Avant-propos
Vers une approche intégrée du handicap
p. 5-6
Texte intégral
1Les psychologues parlent souvent de handicap, peut-être même plus souvent qu’ils ne veulent l’admettre. C’est le premier thème choisi par le comité éditorial de la collection « Société et Psychologie » des Presses Universitaires de Provence. Ce thème du handicap, fédérateur, a été accueilli avec entrain et intérêt par les contributeurs sollicités ainsi que par tous les experts contactés pour travailler sur les textes. Pour autant, chacun désigne sous ce terme des contenus différents en fonction de sa discipline, mais également en fonction de sa personne. Le présent ouvrage en est l’illustration.
2Le terme de handicap a principalement deux acceptions dans le langage commun. Il désigne soit la personne et l’origine de ses difficultés (handicapé mental, handicap moteur…), soit la situation dans laquelle un individu rencontre des limitations ou des difficultés (handicapé pour conduire, pour créer des relations sociales). Les définitions les plus récentes et les textes de loi sur le handicap incitent à privilégier l’utilisation du terme de handicap pour décrire les limitations rencontrées par la personne dans la réalisation de ses activités habituelles, soit la seconde signification. L’origine des difficultés, ou du handicap, est désignée par le terme de déficience ou d’altération de fonction (altération motrice, cognitive, sensorielle…). Il est intéressant de noter que diverses associations, institutions ou documents légaux utilisent fréquemment cette signification. On parle ainsi des cinq principaux types de handicap que sont le handicap mental, le handicap moteur, le handicap visuel, le handicap auditif et le handicap psychique, auxquels sont parfois associés des logos spécifiques. Enfin, la circulaire du 5 août 20111 relative à l’accueil réservé aux personnes handicapées au sein des établissements supérieurs est un bon exemple d’utilisation conjointe des deux acceptions, mentionnant sur la même page à la fois les candidats déficients auditifs et les candidats handicapés auditifs (p. 8).
3Si ces deux significations sont présentes dans le langage courant, elles obscurcissent néanmoins le tableau en regroupant sous un même terme des significations différentes (Rossignol, 2010). C’est dans une perspective d’éclaircissement qu’a été construite la première partie du présent ouvrage. Les différents chapitres contribuent à une meilleure compréhension du passage progressif du trouble ou de la déficience vers le handicap. La psychologie est une discipline riche qui dispose des outils conceptuels et théoriques permettant d’identifier et d’appréhender ces mécanismes.
4Le premier chapitre est intégralement consacré au concept de handicap : il développe les définitions et les classifications pour clarifier l’utilisation de ce terme dans le champ de la psychologie (Marianne Jover). Les deux chapitres suivant illustrent l’avancée de la recherche en psychologie et ainsi améliorent notre compréhension des dysfonctionnements présents dans le trouble du développement intellectuel (Patrick Perret) ou dans la schizophrénie (Fabrice Guillaume) et permettent de mieux identifier les handicaps susceptibles d’en résulter. Mais les troubles et déficiences ne constituent pas les seuls déterminants du handicap. Celui-ci peut varier considérablement d’une personne à l’autre, y compris lorsqu’il est lié à une même origine ou une même pathologie. La psychologie clinique montre bien que les difficultés identifiées et/ou ressenties par la personne contribuent aussi pour une très grande part à la situation de handicap (Vincent Bréjard et Jean-Louis Pédinielli). Par ailleurs, l’environnement social participe au développement ou au maintien d’une situation de handicap comme le démontre l’approche des représentations sociales (Thémis Apostolidis et Lionel Dany). Ainsi, cette première partie de l’ouvrage montre la pertinence d’une approche du handicap, résultant de l’action conjointe de mécanismes internes et externes au sujet.
5La seconde partie de l’ouvrage est destinée à rendre compte des pratiques mises en place par les psychologues pour agir sur le handicap. Le psychologue se situe à l’interface entre la déficience et le handicap, entre ce qui appartient au sujet et ce qui s’actualise dans ses activités quotidiennes et sa participation sociale. Son action, en réponse à la première partie de l’ouvrage, peut se lire à différents niveaux. L’approche du psychologue peut se fonder sur la connaissance des processus dysfonctionnels afin de mettre en place des techniques d’apprentissage ou de remédiation adaptées à la déficience ou au trouble (Mathilde Muneaux, Stéphanie Ducrot et Mireille Bastien-Toniazzo). L’action du psychologue peut également se développer sur l’environnement social ou physique dans lequel la personne atteinte d’une déficience se trouve en situation de handicap. Le psychologue peut ainsi contribuer à transformer les représentations sociales et permet sans aucun doute de faciliter l’adaptation des personnes, et ceci quelle que soit la nature de ses déficiences (Anne Reinert). Le psychologue peut aussi centrer son action sur l’environnement matériel de la personne en situation de handicap. Dans le cadre scolaire ou professionnel, l’approche ergonomique a permis de développer des outils d’intervention et d’adaptation de l’environnement dont l’objectif est très directement de limiter la situation de handicap chez des personnes présentant des déficiences (Nathalie Bonnardel, Édith Galy-Marié et Patrice Petitjean). Ces pratiques, si elles trouvent l’appui des politiques publiques, se trouvent parfois en conflit avec celles-ci. Un équilibre complexe se crée entre les dispositifs mis en place et les pratiques des psychologues, qui dans certains cas peuvent voir leur travail compliqué (Jean-Michel Leperlier). Enfin, le handicap n’est pas spécifique des problèmes de santé. Le dernier chapitre de cet ouvrage montre, à partir de cas issus du contexte de l’incarcération, que la société produit aussi du handicap sans pour autant que la santé en soit forcément l’origine (Charles Balhouane).
6La synthèse de ces contributions est réalisée dans une postface qui souligne l’intérêt de mettre l’accent sur la notion d’adaptation/inadaptation et qui rend bien compte, pour le psychologue, de la contribution des facteurs internes et externes à l’établissement d’une situation de handicap. Un déficit, une incapacité, un préjudice social constituent clairement des handicaps pour l’adaptation sans préjuger de l’impact social ni servir à désigner la personne (Jean-Louis Paour). Ces différents chapitres permettent en définitive, au travers des angles que chacun aborde, de donner du volume au concept de handicap à défaut d’en fournir une définition consensuelle et véritablement opérationnelle.
Notes de bas de page
1 http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2011/09/cir_33737.pdf
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Psychologie et handicap
Ce livre est cité par
- Rannou, Pauline. (2021) L’évolution des modèles internationaux du handicap dans la prise en compte de la surdité comme particularisme social. Alterstice: Revue internationale de la recherche interculturelle, 10. DOI: 10.7202/1084910ar
Psychologie et handicap
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