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Étude de la validité structurale de la WISC-IV sur un échantillon d’enfants suisses-romands

p. 193-196


Texte intégral

Introduction

1Parmi les batteries d’aptitudes cognitives disponibles (par ex. KABC-II ; WJ-III), les échelles de Wechsler restent le plus souvent utilisées depuis 1940 (Flanagan & McGrew, 1998 ; Grégoire, 2000, 2006, 2009 ; Zhu & Weiss, 2005 ; Grob & all, 2008). Les derniers développements apportés à la WISC-IV permettent maintenant de calculer 4 indices, à savoir, Indice de Compréhension verbale (ICV), Indice de Raisonnement Perceptif (IRP), Indice de vitesse de Traitement (IVT) et Indice de mémoire de travail (IMT).

2Cependant, deux controverses existent quant à l’organisation des aptitudes cognitives. La première porte sur l’existence du facteur général de l’intelligence, le facteur g. Bien que les constructeurs de la WISC-IV n’aient pas intégré dans leurs analyses factorielles confirmatoires le facteur g (Watkins, 2006), ils acceptent néanmoins implicitement son existence. La grille d’interprétation de la WISC-IV, qui met l’accent sur les indices factoriels, présente donc une incohérence par rapport aux théories contemporaines. En effet, ils acceptent l’existence d’un facteur g sans pour autant l’intégrer dans les analyses. Dès lors, la question de la pertinence et de la nécessité d’introduire un facteur g dans les analyses et dans l’interprétation des résultats des sous-tests de la WISC-IV se pose. Ainsi, le premier objectif de cette étude vise à déterminer si un modèle, comprenant un facteur g et 4 facteurs, s’ajuste mieux aux données que le modèle actuel en 4 facteurs (sans facteur g). Dans le premier modèle, le facteur g est en relation directe avec les 4 facteurs de groupe, qui sont eux-mêmes en relation directe avec les épreuves. Dans ce modèle, il n’existe donc pas de relation directe entre le facteur g et les sous-tests. Ces 2 modèles seront ensuite comparés à un modèle bi-factoriel dans lequel, les sous-tests sont directement saturés par le facteur g ainsi que par un des 4 indices. Des analyses factorielles confirmatoires permettront d’identifier le modèle le plus adéquat.

3La deuxième controverse porte sur le nombre de facteurs nécessaires pour décrire l’organisation des aptitudes cognitives. Dans la WISC-IV, les constructeurs suggèrent que 4 facteurs sont nécessaires pour décrire l’organisation des scores des sous-tests. Cependant, Lecerf et al. (2010), sur les données françaises de la WISC-IV, ont montré qu’un modèle basé sur la théorie de Cattell-Horn-Carroll (CHC), comprenant 5 (Keith et al., 2006) ou 6 aptitudes globales (Flanagan & Kaufman, 2004) était plus adéquat que le modèle en 4 facteurs (pour une description du modèle CHC, voir Lecerf, Golay & Reverte dans ce même volume). Il est important de souligner que le modèle CHC est à l’origine du développement de plusieurs batteries cognitives (KABC-II ; WJ-III). En d’autres termes, notre deuxième objectif vise à déterminer si les données s’ajustent mieux à un modèle basé sur la théorie CHC qui comprend 5 facteurs plutôt qu’à un modèle comprenant 4 facteurs.

Méthode

Participants et matériel

4L’échantillon se compose de 250 enfants âgés de 8 à 12 ans (m = 10,22 ; ET = 1,14) issus de différentes école du canton de Genève (Suisse). Il s’agit d’enfants « tout venant » qui se situent dans le degré scolaire correspondant à leur âge. L’autorisation d’administrer les épreuves à ces enfants a été donnée par le Département de l’Instruction Publique du Canton de Genève et / ou par les représentants légaux des enfants.

5Les 15 sous-tests de la WISC-IV ont été administrés aux 250 enfants et ont permis le calcul des 4 indices et du Quotient intellectuel total (QIT). Selon les procédures décrites dans le manuel, le score ICV a été calculé à partir des scores des sous-tests Similitudes, Vocabulaire et Compréhension, tandis que l’indice IRP a été calculé à partir des scores des sous-tests Cubes, Identification de concepts et Matrices. Le score IMT est obtenu à partir des scores des épreuves Mémoire des chiffres et Séquence Lettres – chiffres, et les scores des sous-tests Code et Symboles ont permis le calcul de l’indice IVT. Les scores des sous-tests optionnels (Complètement d’images, Information, Raisonnement verbal, Arithmétique, Barrage) ont été utilisés dans les analyses factorielles confirmatoires.

Procédure

6L’administration de la WISC-IV s’est déroulée pendant les heures scolaires dans les locaux de diverses écoles du Canton de Genève (Suisse). La WISC-IV a été administré en deux séances de 45 minutes chacune, espacée au maximum d’une semaine. La passation et la cotation ont été réalisées selon les procédures décrites dans le manuel (Wechsler, 2005).

Résultats

7Dans un premier temps, la structure standard comprenant 4 facteurs (ICV, IRP, IMT et IVT) a été testée à l’aide d’une analyse factorielle confirmatoire (AFC). Ce modèle présente un ajustement satisfaisant (RMSEA = 0,051 ; TLI = 0,927 ; AIC = 240,17). Ainsi, ces résultats sont conformes à ceux présentés dans le manuel français de la WISC-IV (Wechsler, 2005).

8Postulant que les 15 sous-tests de la WISC-IV mesurent un facteur d’intelligence général (Watkins, 2006 ; Watkins, Wilson, Kotz, Carbone & Babula, 2006), nous avons testé un modèle hiérarchique comprenant 4 facteurs et un facteur général. Les résultats témoignent d’un bon ajustement du modèle aux données (RMSEA = 0,051 ; TLI = 0,928 ; AIC = 238,65). L’indice AIC étant plus petit dans ce dernier modèle (le plus petit indice AIC indique le meilleur modèle), on peut faire l’hypothèse que le modèle comprenant un facteur g et 4 facteurs de groupe est plus adéquat que le modèle sans facteur g.

9Dans un troisième temps, nous avons testé un modèle bi-factoriel, dans lequel les sous-tests sont saturés directement par le facteur g ainsi que par les 4 Indices. Ce modèle présente également de bons indices d’ajustement (RMSEA = 0,049 ; TLI = 0,93), mais l’indice AIC est supérieur (AIC = 240,01) à celui obtenu avec le modèle hiérarchique (AIC = 238,65). En ce qui concerne les modèles basés sur la structure standard en 4 facteurs, l’indice AIC indique donc, que le meilleur modèle est celui qui inclut un facteur g et 4 facteurs de groupe.

10Le deuxième objectif vise à comparer les modèles standards en 4 facteurs (sans facteur g) avec un modèle basé sur la théorie CHC des aptitudes cognitives. À partir de nos précédentes analyses (Lecerf et al., 2010), nous avons testé un modèle comprenant 5 facteurs : raisonnement fluide (Gf), compréhension – connaissances (Gc), traitement visuel (Gv), mémoire à court-terme (Gsm) et vitesse de traitement (Gs). La variable latente Gc est évaluée par les sous-tests Similitudes, Compréhension, Vocabulaire, Information, Raisonnement verbal, mais également par Complètement d’images et Arithmétique. La variable latente Gv est évaluée par Cubes, Complètement d’images et Matrices. Le raisonnement fluide (Gf) est mesuré par Identification de concepts, Matrices et Arithmétique. Les épreuves Mémoire des chiffres, Séquence lettres-chiffres et Arithmétique ont des saturations fortes sur Gsm. Enfin, Code, Symboles, Barrage et Cubes mesurent Gs. Les résultats montrent des indices d’ajustement satisfaisants pour l’ensemble des données (RMSEA = 0,034 ; TLI = 0,96 ; AIC = 213,67). Ainsi, les résultats obtenus à partir de cet échantillon d’enfants suisses-romands montrent que le modèle CHC en 5 facteurs s’ajuste mieux aux données que le modèle comprenant 4 facteurs de groupe et 1 facteur g (AIC = 238,65). Ces résultats sont donc conformes à ceux obtenus à partir d’un échantillon d’enfants français (Lecerf et al., 2010 ; voir également Lecerf et al. dans ce même ouvrage).

Conclusion

11Le modèle consensuel de l’organisation des aptitudes cognitives postule l’existence d’un facteur général de l’intelligence. Pourtant, dans la WISC-IV, les constructeurs ont réalisé des analyses factorielles confirmatoires sans inclure le facteur g. Le premier objectif de cette étude visait à déterminer la pertinence d’inclure ou non le facteur g dans les analyses dans un échantillon suisse-romand. Les résultats attestent de la nécessité d’inclure le facteur général de l’intelligence dans l’interprétation des scores des sous-tests de la WISC-IV.

12Le deuxième objectif visait à déterminer si un modèle basé sur la théorie CHC des aptitudes cognitives et comprenant 5 facteurs était plus adéquat que les modèles en 4 facteurs (avec et sans facteur g). Nous avons montré précédemment que ce modèle CHC était adéquat chez les enfants français qui ont servi au développement des tables d’étalonnage de la WISC-IV. Nos résultats indiquent que le modèle CHC présente un meilleur ajustement que le modèle classique en quatre facteurs. Afin de formuler des hypothèses sur le fonctionnement cognitif d’un enfant, la grille d’interprétation basée sur le modèle CHC doit être utilisée en complément de la lecture standard en 4 facteurs.

Bibliographie

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Références

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