Effets des attitudes parentales sur la perception du stress scolaire chez des lycéens français
Étude différentielle entre des lycéens standards et des lycéens à haut potentiel intellectuel
p. 57-61
Texte intégral
Introduction
1Selon Lempp (1983), le stress scolaire correspondrait à l’effet global de tous les facteurs de stress liés à l’école et qui agissent sur l’élève (Reinhard & Ott, 1994, p. 108). Le premier facteur de stress scolaire concernerait la demande scolaire, perçue par les adolescents comme surpassant leurs capacités intellectuelles et physiques et émanant aussi bien de l’adolescent lui-même, lorsqu’il se fixe des buts inatteignables, que de son entourage scolaire ou familial (Elkind, 1984).
2Les désirs parentaux à l’égard de la réussite scolaire déclencheraient chez l’adolescent un stress scolaire élevé, notamment quand ces désirs sont perçus comme allant à l’encontre des siens ou comme insurmontables (Burnett, 1997 ; Struthers et al., 2000 ; Huan et al., 2006). Lien néanmoins contesté par Zakari et al. (2008) pour qui la pression parentale perçue n’inclut pas la vie scolaire. Par ailleurs, les attitudes parentales au sujet de l’école peuvent également être perçues par l’adolescent comme un soutien alors lié à un faible niveau de stress scolaire (Bergonnier-Dupuy et al., 2005). Toutes ces recherches ont néanmoins pour limite d’étudier soit la pression perçue soit le soutien perçu mais aucune, à notre connaissance, ne regroupe ces deux concepts.
3En outre, la perception des attitudes parentales fluctuerait selon les caractéristiques personnelles de l’adolescent comme ses capacités intellectuelles et ce, puisque les aptitudes intellectuelles sont parfois évoquées dans la littérature comme intervenant dans l’évaluation de la situation stressante (Bailey et al., 2006). En effet, les adolescents dits « à haut potentiel intellectuel » (HPI) sont plus anxieux et plus sensibles au caractère potentiellement anxiogène de certaines situations (Vaivre-Douret, 2003 ; Revol, 2006).
4Cette recherche se propose donc d’étudier les effets directs de la pression parentale perçue comme du soutien parental perçu (à l’égard de la vie scolaire) sur l’intensité du stress scolaire de l’adolescent puis d’étudier le lien existant entre pression et soutien ainsi que les effets de ce lien sur le stress scolaire. Nous pensons que la perception d’une pression élevée prédit un stress scolaire élevé mais que cette relation est modérée par la perception d’un soutien parental élevé. De plus, nous étudierons les différences éventuelles de perception des attitudes parentales et les variations du stress scolaire selon les aptitudes intellectuelles. Nous faisons l’hypothèse que les adolescents HPI perçoivent davantage la pression que le soutien et que leur stress scolaire est plus élevé que celui des autres adolescents.
Méthodologie
Échantillons et procédure
5L’échantillon d’adolescents est constitué de deux groupes : des adolescents dits « standards » (N = 215) et des adolescents HPI (N = 87). Les standards sont ceux qui présentent un quotient intellectuel (QI) dans la norme (comprise entre 70 et 130) définie par la Wechsler Intelligence Scale for Children (WISC) et les adolescents HPI sont ceux dont le QI dépasse 130.
6Les critères d’inclusion étaient d’être lycéen (séries classiques) et de ne pas présenter de troubles psychopathologiques avérés. Critères auxquels nous avons ajouté le fait d’être dépisté depuis plus de 3 ans pour les adolescents HPI (sur présentation du bilan WISC). En effet, un dépistage trop récent pourrait constituer un biais, notamment parce que l’annonce d’un haut potentiel intellectuel peut être perturbatrice pour l’individu comme pour la dynamique familiale.
7La passation des différents questionnaires a eu lieu en classe sur la base du volontariat.
Instruments
Le stress scolaire
8Dans sa version française (Zakari et al., 2008), l’échelle de Stress Scolaire (Burnett et Fanshawe, 1996) présente 34 items mesurés sur une échelle de Likert cotée en 7 points, allant de 1 « cela ne me pose aucun problème » à 7 « cela me pose un très gros problème ». Elle comprend 9 facteurs : méthode d’enseignement (3 items), relations élèves-professeurs (2 items), charge de travail (6 items), environnement scolaire (5 items), sentiment de vulnérabilité (4 items), organisation personnelle (5 items), indépendance (3 items), anxiété concernant l’avenir (4 items), relations avec les parents (2 items).
Les attitudes parentales perçues
9Nous avons développé une échelle d’attitudes parentales perçues à l’égard de la vie scolaire (EAPPS) selon la méthode indiquée par de Vellis (1991). Les analyses de contenu des entretiens exploratoires (menés auprès de 32 adolescents dont 11 HPI, 5 psychologues, 2 conseillers d’orientation psychologues) nous ont permis de dégager 29 items auxquels les sujets répondent sur une échelle de Likert cotée de 0 « cela me gêne beaucoup » à 5 « cela m’aide beaucoup ». L’analyse factorielle exploratoire a permis d’identifier 2 facteurs après exclusion de 2 items. Les 17 items du premier facteur correspondent à de la pression (α = 0,81) et les 10 items du second facteur à du soutien (α = 0,77).
Statistiques
10Nous avons d’abord effectué des régressions linéaires hiérarchiques avec analyse de modération selon la méthode indiquée par Baron et Kenny (1986), puis des comparaisons de moyennes entre les groupes (Standards / HPI) sur les trois variables (soutien, pression et stress scolaire), enfin nous avons effectué de nouvelles régressions linéaires hiérarchiques avec analyse de modération sur les deux groupes standards et HPI.
Résultats
11Nous avons exclu 3 observations aberrantes de l’analyse qui porte sur 299 sujets. Seul l’effet principal de la pression est significatif (β = 0,18 ; p < 0,01), l’effet du soutien étant tendanciel (β= -0,13 ; p = 0,06) et il existe un effet d’interaction significatif (β = 0,15 ; p < 0,01). Le modèle est significatif (r2aj = 0,24 ; p < 0,01) ainsi que la variation du coefficient de détermination (’r2 = 0,03 ; p < 0,05). Nous pouvons donc conclure à un effet modérateur du soutien parental dans la relation existant entre la pression parentale et le stress scolaire.
12La comparaison de moyennes (t (300) = 11,10 ; p < 0,001, d = 1,52) révèle que les lycéens standards obtiennent des scores moyens de stress scolaire (M = 96,48 ; ET = 16,98) plus élevés que les lycéens HPI (M = 73,38 ; ET = 11,17). Il existe une différence (F(3,297) = 20,96 ; p < 0,001, η2 = 0,13) entre les lycéens HPI qui perçoivent en moyenne plus de pression parentale (M = 41,07 ; ET = 8,03) et moins de soutien (M = 35,08 ; ET = 5,22) que les lycéens standards (respectivement : M = 38,31 ; ET = 10,46 et M = 38,27 ; ET = 6,54).
13Les résultats des analyses des régressions hiérarchiques indiquent qu’il n’existe pas d’effet direct ni de modération du soutien pour le groupe des HPI. Concernant les lycéens standards, le soutien parental (β = -0,16 ; p < 0,05) modère (β = 0,14 ; p < 0,05) l’effet de la pression (β = 0,21 ; p < 0,05) sur le stress scolaire (r2aj = 0,28 ; p < 0,005 ; Δr2 = 0,04).
Discussion
14Concernant les effets directs, nos résultats corroborent ceux des études réalisées sur la pression, à savoir qu’une pression parentale élevée prédit un stress scolaire élevé. De même pour le soutien puisqu’un soutien élevé prédit un stress scolaire faible. L’effet de la pression est par ailleurs modéré par le soutien, ce qui démontre que pour l’adolescent, les attitudes parentales ne sont pas scindées en « tout pression » ou « tout soutien », c’est davantage l’équilibre (ou le déséquilibre) perçu entre pression et soutien qui peut prédire un stress scolaire plus ou moins élevé.
15Comme attendu, nos résultats montrent que les HPI perçoivent plus de pression et moins de soutien que les standards cependant ils montrent également que ce sont eux qui ont les scores de stress scolaires les plus faibles, ce qui va à l’encontre de notre hypothèse, ainsi que des études portant sur l’anxiété de ces adolescents. En outre, les analyses de modération portées sur chacun des deux groupes révèlent que l’effet modérateur du soutien n’est significatif que pour les adolescents standards.
16Les lycéens HPI de notre recherche présentent pour une majorité d’entre eux (78 %), sinon une avance scolaire du moins sont-ils de la fin de l’année civile. Nous pensons que cette avance peut expliquer le faible stress scolaire de ces adolescents. En outre, les lycées qui ont accepté de participer à cette étude sont tous situés en zone socio-économique favorisée, il nous a été signalé un très faible taux d’absentéisme, un fort investissement parental et un taux de réussite au baccalauréat supérieur à 92 % (taux national : 86,2 %). Nous supposons donc que les adolescents HPI de notre étude, dépistés depuis plus de trois ans, probablement conscients de leurs aptitudes intellectuelles et scolarisés dans des établissements bien placés au niveau national, sont confiants quant à leur réussite scolaire et donc moins susceptibles de présenter un stress scolaire élevé.
Conclusion
17Nos résultats démontrent que pour des adolescents standards les recherches portant sur les liens entre attitudes parentales et stress scolaire ne peuvent scinder la pression du soutien. Le lien existant entre pression et soutien et notamment l’effet modérateur du soutien demandant cependant à être davantage exploré en tenant compte de l’âge des élèves, de leur niveau scolaire (avance, âge attendu ou retard), de leur filière, de leur milieu socio-économique et du niveau national du lycée. Le rôle joué par les parents (pression et soutien) dans l’apparition d’un stress scolaire est ici établi, cependant la part de la variance du stress scolaire expliquée par les attitudes parentales reste modérée (24 %) ce qui confirme d’une part les études de Burnett (1997), Struthers et al. (2000) et Huan et al. (2006) selon lesquelles les désirs parentaux à l’égard de la réussite scolaire génèrent un stress chez l’adolescent, et d’autre part que le soutien parental modère l’effet de la pression parentale (Bergonnier-Dupuy et al., 2005). Enfin, cela confirme également qu’il existe bien d’autres facteurs impliqués dans le stress scolaire, notamment ceux définis par Elkin (1984) telle la demande scolaire émanant de l’adolescent lui-même ou de ses enseignants.
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Références
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