Le sens de la lettre
Au sujet du "Loi du Chèvrefeuille"
p. 483-500
Texte intégral
1Elle a plus fleuri que la verge d'Aaron, cette baguette de coudrier que Marie de France nous présente toute enlacée de chèvrefeuille.
2Chaque recueil de "Mélanges" offert à un médiéviste ne s'orne-t-il pas désormais de ce motif végétal dont les interprétations variées composent un bouquet déjà bien touffu ?1
3Ces simples lignes s'inscrivent, sans formalisme, dans cette nouvelle tradition florale. Elles tendent surtout, chez un disciple, à esquisser un sujet cher à son Maître, analyste d'Iseut et traducteur de Marie de France.
4Cas fortuit ou exemple délibéré, le lai du Chèvrefeuille illustre admirablement la théorie que Marie se plaît à souligner dans son Prologue :
"Custume fu as ancïens,
Ceo testimoine Precïens,
Es livres ke jadis feseient,
Assez oscurement diseient
Pur ceus ki a venir esteient
E ki aprendre les deveient,
K'i peüssent gloser la lettre
E de lur sen le surplus mettre".2
5Autorité suprême, merveilleux alibi qui permet sans vergogne de "gloser la lettre"… Voici donc, à peine quelques suggestions, pour le "surplus mettre".
6Le lai du Chèvrefeuille obéit à une forme narrative apparemment simple. L'auditeur ou le lecteur suit sans difficulté les actes de Tristan, les gestes d'Iseut, enfin la brève entrevue des amants. Dans le cours du récit, sans abandonner complètement l'allure narrative, Marie introduit un mouvement semi-explicatif qui conduit au symbole du chèvrefeuille autour du coudrier, pour aboutir à l'aveu dont le chiasme d'amour passa les siècles :
"Bele amie, si est de nus :
Ne vus sanz mei, ne jeo sanz vus".3
7A priori, transparent est le symbole, moins clair le signe, assez opaque le passage circonstanciel du signe au symbole. Là se situe le fragment tant interprété : vers 51 à 78. De ces vers, tout a été effeuillé, émondé, écorcé. On a douté, tour à tour et tout à la fois, du sens des prépositions et des substantifs, de la valeur intrinsèque ou relative des verbes et des modes.4
8Malgré les tentatives inlassables des grammairiens, des historiens, voire des théologiens, des folkloristes, des mythologues et autres, "l'obscure clarté" subsiste. Nul savant sourcier n'est parvenu à la vibration de lumière. La baguette de coudrier tait son secret, entre l'écorce et l'aubier. Quel poète peut-il le regretter ?
9La masse des critiques, la logique et l'érudition des articles semblent nous conduire -est-ce un mirage sur le chemin de la vérité ? - à une impasse dans la recherche. Car ici, toute hypothèse ne peut échapper à quelque élément de critique sémantique ou syntaxique qui la limite au champ de l'interprétation. "Nous ferions bien -conseillait Leo Spitzer-… de faire attention davantage à ces topoi. que M. Curtius nous a appris à prendre au sérieux, quand il s'agit d'œuvres médiévales, au lieu de nous égarer, comme dans le cas qui nous occupe, soit dans des considérations rationalistes, plausibles au critique moderne, soit dans l'exotisme folklorique qui nous détourne des habitudes de pensée consubstantielles avec les poètes français du moyen âge".5Mais Léo Spitzer diminuait le rôle du rationnel au profit du sens du miracle ; il réduisait l'apport des mythes à un esthétisme moderne. N'insistait-il pas trop en revanche, malgré la vertu de leur empreinte, sur les patrons théologiques transposés dans la Littérature laïque du Moyen Age ?
10En vérité, peut-on savoir avec l'évolution des mentalités, l'exacte part de raison ou de miracle, de légende ou de religion qui inspire ou modèle un lai ?
11Alors… alors, on se prend à rejeter dans quelque oubliette de la conscience l'énorme apport de la critique, jusque là indispensable à la lumière. Le chercheur qui s'efforce d'être neuf (d'une pseudo-virginité, bien sûr !) ne doit-il pas agir en enfant pour comprendre le poète ?
12Un élément, toutefois, semble avoir assez peu varié : c'est le geste pour manier l'outil, pour peu que l'outil lui-même n'ait pas changé. L'enfant le recrée comme le primitif.
13Ici, Tristan coupe une baguette, la taille et la grave. Ce geste obéit à des lois quasi immuables. L'enfant, le solitaire, le forestier, l'amoureux,(Tristan n'est-il pas tous les quatre à la fois ?) retrouvent le même geste qu'inspirent la matière et la forme. L'expérience juvénile et l'empirisme technique permettent de dégager des observations élémentaires :
- Il est assez paradoxal de changer une baguette cylindrique en une règle ; c'est aller contre l'idée du" bastun", même si on en équarrit ou affûte une longueur. On s'efforce généralement de tirer partie du bois rond.
- On peut ôter toute l'écorce et graver l'aubier, mais alors le trait reste pâle ; pour un travail plus élaboré, il faut le noircir avec une pointe passée au feu, comme pour les cannes rustiques. Dans la plupart des cas, on travaille l'écorce, surtout quand on veut rendre les lettres visibles sans autre moyen.
- On va parfois jusqu'à la décoration complète de la baguette ; mais il s'agit alors de lignes simples qui épousent la forme. On n'écrit pas en principe de longs messages.
- Dans l'écriture, ainsi limitée, on aime à se livrer à des jeux, à des combinaisons qui tiennent compte du sens du bois, de sa dureté, de l'épaisseur et de la couleur de l'écorce, de la place des nœuds… bref, de tous les éléments de la matière et de la forme. L'apprenti artiste ou artisan n'élimine pas impitoyablement les avatars de la nature, il s'efforce de composer avec eux.
14A ces quelques remarques, on pourrait en ajouter bien d'autres. Presque toutes ont déjà été signalées par la critique. Mais l'on soupçonne l'objet de ce rappel : éclairer notre démarche immédiate :
"De sun cutel escrit sun nun"6
15Tristan, donc, écrit son nom ; et nous le répétons après d'autres, son nom seul7.
16Pourquoi Marie aurait-elle donné au mot "nun" le sens de message ? - et dans ce seul cas ? - Pourquoi forcer la grammaire pour le croire ?8 - Parce que le texte dit-on, fait allusion à un message qui expliquerait mieux le symbole9
17Et si le message était au cœur du nom ?
18Quand on évoque aujourd'hui la signature qui mord le bois, on transcrit généralement en français moderne :
19T-R-I-S-T-A-N, en détachant parfois toutes les lettres10. Cette transposition freine l'essor de l'imagination.
20Marie de France emploie sept fois le nom de Tristan ; et exemple unique dans les Lais, toujours ou à peu près à l'initiale du vers11. Elle semble ainsi marquer fortement l'emprise de l'amant dans l'aventure. Dans tous les cas le nom revêt la forme de TRISRAM qu'ont adoptée les éditeurs, notamment Warnke12, Mlle Lods13 et Rychner.
21Le manuscrit S, certes, révèle des variantes. Warnke en avait noté cinq14. Mais le manuscrit H présente sans exception la forme qui a triomphé sans peine et que l'anglais a adoptée. Or" un accord unanime désigne H comme la meilleure copie"15. Nous fonderons sur elle une argumentation entièrement graphique - et non phonétique - puisqu'il s'agit d'un écrit.
22Examinons-la, comme Tristan aurait pu le faire, la baguette d'une main, l'outil de l'autre.
23- Comment ne pas découvrir bien vite, après peut-être quelques tâtonnements antérieurs-, la répétiton et la symétrie de certaines lettres, celles qui composent les trois-quarts du nom ? :
24TR IS TR
25- Comment ne pas oser imaginer que ces couples représentent les deux lettres initiales du nom des amants ? :
26TRISTAN ISEUT TRISTAN
27- A peine le graveur a-t-il perçu cette symétrie qu'il songe déjà à la préserver et à la détacher. Le mot, toutefois, reste incomplet. Il faut y ajouter le dernier couple : AM.
28Deux solutions viennent à l'esprit, imposées par le motif préalablement dégagé d'une part, et la matière de l'autre. Dans la première, on isole sur la même ligne, le groupe final AM
29TR IS TR AM mais c'est diminuer l'impact de la trouvaille graphique qui correspond à celle du cœur.
30Alors, naturellement attiré par le motif central IS, l'amant-artisan songe à le compléter. Il lui faut impérativement tenir compte de la forme cylindrique de la baguette qu'il n'a utilisée jusqu'ici que dans la longueur. En la tournant dans un sens donné, par exemple de droite à gauche, avec le motif central, il compose :
31AM I ou AM IS
32et Iseut, le passant ou le lecteur peut lire :
33Ce schéma, projeté en plan, dont la partie verticale suit en réalité la courbure du bois, vaut quand on place la baguette horizontalement16.
34Transposons-le pour une baguette perçue verticalement et fichée dans la terre :
35Que devient cette sorte d'anagramme dans l'alchimie poétique de Marie, aux vers 77-78 ? :
- L'expression "Bele amie" n'est-elle pas là simple transposition, en style direct, à peine soulignée par un adjectif courtois qui parfois l'accompagne au vocatif, du mot AMI (S) gravé par Tristan pour qu'Iseut le lise ?
- L'hémistiche : " Si est de nus", ne surgit-il pas naturellement des doubles initiales TR IS TR perçues dans leur totalité ?
- Et le vers : " Ne vus sanz mei, ne jeo sanz vus", ne suit-il pas, en partant du motif central, le double mouvement de cet enlacement ? :
36Double volute qui part du coeur de l'amie pour y revenir.
37Cette disposition des lettres, assez proche de l'anagramme, peut surprendre dès l'abord. Mais quelles pressions, quelles torsions n'a-t-on pas cessé d'exercer sur ce prénom de Tristan, depuis le picte Drustan ou le gallois Dristan avec son apparition en roman ? Peut-on oublier, établie en vertu de l'esprit des Etymologies, sa liaison avec le concept de tristesse qui explique, à peine naturalisé, le destin du héros ?
38Les formes TANTRIS17 et TRANTRIS dans les deux poèmes de La Folie ne sont-elles pas d'autres tentatives, à partir du jeu de mots traditionnel pour unir dans la distorsion phonétique, Iseut à Tristan, par la lettre ?18
39Marie de France n'ignore pas, non plus, la tristesse infuse aux deux amants ; le héros la porte encore dans la forme de son nom. Le mot TRISTRAM est plus qu'une inversion, plus qu'une jonction dissymétrique de deux fragments de prénoms. C'est une tresse régulière de leurs initiales qui suggère l'enlacement des cœurs et des corps.
40Une telle signature, par son code, ne pouvait compromettre la Reine dont le nom, on l'a souvent répété, n'apparaît pas chez Marie de France. Elle le dérobe au public, comme si elle souhaitait rester fidèle à la tradition courtoise du secret d'amour, mais elle livre la clef à l'initié pour qu'il en perce le sens.
41Et nous voici au point où les médiévistes s'exaltent ou doutent, se renient ou s'humilient : Quel est le symbole végétal de chaque amant ?
42Le graphisme dévoile, formellement, qu'Iseut est la "coudre" et Tristan le chèvrefeuille qui l'enlace19. Iseut étire le I de son initiale dans le sens du bâton ; mais le S -soyons prudent quant au symbolisme des lettres- peut aussi figurer la réplique d'Iseut à l'étreinte de Tristan, par la ligature de leur amour20.
43Pour justifier l'opinion inverse : Iseut-Chèvrefeuille et Tristan-coudrier, on a évoqué le motif de l'enroulement de la femme autour de l'homme, " vrai mythe illustré souvent sous la forme de la plante grimpante autour du fût de l'arbre"21, et jusque dans l'étreinte finale chez Thomas : "C'est bien Tristan mort enlacé par Iseut morte, ses bras durcis refermés autour du corps de son amant"22.
44Sans nier à l'arbre sa valeur générale de symbole mâle, il conviendrait, sur ce point, de bien éclairer la matière folklorique de Marie de France et de savoir quelles adaptations subit le mythe dans le monde celtique qui attribue à la femme une place singulièrement importante. Il faudrait encore arriver à fixer les genres, au-delà des variations grammaticales de l'ancienne langue23, des essences d'arbres connues des druides et synthétisées, par exemple, dans les vingt lettres de l'alphabet ogamique du bouleau à l'if, le coudrier occupant la neuvième24. Qui donc, aujourd'hui, peut dire comme le barde Taliésin, voix authentique ou apocryphe :
"Je connais chaque rameau
Dans le souterrain du divin suprême
………………………………………
Je connais la signification des arbres
Dans l'inscription des choses convenues.
………………………………………
Quels sont les divers souffles
Qui sont dans les troncs ? "25
45Il nous semble plus sûr de nous référer aux récits de Tristan, car "on n'apporte jamais de changements essentiels aux scènes ni aux gestes qu'a fixés le mythe"26.
46Tous les poèmes français du cycle contiennent, sous une forme ou sous une autre, le motif de l'enlacement qui illustre l'union des amants.
47- Dans le roman de Béroul, ils s'entraiment tous les deux d'un même élan, mais c'est Tristan qui noue l'étreinte amoureuse.
48Ainsi dort-il sous la garde de Governal dans un abri du Morrois :
"Tristan gesoit en sa fullie,
Estroitement ot enbrachie
La roïne, por qu'il estoit
Mis en tel paine, en tel destroit…"27
49Ainsi le surprend le forestier, lié à Iseut dans la Loge de feuillage :
"Oez com il se sont couchiez :
Desoz le col Tristran a mis
Son braz, et l'autre, ce m'est vis,
Li out par dedesus geté ;
Estroitement l'ot acolé,
Et il la rot de ses braz çainte".28
50Si les corps ne sont pas nus, si les bouches ne sont pas jointes, l'étreinte alors est mutuelle ; Béroul cependant, termine le tableau des amants endormis sur ces liens que sont les bras de Tristan.
51. Et le jongleur les noue à nouveau autour du corps d'Iseut, quand la Reine au moment de l'adieu, revient en la saisine du Roi :
"-Dame" fait il, "Dex gré te sace ! "
Vers soi l'atrait, des braz l'enbrace29.
52- Dans l'oeuvre de Thomas, le fragment de Cambrige s'ouvre sur la même image :
Entre ses bras Yseut la reïne"30.
53Bédier et Hoepffner l'ont rapprochée du vers 185 de la Folie de Berne :
"Entre mes braz tenu raîne"
54et de la fin, sans ambiguïté, du même poème :
"entre Tristanz soz la cortine :
Entre ses braz tient la raine"31.
55Ce geste d'enlacement, Tristan l'ébauche le philtre à peine bu, quand les amants s'enchantent l'un de l'autre en voguant vers Tintagel. Gottfreid de Strasbourg, plus que tous les autres poètes du cycle, l'esquisse a la racine même du désir :
"Sa poitrine se gonfla
Ses lèvres frémirent,
Et sa tête resta inclinée.
Son ami se mit alors
A l'entourer de ses bras,
Ni trop près, ni trop loin,
Comme il convient à un hôte"32.
56Et la pensée, d'une même vague, reflue vers Thomas : Au cours d'une autre traversée, la dernière, Iseut toujours malade de l'amour et de la mer, pressent la mort qu'elle souhaite recevoir dans les bras de l'aimé :
"La vostre mort vei devant mei,
E ben sai que tost murrir dei.
Amis, jo fail a mun desir,
Car en voz bras quidai murrir"33.
57La mer s'apaise, mais l'ami se meurt. La voile noire est son linceul. Face au corps de Tristan, Iseut :
"Embrace le, si s'estent,
Baise la buche e la face
E molt estreit a li l'enbrace,
cors à cors, buche a buche estent,
Sun espirit a itant rent,
E murt dejuste lui issi
Pur la dolur de sun ami"34.
58N'est-il pas naturel que dans la mort l'image du mythe soit inversée, qu'Iseut, éphémère survivante reprenne le geste de Tristan disparu, pour le rejoindre à son tour dans une vie nouvelle ?
59Iseut dans les bras de Tristan, cette image demeure une formule courante dans tous les romans du cycle. Geste-cliché combien significatif, pour être repris, tant de fois, en style direct par les deux amants, dans le récit par les poètes. Marie de France, la première peut-être, devait lui donner le symbole du chèvrefeuille.
60Depuis le vin herbé de la Saint Jean35, le mythe de Tristan mêle la sève et le sang. Marie de France, dans un lai unique capte le geste de l'enlacement et en pénètre l'essence par la symbiose de la chair et du végétal. Le chèvrefeuille, pourrait-il alors dérouler ses vrilles dans l'imaginaire ?
61Il est à nos yeux aussi vrai, aussi réel que la ronce qui unit les amants dans la mort. Nous voyons le bâton fiché dans la terre, sur le talus, avant le cortège de la Reine. -Non pas un coudrier nu, qui double de Tristan appellerait son Iseut-chèvrefeuille pour reformer le thyrse un moment séparé.
62Pour nous, il est le couple lui-même : noms et lettres, corps et coeurs, coudrier et chèvrefeuille, en un seul enlacement. Tout est présent et confondu, le nom et le message, le signe et le symbole36. La sève puise le sang, l'enlacement végétal appelle l'étreinte chamelle. Malgré la, courtoisie, ni la geis, ni le philtre ne sont conjurés.
63Si l'initié peut sentir, dans les profondeurs, le cheminement artériel qui relie les amants de Marie de France au mythe primitif, le profane lui, suit sans peine, sur l'écorce, le motif qui s'épanouit dans toute la grâce de ses volutes :
"D'euls deus fu il tut autresi
Cume del chievrefoil esteit
Ki a la codre se perneit :
Quant il s'i est laciez e pris
E tut entur le fut s'est mis,
Ensemble peënt bien durer,
Mes ki puis les voelt desevrer,
Li codres muert hastivement
E li chievrefoilz enserrent"37.
64Musique et plastique, ondes et orbes. Sensations sans le moindre effluve de chèvrefeuille. "Le printemps adorable a perdu son odeur". Pour Marie, la fleur qui embaume importe moins que la tige qui noue. Entre l'ombre et la lumière, le jeu des noms et des lettres, tel que nous le voyons, tel que nous le vivons, naît empiriquement de l'expérience. Et Marie, "qui aime la précision concrète et rationnelle, toute simple et toute présente même dans le merveilleux"38, connaît les gestes naturels de l'amant forestier. Mais elle revoit aussi le nom gravé dans l'aubier comme un anagramme brodé sur de la soie39. Combien de motifs de broderies ne s'ornent-ils pas alors d'entrelacs de chèvrefeuille ou d'arabesques qui en découlent ? Quant à l'enlacement des lettres il appartient à un autre principe constant de la broderie, dérivé comme l'entrelacs, de l'enluminure des manuscrits.
65Qui dira quelque jour tout ce que Marie de France doit à la tapisserie ou à la broderie ?
66- Alors le lecteur pourra, littéralement, "gloser la lettre".
Notes de bas de page
1 Il était difficile, dans les limites de ce recueil de donner une liste assez complète des nombreux travaux critiques sur le Lai du Chèvrefeuille.
- Nous renvoyons à la Bibliographie de l'édition de M. J. M.J. RYCHNER : Les Lais de Marie de France. CFMA, n°93 Paris 1966. Introduction p. XXVIII à XLV (notamment de la p. XXXVIII à XL).
Cette édition nous sert de référence pour les citations du texte de Marie de France.
- Par ailleurs, M. M. DELBOUILLE a donné un aperçu historique et un état des diverses hypothèses sur les interprétations du Lai du Chèvrefeuille, dans les Mélanges de Langue et Littérature du Moyen Age et de la Renaissance offerts à M. J. FRAPPIER. Librairie Droz. Genève 1970. t. I, p. 207 à 216.
- Sans chercher à être exhaustif, nous signalons dans ces notes, quelques compléments bibliographiques depuis l'édition de M. J. RYCHNER.
2 Les Lais op. cit. Prologue v. : 9 à 16, p. I. Indiquons l'étude récente de E.J. MICKEL : The Unity and Signifiance of Marie's "Prologue". Romania, t. 96, 1975, p. 83-90.
3 - Les lais. Chievrefoil. v. 77-78, p. 153.
4 - Restent toujours très discutés les vers 51 à 54 :
"Une codre trencha par mi,
Tute quarreie la fendi,
Quant il ad paré le bastun,
De sun cutel escrit sun nun.
61 et 62 :……………………
Ceo fu la summe de l'escrit
Qu'il li aveit mandé et dit
Les Lais, op. cit. page 152-153 Cf. le résumé des incertitudes dans les Notes de l'édition de M.J. RYCHNER ; p. 276 à 278.
5 - L. SPITZER. La "Lettre sur la baguette de coudrier", dans le Lai du Chievrefueil. Romania, t. LXIX, 1946-47, p. 89.
6 - Lais. op. cit. v. 54, p. 152.
7 - Telle est l'opinion de :
L. FOULET ; Marie de France et la Légende de Tristan Zeitschrift fur romanische Philologie t. 32, 1908, p. 161-183 et 257-289.
. L. SPITZER, op. cit. p. 84.
A. GRANVILLE HATCHER. Lai du Chievrefueil v. 61-78 ; 107-113. Romania, T. LXXI, 1950, p. 330 à 344.
. J. FRAPPIER : Contribution au débat sur le Lai du Chèvrefeuille. Mélanges de linguistique et de Littérature romanes à la mémoire d'Istvan Frank. Sarrebruck 1957, p. 215 à 224.
J. LODS dans son édition des lais de Marie de France CFMA. N) 87, 1959. Introduction p. XIX.
8 - Comme le pensent :
A.M. VALERO. El Lai del Chievrefueil de Maria de Francia. Boletin de la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona. T. 24, 1951-52, p. 173-183.
I. FRANK, compte rendu de l'article précédent dans Romania. T. 75, 1954, p. 131.
M. de RIQUER : La "aventure", el "lai" y el "conte" en Maria de Francia. Filologia romanza, t.2, 1955, p. 1 à 19.
Contre cette opinion : J. RYCHNER, op. cit. Notes sur le Chievrefoil, p. 277 et 278 - ses raisons nous paraissent convaincantes - et M. M. DELBOUILLE op. cit. note 4 p. 208.
9 - Dans cette lignée se rangent :
L. SUDRE : Les allusions à la légende de Tristan dans la littérature du Moyen Age. Romania XV p. 551
L. FOULET : op. cit. p. 278.
E. A. FRANCIS. A comment on Chevrefoil. Medieval Miscellany presented to Eugène VINAVER by pupils, collea-gues and friends. Manchester. New York 1965, p. 136-145.
M. DELBOUILLE : op. cit. p. 216, opte pour "une lettre préliminaire".
10 - Comme le pratique A. GRANVILLE HATCHER dans son article, op. cit., p. 334 et p. 335.
11 - Aux vers : 7, 12, 25, 44, 48, 105, 112.
12 - Marie de France : Die Lais, herausgegeben von K. WARNKE. Bibliotheca Normanica III. Halle 1925. Slatkine Reprints. Genève 1974 : Chievrefueil, p. 181 à 185.
13 - Les Lais de Marie de France publiés par J. LODS op. cit. Chevrefoil, p. 141 à 144.
14 - K. WARNKE. Die Lais, op. cit. v. 7 et v. 12 p. 181, for-me : Tristan, v. 44 et v. 48, p. 183, et v.105, p. 185, forme : Tristant.
J. RYCHNER - qui ne note que "les variantes qui ne sont pas de graphie ou de morphologie"- confirme celles de Warnke v. 12, Tristan et v.48 : Tristant, p. 231.
15 - J. RYCHNER. Les Lais, op. cit. Introduction p. XXI. Même opinion chez Mle J. LODS, Introduction p, XXXI.
16 - Nous ne retenons pas l'hypothèse d'une baguette horizontale directement dérivée d'un épisode du Cortège de la Reine chez Eilahrt d'Oberg, quand Tristan lance la brindille dans la crinière du palefroi d'Isalde. (Eilhart von Oberge, herausgegeben von F. LICHTENSTEIN, Strasbourg 1877, v. 6542-6544).
17 - Nombreux sont les Poèmes du cycle qui s'efforcent d'expliquer l'origine du nom Tristan et jouent sur la tristesse de son destin dès sa naissance.
. CF : Le Roman de Tristan de THOMAS, poème du xiième siècle publié par J. BEDIER. SATF. Paris MCCCCII ; t. I, p. 26 et 27.
. Voir aussi la comparaison de ce motif entre la Prose, la Saga et Gottfried de Strasbourg qu'établit
D. BUSCHINGER : Le Tristrant d'Eilhart von Oberg. Thèse. 1974. Atelier de Reproduction des thèses de l'Université de Lille III. 1975, t. II, p. 825 (avec l'accumulation de "triste" et "triure").
18 - Tantris : dans la Folie Tristan de Berne publiée par E, HOEPFFNER. Publications de la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg. Les Belles Lettres, v. 127 et v. 183.
Trantris : dans la Folie d'Oxford, édition E. HOEPFNER. Strasbourg, v : 317, 322, 328, 365. OEPFFNER parle, comme BEDIER (Les Deux Poèmes de la Folie Tristan. SATF. 1907, table p. 124) d'anagramme ; mais il observe, de plus, l'emploi d'une véritable formule : le nom d'Ysolt, dans un vers précédent attire celui de Trantris. Pour nous l'attraction est double ; elle existe aussi au sein même du mot. Cf. aussi le chap. XI du Roman de Tristan. Edition BEDIER, t. I, p. 92.
19 - C'est la dernière interprétation de J. FRAPPIER. Une édition nouvelle des Lais de Marie de France. Romance Philology, Number 4, May 1969, p. 611, qui revient sur une opinion primitive inverse : Contribution au débat sur le Lai du Chèvrefeuille. Mélanges I. FRANK op. cit. p. 219.
20 - Les deux lettres du motif central IS pourraient, sans hermétisme, être enlacées : $
21 - C. MARTINEAU-GENIEYS : Du Chievrefoil encore et toujours. Le Moyen Age n° 1 1972, T. LXXVIII, p. 98.
22 - C. MARTINEAU-GENIEYS, op. cit., p. 114.
23 - Le genre varie dans les Lais, mais on peut observer une prédominance du féminin chez Marie de France, on doit se garder, cependant de toute conclusion trop hâtive.
- Cas indéterminé : Laüstic : v. 98.
- Cas masculins : Fresne : v. 338 et Chievrefoil v. 75. Cens les deux cas le manuscrit S présente une forme féminine. C'est celle qu'a retenue Warnke.
- Cas féminins : Fresne : v. 335, v. 339 et v. 512, Chievrefoil : v. 51 et v. 70.
24 - Une interprétation ogamique du message pouvait fort bien correspondre à une donnée primitive de la légende, rattachée ou non à l'histoire de Tristan. Mais il nous paraît difficile d'admettre que Marie l'ait prise et colportée telle quelle.
Cette thèse découle des prospections folkloriques de G. SCHOEPPERLE : Chievrefoil. Romania t. XXXVIII 1909, p. 196 à 218.
Elle a été précisée récemment par M. CAGNON : Chievrefueil and the Ogamic Tradition. Romania t. 91 à 97, p. 238 à 255. A. DE MANDACH "Aux portes de Lantïen en Cornouailles une tombe du VIème siècle portant outre le nom de Tristan celui d'Iseut". Moyen Age LXXXI, 1975, p. 23-24, veut la confirmer.
OTAKA Yorio. Marie de France, Chèvrefeuille v. 51-78. Studies in Languages and Culture. Faculty of Language and Culture. Osaka University Press, t. 11 1976, p. 1 à 10 - la reprendrait (article en japonais, nous est demeuré inacessible).
25 - M. MOREAU : La Tradition celtique dans l'art roman. Le courrier du Livre. Paris 1975, p. 155.
26 - C. MARTINEAU-GENIEYS, op. cit., p. 114.
27 - BEROUL. Le Roman de Tristan. Poème du xiième siècle édité par MURET, revu par DEFOURQUES. CFMA n° 12. v. 1673-76, p. 52.
28 - BEROUL. op. cit., v. 1816-1821, p. 56.
29 - BEROUL. op. cit., v. 2803-2804, p. 86.
30 - THOMAS. Les Fragments du Roman de Tristan. Poème du xiième siècle édites par BARTINA H. WIND. Droz. Genève 1960. Le Verger, Fragment de Cambridge v. 1, p. p. 31.
31 - BEDIER. Le Roman de Tristan, op. cit., t. 1, p. 248.
"Enz es bras Yseut la reïne", V. note 1 E. HOEPFFNER. La Folie de Berne, op. cit., p. 117 Cf. aussi BARTINA H. WIND : Les Fragments du Roman de Tristan, op. cit., p. 31.
32 - Traduction de A. BOSSERT dans La Légende chevaleresque de Tristan et Iseut. Essai de Littérature comparée. Paris 1902. Slatkine Reprints. Genève 1974, p. 94.
33 - THOMAS. Les Fragments du Roman de Tristan édités par BARTINA H. WIND. Fragment Douce, v. 1647-50, p. 153.
34 - THOMAS. Les Fragments du Roman de Tristan, op. cit. Fragment Sneyd, v. 809 a 815, p. 162.
35 - Cf. BEROUL. Le Roman de Tristan op. cit. :
"L'endemain de la saint Jehan Aconpli furent li troi an
Que cil vin fu déterminez, v. 2147-49, p. 66. Voir aussi sur ce point C. CAHNE/ Le Philtre et le venin dans Tristan et Iseut. A. G. Nizet 1975 p. 17 à 23.
36 - Nous appuyons notre opinion sur la coutume normande relevée par P. DURAND-MONTI : Encore le bâton du Chevrefoil. Bulletin Bibliographique de la Société Internationale Arthurienne t. 12, 1960, p. 117-118.
M. DELBOUILLE, op. cit., p. 211 la juge "troublante" et "hésite à la rejeter".
Elle consiste à tailler une canne dans une baguette de coudrier où s'est pris un chèvrefeuille. On enlève l'écorce et le chèvrefeuille sur la moitié de la longueur et l'on grave parfois des inscriptions sur l'aubier découvert. Nous en gardons le principe, avec quelques modifications vues à travers Marie de France :
Nous pensons que Tristan enlève l'écorce sur la moitié de la baguette : v. 51, puis il équarrit la partie écorcée v. 52, pour mieux la ficher en terre. Ensuite, il prépare l'écorce de l'autre moitié en ôtant les aspérités v. 53, et en élaguant quelque peu le chèvrefeuille pour qu'on puisse lire les lettres à graver, et enfin, il écrit son nom, dans l'écorce, tel que nous l'avons dit. v. 54. On lira, sur la nécessité de conserver l'écorce, les pertinentes remarques de M. MARTINEAU-GENIEYS op. cit., p. 104.
Ainsi donc, Marie de France a pu utiliser un ancien signal celtique, mais elle l'adapte, par la lettre, à une forme courtoise.
37 - Lais, v. 68 à 76, p. 153.
38 - Formule bien venue de M. J. RYCHNER assez souvent évoquée. Lais, Notes p, 277.
39 - On sait - et ce n'est là qu'un élément superficiel d'appréciation - la prédilection de Marie de France pour la soie, surtout quand elle est brodée. Rappelons brièvement : La pièce de soie qui enveloppe Frêne v. 121 à 126 p. 48 et v, 413 à 421, p. 57 ; les tentures de soie que réclament les suivantes pour leur maîtresse : Lanval v. 491-494, p. 87 ; le drap de soie rayé d'une broderie d'or sur la tombe du père de Yonec v. 500-502, p. 117 ; la pièce de brocart qui trace en fils d'or l'histoire du Laüstic v. 135-137, p. 124 ; l'aumonière de soie qui recèle le secret du fils de Milun, v. 96-98, p. 129…
Auteur
Centre Universitaire d’Avignon
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