Motifs folkloriques dans le Lancelot de Chrétien de Troyes
p. 33-47
Texte intégral
1Ce n'est pas sans surprise que dans le Chevalier de la Charrete on décèle, à côté de thèmes et de motifs celtiques bien connus, des éléments plus proprement folkloriques dans la mesure où on les trouve répandus çà et là dans le folklore français ou dans des textes, comme les chansons de toile, étrangers, en principe, à la matière de Bretagne. Ajoutons que, dans un cas comme dans l'autre, il est vraisemblablement exclu qu'ils proviennent du roman de Chrétien. Ces motifs, nous allons le voir, ne sont pas utilisés comme de simples ornements ni comme des amplifications arbitraires, ils remplissent une fonction dans la structure du récit et importent à sa signification. Nous nous proposons d'étudier à cet égard deux passages : le départ de la reine et la découverte du peigne d'ivoire.
2Commençons par l'élément le plus facilement reconnaissable : la découverte du peigne. L'épisode est nettement circonscrit, du v. 1344 à 1499 de l'édition Roques. Lancelot guidé par la "demoiselle entreprenante" traverse une prairie. Au milieu de la prairie, une source près d'une grosse pierre et, oublié sur cette pierre, un peigne d'ivoire doré où demeure accrochée une demi-poignée de cheveux blonds :
La fontainne est en mi uns prez
et s'avoit un perron delez.
Sor le perron qui ert iqui
avoit oublïé ne sai qui
un peigne d'ivoire doré.
………………………
………………………
Es danz del peigne ot des chevos
celi qui s'an estoit paigniee
remés bien demie poigniee. (vv. 1347-1356)
3La trouvaille est insolite et le caractère quasi surréaliste du tableau lui confère une singulière poésie. La demoiselle, qui la première aperçoit la fontaine et le perron, veut en détourner Lancelot et, pour une raison d'ailleurs obscure - peut-être en fait s'agit-il d'une épreuve - elle change aussitôt de direction. Lancelot qui la suit, plongé dans un profond panser, en est tiré juste à temps pour déjouer la manœuvre ; il la ramène dans le pré, arrive au perron, trouve le peigne et le ramasse pour l'offrir à sa compagne qui le lui a réclamé. Mais avant de le lui remettre, il contemple les cheveux d'or et à la révélation, faite par la demoiselle, que ces cheveux sont ceux de Guenièvre, peu s'en faut qu'il ne défaille. La demoiselle, le voyant chanceler, accourt pour le soutenir, non sans lui cacher avec délicatesse la raison de son attention. Lancelot lui donne le peigne, mais en retire les cheveux qu'il comance a aorer, les portant à ses yeux, à sa bouche, à son front, avant de les déposer sur son cœur entre sa chemise et sa char, précieuse relique plus efficace pour lui que les baumes de la pharmacopée ou la protection des saints.
4La critique a négligé cet épisode. Foerster, à son habitude, en souligne ce qu'il tient pour des incohérences, se demandant, dans ses notes aux vv. 1371 et 1424 de son édition, pour quelle raison la demoiselle veut empêcher Lancelot de voir la fontaine, d'où elle tire ses renseignements sur la provenance du peigne, et s'étonnant du manque d'intuition de l'amant. Loomis ne fait aucune mention de l'épisode, Kelly n'y verra qu'une digression ; Cross et Nitze, attentifs aux traits ovidiens du comportement de Lancelot, ne s'attachent qu'au commentaire des vv. 1436-1437 relatifs à la pâleur subite du héros au bord de l'évanouissement, ceci à grand renfort de citations de l'Ars Amatoria, des Héroïdes et d'André le Chapelain. Pour ce qui est de la matière de l'épisode, ils n'y voient qu'une réminiscence du Tristan : "The incident was taken of the Maiden with the Golden Hair as employed in the Estoire Tristan"1. Mais cette hypothèse se fonde sur un élément isolé, les cheveux blonds, sans tenir compte de l'ensemble : la fontaine dans le pré, le peigne oublié. Or cet ensemble justement nous apparaît comme indissociable : le peigne avec les cheveux d'or oublié près de la fontaine ; et c'est cet ensemble qui est révélateur, dans la mesure où il nous oriente, non pas vers une source littéraire, mais vers une source populaire : l'association du peigne et de la fontaine appartient au folklore des eaux.
5Qu'il s'agisse des sirènes des contes du Finistère2, d'enchanteresses, de fées ou de dames blanches, leur occupation favorite semble être de démêler leur blonde chevelure au bord de l'eau avec un peigne d'ivoire ou d'or. C'est le cas, dans le conte breton rapporté par Luzel, de la princesse de Tronkolaine que le filleul du roi de France rencontre sous un oranger, auprès d'une fontaine, occupée à peigner ses cheveux blonds avec un peigne d'or et un démêloir d'ivoire, ou de la princesse Blondine qui sur le rivage de son île descend, à l'heure de midi, se peigner sous un bel arbre auprès de la fontaine dans laquelle elle se mire. Blondine est une magicienne guérisseuse comme la princesse de Tronkolaine est une enchanteresse. En Bretagne encore, rapporte Luzel, près de la fontaine de Keramborn, on voyait la nuit une chandelle allumée et une fée en robe blanche assise près de l'eau, tenant un peigne d'ivoire3. C'est également à l'heure de midi qu'en Alsace la dame blanche du Koepflé se lave les cheveux dans l'Ill et que celle du château de Hohenburg, près de Lembach, descend pour la même occupation à la Source de la Jeune Fille4. En Normandie, aux environs de Condé, il y avait une "fontaine aux Dames", un matin au point du jour un paysan passant tout près, vit une jeune fille vêtue de blanc assise sur une pierre, qui démêlait ses cheveux blonds, il l'interpella : "Ma belle demoiselle, dit-il, vous êtes de bonne heure à votre toilette ! - Passe ton chemin, répondit-elle, si le jour est à toi, la nuit est à moi", et elle se remit à se peigner5. Mais voici plus intéressant encore : au Pays Basque, près de la fontaine Juliane, à minuit la veille de la Saint-Jean, une Llamigna (fée du cru) démêle ses cheveux avec un peigne d'or. Une fois, dans le pré, un paysan l'aperçut ; dès qu'elle le vit, elle disparut comme une vapeur, mais le paysan trouva près de la fontaine un beau peigne d'or qu'il emporta chez lui. A la fontaine d'Argent, en Albret, une fée surprise par une jeune fille avant le lever du soleil s'y cacha, en oubliant son peigne d'or que la jeune fille emporta. Mais dans la suite, à l'aube, près de la même fontaine, elle vit la fée en sortir pour lui réclamer son peigne, lui promettant qu'elle trouverait en récompense cinq livres au bord de la source chaque fois qu'elle y viendrait, à la condition d'en garder le secret6. Pour toutes ces légendes nous renvoyons notamment au grand ouvrage de Sébillot : Le Folklore de France, II, La mer et les eaux douces.
6Peut-être conviendrait-il de s'interroger sur la nature du perron auprès de la fontaine. S'agirait-il d'un dolmen ? L'association de la fontaine aux fées et du dolmen apparaît dans plusieurs cas cités par Sébillot non seulement en Bretagne, mais également en Morvan, dans la forêt de Juigné, à Guernesey, dans l'Hérault7. Chrétien nous en dit trop peu pour que nous puissions préciser. Quoi qu'il en soit, nous trouvons associés chez lui, au milieu d'un pré, la source, le bloc de pierre, le peigne précieux oublié, garni de cheveux blonds. Comme il est difficile de penser que le motif du peigne oublié à la fontaine des contes populaires, variante de celui de la toilette féerique, soit issu du roman de Chrétien, il faut bien admettre que le motif dans les légendes et le roman a une source commune, source populaire peut-être liée à un ancien culte des eaux.
7Dans son Lancelot comme dans son Yvain, Chrétien a fait appel au folklore des sources. Certes, Guenièvre n'est pas, comme Laudine, une dame de la fontaine, mais elle y oublie son peigne, laissant ainsi, volontairement sans doute, un indice de son passage, un "signe de piste". Lancelot est maintenant sûr d'être sur la bonne voie dont on ne saurait le détourner. Ces cheveux blonds qu'il aore sont chargés d'un message au libérateur dont la quête est pressentie et le confirment dans sa mission.
8Tout l'épisode repose sur l'interprétation courtoise d'un motif folklorique : la trouvaille du peigne devient une amoureuse invention de reliques, le romancier actualisant pour ainsi dire en un épisode une métaphore religieuse de la lyrique qui verra volontiers dans la dame cors saint et saintuaire. Chrétien fait ainsi servir à la création d'une vision d'artiste et à l'expression de la fin'amor des éléments féeriques empruntés non pas au thème de la princesse aux cheveux d'or intégré à l'Estoire du Tristan, mais au folklore français des sources.
9Le second élément folklorique est plus difficilement décelable, mais il présente un intérêt tout particulier du fait qu'il remplit une fonction essentielle dans la construction de l'intrigue.
10On connaît l'épisode, qui conclut l'ouverture arthurienne du Chevalier de la Charrette :
11A la cour d'Arthur, un jour d'Ascension, un chevalier inconnu fait irruption dans la salle du festin ; sa taille est imposante, son armure splendide : c'est Méléagant, prince du Pays de Gorre. Il s'avance vers le roi et, sans le saluer, le défie :
Rois Artus, j'ai en ma prison,
de ta terre et de ta maison,
chevaliers, dames et puceles ;
mes ne t'an di pas les noveles
por ce que jes te vuelle randre ;
ençois te voel dire et aprandre
que tu n'as force ne avoir
par quoi tu les puisses avoir. (Ed. Roques, vv. 51-58)
12Ménageant ses effets, après une fausse sortie, il ajoute :
Rois, s'a ta cort chevalier a
nes un an cui tu te fiasses
que la reïne li osasses
baillier por mener an ce bois
aprés moi, la ou je m'an vois,
par un covant l'i atandrai
que les prisons toz te randrai
qui sont an prison an ma terre,
se il la puet vers moi conquerre
et tant face qu'il l'an ramaint. (Ed. Roques, vv. 70-79)
13La révélation est un coup de tonnerre :
S'an fu la corz tote estormie. (Ed. Roques, v. 81)
14A la joie de la fête succède la consternation.
15Le défi de Méléagant, en liant le sort des prisonniers de Gorre à celui de la reine, noue l'intrigue du roman.
16Ce défi, nul ne le relève, sauf le sénéchal Keu, toujours avide de prouesses, qui tournent à sa confusion. A la suite d'un véritable chantage exercé sur le couple royal, il obtient, par le subterfuge du don contraignant8, qu'on lui confie la reine. Vient le moment du départ, on amène à Guenièvre son magnifique palefroi :
Mate et dolante et sospiranz
monte la reïne... (Ed. Roques, vv. 206-7)
17Chrétien lui fait alors prononcer quelques paroles sur lesquelles les éditions diffèrent :
Ha ! Ha ! se vos le seüssiez,
Ja, ce croi, ne me leississiez
Sanz chalonge mener un pas ! (Ed. Foerster, vv. 211-213)
Ha ! rois, se vos ce seüssiez,
ja, ce croi, ne l'otroiesiez
que Kex me menast un seul pas. (Ed. Roques, vv. 209-211)
18Remarquons que J. Frappier, qui fonde sa traduction du Lancelot sur cette dernière édition, l'abandonne à cet endroit pour adopter la leçon de l'édition Foerster, et il traduit :
Ha ! vous, si vous saviez, vous ne me laisseriez pas sans résistance emmener d'un seul pas, je crois9.
19Examinons les manuscrits qui nous ont transmis le roman :
20Les manuscrits Paris B.N. fr. 1450 et Vatican 1725 n'entrent pas en ligne de compte : le premier (c'est le ms F de Foerster) présente une important lacune, il ne commence qu'au vers 5652 de l'édition Foerster et l'épisode qui nous intéresse n'y figure pas. Il en est de même dans le manuscrit du Vatican, qui commence au vers 861 (éd. Foerster)10.
21Restent les manuscrits de Paris B.N fr. 794 et B.N fr. 12.560, le manuscrit de Chantilly et le manuscrit de l'Escurial, dont voici les variantes11 :
22– Paris B.N. fr. 794 (ms. C de Foerster, désigné par A dans l'édition Roques), c'est la copie de Guiot, xiiie siècle :
Ha ! rois, se vos ce seüssiez,
Ja, ce croi, ne l'otroiesiez
Que Kex me menast un seul pas.
23Ce texte est celui de l'édition Roques, vv. 209-211.
24– Paris B.N. fr. 12.560 (ms.T), xiiie siècle :
Ha ! Ha ! se vos le seüssiez,
Ja, certes, ne me leississiez
Sanz chalonge mener un pas.
25– Chantilly 472 (ms. A), fin xiiie siècle :
Ha ! amis, se le seüssiez,
je croi ja ne m'i leississiez
Sanz chalonge mener un plain.
26– Escurial M.III.21 (ms. E), début xiiie siècle :
Ha ! Ha ! se me creüssiez,
Ja issi ne me leississiez
Sanz chalonge mener un pas.
27A qui s'adresse la reine ?
28D'après la copie de Guiot, suivie par l'édition Roques, elle s'adresse au roi Arthur12. Mais la leçon du ms. A éclaire celles des ms. T et E retenue par Foerster et suggère une interprétation plus riche de sens que celle du manuscrit de Guiot13. D'après cette dernière copie, les paroles de la reine expriment un regret teinté de reproche à l'adresse de son époux ; dans les autres manuscrits, ce discours n'est pas destiné au roi ; ce qui semble, en effet indiquer la suite du passage. C'est ici qu'intervient le comte Guinable :
Molt le cuida avoir dit bas,
mes li cuens Guinables l'oï
qui au monter fu pres de li. (Ed. Roques, vv. 212-214 ;
éd. Foerster, vv. 214-216)
29Le discours murmuré par la reine au moment de monter à cheval est un aparté surpris par des oreilles indiscrètes.
30Personnage épisodique, appelé à disparaître aussitôt du récit, le comte Guinable joue les utilités. Témoin de la reine, garant de ses propos, il assume, somme toute, la fonction du ço dist l'estoire des chansons de geste, dont il est la transposition romanesque.
31C'est, en fait, à Lancelot que s'adresse la reine : elle regrette son absence ; et ce regret, dans sa discrète ferveur, est, en quelque sorte, un appel. Si l'auteur invente un personnage à seule fin de recueillir cette plainte, c'est que, loin de se justifier par la seule recherche du pathétique, elle importe à la suite de l'action.
32Une soixantaine de vers plus loin, Lancelot fait son entrée dans le roman, sor un cheval duillant et las, Apantoisant et tressüé (vv. 272-273) qui, sitôt échangé, s'écroule fourbu,
Car molt l'avoit le jor pené
et traveillié et sormené (Ed. Roques, vv. 297-298)
33Sur le destrier cédé par Gauvain qu'il vient de rencontrer, à bride abattue, il galope vers la forêt où se déroule le combat dont Guenièvre est l'enjeu.
34Comment ne pas établir un rapport de cause à effet entre cette plainte et cette venue ?
35Dès lors Lancelot n'entre plus ex abrupto dans son roman, on ne saurait dire à quelle intention14, et l'accusation de négligence qui, depuis G. Paris et W. Foerster, pèse à ce sujet sur Chrétien, tombe ici d'elle-même15. Attribuer l'irruption de Lancelot au pur hasard, c'est faire injure à un auteur si soucieux de belle conjointure ; mettre l'alerte de l'amant sur le compte de la rumeur publique16, c'est amputer le roman d'une de ses plus grandes beautés.
36En réalité, dès le vers 213 Foerster - 211 Roques, tout est mis en place pour que le héros fasse son apparition, mais la discontinuité entre la cause et l'effet, qui relève d'une situation magique, explique qu'assez tôt, comme semble en témoigner la leçon du manuscrit B.N. fr. 794, ce rapport n'ait plus été saisi. Cependant, dès qu'on le perçoit, l'impression de décousu fondée sur la défaillance tant de fois soulignée fait place à un sentiment tout autre : l'auteur nous entraîne dans un monde régi par des lois bien particulières, que nous allons essayer de définir.
37J. Frappier et F. Douglas Kelly ont signalé l'intérêt de l'aparté ; le premier, au point de vue de la psychologie des héros ; le second, au point de vue de la cohérence du récit :
"Je dois avouer, écrit J. Frappier, que sur plusieurs points mon interprétation du roman diffère entièrement de celle de Mario Roques. Notamment, je crois indéfendable son idée qu'au début du récit Lancelot obéit uniquement à son devoir de vassal en partant pour la quête de la reine... Cette interprétation, suggérée probablement par une mauvaise leçon du copiste Guiot aux vers 209-211 se trouve en contradiction totale avec plus d'un passage, dans les mille premiers vers, et tout d'abord avec le débat entre Amour et Raison chez Lancelot (vers 365-377). En vérité, Lancelot aime déjà la reine avant l'événement qui marque le début du roman : amour sans doute inavoué et apparemment sans espoir, mais du moins deviné par Guenièvre"17.
38Pour F. Douglas Kelly cet aparté présente l'avantage de révéler au lecteur l'existence de l'ami absent :
"For While emphasizing Guenevere's plight to the reader and, though Count Guinable to the court, it also reveals the existence of an absent "amis" who would have prevented Guenevere's departure and abduction had he been aware of it"18.
39Peut-être n'est-il pas interdit d'aller plus loin et de voir dans l'aparté de la reine un ressort dramatique essentiel du roman.
40Dans la construction du récit, le discours de Guenièvre fait pendant au défi de Méléagant. La reine, au moment de son départ, achève de nouer l'intrigue :
41Dans un premier temps, le défi de Méléagant subordonne la délivrance des prisonniers de Gorre au salut de la reine.
42Dans un deuxième temps, la reine, dans sa détresse, se tourne en esprit vers Lancelot, et le regret qu'elle exprime de son absence est ressenti par lui comme le plus confiant des appels. Le libérateur entre dans le roman sur un soupir de Guenièvre et dans sa destinée par la grâce de l'amour.
43Cet appel, encore faut-il qu'il l'ait entendu. Notre interprétation demeurerait sans fondement, si nous ne trouvions ailleurs des exemples analogues. Or le rapprochement semble s'imposer avec un motif qui n'est pas sans surprendre dans certaines chansons de toile : l'appel solitaire de l'aimée en détresse est immédiatement perçu de l'amant, qui accourt19.
44Ainsi la fille a roi de la chanson 9, séquestrée et battue par le vieillard jaloux que son père lui a fait épouser, implore le Seigneur de lui envoyer le comte Gui :
Et nostre Sires l'a molt bien escoutee :
Ez son ami qui l'a reconfortée. (vv. 32-33)
45Dans la chanson 10, Oriolant est impatiente de revoir son ami Hélier :
Amis, or voil a Deu proier,
S'il me doit jamais conseillier,
Que je vos voie senz targier. (vv. 29-31)
46A peine a-t-elle manifesté cette intention que le jeune chevalier débouche sur la lande :
Vient chevauchant par un lairiz. (v. 38)
47Dans la chanson 7, Bele Yolant, qui coud pour l'ami absent une somptueuse robe de samit (de soie sergée), le supplie dans son cœur d'abréger son attente :
A ces paroles et a ceste raison
Li siens amis entra dans la maison (vv. 13-14)
48Si dans la première chanson citée l'arrivée tient davantage du miracle que de la féerie (Dieu a exaucé la prière de la jeune maumariée), dans la seconde la venue de l'ami devance la prière, et, dans la troisième, l'intervention divine n'est même pas réclamée, l'appel s'adresse directement à l'amant : une plainte, et il accourt20.
49Dans ces chansons, comme dans notre roman, un appel secret parvient à son destinataire par des voies énigmatiques ; il est suivi d'une réponse immédiate, et cette réponse est la venue de l'amant qui dénoue heureusement une situation.
50Peut-être s'agit-il à l'origine d'un motif féerique, bien attesté comme tel chez Marie de France, dans le lai de Lanval et dans le lai de Yonec21.
51Lanval n'a qu'à souhaiter la présence de sa mystérieuse amie pour qu'elle soit là, elle le lui promet expressément :
Quant vus vodrez od mei parler,
Ja ne savrez cel liu penser
U nuls puïst aveir s'amie
Sanz repreoce e sanz vileinie,
Que jeo ne vus seie en present
A fere tut vostre talent. (vv. 163-168)
52Et lorsque, calomnié, il est traduit devant la cour d'Arthur, sans que nul l'en ait avertie, elle vient le justifier et l'enlève :
Od li s'en vait en Avalun (v. 641)
53Recluse dans sa tour, la future mère de Yonec appelle de ses vœux la présence d'un ami que Dieu lui enverrait, tirant d'ailleurs son espoir de cas comme celui de Lanval :
Mut ai sovent oï cunter
que l'em suleit jadis trover
Aventures en cest païs
Ki rehaitouent les pensis.
Chevalier trovoent puceles
A lur talent, gentes e beles,
E dames truvoent amanz
Beaus e curteis, pruz e vaillanz,
Si que blasmees n'en esteient
Ne nul fors eles nes veeient.
Si ceo peot estrë e ceo fu,
Si unc a nul est avenu,
Deus, ki de tut ad poësté,
Il en face ma volenté ! (vv. 91-104)
54Aussitôt au travers de l'étroite fenêtre se profile l'ombre d'un grand oiseau qui pénètre dans la chambre et se métamorphose en chevalier. Il suffira désormais à la jeune femme de souhaiter la venue de son ami pour le voir apparaître, en moins d'une heure, sous la forme de l'autour.
55Cet appel, et cet appel seul, a permis à l'inconnu de sortir du royaume sis au-delà de la colline :
Jeo vus ai lungement amee
E en mun quor mut desiree ;
Unkes femme fors vus n'amai
Ne jamés autre n'amerai.
Mes ne poeie a vus venir
Ne fors de mun paleis eissir,
Si vus ne m'eüssez requis.
Or puis bien estre vostre amis ! (vv. 127-134)
56Peut-être sommes-nous plus près qu'on ne pense du roman de Chrétien. Dans le roman, comme dans le lai, l'appel, et l'appel seul, de l'héroïne fait surgir le héros et le révèle en tant qu'amant.
57Certes Lancelot n'est pas un chevalier faé, pas plus que Gui, qu'Hélier ou l'ami de bele Yolant ; il n'a ni le privilège de l'invisibilité ni celui des métamorphoses ; son arrivée miraculeuse apparaît moins comme un effet de la magie que comme un prodige de l'amour, et Guenièvre est loin de cette Alice au Pays des merveilles qu'est la mère de Yonec. Reste que la communication de Lancelot et de Guenièvre s'établit sur le mode féerique et que ce mode féerique appartient à la matière de Bretagne au même titre que d'autres éléments du récit de Chrétien22.
58Dans notre roman, l'appel de la reine est pour le libérateur prédestiné comme le signal que son heure est venue. Sans qu'il en sache rien, le destin se met en marche pour que s'accomplisse la délivrance des prisonniers de Gorre et que le monde arthurien soit rédimé et rassemblé. Guenièvre est la vocation de Lancelot.
59Au moment de suivre Keu dans la forêt oü les attend Méléagant, elle invite Lancelot à entrer en scène et, ce faisant, rétablit l'ordre du destin perturbé par le faux héros qui a usurpé par artifice le rôle de l'élu, car il se désigne et n'est pas désigné : comme Gauvain prenant la place de Silimac, ce n'est il mie23.
60Keu pour racheter les captifs perd la reine, Lancelot par amour de la reine rachètera les captifs. La réponse à l'appel solitaire que le cœur seul pressent signale le héros ; peut-être est-elle aussi le gage de sa réussite. N'est-ce pas pour être resté insensible à la muette prière de sa mère tombée au chief del pont que Perceval s'abstiendra de poser les questions salvatrices au passage du Graal et de la Lance qui saigne ?24
61Qu'il s'agisse de Lancelot ou de Perceval, du libérateur des prisonniers de Gorre ou du libérateur de la Gaste Terre, le destin guette chez l'élu un mouvement initial de charité intuitive, quelle qu'en soit la source ; et l'amour représentait sans doute aux yeux de Chrétien une source privilégiée25.
Notes de bas de page
1 Der Karrenritter (Lancelot) und das Wilhelmsleben (Guillaume d'Angleterre) von Christian von Troyes, hg. von Wendelin Foerster, Halle, 1899, Anmerkungen, 1371 f., 1424 f. ; R.S. Loomis, Arthurian Tradition and Chrétien de Troyes, New York, Columbia University Press, 1949 ; F.D. Kelly, Sens and conjointure in the "Chevalier de la Charette", The Hague-Paris, Mouton & Co, 1966, p. 119, n. 28 ; Lancelot and Guenevere, A study on the origins of Courtly Love by T.P. Cross and W.A. Nitze. New York, Phaeton Press, reprinted 1970, originally published, 1930, pp. 8 et 73.
2 P. Sébillot, Le Folklore de France, II, La Mer et les eaux douces, Paris, 1905, repr. Maisonneuve et Larose, 1968, p. 35.
3 F.M. Luzel, Contes populaires de Basse-Bretagne, Paris, Maisonneuve, 1887 (coll. Les littératures populaires de toutes les nations, t. XXIV, XXV, XXVI), I, pp. 77 et 183. Légendes chrétiennes de la Basse-Bretagne, Paris, 1881, II, p. 341.
4 J. Variot, Contes populaires et traditions orales de l'Alsace, Paris, 1936, II, p. 15, III, p. 443.
5 J. Lecœur, esquisse du Bocage Normand, II, p. 418, cité par P. Sébillot, ibid., p. 200.
6 J.F. Cerquand, Légendes et récits populaires du Pays Basque, II, 1876, pp. 55-59 ; Abbé L. Dardy, Anthologie de l'Albret, Sud-Ouest de l'Agenais ou Gascogne Landaise, Agen, 1891, II, pp. 99-101. Cités par Sébillot, loc. cit. Voir aussi H. Pourrat, Le Trésor des Contes, Paris, 1953, t. IV, pour le roi Renaud, p. 268.
7 P. Sébillot, ibid., p. 194.
8 Sur l'origine et la signification de cette curieuse pratique, voir Jean Frappier : "Le motif du "don contraignant" dans la littérature du Moyen Age", in Travaux de linguistique et de littérature publiés par le centre de philologie et de littérature romanes de l'Université de Strasbourg ; VII, 2 : Etudes littéraires, Strasbourg, 1969, pp. 7-46. En ce qui concerne le Lancelot, voir en particulier pp. 15-19. Ph. Ménard, "Le don en blanc qui lie le donateur : réflexions sur un motif de conte", An Arthurian Tapestry. Essays in memory of Lewis Thorpe, published on behalf by the British Branch of the International Arthurian Society at the French Department of the University of Glasgow, 1981, pp. 37-53.
9 Chrétien de Troyes : Le Chevalier de la Charrette (Lancelot). Roman traduit de l'ancien français par Jean Frappier, 2ème édition, Paris, Champion, 1967, p. 31. Voir, p. 2 : Liste des changements apportés à la copie de Guiot et au texte de l'édition Mario Roques.
10 Un nouveau fragment de 1638 vers a été découvert, il y a une dizaine d'années, dans le manuscrit Garrett 125 de la bibliothèque de l'Université de Princeton. Ce manuscrit est catalogué sous le titre du Roman de Judas Machabée de Gautier de Belleperche dans S. de Ricci, Census of Medieval and Renaissance Manuscripts in the United States and Canada, New York, 1935. Pour la découverte de ce fragment, voir R.L. McGrath : "A Newly Discovered Illustrated Manuscript of Chrétien de Troyes Yvain and Lancelot in the Princeton University Library", Speculum, XXXVIII, 1963, pp. 583-594. L'une des deux miniatures du fragment du Lancelot représente le défi de Méléagant.
11 Pour le classement des manuscrits de La Charrette, voir A. Micha : La Tradition manuscrite des romans de Chrétien de Troyes, Genève, Droz, 1939 (Publications romanes et françaises, XC), chap. IV, pp. 128-145.
12 Dans les notes critiques et Variantes de son édition, M. Roques écrit à propos du vers 209 : La leçon de Guiot paraît impliquer que la reine, in petto, s'adresse à Arthur, ce que n'ont pas marqué les autres textes... Rois ne peut pas dans la pensée de Guenièvre désigner Lancelot qui n'est ni roi ni fils de roi. A s'en tenir à la lettre de la copie de Guiot, Guenièvre semble vouloir dire : "ô roi Arthur, si vous aviez su à quoi la demande de Keu devait aboutir, vous ne l'auriez pas accordée". Ce qui laisse supposer que Guenièvre, peut-être avec raison, avait moins d'illusions que d'autres sur les mérites de combattant de Keu. (Le Chevalier de la Charrete, CFMA 86, p. 221.
13 W. Foerster retient justement cette leçon en raison de son caractère évasif, conforme, pense-t-il, à la manière de Chrétien de Troyes ; encore ne voit-il là, une fois de plus, qu'un agaçant parti-pris d'obscurité. La leçon du manuscrit de Guiot lui paraît dépourvue de sens (Karrenritter, Anmerkungen, 211 f., p. 364). Dès 1883, G. Paris avait noté la supériorité de la leçon au moins admissible du ms. T qui avait été imprimé par Tarbé sur celle de la copie de Guiot, certainement fautive, imprimée par Jonckbloet. (G. Paris : "Etudes sur les romans de la Table Ronde, Lancelot du Lac, II, Le Conte de la Charrette, I : Le poème de Chrétien de Troyes", in Rom., XII, 1883, p. 464, n. 3). La leçon des mss. T et E, retenue par l'édition critique de Foerster, a des chances d'être authentique, son caractère explique les interprétations divergentes des mss. A et C. Il semble que le scribe Guiot (ou celui qu'il suivait), pour clarifier le texte, y introduit une cohérence apparente au détriment de sa véritable signification.
14 M. Roques : Le Chevalier de la Charrete, Introduction, p. XI, § 2.
15 G. Paris insiste sur l'obscurité qui règne sur la conduite du héros principal : d'où arrivait-il sur son cheval essoufflé, quand il rencontre Gauvain et lui emprunte un de ses destriers ? Il volait évidemment à la poursuite de Méléagant ; mais qui donc l'avait prévenu de l'enlèvement de la reine ? (loc. cit., p. 483). Il reproche à Chrétien de laisser l'intervention de Lancelot totalement inexpliquée, alors qu'elle sera très bien motivée dans Le Morte Darthure de Thomas Malory où Guenièvre trouve moyen de remettre son anneau à un page, et de lui dire d'aller prévenir Lancelot de ce qui se passe (Ibid., pp. 499 et 515). W. Foerster ne fera que répéter la question de G. Paris : Woher kommt Lancelot ? Wo war er früher ? (Karrenritter, Einleitung, p. LXXXIII, 273 f.).
16 Ce que paraît insinuer F. Douglas Kelly dans sa réponse à la question de savoir où était Lancelot : He was obviously not at the court ... He was therefore near enough to the court to hear of the plight of his lady shortly after she left and to start after her. (Sens and Conjointure in the Chevalier de la Charette, The Hague-Paris, Mouton & Co., 1966, p. 109). L'explication proposée par M. Roques est plus pénétrante : Lancelot ne serait pas averti autrement que par les nouvelles rapides qui courent ce monde extra-normal où tout ce qui se passe se sait, comme dans le royaume de féerie de Perrault ou dans le jungle de Kipling. Il y en a des exemples dans le reste du roman. Cependant, à notre avis, cette interprétation ne suffit pas à rendre compte de ce cas particulier, car elle situe les rapports de Lancelot et de Guenièvre sur le même plan que ceux qui s'établissent entre les autres personnages. Il est vrai que pour Mario Roques l'aparté de la reine n'a aucune signification spéciale : l'on peut imaginer, écrit-il, d'après la leçon choisie par Foerster, que Guenièvre pense à Lancelot quand elle laisse entendre au comte Guinables (209) que, si certain était averti, elle en aurait un secours qui lui manque, mais elle aurait pu songer à n'importe lequel des guerriers qui entourent Arthur (Le Chevalier de la Charrette, Introduction, p. XX).
17 J. Frappier : op. cit., p. 14, n. 2.
18 F. Douglas Kelly : op. cit., p. 106, n. 7.
19 Altfranzösische Romanzen und Pastourellen, Hg. von Karl Bartsch, Leipzig, 1870. Nous nous référons à cette édition. Voir aussi Guido Saba : Le "chansons de toile" o "chansons d'histoire", Modena, 1955 et P. Jonin : "Les types féminins dans les chansons de toile", in Rom., 91, 1970, en particulier pp. 456-457.
20 Même cas dans la chanson anonyme 33 du recueil de Bartsch, bien qu'elle appartienne à un genre un peu différent : une nonnete reléguée sans vocation dans un couvent appelle son ami dans le fond de son cœur et le supplie de l'en arracher ; il l'entend : De joie tressant, li cuers lifremie Et vint a la porte de celle abaïe (vv. 25-27).
21 Les lais de Marie de France, publiés par Jean Rychner, Paris, Champion, 1966, CFMA 93. Lanval, pp. 72-92 ; Yonec, pp. 102-119.
22 Le motif présente certaines constantes : détresse-compensation ou salut, appel à distance-réponse immédiate, invite de la femme-consécration de l'amour. Ces éléments fondamentaux se retrouvent répartis dans une organisation différente selon les contes. Dans La Charrete le schéma se dessine avec netteté ; on voit que la nuit de Lancelot et de Guenièvre au pays de Gorre s'y intègre, programmée pour ainsi dire dès le début du récit.
A côté de ces constantes apparaît un certain nombre de variantes : l'amant est un mortel, l'amante une fée (Lanval) ; l'amant est faé, l'amante est mortelle (Yonec) ; l'amant et l'amante sont tous deux des mortels (Charrete, chansons de toile). L'amante est une maumariée (Yonec, chansons de toile), l'amante (ou l'amant dans Lanval) court un danger, ou réclame simplement une présence. L'appel est formulé comme un souhait ou comme un regret plus ou moins précis (précis dans les chansons de toile, vague dans Yonec, ambigu dans La Charrete). Celui qui répond à l'appel peut se rendre invisible (Lanval) ou se métamorphoser (Yonec). Le motif peut se christianiser, dans ce cas le miracle s'accomplit par l'intermédiaire de la prière, ce qui représente une première tentative de rationalisation (Yonec, chansons de toile). Il ne serait peut-être pas sans intérêt de recenser les variantes de ce motif, de voir comment il se transforme et se dégrade ; dans quelle mesure, par exemple, le lien télépathique qui unit Tristan à Iseut dans le roman de Thomas n'en est-il pas une réduction (Ed. Bédier, vv. 107-108 ; éd. B.H. Wind, vv. 55-56) ? Remarquons que Guenièvre sait tout aussi intuitivement que Lancelot est à sa recherche et qu'il a hésité le temps de deux pas avant de monter dans la charrette. En ce qui concerne le caractère celtique du lai de Lanval et du lai de Yonec, voir les deux études de T.P. Cross : "The Celtic elements in the lays of Lanval and Graelent", in Modern Philology, t. 12, 1914-1915, pp. 585-644 et "The Celtic origin of the lay of Yonec", in Studies in philology, t. II, 1913, pp. 26-60, à compléter par l'article de R.N. Illingworth : "Celtic tradition and the lai of Yonec", in Etudes celtiques, t. 9, 1961, pp. 501-520.
23 Dans la Continuation Gauvain ; The Continuations of the Old French Perceval of Chretien de Troyes. The First Continuation, 3 vol. edited by William Roach, Philadelphia, 1949-1952, t. II, vv. 17249 et 17475 sq. (version longue) et t. 3, vv. 7175 sq. (version courte). Sur l'importance de la libération des prisonniers de Gorre pour le sens du roman et le caractère messianique de la mission de Lancelot, voir J. Rychner : "Le sujet et la signification du Chevalier de la charrette" in Vox Romanica, 27/I, 1968, pp. 50-76 et "Le prologue du Chevalier de la charrette et l'interprétation du roman", in Mélanges offerts à Rita Lejeune, vol. II, pp. 1121-1135.
24 Telle est bien l'explication que donnera l'ermite du silence de Perceval devant le cortège du Graal (Chrétien de Troyes : Le Roman de Perceval ou Le Conte du Graal, publié d'après le ms. fr. 12576 de la Bibliothèque Nationale par William Roach, seconde édition revue et augmentée, Genève, Droz, Paris, Minard, 1959, Textes Littéraires Français, 71, vv. 6392-6398). J. Frappier remarque que Perceval trahit la même insensibilité devant le roi Mehaignié : il ne semble pas s'émouvoir un seul isntant de l'infirmité dont souffre son hôte qui cache jusqu'au bout sa tristesse et peut-être son désespoir sous une courtoisie impeccable, aucun mouvement de bonne volonté, de charité dans son cœur. Pour que ce cœur s'ouvre, il faudra d'ailleurs la révélation de l'amour, dans l'épisode des trois gouttes de sang sur la neige qui le prépare à de futurs approfondissements de sa vie spirituelle, en lui faisant dépasser pour la première fois le monde des apparences sensibles (J. Frappier : Chrétien de Troyes et le mythe du Graal, Etude sur Perceval ou le Conte du Graal, Paris, Sedes, 1972, pp. 117-118 et 140. Sur cette dernière question, voir également P. Gallais : Perceval et l'initiation, Paris, Les Editions du Sirac, 1972, pp. 176-192. Dans La Charrete, notons-le, c'est aussi un ermite, l'ermite-prophète du cimetière futur, qui, pour la première fois dans le roman, associe le mystère de délivrance que Lancelot va accomplir à l'amour qui le porte au secours de la reine : Il vet secorre la reine, Et il la secorra sanz dote, Et avoec li l'autre gent tote (Ed. Roques, vv. 1972-1974). Ici, comme plus tard dans le Perceval, le voyant oriente l'interprétation du récit en associant des éléments que le lecteur ne songerait peut-être pas spontanément à mettre en rapport ; son rôle est de souligner l'unité profonde du roman et par là d'en dégager la signification en vue de la lecture tropologique et anagogique.
25 B.B.S.I.A., XXX, 1978, pp. 187-195, revu et augmenté.
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