La décoration des intérieurs sarrasins dans les chansons de geste du xiie siècle et l'art musulman
p. 63-88
Texte intégral
1Si l'on compare la décoration des intérieurs sarrasins décrits dans les chansons de geste du xiie siècle avec l'enseignement donné par les historiens et en particulier par les historiens de l'art sur l'art seigneurial français de la même époque, on constate l'existence d'un hiatus considérable. Mr Jacques Levron distingue, d'une part, la peinture seigneuriale du xiie siècle, "peinture architecturale qui s'applique à souligner les éléments sculptés, corniches ou moulures", mais représentant aussi "des scènes de l'Ancien Testament" et, d'autre part, la peinture seigneuriale du xiiie siècle, où "l'on s'inspire davantage de la nature" et où "les scènes de chasse... apparaissent ici et là"1. Pourtant, une scène de chasse est mentionnée - nous le verrons tantôt - dans une de nos chansons du xiie siècle et la nature est un des thèmes les plus couramment interprétés en peinture d'après nos descriptions. Enlart, réunissant dans un même jugement les xiie et xiiie siècles, écrit que "les murs des appartements ont reçu des peintures variées" mais, du xiie siècle, il ne cite qu'un exemple sur lequel nous reviendrons, la chambre à coucher de la comtesse Adèle de Blois où étaient représentés "les sept arts libéraux et les sept planètes"2. Dans leur ouvrage sur la peinture murale à l'époque gothique, MM. Paul Deschamps et Marc Thibout écrivent : "C'est vraiment à l'époque gothique que l'art seigneurial apparaît pour décorer avec ampleur les châteaux forts et les hôtels particuliers. Les massifs donjons romans, avec leurs étroites archères qui ne dispensaient qu'une faible lumière, étaient d'un aspect trop sévère et exigeaient une vie trop austère pour qu'on pût songer à quelque décoration qui vînt les égayer"3. Cependant, dans nos chansons de geste du xiie siècle, les murs des appartements et des palais sarrasins sont ornés non seulement de peintures représentant des animaux mais encore de larges fresques où figurent le ciel, les étoiles, la terre, des plantes et des animaux de toute espèce. La même discordance apparaît dans le choix et la nature des couleurs. M. Jacques Levron écrit que les chambres sont peintes de "tons assez vifs où dominent l'ocre rouge et le jaune"4. MM. Deschamps et Thibout précisent qu'à l'époque romane, la peinture murale consistait dans "un mortier frais qu'on beurrait avec du lait de chaux qui, étalé à la truelle, pénétrait dans le mortier" : il s'agissait de "couleurs à l'eau obtenues avec des terres diverses... procédé complété par la peinture à la colle"5. Toutefois, dans nos chansons du xiie siècle, l'or a été fréquemment utilisé en peinture. L'hiatus s'approfondit encore si l'on considère les matériaux utilisés. Pour la décoration de nos intérieurs sarrasins on a recours aux matières les plus rares : le marbre, l'ivoire, l'argent, l'or et même les pierres précieuses !
2Ce décalage entre nos descriptions épiques d'intérieurs et la réalité de l'art seigneurial français contemporain n'a pas échappé à plusieurs critiques. Certains ont parlé d'exagération. Otto Söhring, après avoir supposé l'existence, dans l'art seigneurial, d'une décoration modeste qui aurait sûrement existé dans les palais princiers de l'Occident, ajoute que, dans ce domaine, le poète pouvait laisser aller son imagination6. De la même façon, Léon Gautier pense que les poètes exagèrent lorsqu'ils vantent l'universalité des sujets traités et le réalisme avec lequel ceux-ci sont interprétés. A propos de la décoration de la chambre de la jeune Sarrasine Rosamonde dans Elie de Saint Gilles, chanson du xiie siècle, il écrit : "Il faut tenir compte en ce dernier texte, des exagérations du poète. C'est d'ailleurs la fille d'un émir sarrasin, c'est Rosamonde qui parle"7.
3Cet hiatus entre la fiction poétique et la réalité vaut la peine d'être défini le plus exactement possible à la lumière des études relatives à l'Histoire de l'Art, et, si possible, expliqué. Le sujet nous a paru devoir être limité aux chansons du xiie siècle, et aux intérieurs sarrasins parce que l'écart entre la fiction et la réalité est alors le plus sensible. Pour le mesurer le plus exactement possible, on se référera aux données relatives à l'art français du xiie siècle. Pour l'expliquer, plusieurs directions sont possibles. Dans le temps ou dans l'espace : soit vers le passé - carolingien en particulier-soit vers les civilisations dont le rayonnement s'est effectivement exercé sur l'art carolingien et, à l'époque même de nos chansons, sur l'art roman du xiie siècle, c'est-à-dire vers la civilisation byzantine ou islamique. La première de ces voies n'est pas à exclure ; l'aigle et le pommeau d'or qui figurent si souvent dans les chansons de geste au sommet des palais et des tentes, paraissent bien avoir leurs modèles réels dans les motifs identiques des palais carolingiens : une pomme d'or surmontait le dôme octogonal de la chapelle d'Aix, des boules dorées se dressaient au sommet des tourelles ; un aigle de bronze8déployait ses ailes au faîte du palais impérial9. Les descriptions de nos chansons s'accordent avec la richesse des palais carolingiens, avec les techniques qui y sont pratiquées - mosaïques et fresques -, avec les thèmes décoratifs qui y sont interprétés, beaucoup plus qu'avec l'art seigneurial du xiie siècle ! Peut-être s'accordent-elles mieux aussi avec ce qu'était la décoration des palais résidentiels des xe, xie et xiie siècles, si l'on suit les conclusions de M. P. Heliot, pour qui, à partir du xiie siècle, et surtout après 1150, "les rapides progrès, à cette époque, de la technique des sièges... incitent les princes à développer la capacité de résistance de leurs demeures, leur font sacrifier leurs aises à la sécurité et donner à leurs demeures une allure de prison"10.
4Ainsi, nos descriptions évoqueraient des mosaïques et des peintures murales dont les modèles réels tapissaient les palais carolingiens et peut-être aussi les résidences princières d'avant 1150. Mais l'autre voie est plus vraisemblable : en effet, une certaine connaissance des créations artistiques de l'art oriental, byzantin et musulman, a pu aussi guider l'imagination des poètes dans les descriptions qu'ils nous font des intérieurs sarrasins. Cette hypothèse s'appuie sur la multiplication des échanges entre l'Orient et l'Occident, sur la réalité des influences exercées sur l'art roman par l'art oriental, byzantin et musulman, sur la continuité et sur l'intensité accrue de cette influence au xiie siècle. Plus solide en elle-même, cette seconde hypothèse ne contredit pas la première, car dans la mesure où l'art carolingien a subi l'influence de l'art byzantin et même musulman, le rayonnement des techniques et des thèmes de l'Orient, au xiie siècle, a pu prendre le relais de la tradition carolingienne, la renforcer et la compléter.
5Dans les limites des quelques chansons du xiie siècle que nous examinons, notre propos est, après avoir défini ce que nos descriptions doivent à l'art contemporain du xiie siècle et précisé les points d'accord avec l'art carolingien, de démêler quels ont été les emprunts aux techniques, aux thèmes, au luxe orientaux, en distinguant, autant qu'il est possible, l'art byzantin et l'art musulman.
6Seront étudiées successivement la mosaïque, la peinture murale, la richesse des matériaux. Mais, dans un domaine où les influences orientales ne sont plus à démontrer, nous nous demanderons, surtout si les poètes lorsqu'ils peignent les intérieurs sarrasins, ont vraiment l'intention de leur donner une couleur orientale et quels sont le contenu et la valeur de celle-ci.
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7Bien que la mosaïque ("or musique") ne soit pas nommément désignée dans les textes que nous utilisons ici, ceux-ci font nettement allusion aux incrustations décoratives de marbres polychromes. Dans la Prise d'Orange, le palais du roi sarrasin Arragon est décoré d'incrustations alternées de marbre vert et bis.
v. 559 "Qu'est entailliez de vert marbre et de bis...
8Le même travail d'incrustation a servi à revêtir les piliers de l'appartement de Floripas dans Fierabras :
v. 2148 "Li piler sont de marbre et sont mult bien plané
D'uevre sarazinoise entaillié et ouvré."
9Dans Elie de St Gilles, le pavement de la chambre de Rosamonde est vraisemblablement constitué de mosaïque d'or.
v. 1635 "Li pavemens en est tout a fin or ovrés.
10Cependant, la technique de la mosaïque, souvent mentionnée pour la décoration des intérieurs sarrasins, ne peut pas être considérée à l'époque de nos chansons comme une technique autochtone. Il faut en aller chercher les modèles réels dans le passé carolingien ou bien y voir le témoignage du rayonnement, en France, de la technique de la mosaïque orientale soit byzantine soit islamique. Après avoir servi à revêtir les basiliques chrétiennes de Gaule des 6e-8e siècles, dont les murs intérieurs disparaissaient sous le revêtement de marbre précieux11, la mosaïque entre au ixe siècle dans la décoration des monuments carolingiens. Pour son palais d'Aix-la-Chapelle, Charlemagne fit venir d'Italie non seulement des colonnes et des marbres tirés des débris des constructions antiques, mais aussi des mosaïques12. La chapelle palatine était ornée des mosaïques les plus précieuses13. Un revêtement de marbre polychrome servait à la décoration intérieure du palais carolingien d'Ingelheim14. La résidence de l'évêque Théodulphe, à Germigny-des-Prés, était décorée d'une mosaïque15. Il n'est pas exclu que la mention fréquente de la mosaïque dans la description des appartements épiques soit une réminiscence de la décoration carolingienne. On peut l'admettre d'autant plus que le palais d'Aix-la-Chapelle, pillé par les Normands en 881, "demeura à peu près intact16 jusqu'au premier tiers du 13e siècle". Mais l'art de la mosaïque, après avoir produit "des œuvres importantes à l'époque mérovingienne, écrivent MM. P. Deschamps et M. Thibaut, ne s'acclimata pas en France, et il ne paraît s'être manifesté à l'époque carolingienne que dans quelques monuments somptueux"17. En Italie même, au xie siècle, l'abbé Didier fait venir des mosaïstes de Constantinople pour la décoration de l'église de l'abbaye du Mont Cassin (entre 1066-1086)18.
11La mosaïque devait donc être considérée par nos poètes comme une technique exotique, orientale, d'autant que les pélerins occidentaux pouvaient voir les mosaïques des basiliques de l'Orient chrétien et que les visiteurs de marque avaient la faculté d'admirer les mosaïques des palais byzantins19.
12Toutefois le poète de Fierabras présente le revêtement de mosaïque qui décore la chambre de Floripas comme une œuvre sarrasine "uevre sarazinoise". Sur ce point, l'Histoire de l'Art est loin de le contredire : s'il est vrai que les Byzantins excellèrent dans l'art de la mosaïque au point que le calife de Cordoue 'Abd-Al-Rahmân III, fit venir de Constantinople un spécialiste byzantin pour enseigner aux ouvriers andalous l'emploi de la mosaïque polychrome20, celle-ci fut pratiquée aussi par les musulmans, et, même, si l'on accepte l'hypothèse que la mention épique est reliée par la tradition à la réalité des mosaïques carolingiennes, celles-ci ont effectivement subi parfois l'influence de l'art islamique. La mosaïque de la résidence carolingienne de Germigny-des-Prés comportait des motifs ornementaux hispano-islamiques21. Mais le poète de la deuxième moitié du xiie siècle avait, sans doute, sur l'art islamique, des informations plus directes et plus fraîches. Il est vraisemblable que s'il attribue aux Sarrasins l'appareil d'incrustations qui tapisse la chambre de son héroïne sarrasine, c'est qu'il savait que cette technique était fréquemment mise en œuvre pour la décoration des monuments arabes. Dans la résidence califale de Madînat Az-Zahrâ' (xe siècle), près de Cordoue, la polychromie tapissait, non seulement les murs, mais le sol-même22. La grande mosquée de Cordoue avait été enrichie sous Al-Hakam II, de revêtements de marbres précieux et d'un somptueux décor d'incrustations polychromes23. Hors d'Espagne, la mosquée d'Az-Zaytouna à Tunis et celle de Kairouan se paraient aussi d'incrustations décoratives24. Ce n'est pas par hasard que les poètes épiques revêtent les intérieurs sarrasins d'incrustations de marbres polychromes. Le poète de Fierabras parle en connaissance de cause lorsqu'il considère les incrustations de marbres polychromes comme une technique sarrasine. Comment nos poètes auraient-ils pu ignorer que la mosaïque était pratiquée par les musulmans, alors qu'aujourd'hui les historiens de l'Art voient dans l'adoption de la mosaïque par les architectes français des xe-xiie siècles pour la décoration des églises romanes de l'Auvergne et du Velay, l'un des signes de l'influence de l'art musulman d'Espagne sur l'art roman d'Auvergne ?25. Comment ce qui avait retenu l'intérêt des maîtres d'œuvre au point de leur inspirer le désir d'en donner une interprétation originale, aurait-il laissé les trouvères indifférents ? Comment en auraient-ils ignoré l'origine ? Il y a fort à penser que, pour son aspect flatteur, la mosaïque a été, de tous les emprunts plus techniques, sinon plus austères, faits à l'art islamique, comme l'art outrepassé ou le modillon à copeaux, celui qui fut le plus populaire auprès de l'opinion médiévale du xiie siècle. "La polychromie et les revêtements de mosaïque constituent, écrit Ahmad Fikry, un des éléments les plus riches du répertoire de l'architecture romane"26. Nos poètes n'ignorent sans doute pas que les mosaïques de ces églises romanes ont pour modèles les mosaïques de l'Espagne musulmane. Il est évident, en tout cas, que la mention de la mosaïque traduit, dans nos chansons, l'intention de dépayser le public et d'entraîner son imagination dans un ailleurs oriental, byzantin mais parfois aussi islamique.
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13Plus encore que la mosaïque, la peinture murale sert à l'ornementation des palais sarrasins. Dans le cadre des chansons du xiie siècle que nous considérons, il est possible de distinguer trois sortes de sujets : les grandes compositions, la flore et la faune, la décoration abstraite.
14Nous ferons entrer parmi les "grandes compositions", la représentation du monde, celle des saisons, celle aussi des scènes de la vie quotidienne dont nous n'ayons qu'un exemple27 ; la représentation d'une chasse à l'ours peinte sur les murs de la chambre de Rosamonde dans la Chanson d'Elie de St Gilles.
v, 1642 "Et les vieutres detraire, (et) les ors encainer
15Le thème des saisons et des mois de l'année est mentionné dans la description de la chambre de Floripas, où sont figurés et "yver et esté"28. Ce sujet s'inscrit à l'intérieur d'une composition plus vaste : sur la voûte principale de la chambre sont peints le ciel et les étoiles, l'hiver et l'été, la lune et le soleil, la terre avec ses forêts et ses montagnes, le monde entier.
Le ciel et les estoiles, et yver et esté,
La lune et li solaus, qui nous donne clarté
Forers, teres et puis, i est tout painturé.
16Le même sujet figure dans la chambre de Rosamonde où le monde entier est représenté avec tous les êtres de la création.
Et les pisons noians, et le ciel estelé
Et toute riens en tere comme l'arce Noé
Ai ge fait en ma cambre a fin or pointurer29.
17Ces différents sujets font partie de l'iconographie de l'époque romane. Une chasse au sanglier en forêt est sculptée sur le tympan de l'église Saint Ursin à Bourges30. Il est vraisemblable qu'une scène de chasse semblable à celle qui est mentionnée dans Elie de Saint Gilles, ait pu être traitée dans la peinture murale romane. Dans le Haut Moyen-Age ce sujet profane est représenté à côté des paysages et des épisodes de l'Ancien et du Nouveau Testaments, dans la peinture murale des églises31. La représentation des saisons doit se comprendre comme "l'image symbolique des saisons"32 et les 12 mois comme des scènes champêtres où sont figurées les occupations des différents mois. Ces sujets ont été maintes fois reproduits non seulement dans la sculpture romane33et dans la sculpture gothique34, mais aussi dans la peinture murale de certaines églises du xiie siècle35. Il s'agit là d'un thème très ancien interprété déjà dans le pavement des basiliques primitives36et dans la peinture murale carolingienne.
18La représentation de la Terre correspond à un autre thème, celui de la mappemonde, déjà traité à l'époque carolingienne : Charlemagne37et Lothaire38 possédaient une table d'argent représentant la carte du monde. A la fin du xie siècle ou dans les toutes premières années du xiie siècle, (avant 1101 ?) Baudri de Dol, abbé de Bourgueil, a adressé à la princesse Adèle, fille de Guillaume le Conquérant, un poème où est décrite la salle d'apparat du très ancien château de Blois39. Au plafond une peinture représentait les étoiles et les figures du Zodiaque, sur le pavement on voyait une mappemonde avec la Terre, la mer, ses poissons et ses monstres40. Ce parallèle entre nos descriptions et ce que nous savons des thèmes décoratifs réellement interprétés, nous conduit à penser que les poètes épiques s'imaginaient la décoration des intérieurs musulmans à partir de ce qu'ils connaissaient et d'après les œuvres d'art qui leur étaient familières. Ils supposaient qu'on pouvait y voir traités les mêmes sujets que dans les résidences princières du passé ou dans les églises romanes de leur temps. Très souvent, ils n'ont même pas eu à regarder autour d'eux ; ils se sont contentés de reprendre ce qui était déjà devenu un cliché littéraire. La représentation des 12 mois de l'année et celle de l'Eté et de l'Hiver figurent dans le Roman de Thèbes (1150-1160), brodées sur la tente du roi Adraste. Il en est de même pour la description de la mappemonde41dont le poète de Fierabras aurait pu chronologiquement s'inspirer pour la description de la chambre de Floripas. On peut se demander, cependant, pourquoi les poètes épiques ont choisi ces sujets pour l'ornementation de leurs intérieurs sarrasins. Est-ce naïveté ? Est-ce seulement parce que, dans l'intention de souligner le luxe de ces demeures, ils ont choisi les thèmes les plus propres à en rehausser la richesse ? Est-ce enfin parce qu'ils attribuaient encore à ces sujets, pourtant traités dans l'art carolingien et dans l'art roman, une couleur orientale ? Avant d'essayer de répondre à cette question, il convient de dire que ces sujets interprétés en Occident, avaient été souvent traités, auparavant, en Orient, tantôt dans l'art chrétien et byzantin, tantôt dans l'art musulman, tantôt dans l'un et l'autre, sinon dans la peinture murale, du moins dans d'autres techniques. Parmi les trois sujets que nous examinons, la chasse est un des plus fréquemment représentés tant dans l'art musulman, héritier en cela des traditions hellénistiques et iraniennes42que dans l'art chrétien d'Orient. Mais rien ne permet de découvrir dans la mention d'une banale chasse à l'ours, la moindre intention d'exotisme chez le poète de la Chanson d'Elie de St Gilles. Le thème des saisons, des 12 mois de l'année, fait partie de l'iconographie de l'Orient chrétien où il était interprété dans la miniature parmi d'autres figures allégoriques43pour l'illustration des manuscrits byzantins de l'Ancien Testament et dans la mosaïque des églises d'Orient44. Il en est de même de la représentation de la Terre. Celle-ci figure dans l'illustration de la Topographie chrétienne de l'Alexandrin Cosmas Indicopleustès45(vie siècle) et appartient aux motifs traditionnels de l'illustration des psautiers byzantins. Elle était aussi traitée en mosaïque sur le pavement de l'église de Madaba, en Palestine, qui représentait la carte illustrée de la Judée46. Ce sujet n'était pas non plus tout à fait inconnu de l'art musulman. Le calife fatimide el-Mo'izz (953-975) aurait fait exécuter une étoffe figurant la terre avec les montagnes, les mers, les fleuves, les routes, les villes dont la Mekke et Médine47. Cette correspondance entre les thèmes décoratifs orientaux et les thèmes romans n'a rien d'étonnant, En dehors de certains thèmes romans qui n'ont aucune racine orientale, "les composantes essentielles de l'iconographie : thèmes, composition, formes, écrivent MM, Pascaut et Rossiaud, ont été reçues de l'Orient."48
19La question que nous posons est celle-ci : ces motifs sont-ils ressentis par nos poètes comme orientaux ?
20Il est impossible de répondre nettement à cette question, mais on peut, du moins, citer quelques faits qui rendent vraisemblable une réponse positive. Il est certain que les Croisades, en multipliant les contacts, ont permis à un plus grand nombre d'occidentaux de connaître les créations de l'art oriental, surtout de l'art byzantin où ces thèmes décoratifs étaient fréquemment traités, parfois même dans la même église. Le fait que la Mappemonde, les saisons, les 12 mois de l'année, sont représentés sur la tente d'Adraste dans le Roman de Thèbes (1150-1160) ne plaide nullement contre le caractère oriental de ces motifs. Bien au contraire. Les romanciers "antiques" cherchaient au contraire "de quoi nourrir la curiosité du public pour l'exotisme"49.
21Alors que l'art de la mosaïque est dans la France du xiie siècle un art importé, le thème de la Mappemonde - on vient de le voir - était parfois interprété en mosaïque dans l'Orient chrétien (Église de Madaba). Or ce qui indique que l'auteur du Roman de Thèbes a dans l'esprit un modèle réel traité en mosaïque, donc oriental, c'est l'expression "d'or musique"50(mosaïque) qu'il emploie très curieusement à propos d'une broderie. D'autre part, si l'on compare la mappemonde de la tente d'Adraste avec celle qui figure dans la chambre de Floripas, de nombreuses différences (rondeur, division en cinq zones climatiques, énumération de pierres précieuses51)) semblent exclure que la mappemonde du Roman de Thèbes ait pu servir de modèle à celle de la Chanson de Fierabras. Au contraire, la correspondance est plus grande entre cette dernière mappemonde et la représentation de la Terre, telle qu'elle figure dans les miniatures byzantines, d'après la description que nous en donne Diehl : La Terre est représentée "sous la forme d'une île quadrangulaire entourée par l'Océan et flanquée de quatre vents qui soufflent dans des conques, ou bien d'une montagne derrière laquelle se lèvent et se couchent le soleil et la lune, puis des animaux, souvent dessinés d'après nature, des plantes, des fruits, des monuments, tout ce que savaient l'astronomie, la cosmographie, la botanique et la zoologie de l'époque". C'est donc soit d'une autre source littéraire, soit d'un autre modèle oriental que s'inspire le poète de Fierabras. La chanson du Voyage de Charlemagne à Constantinople peut fournir une autre référence. S'il est difficile de dire à quelle église byzantine réelle répond la description de l'Église de Sainte Patenôtre52, le poète a dû y grouper ce qui lui paraissait le plus authentiquement byzantin. Aussi l'a-t-il ornée de fresques diverses parmi lesquelles on reconnaît le double thème des 12 mois de l'année et de la mappemonde53.
v. 124 "Vit de cleres colurs li muster peinturez,
De martirs et de virgenes e de grant maiestez,
E les curs de la lune e les festes anvels,
E les lavacres curre e les peisons par mer.
22Le poète a choisi ces sujets parce qu'il les considérait encore à l'époque de la chanson (1060-1175) comme originellement byzantins.
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23Les sujets les plus fréquemment représentés par la peinture sur les murs des appartements sarrasins sont empruntés à la flore, mais surtout à la faune : oiseaux et lions dans la Prise d'Orange54, oiseaux, quadrupèdes et dragons dans Fiérabras55, quadrupèdes, oiseaux et poissons dans Elie de St Gilles56. Il s'agit donc d'animaux, dont certains sont exotiques, certains merveilleux. Pour la flore, les poètes se dispensent généralement de citer des plantes particulières. Mais, comme pour la faune, ils insistent, par exemple dans la Prise d'Orange57, sur la diversité des espèces représentées, voire sur leur universalité. Dans la chambre de Floripas, toutes les espèces de la création sont figurées58 ; celle de Rosamonde est plaisamment comparée à une arche de Noé parce que le talent du peintre y a réuni tous les êtres de la création59. Il n'est pas impossible que les figures d'animaux aient pu réellement faire partie du répertoire pictural de l'art seigneurial du xiie siècle. Mais il ne nous en est resté, semble-t-il, aucun vestige. Au contraire, dans l'art religieux du xiie siècle, les animaux constituent un thème habituel. Ils sont abondamment traités dans la sculpture des églises romanes. Comme dans nos descriptions d'intérieurs sarrasins, des animaux exotiques, (lions, etc.) et merveilleux (griffons et dragons60), des oiseaux (aigles, etc.) et des quadrupèdes de toute sorte sont représentés. Ces animaux ne sont pas seulement interprétés dans la sculpture romane mais également, comme dans les fresques qui décorent nos demeures sarrasines, dans la peinture murale du xiie siècle. La décoration de la tribune nord de la cathédrale du Puy comporte des animaux peints, paons notamment. Ces motifs empruntés à la faune sont donc bien romans et l'art roman peut les revendiquer comme siens. Nos poètes épiques auraient donc décrit les intérieurs sarrasins à partir des motifs romans qu'ils pouvaient avoir sous les yeux. Il se trouve pourtant que les animaux font aussi partie du répertoire des thèmes habituellement traités dans l'art oriental, qu'il soit musulman ou byzantin. L'art musulman, malgré l'interdiction de reproduire les êtres animés, formulée par le "hadith", abonde en figures d'animaux.
24Ceux-ci sont traités, en Orient, dès le 8e siècle, dans la peinture murale, Ils se répandent au xe siècle, en Occident comme en Orient, Dans l'Égypte fatimide (xie-xiie siècles), ils sont interprétés partout, dans la peinture, la céramique, le bronze, le cristal, le bois, la faïence, les tissus ; ils entrent dans la décoration des monuments normands de Sicile61. A Cordoue, ils figurent dans les objets de céramique et sur les coffrets d'ivoire62. La faune n'inspire pas moins les artistes byzantins. Ici, la religion n'impose aucun frein à la représentation des êtres animés. Les animaux figurent, dès le vie siècle, sur les tissus où se manifeste l'influence orientale63. Ils sont représentés dans la mosaïque64, dans l'orfèvrerie65, dans la sculpture66, dans les miniatures, ciselés dans le marbre67. Ils servent à la décoration des palais68, et, pendant la crise iconoclaste du ixe siècle, ils envahissent même les églises69. Ils ornent les coffrets d'ivoire du xiie siècle70. Ainsi donc, nos poètes épiques, en imaginant des peintures d'animaux sur les murs des appartements sarrasins, auraient rencontré, par hasard, le sujet convenable. Ils auraient trouvé la couleur locale sans le vouloir ; ils auraient donné à leurs descriptions une atmosphère exotique sans la chercher. Ils auraient été orientaux en étant romans. Supposons, un instant, que nos poètes aient commis inconsciemment cette heureuse méprise, celle-ci était rendue possible précisément parce que l'art roman et avant celui-ci l'art carolingien, doivent historiquement à l'art musulman ou à l'art byzantin leur répertoire de motifs zoomorphiques. L'influence orientale s'est exercée par l'entremise des "objets transportables"71, des ivoires et surtout des étoffes importées en Occident depuis le Haut Moyen Age par les pèlerins, gardées dans le trésor des églises pour y être déployées aux jours de fête. Nos artistes ont imité librement ces thèmes de prédilection qu'étaient les animaux. "Presque toujours, écrit Emile Mâle, les singuliers animaux de nos églises romanes reproduisent, avec plus ou moins de liberté, les magnifiques animaux des tissus orientaux"72. Mais, devons-nous maintenir l'hypothèse que les trouvères aient si totalement oublié l'origine orientale des motifs zoomorphiques imités en France depuis des siècles, qu'ils les aient considérés comme intimement assimilés à leur patrimoine national ? Cela aurait été certain si, au xiie siècle, l'afflux des objets orientaux avait cessé, si l'on n'avait plus songé à les imiter. Mais il n'en a pas été ainsi. Pendant des siècles, nos églises font venir de l'Orient leurs plus précieuses étoffes, "mais jamais, écrit E. Mâle, les tissus orientaux ne furent plus abondants en France qu'au temps des croisades... "73. Durant tout le xiie siècle, les étoffes orientales affluent en France, notamment de l'Espagne musulmane et de la Sicile, où les princes normands avaient établi des ateliers reproduisant les modèles arabes74. Leurs motifs continuent d'inspirer les artistes du xiie siècle : on les sculpte aux chapitaux et aux portails des églises75, on les interprète dans la peinture murale à l'intérieur des églises. Dans ces conditions, il est difficile d'admettre que lorsque nos poètes épiques imaginent les intérieurs sarrasins peuplés d'un décor d'oiseaux et de quadrupèdes, d'animaux exotiques ou fantastiques, ils ne soient pas guidés par l'intention bien consciente de répandre une atmosphère orientale sur les appartements et les palais sarrasins.
25On comprend qu'il soit difficile, en raison de la sobriété de nos descriptions épiques, de répondre à la question qui se pose maintenant. Cette couleur orientale est-elle surtout musulmane ou surtout byzantine ? Une telle question est d'autant plus délicate qu'en ce qui concerne les motifs zoomorphiques, les modèles orientaux, chaldéens puis sassanides ont été repris, sans être compris, par les byzantins comme par les musulmans76. Le palais byzantin du roi Hugues dans Le Voyage de Charlemagne comporte les mêmes motifs de quadrupèdes, de serpents, d'animaux et d'oiseaux77 que le palais d'Orange ou la chambre de Floripas. Là, il s'agit pourtant d'une décoration byzantine, ici d'une décoration sarrasine. C'est peut-être par l'intermédiaire de l'ornementation florale qu'on peut déceler parfois une plus grande conformité avec l'une ou l'autre. Nous avons relevé plus haut, pour la représentation d'animaux dans les appartements de Floripas et de Rosamonde, la prétention du peintre à reproduire l'universalité de la faune. L'extraordinaire diversité de la faune traitée dans l'art byzantin et musulman peut expliquer l'impression d'universalité attribuée par les poètes à la décoration des intérieurs sarrasins mais nos poètes étendent, nous l'avons vu, cette diversité, sinon cette universalité, à la flore. Pas une fleur, de la ville d'Orange jusqu'à Pavie, qui ne sait peinte dans le palais du roi Sarrasin Thiebaut ! Il s'agit, il est vrai, d'une simple formule. Elle sous-entend pourtant une diversité qui ne correspond nullement à la flore représentée dans le décor musulman. La flore y a une place éminente mais, écrit G. Marçais, "l'herbier des décorateurs musulmans se révèle à l'analyse d'une indigence extrême... il ne contient guère que l'acanthe et la vigne". Encore ces motifs sont-ils difficilement identifiables. "La feuille n'est autre qu'une palme et la fleur qu'un fleuron, qui n'ont de noms dans aucun traité de botanique"78. Les thèmes floraux disposés sur de minces rinceaux dessinent des tiges de plus en plus irréelles79. A moins de supposer que notre poète ait confondu la variété des formes avec la diversité des espèces, son expression : "toutes les fleurs d'ici jusqu'à Pavie" ne traduit nullement l'esprit ni la manière de l'art islamique. Si l'on doit interpréter à la lettre la formule du poète, c'est plutôt vers l'art byzantin que nous devrions tourner nos regards et plus particulièrement vers la période iconoclaste (viie-ixe siècle) et vers la période qui suivit et que l'on appelle "Le Second Age d'or byzantin" (entre le ixe et le xiie siècle)80. La crise iconoclaste entraîne jusque dans les églises la substitution aux sujets religieux de peintures représentant des paysages pleins d'oiseaux et d'animaux81. On supprime les images sacrées pour représenter "des arbres, des plantes diverses, des jardins potagers...ou encore des volières, c'est-à-dire des oiseaux au milieu des plantes"82. L'église des Blachernes est si abondamment décorée d'arbres, d'oiseaux, d'animaux, de plantes de toutes sortes qu'on pouvait la comparer à un verger et à une volière83. Les palais impériaux sont historiés d'une végétation variée où se jouent des animaux de toute espèce84. Au souci de la diversité dans la représentation de la flore et de la faune, s'ajoute celui d'une interprétation fidèle et réaliste de la nature et de la vie85. Si l'on admet que nos descriptions épiques s'inspirent de la décoration byzantine de l'époque iconoclaste et de l'art impérial, il n'est plus nécessaire de supposer que nos poètes aient imaginé pour leurs intérieurs sarrasins un décor pictural inspiré par les plantes et les animaux traités dans l'ivoire ou dans le textile. Dans nos chansons, il s'agit de peinture murale. Dans la décoration des monuments byzantins des ixe-xiie siècles, il s'agit aussi d'une décoration murale traitée non seulement en mosaïque mais aussi dans la peinture (85). Ainsi, la correspondance s'établit sur trois points : la nature des sujets, l'esprit dans lequel ils sont traités, la technique utilisée. Les fleurs, les oiseaux, les quadrupèdes qui parent les intérieurs sarrasins ont leur source dans les motifs correspondants traités dans l'art oriental, mais, chaque fois que l'universalité de la flore ou sa fidélité à la nature sont évoqués, il convient de se référer à l'art byzantin non à l'art islamique.
26En tout cas, pour la diversité de la flore, ce n'est pas parmi les créations de l'art français du xiie siècle qu'il convient de chercher un modèle. Comme l'écrivait Léon Gautier "C'est au siècle suivant que triomphera le principe, l'excellent principe de l'imitation des feuillages naturels et que cette imitation deviendra le principal caractère de tout le système décoratif"86. C'est, en effet, au début du xiiie siècle que commence à s'épanouir en Ile-de-France une flore dont les différentes espèces, imitées d'après nature, sont bien reconnaissables. Il faut attendre le milieu du xiiie siècle pour pouvoir observer la grande variété des espèces, représentées par la flore naturaliste87. "C'est seulement à partir de la fin du règne de St Louis que le répertoire ornemental s'enrichit des plantes les plus diverses et que l'artiste quitte la fleur stylisée pour la fleur vraie".88
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27La description de la chambre de Marsile dans la Chanson de Roland mérite de retenir notre attention à plus d'un titre : c'est la seule description d'intérieur que nous ayons dans cette chanson. C'est aussi la plus ancienne. C'est peut-être aussi la plus exacte. Ici la décoration consiste essentiellement dans un pur agencement de lignes et de couleurs :
v. 2594 "Plusurs culurs i ad peinz e escrites"
28La nature abstraite de cette ornementation n'a pas échappé aux traducteurs. Bédier avait traduit : "des signes de diverses couleurs sont peints et tracés"89. H. G. Moignet propose : "Il y a des peintures et des écritures de plusieurs couleurs"90. Ces deux traductions ont des mérites différents. Bédier rend mieux le caractère non figuratif du décor par l'emploi du mot "signes", mais le mot confond deux éléments que la traduction de "peinz" et "escrits" par les mots "peints et tracés" ne permet pas de différencier nettement. Au contraire, M. Moignet distingue clairement le sens de "peinz" et "escrits" en proposant "peintures" d'une part et "écritures" de l'autre. Mais le mot "peintures" ne rend pas exactement le caractère purement décoratif de la peinture musulmane. Le mot "arabesques" conviendrait mieux, si le sens du mot n'était trop restreint, puisqu'il désigne strictement "les stylisations d'origine végétale" et non les figures géométriques91. Le poète de la Chanson de Roland, semble, en tout cas, avoir très bien saisi et traduit, dans l'espace d'un seul vers, l'esprit de l'art musulman d'Espagne, c'est-à-dire son caractère abstrait. Cet art, écrit H. Terrasse, "vit dans l'abstraction ... tend vers le décor pur"92. S'il est vrai que le califat de Cordoue n'a pas ignoré l'art figuratif, notamment dans la résidence de Madînat al-Zahrâ'93, c'est surtout dans le développement de motifs floraux éloignés du réel et dans le jeu des entrelacs géométriques que s'exprime, à toutes les époques, l'art musulman d'Espagne, favorisant plus ou moins le premier ou le second de ces thèmes. Il est tout à fait remarquable que le poète de la chanson n'a pas omis la troisième composante de l'art décoratif musulman : l'épigraphie. Il n'est pas douteux que l'adjectif "escrites" désigne les inscriptions décoratives en caractères koufiques. Tel doit être aussi l'avis de M. Moignet qui n'hésite pas à traduire ce mot par "écritures". Le vers de la Chanson de Roland correspond parfaitement à ce qu'était l'art décoratif musulman d'Espagne à la date supposée de la chanson (1100), c'est-à-dire à l'époque des Almoravides. A ce moment, l'art hispano-mauresque s'est orienté vers trois directions : l'ornementation florale, qui reste "l'élément dominant", le décor géométrique "qui est en progrès", l'épigraphie "qui devient plus riche"94. Il n'est pas nécessaire d'attribuer au poète de la Chanson de Roland des lumières particulières sur la civilisation musulmane pour expliquer qu'il connaisse l'utilisation par l'art musulman de l'épigraphie à des fins décoratives. Cela pouvait faire partie au xiie siècle de la culture d'un esprit un peu curieux. Point n'était besoin pour cela d'avoir visité l'Espagne musulmane. Les inscriptions en koufique95 et même, à l'époque almoravide, en écriture cursive96, ne figuraient pas seulement sur les monuments97, mais aussi sur un bon nombre de ces "objets transportables" qui ont contribué à la diffusion de l'art musulman : céramiques98, ivoires99, coffrets de bois et tissus100. On sait aussi qu'indépendamment de leur signification (nom du possesseur de l'objet, versets du Coran, louanges à Dieu, etc.)101, elles ont séduit parleurs qualités esthétiques nos artistes romans au point que, sans les comprendre, ils en ont imité les caractères, en les sculptant dans la pierre des églises ou dans le bois des portails102. Ce rayonnement est, précisément, tout à fait contemporain de la Chanson de Roland : des inscriptions à caractères koufiques ornent l'un des chapiteaux du cloître de Moissac qu'on date de 1100103. D'ailleurs, il existait en Orient d'autres exemples de décorations épi graphiques. Les Croisés de la première Croisade avaient pu voir, à Jérusalem, conquise en 1097, la "mosquée d'Omar" appelée Temple de Salomon par les chroniqueurs104 où figurait une frise d'inscriptions koufiques sur fond or105. Une telle diffusion de l'épigraphie musulmane peut difficilement faire admettre que le poète de la Chanson de Roland ait ignoré l'utilisation décorative des inscriptions dans l'art musulman. Ce n'est pas le hasard qui a inspiré au poète un vers qui, non seulement, définit le caractère abstrait de l'art décoratif musulman, mais évoque ses formes habituelles d'expression.
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29Les poètes épiques ne veulent pas moins susciter l'admiration de leur public par la richesse des matériaux utilisés dans la décoration que par la rareté des techniques ou l'abondance, la variété et la singularité des peintures. Le palais d'Orange est tout resplendissant d'or106. Dans celui du roi sarrasin Ganor se dressent des colonnes incrustées d'or107. Les fenêtres de l'appartement de la reine sarrasine Orable sont incrustées d'argent108. On voit dans la chambre de Rosamonde des colonnes d'ivoire d'une richesse inouie109. Dans le palais de Ganor, gemmes et pierreries brillent d'un si vif éclat qu'on n'a pas besoin de cierge pour éclairer parfaitement110. Veut-on trouver en France une décoration d'une richesse à peu près comparable, ce n'est pas vers le xiie siècle roman qu'il faut tourner ses regards, mais plutôt vers les monuments des temps mérovingiens et carolingiens. A l'intérieur des basiliques, écrivent MM. P. Deschamps et M. Thibout, "l'or était répandu avec profusion, les plafonds en étaient dorés et des mosaïques à personnages sur fond d'or"111 en tapissaient les absides. L'or étincelait aussi dans les palais carolingiens. La chapelle d'Ingelheim, celle du palais d'Aix ruisselaient d'or et d'argent112. Un catalogue du début du ixe siècle113, cite l'or parmi les couleurs utilisées pour la décoration. Cependant, il y a fort à penser que les véritables modèles auxquels se rattachent nos descriptions sont les palais byzantins contemporains de nos chansons, plutôt que les monuments du passé carolingien. Certains voyageurs du xiie siècle avaient pu voir les splendeurs des palais impériaux de Constantinople. Eudes de Deuil qui accompagna Louis vii à la deuxième croisade (1147-1149) put admirer le palais des Blachernes où le Basileus Manuel Comnène donna audience au roi de France, lors du séjour de celui-ci à Constantinople. Après en avoir décrit l'or des peintures et les mosaïques de marbre, il dit ne pas savoir si c'est à la finesse du travail ou à la valeur des matériaux que la décoration doit son prix et sa beauté : "et nescio quid ei plus conferat precii vel pulchritudinis, ars subtil is vel preciosa materia"114. La décoration des palais byzantins se signale, en effet,par l'utilisation des matières les plus précieuses. Les colonnes et les murs du palais des Blachernes étaient couverts d'argent et d'or115. Comme pour la description du palais du roi Ganor dans Aye d'Avignon, des pierres précieuses servaient aussi à la décoration. Dans la chapelle du Palais Sacré (xe siècle), perles et pierres précieuses rehaussaient la richesse des murs tapissés de feuilles d'argent damasquinées d'or. Pour décrire leur éclat, Benjamin de Tudèle qui visita lui aussi le palais de Blachernes au xiie siècle, emploie une hyperbole analogue à celle du poète d'Aye d'Avignon : "le trône impérial, écrit-il, est couvert des pierres précieuses les plus inestimables, à ce point qu'il resplendit même dans la nuit"116. Le luxe déployé dans les palais de Bagdad117, de Mahdiya118 ou de Madînat al Zahrā' était certainement comparable à celui des palais byzantins. Pour la salle de réception de ce dernier palais on avait employé les matériaux les plus précieux et les plus rares. Dans la loge du souverain (maksura) de la mosquée de Cordoue, le plafond d'argent était supporté par des colonnes incrustées d'or et de lapis lazuli. On voyait à Madînat al Zahrâ' une fontaine en or ornée de perles et de pierres précieuses119. Mais les palais byzantins ont eu un rayonnement plus immédiat, et dans certains cas, plus durable. Vers 1100, il ne subsistait plus de Madînat al-Zahrâ' que les murailles120. Le sujet du Voyage de Charlemagne à Constantinople laisse supposer que les descriptions qui s'y rencontrent, se réfèrent aux monuments byzantins. Or le poète vante, précisément, la richesse des matériaux utilisés pour leur décoration : colonnes de marbre niellées d'argent ou d'or121, escarboucle sertie dans un pilier d'argent122. Cependant, quelques éléments de nos descriptions nous renvoient aux créations de l'art musulman plus qu'à celles de l'art byzantin. Dans le palais de Gloriette, les fenêtres, nous dit-on, sont incrustées d'argent ("entaillées d'argent"). Dans Elie de St Gilles, il faut, sans doute, entendre par colonnes d'ivoire (colombes d'ivoire) des colonnes de bois incrusté d'ivoire. À vrai dire, nous n'avons pas trouvé mention dans les ouvrages spécialisés d'incrustations d'argent sur bois. C'est le cuivre qui recevait surtout des incrustations d'argent ou d'or123. Mais de minces plaques d'ivoire étaient parfois incrustées sur un fond de bois comme c'est le cas des colonnes d'ivoire de la chambre de Rosamonde. Ce que nos poètes semblent avoir retenu, c'est que la technique des incrustations est tout particulièrement pratiquée par les artistes musulmans124.
30On peut maintenant essayer de définir aussi exactement que possible, l'hiatus souvent remarqué entre les décorations fictives des palais et des appartements sarrasins de nos chansons de geste du xiie siècle et la réalité de la décoration seigneuriale de la même époque. Cet hiatus tient à la mention de techniques qui, dans l'Occident chrétien, ont cessé d'être pratiquées en France depuis longtemps (mosaïques) ou sont typiquement orientales (incrustations) ainsi qu'à l'utilisation de matériaux rares et précieux (or, argent, ivoire). Quant aux sujets, il s'agit souvent de thèmes picturaux qui sont devenus des clichés en Occident même. Mais ils ont été interprétés aussi et d'abord en Orient, ils ont été empruntés par l'Occident à l'Orient et plusieurs indices montrent qu'ils sont vraisemblablement encore ressentis par les poètes épiques comme chargés d'exotisme oriental. Cet exotisme oriental est composite et fictif ; il amalgame des éléments qui appartiennent à l'art byzantin et musulman, mais l'art byzantin, surtout, paraît avoir été mis à contribution. Des créations de l'art byzantin, il semble que ce soient celles de l'art impérial et celles de la période iconoclaste qui ont surtout impressionné les Occidentaux et, par voie de conséquence, agi sur nos descriptions épiques. Tout un groupe de sujets appartient au répertoire de l'iconographie byzantine. Cependant, l'art musulman n'est pas absent. La mosaïque où excellaient les Byzantins, est présentée comme une technique musulmane. La technique des incrustations est spécifiquement musulmane. L'esprit et les formes habituelles de la peinture décorative musulmane paraissent parfois avoir été comprises d'une façon saisissante. De là, vient que nos intérieurs sarrasins ne sont pas plus occidentaux que byzantins ou musulmans. Mais le poète veut les singulariser par rapport à ce qu'il voit autour de lui par l'utilisation de signes qui stimulent dans son esprit et dans l'esprit de son public la vision d'un Orient imaginaire. Ces signes ont, peut-être, déjà beaucoup servi, ils sont, peut-être, un peu usés, mais ils font sans doute encore recette.
Notes de bas de page
1 Levron (Jacques), Le Château fort et la vie au Moyen-Age. Fayard, Paris, 1963, p. 94.
2 Enlart (Camille), Manuel d'architecture française. t. II, Architecture civile et militaire, 1, pp. 170-172.
3 Deschamps (Paul) et Thibout (Marc), La peinture murale au début de l'époque gothique de Philippe Auguste à la fin du règne de Charles V - 1180-1380, C.N.R.S., Paris, 1963, p. 206.
4 Levron (Jacques), o.c, p. 94.
5 Deschamps (Paul) et Thibout (Marc), o.c., p. 27.
6 Söhring (Otto), Werke bildender Kunst in altfranzösischen Epen. Romanische Forschungen, XII Band - Erlangen 1900, p. 512.
7 Gautier (Léon), La chevalerie, Paris, 1884, pp.533-534, note 11.
8 Kleinclausz(A.), Charlemagne, Paris, 1934, pp. 189-192.
9 Richer : Historiae, III, 71.
Cf. Van Waard (R.), Études sur l'origine et la formation de la Chanson d'Aspremont - Diss. Groningne 1937, p. 154.
10 Heliot(P.), Sur les résidences princières bâties en France du xe au xiie siècle. Le Moven-Age, n°61, année 1955, pp. 314-316.
11 Mâle (E.), La fin du paganisme en Gaule et les plus anciennes basiliques chrétiennes ; Paris, pp. 156, 188 189, 198.
Ebersolt, Orient et Occident, Recherches sur les influences orientales en France avant les Croisades. Paris. Bruxelles,1928-1929, t. I, p. 94.
12 Kleinclausz, o.c., p. 186.
13 Kubach (Erich), Elbern (Victor H.), l'Art de l'empire au début du Moyen-Age : les arts carolingiens et. ottoniens, Paris 1973, p. 116.
14 Kleinclausz, o.c., p. 183.
15 Kubach (E.), o.c., p. 117.
16 Kleinclausz, o.c., p. 186.
17 Deschamps (Paul) et Thibout (Marc), La peinture murale en France, Le Haut Moven-Age et l'époque romane. Paris, 1951, p. 8.
18 Ibid., p. 23.
19 Grabar (André), Byzance : l'art byzantin au Moven-Age (8e-15e siècle), Paris, 1963, p. 32.
20 Levi Provençal (E.), Histoire de l'Espagne musulmane. Maisonneuve, Paris, 1953, t. III, p. 393.
21 Kubach (Erich), Elbern (Victor H.), o.c., pp.116-117.
22 Fikry Ahmad, L'art roman du Puy et les influences islamiques, Paris, Leroux, 1934, p. 231.
23 Ibid, et Terrasse (Henri), L'Espagne au Moven-Age, Fayard, Paris, 1966, p. 45.
24 Fikry Ahmad, Ibid.
25 Mâle (Emile), Arts et Artistes du Moven-Age, Paris, 1927, pp. 39 à 69.
26 Fikry Ahmad, L'art roman du Puy et les influences islamiques, Paris, Leroux, 1934, p. 233.
27 On s'abstient ici de parler de la Chanson des Narbonnais qui est du début du xiiie siècle (1210). La décoration intérieure du palais de Narbonne, ville naguère musulmane (Mahomet y est figuré !) représente, entre autres compositions, des scènes de bataille (v. 3423) et on peut voir dans une des chambres d'autres scènes guerrières (v. 4403-4404), une frise d'instruments de musique (v. 4405), des scènes de l'Histoire Sainte et de la Genèse (v. 4406-4407).
28 Fier. v. 2151. De même dans les Narbonnais (v. 3419-3420 ; 4402).
29 De même dans les Narbonnais (v. 3416-3418) et, semble-t-il, aussi dans les Enfances Guillaume (v. 1714-1717).
30 Mâle (Emile), l'Art religieux du xiie siècle en France. Études sur les origines de l'iconographie au Moyen-Age. Paris, 1922, p. 339.
31 Deschamps (Paul) et Thibout (Marc), La peinture murale en France : Le Haut Moyen-Age et l'époque romane. Paris, 1951, p. 4.
Les scènes de l'Histoire du monde et les scènes de batailles qui figurent dans la décoration du palais de Narbonne étaient effectivement traitées dans la peinture romane (Deschamps Paul et Thibout Marc, La peinture murale en France dans le Haut Moyen-Age et 1'époque romane ; o. c., pp. 72-86 ; pp. 124-126 ; pp. 133-136). Le dernier sujet trouvera normalement sa place dans la peinture murale seigneuriale du xiiie siècle, où il sera fréquemment traité (Deschamps P. et Thibout M., La peinture murale au début de l'époque gothique de Philippe Auguste à la fin du règne de Charles V (1180-1380), C.N.R.S., Paris, 1963, pp. 220-221. Quant à la frise d'instruments de musique qui décore la chambre du palais de Narbonne, elle fait penser aux frises de blasons qui égayaient les murs de certains châteaux du xiiie siècle (Ibid., pp. 207-210).
32 Mâle (Emile), L'art religieux du xiiie siècle en France, Paris, 1902, pp. 84-86.
33 Mâle (Emile), L'art religieux du xiie siècle en France pp. 323 et 329.
34 Mâle (Emile), L'art religieux du xiiie siècle, pp.85-86.
35 Deschamps (P.) et Thibout (M.), o.c., p. 103.
36 Mâle (Emile), Ibid.
37 Kleinclausz, Charlemagne, o.c., p. 189.
38 Faral (Edmond), Recherches sur les sources latines des contes et romans du Moyen-Age - Champion, Paris, 1913, p. 350.
39 Heliot (P.), Sur les résidences princières bâties en France du xe au xiiie siècle, Moyen-Age, t. LXI. 1955. p. 55-56 et p. 295.
40 Abrahams (Phyllis), Les œuvres poétiques de Baudri de Bourgueil, édition critique publiée d'après le manuscrit du Vatican, Paris, 1926, p. 215.
Bezzola Reto(R.), Les origines et la formation de la littérature courtoise en Occident, t. II, 2e partie, p. 376.
41 Le Roman de Thèbes publié par Guy Raynaud de Lage, C.F.M.A., Champion, Paris, 1966, v. 4223-4268.
42 Marçais (G.), La question des images dans l'art musulman, Byzantion VII, Bruxelles, 1936, pp.161-162.
Migeon (G.), Manuel d'art musulman, t. II, p. 35.
Kühnel (Ernst), Islamic art and architecture, London 1966, pp.70-72.
43 Diehl, Manuel d'art byzantin, t. II, chapitre VII.
44 Mâle (Emile), La fin du paganisme en Gaule et les plus anciennes basiliques chrétiennes, p.199.et L'art religieux du xiiie siècle en France. p.85.
45 Diehl, o.c, t. II, pp. 240-241.
46 Mâle (Emile), La fin du paganisme en Gaule et les plus anciennes basiliques chrétiennes. Paris, p. 199.
47 Migeon (G.), o.c., t. II, p. 282.
48 Pacaut (Marcel) et Rossiaud (Jacques), L'âge roman, Fayard, Paris, 1969, p. 79.
49 Raynaud de Lage (Guy), Les romans antiques et la représentation de l'antiquité. Le Moyen-Age, Bruxelles, 1961, n° s 1 et 2. Tome LXVII, p. 289.
50 Le Roman de Thèbes, o.c., v. 4243.
51 Ibid., v. 4223-4268
52 Paris (Gaston), La chanson du Pèlerinage de Constantinople. Romania IX, 1880, p. 21.
53 Faral (Edmond), Recherches sur les sources latines des contes et romans du Moyen-Age, Champion, Paris, 1913, p. 349.
54 La Prise d'Orange : v. 561.
"Vit les oiseaux et les lions escris."
55 Fier. v. 2154
"Li oisel et les bestes, et li serpent cresté..."
56 Elie de St Gilles : v. 1635-1645.
57 Prise d'Orange : v. 272.
"Il ne croist fleur desi que en Pavie qui n'i soit painte a or et par mestrie."
58 Fier, v. 2156.
"Ains Diex ne fist espece dont il n'i ait plenté."
59 Elie de St Gilles : v. 1644
"Et toute riens en tere comme l'arce Noé."
60 Mâle (Emile), L'art religieux du xiie siècle en France, pp. 326 ; 340-358.
61 Marçais (Georges), La question des images dans l'art musulman, Ibid., pp. 162-163.
62 Ibid., p. 175.
63 Diehl, Manuel d'art byzantin, p. 643.
64 Ibid., p. 367.
65 Ibid., p. 420.
66 Ibid., p. 456.
67 Ibid., p. 415.
68 Ibid., pp. 367-368 ; p. 413.
69 Ibid., pp. 365-366.
70 Ibid., p. 659 ; p. 669.
71 Lambert (E.), L'art hispano-mauresque et l'art roman, Hesperis : 2e trimestre 1933, tome 17, fasc. 1 ; Larose, P. 5.
72 Mâle (Emile), L'art religieux du xiie siècle en France : o.c., P. 340. Diehl : o.c., p. 722- Guischia (Léon) et Mazenod (Lucien), Les arts primitifs français : Art mérovingien, art carolingien, art roman. Texte de Jean Vernier, Paris, 1953, p. 12.
73 Mâle (Emile) : Ibid. p. 343.
74 Ibid., p. 344.
75 Mâle (E.), Ibid. pp. 357-358 - Deschamps (Paul) et Thibout (Marc), La peinture murale au début de l'époque gothique, o.c., p. 80.
76 Diehl, o.c., pp. 643-648 - Mâle (E.) Ibid., p. 342.
77 Le voyage de Charlemagne à Jérusalem et à Constantinople. Edité par Aebischer (Paul). Droz-Minard, Genève 1965, v. 344-346.
Li paleis fu listez d'azur, e avenanz.
Par mult cheres peintures a bestes e serpenz,
A tutes creatures e a oiseaux volanz.
78 Marçais (G.), o.c., p. 173.
79 Terrasse (Henri), L'Espagne du Moyen-Age, Civilisation et Arts. Résurrection du passé, Fayard, Paris, 1966, p. 40.
80 Diehl (Ch.), o.c., p. 365.
81 Grabar (André), Byzance : l'art byzantin du Moyen-Age, Paris, 1963, pp.76-77.
82 Diehl, o.c., p. 365.
83 Ibid., pp. 413-415
84 Diehl, Histoire de l'art byzantin publiée sous la direction de Ch. Diehl. La peinture byzantine par Ch. Diehl, Van Oest, Paris, 1933, tome I, pp.20-22.
85 Diehl, Manuel d'art byzantin, p. 366 et 367.
86 Gautier (Léon), o.c., p. 575, note 3.
87 Jalabert (Denise), La flore sculptée des monuments du Moyen-Age en France, Picard, Pans, 1965, pp.94-99.
88 Gonse (Louis), L'art gothique, pp.411-412.
89 Bédier (Joseph), La chanson de Roland, Piazza, Paris, 1937, p. 217.
90 Moignet (Gérard), La chanson de Roland, Bordas, Paris 1972, p. 193.
91 Sourdel (D. et J.), La civilisation de l'Islam classique Les grandes civilisations. Arthaud. Paris, 1968, p. 528.
92 Terrasse (Henri), L'espagne du Moyen-Age : Civilisation et Arts. Fayard. Paris, 1966, pp. 48-49.
93 Levi-Provençal (E.), Histoire de l'Espagne musulmane. Maisonneuve, Paris, 1950, t. II, pp. 135-136.
94 Terrasse (Henri), o.c., pp.105-108.
95 Sourdel (D. et J.), o.c., pp. 552-553.
96 Terrasse (H.), o.c., p. 106.
97 Kühnel (Ernst), Islamic art and architecture, London, 1966, p. 69.
98 Roux (Jean-Paul), L'Islam dans les collections nationales, Edition des musées nationaux, Paris, 1977, pp.71-83.
99 Migeon, o.c., t. I, p. 344.
100 Migeon, o.c., t. I, p. 352 ; t. II, p. 300.
101 Migeon, Ibid., p. 352.
102 Mâle (Emile), Art et artistes du Moyen-Age. Paris, 1927, pp.66, 83, 86 - Lambert : L'art hispano-mauresque et l'art roman, o.c., pp.5-6.
103 Le Goff (Jacques), La civilisation de l'Occident médiéval, Paris, 1967, p. 513.
104 Histoire anonyme de la première Croisade. Les Belles Lettres, Paris, p. 203.
105 Mâle (E.), La fin du paganisme en Gaule et les plus anciennes basiliques chrétiennes, Paris, p. 197.
106 Prise d'Orange, v. 1103 :
"Ne cest palés ou l'or luist et resplant."
107 Aye d'Avignon, publié par M.A.F. Guessard et P. Meyer-Anciens poètes de la France - Paris, 1861 :
v. 2207 : "Les colonbes en sont ovrées a or bon..."
108 Prise d'Orange : v. 646 :
"Et les fenestres entaillées d'argent."
109 Elie de St Gilles, v. 1636 :
"Les colombes d'ivoire, qui tiennent les pilers, Ains ne furent veues plus rices en chité."
110 Aye d'A. v. 2208
"Les pierres et les brasmes resplendor getent grant Que ja n'i estuet cierge por nulle luor grant."
111 Deschamps (P.) et Thibout (M.), La peinture murale en France. Le Haut Moven-Age et l'époque romane, o.c., p.l
112 Kleinclausz, o.c., p. 183 et p. 192.
113 Kubach (Erick) et Elbern (Victor), o.c., Paris, 1973, p. 113.
114 Eudesde Deuil, La croisade de Louis VII, roi de France, publiée par H. Waquet, Paris, Librairie orientaliste, Paul Geuthner, Paris, 1949, p. 45.
115 Diehl, o.c., p. 417-418.
116 Ibid.
117 Sourdel (D. et J.), o.c. pp. 335-361.
118 Kühnel Ernst, o.c., p. 66.
119 Jonin Pierre, La "Clere" Espagne de Blancandrin - Mosaic VIII/4 pp. 95-96.
Migeon G., o.c., t. II, p. 8.
Sordo Enrique, L'Espagne Mauresque, Albin Michel, Paris, 1964, pp. 28-32.
120 Levi-Provençal (E.), o.c., t. II, pp. 138-139.
121 Le voyage de Charlemagne, o.c., v. 349-351.
122 Ibid., v. 423.
123 Migeon (Ch.) t. II, pp. 5-8 ; p. 42.
124 Migeon (Ch.) Ibid., p. 362.
Pérès (Henri) : La poésie andalouse en arabe classique au xie siècle ; ses aspects généraux et sa valeur documentaire : Publication de l'Institut d'Etudes Orientales, Fac. des Lettres d'Alger, Paris, 1937, p. 325.
Auteur
Université de Provence
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