Psychologie des troubles du développement intellectuel
p. 31-55
Texte intégral
1Ce chapitre explore (a) l’apport de la psychologie – en tant que discipline scientifique – à la compréhension des troubles du développement intellectuel et (b) l’apport des psychologues – en tant que professionnels – à l’accompagnement des personnes qui présentent ces troubles. Dans ce double objectif, le chapitre est organisé en cinq parties. La première s’attache à définir le concept de trouble du développement intellectuel (TDI) et la diversité des situations qu’il recouvre. La seconde partie vise à identifier les principaux enjeux du développement psychologique des enfants avec TDI. C’est en effet la connaissance et la compréhension de ces enjeux qui guident le travail des psychologues. La troisième partie présente un modèle intégratif des mécanismes complexes par l’intermédiaire desquels se constituent les troubles du développement intellectuel : la conception constructiviste proposée par Paour (1995, 2010) invite à s’efforcer de réduire le phénomène de sous-fonctionnement cognitif chronique qui majore les retards de développement. Dans la quatrième partie sont présentés les apports d’une approche syndromique des TDI qui permet aux psychologues et aux équipes d’anticiper les enjeux plus spécifiques associés aux syndromes les plus fréquemment rencontrés. Enfin, une réflexion est engagée sur les formes d’accompagnement proposées par les psychologues et leurs partenaires professionnels aux différentes étapes qui jalonnent la trajectoire de développement, de l’enfance à l’âge adulte1.
La notion de trouble du développement intellectuel
Une définition organisée autour de trois critères
2Les troubles psychopathologiques sont définis dans le cadre de classifications diagnostiques. Ces définitions sont susceptibles de varier ou d’évoluer dans plusieurs dimensions. Comme pour la plupart des troubles psychopathologiques, des ajustements sont régulièrement proposés dans le domaine des troubles du développement intellectuel. Ils concernent la terminologie utilisée, les critères psychométriques retenus ou encore la conceptualisation de ses degrés de profondeur.
3Au cours de l’histoire de son étude, les termes retenus pour désigner ce trouble ont été particulièrement changeants, en raison des glissements sémantiques qui régulièrement s’opèrent entre leur usage scientifique et leur utilisation péjorative dans le langage courant (Dionne, Langevin, Paour et Roque, 1999). Si le terme de « retard mental » (mental retardation) apparaît aujourd’hui encore couramment utilisé, un virage conceptuel opéré par l’une des associations les plus influentes (American Association on Intellectual and Developmental Disabilities, AAIDD) tend à lui substituer le terme d’« intellectual disability ». La cinquième édition du DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), qui constitue l’une des classifications internationales de référence, envisage pour sa part de faire évoluer la notion de retard mental, qui a prévalu jusqu’alors au sein de système, vers celle de « trouble du développement intellectuel » (Intellectual Developmental Disorder)2.
4Par-delà ces évolutions sémantiques, la définition même du trouble fait en revanche l’objet d’un relatif consensus dans son articulation durable autour de trois principaux critères (Schalock, 2011) :
- une limitation significative du fonctionnement intellectuel ;
- une limitation concomitante des ressources adaptatives de l’individu dans ses activités quotidiennes ;
- une première manifestation de ces limitations durant la période développementale.
5Le fonctionnement intellectuel désigne ici l’aptitude à des activités cognitives centrales comme l’apprentissage, le raisonnement ou la résolution de problèmes. Dans un cadre diagnostique, la limitation du fonctionnement intellectuel est attestée par l’utilisation d’un test composite d’intelligence (de nature à en appréhender les multiples composantes), dont les qualités psychométriques (validité, fidélité) sont bien repérées et dont l’étalonnage est culturellement et historiquement adapté.
6Le second critère conditionne le diagnostic de TDI au fait que cette limitation du fonctionnement intellectuel restreint les possibilités de participation et d’adaptation de l’individu à de multiples activités quotidiennes. L’AAID repère dans sa définition trois registres de compétences dans lesquelles cette restriction peut s’observer :
- des compétences conceptuelles (la maîtrise du langage et de la lecture, la compréhension des concepts temporels ou numériques, la manipulation d’un système monétaire, etc.) ;
- des compétences sociales (qui s’expriment dans l’établissement des relations interpersonnelles, dans la capacité à respecter des règles ou des lois, etc.) ;
- des compétences pratiques (relatives à l’autonomie dans les soins personnels, à l’utilisation des transports, au respect de règles de sécurité, etc.).
7Enfin, le troisième critère implique que les premières manifestations de cette double limitation (du fonctionnement intellectuel et du fonctionnement adaptatif) ont été observées avant l’âge de 18 ans.
L’intelligence et sa mesure
8Le diagnostic du TDI repose donc – pour partie – sur une évaluation du niveau de fonctionnement intellectuel. La psychologie différentielle a contribué à isoler, sur une base empirique, les différentes aptitudes qui sous-tendent l’intelligence. Par l’analyse des corrélations observées entre les performances à différentes catégories d’épreuves, l’approche psychométrique révèle l’existence de variables latentes susceptibles de correspondre à différents registres d’aptitudes. En dépit de débats persistant (par exemple sur l’existence d’un facteur général d’intelligence et sur sa signification psychologique) un relatif consensus s’opère aujourd’hui autour d’une conception théorique dominante : le modèle CHC, du nom des trois auteurs (Cattell, Horn et Carroll) ayant contribué à son émergence. Dans ce modèle, le facteur général d’intelligence (qui rend compte de la variance commune à tous les tests) est sous-tendu par plusieurs registres d’aptitude spécifiques3 :
- le facteur d’Intelligence fluide renvoie à une capacité générale d’abstraction et de raisonnement qui s’exprime particulièrement sur des situations problèmes peu familières ;
- le facteur d’Intelligence cristallisée renvoie au niveau de connaissance et de compréhension, particulièrement associée à la maîtrise du langage permettant de formaliser et d’exprimer ces connaissances ;
- le facteur Mémoire et apprentissage inclut principalement la capacité à simultanément stocker et traiter des informations en mémoire de travail ;
- le facteur Représentation visuospatiale désigne l’aptitude à créer et manipuler des images mentales ;
- le facteur Récupération en mémoire désigne l’aptitude à stocker et retrouver de façon flexible des informations en mémoire à long terme ;
- les facteurs de Rapidité cognitive et de Vitesse de traitement renvoient aux capacités d’automatisation et de décision rapide sur des tâches simples.
9Les tests standardisés conçus pour évaluer le fonctionnement intellectuel, comme les échelles de Weschler, permettent d’analyser le fonctionnement cognitif de l’enfant en référence à ces différentes facettes de l’intelligence. Sa mesure consiste alors à comparer le niveau de fonctionnement actuel de l’enfant à celui d’un large échantillon représentatif de pairs du même âge. L’indicateur d’efficience (Quotient intellectuel) correspond à un indicateur de position permettant de repérer les niveaux de fonctionnement qui s’éloignent significativement de la moyenne. Si le seuil de deux écart types est globalement retenu, l’AAIDD aux États-Unis, de même que la récente conférence de consensus sur l’examen psychologique de l’enfant en France (Voyazopoulos, Vannetzel & Eynard, 2011) rappellent que toute évaluation au moyen d’un instrument psychométrique est associée à une erreur standard de mesure qu’il convient de prendre en compte. Les indicateurs d’efficience retenus ont donc vocation à s’exprimer plus rigoureusement sous la forme d’intervalles de confiance.
10Par principe, le diagnostic de TDI relève donc d’une appréciation générale du clinicien intégrant l’ensemble des informations et des observations dont il dispose et ne saurait se réduire à un score seuil obtenu sur un test psychométrique. En outre, il est régulièrement souligné que les tests standardisés n’offrent qu’une estimation incomplète des compétences cognitives dont disposent les personnes avec TDI (Hessels-Schlatter, 2010). Le recours à des formes d’évaluation dynamique du fonctionnement intellectuel (Paour, Jaume & de Robillard, 1995) est envisagé comme un complément utile : il permet à la fois d’estimer plus directement les potentialités d’apprentissage et d’accroître la validité prédictive des évaluations produites dans le cadre de l’examen psychologique.
Différents degrés de sévérité et de handicap
11La classification des degrés de sévérité du trouble peut reposer sur la caractérisation de la profondeur des limitations du fonctionnement intellectuel. Elle peut également se fonder sur le niveau d’aide requis pour permettre aux personnes avec TDI de mener une vie sociale adaptée. Lorsqu’ils se fondent sur le niveau de fonctionnement intellectuel, les critères de sévérité ont été jusqu’ici définis en référence à des fourchettes de quotient intellectuel4. Le retard « léger » s’observe dans le cas des personnes dont le QI varie entre 70 et 50-55. Dans un environnement éducatif étayant, les enfants peuvent suivre une scolarité adaptée ainsi qu’une formation professionnelle durant et/ou après l’adolescence. Les adultes avec TDI léger trouvent fréquemment des possibilités d’insertion professionnelle dans des environnements de travail protégés ou semi-protégés. Avec un accompagnement, certains adultes développent les ressources adaptatives permettant une existence indépendante et autonome. Le retard dit « modéré » ou « moyen » concerne les personnes dont le QI est compris entre 35-40 et 50-55 ; le retard dit « sévère » ou « grave » concerne les personnes dont le QI est compris entre 20-25 et 35-40. Lorsqu’elles atteignent ces degrés de sévérité, les limitations du fonctionnement s’observent plus précocement et touchent de nombreuses sphères du développement (habiletés cognitives mais également sensorimotrices et communicatives). Les objectifs pédagogiques doivent donc être adaptés durant l’enfance et requièrent un environnement de scolarité particulièrement aménagé. Il en est de même pour l’insertion professionnelle en milieu protégé. Le retard « profond » concerne pour sa part les personnes dont le QI est inférieur à 20-25. Des restrictions majeures du fonctionnement requièrent à toutes les étapes de l’existence de ces personnes une aide intensive et individualisée pour améliorer leur qualité de vie (Carr & O’Reilly, 2007).
12Les situations de TDI légers représentent 85 % des diagnostics, la prévalence diminuant ensuite en fonction du niveau de profondeur du retard. Les TDI exposent l’enfant, l’adolescent ou l’adulte à vivre des situations de handicap, c’est-à-dire de réduction de leurs opportunités de participation et d’engagement dans des activités attendues au sein de leur communauté culturelle. Le modèle proposé par la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (OMS, 2007) permet de comprendre l’émergence des situations de handicap comme un processus interactif et évolutif. L’adoption de cette perspective conduit à ne plus envisager le handicap comme une caractéristique intrinsèque de la personne mais comme la résultante d’une interaction complexe entre plusieurs variables qui intègrent des facteurs environnementaux. Dans un mouvement comparable de reconceptualisation du handicap, l’AAIDD (Schalock et al., 2010) a proposé de ne plus seulement catégoriser les situations de déficience intellectuelle en référence au niveau de fonctionnement intellectuel mais en considérant également le niveau d’accompagnement requis pour permettre à la personne de mener une existence adaptée et améliorer sa qualité de vie (en matière d’éducation et de développement, d’accompagnement à domicile, d’accès à l’emploi, de santé et de sécurité ou encore de protection juridique). Les niveaux d’aide requis varient ainsi d’un niveau « intermittent » (accompagnement ponctuel, « à la demande », à l’occasion de transitions importantes au cours du cycle de vie) à un niveau « intensif » (lorsque la personne doit bénéficier d’un accompagnement permanent et hautement ajusté dans tous les contextes de son existence).
Facteurs de risque et facteurs de protection
13Depuis sa neuvième édition, le manuel de l’AAIDD a introduit une classification des différents facteurs de risque susceptibles d’orienter les trajectoires développementales vers une situation de trouble du développement intellectuel. Sont ainsi repérés des facteurs biomédicaux anténataux comme des syndromes d’origine génétique (cf. point 4), des troubles métaboliques (comme la phénylcétonurie) ou des maladies maternelles (comme la toxoplasmose). Les facteurs de risques biomédicaux incluent également des facteurs périnataux (comme la prématurité ou l’anoxie néonatale) et des facteurs ultérieurs (comme la malnutrition ou des traumatismes cérébraux). D’autres facteurs de risque repérés sont de nature sociale (comme les effets indirects de la pauvreté sur la nutrition et l’accès au soin) ou encore parentale et éducative (expériences de carences précoces, maltraitance, faiblesse du soutien au développement). Ces différents facteurs de risque accroissent la probabilité que la trajectoire développementale de l’enfant soit marquée par des limitations de son fonctionnement intellectuel et de ses ressources adaptatives.
14Le développement psychologique des enfants avec TDI présente par ailleurs des risques spécifiques : d’autres formes de difficultés sont en effet susceptibles de s’y associer au cours du développement. Chez l’enfant comme chez l’adulte, la prévalence de nombreux troubles psychopathologiques est significativement supérieure dans la population des personnes avec TDI lorsqu’on la compare aux taux observés dans la population générale. Le risque de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité est par exemple trois à quatre fois supérieur à celui observé chez l’enfant tout-venant (Zaman, Holt & Bouras, 2007).
15La trajectoire de l’enfant avec TDI est également sensible aux mêmes facteurs de protection que ceux identifiés pour les enfants tout-venant (Rolf, Masten & Cicchetti, 1990). Un tempérament facilitant les interactions sociales, un attachement confiant, des relations familiales non-conflictuelles, des capacités d’anticipation et d’empathie, ou encore la possibilité de créer un réseau social soutenant constituent autant de variables favorables à la dynamique du développement. Singulièrement chez l’enfant avec TDI, le soutien dont lui-même et ses parents vont pouvoir bénéficier de la part de professionnels du soin et de l’éducation va également exercer une influence importante. Cette influence s’exerce à travers la prise en charge dans des structures mettant en œuvre une approche pleinement centrée sur l’enfant et visant à accroître son autonomie, un accompagnement à la fois réaliste et ouvert au changement dans l’élaboration progressive de son projet de vie, une bonne coordination entre des professionnels sensibilisés aux enjeux du développement.
Les enjeux du développement psychologique de l’enfant avec TDI
Le développement sensori-moteur
16Le développement sensoriel du bébé et du jeune enfant inclut sa faculté de perception et de discrimination sensorielle mais également ses préférences et sa faculté à orienter et à soutenir son attention vers des stimuli privilégiés. Le développement moteur inclut pour sa part la motricité globale (i. e. le développement postural et locomoteur permettant à l’enfant de se mouvoir dans son environnement) et la motricité fine (i. e. l’affinement de ses capacités de préhension et de manipulation manuelle). La coordination de ces différents registres de compétences sensorielles et motrices permet à l’enfant d’évoluer dans son environnement physique avec de plus en plus d’autonomie, de planifier des séquences d’actions orientées vers un but, de diversifier la palette des jeux et des activités dans lesquels il s’engage. Elle contribue, dans le même temps, à nourrir chez lui un sentiment d’agentivité, d’efficacité et de maîtrise qui constitue une base essentielle de l’image et du sens même de soi (Bandura, 2003).
17Des déficits sensoriels et/ou moteurs sont plus fréquemment observés chez les enfants avec TDI que dans la population générale. Ils exercent – en cascade – des contraintes sur différentes dimensions du développement. Par exemple, une réduction des capacités de discrimination auditive compromet la possibilité pour l’enfant d’abstraire les règles qui régissent son environnement linguistique et ralentit par conséquent le processus d’acquisition du langage. Ces effets en cascade peuvent également toucher la sphère relationnelle. La déficience auditive par exemple rend plus difficile l’émergence d’épisodes d’attention conjointe durant lesquels l’enfant et ses parents orientent délibérément leur attention vers des centres d’intérêt partagés. Un délai dans l’émergence de ces épisodes ou la réduction de leur fréquence fragilise en retour l’élaboration des compétences de l’enfant dans le domaine de l’intersubjectivité et de la théorie de l’esprit (Jover, 2009). La présence de psychomotriciens et d’ergothérapeutes est donc particulièrement précieuse dans les équipes afin d’évaluer la nature des difficultés sensorielles ou motrices et de réfléchir à leur impact sur la trajectoire développementale. Elle permet également aux équipes de considérer les aménagements relationnels ou physiques utiles pour favoriser l’adaptation de l’enfant et soutenir l’expression de ses compétences émergentes.
Le développement de la communication et du langage
18Le développement des habiletés communicatives est susceptible de suivre des trajectoires très différentes selon le degré de profondeur du trouble et selon son étiologie principale. Sigafoos, O’Reilly et Green (2007) proposent cependant de conceptualiser la nature des difficultés communicatives en référence à un modèle développemental général. Depuis les travaux pionniers de Bates et al. (1979), l’émergence des fondements de la communication langagière est conçue comme balisée par trois étapes fondamentales. Au stade perlocutoire, l’enfant produit une diversité de comportements (mouvement, expressions faciales, vocalisations) qui – s’ils n’ont pas encore de valeur communicative intentionnelle – sont (sur) interprétés par l’entourage comme véhiculant une signification. La régularité de ces interprétations contribue à transformer progressivement le statut que l’enfant confère à ces comportements. Ils évoluent alors vers une forme illocutoire. Les actes illocutoires désignent une gamme de comportements prélinguistiques conventionnels qui visent à demander, refuser ou commenter des événements (les gestes de pointage, de demande, les hochements de tête, les expressions faciales volontaires appartiennent à ce registre). Au stade locutoire, les conduites communicatives prennent une forme cette fois langagière avec l’utilisation de signes conventionnels arbitraires. La manipulation des mots d’une langue orale, des gestes conventionnels de la langue des signes ou la manipulation de pictogrammes conventionnels relèvent de ce registre. Après une première phase d’évolution assez lente, la maîtrise de ces systèmes de signes est marquée par un accroissement rapide du lexique, l’émergence des premières combinaisons de mots puis celle des phrases structurées.
19Chez l’enfant tout-venant, les transitions entre ces différentes phases s’opèrent naturellement au cours du développement, à partir d’interactions spontanées avec l’entourage. Chez nombre d’enfants avec TDI, elles requièrent l’aménagement d’expériences interactives réfléchies pour en faciliter l’émergence. Sigafoos et al. (2000) recommandent ainsi, pour accompagner la transition du stade perlocutoire au stade illocutoire, de repérer des « actes potentiels de communication ». Il s’agit de comportements dont la valeur communicative est ambiguë, mais auquel l’entourage décide (de façon coordonnée) de conférer une signification régulièrement identique. Par exemple, lorsque l’enfant tend la main vers un objet, il est possible d’interpréter systématiquement cet acte comme ayant une fonction de communication (quand bien même il ne s’agirait initialement – du point de vue de l’enfant – que d’un geste d’atteinte). La régularité et la cohérence attentive des réponses de l’entourage favorisent la découverte par l’enfant des potentialités communicatives de ses actes, au-delà de la satisfaction de ses intentions immédiates, cette découverte étant constitutive de l’entrée dans le stade illocutoire. Chez l’enfant avec TDI, lorsque les mécanismes d’acquisition du langage oral n’opèrent pas spontanément, la transition vers le stade locutoire requiert souvent la mise en place d’une démarche volontaire, concertée et réfléchie. Le choix du medium conventionnel utilisé (langue orale, langue des signes, pictogramme) ou leur combinaison dépend des opportunités offertes par le niveau de fonctionnement sensori-moteur et articulatoire de l’enfant. Quoi qu’il en soit, la négociation des signes conventionnels requiert, là encore, une grande régularité et cohérence dans la façon dont l’entourage communique avec l’enfant et interprète les signes qu’il utilise. Le choix du vocabulaire prioritairement négocié avec l’enfant peut être fondé sur une analyse écologique pertinente des concepts les plus utiles à son expérience quotidienne (comme l’expression de ses besoins, de ses goûts, de ses refus, de sa douleur).
20Le rapport de l’enfant au langage n’est cependant pas seulement fonction de sa maîtrise des conventions linguistiques : le développement langagier ultérieur (i. e. l’enrichissement du lexique, l’ambition des combinaisons syntaxiques) dépend également de la façon dont l’enfant investit ces compétences au service d’échanges relationnels plus nourris. L’utilisation sociale du langage repose sur la découverte par l’enfant qu’il permet un rapprochement intersubjectif avec les personnes privilégiées de son entourage. Cette découverte est favorisée par des interactions sociales soucieuses d’offrir à l’enfant de multiples occasions de communication effective. Sigafoos, Kerr, Roberts et Couzens (1994) ont par exemple identifié plusieurs stratégies permettant aux partenaires de l’enfant d’aménager de manière délibérée ces occasions : la stratégie de « l’élément manquant » consiste à engager l’enfant dans une activité en oubliant sciemment de lui fournir un instrument essentiel à l’activité afin de susciter l’émergence d’une requête ; la stratégie « d’assistance différée » consiste à ne pas fournir immédiatement de l’aide à l’enfant dans une activité qui requiert l’assistance d’un adulte afin – là encore – de laisser un espace à l’émergence d’une demande communicative ; la stratégie de « l’erreur volontaire » consiste – en réponse à une demande l’enfant – à se tromper dans l’objet qui lui est donné de façon à créer l’opportunité pour l’enfant de clarifier sa requête initiale ; la stratégie de « relance systématique » consiste à exploiter le plus possible les épisodes d’expression spontanée de l’enfant comme des occasion d’approfondir la conversation par l’intermédiaire de relances systématiques ou de demandes de précision.
21L’ensemble des travaux conduits sur le développement communicatif chez l’enfant avec TDI montre que l’émergence des conduites langagières résulte d’une interaction complexe entre les caractéristiques biologiques de l’enfant (certains syndromes sont associés à des profils spécifiques de fonctionnement linguistique) et les caractéristiques de son environnement d’apprentissage du langage (les réactions de l’entourage influencent de façon significative le développement et l’expression des habiletés communicatives de l’enfant) : une attention soutenue et coordonnée doit donc être déployée par l’ensemble des partenaires de l’enfant afin de favoriser ce processus d’émergence (Abbeduto, Evans & Dolan, 2001).
Le développement cognitif
22L’étude du développement cognitif chez l’enfant avec TDI a été orientée par deux principaux cadres de référence théorique : le premier s’inspire du modèle piagétien, le second a exploité les apports du cognitivisme et de l’approche dite du « traitement de l’information ».
23Le modèle piagétien est un modèle général du développement cognitif. Dans sa dimension constructiviste, il offre un cadre explicatif aux progrès de l’intelligence : en agissant sur le monde et en analysant le résultat de ses actions, l’enfant en abstrait progressivement les règles qui l’organisent. La confrontation régulière à de nouvelles situations problèmes engendre des états successifs d’équilibre et de déséquilibres cognitifs qui assurent une progression majorante des instruments de sa pensée. Dans sa dimension structuraliste, le modèle piagétien offre une description des principales étapes par lesquelles chemine cette progression :
- le stade sensori-moteur est marqué par l’émergence des premières conduites intentionnelles intelligentes et l’évolution de la permanence de l’objet ;
- le stade pré-opératoire est caractérisé par l’apparition de la pensée symbolique (langage, jeu de faire semblant) mais limité par une pensée encore pré-logique et très dépendante de la perception égocentrée ;
- le stade opératoire concret est caractérisé par l’émergence d’une pensée plus flexible, organisatrice (catégorisation, sériation), et par de nouvelles possibilité de coordination des dimensions (conservation) ou des points de vue (théorie de l’esprit) ;
- le stade opératoire formel est caractérisé un accroissement de la portée des raisonnements, susceptibles d’opérer alors sur la base d’hypothèses abstraites.
24L’approche piagétienne du retard mental a été initiée par les travaux d’Inhelder (1943) et a contribué à mettre en lumière plusieurs caractéristiques générales (Dionne, Langevin, Paour & Roques, 1999, pour une synthèse). La plus aisément repérable est celle d’un retard dans la construction des compétences cognitives signalées comme centrales par le modèle piagétien de l’intelligence. Ce retard est lui-même l’expression d’un triple phénomène : (a) une vitesse de progression plus lente, qui retarde le passage d’un stade à un autre ; (b) des fixations anormalement prolongées à certains stades ; (c) un inachèvement dans la construction des compétences, dont l’ampleur varie en fonction du degré de profondeur du trouble. Cette approche a nourri l’hypothèse d’une similarité séquentielle du développement : si les enfants avec TDI franchissent avec retard les différentes étapes de construction de l’intelligence, leur progression respecte globalement la séquence prévue par le modèle théorique. Les travaux d’Inhelder ont toutefois signalé l’existence d’oscillations pathologiques du raisonnement : pourtant parvenus à un stade de raisonnement opératoire, les réponses et les arguments mobilisés par les enfants sur certaines épreuves semblent fragiles et susceptibles – suivant les contextes – de régresser à des niveaux antérieurs (Paour, 2001 ; Perret, 2002).
25Les concepts issus de la psychologie cognitive pour décrire l’architecture et les processus élémentaires de l’intelligence ont également été utiles pour mieux appréhender la nature des limitations cognitives qui caractérisent ses troubles. C’est le cas par exemple des travaux conduits sur la Mémoire de travail (MdT). La MdT désigne l’espace attentionnel limité au sein duquel – en situation de résoudre un problème – nous stockons l’information pertinente et opérons sur cette information les traitements nécessaires à la production d’une solution. Or on observe chez les enfants et chez les adultes avec TDI des ressources en MdT plus limitées. Ces limites sont susceptibles d’exercer d’importantes contraintes sur le fonctionnement et le développement intellectuel (Perrig, Hollenstein & Oelhafen, 2009). Les recherches conduites dans cette perspective permettent de mieux documenter la nature des difficultés cognitives multiples fréquemment associées à la déficience intellectuelle (Detterman, Gabriel & Ruthsatz, 2000). Toutefois, l’efficacité avec laquelle nous exploitons ces ressources basiques est sous l’influence de différents registres de facteurs :
- les stratégies que nous utilisons pour compenser et contourner les limites de notre architecture cognitive ;
- notre degré de conscience métacognitive qui nous permet de réguler stratégiquement notre fonctionnement en situation de résolution de problème ;
- un ensemble de déterminants affectivomotivationnels qui modulent l’énergie investie au service du fonctionnement cognitif.
26Les travaux conduits dans le champ de la remédiation cognitive signalent que ces trois dimensions constituent des cibles privilégiées dans l’accompagnement du développement cognitif de l’enfant avec TDI (Büchel & Paour, 2005).
Le développement de la personnalité
27Le développement de la personnalité a trait à la représentation que l’enfant élabore de lui-même et aux modalités de sa relation aux autres. Elle est étroitement liée aux compétences sociales et émotionnelles que l’enfant parvient à construire et, dans ce domaine, trois difficultés sont fréquemment observées dans les situations de TDI (Carr & O’Reilly, 2007).
- La première concerne l’autorégulation des émotions. Au cours du développement, l’enfant apprend à moduler l’amplitude et l’expression de certaines émotions afin de préserver la relation à l’autre ; c’est particulièrement le cas des expériences de frustration ou de colère. Parce que les émotions sont des informations complexes à identifier et conceptualiser, leur régulation constitue un enjeu particulier chez l’enfant avec TDI.
- La seconde a trait la compréhension des états mentaux et des états émotionnels d’autrui. Nos comportements sociaux sont en effet sous-tendus et guidés par les inférences que nous réalisons et révisons en permanence concernant la situation subjective de nos interlocuteurs. Cette aptitude interpersonnelle complexe constitue un enjeu particulier pour l’enfant avec TDI.
- Enfin l’abstraction des règles implicites ou explicites qui régissent les interactions sociales et leurs variations suivant les contextes représente une troisième source de difficultés possibles. Il en résulte que l’accompagnement de l’enfant dans la construction de ces habiletés sociales et émotionnelles représente l’un des enjeux importants de la prise en charge psychologique.
28Plusieurs dimensions de la personnalité sont également influencées par l’expérience durable de situations d’échecs et d’exclusion souvent associées aux TDI. Dionne et al. (1999) soulignent ainsi différentes caractéristiques affectant l’attitude des enfants en situations d’apprentissage ou de résolution de problème :
- la fragilité de l’estime de soi et l’anticipation de l’échec,
- la faiblesse de la motivation intrinsèque, de l’investissement et du degré d’exigence,
- un système d’attribution orienté vers des interprétations dispositionnelles,
- des scénarios de vie appauvris ou irréalistes.
29La compréhension et la prise en compte de ces dimensions sont essentielles : comme nous le verrons, elles contribuent à amplifier la construction même du retard de développement intellectuel. La plupart des modèles développementaux – au premier rang desquels le constructivisme piagétien – confèrent un rôle central aux activités exploratoires de l’enfant. Ces dernières sont nourries par une force psychologique puissante qui le pousse à élaborer de nouvelles compétences lui permettant de maîtriser les situations problèmes auxquelles il se confronte (Mac Turk & Morgan, 1995). La préservation et l’enrichissement de ce « moteur » développemental constituent pour Deci (2004) l’axe privilégié de la prise en charge psychologique des TDI. Le modèle intégratif proposé par Paour et articulé autour de la notion de « sous-fonctionnement cognitif chronique » permet de mieux le comprendre.
Le modèle développemental de Paour (1995, 2010)
Comprendre le retard mental implique non seulement d’en connaître les causes initiales mais également la chaîne des relais à travers lesquels elles affectent, en bout de course, le développement intellectuel […] Tout retard mental est en effet – quelle que soit son étiologie – le résultat d’une ontogenèse psychologique (Paour, 1991, p. 11).
Fonctionnement et sous-fonctionnement cognitif
30La conception développée par Paour s’ancre dans la conviction que définir le retard mental ne permet pas en soi de le comprendre. Cette conception échappe alors au glissement tautologique récurrent consistant à expliquer la moindre efficience intellectuelle par un défaut d’intelligence, c’est-à-dire par… son constat5. Non seulement la définition des TDI ne permet pas de les comprendre, mais la connaissance de leurs causes initiales (i. e. les facteurs de risque listés plus haut) est également insuffisante tant qu’elle ne permet pas de saisir la complexité des relais par lesquels, au cours de l’ontogenèse psychologique, le décalage d’efficience se constitue entre l’enfant tout-venant et l’enfant avec TDI. De ce point de vue, le modèle proposé envisage que les modalités du fonctionnement cognitif constituent la cause la plus directe de la formation d’un trouble du développement intellectuel. L’identification de ces caractéristiques de fonctionnement constitue alors un enjeu majeur dans la mesure où elle permet (a) de mieux comprendre comment se construisent les phénomènes de retard et de déficience et (b) de repérer les axes d’intervention prioritaires de la prise en charge psychologique.
31L’un des déterminants du fonctionnement cognitif de l’enfant avec TDI réside dans d’éventuelles limitations des capacités de base du traitement de l’information, au premier rang desquelles les ressources attentionnelles et mnésiques. Ces limitations sont proportionnelles au degré de profondeur du trouble et exercent des contraintes sur le plafond de complexité des raisonnements déployés ou des concepts manipulés. Pour autant, Paour rappelle que ces ressources de base de l’architecture cognitive sont limitées chez chacun d’entre nous et que – pour cette raison – les variations d’efficience intellectuelle trouvent surtout leur origine dans la manière dont nous parvenons à mobiliser efficacement (ou non) ces ressources par essence limitées.
32Or, l’une des caractéristiques centrale du TDI réside précisément dans une forme de « sous-fonctionnement cognitif chronique ». Il s’agit d’une difficulté durable à mobiliser efficacement le potentiel cognitif, quelles qu’en soient par ailleurs les limites. La chronicité du sous-fonctionnement ne fait pas que restreindre la mobilisation des ressources : en amenant l’enfant à éviter les situations d’exercice de son intelligence ou à adopter une attitude passive dans ces contextes, elle limite le bénéfice tiré des occasions d’apprentissage ou de développement et ralentit par conséquent la construction de nouvelles compétences. Le sous-fonctionnement agit alors comme une boucle amplificatrice des difficultés initiales et accentue l’ampleur des retards. Trois concepts sont essentiels à la compréhension du sous-fonctionnement cognitif, de sa genèse et de ses conséquences : celui de contrôle exécutif, de contrôle normatif et d’expérience subjective de maîtrise.
Le contrôle exécutif
33Le concept désigne l’ensemble des processus de régulation de la pensée qui assurent la continuité de l’activité cognitive. Parmi la diversité des mécanismes impliqués, le modèle de Paour met l’accent sur trois principaux points d’impact du sous-fonctionnement :
- en situation de résolution de problème, la prise d’informations initiale est une étape décisive dont la qualité conditionne la suite de la résolution. Le sous-fonctionnement s’y manifeste par la passivité de l’exploration, l’impulsivité cognitive (la réduction du temps consacré à l’inspection des informations disponibles), la dépendance à l’égard du champ perceptif et social, un manque de flexibilité des interprétations ;
- la résolution repose ensuite sur la mobilisation de connaissances. Elle suppose une démarche active de recherche en mémoire à long terme des connaissances utiles (sémantiques, procédurales, stratégiques) et leur ajustement ou transformation pour répondre aux exigences de la situation. À cet égard, le sous-fonctionnement se caractérise par un étayage excessif sur des modalités de réponse connues et familières qui restreint les possibilités d’adaptation aux situations nouvelles, vécues comme déstabilisantes ;
- enfin, le contrôle de la résolution est également marqué par le sous-fonctionnement. La planification (avec élaboration et maintien en mémoire de buts et de sous-buts) est une étape cruciale : non seulement elle guide la résolution mais fournit un cadre d’interprétation aux erreurs potentielles. Or, en raison de ses exigences cognitives (elle suppose un maintien coûteux d’informations en mémoire de travail) et conatives (elle implique de maîtriser la frustration inhérente au fait de différer la réalisation de l’action), les enfants avec TDI ont tendance à faire l’économie de ce contrôle, au profit d’une démarche tâtonnante de type essai-erreur. Cette dernière renforce leur dépendance envers les feed-backs extérieurs et réduit la possibilité de réellement comprendre (par l’interprétation des effets de leurs actions) les systèmes relationnels auxquels ils se confrontent.
Le contrôle normatif
34Au sein du modèle de Paour, ces éléments de contrôle exécutif sont sous la dépendance des paramètres du contrôle « normatif ». Il s’agit d’un ensemble de normes et de valeurs personnelles qui déterminent très directement les ressources énergétiques allouées au contrôle exécutif. Elles incluent « la volonté de traiter l’information plus ou moins bien, plus ou moins longtemps, avec plus ou moins de précautions, avec un plus ou moins grand souci de vérification et d’application dans la réponse, avec un plus ou moins grand intérêt pour ses conséquences » (Paour, 1995, p. 2996).
35Le contrôle normatif détermine l’attitude cognitive de l’enfant et ses objectifs face à une situation problème : comprendre, apprendre, réussir, fuir la situation, faire plaisir ou encore masquer ses difficultés. En cascade, cette attitude détermine les ressources et les efforts engagés (ou non) au service d’un contrôle exécutif rigoureux. L’expérience clinique et nombre de travaux de recherche nous montrent que le fonctionnement des personnes avec TDI se caractérise par la faiblesse de ce contrôle normatif. Elle résulte à la fois d’un déficit motivationnel et de mécanismes de défense ancrés par l’expérience répétée de l’échec. Mais le contrôle normatif varie également en fonction de la qualité de la relation établie avec l’adulte, de la façon dont l’enfant interprète les enjeux de la situation sociale, ce qu’il perçoit et comprend de l’intention de l’adulte qui le confronte au problème et l’accompagne dans sa résolution6. C’est à ce titre que la régularité et la qualité des expériences d’apprentissage médiatisé (Feuerstein & Hoffman, 1995) dont l’enfant bénéficie au cours de son parcours orientent les déterminants du contrôle normatif et sont susceptibles d’infléchir les paramètres « par défaut » de cette attitude cognitive générale.
L’expérience subjective de maîtrise
36Au sein du modèle de Paour, un troisième concept est central pour décrire la qualité du fonctionnement cognitif et ses retentissements. Lorsque l’enfant parvient à mettre pleinement en œuvre ses ressources exécutives et prend conscience de l’effet de ses actions, sous l’influence d’un contrôle normatif autonome favorable ou grâce à la médiation confiante d’un adulte, il entre dans un état particulier : « l’expérience subjective de maîtrise du contrôle cognitif ». La rencontre régulière avec ce type d’expérience optimale (Csikszentmihalyi, 2008) et le plaisir associé à cette qualité de contrôle alimentent l’orientation favorable des différentes dimensions du contrôle normatif. Ce sont en effet ces expériences subjectives qui nourrissent la représentation de soi comme un être agissant, créateur d’inférence et producteur d’idées (Feuerstein, Rand & Sasson, 1993), le sentiment d’efficacité perçue (Bandura, 2003) ou la motivation intrinsèque pour l’exercice même de son intelligence (Haywood & Switzky, 1986).
37Les personnes avec TDI, en raison d’une part de leurs caractéristiques cognitives et conatives, et en raison d’autre part des difficultés que rencontre leur entourage pour les amener à éprouver ce type d’expérience, souffrent d’une réduction de l’expérience de maîtrise (Paour, 1992a). Cette carence constitue – au sein de la conception constructiviste proposée – la cause tout autant que la conséquence des retards de développement intellectuel. Dès lors, l’objectif central de l’accompagnement psychologique des enfants avec TDI apparaît clairement aux professionnels : il s’agit prioritairement d’aménager les contextes qui permettent à l’enfant de vivre de telles expériences de maîtrise. Elles sont nécessaires pour espérer induire une transformation durable des caractéristiques de la personnalité et des mécanismes de défense qui entravent l’expression des potentialités (Paour, Bailleux & Perret, 2009).
38Le modèle de Paour a ainsi inspiré l’élaboration de dispositifs de remédiation cognitive. L’analyse rigoureuse des effets de ces interventions thérapeutiques a contribué à révéler l’existence de réserves développementales chez les enfants avec TDI (Paour, 1992b). Ce faisant, elle atteste de la réalité du sous-fonctionnement cognitif et de sa contribution significative à la construction même du retard. Si cette conception offre un cadre théorique général pour comprendre comment se constitue au cours de l’ontogenèse une situation de trouble du développement intellectuel7, les recherches menées en direction de syndromes spécifiques permettent également de mieux comprendre les particularités du fonctionnement des enfants avec TDI, en fonction des différentes étiologies possibles.
Les apports de l’approche syndromique
39L’étude psychologique de la déficience intellectuelle a été durablement influencée par les travaux pionniers d’Edward Zigler pour qui la population des personnes avec TDI pouvait être envisagée en deux groupes distincts :
- le premier groupe, dont l’origine du retard est décrite comme socioculturelle, est envisagé comme la partie de la population correspondant à la fourchette inférieure de la distribution gaussienne de l’intelligence. Ce premier groupe serait caractérisé par un retard global mais son développement s’opèrerait à la fois selon la même séquence et les mêmes mécanismes que pour les enfants tout-venant.
- le second groupe est constitué de personnes dont la déficience intellectuelle peut être mise en lien avec des phénomènes de nature organique et présenterait des profils de fonctionnement plus spécifiques. À mesure que l’identification des étiologies organiques a progressé (plus de mille causes possibles de TDI sont aujourd’hui recensées), Zigler et ses continuateurs ont suggéré d’affiner l’analyse des phénotypes cognitifs et comportementaux associés aux différents syndromes.
40La connaissance des caractéristiques cliniques associées aux principaux syndromes permet aux familles et aux équipes qui prennent en charge ces enfants d’anticiper les probables difficultés qui seront rencontrées, de se projeter de façon réaliste dans un projet de vie, d’ajuster les interventions éducatives en tenant compte des travaux de recherche et des témoignages fournis par d’autres équipes, d’identifier les forces et les ressources inhérentes à chacun de ces profils. Afin d’illustrer les apports de cette approche, nous présenterons ici les grandes lignes des tableaux associés à quelques-uns des syndromes d’origine génétique les plus fréquemment rencontrés8 ; on pourra se reporter aux ouvrages de Howlin et Udwin (2002), ou Carlier et Ayoun (2007) pour une présentation plus exhaustive des connaissances disponibles9.
La trisomie 21
41La trisomie 21 (ou syndrome de Down) est associée à la présence d’un chromosome 21 surnuméraire. Avec une fréquence estimée entre 1 naissance sur 700 et 1 naissance sur 1000, c’est un des syndromes les plus fréquemment rencontrés. La personnalité des personnes présentant un syndrome de Down est régulièrement décrite comme particulièrement amicale, avec un intérêt marqué pour les interactions sociales et l’expression d’affects positifs. La déficience intellectuelle habituellement associée au syndrome est de nature modérée à sévère. La performance dans les tâches de raisonnement visuospatial est supérieure à celle observée dans les tâches impliquant la manipulation du langage. Les personnes qui présentent un syndrome de Down rencontrent en effet des difficultés plus marquées dans le langage expressif et la maîtrise de la grammaire de la langue. Les difficultés psychologiques les plus fréquemment associées sont des comportements d’opposition, des troubles de l’attention avec hyperactivité et des troubles anxieux.
Le syndrome de l’X fragile
42Il s’agit du second syndrome le plus commun. Il touche surtout les garçons (une naissance sur 4000 à 6000) mais peut également être présent chez les filles, bien que plus rarement. Le syndrome résulte d’une expansion du nombre de trinucléotides CGC du gène FMR1 sur le chromosome X. Chez les filles, l’expression de la mutation est extrêmement variable suivant le profil de désactivation des deux chromosomes X. Ce syndrome est le plus souvent associé à une déficience intellectuelle de profondeur moyenne. On observe fréquemment un délai dans l’acquisition du langage durant la petite enfance. Le raisonnement et la mémoire de travail visuospatiale sont particulièrement affectés. En revanche l’imitation et la récupération d’informations en MLT représentent des atouts, de même qu’un fonctionnement relationnel privilégié avec les personnes familières. L’inattention et l’hyperactivité constituent des caractéristiques fréquemment associées, ce qui concourt à un fort taux de diagnostic de TDAH durant l’enfance. Le caractère répétitif de certains comportements (comme des mouvements stéréotypés des mains ou des automatismes vocaux) conduit souvent à évoquer des symptômes autistiques mais les liens entre autisme et syndrome de l’X fragile restent très débattus. Pour certains auteurs (e. g. Cohen, 1995), ces symptômes pourraient résulter d’une importante anxiété sociale alimentée par une intense réactivité sensorielle, y compris aux stimuli sociaux.
Le syndrome de Prader-Willi
43Ce syndrome correspond à différentes anomalies moléculaires d’une région du chromosome 15 paternel, la délétion étant le cas le plus fréquent. Il touche entre 1 sur 10000 et 1 sur 15000 naissances. La petite enfance est marquée par une hypotonie sévère, un délai dans les acquisitions sensori-motrices et langagières, des difficultés d’alimentation et un retard staturopondéral. Dans une seconde phase du développement (vers l’âge de 2 ans en moyenne) apparaît une hyperphagie qui peut être mise en lien avec une altération des mécanismes habituels de satiété. Une obésité importante peut alors se développer en l’absence de prévention précoce. La déficience intellectuelle associée est de légère à modérée. Le profil cognitif est caractérisé par des compétences préservées dans le domaine visuospatial, qui se manifestent particulièrement sur les épreuves de construction. On observe comparativement une faiblesse de la mémoire de travail auditive et du raisonnement séquentiel. Sur le plan de la personnalité, la préoccupation envahissante pour la nourriture peut s’étendre à d’autres domaines d’activités stéréotypées et le comportement général peut ainsi prendre des formes obsessionnelles. Une importante irritabilité avec de fréquents épisodes de colère sont également relevés.
Le syndrome d’Angelman
44À l’instar du syndrome précédent, le syndrome d’Angelman résulte de différentes anomalies moléculaires de la même région du chromosome 15, maternel cette fois. Sa fréquence est comparable. La déficience intellectuelle associée est plus marquée et les limitations du développement du langage sont sévères, en raison également d’une apraxie oromotrice : l’expression reste limitée à quelques mots mal articulés ou syllabes signifiantes mais la compréhension est meilleure. En regard de ces difficultés intellectuelles, le tempérament est décrit comme particulièrement joyeux, souriant, rieur, avec peu de retrait social. L’hyperactivité et les troubles du sommeil sont fréquemment associés ; on relève également une attirance particulière pour l’eau, la musique et les surfaces réfléchissantes.
Le syndrome de Smith-Magenis
45Le syndrome trouve son origine dans une délétion sur le chromosome 17 et touche environ une naissance sur 25000. Il est associé à de fréquentes pertes de sensibilité sensorielle : l’audition peut être affectée par des infections de l’oreille récurrentes, la vision restreinte par la myopie, la perception de la douleur et de la température peuvent être diminuées. La déficience intellectuelle associée au syndrome est majoritairement de profondeur modérée. Le retard de langage engendre un décalage persistant entre les capacités expressives et les capacités de compréhension qui sont plus importantes. Le profil cognitif est caractérisé par la faiblesse du traitement séquentiel de l’information et de la mémoire de travail, mais également par une mémoire à long terme plus efficiente et une bonne ouverture à l’environnement. De nombreux enfants atteints de ce syndrome présentent des troubles de l’attention (impulsivité, distractibilité) avec hyperactivité. Les troubles du sommeil associés à ce syndrome sont quasi-constants et spécifiques : ils correspondent à une inversion de la sécrétion de mélatonine. Des comportements de type autistique (focalisation de l’intérêt, résistance au changement) invitent les équipes à aménager un environnement hautement régulier et structuré et à accompagner l’enfant dans l’anticipation des situations qui risquent de générer des comportements d’auto agression. Ces derniers sont en effet renforcés par les caractéristiques du profil sensoriel et la faible perception de la douleur.
Le syndrome de Williams
46Il résulte d’une délétion sur le chromosome 7 et sa fréquence est comparable à celle du syndrome précédent. Le profil sensoriel est souvent caractérisé par une hypersensibilité acoustique. La déficience intellectuelle varie de légère à sévère mais le syndrome de Williams est surtout associé à un profil cognitif caractéristique au sein duquel de surprenantes habiletés langagières coexistent avec d’importantes limitations des capacités visuospatiales et motrices. Au plan des compétences langagières, la compréhension et les habiletés pragmatiques (relatives à l’utilisation sociale du langage) sont plus restreintes que ne le laisse penser l’aisance expressive et la richesse du vocabulaire. Les personnes touchées par ce syndrome présentent en outre une sociabilité désinhibée et peu discriminative. Le profil de personnalité se caractérise également par des tendances anxieuses et obsessionnelles avec d’intenses préoccupations qui les conduisent à rechercher fréquemment la réassurance.
La notion de phénotype comportemental et cognitif dans l’approche syndromique
47Les tableaux génériques brossés ici à titre d’illustration ne doivent pas conduire à sous-estimer l’importante variabilité interindividuelle au sein de chaque syndrome. La notion de « phénotype comportemental et cognitif » telle qu’elle est utilisée dans cette approche des TDI d’origine génétique peut être entendue dans une acception probabiliste. Dykens (1995) la définit comme « la probabilité augmentée que les personnes avec un syndrome donné présentent certaines caractéristiques développementales et comportementales en comparaison des personnes qui ne présentent pas ce syndrome » (p. 523). Hodapp et Burack (2006) envisagent quatre principales implications à cette conception. :
- premièrement, la plupart des personnes touchées par le syndrome présentent ces caractéristiques, mais pas toutes. Par exemple, alors que la trisomie 21 est fréquemment associée à d’importantes limitations des productions grammaticales, Rondal (1995, cité par Hodapp & Burack, 2006) rapporte plusieurs cas de patientes en mesure de prononcer des phrases étonnamment longues et complexes.
- la deuxième implication concerne la spécificité des caractéristiques du profil : certaines caractéristiques peuvent être spécifiques d’un syndrome donné et présentes exclusivement dans ce syndrome (c’est le cas par exemple de l’hyperphagie associée au syndrome de Prader-Willi). Cependant le cas le plus fréquent est celui d’une spécificité partielle : par exemple, on observe plus d’hyperactivité chez les enfants avec TDI que chez les enfants tout-venant, et la prévalence est encore plus fréquente chez les garçons qui présentent un syndrome d’X fragile.
- troisièmement, le phénotype associé à un syndrome ne caractérise pas un comportement isolé : il exprime un pattern de forces et de faiblesses relatives, de comportements problématiques et de ressources potentielles. Comme nous l’avons vu plus haut, le syndrome de Williams associe par exemple d’importantes faiblesses de la cognition spatiale à des capacités langagières de bon niveau.
- la quatrième implication est que les phénotypes ne constituent pas l’expression directe du génotype mais celle d’un ensemble de processus développementaux et transactionnels influencés par des contraintes génétiques initiales. Par exemple, Rosner et al. (2004) ont étudié les activités de loisirs d’enfants en fonction de l’étiologie principale de leur TDI : ils observent que 50 % des enfants porteurs d’un syndrome de Prader-Willi jouent régulièrement avec des puzzles – en cohérence avec ce que l’on sait de leurs aptitudes visuospatiales – alors que cette proportion tombe à 2 % chez les enfants porteurs du syndrome Williams. Par ailleurs, Ly et Hodapp (2005) montrent que la façon dont les parents de ces enfants accompagnent l’activité de réalisation de puzzle varie en fonction du syndrome de l’enfant et que ces parents offrent donc – dans des contextes d’activité spécifiques
- des expériences d’apprentissage médiatisé différentes à partir de ce qu’ils savent, perçoivent, interprètent des forces ou des difficultés de leur enfant.
48Il est donc probable que, dans ces syndromes comme chez tout enfant en devenir, une part des phénotypes observés résulte de processus transactionnels et d’effets développementaux en cascade (Karmiloff-Smith, 2003) qui ouvrent d’importants champs d’action aux professionnels qui accompagnent ces enfants (Sellinger & Hodapp, 2005).
L’accompagnement au cours du développement
L’accompagnement des parents d’enfants avec TDI
49Les parents des enfants qui présentent un TDI font face à des enjeux universels partagés par tous les parents (assurer la socialisation de leur enfant, étayer leur développement, suivre leur scolarité, accompagner la transition de l’adolescence vers la vie adulte, etc) mais ils font également face à des enjeux spécifiques (Hodapp & Burack, 2006) :
- intégrer les remaniements représentationnels et émotionnels associés à l’annonce du handicap de leur enfant ;
- apprendre à connaître et à découvrir les spécificités de son fonctionnement, l’ampleur de ses difficultés et de ses possibilités (lesquelles sont perpétuellement réajustées au fil du développement) ;
- comprendre les nombreux systèmes d’aide et d’aménagements institutionnels possibles ;
- collaborer et communiquer à cette occasion avec de multiples interlocuteurs ;
- faire face à une organisation quotidienne plus lourde que dans la plupart des autres familles.
50La multiplicité de ces enjeux affecte le bien-être parental par son incidence sur la fatigue ressentie, la préoccupation quotidienne et l’inquiétude de la projection dans l’avenir, les difficultés financières, etc. Dans les études qui explorent les besoins exprimés par les parents (Heiman, 2002), trois principales demandes émergent : (a) le besoin d’informations sur les services d’aide et d’accompagnement dont ils pourraient bénéficier, (b) le besoin d’informations sur le développement de leur enfant et la façon dont ils peuvent le promouvoir, (c) la demande d’aide dans l’élaboration de stratégies pour faire face aux difficultés quotidiennes souvent associées aux TDI (sommeil, alimentation, comportements difficiles). Au-delà de ces apports indispensables, les psychologues accompagnent la relation parent-enfant qui s’élabore en aidant à mettre au jour les croyances et les attributions implicites des parents concernant les comportements et les besoins de l’enfant, leurs attentes, leurs espoirs et leurs déceptions. Ce travail favorise l’ajustement parental et l’interprétation sensible des signaux de l’enfant sur la base d’attentes appropriées à son niveau de développement (Blacher, Feinfield & Kraemer, 2007).
51Dans le cas des familles de plusieurs enfants, l’incidence du TDI de l’un d’entre eux sur le développement des frères et sœurs constitue également une fréquente source de préoccupation. On a en effet pu faire l’hypothèse qu’à travers son influence sur le niveau de stress familial et la réduction de la disponibilité parentale, le TDI d’un enfant pouvait constituer un facteur de risque pour le développement psychologique de la fratrie. Une recension des études par Summers, White et Summers (1994) met en lumière des résultats contradictoires : si l’on retrouve bien une légère augmentation de la susceptibilité à l’anxiété, on observe également des effets positifs sur les compétences sociales dont ils témoignent. En grandissant, les frères et sœurs peuvent investir progressivement un rôle d’accompagnant et d’aidant. Cette implication de la fratrie constitue une source de réassurance pour les parents dans la mesure où le devenir de leur enfant handicapé lorsqu’eux-mêmes auront disparu constitue l’une de leurs préoccupations centrales.
L’éducation et la scolarité des enfants avec TDI
52Les premières réflexions sur l’éducation des enfants avec TDI datent des efforts engagés par un médecin français – Jean Itar – dans la prise en charge de Victor, un enfant sauvage retrouvé aux abords d’une forêt de l’Aveyron, et consignés dans un ouvrage paru en 1801. L’un des disciples d’Itard – Édouard Seguin – est pour sa part reconnu comme un pionnier dans l’élaboration d’une approche institutionnelle dans l’éducation des enfants avec TDI. Cette approche, fondée sur la création d’établissements spécialisés dans l’accueil de groupes d’enfants présentant des troubles du développement intellectuel, a longtemps prévalu. En France, les instituts médico-éducatifs (IME) sont les établissements spécialisés dans l’accueil de ces enfants et adolescents.
53Cette approche est aujourd’hui complétée par un mouvement d’éducation dite « inclusive » qui consiste à réfléchir aux conditions permettant aux enfants de poursuivre un cursus scolaire dans un environnement classique avec d’autres enfants tout-venant. En France, la loi du 11 février 2005 favorise l’intégration des enfants dans des classes ordinaires ou dans des classes spécialisées : les Classes pour l’inclusion scolaire (CLIS 1) dans le cadre de l’école primaire et les Unités localisées pour l’Inclusion Scolaire (ULIS) dans le cadre des collèges et lycées. C’est la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui propose l’orientation de l’enfant dans un établissement, une classe ou une école, dans le cadre d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS).
54Le mouvement de l’éducation inclusive est encouragé par les résultats d’un ensemble d’études montrant que les enfants peuvent tirer bénéfice d’un parcours en milieu ordinaire en termes d’acquisitions scolaires mais également de compétences sociales. Il convient cependant de noter que les dispositifs bénéficiant d’évaluations favorables ne se contentent pas d’intégrer les enfants dans des classes ordinaires : ils y transposent des principes d’éducation spécialisée, avec des objectifs et des moyens propres à assurer la progression de l’enfant (Nakken & Pilj, 2002). L’inclusion suppose donc une modification des conditions habituelles de transmission du savoir scolaire. On sait par exemple que le format d’enseignement dans lequel une leçon adressée formellement à l’ensemble de la classe précède une suite d’exercices individuels, constitue le format qui pose le plus de difficultés aux élèves avec TDI par ses exigences en termes d’attention continue, d’autonomie dans l’élaboration des stratégies et par ses risques de passivité dans le traitement des informations. L’accueil d’enfants avec TDI dans une classe suppose donc une grande flexibilité dans les modalités de travail avec et entre les élèves, dont bénéficient d’ailleurs l’ensemble des enfants lorsque les conditions matérielles et pédagogiques de cette flexibilité sont réunies.
55Quel que soit le contexte institutionnel, et outre ces nécessaires adaptations dans l’organisation même de la classe, l’accueil des enfants avec TDI requiert également un ajustement des programmes d’enseignement. Cet ajustement peut prendre la forme d’un allègement permettant de tenir compte des limites conceptuelles et de fixer les priorités d’acquisition. Il peut aussi prendre la forme d’un enrichissement du programme en direction de compétences significatives pour l’adaptation sociale ultérieure ou de compétences métacognitives que la plupart des élèves développent de manière autonome mais qui doivent faire l’objet d’un enseignement explicite pour l’élève avec TDI (Chatelanat & Pelgrims, 2003 pour une réflexion approfondie sur les contextes et les pratiques d’inclusion scolaire).
Les enjeux de l’adolescence
56L’adolescence se caractérise par une aspiration de plus en plus forte à l’émancipation et à l’indépendance, qui s’exprime également chez les adolescents avec TDI même si la période durant laquelle elle s’épanouit est plus étalée dans le temps et si son ampleur varie avec la profondeur du TDI (Perron, 2004). Cette aspiration constitue une problématique centrale dans la mesure où la déficience intellectuelle est associée – par définition – à une limitation des ressources adaptatives qui compromet le sentiment d’autonomie et d’autodétermination. Nombre d’aptitudes à la vie autonome se mettent en place chez l’adolescent tout-venant par des formes d’apprentissages incidents basés sur l’expérience mais requièrent dans les situations de TDI une réflexion approfondie des professionnels ; c’est le cas par exemple des questions qui entourent l’éducation à la sexualité (Valenti-Hein & Choinski, 2007).
57Les psychologues qui accompagnent les adolescents avec TDI leur offrent – par un suivi régulier – un espace d’expression et d’élaboration des remaniements identitaires et relationnels qui s’opèrent durant cette période. Ils sont également sensibles aux tâches de développement qui attendent ces adolescents dans la conquête toujours fragile de leur autonomie. Ils réfléchissent donc avec les jeunes, les équipes qui les encadrent et leurs familles aux contextes favorisant le développement de compétences sociales décisives. Certaines ont trait à la gestion de la vie quotidienne : prendre soin de soi, repérer les situations de danger, apprendre à cuisiner, à gérer un budget, etc. D’autres, plus complexes et subtiles, ont trait aux habiletés relationnelles et communicatives qui conditionnent pour beaucoup les opportunités de relations interpersonnelles à venir et les possibilités d’insertion dans un environnement professionnel : parvenir à se présenter, à initier et interrompre un échange, à identifier et exprimer ses états émotionnels, à reconnaître une incompréhension et demander des explications, à témoigner de l’intérêt et de l’empathie en faisant des hypothèses sur l’état émotionnel d’autrui, à refuser des requêtes inopportunes10, etc. Là encore, nombre de ces compétences sociales qui s’affinent spontanément chez l’enfant tout-venant sous l’effet des expériences relationnelles successives doivent chez les adolescents avec TDI faire l’objet d’un travail d’explicitation au service de leur autonomie future (Parmenter, Harman, Yazbeck & Riches, 2007).
L’âge adulte
58Pendant longtemps le processus d’orientation des personnes présentant des TDI a été guidé par un questionnement prenant les services disponibles comme point de départ : compte tenu des institutions qui existent et de l’évaluation du niveau de difficultés de la personne, quelle orientation apparaît la plus cohérente ? Une approche « centrée sur la personne » est cependant de plus en plus mise en œuvre. Cette approche renvoie à une forme de renversement des perspectives dans la façon dont les professionnels réfléchissent et conçoivent l’accompagnement des personnes avec TDI (Coyle, 2007). L’approche centrée sur la personne consiste à placer au cœur des préoccupations prioritaires des équipes la qualité de vie et la promotion du sentiment d’autodétermination : celui d’avoir prise sur le déroulement de son existence et de participer activement à l’élaboration de son projet de vie. Pour les psychologues, cette approche suppose la conduite d’entretiens réguliers avec la personne, orientés vers la mise au jour de ses souhaits, de ses projets, de ses aspirations profondes en termes de contexte de vie, d’apprentissage, de loisirs, d’activité professionnelle. Il ne s’agit pas là seulement de lui donner le sentiment d’être écouté, mais de reconnaître pleinement la légitimité de ces aspirations et de les intégrer comme le point de départ de la réflexion collective sur le projet de vie.
59Les équipes qui travaillent dans cette dynamique s’attachent alors (a) à créer des opportunités d’expérience (stages, séjours d’essai) qui permettent à la personne d’ajuster ses représentations initiales, (b) à créer des réseaux de personnes ressources (dans les environnements professionnels, dans les associations de loisir) susceptibles d’accompagner ces expériences, (c) à identifier les compétences à développer chez la personne et les aménagements à introduire sur les lieux de travail ou de loisir, (d) à définir les étapes intermédiaires d’une intégration possible, qui offrent une direction collective de travail et les bases d’un projet qui s’organise dans le temps.
60Cette approche met alors en avant les possibilités d’évolution de la personne et véhicule une conception des ressources adaptatives et de l’intelligence non pas comme des caractéristiques intrinsèques définitives mais comme des systèmes dynamiques, ouverts sur l’expérience, et qui continuent de se développer tout au long de la vie (Feuerstein, Rand & Sasson, 1993). Il ne s’agit pas ici de nier l’existence de limites, ni de considérer que tous les projets de vie sont réalisables, mais de concevoir que – quelle que soit la profondeur du TDI – il est toujours possible d’œuvrer au développement d’une plus grande autonomie de la personne, fût-ce avec des objectifs modestes, et de l’amener à prendre une part de plus en plus active aux choix qui président à son parcours. En France, le recours au concept de « Projet individualisé d’accompagnement » dans la plupart des dispositifs d’accueil des personnes avec TDI constitue l’expression des efforts engagés dans cette direction.
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Notes de bas de page
1 Je remercie Caroline RAMBAUD, dont la réflexion sur les pratiques d’accompagnement des enfants avec TDI et de leur famille a grandement nourri ce texte.
2 Le terme de trouble du développement intellectuel (TDI) sera retenu dans ce chapitre pour plusieurs raisons : (1) C’est le terme désormais utilisé par la classification internationale la plus courante. (2) La langue française permet difficilement d’exprimer la notion d’« intellectual disability » proposée par l’AAIDD : les concepts de « déficience » (deficiency) ou d’« incapacité » (unability) n’en constituent que des traductions imparfaites. (3) Le concept de TDI préserve l’hypothèse qu’au plan psychologique, le trouble se caractérise simultanément par des phénomènes de retard et de déficit (Paour, 1995).
3 L’ordre des facteurs dans la liste ci-dessus reflète l’importance de leur saturation en facteur général.
4 La cinquième édition du DSM envisage de restreindre la classification à trois degrés de sévérité (léger, modéré, sévère), sans référence directe aux niveaux de QI.
5 Notons que ce raisonnement circulaire repéré par Paour dans le cas des TDI, continue régulièrement de se manifester dans les conceptions contemporaines des phénomènes psychopathologiques. Ainsi, il n’est pas rare de considérer qu’un enfant présente des difficultés attentionnelles parce qu’il souffre d’un trouble déficitaire de l’attention, alors même que c’est précisément la présence de ces difficultés qui a conduit à établir le diagnostic de TDAH. Ceci laisse parfaitement entière et ouverte la question complexe des processus développementaux qui ont conduit l’enfant à manifester ces carences dans la régulation de son attention et de son comportement (Sroufe, 2009).
6 C’est pourquoi, comme le soulignent de longue date les théoriciens de l’évaluation dynamique, les pratiques d’évaluation psychométrique standardisées, en restreignant la quantité et la qualité des interactions avec le psychologue s’avèrent souvent insuffisantes pour autoriser la manifestation (et donc l’évaluation) des compétences cognitives réelles de l’enfant.
7 Si ce modèle a été guidé par l’ambition de comprendre les TDI à la lumière de la chronicité du sous-fonctionnement, l’analyse originale et intégrative qu’il propose du fonctionnement cognitif dans son ensemble constitue un cadre pertinent pour comprendre d’autres formes de trajectoires développementales en dehors du champ des TDI.
8 Je remercie le Dr. M-O. Livet pour sa relecture attentive.
9 Les phénotypes comportementaux et les fréquences rapportés ici sont fondés sur la recension proposée par Udwin et Kuczynski en 2007.
10 Le risque d’abus sexuel est accru chez les enfants et adolescents avec TDI (Tharinger, Horton, & Millea, 1990).
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Psychologie et handicap
Ce livre est cité par
- Rannou, Pauline. (2021) L’évolution des modèles internationaux du handicap dans la prise en compte de la surdité comme particularisme social. Alterstice: Revue internationale de la recherche interculturelle, 10. DOI: 10.7202/1084910ar
Ce chapitre est cité par
- Iralde, Lydie. Roy, Arnaud. Detroy, Juliette. Allain, Philippe. (2020) A Representational Approach to Executive Function Impairments in Young Adults with Down Syndrome. Developmental Neuropsychology, 45. DOI: 10.1080/87565641.2020.1797043
Psychologie et handicap
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