Étude de la structure factorielle de la WISC III, de la WISC 4 et de la K.ABC chez des enfants « en grande difficulté scolaire »
p. 271-275
Texte intégral
Introduction
1Par rapport aux « Wechsler » précédents, la WISC IV représente une profonde rupture. L’approche factorielle explicitement adoptée dans la version IV de l’épreuve se veut plus en phase avec les conceptions théoriques contemporaines de l’intelligence, et tout particulièrement avec le modèle CHC. Si la WISC IV autorise toujours le calcul d’un QI total, les échelles performance et verbale qui permettaient précédemment de le calculer ont disparu, laissant place à quatre indices factoriels (mémoire de travail, compréhension verbale, vitesse de traitement et raisonnement perceptif). La nouvelle version de l’épreuve vise ainsi à être plus informative pour le praticien en le renseignant sur quatre indices plutôt que sur deux domaines. Dans les manuels des tests, les étalonnages font toujours état de la prise en compte dans la population de référence d’une proportion variable de sujets dont les performances s’écartent sensiblement de la moyenne (dans une distribution « normale » de la population, environ 2,3 % des sujets se situent à plus de deux écarts types de la moyenne). Au-delà de l’intégration dans l’étalonnage des tests d’une proportion équivalente à la distribution théorique de ces sujets « atypiques2 », on ne trouve pas d’étalonnage qui leur soit spécifiquement dédié. Pour autant, la question de la stabilité de la structure factorielle avec des sujets « atypiques » mérite d’être posée, tout particulièrement chez des sujets aux performances cognitives faibles. Le fonctionnement cognitif particulier parfois identifié chez des sujets « déficients intellectuels » (Guédon et Vom Hofe, 2005) permet d’envisager que certaines épreuves sollicitant tel processus mental chez des sujets « tout venant » pourraient en solliciter d’autres chez des sujets « atypiques ». Dès lors l’organisation factorielle des épreuves pourrait en être sensiblement modifiée. En considérant que les outils les plus utilisés pour évaluer l’intelligence et participer à des propositions d’orientation, sont les WISC III et IV ainsi que la K.ABC, l’examen de la stabilité de l’organisation des variables mesurées par ces outils avec des sujets « atypiques » est une question d’importance.
2La présente étude vise précisément une population d’enfants aux performances cognitives a priori faibles et se propose de tester avec eux la stabilité de la structure factorielle annoncée de la WISC IV et de passer au même filtre la K.ABC et la WISC III.
Méthode
3Une passation des K.ABC, WISC III et WISC IV a été proposée en ordre aléatoire sur trois ans à un échantillon de 53 enfants (19 filles et 34 garçons) scolarisés en zone urbaine et considérés par leurs enseignants comme étant en « grande difficulté scolaire ». Leurs âges s’échelonnent de 7 ans 3 mois à 11 ans 2 mois. Leurs scores composites moyens sont : PMC (K.ABC) = 80 ; QIT (WISC III) = 68 ; QIT (WISC IV) = 65. Pour la K.ABC, seules les échelles des sous-tests « mentaux » ont été retenues puisque notre objectif ne vise pas l’évaluation des connaissances. Pour les tests de Wechsler, tous les sous-tests obligatoires ont été passés.
Résultats et discussion
4Mener une analyse factorielle pré-suppose des intercorrélations entre les variables observées. Avec les scores obtenus par les sujets de notre échantillon, les variables de la K.ABC sont toutes significativement intercorrélées avec un coefficient moyen de 0,55. Celles de la WISC III présentent 33 intercorrélations significatives sur 45 avec un coefficient moyen de 0,47. Celles de la WISC IV présentent 25 intercorrélations significatives sur 45 avec un coefficient moyen de 0,31. L’indice de Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) respectivement à 0,85 0,82 et 0,77 et le test de Bartlett significatif à p < 0,01 confirment la possibilité de rechercher une structure factorielle avec ces variables.
5Les analyses factorielles en composantes principales respectant le critère classique de Kaiser-Guttman (valeurs propres supérieures à 1) révèlent une structure à deux facteurs pour la K.ABC (Tableau 1) comme pour la WISC III (Tableau 2). Dans ces mêmes conditions, pour la WISC IV, l’analyse n’a pas permis d’extraire quatre facteurs. Une solution à trois facteurs a été écartée en raison de la saturation en troisième facteur du seul sous-test de code. Une solution à deux facteurs a donc été retenue (Tableau 3).
Tableau 1. Structure factorielle de la K.ABC (avec rotation Varimax) dans cette étude et structure prévue initialement par le test
K.ABC | Facteur 1 | Facteur 2 | Processus simultanés | Processus séquentiels |
Mouvements de main | 0,55 | X | ||
Reconnaissance de formes | 0,74 | X | ||
Mémoire des chiffres | 0,91 | X | ||
Triangles | 0,82 | X | ||
Suite de mots | 0,82 | X | ||
Matrices analogiques | 0,62 | X | ||
Mémoire spatiale | 0,69 | X | ||
Séries de photos | 0,80 | X | ||
Variance expliquée | 30,51 % | 22,34 % |
6Dans le cas de la K.ABC, l’organisation factorielle observée recouvre exactement la dichotomie prévue par le test entre processus séquentiels et processus simultanés.
Tableau 2. Structure factorielle de la WISC III (avec rotation Varimax) dans cette étude et structure prévue initialement par le test
WISC III | Facteur 1 | Facteur 2 | Échelle verbale | Échelle performance |
Complètement d’images | 0,59 | X | ||
Information | 0,65 | X | ||
Code | 0,75 | X | ||
Similitudes | 0,80 | X | ||
Arrangement d’images | 0,56 | X | ||
Arithmétique | 0,72 | X | ||
Cubes | 0,67 | X | ||
Vocabulaire | 0,80 | X | ||
Assemblage d’objets | 0,78 | X | ||
Compréhension | 0,83 | X | ||
Variance expliquée | 34,38 % | 30,35 % |
7Dans le cas de la WISC III, les deux facteurs observés, bien que saturant chacun cinq sous-tests, ne recouvrent pas la dichotomie verbal/performance du test. La structure factorielle obtenue avec nos sujets « cognitivement faibles » semble plutôt suggérer ici que le facteur n° 1 serait un facteur de connaissances et d’intégration des normes renvoyant à l’intelligence cristallisée (Gc) pendant que le facteur n° 2 correspondrait à l’intelligence fluide (Gf).
8Dans le cas de la WISC IV nous observons une structure à deux facteurs et non quatre comme prévu par le test. Au regard du rationnel de chaque sous-test, le statut de ces facteurs demeure peu clair et requiert le développement d’études ultérieures. Notons que certains sous-tests communs aux WISC III et IV n’aboutissent pas à la même organisation factorielle. En effet, dans la structure obtenue avec la WISC III, « code » et « cubes » sont saturés par le même facteur « Gf » pendant que « similitudes », « vocabulaire » et « compréhension » sont saturés par le même facteur « Gc ». Dans l’organisation factorielle de la WISC IV, le sous-test « code » et le sous-test « cubes » sont saturés par des facteurs différents. De même, alors que « vocabulaire » et « compréhension » sont saturés à nouveau par le même facteur, « similitudes » est saturé par le second facteur.
Conclusion
9La structure factorielle de la K.ABC correspond chez ces enfants « cognitivement faibles » à la dichotomie des processus mentaux prévue par l’épreuve. En revanche, les épreuves de Wechsler n’offrent pas la même stabilité. La taille relativement réduite de l’échantillon constitue évidemment une réserve quant aux organisations factorielles observées ici, mais la conclusion peut néanmoins porter sur la prudence qui devrait prévaloir chez les psychologues lorsque ces tests sont utilisés avec une population dont les scores composites globaux sont inférieurs de deux écarts types à la moyenne. Pour la WISC IV, indépendamment de la régulière prudence requise dans l’analyse des scores, cette étude incite à deux niveaux d’analyse non exclusifs : 1) une analyse globale référant au QIT et 2) une analyse sous-test par sous-test, alors qu’une analyse basée sur les quatre indices de l’épreuve n’apparaît guère pertinente avec des enfants « cognitivement faibles » en raison de la structure factorielle observée ici. Enfin, autant pour préciser le statut factoriel des sous-tests de la WISC IV que d’un point de vue plus général, cette étude invite à développer les investigations sur le fonctionnement cognitif des personnes « atypiques ».
Bibliographie
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Références
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Wechsler, D. (2005). Manuel du WISC-IV. Paris : ECPA.
Notes de bas de page
2 Expression empruntée à M. Carlier et C. Ayoun (2007).
Auteur
dominique.guedon@univ-rouen.fr
Laboratoire Psy-NCA (EA 4306), Université de Rouen, France.
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