fête Brunhild et Kriemhild se prennent de querelle ; Brunhild reproche à Kriemhild d’être l’épouse d’un vassal. Quand, pour faire la démonstration de leur différence de rang social, Brunhild veut pénétrer la première dans l’église, Kriemhild, révoltée, dévoile publiquement le secret de la nuit de noces, et prouve ses affirmations en lui montrant l’anneau et la ceinture que Siegfried lui a offerts. Hagen se fait là-dessus l’avocat de la reine mortellement offensée et obtient du faible Gunther son accord pour le meurtre de Siegfried. Tout d’abord Hagen, par ruse, amène Kriemhild à lui révéler le secret de la vulnérabilité de Siegfried : Kriemhild, trop crédule, lui raconte qu’après avoir tué le dragon, Siegfried s’était baigné dans son sang, ce qui avait rendu sa peau dure comme de la corne ; mais une feuille de tilleul, tombée entre les deux omoplates, avait empêché à cet endroit l’action du sang du dragon. Hagen simule alors une expédition guerrière et se déclare prêt à protéger avant tout l’endroit où Siegfried est vulnérable ; elle marque cet endroit en cousant une croix sur le vêtement de Siegfried. La campagne militaire est alors décommandée et remplacée par une chasse, au cours de laquelle Hagen enfonce son épieu dans le dos de Siegfried au moment où, ne se doutant de rien, celui-ci boit à une source. Bien que les meurtriers affirment que Siegfried a été tué par des brigands, Kriemhild soupçonne la vérité. Quand la blessure de Siegfried, dont le corps est exposé dans la cathédrale, se remet à saigner à l’instant où paraît Hagen, Kriemhild accuse publiquement Gunther et Hagen du meurtre. Siegfried est mis en terre avec toute la pompe de l’Eglise. Sur le conseil de ses plus proches parents, Kriemhild reste à Worms. Poussé par Hagen, Gunther décide Kriemhild à faire apporter le trésor des Nibelungen à Worms. Après cela, Hagen ravit le trésor (avec le consentement tacite des trois rois) et le précipite dans le Rhin pour ainsi enlever à Kriemhild toute possibilité de se venger. Plus tard, Etzel, devenu veuf à la mort de la reine Helche, envoie, à l’instigation de ses conseillers, le margrave Rudeger de Bechelaren à Worms pour demander la main de Kriemhild. Bien que Hagen – qui reconnaît sur le champ le danger d’une telle union – conseille de repousser la demande d’Attila, les trois frères de Kriemhild donnent leur consentement. Kriemhild est elle aussi d’accord, une fois qu’elle a compris quels moyens elle pourrait mettre au service de sa vengeance et que Rudeger s’est engagé par serment à châtier quiconque lui fera jamais tort. Kriemhild part pour Etzelbourg en Hongrie – avec des étapes à Passau, chez son oncle, l’évêque Pilgrim, à Bechelaren et à Vienne, où se déroule le mariage somptueux avec Etzel.
Troisième partie : les 17 dernières aventures racontent la vengeance de Kriemhild. Celle-ci vit treize ans à Etzelbourg comme épouse d’Etzel, et lui donne un fils, qui reçoit le nom d’Ortlieb. Pendant toutes ces années Kriemhild médite sa vengeance sans se laisser décourager, et obtient finalement du débonnaire Etzel qu’il organise une magnifique fête et qu’il y invite les frères de son épouse. L’invitation est acceptée à Worms, malgré la mise en garde pressante de Hagen et du maître de cuisines Rumolt. Pourtant Hagen, qui soupçonne le pire, obtient au moins qu’on se mette en route en armure et avec une escorte de mille chevaliers éprouvés. Malgré des présages menaçants (notamment la prédiction que font à Hagen deux ondines sur les bords du Danube : aucun d’eux ne rentrera vivant), les Burgondes se rendent à Etzelbourg. Ils font étape à Passau puis à Bechelaren, où Giselher se fiance avec la fille de Rudeger. Avant Etzelbourg le roi des Amelungen, Dietrich von Bern, vient au devant d’eux et les met une nouvelle fois en garde. A Etzelbourg Kriemhild et Hagen s’affrontent. Lors d’un banquet donné par le souverain hun, le frère de Hagen annonce le massacre des valets d’armes des rois Burgondes. Hagen, provoquant ainsi consciemment la haine implacable d’Etzel et déclenchant un combat impitoyable, tranche la tête du fils de Kriemhild et d’Etzel. Tandis que Dietrich et Rudeger, vassaux d’Etzel mais amis des Burgondes, quittent la salle (Dietrich fait également sortir Kriemhild et Etzel, qu’il a pris sous sa protection), tous les autres vassaux d’Etzel sont exterminés dans le combat qui s’engage. Pour finir, Kriemhild fait mettre le feu à la salle. Les Burgondes se désaltèrent en buvant le sang des morts. Ainsi passe la nuit.
Le lendemain matin, Kriemhild et Etzel amènent Rudeger à intervenir dans la bataille qui reprend. Après un terrible conflit intérieur, le margrave se plie aux exigences de son suzerain et s’engage dans le combat. Il meurt avec tous ses hommes. Les hommes de Dietrich succombent eux aussi tous, sauf Hildebrand, et du côté des Burgondes il n’y a plus que deux survivants : Gunther et Hagen. Apparaît alors, tout armé, Dietrich von Bern. Dominant sa douleur, il exige de Gunther et de Hagen qu’ils se livrent à lui prisonniers. Comme tous deux refusent, il les blesse pour les maîtriser et les ligote. Puis il les remet à Kriemhild. Celle-ci réclame de Hagen le trésor des Nibelungen qu’il lui a jadis volé, mais celui-ci refuse, ayant juré, dit-il, de ne pas le livrer tant que l’un de ses maîtres serait vivant. Kriemhild fait donc décapiter Gunther et apporte sa tête à Hagen. Celui-ci triomphe : il refuse de lui révéler où est caché le trésor, et maintenant que Gunther est mort, il est sûr que jamais elle ne l’apprendra. Folle de colère, Kriemhild tire l’épée de Siegfried du fourreau et tranche de ses propres mains la tête de Hagen. Outré, Hildebrand se précipite sur Kriemhild et lui fait payer le crime qu’elle a commis, en la mettant en pièces avec son épée.
2La division du NL en trois parties est bien marquée par de longs intervalles de temps :
Dix ans s’écoulent avant que l’heureux couple Kriemhild-Siegfried ne revienne à Worms ; Kriemhild attend treize ans avant de demander à Etzel d’inviter les trois rois, frères de la reine.
Chaque fois, c’est une invitation qui marque l’entrée dans une nouvelle partie de l’action.
Les parties comptent respectivement 11, 11, 17 « Aventures ». Cela rappelle la structure de la « canso », des chansons des « Minnesänger » et des « Meistersinger » : la chanson doit comprendre trois parties, dont deux symétriques, appelées en allemand « Stollen », et dont la somme est nommée « Aufgesang » ; la troisième partie, plus longue, est appelée « Abgesang1 ».
3La tripartition du NL avait été remarquée par les contemporains, car dans le ms. A de St Gall, particulièrement soigné, le nombre de « strophes » dans les trois parties a été arrondi, par l’omission de strophes sans grand intérêt pour la trame narrative et dont on pouvait se passer à 660 – 660 – 990, soit la proportion 4-4-6, celle du sonnet.
Interrogeons-nous d’abord sur le terme de « Nibelungen »
4Ernest Tonnelat fait remarquer qu’au xe siècle, en Allemagne, le nom de Nibelungen, qu’il faut peut-être mettre en relation avec celui de la ville de Nivelles dans la province belge du Brabant2, servait à désigner les Francs établis sur le Rhin dans la région de Worms ; c’était un nom de tribu. Cela ressort d’un vers du Waltharius (vers 930, xe siècle), où les guerriers de Gunther sont appelés Franci Nebulones3. Le nom propre de Nibulung ou Nibelung est attesté dans de nombreux documents du viiie et du ixe siècle4. Après que les Burgondes survivants, une fois défaits en 436 ou 437 par les Huns, eurent définitivement quitté les rives du Rhin et la région de Worms, les hommes du viiie et du ixe siècle confondirent les Burgondes avec les Franci Nebulones, qui étaient vers le milieu du ve siècle devenus maîtres du pays rhénan aux environs de Worms5, et ils ont appliqué aux Burgondes le nom qu’avaient porté leurs prédécesseurs6.
5Quoi qu’il en soit, tout cela explique sans doute pourquoi dans les textes Scandinaves, qui sont pour l’essentiel issus de sources continentales, il n’est question que de Niflungar (ainsi dans la Thidrekssaga7 ; il en est de même dans l’Edda poétique8 et l’Edda de Snorri Sturluson9 ; dans la Völsungasaga110, Niflung est le fils de Hagen, p. 97).
Burgondes
6Jusqu’à aujourd’hui, à la suite de Andreas Heusler (1921), les médiévistes recherchaient les fondements de la seconde partie de la Chanson des Nibelungen dans des événements historiques que l’on trouve dans l’histoire des Burgondes et des Huns.
7Les Burgondes, Germains orientaux, s’installèrent vers 413 sur le Rhin moyen. Leur capitale était Worms. Ils remportèrent des succès sur les Huns à l’époque où le pouvoir appartenait encore à l’oncle d’Attila – Otkar pour les Byzantins.
8A la mort de cet oncle, les troupes hunnes tentèrent de reprendre l’avantage sur les Burgondes et de faire oublier leur défaite ; leur attaque réussit. C’est donc en 436 ou 437 que le roi du pays bur-gonde, Gundicarius, fut attaqué par une troupe de Huns, qui trouvait menaçantes les velléités d’expansion des Burgondes et auxquels s’était allié Aetius11. Les Burgondes, vaincus, furent transférés en Sapaudia (dans la région de Lyon et de Genève) en 443, avec la mission d’y empêcher la progression des Alamans. C’est pourquoi cette région s’appelle aujourd’hui Bourgogne. La rive gauche du Rhin moyen, libérée par les Burgondes, devait être occupée par la suite par les Francs de Nivelles.
9Avant 516, un roi burgonde, du nom de Gondebaud, fait mettre la loi de son peuple par écrit. C’est la loi Gombette qui nomme, à côté du roi Godomarus (Godomar), les rois Gibica (Gibich, le père des Burgondes de Worms), Gislaharius (Giselher) et Gundaharius (Gunther). C’est une loi libérale qui donnait aux hommes libres en Bourgogne le droit de conserver ce statut.
10On trouve d’autres vestiges des Burgondes à Genève (notamment place Bourg de Four) et à Lyon, qui étaient leurs deux résidences.
11En 1921, le critique allemand Andreas Heusler, a donné l’explication suivante de la genèse du Nibelungenlied : un auteur autrichien aurait, vers 1200, cousu bout à bout la matière de deux chants germaniques remontant au ve ou vie siècle, un chant de Brunhild et un chant relatif au massacre des Burgondes par Attila. C’était la première œuvre de la taille d’un livre (Buchepos). Effectivement l’Atlakvida islandaise (Le Dit d’Attila) comporte 43 strophes de 4 vers allitérants ; la partie correspondante de notre texte, la Nôt, en compte trente fois plus, 1233. Mais ce qui est fort gênant c’est que les contenus des deux chants Scandinaves cités par Heusler, Brunhildlied et Nôt, n’ont pas de relation entre eux, et ils sont à l’opposé des parties du NL qui leur correspondraient. Ainsi, dans la version Scandinave, Gudrun venge ses frères qu’Attila a attirés pour leur arracher le secret de leur trésor, et qu’il a mis à mort ; elle fait périr Attila dans un incendie. Dans le NL Kriemhild venge son époux bien-aimé, Siegfried, sur ses frères, responsables de la mort du héros. Kriemhild meurt et Attila survit.
12Seul Ernest Tonnelat reconnut en 1926, par une analyse approfondie, qu’« il a suffi de deux hommes, dont l’un – qui, peu après 1150, a écrit la première version de la Nibelunge Not – était un novateur d’un talent déjà fort vigoureux, et dont le second, le jongleur autrichien des premières années du xiiie siècle, était un poète de génie12 ». Du livre de Tonnelat il n’y eut qu’un compte rendu, celui d’Andreas Heusler : il était écrasant, négatif. Puis ce fut la conspiration du silence ; le livre ne fut jamais cité. En 1955, le germaniste allemand Friedrich Panzer donne raison à Tonnelat contre Heusler de façon éclatante13. Jean Fourquet, quant à lui, développa l’idée de Tonnelat, son maître, et l’a confrontée aux faits.
131) Jean Fourquet oppose à la théorie selon laquelle la seconde partie du Nibelungenlied est fondée sur le souvenir d’un fait historique un certain nombre d’arguments déterminants que voici :
Il n’existe pas de fonds de légendes burgondes, car les Burgondes ont été au ve siècle expulsés des pays rhénans par Aetius et ont été installés en Sapaudia pour empêcher les Alamans de s’installer dans cette province. Il n’existe que des légendes franques : il existait un corps de chants héroïques francs, dont le Waltharius en latin est l’un des témoins latéraux ; Hagen et Gunther sont des héros francs.
D’autre part, dans la Chanson des Nibelungen que nous possédons, figurent un Dietrich qui n’était pas encore né à l’époque des événements et un Attila qui n’était pas encore au pouvoir.
Enfin, il n’est question dans la Thidrekssaga, dans l’Edda poétique et l’Edda de Snorri que de Niflungar, nullement de Burgondes.
14Il est vraisemblable que, vers le milieu du xiie siècle, un poète rhénan ait inventé, aux environs de Worms, en dialecte francique-rhénan, toute l’histoire avec tout son enchaînement.
152) Jean Fourquet14 émet l’hypothèse suivante : la version originelle du Nibelungenlied est à imputer à un Spielmann (jongleur) rhénan, écrivant vers le milieu du xiie siècle aux environs de Worms, c’est-à-dire non loin de la frontière linguistique entre la Romania et la Teutonia, en dialecte francique-rhénan, en s’inspirant des chansons de geste de Charlemagne et en puisant dans la tradition légendaire germanique, notamment franque, qui était bien vivante (ce que montre le Waltharius) et qui conservait des personnages identifiables historiquement. Ce jongleur a inventé toute l’histoire avec toute l’action, tout l’enchaînement des événements15, la querelle des reines, le meurtre de Siegfried, le mariage avec Etzel et la grande bataille finale : c’est le Ur-Nibelungenlied, épopée écrite en Allemagne, sur le modèle de la chanson de geste française, par un jongleur qui a placé son action non dans l’espace des chansons romanes, mais dans l’espace légendaire germanique et qui a choisi le Rhin au lieu de la Méditerranée pour espace géographique : tout ceci amène à penser que la couche la plus ancienne du Nibelungenlied est rhénane, hypothèse confirmée par la présence à la rime, dans le texte qui nous est transmis, de gân et stân au lieu de stên et gên employées par l’adaptateur dans le reste du texte et qui ne dépassent pas les limites de la Bavière, et par l’emploi, plus significatif encore, des rimes â : a bref (gân : man). En effet, ces formes gân et stân ont été conservées seulement par le francique-rhénan16. La naissance de ce Ur-Nibelungenlied serait contemporaine de celle de König Rother : nous aurions deux exemples de la pénétration en Allemagne de l’influence de la chanson de geste française17.
16C’est, selon Jean Fourquet, cet auteur des environs de 1150 qui a eu l’idée neuve de la construction tripartite de la tragédie de Kriemhild, cette femme que la solidarité des hommes sous l’armure empêche de frapper Hagen qui l’a odieusement trompée pour tuer un époux bien-aimé, le premier entre tous, qui l’a dépouillée du trésor (sa « Morgengabe », le cadeau de noces que fait le mari à sa femme), qui a gardé pour lui le secret de l’endroit où il l’a précipité dans le Rhin, et qui enfin l’a rendue fratricide.
17Le Ur-Nibelungenlied, narration de la vengeance impossible d’une femme, aurait ensuite servi de base à la Thidrekssaga et à la Chanson des Nibelungen.
18L’œuvre du Spielmann (jongleur) rhénan aurait en effet été utilisée à Soest et aurait, dans le cadre d’une vaste compilation en prose reposant sur des témoins allemands de poèmes du cycle de Dietrich, servi de base à la Thidrekssaga, qui, écrite sous le règne du roi Haakon (1217-1264), a circulé au xiiie siècle en Norvège et dans laquelle se retrouve la construction tripartite de l’œuvre de 1150 : on y découvre en effet tout l’enchaînement de l’action du NL dans trois chapitres insérés dans d’autres histoires : 1) Gunnars und Sigurds Heirat ; 2) Sigurds Tod ; 3) Kriemhilds Rache, titres qu’on pourrait donner aux trois parties du Nibelungenlied que nous connaissons : 1) Mariage de Siegfried et de Gunther ; 2) Mort de Siegfried ; 3) Vengeance de Kriemhild.
19Nous avons des témoins de l’influence exercée par le Ur-Nibelungenlied. Celui-ci a déterminé le remplacement de l’octosyllabe, comme vers du roman « chevaleresque », par la « Langzeile » (sept mesures), la forme numérique du Kudrunlied18 (et non du Nibelungenlied), la structure tripartite de l’action du Nibelungenlied (ms. A 660-660-990).
20De ce poème, situé vers 1150, la Chanson des Nibelungen connue est une adaptation, qui serait l’œuvre d’un poète écrite à Passau pour l’évêque Wolfger von Erla (fin xiie et début du xiiie siècle). Ce poète a tiré un parti admirable d’une affabulation déjà « toute faite » chez son prédécesseur afin de plaire à des cours chevaleresques.
21Ce poète s’inspire d’un genre qui a pour représentants des poètes comme Hartmann von Aue, Gottfried von Straßburg, Wolfram von Eschenbach : l’adaptation allemande d’œuvres romanesques déjà de bonne forme littéraire, ce que l’on peut appeler en allemand Nachdichtung, terme que j’ai traduit en français par « adaptation créatrice ». Je vais essayer de montrer cet auteur à l’œuvre.
22Dans le récit de la Thidrekssaga, il n’y a pas une seule occurrence du nom « Burgonden ». Or il figure 102 fois dans l’adaptation du jongleur19 (d’après l’index de Batts, l’éditeur de tous les manuscrits de la Chanson). Partout où l’on s’attendrait à trouver le nom Nibelungen, on trouve Burgonden. Ceci va contre tous les indices – dispersés – que nous avons de l’existence, en pays de langue germanique, d’une tradition d’après laquelle Gunther et Hagen sont des Francs, dont les Nibelungen sont une subdivision20.
23L’adaptateur met tout son zèle à composer une œuvre qui relate la grandeur et la fin tragique de la famille royale burgonde de Worms. Il commence son œuvre par : « Ez wuohs in Burgonden ein vil edel magedin21 » (= « En pays burgonde grandissait une jeune fille de très noble lignage »), et le nom de celle-ci, l’héroïne, ne vient qu’au second vers. Puis il se met au travail :
Aventure 1 : la famille royale burgonde : trois frères : Gunther, Gernot, Giselher, et leur sœur Kriemhild.
Aventure 2 : éducation d’un jeune prince, Siegfried, chez son père, roi de Néerlande, Sigmund.
24Connaissant toute sa source, l’adaptateur aborde le chapitre intitulé le mariage de Siegfried et de Gunther. Le roi des Burgondes, parti en Islande à la conquête de la reine Brunhild qui, fière de la force fabuleuse liée à sa virginité, impose des épreuves à ses prétendants, serait perdu si Siegfried, invisible sous une chape magique, la Tarnkappe, ne l’aidait.
25D’une part, l’adaptateur a gonflé les deux premières parties de motifs courtois décrivant une vie conforme à l’idéal de bonne éducation, zuht, de la classe aristocratique, a supprimé ou remplacé des passages où des hauts personnages se conduisaient de façon peu conforme à l’éducation courtoise, a renchéri sur les descriptions de la vie de luxe et de raffinement de l’aristocratie chevaleresque de même inspiration que celles du roman « arthurien » (scènes de la vie courtoise – Siegfried aime Kriemhild comme Eneas aime Lavine – ; fêtes ; voyages de cour ; splendeurs vestimentaires).
26D’autre part, il a fait le bilan des éléments de merveilleux de conte, märchenhafte Motive, dont la connaissance est nécessaire pour qu’on comprenne divers épisodes de l’action qu’il conserve dans son enchaînement. Il prend le parti de mettre dans la bouche de Hagen, au moment où Siegfried aborde sur la rive burgonde du Rhin, tout ce qu’il faut savoir sur Siegfried (str. 86-100). Hagen narre une aventure qui a mené le jeune chevalier dans un pays où il se trouve attaqué par les deux fils du roi Nibelunc, qui se disputaient l’héritage du père. Dans le combat les deux fils sont tués et le vainqueur est reconnu roi d’un pays appelé der Nibelunge lant, et de guerriers et de nains gardiens d’un trésor, possesseur d’une épée sans pareille et d’une chape qui le rend invisible, la Tarnkappe. Hagen ajoute encore que Siegfried a tué un dragon, dont le sang lui a donné une peau de corne. Il est invulnérable, sauf, comme on l’apprendra plus tard dans la bouche de Kriemhild, en un point entre les épaules, où s’était collée une feuille de tilleul (str. 899-902) – ce qui permettra le meurtre du héros. A ce propos on a tout lieu de penser que l’auteur du NL a fait en sorte que ce soit son héroïne Kriemhild, abusée par le fourbe Hagen, auquel en tant que son parent elle recommande Siegfried pour qu’il le protège pendant la guerre qui, soi-disant, doit avoir lieu le lendemain, et rendue aveugle par son amour pour Siegfried, trahisse le secret du héros afin de la rendre involontairement complice du meurtre de son époux, ce que jamais elle ne se pardonnera, pas plus qu’elle ne pardonnera à Hagen d’avoir abusé ainsi de sa confiance, ce qui justifie sa soif de vengeance. L’auteur du NL aura donc omis de façon volontaire ce détail capital dans le récit de Hagen afin de le mettre dans la bouche de Kriemhild pour rendre implacable la haine de celle qui désormais aura en main toutes les rênes de l’action.
27Ces données légendaires – ou mythiques – se trouvaient vraisemblablement dans l’Ur-Nibelungen, qui comme j’en ai formulé l’hypothèse présentait sans doute une version des Enfances Siegfried proche de celle rapportée dans la Thidrekssaga, version à laquelle l’adaptateur a substitué l’éducation courtoise du héros22.
28Mais dans son zèle, celui qui a transformé les Nibelunge en Burgonden marque que cette mutation est définitive, en donnant à nibelunge (pluriel fort) un sens radicalement différent de celui qu’il a dans l’œuvre de son prédécesseur, en inventant, pour expliquer ce nom, un roi éponyme Nibelunc. C’est ce que Jean Fourquet appelle « la petite faute » qui, comme dans un bon roman policier, lui a permis de reconstituer toute la succession des actes du « Tàter », du coupable : celui-ci s’est en effet trahi en attribuant la forme phonique Nibelunge à un pays fabuleux où Siegfried, qui en devient le roi, entre en possession d’objets auxquels est attaché un merveilleux de conte populaire. Siegfried a sauvé les Burgondes – ils étaient quatre – devant une reine qui dispose d’une armée, en revenant de son royaume avec mille fidèles guerriers. Ceux-ci seront son escorte, lorsqu’il sera, avec son épouse, invité à Worms, où il sera tué par Hagen. Le nom de Nibelunge dans ce nouveau sens reparaîtra jusqu’à la fin de l’œuvre, partout où ce merveilleux intervient ; par exemple quand Kriemhild réclame le trésor à Hagen, ou lorsqu’elle a en main l’épée de Siegfried, Balmung, qui a été Nibelunges swert (93, 1). En utilisant Nibelung à une nouvelle fin, le poète rend irréversible la transformation en Burgondes des hommes et du pays qui étaient jusque là Nibelungen.
29L’adaptateur arrive à la dernière partie : le départ des rois burgondes avec leur escorte de mille guerriers sous le haubert, l’arrivée au pays des Huns, les vains essais de Kriemhild pour frapper Hagen à la faveur d’une mêlée générale, les combats, la lutte des Burgondes dans une situation désespérée, c’est-à-dire la nôt proprement dite.
30A l’instant du départ du roi avec son escorte, l’adaptateur réfléchit à la composition de la nôt, son chef d’œuvre. Il se pose le problème de la fin, de l’explicit. Car le narrateur d’une geste doit se présenter comme celui qui met en forme une « estoire », maere, qui a la garantie d’une longue tradition, et de fait il terminera en disant : « Je suis arrivé à la fin de l’« estoire » : « hie hât daz mære ein ende », – et il nommera le sujet de l’œuvre de son prédécesseur : daz ist der Nibelunge nôt (2379, 4).
31L’adaptateur se représente la réaction d’auditeurs qui ne savent pas (comme les initiés, les connaisseurs) le jeu qu’il joue. Ils s’attendent à entendre, après la mort du dernier, et même de la dernière burgonde (Kriemhild) : daz ist der Burgonde nôt. Dès lors, il n’y a plus d’autre recours que cet expédient : dès l’instant du départ des rois et de leur escorte pour leur destin, nôt et tôt, placer en des points du récit qui retiennent l’attention les noms nibelunge et burgonden, comme si ces noms étaient de parfaits synonymes, désignaient les mêmes hommes, qui en changeant de nom, ne changent pas d’identité. Un bel exemple : Rudeger, tenu par le serment qu’il a prêté à la reine, a cette exclamation de regret :
di chuenen Burgonden di muz ich leider bestan (2167, 4)
(« Il me faut, hélas ! combattre les hardis Burgondes »).
32L’instant d’après, il crie dans la salle :
ir chuenen Nibelunge, nu wert iuch uber al. (2175, 2)
(« Hardis Nibelungen, défendez-vous tous ! »).
33Il a devant lui les trois rois et ce qui reste de leurs hommes. La contradiction est si flagrante que le remanieur de C23 a corrigé en :
nu wert iuch, edeln recken von Burgonden lant (2234)
(« Défendez-vous, nobles guerriers du pays des Burgondes »).
34L’adaptateur avait soigneusement préparé l’emploi de Nibelunge avec le sens de Burgonden. Au départ des rois Burgondes, on lit :
Di snellen Burgonden sich uz huoben (1522, 1)
(« Les vaillants Burgondes se mirent en marche ») ;
35et à la strophe suivante :
Di Nibelunges helde chomen mit in dan
in tusent halspergen... (1523, 1-2)
(« Les héros de Nibelung – ils étaient mille qui portaient le haubert – partirent avec eux »).
36L’expression Di Nibelunges helde est absolument incompréhensible. Ce ne pourrait être que les fidèles guerriers de Siegfried, qui brûlaient de venger sa mort ; d’après ce qui précède, la strophe suivante rétablit le sens : il s’agit de di Guntheres man (1524, 2), des Burgondes. Au reste, un manuscrit (b) a corrigé en Die Nibelunge.
37Mais voici que quelques vers plus loin, les mille hommes que commande Hagen sont appelés Nibelungen :
er (Hagen) was den Nibelungen ein helflicher trost (1526, 2)
(« il – Hagen – était pour les Nibelungen un soutien et un réconfort »),
38et encore :
ez ergie den Nibelungen ze grozen sorgen (1527, 2)
(« Ce fut pour les Nibelungen un grave souci »).
39Nous ne comprendrons que lorsque nous aurons découvert huit passages où Nibelungen désigne des personnages qui ne peuvent être que des Burgonden d’après tout le contexte. Ainsi lorsque Rudeger défie les trois rois Burgondes et ce qui leur reste d’hommes (2175, 2).
40Les combattants qui portent le nom de Burgonden et ceux qui portent le nom de Nibelunge sont désormais les mêmes.
41Puisqu’il a préparé son public en lui faisant suivre le récit de neuf situations où il emploie Nibelunge, comme si le nom pouvait aussi désigner des Burgondes, comme si les deux noms étaient synonymes, donc interchangeables, l’adaptateur peut finir sur :
hie hat daz mœre ein ende : diz ist der Nibelunge not (2379, 4),
42un vers dans lequel daz mœre ne désigne pas son poème, mais son modèle, sa Vorlage. Wolfram von Eschenbach ne s’y est pas trompé : il sait parfaitement que les Burgondes sont en fait des Nibelungen et il corrige, dans une citation qu’il fait du Nibelungenlied dans son Parzival, Di snellen Burgonden (1522, 1) en : den küenen Nibelungen :
(ir) sprechet, ir taetet als riet ein Koch
den küenen Nibelungen
die sich ungezwungen
uz huoben dâ man an ir sach
daz Sîfride dâ vor geschach. (Parz. 421, 7)
(« comme conseilla un cuisinier aux hardis Nibelungen qui se mirent en route... »).
43On reconnaît le sich uz huoben du NL. Et la citation de Wolfram inciterait à rétablir die küenen (ou snellen) Nibelungen à la place de die Nibelunges helde24.
Pourquoi cette transformation des Nibelungen en Burgondes ?
44Telle est la question que nous pouvons nous poser. Pourquoi cette glorification d’une famille royale burgonde ? A quelle société cette œuvre s’adressait-elle ?
45On connaît des œuvres de la seconde moitié du xiie siècle qui ont été faites sur commande d’un personnage historique : Marie de Champagne pour Le Chevalier de la Charrette, Philippe d’Alsace pour Le Conte del Graal. On n’a pas encore cherché dans cette direction pour le Nibelungenlied. C’est pourquoi Jean Fourquet, se fondant sur l’exemple de Chrétien de Troyes qui a reçu mission de Marie de Champagne d’écrire le Lancelot et de Philippe d’Alsace celle d’écrire le Perceval, suppose qu’il y a un rapport entre le fait que l’auteur du texte que nous connaissons a volontairement remplacé les Nibelungen par les Burgondes et le rôle important que la Bourgogne a joué dans l’histoire culturelle et politique des Hohenstaufen. A Würzburg, à la Pentecôte 1156, l’empereur Frédéric 1er Barberousse, « décidé à restaurer la puissance royale en Bourgogne, une des multiples conditions de la rénovation impériale25 », épouse Béatrice de Bourgogne, qui sera mère du Minnesànger Henri VI. Pour réaliser son projet de restaurer en Bourgogne le pouvoir impérial, Frédéric Barberousse fait des séjours fréquents mais brefs en Bourgogne, où il se rend en 1156, 1157, 1162, 1166, 1168, 1170, 1173, 1178 et 118626. Au cours de ces séjours, l’empereur, qui, accompagné de sa chancellerie, délivre un nombre impressionant de diplômes pour la Bourgogne27 ; de la sorte, il rallie à sa personne impériale toutes les forces vives du pays, « toute la noblesse du comté de Bourgogne, tout en accomplissant une œuvre remarquable de gestion et de valorisation du domaine28 ». Trois de ces séjours montrent Barberousse dans l’exercice de ses fonctions souveraines et accroissent par leur caractère solennel le prestige et l’autorité de la royauté en ce pays :
en 1157, le couple impérial fait son entrée solennelle dans le comté et en prend possession,
en 1162 les affaires de l’Empire déplacent à Besançon, Saint-Jean de Losne et Dole une grande partie de la cour germanique,
en 1178 se déroule le séjour le plus long et le plus triomphal : après la mort du père de Béatrice, Renaud III, Barberousse reçoit le 30 juillet 1178 à Arles, dans l’église Saint Trophime, la couronne de roi de Bourgogne, puis il regagne l’Allemagne par la vallée du Doubs.
46L’empereur séjourne en novembre 1157, en 1162, en juillet 1166 et début septembre 1178 à Dole, qui est à côté d’Arbois le centre le plus important du domaine. Et alors qu’à Arles ou à Gap il loge dans le palais (Pfalz) de l’évêque, qu’à Besançon il est l’hôte de l’archevêque et qu’à Baume-les-Dames il habite à l’abbaye, Barberousse se fait bâtir à Dole une Pfalz qu’il fait remanier ensuite en un château vaste et superbe29, un palacium mire amplitudinis, dont il ne reste rien depuis que la ville a été entièrement détruite en 147930. Plus tard, quand après 1178 l’empereur ne vient plus en Bourgogne et abandonne les affaires du pays à son épouse, celle-ci séjourne volontiers dans cette Pfalz31.
47De fait, au cours de ces années, la Bourgogne est de plus en plus étroitement soumise à l’autorité directe de la maison impériale des Staufen. Dans les dernières années de sa vie (1181-1184), Béatrice règne en souveraine avec ses propres notaires et chapelains32 sur la Bourgogne du nord, appelée aussi Bourgogne jurane, ou encore Haute-Bourgogne, autour de Besançon et de Dole, c’est-à-dire sur un territoire allant de Genève à Mâcon et du Jura aux Vosges du sud, en gros la Franche-Comté. Son fils, le futur Henri VI, y vient en personne en juillet 1188. Lors de leurs séjours dans le comté, ils délivrent tous deux une série de jugements et d’arbitrages33. C’est à Béatrice qu’à la fin des années soixante du xiie siècle, peu après son couronnement comme impératrice34, Gautier d’Arras dédie son roman Ille et Galeron, dans lequel il fait l’éloge de l’impératrice et de son lignage et écrit que, dans le passé, de nombreux poètes ont été à son service et qu’il ne les égalera qu’avec difficulté, ce qui est un témoignage pour les goûts littéraires de la comitissa Burgundiœ, qu’elle partage avec Philippe de Flandre, Thibaut V de Blois et Henri 1er de Champagne. Béatrice a dû entretenir avec les cours de ces princes des relations qu’elle n’a pas rompues après son mariage avec Frédéric Barberousse35. Comme le fait remarquer Joachim Bumke36, « les cours que l’empereur a tenues en Bourgogne ont offert de nombreuses occasions de contact avec la culture française. En se fondant sur ces faits on s’attend souvent à ce que la Bourgogne fût à cette époque un lieu d’échange pour la diffusion de la littérature française en Allemagne et qu’un rôle important revînt pour cela à la cour des Staufen37 ». La cour de Béatrice, qui était une cour où on parlait essentiellement français et qui accueillait la littérature courtoise française, servit ainsi d’intermédiaire entre la France et l’Allemagne et contribua à faire connaître en Allemagne la littérature française38.
48Après sa mort, les droits de Béatrice sur la Bourgogne furent transmis en 1188-1189 à son troisième fils Othon, comte palatin de Bourgogne (palatinus Burgundie), chargé de la défense des droits impériaux en Bourgogne (il fut investi « in materna hereditate in comitem Burgundiæ39 »). Le pays devint une sorte d’apanage de la maison des Staufen40. Othon épousa en 1189-1190 Marguerite de Blois, nièce du roi Philippe II Auguste de France. Les relations avec l’espace français furent de la sorte maintenues.
49D’un autre côté, la rive gauche du Rhin, d’où provient la source du Nibelungenlied, est l’espace Staufen (« der staufische Raum »), où les Staufen soutenaient la civilisation courtoise venue de l’ouest. Ainsi, Béatrice séjournait volontiers dans le palais impérial de Spire, où elle est morte. Il est donc possible que, sachant que le nom de Burgund était celui des rois burgondes qui un temps furent à Worms rois d’un royaume burgonde, que la Bourgogne devait son nom à un peuple germanique qui, avant de s’établir entre Genève et Lyon, résida pendant trente ans sur la rive gauche du Rhin, en pays franc, entre l’Alsace occupée par les Alamans et les pays de langue bas-allemande, elle ait pris connaissance à Spire du poème écrit vers 1150 en francique-rhénan, dialecte de la rive gauche du Rhin, et que, afin de magnifier la Bourgogne, elle ait ensuite demandé à un jongleur de faire du Nibelungenlied un Burgundenlied, ses connaissances de la littérature française lui permettant entre autres choses de suggérer au poète tous les motifs courtois avec lesquels il gonfle les deux premiers Stollen de sa « Nachdichtung ». Si ce n’est pas Béatrice elle-même, ce peut être un autre prince : on sait qu’aux obsèques de l’impératrice en 1184, toute la famille bourguignonne était représentée ; ce peut être Othon, ce peut être Henri VI, l’un ou l’autre fils de Béatrice, ou même Frédéric Barberousse lui-même. On gardait en effet en Bourgogne le souvenir du roi burgonde de Genève, Gundobald (Gondebaud), qui avait publié en 502 une « lex Burgundionum » dans une Burgundia devenue Bourgogne. C’est la loi Gombette, dont j’ai parlé plus haut. Il n’est pas impossible que la maison de Bourgogne ait eu des clercs qui pouvaient lire ce qu’avaient écrit les historiens latins.
Qui est l’auteur du Nibelungenlied ?
50En 1189, Frédéric est au sommet de sa gloire, il a réuni à Ratisbonne, Regensburg, une armée de croisés. Il va mener cette armée par la « route des Nibelungen », de Passau, par la route du Danube, en Hongrie. Le 18 mai Barberousse arrive à Vienne ; le dimanche d’après la Pentecôte, il est reçu par le couple royal hongrois à Gran et il fiance son fils, le duc de Souabe, à la fille du roi de Hongrie41. Les stations de cette route sont complaisamment énumérées par l’adaptateur. Or, les commanditaires du Nibelungenlied veulent mettre la Chanson au service de leur politique, culturelle ou de pouvoir. On peut penser en conséquence à un auteur professionnel, qui vivrait de la présentation de ses épopées et qui ne serait pas riche : il se serait mis au service des Staufen. Puis, comme Chrétien a repris sa liberté avec Marie et avec Philippe, il aurait repris lui aussi sa liberté avec un empereur, au prix d’une ambiguïté diplomatique, et serait allé en Autriche. En effet, l’auteur du Nibelungenlied pourrait être même, contre l’opinion commune qui veut qu’il soit autrichien, un « rhénan ». Certes il donne des détails précis sur l’itinéraire des voyages de Worms à Vienne et au-delà ; mais cet itinéraire, comme le souligne Tonnelat42, était celui emprunté au xie (dès un demi-siècle avant la première croisade) et au xiie siècle par les voyages de nombreux princes, dignitaires de l’Eglise et souverains : Passau, Efferding, Linz, Enns, Pöchlarn, Melk, Mautern, Traismauer, Tulln. Certes le poète donne un rôle à l’évêque Pilgerim, vénéré à Passau. Mais plus intimement liés à l’action sont les lieux rhénans : Worms, capitale des rois Burgondes, Santen sur le Rhin inférieur, capitale du royaume de Siegfried et de ses ancêtres ; on va chasser dans l’Odenwald ; le trésor est jeté dans le Rhin ; Volker est d’Alzey (près de Mayence), Ortwin de Metz. D’autre part, dans le NL dominent de beaucoup les formes de l’ouest du Rhin. Il n’est donc absolument pas impossible que ce soit un auteur « rhénan » qui, après avoir rompu avec les Staufen, soit allé chercher fortune en Autriche. Cependant, pour un certain nombre de raisons43, il paraît plus vraisemblable de voir en cet auteur un poète d’origine autrichienne. A Ratisbonne, où Frédéric commandait l’armée des croisés, il aura pu être présenté à l’empereur par Léopold d’Autriche comme poète doué qui pouvait transformer le Nibelungenlied en Burgondenlied. Ou bien c’est à la cour de Vienne que l’auteur du Nibelungen-/Burgondenlied aurait pu chercher un protecteur heureux de faire plaisir à l’Empereur.
51On pourrait également penser qu’un poète bien exercé à l’ars dicendi de la fin du xiie siècle a appliqué la technique que venait de révéler l’Erec de Hartmann (entre 1184 et 1189) à ce qu’il avait connu par la présentation à une cour de chevaliers (Passau, Vienne ?) afin de se chercher un mécène bourguignon parmi des seigneurs friands de scènes de luxe de l’aristocratie, pour attirer l’attention. Ce serait ce poète qui de lui-même aurait eu l’idée de chercher fortune auprès de personnalités qui avaient des liens avec la Bourgogne, le couple impérial et ses enfants, en faisant une adaptation d’une Chanson des Nibelungen déjà existante (Nach-Dichtung) et en mettant, avec une audace inouïe, Burgonden en lieu et place de Nibelunge, chaque fois que ce mot figure dans le texte. C’est là qu’il faudrait faire intervenir l’accident historique : la mort de Barberousse, et le grand « interrègne ». Dans les vicissitudes qui ont suivi la mort de Barberousse, il semble que les chances qu’avait l’adaptateur de trouver un mécène dans la maison impériale se soient évanouies : il n’aurait pas repris sa liberté, mais, compte tenu que le cours de l’histoire a fait échouer sa tentative pour attirer l’attention des Bourguignons au pouvoir, il aurait cherché un nouveau mécène.
52Il faut bien dire que nous n’avons pas de certitude et qu’il est impossible d’en avoir. Comme aime le dire Jean Fourquet, il en est de la littérature comme d’un roman policier : chaque policier a sa version des faits, comme chaque historien de la littérature a sa version. Il faudrait faire comme tous les grands spécialistes de roman policier une étude de milieu, une étude du milieu historique.
53Une chose paraît certaine : il est désormais impossible d’expliquer la Chanson des Nibelungen par un désastre infligé par les Huns aux Burgondes en 437, devant Worms. Déjà Ernest Tonnelat écrivait44 qu’il semblait « évident que l’histoire du passé récent se reflète beaucoup plus abondamment dans la Chanson des Nibelungen que celle du ve ou du vie siècle ». Puisqu’il en est ainsi, il faut tout reconsidérer. Avons-nous affaire, avec la Chanson des Nibelungen, un peu comme avec la légende arthurienne et Glastonbury notamment, où l’on a « découvert », à la fin du xiie siècle, la tombe d’Arthur et de Guenièvre, à une récupération politique ? Nous ne sommes qu’au début de cette recherche, qui nous apportera peut-être encore bien des surprises.
Notes de bas de page
1 Cf. Jean Fourquet, « Zum Aufbau des Nibelungenliedes und des Kudrunliedes », in J. F., Recueil d’études (Linguistique allemande et philologie germanique – Littérature allemande) réunies par Danielle Buschinger et Jean-Paul Vernon à l’occasion de son 80e anniversaire, Amiens, Centre d’études médiévales, 1979, pp. 270-278.
2 Cf. Helmut Berndt, Die Nibelungen. Auf den Spuren eines sagenhaften Volkes, Oldenburg und Hamburg, 1978, pp. 118-120.
3 Dans une lettre du 30 octobre 1998, Jean Fourquet me fait remarquer ceci : le vers 555 du Waltharius « Non assunt Avares hic, sed Franci Nebulones » a été traduit par Altholf dans une édition-traduction du Waltharilied de la collection Göschen « Nicht die Avaren sind da ; es sind die fränkischen Schelme ». En effet, en latin de l’époque de Cicéron, nebulones signifie, selon le dictionnaire Gaffiot, « vauriens, garnements ». Gunther, en attaquant Walther et Hildgund se conduit en « nebulo », en bandit de grand chemin (Raubritter). Il conviendrait de poursuivre les recherches dans ce sens.
4 Cf. Ernest Tonnelat, La Chanson des Nibelungen. Etude sur la composition et la formation du poème épique, Paris, 1926, pp. 203-205.
5 Heinz Ritter-Schaumburg, Die Nibelungen zogen nordwärts, Munich-Berlin, 1981, pp.97-98, pense quant à lui avoir trouvé le pays des Niflungen près de Zülpich (Tolbiac) à l’ouest de Bonn.
6 Cf. Ernest Tonnelat, La Chanson des Nibelungen. Etude sur la composition et la formation du poème épique, op. cit., p. 248.
7 Die Geschichte Thidreks von Bern, Übertragen von Fine Erichsen, Düsseldorf-Köln, Diederichs, 1967 (Thule, Altnordische Dichtung und Prosa, Bd. 22).
8 Die Edda. I Heldendichtung, Hg. von Felix Niedner und Gustav Neckel, Einleitungen und Anmerkungen von Andreas Heusler und Felix Genzmer, Düsseldorf-Köln, Diederichs, 1972
9 L’Edda. Récits de mythologie nordique par Snorri Sturluson, traduit du vieil islandais par François-Xavier Dillmann, Paris, Gallimard, 1991.
10 Heldenepen. Die Völsungen. Hrolf Kraki, Übertragen von Paul Herrmann. Dùsseldorf-Köln, Diederichs, 1978 (Thule, Isländische Sagas 3).
11 Il est probable qu’Aetius, qui avait été otage à la cour d’Attila, s’est allié avec les Huns (Otkar) pour que les Burgondes aient à faire face à deux années et soient attaqués de deux côtés.
12 Op. cit., p. 359.
13 Cf. Jean Fourquet, « Réflexions sur le nibelungenlied », in J. F., Recueil d’études, op. cit., p. 279.
14 Voir en dernier « Contagion. Monsieur le Professeur Jean Fourquet : Vecteur du viras de la “Médiévistique”. Entretien entre Jean Fourquet et Astrid Guillaume », in Speculum medii aevi. Revue d’histoire et de littérature médiévales, Hg. von Danielle Buschinger und Wolfgang Spiewok, Greifswald, 1995, 1. Jahrgang, 1. Heft, pp. 92 sq. ; et Marie-Sophie Masse, « Entretien avec Jean Fourquet (20 avril 1995) », in Speculum medii aevi, op. cit., pp. 99 sq. Voir aussi Jean Fourquet, « Zum Nibelungenlied », in Speculum medii aevi. Greifswald 1995, 1. Jahrgang, 2, Heft, pp. 15-27, et J. Fourquet, « Das Nibelungenlied – ein Burgondenlied ? », in Literatur in Bayem, Nr. 44 (Juni 1996), pp. 5-9.
15 Tonnelat pensait (p. 357) que l’auteur de la première épopée des Nibelungen se proposait « uniquement de conter le grand massacre dont furent victimes en pays hun les Burgondes (ou Nibelungen). [...]. Il faut se représenter ce poème comme une œuvre d’étendue restreinte, comportant trois à quatre cents strophes ».
16 Le reste du francique a été gagné par gên et stên.
17 Cf. Danielle Buschinger, « Les relations entre épopée française et épopée germanique. Essai de position des problèmes », in Au carrefour des routes d’Europe : la chanson de geste. Xe congrès international de la société Rencesvals pour l’étude des épopées romanes. Aix-en-Provence, 1987 (Senefiance, n° 20-21), pp. 77-101.
18 Jean Fourquet, « Zum Aufbau des Nibelungenliedes und des Kudrunliedes », in Jean Fourquet, Recueil d’études réunies par Danielle Buschinger et Jean-Paul Vernon à l’occasion de son 80e anniversaire, Amiens, 1979, pp. 266-278.
19 Das Nibelungenlied. Paralleldruck der Handscriften A, B und C nebst Lesarten der übrigen Handschriften, Hg. Von Michael Batts. Tübingen 1971.
20 Les Franci Nebulones du Waltharius sont Gunther et Hagen, partout appelés Nibelungen.
21 L’édition utilisée est celle de Danielle Buschinger publiée avec traduction en allemand moderne de Wolfgang Spiewok à Amiens en 1991.
22 Cf. pour tout ce développement mon article « Les éléments mythiques anciens dans le Nibelungenlied considéré comme adaptation (double cohérence ?) », in Mélanges René Louis, Saint-Père-sous-Vezelay, 1982, pp. 1201-1216.
23 Das Nibelungenlied nach der Handschrift C, Hg. Von Ursula Hennig, Tübingen, 1977.
24 Jean Fourquet, « Zum Nibelungenlied », in Speculum medii aevi, 1, 2 (1995), p. 27.
25 Cf. l’article de René Locatelli, « Frédéric 1er et le royaume de Bourgogne », in Friedrich Barbarossa. Handlungsspielräume und Wirkungsweisen des staufischen Kaisers, Hg. von Alfred Haverkamp, Sigmaringen, 1992, p. 179.
26 Cf. Ferdinand Opll, Das Itinerar Kaiser Friedrich Barbarossas (1152-1190), Vienne-Cologne-Graz, 1978.
27 René Locatelli, « Frédéric Ier et le royaume de Bourgogne », art. cit., p. 180.
28 René Locatelli, « Frédéric Ier et le royaume de Bourgogne », art. cit., p. 182.
29 Ferdinand Opll, Das hinerar, op. cit., p. 31, p. 72, pp. 158-159.
30 Peter Ganz, « Friedrich Barbarossa : Hof und Kultur », in Friedrich Barbarossa. Handlungsspielräume und Wirkungsweisen des staufischen Kaisers, Hg. von Alfred Haverkamp, Sigmaringen, 1992, p. 646.
31 Ferdinand Opll, Das hinerar, op. cit., p. 159.
32 Peter Ganz, « Friedrich Barbarossa : Hof und Kultur », in Friedrich Barbarossa. Handlungsspielràume und Wirkungsweisen des staufischen Kaisers, Hg. von Alfred Haverkamp, Sigmaringen, 1992, pp. 642-643.
33 René Locatelli, « Frédéric Ier et le royaume de Bourgogne », art. cit., p. 180.
34 Peter Johanek, « Kultur und Bildung im Umkreis Friedrich Barbarossas », in Friedrich Barbarossa. Handlungsspielräume und Wirkungsweisen des staufischen Kaisers, art. cit., p. 662.
35 Peter Ganz, « Friedrich Barbarossa : Hof und Kultur », in Friedrich Barbarossa. Handlungsspielràume und Wirkungsweisen des staufischen Kaisers, Hg. von Alfred Haverkamp, Sigmaringen, 1992, pp. 642.
36 Mätene im Mittelalter. Die Gönner und Auftraggeber der höfischen Literatur in Deutschland 1150-1300, Munich, 1979, p. 148.
37 « haben die Hoftage, die der Kaiser in Burgund abgehalten hat, mannigfach Gelegenheit zu Kontakten mit der franzosischen Kultur geboten. Auf Grand dieser Gegenbenheiten wird vielfach damit gerechnet, daß Burgund damais ein wichtiger Umschlagplatz fur die Vermittlung der franzosischen Literatur nach Deutschland war und daß dem staufischen Hof dabei eine zentrale Rolle zugefallen ist. »
38 Peter Johanek, « Kultur und Bildung im Umkreis Friedrich Barbarossas », art. cit., pp. 662-663.
39 Sigrid Hauser, Staufische Lehnspolitik am Ende des 12. Jahrhunderts. 1180-1197. Frankfurt am Main-Berlin-Bern-New York-Paris-Wien, 1998, p. 190.
40 Ferdinand Opll, Frierich Barbarossa, Darmstadt, 1990, p. 197 sq.
41 Ferdinand Opll, Das hinerar, op. cit., p. 99.
42 Op. cit., pp. 333 sq.
43 En effet, il est certain que ce poète était autrichien, et ce pour deux raisons essentielles : pour une raison linguistique d’abord : en effet, de temps en temps, au lieu d’employer « gân » et « stân », qu’il emprunte à son modèle, il se permet d’employer sa forme dialectale « stên » et « gên » ; pour une raison géographique ensuite : à partir de Pföring jusqu’à Worms il y a un chemin sur lequel le « Nachdichter » ne donne aucune indication sérieuse ; il le dit lui-même « Welhe wege si füeren ze Rîne durch diu lant, / des kan ich niht bes-cheiden » (1429, 1-2) = « Quels chemins ils empruntèrent à travers les provinces pour aller jusqu’au Rhin ? Je ne saurais le dire au juste ». Le chemin de Pföring à Worms est en pointillé ; il sait en gros qu’en quittant Worms il faut se diriger vers le Main et qu’après avoir quitté le Main, il faut traverser la Franconie de l’est, mais ses indications sont vagues (cf. notamment l’ouvrage cité d’E. Tonnelat, p. 336). A moins évidemment que nous ayons affaire à une formule stéréotypée : pourquoi surcharger le récit de détails qui n’intéressent pas un auditeur autrichien ( ?) et qui ne joueront pas un rôle dans l’action.
44 Op. cit., p. 327.
Auteur
Université de Picardie, Amiens
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Fantasmagories du Moyen Âge
Entre médiéval et moyen-âgeux
Élodie Burle-Errecade et Valérie Naudet (dir.)
2010
Par la fenestre
Études de littérature et de civilisation médiévales
Chantal Connochie-Bourgne (dir.)
2003