Mémoire et distorsion de la réalité dans la schizophrénie
Nouveaux éclairages sur le handicap
p. 57-70
Texte intégral
1Les recherches sur les troubles de la mémoire dans le cadre de la schizophrénie se sont particulièrement développées durant les deux dernières décennies. Elles permettent de mieux appréhender les handicaps rencontrés par les patients dans leurs interactions sociales quotidiennes. S’il n’y a pas, a priori, de rapport entre les symptômes rencontrés chez les malades et les troubles de la mémoire, les investigations les plus récentes montrent pourtant que cette relation existe. L’interdépendance entre les troubles de la perception, les troubles de la mémoire et la théorie de l’esprit bénéficie désormais d’un regard mutuel de la part de domaines de recherche jusque-là trop disparates. La théorie de l’esprit se définit comme l’ensemble des processus qui permettent d’attribuer un état mental – une intention, une croyance ou un désir – à soi-même ou à autrui. Pour ce qui est de la mémoire et de la perception, chacun de nous en a une définition. Reste à mesurer clairement le périmètre de ces entités cognitives. Là les choses peuvent se compliquer. Je centrerai donc ici mon propos sur les relations entre les troubles de la mémoire et le tableau clinique des patients souffrant de schizophrénie.
2On estime actuellement que la schizophrénie touche environ un pour cent de la population. Elle entraîne un véritable handicap dans le fonctionnement et les interactions sociales des malades. S’il n’y a pas d’explication univoque quant aux dysfonctionnements observés, les conséquences sont néanmoins importantes dans la vie quotidienne des patients et de leurs proches. Cela peut aller jusqu’au repli et à l’isolement des malades. L’hétérogénéité des symptômes, ajoutée à l’étiologie multifactorielle de la maladie, ne facilite pas l’émergence d’une vision psychopathologique claire. On peut observer le développement de symptômes différents d’un patient à l’autre mais également une symptomatologie variable, pour un même patient, au cours du temps. Classiquement, on distingue dans ce domaine les symptômes positifs, les symptômes négatifs et la désorganisation. Les symptômes dits positifs sont les plus spectaculaires et les mieux connus, ou reconnus. Il s’agit d’une part du délire et de l’accumulation d’idées sans lien avec la réalité et d’autre part des hallucinations, qui sont le plus souvent auditives. Le repli sur soi, la perte d’initiative, les difficultés à communiquer, à aller vers l’autre ou à prendre du plaisir, sont quant à eux représentatifs des symptômes négatifs, avec bien souvent pour conséquence l’isolement social. Enfin, la désorganisation désigne les troubles du cours de la pensée – comme un arrêt brusque d’une conversation –, l’absence de structure logique du discours, ou encore l’absence d’harmonie entre la pensée, l’émotion et le comportement qui peuvent s’exprimer de façon contradictoire à un même instant.
3Sur le plan cognitif, les troubles de la mémoire se retrouvent chez l’ensemble des patients, quelle que soit la symptomatologie. Les recherches dans ce domaine montrent de façon unanime que les patients souffrant de schizophrénie présentent des déficits dans des tâches de rappel ou de reconnaissance (Stip, 1996). Bien entendu, caractériser les performances mnésiques en termes de déficit ne permet pas de comprendre le fonctionnement des patients. Les études les plus récentes permettent en revanche d’obtenir une vision plus qualitative de ce qui se passe. Elles montrent par exemple que l’altération de la mémoire contribue de façon importante à la symptomatologie des patients, qu’il s’agisse de symptômes positifs comme de la propension des patients à développer des hallucinations ou de la désorganisation (Guillaume et al., 2007). Mais avant de présenter ces recherches, il est nécessaire de préciser ce que représente la mémoire dans notre fonctionnement quotidien.
La mémoire quotidienne
4Définir précisément le périmètre de la mémoire, ce qu’elle permet au quotidien, n’est pas chose facile. Le premier écueil consiste à restreindre la mémoire à la récupération des souvenirs du passé, qu’il s’agisse de nos dernières vacances ou de notre enfance. Si la mémoire recouvre bien cette capacité de voyager dans notre passé personnel, elle œuvre également dans bien d’autres circonstances. Imaginons-nous sur une petite route de campagne bordée d’arbres de chaque côté, un beau matin de printemps, un champ de tournesols sur notre droite et un champ de coquelicots sur notre gauche. C’est notre mémoire qui permet de construire cette image mentale. Nous pouvons même nous promener dans le champ de coquelicots et nous arrêter, mentalement toujours, sur un papillon blanc butinant la fleur éphémère d’un rouge vif. Une telle capacité de composition s’appuie sur les événements que nous avons déjà vécus. Nous construisons cette image mentale à partir de souvenirs qui peuvent avoir été acquis à travers de nombreuses expériences passées. Cette capacité propre à l’imagination provient directement de la possibilité d’évoquer mentalement ce qui est absent. À partir des informations disponibles en mémoire, nos constructions mentales seront certes plus ou moins fidèles à la réalité mais, fondamentalement, cette capacité évocatoire constitue la spécificité de notre cognition. C’est une fois que nous pouvons manipuler mentalement les objets, les idées, ou les concepts absents, que nous pouvons effectuer de telles compositions, plus ou moins créatives et originales. Envisagée sous cet angle, on comprend mieux la perméabilité entre la perception, la mémoire et l’imagination. Il y a cependant une contrepartie. Dans certaines circonstances, il peut devenir bien difficile de discerner ce qui a été réellement perçu et vécu de ce qui a été imaginé. Il peut nous arriver par exemple de considérer à tort avoir accompli une action importante simplement parce que nous avons pensé à la faire et que nous avons, par la suite, considéré le simple fait d’y avoir pensé comme un accomplissement.
5La mémoire ne permet pas simplement la composition et l’imagination, à l’infini ; elle permet également l’anticipation. Lorsque vous rentrez chez vous par exemple, vous avez une idée assez précise de ce que vous allez y trouver. Vous connaissez les différentes actions à entreprendre pour vous servir un verre d’eau ou boire un thé. Vous savez qu’il vous faut ouvrir la porte de ce placard pour trouver le récipient qui vous permettra de faire bouillir l’eau… vous savez également où vous trouverez la cuillère et le miel. En y réfléchissant bien, la plupart de nos actions font intervenir, de façon plus ou moins explicite, la récupération d’informations en mémoire. Les sensations générées par l’œil sont elles aussi interprétées et mises en forme à partir de nos attentes, de nos anticipations et de nos connaissances. Vous ne regardez pas au sol ou au plafond si vous cherchez un interrupteur mais vous regarderez au sol si vous recherchez un objet que vous avez fait tomber. Nos connaissances sur le monde ont une action, souvent implicite et automatique, sur la façon dont nous percevons.
6Une autre propriété essentielle du fonctionnement de notre mémoire est son caractère hautement associatif, comme par exemple l’association entre les notes lues sur une portée et la séquence motrice correspondante sur un piano ou celle d’un prénom, d’une voix, et d’un visage pour identifier une personne. Si vous me dites qu’un tel me passe le bonjour, je peux reconstruire l’image mentale de son visage à partir de l’évocation de son nom, et réciproquement. Si on ajoute cette capacité associative à celle de pouvoir évoquer ce qui est absent, on obtient la possibilité d’une vie mentale immensément riche. On peut ainsi composer à l’infini des éléments malgré le fait qu’ils aient été acquis séparément au cours du temps. C’est ainsi que, parfois, des idées originales, des pensées nouvelles ou des découvertes peuvent voir le jour. Ceci étant dit, la cognition devient de ce fait difficilement envisageable sans mémoire et on comprend mieux que l’étude des troubles de la mémoire revête une telle importance dans le domaine de la psychopathologie.
7Les modèles actuels de la mémoire humaine rejettent l’idée selon laquelle le passé serait contenu (« stocké » trouve-t-on parfois) dans un lieu précis de notre mémoire, sous-entendu de notre cerveau. La remémoration du passé et les états de conscience qui en résultent nécessitent au contraire un processus actif de reconstruction qu’il n’est pas possible de comprendre sans adopter une perspective dynamique. Le fait que la remémoration du passé s’effectue au présent explique par exemple le manque de fiabilité des témoignages, comme on le constate parfois dans le domaine de la justice. Il suffit par exemple que le premier interrogatoire focalise l’attention du témoin sur une information particulière pour que les autres informations propres à l’événement en question disparaissent dans les abysses des souvenirs. Ces informations, devenues contextuelles et secondaires, pourraient pourtant s’avérer déterminantes pour l’enquête. Notre mémoire subit également de nombreuses distorsions liées à l’inflation de notre imagination ou à des erreurs d’associations, entre un fait et une personne par exemple. Mais ce manque de fiabilité et de fidélité des souvenirs représente la contrepartie de la prodigieuse capacité que nous avons de composer à l’infini avec les traces du passé. La différence majeure entre le fonctionnement de notre mémoire et celle d’un ordinateur, c’est que l’information récupérée sur un disque dur d’ordinateur reste toujours fidèle, inchangée, immuable, que le fichier soit récupéré dans les deux heures ou deux ans après son dépôt sur le disque dur de l’ordinateur. Rien de tel en ce qui concerne notre mémoire biologique. Nos traces mnésiques interagissent entre elles de façon dynamique, se composant et se décomposant avec l’ensemble préexistant. Aucune interaction en revanche entre les informations stockées sur nos disques durs d’ordinateurs : elles sont stables, elles sont mortes. Si l’infidélité et le manque de fiabilité de votre mémoire vous dérangent, vous agacent ou vous exaspèrent, dites-vous bien que ce n’est qu’une petite contrepartie à la richesse de notre vie mentale.
8La mémoire de reconnaissance s’avère particulièrement pertinente pour étudier la relation dynamique entre perception et mémoire dans le cadre de la schizophrénie. Au moment de la reconnaissance, il s’agit en effet de mettre en correspondance ce qui est perçu avec ce qui a été mémorisé auparavant. La reconnaissance, c’est en quelque sorte l’interface entre la perception et la mémoire. L’expérience phénoménologique qui accompagne la reconnaissance d’un objet, d’un visage ou d’un mot peut prendre au moins deux formes différentes. Elle peut se produire de façon automatique et donner lieu à un sentiment de familiarité, de « déjà vu ». Nous reconnaissons par exemple que cet objet est une carafe d’eau, ce qui nous permet de nous désaltérer sans trop y penser. Nous catégorisons ainsi en permanence les objets de notre environnement. Mais il est des circonstances dans lesquelles cet automatisme peut être perturbé. Si, marchant dans la rue, vous croisez une personne dont le visage vous apparaît immédiatement familier, son identification ne sera pas pour autant automatique. Vous avez certes le sentiment d’avoir déjà croisé cette personne par le passé mais il vous est impossible de retrouver dans quelles circonstances vous l’avez rencontrée précédemment ; vous ne vous souvenez plus de son nom, de qui il peut bien s’agir. Notons ici que certaines de ces informations – comme les circonstances de votre dernière rencontre avec cette personne – pourraient être récupérées alors que d’autres non (comme le prénom de la personne par exemple). Ce genre de situation embarrassante peut se produire si vous croisez dans un bus la boulangère chez qui vous avez l’habitude d’acheter du pain. Un tel changement de contexte rendra en effet l’identification de la boulangère plus difficile. Le fait que vous n’ayez pas l’habitude de rencontrer votre boulangère à cet endroit ne vous permet plus de l’identifier avec l’aisance habituelle. Qui n’a jamais dit bonjour à quelqu’un sans être capable de prononcer en même temps son prénom ? Il faudra alors faire une recherche explicite dans votre mémoire pour retrouver ce prénom. Cette recherche peut évidemment aboutir à un échec mais il reste toujours possible de poursuivre l’investigation en cherchant les informations associées à cette personne et au contexte de la rencontre antérieure. La reconnaissance peut ainsi aboutir à un état de conscience plus élaboré dans lequel vous parvenez à évoquer certains des éléments de vos rencontres antérieures. Il s’agit là d’une recherche mentale explicite et contrôlée qui s’apparente aux capacités d’imagination décrites plus haut. Il est possible par exemple que le visage de la boulangère évoque finalement le contexte de la boulangerie, votre dernière conversation, ce que vous aviez acheté à ce moment-là, etc. L’étude de cette distinction entre la récupération automatique et fluente qui aboutit au sentiment de familiarité et la recherche contrôlée des informations associées à l’épisode passé, plus proche de l’imagination et du voyage mental, est au centre des modèles actuels de la mémoire de reconnaissance (Mandler, 2008).
9La prise en compte des propriétés dynamiques du fonctionnement permet également de mieux comprendre les biais de mémoire. Les confabulations ou les illusions de « déjà vu » ou de « déjà vécu » concernent elles aussi à la fois le présent et le passé. Prenons le sentiment de « déjà vécu ». Il s’agit d’un sentiment étrange, celui d’avoir déjà vécu auparavant l’instant présent. Le sentiment d’avoir « déjà vécu » la situation présente nous envahit subitement, et il s’agit d’un phénomène que nous ne pouvons pas contrôler. La plupart d’entre nous a déjà fait cette expérience. Elle se produit en général dans des circonstances familières c’est-à-dire comportant de nombreux éléments qui vont permettre de faire émerger un tel sentiment. Il s’agit d’une conviction, infondée mais consciente, qui fait suite à une remémoration automatique. Étant donné que de nombreux éléments présents font partie de notre mémoire, tout se passe comme si la force de la familiarité propre à la situation présente dépassait un seuil au-delà duquel survient ce sentiment de « déjà vécu ». Il s’agit d’un état mental très particulier sur lequel nous raisonnons bien vite pour considérer qu’il ne peut s’agir d’une réalité. Mais cet état de conscience mnésique a le mérite de souligner le continuum entre les biais de mémoire que nous expérimentons tous et ceux observés dans le cadre de la schizophrénie.
Mémoire, perception de la réalité et schizophrénie
10L’étude des biais de mémoire s’avère en effet particulièrement pertinente dans le cadre de la schizophrénie. L’observation la plus fréquemment rapportée à travers la littérature est celle d’un déficit du processus de récupération contrôlée des informations en mémoire, comme la récupération des détails contextuels propres à un épisode passé. Ce processus de récupération est classiquement dénommé « récollection » dans la littérature – au sens étymologique de rassembler et de réunifier le passé. Les patients souffrant de schizophrénie présentent des difficultés importantes pour récupérer les éléments associés à une information comme par exemple la personne qui a tenu tel propos, le fait qu’un événement a été simplement pensé, imaginé ou réellement vécu, etc. La récupération automatique, associée au sentiment de familiarité, semble quant à elle préservée (Danion et al., 2005 ; Thoma et al., 2006). Les patients souffrant de schizophrénie ont donc des difficultés à récupérer l’origine d’une information. La mémoire de la source représente l’ensemble des mécanismes qui permettent de déterminer l’origine des informations que nous avons en mémoire. Les études dans ce domaine révèlent des difficultés importantes chez les patients pour retrouver où, quand, et dans quelles circonstances un événement a été rencontré précédemment. La mémoire de la source permet par exemple de différencier les informations qui ont été générées intérieurement – comme des pensées – des informations provenant de l’extérieur – événements réellement perçus. On parle dans ce cas plus spécifique de mémoire de la réalité. Il a été montré que les patients souffrant de schizophrénie éprouvent davantage de difficulté à se souvenir si un événement a été simplement pensé, imaginé ou s’il a été réellement entendu et prononcé par une personne (e.g., Henquet et al., 2005). Présentées sous cet angle, les relations entre le fonctionnement mnésique et la théorie de l’esprit s’éclaircissent peu à peu. Les expériences internes vécues par les patients, comme les hallucinations, proviennent en effet principalement d’une difficulté à différencier le discours interne du discours externe (Hoffman, Stopek & Andreasen, 1986).
11Malgré l’hétérogénéité de leurs profils cliniques, les patients vivant des expériences psychotiques comme les hallucinations semblent partager un même mode de fonctionnement qui les pousse à attribuer à tort un événement à une source externe. On sait que de tels déficits peuvent avoir des conséquences importantes dans la vie quotidienne. Deux éléments permettent de rendre compte des productions hallucinatoires et de la symptomatologie positive des patients : d’abord le fait que les productions qui émergent de l’action de la vie mentale des patients – à partir des contenus mnésiques – prennent le pas sur la perception de la réalité ; ensuite, le fait que les patients ne parviennent pas à identifier leurs propres productions et à les distinguer de la réalité. Ce type de dysfonctionnement offre ainsi la possibilité à des interprétations auto-générées d’agir sur la perception du monde.
12Le contrôle de la réalité et le bon fonctionnement de la mémoire seraient donc finalement, intimement liés l’un à l’autre. Différentes méthodologies ont été utilisées afin d’appuyer cette proposition. La plus utilisée consiste en une tâche de mémoire où les mots à mémoriser sont énoncés soit par le sujet, soit par l’expérimentateur. Les participants doivent alors mémoriser l’ensemble des mots présentés. Il s’agit de la phase dite d’étude ou d’apprentissage. Lors du test de reconnaissance ultérieur, ils doivent dire si le mot présenté faisait bien partie des mots à mémoriser. Puis, pour chaque item reconnu, ils doivent prendre une seconde décision en indiquant si l’item reconnu était précédemment prononcé par eux-mêmes ou par l’expérimentateur. Cette approche permet de tester directement l’hypothèse selon laquelle les sujets souffrant de schizophrénie présentent un biais de mémoire qui leur fait attribuer à une source externe les items qu’ils ont pourtant générés eux-mêmes. Les résultats montrent que les individus souffrant d’hallucinations présentent une mémoire de la réalité très réduite par rapport au groupe contrôle. Ils attribuent davantage les mots qu’ils ont eux-mêmes générés précédemment, à une source externe, l’expérimentateur en l’occurrence (Bentall, Backer, & Havers, 1991). Ces résultats ont été répliqués à de nombreuses reprises. L’examen des relations entre ces dysfonctionnements et les dimensions symptomatologiques de la maladie est riche de sens dans ce contexte. Il a été montré par exemple que les patients qui présentent davantage d’hallucinations auditives que les autres ont également davantage tendance à attribuer faussement les items qu’ils ont eux-mêmes générés à une source externe (Woodward, Menon, & Withman, 2007). Certains auteurs ont même montré que ce biais de mémoire était stable pendant une période de deux ans pour un même groupe de patients et qu’il constituait un marqueur fiable d’une sensibilité à la psychose (Vinogradov et al., 1997). Comme nous le verrons par la suite, de telles corrélations peuvent également être mises en évidence à travers de simples tests de reconnaissance.
13S’il y a un consensus sur le fait que les patients attribuent en partie leurs propres productions à une source externe, on ne possède pas d’explication claire sur les mécanismes sous-jacents à ce biais d’attribution. Des divergences apparaissent quant à la nature hypothétique des mécanismes responsables de cette mauvaise attribution. Pour le psychologue Christopher Frith de l’University College de Londres, c’est un trouble central du contrôle des actions et des intentions qui expliquerait que les patients schizophrènes ne reconnaissent pas leur propre discours intérieur comme étant initié par eux-mêmes (Frith, 1995). Cette hypothèse a été reprise à travers le concept « d’agnosie autonoétique » qui désigne l’incapacité à identifier les événements mentaux générés par soi (Keefe et al., 1999). En recoupant les données expérimentales, cliniques, et neurophysiologiques, d’autres proposent que ce sont les dysfonctionnements mnésiques qui sont à l’origine de tels phénomènes hallucinatoires (Brunelin et al., 2006). À travers cette proposition, c’est l’incapacité de récupérer la source de l’information qui est mise en avant. Le déficit mis en évidence aux tests de mémoire de la réalité pourrait ainsi constituer un marqueur prépondérant des symptômes hallucinatoires alors que les tests de mémoire de la source seraient un marqueur plus général en rapport avec l’ensemble de la symptomatologie positive (Brunelin et al., 2006). Les différentes propositions restent difficiles à départager. Quoi qu’il en soit, cette mise en perspective entre les symptômes et les troubles de la mémoire constitue une piste de recherche intéressante car elle offre des indications pour la mise en place de techniques de remédiation – comme le simple fait d’apprendre à se servir des indices appropriés pour distinguer les productions auto-générées des perceptions externes. Qu’est-ce qui distingue finalement une pensée d’une perception ?
14Lorsque nous pensons à quelque chose, nous effectuons une composition à partir de traces mnésiques. Nous pensons à partir des traces du passé. Dans ces conditions, les éléments sensoriels sont absents ou, pour être plus précis, moins directement accessibles. Les choses sont différentes lorsque nous mémorisons un événement réel c’est-à-dire vécu sur des bases sensorielles. Dans ce cas, des éléments physiques, sensoriels, participent à la création de la trace mnésique. Ils auront une part plus importante dans ce qui nous restera de la mémoire de l’événement. Cette distinction peut constituer un élément majeur de discrimination entre une source interne et une source externe. Si la mémoire que j’ai d’un événement est principalement faite de traits sensoriels, c’est-à-dire si les détails sensoriels y sont prépondérants, cela peut me permettre de considérer que cet événement a réellement été perçu par le passé. À l’inverse, si ma mémoire est plutôt dépourvue de détails sensoriels, j’aurai davantage tendance à considérer la source de cet événement comme interne. Il s’agissait simplement d’une pensée. Mais alors que se passe-t-il dans le cas de la schizophrénie ? Deux possibilités : soit les patients présentent des difficultés à accéder aux traces de leurs propres opérations mentales (raisonnements, pensées, etc.), soit leur monde mental est beaucoup plus riche en détails perceptifs et sensoriels. Une explication possible est en effet que les productions mentales des patients souffrant de schizophrénie s’appuient exclusivement sur des codes perceptifs, de telle façon qu’il leur devient difficile de dissocier les événements mentaux auto-générés des événements vécus sur des bases sensorielles.
L’hypermnésie du synesthète
15L’observation des relations entre la synesthésie et l’hypermnésie permet d’étayer cette proposition. Les recherches portant sur l’hypermnésie révèlent par exemple qu’une mémoire trop fidèle peut finalement s’avérer inadaptée dans certaines circonstances. Cette haute-fidélité peut même représenter un véritable handicap. L’observation des individus que l’on qualifie d’« hypermnésiques » ou de « mnémonistes » montre qu’ils sont capables de retrouver la couleur et les motifs de la cravate d’une personne rencontrée dix ans auparavant ou de relire mentalement les pages d’un livre parcouru quelques jours auparavant. Une observation attentive révèle cependant que ces capacités hors normes sont liées au fait que leur mémoire s’appuie principalement sur les traces sensorielles. Pour donner une image, elle fonctionne sur un mode analogique, un peu à la manière d’un appareil photographique. L’avantage est qu’une fois la photographie prise, mémorisée, les sujets peuvent parcourir à leur guise l’ensemble des détails qui s’y trouvent. Le célèbre cas du patient Veniamin, étudié par le psychologue Alexandre Luria, est révélateur de ce qu’est véritablement l’hypermnésie (Luria, 1970). Solomon Veniaminovitch T., surnommé Veniamin, était un mnémoniste russe qui pouvait retenir des listes de 70 mots, syllabes ou chiffres arbitraires et sans signification alors qu’il les avait lus une seule fois. Il était également capable de rappeler à Luria le contexte de cet apprentissage : « vous portiez un complet gris, j’étais assis sur un fauteuil à bascule… ». Luria mit en évidence le fait que Veniamin utilisait systématiquement des images visuelles pour mémoriser les listes : « il encode toute forme de matériel en la mettant sous une forme photographique » (1970, p. 34-35). Ainsi, au fur et à mesure qu’on lui énonçait les mots qu’il devait retenir, Veniamin les inscrivait dans sa mémoire de la même manière que l’on peut inscrire une liste sur un tableau ou une feuille de papier. À chaque fois qu’on lui présentait un mot nouveau, Veniamin mettait simplement à jour une image mentale contenant l’ensemble des mots, comme s’il les écrivait les uns à la suite des autres. Au moment du rappel, il disait avoir le sentiment d’avoir sous les yeux une feuille de papier couverte des informations qu’il avait à retenir. Il n’avait plus qu’à les lire, aussi aisément que nous pouvons lire cette page. Cependant, alors qu’il était incapable d’oublier les détails perceptifs des événements vécus, Veniamin était également incapable de comprendre le sens des métaphores les plus simples. Il était, selon Luria, une représentation vivante de ce que signifie « se perdre dans les détails ». Pour comprendre une métaphore, il faut pouvoir passer de l’image au concept et réciproquement, il faut pouvoir lier entre elles des choses habituellement dissociées. C’est en effet la capacité à mettre en relation deux types d’images ou d’énoncés qui permet de saisir une métaphore. La prodigieuse mémoire visuelle de Veniamin avait donc une contrepartie négative : l’incapacité de relier et d’intégrer entre elles les différentes informations mémorisées. Comme si ces « photographies », si nettes et si précises soient-elles, devaient rester bien séparées les unes des autres. De ce point de vue, les propos de Veniamin sont caractéristiques : « Les visages sont inconsistants, ils changent constamment en fonction de l’esprit du moment… et il devient difficile de se les rappeler. ». Si nos souvenirs ne sont pas stables, c’est en raison d’un phénomène adaptatif qui se révèle finalement extrêmement utile puisqu’il permet de reconnaître les choses ou les personnes malgré les variations permanentes de notre environnement. Ainsi, le même fonctionnement qui offre des capacités de mémorisation prodigieuses au mnémoniste constitue un handicap lorsqu’il s’agit de se souvenir en dépit des variations environnementales, variations qui représentent pourtant les conditions naturelles du fonctionnement de notre mémoire. Ce n’est que tardivement, après de nombreuses années de consultations et de recherches, que Luria découvrit que Veniamin était un synesthète. La synesthésie décrit un trouble de la perception des sensations par lequel deux ou plusieurs sens sont associés. Le synesthète éprouve donc deux perceptions simultanées à la sollicitation d’un seul sens – les sons sont aussi des couleurs et des formes visuelles. Ainsi, chaque fois qu’il entendait un son, un mot, ou une voix, Veniamin percevait également une forme visuelle : « Je vois d’abord la couleur de la voix » disait-il, ce qui l’empêchait parfois de reconnaître la voix d’une personne si elle était modifiée, dans ses détails, en fonction de l’humeur, du moment de la journée ou de quelques affections microbiennes. De même, si on lui parlait en même temps qu’il essayait de se souvenir, les images générées par le flux de parole perturbaient le rappel ultérieur des informations. Veniamin finit par s’exclure du monde réel, devenu trop envahissant pour sa vie mentale.
16Si la synesthésie n’est pas la schizophrénie, les patients schizophrènes éprouvent eux aussi de nombreuses distorsions dans le cadre de la reconnaissance des visages, allant parfois jusqu’à la sensation que la personne – en général un proche – n’est pas vraiment elle-même mais plutôt le sosie d’elle-même. Ainsi, bien que possédant des traits familiers, le patient considère, à la suite de certains changements, parfois très minimes, que la personne n’est plus vraiment elle-même mais un sosie d’elle-même. Dans ces conditions, de mauvaises intentions sont généralement attribuées au sosie. De telles illusions de sosie ne sont pas rares dans cette population où l’on observe également des délires d’identification des personnes – le syndrome de Capgras par exemple. Certains patients présentent des difficultés à accepter que deux photographies d’un même visage présentant deux expressions émotionnelles différentes puissent appartenir à la même personne. On observe d’ailleurs une amplification de cette erreur d’identification lorsqu’on demande explicitement au patient de dire si deux photographies d’une même personne prises sous des angles différents représentent bien la même personne. Ces observations suggèrent que la capacité à extraire une représentation identitaire stable à partir de différentes photographies d’un même visage, c’est-à-dire à partir de traits perceptifs variables, est altérée chez ces patients. Au-delà de l’interprétation (le délire) qui succède à ce sentiment d’étrangeté, nous pouvons nous interroger sur son origine. Ce phénomène, souvent décrit dans le cadre de la schizophrénie, rappelle en effet étrangement les propos de Veniamin sur l’inconsistance des visages à travers le temps et les difficultés qu’il éprouvait finalement à les reconnaître dans ces nouvelles conditions. Force est de constater quelques similarités troublantes avec le mode de fonctionnement mnésique observé dans ces populations. Elles relèvent principalement d’un conflit dans la confrontation entre une représentation mentale trop stable et la réalité, toujours changeante. Les répercussions sont nombreuses dans la vie des patients. Ce mode de fonctionnement a d’abord pour conséquence de ralentir le traitement perceptif et l’extraction des informations structurales d’un visage. Les informations structurales désignent les informations sur lesquelles nous nous appuyons pour reconnaître un visage indépendamment des variations qu’il peut subir, comme les modifications de son expression émotionnelle, le maquillage, la fatigue, etc. Ces informations ont un caractère invariable qui est essentiel pour faire abstraction des conditions de variations dans lesquelles nous reconnaissons. Qu’est-ce qui fait naître ce sentiment d’inconsistance à travers le temps et pourquoi les patients se focalisent-t-ils sur des changements qui, même s’ils sont minimes, vont affecter la reconnaissance jusqu’à remettre en question l’identification de la personne ?
Reconnaître en dépit des changements
17Afin d’explorer cette question, nous avons effectué différentes expériences de reconnaissance de visages avec des patients souffrant de schizophrénie. À travers ces expériences, nous avons manipulé les photographies des visages entre le moment de leur mémorisation et leur reconnaissance. Les visages pouvaient être présentés soit sous la forme d’une photographie strictement identique à celle présentée dix minutes auparavant, soit comporter des modifications visuelles par rapport à la photographie présentée plus tôt. Le visage à reconnaître pouvait par exemple être présenté avec une expression différente ou un paysage différent à l’arrière-plan (voir figure 1). Nous avons par ailleurs contrasté deux situations de reconnaissance en fonction des consignes fournies aux participants. Dans la première, les participants devaient reconnaître les visages indépendamment des changements perceptifs. Ils devaient donner une réponse affirmative de reconnaissance lorsqu’ils reconnaissaient le visage indépendamment d’un changement éventuel. Cette situation est dite d’« inclusion » car l’ensemble des visages vus précédemment doit donner lieu à une réponse affirmative, réponse qui peut s’appuyer sur un simple sentiment de familiarité du visage. Dans la seconde situation, dite d’exclusion, les participants devaient au contraire donner une réponse affirmative de reconnaissance pour les visages anciens à condition qu’il n’y ait aucun changement apporté à l’image. La photographie devait donc être parfaitement identique pour aboutir à une réponse affirmative. Dans ces conditions, les participants ne pouvaient plus se contenter de répondre à partir d’un simple sentiment de familiarité. Ils devaient reconnaître le visage et récupérer en même temps l’information critique, son expression faciale ou le paysage en arrière-plan, afin de décider si elle avait été ou non modifiée. La figure 1 présente une vue d’ensemble des différentes conditions expérimentales et des réponses correctes attendues de la part des participants.
18Les résultats de ces expériences furent assez inattendus. Aucune différence entre les patients schizophrènes et le groupe témoin n’est apparue dans la situation d’exclusion. Les deux groupes présentaient un niveau de performance identique dans la situation mnésique la plus exigeante, celle qui nécessite la récupération intentionnelle des détails perceptifs associés au visage au moment de l’étude (voir Tableau 1). C’est dans la situation d’inclusion que sont apparues les différences entre les deux groupes, alors que la reconnaissance pouvait s’appuyer sur le simple sentiment de familiarité (Guillaume et al., 2007). Pour prendre un exemple, dans les conditions où l’arrière-plan des visages avait été modifié entre la mémorisation et la reconnaissance, les performances des patients se rapprochaient du hasard (57 % de reconnaissance correctes). Ce n’était pas le cas du groupe témoins pour qui le changement d’arrière-plan ne perturbait que très peu la reconnaissance des visages. Tout se passe donc comme si les patients souffrant de schizophrénie ne reconnaissaient plus les visages dans les conditions de variations perceptives. Contrairement aux témoins, les patients montraient donc des difficultés à faire abstraction des changements visuels même si les informations modifiées n’étaient pas pertinentes pour reconnaître les visages – comme si l’ensemble des codes perceptifs mis en mémoire formait un tout inséparable et unitaire. On comprend alors qu’il devient beaucoup plus difficile, pour les patients, de récupérer le visage mémorisé tout en ignorant ces changements. Ces résultats s’accordent également avec l’idée selon laquelle les patients schizophrènes ont besoin de davantage d’éléments perceptifs que les sujets contrôles pour reconnaître (Doniger et al., 2001).
19C’est l’introduction de changements, de variations, de modifications du matériel à reconnaître qui explique ces résultats. L’aspect dynamique des changements au cours du temps apparaît essentiel pour mieux comprendre le fonctionnement des patients souffrant de schizophrénie. Ces patients présentent en effet un déficit de « décontextualisation » de leur mémoire qui n’est pas sans rappeler les dysfonctionnements observés chez Veniamin. La mémoire des patients schizophrènes semble elle aussi s’appuyer principalement sur les traces sensorielles de l’épisode. Bien entendu, un tel mode de fonctionnement peut s’avérer efficace, mais à condition qu’il soit adapté à la situation dans laquelle se trouve le sujet, comme c’était le cas dans la situation d’exclusion que nous avions proposée ici. Dans cette situation, la détection du moindre changement visuel portée sur la photographie suffit à fournir des réponses correctes et les patients semblent particulièrement efficaces à ce jeu. Ils détectent par exemple la modification de la scène qui se trouve à l’arrière-plan du visage avec plus d’efficacité que les sujets contrôles (voir tableau 1). Malheureusement, cette habileté devient inappropriée lorsqu’il s’agit de reconnaître en dépit des changements perceptifs. Et malheureusement encore, ces changements représentent les conditions naturelles du fonctionnement de notre mémoire. En regardant de plus près la symptomatologie des patients en rapport avec nos résultats, nous avons mis en évidence que ce manque de flexibilité au moment de la reconnaissance était corrélé avec les symptômes positifs et la désorganisation des patients. Deux études récentes nous ont également permis de confirmer l’idée selon laquelle les changements contextuels perturbent l’émergence du sentiment de familiarité chez les patients schizophrènes. Elles montrent des différences précoces entre les deux groupes dans la chaîne des mécanismes neurophysiologiques qui aboutissent à la reconnaissance. Dès 400 ms après l’apparition de l’image du visage, les mécanismes neurophysiologiques que l’on sait liés à l’émergence de la familiarité sont différents chez les sujets témoins et chez les patients souffrant de schizophrénie. Ces différences sont particulièrement importantes dans les conditions de changements perceptifs. Dans ces conditions, on ne retrouve pas chez les patients l’effet de reconnaissance observé chez les témoins, qu’il s’agisse du changement de l’arrière-plan (Guillaume et al., 2012a) ou de l’expression des visages (Guillaume et al., 2012b).
20La question demeure de savoir si un tel dysfonctionnement dans le traitement des variations contextuelles peut-être généralisé à d’autres types de stimuli que les visages. Mais quoi qu’il en soit, la mise en évidence de ce dysfonctionnement offre des pistes intéressantes pour la compréhension des mécanismes à l’origine des symptômes observés dans le cadre de la schizophrénie. Un déficit concernant le traitement implicite des informations contextuelles permet par exemple de rendre compte des observations cliniques et des symptômes développés par les malades (Amoruso et al., 2012). Le fait que les patients présentent une dépendance excessive envers les détails perceptifs pour reconnaître, le fait qu’ils ne puissent plus séparer les éléments de la trace pour reconnaître et identifier une personne peut également rendre compte du biais d’attribution généralement décrit à travers les tâches de mémoire. Dans un monde en perpétuel changement, il est nécessaire d’oublier les détails pour conserver l’essentiel d’une information. C’est sur cet essentiel que nous nous appuyons pour reconnaître. Mais pour pouvoir faire cela, il faut parvenir à extraire des invariants. C’est la capacité à traiter séparément les éléments d’un même épisode sensoriel pour en extraire les invariants qui nous permet de reconnaître quelles que soient les circonstances. Si la reconnaissance d’une personne devient difficile ou si la personne paraît plus étrange à nos yeux à partir du moment où elle met un chapeau sur sa tête, des lunettes de soleil, ou si elle se trouve dans un environnement inhabituel, le monde devient inévitablement plus difficile à vivre. Il est difficile de trancher sur le fait que ce déficit relève d’un dysfonctionnement au niveau du traitement perceptif ou d’un dysfonctionnement au niveau des processus mnésiques. La réponse à cette question se trouve certainement dans une conception dynamique du fonctionnement où perception et mémoire ne font plus qu’un. Il reste que reconnaître par-delà les changements constitue un socle fondamental pour notre vie psychique. Pour comprendre le repli que l’on observe parfois chez les personnes souffrant de schizophrénie ou les individus comme Veniamin, nous devons nous demander comment notre univers mental pourrait bien conserver une stabilité, même relative, sans cette amarre.
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Références
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Auteur
Maître de conférences Aix-Marseille Université, Laboratoire de Psychologie Cognitive, CNRS (UMR 7290)
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