La dynamique temporelle post-stress de paramètres neurovégétatifs et de la tension musculaire selon le niveau d’anxiété-trait
Résultats préliminaires
p. 251-255
Texte intégral
Introduction
1La relation entre l’anxiété-trait et les réponses physiologiques en situations stressantes a largement été étudiée. Certaines études ont montré, pendant une situation stressante, une augmentation de l’activité sympathique et de la tension musculaire plus importante chez des sujets d’anxiété-trait élevé comparés à des sujets d’anxiété-trait bas (Fridlund, Hatfield, Cottam & Fowler, 1986 ; Wilken, Smith, Tola & Mann, 2000 ; Jezova, Makatsori, Duncko, Moncek & Jakubek, 2004). En revanche, d’autres études n’ont pas montré de différence de réactivité physiologique chez des individus d’anxiété-trait contrasté (Steptoe & Vögele, 1992 ; Arena & Hobbs, 1995 ; Noteboom, Barnholt & Enoka, 2001 ; Mauss, Wilhelm & Gross, 2003). Ainsi, ces différents résultats soulignent la difficulté à définir des patterns physiologiques liés au niveau d’anxiété-trait. Il convient de souligner que la plupart de ces études se sont centrées sur l’amplitude des modifications physiologiques au cours d’une situation stressante, sans évaluer la période de récupération et sa dynamique temporelle. Selon Davidson (1998), les différences individuelles dans la réactivité émotionnelle pourraient être caractérisées par la dynamique temporelle de la réponse affective, tels que le temps de récupération. Dans ce cadre, nous avons postulé que des différences physiologiques entre des individus d’anxiété-trait contrasté pourraient émerger au cours de la période de récupération après une situation stressante.
2Ainsi, le but de cette étude était d’examiner, au cours de la récupération après un stresseur cognitif modéré, la dynamique temporelle de paramètres neurovégétatifs et de la tension musculaire chez des sujets d’anxiété-trait contrasté.
Méthode
Sujets
3Trente-neuf sujets ont réalisé le protocole. Sur la base des scores d’anxiété-trait (STAI, Y2 ; Spielberger et al., 1983), 26 sujets ont permis de distinguer deux groupes contrastés : l’un de niveau d’anxiété-trait élevé (54,7 ± 5,8 ; N = 14) et l’autre d’anxiété-trait bas (37 ± 2,6 ; N = 12).
Procédure
4Les sujets ont réalisé deux conditions (contrôle et stressante) composées chacune d’une tâche de Stroop et d’une période de récupération. Dans la condition contrôle, les sujets devaient réaliser une tâche de Stroop sans interférence. La condition stressante était induite par une tâche de Stroop avec interférences, filmée et chronométrée (Silva & Leite, 2000). L’état d’anxiété (STAI, Y1 ; Spielberger et al., 1983) et la valence des pensées (Échelle visuelle analogique, VAS) ont été évalués avant la passation des tests, après la condition contrôle et après la condition stressante. Les sujets avaient pour consigne de remplir les questionnaires (STAI) et les VAS réalisés après les conditions contrôle et stressante, selon leurs impressions pendant les tâches de Stroop et les périodes de récupération, respectivement. La fréquence cardiaque (FC), l’activité électrodermale tonique (AED), la température cutanée périphérique, l’activité électromyographique (EMG) du gastrocnémien médial et du trapèze supérieur ont été mesurées en continu pendant l’expérimentation.
Analyse statistique
5Des ANOVAs à 2 facteurs ont été réalisées pour l’état d’anxiété, la valence des pensées et les paramètres physiologiques, avec comme facteurs le groupe (« bas », « élevé ») et le moment (état d’anxiété et paramètres physiologiques : repos référence, tâche contrôle, tâche stressante ; pensées : repos référence, récupération contrôle, récupération après stresseur).
6Des ANOVAs à 3 facteurs ont été réalisées pour analyser les paramètres physiologiques lors des périodes de récupération (signaux physiologiques moyennés sur des périodes de 10 secondes pendant les 30 premières secondes des périodes de récupération) avec comme facteurs le groupe (« bas », « élevé »), la condition (contrôle, stressante) et le temps (0-10 s, 10-20 s, 20-30 s).
Résultats
Période de stress
7Les résultats montrent pour l’anxiété-état une interaction entre le moment et le groupe (F2,48 = 4,43, p < 0,05, ηp2 = 0,16). L’état d’anxiété augmente significativement pendant la tâche stressante comparée au repos référence et à la tâche contrôle pour les deux groupes, avec une augmentation plus importante pour le groupe « élevé » (p < 0,001). Les résultats montrent un effet principal du moment pour la FC (F2,44 = 49,48, p < 0,0001, ηp2 = 0,69), l’AED (F2,44 = 122,41, p < 0,0001, ηp2 = 0,85), la température (F2,44 = 8,28, p < 0,001, ηp2 = 0,27), l’activité EMG du grastrocnémien (F2,44 = 19,92, p < 0,001, ηp2 = 0,47) et du trapèze (F2,44 = 20,94, p < 0,0001, ηp2 = 0,49). La FC, l’AED, l’activité EMG du grastrocnémien et du trapèze augmentent et la température diminue pendant la tâche stressante comparée au repos référence et à la tâche contrôle quel que soit le groupe.
Période de récupération
8Les résultats montrent pour la valence des pensées une interaction entre moment et groupe (F2,48 = 3,06, p < 0,05, ηp2 = 0,11). Le groupe « élevé » a des pensées plus négatives pendant la récupération après la tâche stressante comparée au repos référence et à la récupération contrôle, mais pas le groupe « bas ». Les résultats montrent une interaction entre groupe, condition et temps pour l’activité EMG du gastrocnémien (F2,44 = 5,41, p < 0,05, ηp2 = 0,20), pour la température (F2,44 = 4,28,p < 0,05, ηp2 = 0,17) et pour la FC (tendance : F2,44 = 2,85, p = 0,081, ηp2 = 0,12, Figure 1), mais pas pour l’AED ni l’activité EMG du trapèze.
Discussion
9Le but de cette étude était d’examiner, au cours de la récupération après un stresseur cognitif modéré, la dynamique temporelle de paramètres neurovégétatifs et de la tension musculaire chez des sujets d’anxiété-trait contrasté.
10Nos résultats ont montré une augmentation de l’état d’anxiété, de la FC, de l’AED, de la tension musculaire et une diminution de la température périphérique pendant la tâche stressante quel que soit le groupe. Bien que des études aient montré des différences de réactivité physiologique entre des sujets d’anxiété-trait élevé et bas, nos résultats sont en accord avec des études qui n’ont pas montré de différence dans l’activité autonome et la tension musculaire chez des sujets d’anxiété-trait contrasté (e. g. Steptoe & Vögele, 1992 ; Arena & Hobbs, 1995 ; Mausset al., 2003). En revanche, le groupe « élevé » a rapporté un niveau d’état d’anxiété plus élevé que le groupe « bas ». Les sujets d’anxiété-trait élevé pourraient, par des biais cognitifs, surestimer la tâche stressante (Eysenck, 1992). Ces résultats suggèrent que le niveau d’anxiété-trait pourrait influencer l’auto-évaluation de l’état d’anxiété chez des sujets exposés à un stresseur cognitif modéré. En revanche, la réactivité physiologique ne semblerait pas dépendre du niveau d’anxiété-trait.
11Après la tâche stressante, le groupe « élevé » a une récupération de la FC, de la température et de la tension musculaire du gastrocnémien plus lente que le groupe « bas ». Selon Brosschot, Gerin & Thayer (2006), une activation physiologique prolongée après une situation stressante serait associée à des cognitions persévératives, tels que la rumination ou l’inquiétude. Classiquement les sujets d’anxiété-trait élevé s’inquiètent plus que ceux d’anxiété-trait bas (Eysenck & Van Berkum, 1992). Il convient de souligner que nos résultats ont montré des pensées plus négatives pour le groupe « élevé » comparé au groupe « bas » pendant la période de récupération après la tâche stressante. En accord avec l’hypothèse de Brosschot, nous suggérons que les pensées négatives pourraient induire une récupération de la FC, de la température et de la tension musculaire du gastrocnémien plus lente chez le groupe « élevé ».
12Il est intéressant de noter des résultats contrastés pour les muscles gastrocnémien et trapèze. Bien que ces muscles semblent sensibles à la tâche stressante, nos résultats ont montré une récupération différente des deux muscles. Seule la récupération du muscle gastrocnémien semblerait dépendre du niveau d’anxiété-trait. Ainsi, nous spéculons que ces différences de récupération pourraient dépendre de la fonction, de la structure et de la localisation de ces muscles.
13En conclusion, bien que la réactivité physiologique au stresseur cognitif modéré soit similaire pour les deux groupes, les sujets d’anxiété-trait élevé auraient une récupération de la FC, de la température et de la tension musculaire du gastrocnémien plus lente. Il existerait alors une dynamique physiologique post-stress différente selon le niveau d’anxiété-trait des individus.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Références
10.1007/BF01712764 :Arena, J.G., & Hobbs, S.H. (1995). Reliability of psychophysiological responding as a function of trait anxiety. Biofeedback and Self-Regulation, 20, 19-37.
Brosschot, J.F., Gerin, W., & Thayer, J.F. (2006). The perseverative cognition hypothesis : a review of worry, prolonged stress-related physiological activation, and health. Journal of Psychosomatic Research, 60, 113-114.
10.1080/026999398379628 :Davidson, R.J. (1998). Affective style and affective disorders : perspectives from affective neuroscience. Cognition & Emotion, 12, 307.
10.4324/9780203775677 :Eysenck, M.W. (1992). Anxiety : the cognitive perspective. Howe : Lawrence Erlbaum.
Eysenck, M.W., & Van Berkum, J. (1992). Trait anxiety, defensiveness, and the structure of worry. Personality and Individual Differences, 13, 1285-1290.
Fridlund, A.J., Hatfield, M.E., Cottam, G.L., & Fowler, S.C. (1986). Anxiety and striate-muscle activation : evidence from electromyographic pattern analysis. Journal of Abnormal Psychology, 95, 228-236.
Jezova, D., Makatsori, A., Duncko, R., Moncek, F., & Jakubek, M. (2004). High trait anxiety in healthy subjects is associated with low neuroendocrine activity during psychosocial stress. Progress in Neuro-Psychopharmacology & Biological Psychiatry, 28, 1331-1336.
10.1111/1469-8986.00066 :Mauss, I.B., Wilhelm, F.H., & Gross, J.J. (2003). Autonomic recovery and habituation in social anxiety. Psychophysiology, 40, 648-653.
Noteboom, J.T., Barnholt, K.R., & Enoka, R.M. (2001). Activation of the arousal response and impairment of performance increase with anxiety and stressor intensity. Journal of Applied Physiology, 91, 2093-2101.
Silva, F.T., & Leite, J.R. (2000). Physiological modifications and increase in state anxiety in volunteers submitted to the Stroop Color-Word Interference Test : A preliminary study. Physiology & Behavior, 70, 113-118.
Spielberger, C.D., Gorsuch, R.L., Lushene, R., Vagg, P.R., & Jacobs, G.A. (1983). Manual for the State-Trait Anxiety Inventory (Form Y) (Self-Evaluation Questionnaire). Palo Alto, CA : Consulting Psychologist Press.
Steptoe, A., & Vögele, C. (1992). Individual differences in the perception of bodily sensations : the role of trait anxiety and coping style. Behaviour Research and Therapy, 30, 597-607.
Wilken, J.A., Smith, B.D., Tola, K., & Mann, M. (2000). Trait anxiety and prior exposure to non-stressful stimuli : effects on psychophysiological arousal and anxiety. International Journal of Psychophysiology, 37, 233-242.
Auteurs
magali.willmann@univ-metz.fr
LASC (EA 3467). Équipe « Émotions-Actions », Département STAPS, Université Paul Verlaine, Metz, France.
langlet@univ-metz.fr
LASC (EA 3467). Équipe « Émotions-Actions », Département STAPS, Université Paul Verlaine, Metz, France.
hainaut@univ-metz.fr
LASC (EA 3467). Équipe « Émotions-Actions », Département STAPS, Université Paul Verlaine, Metz, France.
bolmont@univ-metz.fr
LASC (EA 3467). Équipe « Émotions-Actions », Département STAPS, Université Paul Verlaine, Metz, France.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Vive(nt) les différences
Psychologie différentielle fondamentale et applications
Pierre-Yves Gilles et Michèle Carlier (dir.)
2012
L’éducation thérapeutique du patient
Méthodologie du « diagnostic éducatif » au « projet personnalisé » partagés
Aline Morichaud
2014