Passion et fonctionnement optimal en société

1Depuis les débuts du xix^e siècle, la psychologie s’est progressivement intéressée aux déterminants du bien-être et fonctionnement optimal de la personne. Par exemple, la psychologie positive a récemment posé la question : « Comment la vie des gens peut-elle être vécue de la façon la plus positive possible ? » (Seligman & Csikszentmihályi, 2000). Comme il sera possible de le voir dans le présent chapitre, une réponse à cette question réside dans le fait d’entretenir une passion pour une activité plaisante et significative dans la vie de la personne. En effet, s’impliquer à fond dans une telle activité peut procurer plusieurs bénéfices à la personne, y compris un fonctionnement optimal dans notre société. Toutefois, comme nous le verrons ci-dessous, ce ne sont pas toutes les formes de passion qui s’avèrent positives pour la personne

2Le présent chapitre a pour but de présenter une esquisse du Modèle dualiste de la passion (MDP) et de son rôle dans le fonctionnement optimal en société. La première section présente le modèle en tant que tel. La seconde section, quant à elle, se concentre sur les recherches ayant étudié le lien entre la passion et les éléments constitutifs du fonctionnement optimal en société. Nous verrons qu’un type bien précis de passion, soit la passion harmonieuse, revêt une grande importance pour un tel fonctionnement. Enfin, une conclusion d’usage vient clore le chapitre.

Le modèle dualiste de la passion

3Le terme passion est utilisé constamment dans notre vie de tous les jours. Pourtant, ce n’est que récemment que les premières recherches empiriques ont porté sur la passion envers une activité. Ainsi, Vallerand et ses collègues (Vallerand, 2008, 2010a ; Vallerand et al., 2003 ; Vallerand & Houlfort, 2003 ; Vallerand & Miquelon, 2007) ont développé un modèle permettant de mieux comprendre la passion envers une activité et ses conséquences permettant ainsi de vérifier scientifiquement les prémisses issues de ce modèle. Le MDP définit la passion comme une vive inclination envers une activité qu’une personne aime, valorise et dans laquelle elle investit temps et énergie de façon importante. De plus, l’activité est alors intériorisée dans l’identité de cette personne. Ainsi, un individu passionné par la pratique du basket-ball se décrira, entre autres, comme un basketteur.

4Selon le MDP, il existe deux processus distincts par lesquels une activité passionnante peut être intériorisée dans l’identité d’un individu. Ces processus mènent à deux types de passion, soit la passion harmonieuse (PH) et la passion obsessive (PO). La PO résulte d’une intériorisation contrôlée de l’activité dans l’identité de la personne. Ce type d’intériorisation fait en sorte que l’individu ressente un désir incontrôlable de pratiquer l’activité qu’il aime. Une telle intériorisation renvoie à une pression interne amenant la personne à s’engager dans l’activité passionnante sans sentir qu’elle en a vraiment le choix. Occupant une place disproportionnée dans la vie du passionné, la PO peut mener à des conflits entre les différents domaines de vie (Vallerand et al., 2003, Étude 1). La PO est associée à une persistance rigide face à l’activité. En d’autres termes, peu importent les émotions (e.g., culpabilité, frustration) ou les conséquences associées à la pratique de l’activité, l’individu continuera d’y investir temps et énergie, et ce, même au détriment de son propre bien-être émotionnel ou physique. Ce type de passion est par le fait même lié à un ajustement psychologique non optimal et parfois carrément mésadaptatif.

5Une intériorisation de type autonome résulte en une PH. Dans cette perspective, l’activité passionnante s’harmonise aux autres sphères de la vie du passionné : elle y prend une place centrale, mais non excessive. L’individu sent qu’il est en mesure de choisir librement de s’engager ou non dans l’activité qu’il aime, sans pression ni contrainte. Qui plus est, la PH est associée à un engagement flexible dans l’activité (Vallerand, 2008, 2010a). Conséquemment, si la personne passionnée n’est pas en mesure de pratiquer l’activité voulue, elle sera capable de s’adapter à la situation et de concentrer son attention ainsi que son énergie sur les autres tâches à effectuer, et ce, sans ruminations relatives à l’activité passionnante. Par ailleurs, avec la PH, l’individu est en contrôle de son activité et il est en mesure de décider quand s’engager et quand ne pas s’engager dans celle-ci. Ainsi, dans une situation où la personne subirait des conséquences négatives lors de la pratique de son activité, elle pourrait tout simplement décider de mettre de côté l’activité temporairement ou même définitivement. De plus, les deux passions se distinguent également par les conséquences qu’elles engendrent. Ainsi, la PH mène généralement à des conséquences plus positives que la PO et ce sur une foule de variables.

6Les résultats de nombreuses études appuient cette dualité de la passion. Par exemple, des analyses factorielles exploratoires et confirmatoires avec l’Échelle de Passion (Vallerand et al., 2003) supportent l’existence de deux construits correspondant à la PH et la PO. De plus, les hypothèses issues du MDP sont appuyées par de nombreuses études effectuées dans divers contextes aussi variés que les jeux de hasard et d’argent, la danse, le travail, le sport, l’utilisation d’Internet, ainsi que dans la pratique de diverses activités récréatives telles la lecture ou la musique (voir Vallerand, 2008, 2010a pour des comptes-rendus). Enfin, notons que bien que la plupart des recherches proviennent de notre laboratoire, bon nombre d’études réalisées dans une dizaine d’autres laboratoires ont reproduit et même prolongé nos résultats en ce qui concerne une multitude de thèmes.

Passion et fonctionnement optimal en société

7Vallerand (2010b) a récemment proposé que le fonctionnement optimal dans notre société moderne implique au moins cinq éléments : le bien-être psychologique, physique et relationnel, un haut niveau de performance dans la sphère principale d’implication de la personne et enfin, une contribution importante à la communauté ou société. Le MDP postule qu’afin d’atteindre un tel haut niveau de fonctionnement la personne doit faire preuve d’une passion élevée, et notamment une passion harmonieuse. Ci-dessous on trouvera un survol rapide des études ayant étudié le lien entre la passion et les différents éléments constitutifs du fonctionnement optimal en société. La section se termine sur de nouveaux résultats impliquant une nouvelle mesure multidimensionnelle du fonctionnement optimal en société.

Passion et ajustement psychologique

8Le rôle des émotions dans l’ajustement psychologique a été amplement démontré en psychologie (voir Fredrickson, 2001). Il devient donc important de traiter des recherches sur la relation entre la passion et l’affect. Due à leur nature différente, les deux formes de passion devraient être reliées de façon différente aux émotions. Ainsi, avec la PO l’individu s’engage dans la pratique de son activité de manière défensive et appréhensive et rigide, ce qui devrait l’empêcher de vivre pleinement les émotions positives associées à la pratique d’une activité passionnante et même mener à des émotions négatives. En revanche, en s’investissant de manière autonome et volontaire dans une activité, la PH permet aux individus de profiter pleinement de leur activité et donc de ressentir des affects positifs. De plus, la PH permet de maximiser la durée des émotions positives vécues puisqu’elle n’entre pas en conflit avec les autres activités pratiquées par l’individu et élimine ainsi les émotions néfastes vécues après la pratique de l’activité. Ces résultats ont été obtenus dans de nombreuses études (voir entre autres, Vallerand et al., 2003, Étude 1 ; Vallerand et al., 2006, Études 2 et 3).

9La passion produit aussi un impact sur les affects vécus de manière générale, hors du contexte de l’activité passionnante. Ainsi, Mageau et Vallerand (2007) ont démontré que la PH est associée positivement à l’affect positif général vécu à la fin de la journée lors des journées où l’activité passionnante est pratiquée. Par contre, la PO est associée à une diminution d’affect positif les jours où les participants ne peuvent pratiquer l’activité passionnante. De plus, Vallerand et ses collaborateurs (2003, Étude 2) ont démontré que la pratique d’une activité passionante selon une PH produit une augmentation des affects positifs généraux dans la vie de la personne sur une base de plusieurs mois, alors que la pratique de la même activité (football américain) avec une PO produit une augmentation des affects négatifs généraux.

10Si la passion influe de façon importante sur l’affect général, qu’en est-il de la relation passion-ajustement psychologique ? Les résultats de plusieurs études révèlent que la passion envers une activité produit un impact sur l’ajustement psychologique. Ainsi, la PH est associée positivement à plusieurs indices de bien-être psychologique tels que la satisfaction de vie, le sens à la vie et la vitalité. En revanche, la PO est soit associée négativement, soit non reliée à ces indices (voir Vallerand, 2010a).

11Le MDP s’est intéressé également aux mécanismes psychologiques régissant l’impact de la passion sur l’ajustement psychologique. Le MDP postule que la passion permet de vivre régulièrement des émotions positives, favorisant ainsi un sain ajustement psychologique. Dans une étude longitudinale, les résultats de Rousseau et Vallerand (2008) ont démontré que la PH prédit positivement les affects positifs qui prédisent, à leur tour, positivement l’ajustement psychologique. En revanche, la PO prédit les affects négatifs qui, quant à eux, ne sont pas associés à l’ajustement psychologique. Enfin, une séquence similaire a été aussi obtenue avec l’épuisement professionnel (burnout) en milieu de travail (Vallerand et al., 2010).

12Il semble donc que le simple fait de pratiquer régulièrement une activité que l’on aime ne soit pas suffisant pour maintenir un haut niveau d’ajustement psychologique ; encore faut-il que cette passion soit harmonieuse. Inversement, une activité potentiellement nocive pour la personne n’aura pas nécessairement un impact négatif sur l’ajustement psychologique si la passion est harmonieuse, permettant ainsi à la personne de conserver le contrôle sur son implication dans l’activité. Philippe et Vallerand (2007) ainsi que Ratelle et ses collaborateurs (2004), ont notamment démontré que seule la PO pour les jeux de hasard et d’argent prédit le jeu pathologique, alors que la PH pour ces mêmes jeux n’y est pas associée.

Passion et santé physique

13Il a également été démontré que la santé physique peut être affectée par la passion. En effet, les résultats d’études réalisées auprès de danseurs (Rip et al., 2006) et de coureurs (Stephan et al., 2009) ont démontré que la PO est associée positivement aux blessures chroniques. Ceci s’explique par le fait que avec la PO, la personne ne peut s’empêcher de pratiquer l’activité passionnante, même blessée. Elle risque alors de se blesser de nouveau et d’empêcher la guérison de la blessure initiale. Quant à la PH, elle n’est pas associée aux blessures chroniques. En revanche, elle permet de protéger contre les blessures ponctuelles en plus d’être négativement associée à des comportements nocifs tels qu’ignorer la douleur et cacher sa blessure (Rip et al., 2006). Ainsi, la PH semble soutenir des comportements beaucoup plus adaptatifs et sécuritaires sur le plan santé que la PO.

Passion et qualité des relations interpersonnelles

14Les recherches sur la passion démontrent que celle-ci peut produire des conséquences interpersonnelles dans au moins trois contextes différents : dans le contexte de l’activité passionnante, en dehors de l’activité passionnante, ainsi que dans le contexte spécifique d’une relation amoureuse. Dans le premier contexte, le MDP propose qu’entretenir une PH envers une activité (p. ex., jouer de la guitare) génère des émotions positives vécues dans le cadre de l’activité passionnante et peut même empêcher l’expérience d’émotions négatives. En retour, ces émotions positives facilitent une ouverture d’esprit et l’utilisation d’un répertoire comportemental optimal, le tout menant à une meilleure qualité de la relation interpersonnelle avec les autres personnes qui participent à cette activité (p. ex., jouer de la guitare). À l’opposé, il est proposé que la PO prédit surtout des émotions négatives qui, en retour, mènent à des relations négatives avec autrui. Les résultats de plusieurs études réalisées dans des contextes tels que l’éducation, le travail et le sport (Lafrenière et al., 2008 ; Philippe et al., 2010) soutiennent ce modèle.

15En second lieu, il a aussi été démontré que la passion envers une activité peut entrer en conflit avec d’autres activités dans la vie de la personne, y compris les relations interpersonnelles et amoureuses. Ceci devrait être surtout le cas pour la PO et non pour la PH. Des recherches ont effectivement démontré qu’une PO pour l’Internet (Séguin-Levesque et al., 2003) et pour le soccer (Vallerand, Ntoumanis et al., 2008, Étude 3) était positivement associée à des conflits entre l’activité passionnante et la relation amoureuse, ce qui influait négativement sur la satisfaction de la relation de couple. Par contre, ce n’était pas le cas de la PH.

16Enfin, un troisième contexte où la passion peut influer sur les relations interpersonnelles est celui de la passion amoureuse en tant que tel. En effet, le MDP postule qu’au même titre qu’une activité passionnante, l’être aimé peut aussi être intériorisé dans l’identité de la personne, menant ainsi à une passion amoureuse envers le partenaire amoureux et aux conséquences qui en découlent. Trois études soutiennent cette dimension du modèle (Ratelle et al., 2011). Ainsi, dans ces études, il a été démontré que : la PH était plus positivement associée à divers indicateurs de qualité relationnelle que la PO (Étude 1) ; la passion de l’un des partenaires amoureux influe également sur les conséquences relationnelles rapportées par l’autre partenaire (Étude 2) ; et que la PH prédit positivement, et la PO négativement, le maintien de la relation trois mois plus tard.

17En résumé, la PH semble donc être garante du fonctionnement optimal de l’individu en relation avec autrui. En revanche, la PO semble y contribuer peu, ou même pire, y nuire.

Passion et performance

18Un autre élément faisant partie de la définition du fonctionnement optimal en société est la performance. En effet, une personne fonctionnant de façon optimale devrait pouvoir performer de façon importante et éventuellement développer une expertise dans sa principale sphère d’implication. Mais comment une personne en vient-elle à développer un niveau élevé de performance ? Le MDP propose qu’afin d’atteindre de hauts niveaux de performance, les individus doivent généralement pratiquer plusieurs heures par jour et ce, pendant des années afin de viser l’amélioration de la performance. Le MDP postule aussi qu’afin de s’impliquer dans une telle pratique délibérée pendant des années (il prend environ 10 000 heures pour atteindre le niveau international dans une sphère donnée), il faut être passionné pour l’activité en question. Le MDP postule donc que la PH et la PO mènent à la pratique délibérée qui, en retour, prédit l’atteinte de hauts niveaux de performance. Ce modèle de base fut confirmé dans deux études réalisées en contexte de sport (Vallerand et al., 2008, Étude 1) et arts dramatiques (Vallerand et al., 2007, Étude 1) avec des indices de performance objective. Chose intéressante, dans l’étude réalisé avec les comédiens, la PH était aussi positivement associée au bien-être psychologique. Ces résultats démontrent le rôle doublement adaptatif de la PH, qui est associée à la fois à l’atteinte de hauts niveaux de performance et au bien-être psychologique.

19Le MDP postule aussi que les deux types de passion se distingue en démontrant des patrons de buts à l’accomplissement différents impliqués dans la pratique délibérée et la performance. Ainsi, plusieurs études (Bonneville-Roussy et al., 2011 ; Vallerand et al., 2008, Étude 2 ; Vallerand, Salvy et al., 2007, Étude 2) ont démontré que la PH et la PO sont toutes deux reliées à de buts de maîtrise (viser la maîtrise de l’activité), qui en retour, représentent le seul type de but associé à la pratique délibérée (et qui mène à la performance). Toutefois, la PO est également associée aux buts de performance et d’évitement (éviter d’être moins bons que les autres). Puisque ces derniers buts sont négativement liés à la performance, la PO peut ainsi indirectement nuire à la performance.

20Les résultats présentés précédemment illustrent deux chemin différents menant à la performance. Ainsi, on retrouve un premier chemin plus harmonieux où le seul objectif visé est de s’améliorer, le tout menant à de hauts niveaux de performance et un bien-être psychologique. Le second chemin, par contre, est moins positif et implique plusieurs buts, certains positifs (maîtrise), d’autres nocifs (évitement), le tout menant à une route plus tortueuse vers l’excellence et fort probablement une vie moins heureuse en général.

Passion et contribution à la société

21Selon le MDP, il ne suffit pas de vivre un bien-être psychologique, physique et relationnel et une performance élevée pour atteindre un fonctionnement optimal, encore faut-il en plus contribuer à sa communauté immédiate ou à la société au sens plus large. En effet, le fait de sentir que l’on aide les autres de façon immédiate dans sa propre communauté ou en général au niveau de la société procure à la personne un sentiment de contribuer à quelque chose de plus grand que soi. Dans ce cadre, le MDP propose que la passion joue un rôle de tout premier plan. Ainsi, Vallerand et al. (2011, Étude 1) ont démontré que d’importants contributeurs à la société du Québec nommés « Personnalité de la Semaine » par un comité du plus important quotidien de la Province de Québec (La Presse) avaient des niveaux significativement plus élevés de PH et de PO que les travailleurs réguliers.

22Les résultats présentés ci-dessus suggèrent que la passion joue un rôle important dans la contribution à la société. Par contre, ils n’indiquent pas quel type de passion semble le plus contribuer à la société. Dans une étude portant sur l’aide humanitaire, Vallerand et al. (2011, Étude 2) ont trouvé que les personnes revenant de mission à l’étranger et ayant une PH prédominante envers la cause humanitaire étaient plus satisfaites de l’aide qu’ils avaient apportée et jugeaient avoir vécu plus de succès que celles qui avaient une PO prédominante. Il se peut que le succès moindre vécu par ces dernières soit dû au fait qu’elles émettent des comportements risqués et extrêmes. Ainsi, lors de leur mission, les personnes ayant un niveau de PO avaient pris plus de risques avec elles-mêmes et les personnes sous leur supervision. Enfin d’autres résultats d’études sur la passion envers une cause telle la souveraineté (Rip et al., 2007) et l’environnement (Gousse-Lessard et al., 2010) démontrent que ceux qui ont une PO prédominante semblent prêts à tout pour faire avancer leur cause, y compris adopter des comportements radicaux et extrêmes afin d’atteindre leur cause, ce qui n’est pas le cas avec la PH qui mène uniquement à des comportements modérés.

23Pris dans leur ensemble, les résultats de ces études sur le rôle de la passion dans la contribution à la société suggèrent que la PH puisse contribuer plus à la société que la PO. Par contre, notons que certains résultats ont été obtenus dans le cadre de certains comportements bien précis (aide humanitaire) et il est possible que la PO, par le biais de comportements risqués et extrêmes qu’elle engendre, soit plus efficace pour d’autres types de changements sociétaux (p. ex., coup d’état dans des sociétés totalitaires) et peut-être dans d’autres cultures. Clairement, les présents résultats devront être reproduits afin de démontrer leur validité et généralité.

Passion et fonctionnement optimal en société

24Les recherches présentées jusqu’ici révèlent que la PH semble jouer un rôle positif en ce qui concerne les cinq éléments constitutifs du fonctionnement optimal en société, soit le bien-être psychologique, physique et relationnel, la performance et la contribution à la société. Toutefois, ces recherches ont étudié de façon individuelle les diverses facettes du construit et n’ont pas porté sur le fonctionnement optimal en société dans son ensemble dans le cadre de la même étude. Récemment Vallerand (2010b) a rapporté des résultats fort intéressants à ce sujet. Dans un premier temps, une échelle comprenant 5 sous-échelles correspondant aux cinq construits inhérents au fonctionnement optimal en société a été développée et validée auprès de deux échantillons de plus de 400 travailleurs afin de mesurer ce construit multidimensionnel. Par la suite, dans une seconde étude réalisée auprès de 160 infirmières, les résultats d’analyses de corrélation canonique ont démontré que la PH contribuait positivement à tous les aspects du fonctionnement optimal en société. En revanche, la PO prédisait positivement la performance et la contribution à la société, négativement la santé physique et la qualité des relations interpersonnelles et n’était pas reliée avec l’ajustement psychologique (relation négative non significative). Il semble donc que seule la PH envers une activité centrale pour la personne, comme le travail, mène à un fonctionnement optimal en société. La PO, quant elle, mène à des effets mitigés.

Conclusion

25Le but de ce chapitre était de présenter le MDP et démontrer son importance pour un fonctionnement optimal en société. La passion est définie comme une forte inclination envers une activité qui nous définit, que l’on aime, qui est importante pour nous et à laquelle nous accordons beaucoup de temps et d’énergie. Deux types de passion sont proposés : les passions harmonieuse et obsessive. La PH implique un contrôle de la personne sur l’activité passionnante et une coexistence harmonieuse entre celle-ci et les autres activités dans la vie de la personne. Par contre, la PO implique une perte de contrôle relative sur l’activité passionnante et la présence de conflit avec d’autres activités dans la vie de la personne. Les recherches réalisées jusqu’ici révèlent que la PH contribue positivement au fonctionnement optimal en société alors que la PO mène à des résultats nettement moins positifs et parfois même négatifs. Des recherches futures seront nécessaires afin de mieux comprendre le rôle de la passion comme catalyseur du fonctionnement optimal en société.

26Le concept de « passion » est souvent utilisé dans nos interactions quotidiennes et pourtant très peu de recherches ont porté sur ce construit jusqu’à tout récemment. Il est espéré que la présentation du MDP, et les résultats de recherche démontrant son importance pour le fonctionnement optimal en société, sauront encourager la recherche dans ce secteur, le tout menant à une plus grande compréhension des processus permettant à la personne de vivre une vie pleinement réussie.