Couleurs et lumières du palais dans Girart de Roussillon
p. 171-200
Texte intégral
1Une recherche récente1 nous a amenés à examiner avec quelque précision les "scènes palatines" du Girart d'Oxford. Nous y avons relevé comme un trait particulièrement saillant l'abondance des notations se rapportant à la lumière, à la clarté, au brillant. Ces observations pourraient paraître assez éloignées du thème du présent colloque, si elles n'avaient également permis de souligner la fréquence de la relation implicitement ou explicitement établie, dans ces mêmes passages, entre lumière et couleur. Il a paru intéressant de reprendre ici l'étude des exemples les plus significatifs, pour tenter d'approfondir le sens de cette double récurrence. Dans le plus grand nombre des cas, cette relation est établie par un dénominateur commun aux deux thèmes : les matières précieuses. Or et argent, marbres et pierreries, riches tissus de soie contribuent doublement à la caractérisation du décor aulique ; ils reflètent et multiplient les lumières du palais, tout en lui prêtant leurs chatoyantes couleurs.
2Sans pour autant en entreprendre l'étude d'ensemble, qui nécessiterait un travail d'une autre ampleur, il convient de faire quelques remarques préliminaires sur la nature et l'emploi des notations colorées dans le poème2. Un rapide relevé statistique de leurs occurrences permet de repérer les domaines où, en dehors du cadre palatin qui nous occupe, elles se rencontrent le plus fréquemment. Elles se rapportent en majorité à la description des vêtements de cour, des armes et des chevaux3, thèmes qui reflètent clairement une réalité sociale et balisent les principaux centres d'intérêt du public aristocratique pour lequel l'oeuvre semble, dans une large mesure, avoir été composée4. A vrai dire, cette constatation pourrait être étendue, avec certaines modulations, à l'ensemble de la poésie épique ; la répartition de ces notations ne témoigne donc pas d'une originalité particulière. En revanche, le vocabulaire des couleurs se signale, dans le Girart d'Oxford, par la variété des termes employés, qu'il s'agisse de désigner précisément une couleur ou de l'évoquer par référence à une matière colorée. En ce domaine, le lexique reflète la singularité de la langue du poème, langue mixte où, comme on l'a depuis longtemps démontré5 se mêlent constamment formes d'oc et formes d'oil, langue artificielle6 et surtout, en définitive, langue "littéraire", voulue riche et pour cela nourrie de termes rares, parfois techniques, souvent savants. Fidèle à ce principe de composition, le poète a sensiblement élargi la terminologie de base du champ lexical des couleurs7, en apportant à leur expression des nuances inhabituelles et en multipliant, parfois avec plus de verve sonore que de véritable précision descriptive, les tons éclatants des métaux précieux et des gemmes.
3Les descriptions de palais viennent au premier rang des passages où se déploie cette opulence verbale. Nombreuses, elles sont aussi plus étendues qu'il n'est généralement d'usage dans l'épopée. Cette particularité du poème se rattache certes à ce que l'on peut à juste titre considérer comme une tendance "pré-romanesque"8, mais s'explique en fonction du rôle qu'y joue le palais en tant qu'espace de majesté, donnée essentielle en cette oeuvre axée sur la problématique du pouvoir et le conflit entre puissance royale et puissance seigneuriale9. Suzerain et vassal s'affrontent non seulement dans la réalité du combat, mais aussi dans l'affirmation symbolique de la souveraineté que représente le faste aulique. Il est significatif, à cet égard, que les descriptions du château de Roussillon ne le cèdent en rien à celles des palais royaux de Paris et d'Orléans et donnent à la résidence de Girart, avec une ambiguïté atypique10 une double fonction tour à tour palatine et castrale11. La même observation peut être reprise en ce qui concerne le palais que possède à Orléans le comte Fouque, cousin de Girart : aussi somptueux que le palais royal et identique à celui-ci sur le plan typologique12, il inscrit dans la topographie romanesque de la ville, non sans lien avec sa topographie réelle13, la symétrie et l'antagonisme des deux pouvoirs. Le traitement privilégié accordé aux deux principaux décors du poème, le palais et la large plaine du champ de bataille14, n'est nullement gratuit : c'est la même lutte qui se poursuit lorsque, dans les intervalles de l'action guerrière, ambassadeurs et messagers vont et viennent d'un palais à l'autre et y sont reçus, en des laisses qui constituent des variantes enrichies de la scène de l'arrivée du voyageur15 avec un faste égal où le prestige seigneurial répond orgueilleusement au prestige royal.
4Couleurs et lumières jouent un rôle déterminant dans l'ordonnance de ces scènes où, en un implicite face à face, le roi et le grand seigneur apparaissent en majesté. La grande description de Roussillon, à la laisse LI, en donne un exemple particulièrement remarquable ; Girart y reçoit, entouré de multiples signes témoignant d'une puissance quasi souveraine, le messager du roi Charles :
Fors au maistre portau de Roissillon,
A destre, con on intre, ac un perron ;
Fait une genelee tau d'environ
De quel sunt li pirar e l'estelon 725
Tuit obrat a seldoine, neis li cebron ;
Les croutes e les voutes de mer leiton.
Aiqui disne Girrarz son aurion.
Tau mil de sa maisnade tot environ
De quel sun ob aufreis lor auchoton 730
E sunt de vermeil paille lor tubion.16
5L'attitude de Girart, l'oiseau de chasse qui l'accompagne17, la suite nombreuse qui l'entoure18, les voûtes de la galerie qui encadre la scène19 sont autant de traits appartenant à une symbolique du pouvoir issue de très anciens archétypes. Pour l'essentiel, le Moyen Age l'a connue et utilisée sous les formes qu'avaient codifiées l'idéologie et l'iconographie officielle du Bas Empire romain, largement retournées, en Occident, au niveau à demi obscur des images de l'inconscient collectif. La présentation épique du roi en majesté s'est nourrie de ces modèles, que nous retrouvons transposés dans la magnifique épiphanie seigneuriale de Girart.
6Au delà des deux premiers vers, qui tendent à donner l'illusion que le poète a des lieux une connaissance familière, évidemment impossible20, on voit se dessiner une façade qui n'a qu'un rapport lointain avec la réalité castrale ou palatine du temps, et qui doit l'essentiel de ses traits à une imagination manifestement nourrie de récits - ou de souvenirs ?21 - se rapportant à l'Orient. Orient de la rêverie, aux contours assez flous, mais aux couleurs vives, et où la part du monde byzantin semble prédominante et plus nettement distincte de celle de l'Islam qu'il n'est habituel dans les chansons de geste22. C'est bien du côté d'une Constantinople imaginaire qu'invite à regarder la polychromie extérieure de Roussillon, dont les improbables modénatures de sardoine peuvent correspondre soit à des placages de marbres de couleur, soit à des jeux de briques et de pierres alternées, thèmes l'un comme l'autre familiers à l'architecture byzantine. Quant aux voûtes de laiton, tout aussi singulières, elles doivent évoquer non un revêtement de métal, mais les surfaces brillantes de mosaïques à fond d'or23. Retenons de cette image l'éclat des matières précieuses et l'harmonie de rouge et d'or qui unit dans une même tonalité le décor architectural24 et les riches costumes des membres de la suite de Girart, où dominent la soie vermeille et les bordures d'orfrois.
7Dans les laisses suivantes, d'autres traits viennent progressivement enrichir cette architecture imaginaire d'une note de merveilleux et du prestige d'un passé voulu "historique". A la laisse LVI, Girart, inquiet des menaces que fait peser sur lui la prochaine venue du roi Charles, parle lui-même de son château de Roussillon en des termes révélateurs :
"Quant verreit mon palais qui resplendis,
E l'un caire en l'autre per magestis,
E verreit l'escarboncle que resplendis – 825
Sanble de mienuit que soit midis -
Criem que Carles Martels l'encobeïs,
C'abanceis me desfie qu'eu le gerpis. "25
8Ces vers, qui définissent si bien le palais comme lieu de la lumière, peuvent être lus à plusieurs niveaux : ils témoignent de la sensibilité d'un temps où la clarté était une valeur esthétique dominante26, et aussi d'un état de civilisation où, les moyens de se protéger contre les dangers et les peurs de l'obscurité étant rares et coûteux, la lumière était signe de richesse et de sécurité. Mais cette lumière palatine que reflète et diffuse l'escarboucle placée au plus haut de Roussillon, comme un somptueux ornement terminal et surtout comme un fanal magique27, n'est pas seulement évocatrice d'opulence matérielle. L'idée du palais comme lieu d'inépuisable abondance, à la fois objet de fascination et instrument de l'exercice du pouvoir, se superpose à celle de la luminescence qu'une très ancienne tradition prête à la personne même du souverain28. Visualisation du charisme et de la sacralité royale, cette aura de la toute-puissance a été diversement traduite selon les âges et les cultures ; de manière plus ou moins consciente et plus ou moins explicite, elle est présente à l'arrière-plan de toute représentation symbolique du pouvoir, et la présentation épique du roi en majesté n'échappe pas à cette constante, ici transférée au quasi-souverain qu'est Girart. Au plus profond de sa signification, la lumière dont "resplendit" le palais, réfractée par l'or et la pourpre de la tradition impériale, projetée loin à l'entour par le miroir-fanal de 1'escarboucle, émane de l'essence même de la souveraineté.
9L'architecture de Roussillon est à nouveau évoquée, en des termes comparables à ceux de sa première description, à la laisse LXVIII, lors de la prise du château par l'armée royale :
Une tor i a fort, gente e caucine : 1015
Li carrel sunt de pirre alemandine ;
Le perget faiz defors gent sarrazine ;
E fu desus cuberte per art tapine ;
Li sols en fu tan verz come sabine.29
10La silhouette castrale, absente de la laisse LI, est ici nettement marquée, mais on retrouve le goût des mots rares et des matériaux précieux, telle cette pirre alemandine qui est sans doute un marbre rouge. A la tonalité rouge et or ainsi confirmée s'ajoute ici le vert sombre d'un pavement qui, très probablement, est lui aussi, fait de marbre, matière pour laquelle le poète semble avoir une véritable prédilection, d'ailleurs assez largement répandue dans l'épopée. C'est ce dont témoignent, dans le Girart, le nombre relativement élevé des occurrences de ce mot30 et surtout la gamme étendue des adjectifs qui en dérivent : marbrin, marmoine, marmorin, certes adaptée aux exigences de la rime, mais néanmoins significative par l'insistance qu'elle révèle31. Utilisé pour le parement extérieur des murs du palais, le marbre se retrouve à l'intérieur, soit sous forme de dallage, soit comme revêtement pariétal, tel celui de la chambre mentionnée au vers 3544, qui fu de marbre creuc, blanc e vermeil32.
11Le marbre ne doit pas la fréquence de ses attestations dans les chansons de geste à ses seules qualités esthétiques et techniques, ni même à sa valeur de matériau coûteux. Il apparaît souvent accompagné du prestige particulier que lui valait l'usage systématique qu'en avait fait l'architecture romaine et dont les ruines antiques, support privilégié de la créativité épique, montraient encore de multiples exemples. C'est avec cette prestigieuse connotation de romanité qu'il est évoqué ici, comme le confirme paradoxalement l'attribution de ce porche à l'art des "Sarrasins" : on sait en effet que le Moyen Age a souvent attribué les monuments gallo-romains à l'occupation sarrasine33. Ici comme dans la Prise d'Orange, cette indication contribue au prestige du château et de son maître, en situant l'édifice dans l'"histoire", en le plaçant dans la perspective valorisante d'un passé qui, si légendaire et confus qu'il puisse paraître, était toujours ressenti comme garant d'auctoritas. Sous cet angle aussi, les brillantes couleurs du marbre contribuent à l'enrichissement du cadre palatin.
12Ces marbres évocateurs d'antiquité n'enrichissent pas seulement l'architecture de la façade du palais et de ses chambres ; ils rehaussent également ses abords, étendant l'éclat du faste aulique à la cour comme au jardin. Selon un schéma épique extrêmement répandu, les degrés de la salle et le "perron", bloc ou plate-forme plus ou moins élaborée servant de montoir qui forme avec eux le décor classique de la "scène de l'arrivée", sont si souvent marbrins que le marbre peut les désigner à lui seul, sans qu'il soit nécessaire de préciser la nature de l'élément architectural en question :
E l'amene el palaz per marbre bis. 7963
13A Roussillon, la laisse DLXXXVIII donne du perron une version inhabituelle :
Descendent au peron desoz un lor, 8605
Desobre tresjetat d'aren un tor.34
14Ce taureau de bronze, probablement une statue antique remployée35, est un autre trait de la "romanité" de Roussillon, édifice composite où l'image des palais rêvés de l'Orient a pu se combiner au souvenir plus proche des ruines de quelque villa gallo-romaine. Il vient ajouter ainsi une note sombre à la gamme étendue des métaux diversement colorés mentionnés dans le poème.
15D'autres "perrons" témoignent de l'art du poète du Girart comme coloriste, tels ceux du palais de Fouque à Orléans (laisse CXVII) :
En un palaz d'Orlins, dins les garanç, 1853
A perruns vers e blaus, assis per panç.36
16Il s'agit là non plus du perron-montoir, mais de sièges de marbre ou de pierre, appareillés de blocs polychromes, où prennent place les chevaliers de la suite du comte, rassemblés pour attendre sa venue.
17Dans cette même ville d'Orléans, le palais royal comporte un jardin dont le décor précieux est sans équivalent dans l'épopée et se rapproche de celui de certains vergers du roman courtois (laisse CXXXI) :
Entres mur el palaz ac un plan gent
Perrons asis en art per tau ciment,
Ob art de bestiaire magistraument
Fuguraz a musec d'aur resplendent ;
De clare marevitre le paviment. 2140
En mi leuc a un pin quel eau content.
Une gole lai fert d'aisi dolc vent,
Melz flaire que d'encens ne de piument.
Une fontane i sort d'un desrubent -
Cer ab aur e a peirres qui l'aige rent.37 2145
18Cette version exceptionnellement développée de ce que nous avons appelé le "motif du jardin royal"38 brille de tous les feux du marbre, de l'or et des pierreries. Rien en tout cela, qui témoigne de la réalité du jardin de l'Occident médiéval, si ce n'est sur le plan typologique : on peut en effet reconnaître dans ce plan gent le caractère propre au praël ou cortil. Tout différent du vergier aux plantations très simples qui s'étendait généralement en dehors des murailles du château, à l'abri d'un mur plus bas ou d'une simple palissade, ce type de jardin clos, compris dans l'enceinte castrale et donc nécessairement limité dans son étendue, pouvait recevoir une ordonnance et un décor plus élaboré39. Celui du jardin d'Orléans semble devoir l'essentiel de ses merveilles non à cette réalité somme toute fort modeste, mais à un apport byzantin analogue à celui dont nous avons relevé les traces dans l'architecture de Roussillon. C'est bien à l'art de Byzance que font songer ces "perrons", bancs de pierre ornés de mosaïques à fond d'or, où les motifs animaliers exécutés ob art de bestiaire magistraument rappellent les animaux affrontes des soieries ou ceux des mosaïques de la chambre do Roger II au palais royal de Palerme.
19On peut rattacher à la même origine le savant dispositif permettant de diffuser un air parfumé et la fontaine au cerf d'or crachant l'eau. Tous deux sont à mettre en rapport avec les automates qui ornaient les palais et les jardins de Constantinople, comme l'attestent les témoignages concordants de la littérature40 byzantine et des récits des voyageurs occidentaux Déployée autour de la majestueuse silhouette du pin, arbre royal par excellence dans l'épopée41, étendu sur un pavement de cristal plus fabuleux qu'oriental, c'est tout un grand pan du luxe des palais du basileus que l'on a directement transporté, sans aucune transposition, dans l'enceinte du palais d'Orléans. Ce transfert d'images, resplendissantes d'or et de pierreries, est aussi le transfert, au bénéfice du monarque d'Occident, du prestige de ces complexes machineries, attributs du souverain-cosmocrator dans l'Empire d'Orient42
20Avant de retrouver les mêmes couleurs brillantes dans l'espace intérieur du palais, il faut noter encore que la richesse picturale de sa présentation extérieure s'étend à la description des tentes du camp royal. Dressées sur l'herbe verte d'un "beau pré", autre version du motif du locus amoenus, elles sont l'expression de la fonction guerrière de la puissance souveraine, même lorsqu'elles apparaissent dans un contexte pacifique comme celui de l'ambassade de Girart à Constantinople (laisse XI) :
Trobent Constantinoble, sunt au portaus. 137
En la prade defors tandent lor traus.43
21Comme les ornements de faîtage des palais et des châteaux, les pommeaux et les aigles d'or qui couronnent les tentes des Français brillent clair au grand soleil. Leur éclat, analogue à celui de l'escarboucle de Roussillon, suscite l'admiration de l'empereur byzantin lui-même pourtant parangon de la magnificence aulique (laisse XV) :
A tanz sunt avengut as traus franceis.
Virent les ponz es aigles d'aur espaneis 170
E pavillons de paille nue grezeis,
E tant chevau de pres e riu conreis !
Tot quam veit lai preiçeit asaz lo reis ;
Quam peiucor non vi mais tant riu corteis.44
22En ce passage, c'est l'or qui donne la tonalité dominante ; ailleurs, c'est à la couleur que revient l'essentiel de l'évocation des tentes de l'armée royale. Il en est ainsi à la fin de la laisse LI, où un messager décrit par avance à Girart l'arrivée prochaine des troupes du roi Charles :
"Ja ne verreiz la feste de Rovison,
Mosterra vos mos seigner tant riu baron,
E lai fors per ces praz tan paveillon,
Inde e vermeil e jausne tuit li giron,
De color e per guices corne pouon "45 745
23Ce tableau aux couleurs vives - le vert de l'herbe, le bleu, le rouge et le jaune des tentes - donne du motif épique de la tente royale46 une version particulièrement brillante, qui développe pleinement sa signification de lieu de majesté apte à transporter en plein air un reflet du faste palatin, inséparable de la présence souveraine partout où elle se manifeste. Dans le même temps, son luxe descriptif et ses tons d'enluminures annoncent le développement que le motif connaîtra dans le roman, passant du même coup du domaine guerrier à la thématique courtoise47. L'heureuse évocation des teintes multiples et changeantes de la queue du paon n'est pas seulement une jolie trouvaille poétique ; elle révèle une esthétique de la couleur, conforme au goût du temps, mais développée avec un raffinement propre au Girart.
***
24La polychromie de l'architecture extérieure du palais se prolonge et s'enrichit dans le décor intérieur de la salle et de la chambre, entre lesquelles se répartissent les principaux actes de la souveraineté : donner audience, tenir conseil, rendre la justice.
25La grande salle, héritière directe de l'aula regia des palais de l'Antiquité tardive et de l'Empire carolingien, est le lieu par excellence où se révèle la majesté du souverain trônant. Elle est en même temps le décor quotidien d'une vie de cour où l'apparat n'exclut nullement la convivialité, le cadre où se déroulent tour à tour repas et divertissements. Elle est, à ce double titre, l'élément essentiel du palais, souvent le seul mentionné, et s'y identifie si bien que le mot "palais" est, on le sait, fréquemment employé avec le sens restreint de "salle".
26Le poète a illustré ces deux aspects de la salle palatine avec toutes les ressources du double registre de la couleur et de la lumière. Leur étroite association caractérise aussi bien la salle royale que la salle seigneuriale, telle celle de l'ostal que le comte Fouque occupe à Roussillon (laisse CVI) :
Intrerent el palaz que fest Teüz ;
Toz fu painz a musec, neis l'arvoluz.
L'aige lor fait donar uns vielz chanuz.
Tanz genz tresors lor es aperobuz, 1620
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D'enaz e de grëaus ab aur batuz,
De bacins e d'orcols granz o menuz.48
27Le luxe du décor, où l'on retrouve le revêtement de mosaïques49 en une mention brève, mais suffisante pour évoquer sans plus de précision leur brillant et leur riche coloris, s'étend aux objets précieux utilisés pour le service de la table. Partout se répète, en multiples reflets, le chaud éclat de l'or.
28Voûtes et mosaïques sont exceptionnelles dans les descriptions de la salle50 ; celle-ci est généralement décorée de tentures, comme la salle du palais de Fouque à Orléans (laisse CXIX) :
Li cons intre el moster, o s'es oraz,
Pois poiet en la sale per les degraz.
N'i chausiz mur ne pere, fus ni asclaz,
Mais cortines de sede ellui buschaz,
Envols des mellors pailes qu'aine veïssaz.51 1900
29Cette décoration mobile, qui pouvait être aisément renouvelée ou déplacée d'une résidence à l'autre, se devait de dissimuler aussi complètement que possible la nudité des parois. On retrouve la même idée, à la laisse V, dans la description du palais royal de Reims :
Quant segude a li reis procession,
Sin intrent el palaz qu'ain tals non fon.
Non trai tant arbalestres ne ars bozon 50
Com est amples e larz tot environ.
Tan espez jat sos pailes e siglaton
Qu'on n'i veit mur ne piere, fust ne carbon.52
30Ces pailes, précieux tissus de soie importés d'Orient53 étaient un des éléments essentiels du luxe pour tout l'Occident médiéval, où ils ornaient aussi bien les salles et les chambres des palais ou des châteaux que le sanctuaire des églises. Souvent cités dans l'épopée, ils sont mentionnés dans le Girart avec une particulière insistance54 et une variété de termes inaccoutumée : pailes acharamanz (v. 298), pailes fres ( : de Phrygie, v. 3741), paile aufrican (v. 3826), siglaton (< sigillatus, tissu orné de médaillons)55, etc. Autant de mots rares qui témoignent de la richesse de la langue du poème et qui tendent le plus souvent, comme le feltre de Capadoine ( : de Cappadoce) du vers 1133, à souligner leur provenance orientale. Leur couleur n'est qu'assez rarement précisée, mais la richesse de leurs coloris était suffisamment connue de l'auditoire de la chanson pour qu'une simple mention suffise à évoquer une atmosphère luxueuse et haute en couleur. Là où la teinte du tissu est notée, c'est le plus souvent dans la gamme des rouges, vermeil et pourpre, évocateurs de l'ardeur guerrière et de la pompe aulique.
31Aux multiples fonctions de la salle, où se succèdent assemblées, repas et divertissements, répond la souplesse d'utilisation d'un "mobilier" qui mérite pleinement son nom, s'agissant d'un temps où "mettre la table" et "faire le lit" s'entendaient encore au sens littéral. Seul élément de cet ameublement à bénéficier de la double accentuation du brillant et de la couleur, le trône royal est lui aussi mobile, comme le montre clairement la laisse DXLIX, bon exemple de la vocation polyvalente de la salle :
E com il ont manjat, passet mi dis,
En mi la sale estendent nous tapis,
E desus faudestos ab aur massis.
Carles li reis de France en un s'asis,
Joste lui la reine quil semonis.56 7945
32On voit ainsi se mettre en place, en quelque sorte sous nos yeux, le décor de la salle comme espace de majesté, et l'or du trône rejoindre une fois encore les riches couleurs de ces tapis, implicitement évoquées, tout comme celles des pailes, sans qu'il soit nécessaire de les préciser.
33A la laisse CCL, on voit le roi, assis sur un trône d'argent, donner ses ordres à Pierre de Montrabei prêt à partir pour son ambassade auprès de Girart :
Lo reis eu faudestue de mer argent, 3962
Peires fu a jenouz molt covinent.57
34On trouve en ces deux vers l'expression très condensée de deux traits essentiels de la symbolique palatine : l'éminente dignité de la position assise et l'importance du trône qui, même vide, représente par lui-même le souverain et la souveraineté58. Dans ces deux passages, l'or et l'argent contribuent à un triple niveau à l'expression de la puissance : par leur valeur en tant que métaux précieux, par leur éclat, par leurs couleurs, répétées tout à l'entour par les bordures d'orfrois des tentures de la salle59. Ces trônes d'aur massis et de mer argent sont analogues au faldestoed ..... tut d'or mer de la laisse VIII de la Chanson de Roland et s'inscrivent, comme lui, dans une longue tradition qui remonte au siège curule des magistrats romains, en passant par le prestigieux modèle du trône dit de Dagobert60.
35Bien que fort riche, le décor de la salle reste sinon réaliste, du moins vraisemblable. Celui de la chambre royale, plus somptueux de beaucoup, relève largement de l'imaginaire, voire du merveilleux. La distinction entre les deux principaux espaces intérieurs du palais est en général assez clairement marquée dans le Girart61, tant en ce qui concerne leurs fonctions que leur traitement architectural. Tandis que la salle, lieu de l'assemblée des barons, du conseil plénier et du repas, apparaît le plus souvent comme un long volume couvert en charpente, la chambre, vouée à l'effectif plus restreint du conseil privé ou à l'intimité du repos, est toujours caractérisée par sa voûte. Forme signifiante en même temps que mode de couvrement adapté à une surface relativement réduite, la voûte offre aussi un support privilégié aux couleurs du décor pictural. Celui-ci est parfois évoqué brièvement comme à la laisse DLXXXVIII, où la cambre painte d'azu e d'or (v. 8611) est simplement mentionnée, mais il est aussi décrit, en plusieurs passages, avec une remarquable ampleur.
36Mieux que les tentures amovibles de la salle, le décor fixe de la chambre permet au poète de déployer tout le faste orientalisant dont il aime à parer la vie de cour. La laisse CCXXI offre un bel exemple de ce type de description ;
Li reis intre en la cambre, non vistes tau :
Tote est voute e cuberte de bon metau,
E est painte a musec gent par egau ;
A marabit en sunt li verïau, 3550
Qui plus luisent k'esteile de nuit jornau ;
Li pavement de marbre taillat d'avau.
La n'es intrat li reis e seu vassau.62
37Là où la chambre castrale ou palatine de la réalité présentait le plus souvent un simple décor peint, plus ou moins élaboré, nous retrouvons les mosaïques à fond d'or déjà vues ou devinées aux voûtes de la genelee de Roussillon et aux "perrons" du jardin royal d'Orléans. Cet éclat précieux, ces teintes chaudes, ces motifs disposés avec symétrie renvoient pareillement à un Orient toujours imprécis, mais où domine à nouveau la tonalité byzantine, tandis que le pavement de marbre est sans doute, ici encore, évocateur de romanité implicite. En revanche, les merveilleux vitraux63 vers 3 550 appartiennent bien à la réalité contemporaine, mais non sans un probable décalage : généralement absents de la description des palais épiques, ils devaient être perçus par l'auditoire de la chanson comme un luxe essentiellement réservé à l'architecture des églises et encore suffisamment rare dans celle de la demeure, même royale, pour accroître l'effet de richesse recherché dans ce passage. Association idéale de la lumière et de la couleur, le vitrail est présenté ici en une formule pleine de beauté, qui témoigne de la prédilection du poète du Girart pour les notations de ce type et souligne l'importance qu'il leur a accordée dans l'évocation de l'environnement royal.
38Mais la chambre du roi est aussi la chambre du Trésor, où l'or, les pierreries et les objets précieux apparaissent non plus comme les éléments constitutifs d'un décor symbolique, mais comme le fondement matériel de la puissance souveraine. On en mesure l'importance à la laisse XXIII, où, lors de l'ambassade de Girart à Constantinople, l'empereur byzantin invite ses hôtes à puiser dans le trésor de la chambre :
Ses menet en sa cambre soz uns arvols,
Dunt fu de vaires gemmes joncaz li sols.
Li reis dit a cascun : "Pren en con vols."
Pels negres sebelines lor mes as cols, 285
E donet lor anels, botuns e bols,
E porpres e samiz e pailes nols.64
39"Jonchée" de joyaux comme elle le serait ailleurs de fleurs ou d'herbe fraîche, elle témoigne de l'écho des récits embellis de bouche en bouche qui vantaient les immenses richesses de Constantinople, et sans doute aussi de la popularité que l'empereur Manuel Comnène connut pendant un temps parmi les Français65. Mais ce passage revêt également une signification plus vaste, en donnant à la largesse, vertu majeure de l'éthique chevaleresque et pratique indispensable à l'exercice du pouvoir féodal, la superbe formulation du vers 284 : "Pren en con vols." Les gemmes, les fourrures, l'or et les tissus de pourpre accumulés dans le palais sont les garants d'une abondance qui se doit d'être inépuisable, pour assurer la munificence illimitée dont l'idéologie médiévale fait un des premiers devoirs du prince. Vus sous cet angle, l'éclat de l'or et les couleurs changeantes des pierreries sont aussi l'expression de cette autre dimension de la magnificence de la chambre royale.
40Non moins somptueuse est la chambre du palais d'Avignon où repose Girart, blessé, après la première prise de Roussillon (laisse LXXVI) :
Girarz en Avignon desobre el Roine,
En une cambre vielle pointe a lioine,
Dunt sunt li capitel vermel serdoine,
Li pilar de liois e li coloine ; 1130
Li caire e li estel furent marmoine,
Bien entaillat a l'obre de Salemoine.
Desobre un feltre obrat de Capadoine,
Se jaz li cons Girarz devant un moine :
N'a tau mige desi qu'en Babiloine.66 1135
41On reconnaît ici le vocabulaire architectural élaboré, déjà observé à la laisse LI, qui est un des traits caractéristiques de la langue du Girart. Savant, complexe, et en définitive peu clair, il recherche moins la précision descriptive qu'un chatoiement verbal qui se superpose à celui des couleurs, ici encore incarné par les matériaux mêmes du palais et marqué par le contraste chromatique du rouge sombre de la sardoine et du ton clair de la pierre de liais. L'expression pointe a lioine désigne non pas une couleur (couleur de lion ?) mais un motif : il faut comprendre que le décor peint de la chambre représente des lions67 peut être inscrits dans des médaillons, selon la disposition usuelle des motifs des tissus orientaux68. La mention de ces précieuses soieries est, on l'a vu, particulièrement fréquente dans le poème ; elle se retrouve ici au vers 1133, où le feltre de Capadoine fait écho à la Babiloine du vers 1135, pour des raisons qui ne tiennent pas seulement à la rareté de la rime : cette double référence orientale participe, au même titre que les riches couleurs, les matières précieuses et les lions peints, dont la signification semble proche de celle du lion royal du vocabulaire héraldique69, à la caractérisation d'une architecture de majesté. Vaincu, blessé et gisant, Girart conserve cependant tout le prestige conféré par la splendeur du cadre palatin.
42A la laisse suivante (LXXVII), la description de cette même chambre est complétée par une évocation particulièrement précise de la luminescence propre au décor aulique :
Quant li cambre est tenerge, cil esten chai ;
E ne cui de parlar c'un si aut ai.
Les fenestres sunt clauses, qu'an jor n'i vai,
Les cortines tendues ab or d'aufrai ;
Mais pirres i reluisent de tant eslai 1145
Qu'ainc ne vistes nul cirge qu'aisi clarai.70
43Toutes fenêtres closes et tous feux éteints, le palais brille de sa propre lumière ; de ce rayonnement que l'obscurité ne saurait occulter, l'éclat des gemmes intégrées au décor architectural et serties dans les objets précieux n'est pas la véritable source : il n'est que le reflet d'une radiance d'un autre ordre, celle de l'aura qui nimbe toute souveraineté.
44Dans cette perspective, la splendeur délibérément non réaliste de ces intérieurs ne doit pas être comprise seulement comme un ornement stylistique, ni même comme la simple expression d'une opulence nécessairement liée à l'exercice du pouvoir. Elle est aussi, et peut être surtout, la traduction d'une très haute conception de la sacralité monarchique, dont le palatium est à la fois, selon la tradition antique revendiquée et renouvelée par l'idéologie carolingienne, le symbole et la tangible matérialisation71.
45Si conventionnelle que soit, en tant que "description", la représentation poétique de l'espace palatin72, rien n'y est gratuit et la part du pittoresque, bien que nettement perceptible, ne doit pas être surestimée ; chacune des notations colorées que nous y avons relevées s'avère porteuse de sens. Pour apprécier à son exacte valeur la justesse de touche avec laquelle le poète use de la couleur, il suffit de comparer ces chambres rutilantes de marbres, de mosaïques et de peintures à celle, blanche et nue, où vit la comtesse Berthe, femme de Girart, lorsqu'elle séjourne à Vézelay pour surveiller la construction de l'abbaye, vouée, comme celle de Pothières, au rachat des péchés accumulés au cours des deux guerres73. C'est là que Girart vient la rejoindre, à la laisse DCLXV, après le "miracle de Vézelay" :
Li cons ot le servise matin, e breu 9795
En une cambre voute, blanche cun neu,
En est intraz Girarz el privât seu.74
46Tandis qu'ailleurs l'or et la pourpre expriment en toute clarté la puissance du souverain et des grands, la blancheur ainsi délicatement notée dit avec la même lisibilité immédiate la rigueur de l'humilité chrétienne, en même temps que la quiétude d'un intérieur féminin, cadre d'une vie digne et sereine.
47C'est cette même blancheur qui donne sa tonalité particulière à toute la fin du poème où, les guerres achevées, "les oeuvres commencent" (v. 9998). C'est elle, déjà, qui éclaire les derniers mots du discours pacificateur du pape, à la laisse DCXXXVI :
".... ancui verra orguel jazer sotror,
E sainte humilitat tote sobror, 9420
Blanche, resplendissant d'une color."75
48Belle image, qui passe sans doute par l'intermédiaire d'une personnification implicite. Dès lors, c'est la blancheur de l'humilité76 qui irradie les dernières laisses, en un contraste subtil avec le reste de l'oeuvre, où brillent si souvent l'éclat plus sombre des armes et des trônes, le chatoiement des tentures et des voûtes peintes.
49On mesure d'autant mieux, soulignée par cette opposition, la force de l'accentuation que la lumière et la couleur apportent à la majesté du roi épique. A la surabondance de la richesse matérielle, garante de largesse, et à l'éclat de la luminescence palatine perçue comme la radiance du charisme royal s'associent grâce à elles la fascination d'un Orient lourd de rêves, scintillant de promesses, et le prestige inoublié d'une romanité dont le souvenir, brouillé par le temps et déformé par l'imaginaire, reste intensément vivant.
50En regroupant ainsi couleurs et lumières palatines autour des notions de souveraineté et de majesté, nous ne croyons pas avoir pour autant épuisé ni leur signification ni leurs connotations. D'autres rapprochements peuvent se dessiner, d'autres lectures sont possibles, qui ne seraient pas nécessairement incompatibles avec celles que nous proposons. Ce n'est pas la moindre beauté de l'art du poète épique que d'avoir si souvent laissé subsister, entre la sonorité des mots et leur sens, entre la réalité et sa description, le décalage de l'imprécision efficace"77 qui appelle à la rêverie, réservant ainsi au lecteur d'aujourd'hui, comme à l'auditeur d'autrefois, l'espace intérieur d'une réflexion qui doit savoir, elle aussi, rester ouverte.
Notes de bas de page
1 L'architecture des palais et des jardins dans les chansons de geste. Essai sur le thème du roi en majesté, à paraître à l'automne 1987 aux Editions Champion-Slatkine, première partie, ch. II, II. La composition de l'ouvrage étant en cours au moment où nous écrivons ces lignes, nous renverrons non aux pages, mais aux numéros des chapitres et de leurs subdivisions.
2 Il est aisé de l'établir à partir du Glossaire de l'édition de W. M. HACKETT, Paris, Société des Anciens Textes Français, 1953-1955, t. III, p. 601 ss. C'est cette édition que nous avons utilisée pour toutes les citations
3 Sur l'importance du cheval et sa présentation dans l'épopée, vois J. FRAPPIER, Les destriers et leurs épithètes, dans La technique littéraire des chansons de geste, Liège, 1959, pp. 85-104, et P. BANCOURT, Les chevaux des Sarrasins dans les chansons de geste. Convention, fiction et réalité, dans Senefiance n° 1, 1976, pp. 113-131.
4 C'est à ce public que s'adressait, par exemple, la scène de l'armement de Pierre de Montrabei (laisses CCXXXIX-CCL), où les armes et les pièces du somptueux costume qu'il revêt pour se rendre en ambassade auprès de Girart sont décrites avec un grand luxe de détails et où la pourpre, l'argent et l'or reviennent avec insistance. On sait par deux témoignages concordants que ce passage fut un des plus appréciés du Girart d'Oxford, au point de constituer sans doute une sorte de morceau d'anthologie. Voir à ce propos R. LOUIS, De l'histoire à la légende. Girart, comte de Vienne dans les chansons de geste : Girart de Vienne, Girart de Fraite, Girart de Roussillon, 2 vol. , Auxerre, 1947, t. I, p. 307.
5 Voir en particulier P. MEYER, Girart de Roussillon, chanson de geste traduite pour la première fois par P.M., Paris, 1884, rééd., Genève, 1970, Appendice à l'Introduction, pp. clxxx-cxcii ; R. LOUIS, op. cit., p. 257-288 ; M. PFISTER, Girart de Roussillon, Lexikalische Untersuchungen zu Girart de Roussillon, Beihelte zur Zeitschrift für romanische Philologie, Tubingen, 1970 ; W. M. HACKETT, La Langue de Girart de Roussillon, Genève, 1970.
6 C'est à cette conclusion qu'aboutit l'étude de Miss Hackett, qui estime, avec M. René Louis, que cette langue de convention a pu être utilisée pour d'autres oeuvres littéraires, comme en témoigne la parenté de la langue du Girart avec celle de la chanson de geste d'Aigar et Maurin. Sur ce dernier aspect du problème, voir les précisions récemment apportées par l'article de C. GALLEY, L'eau dans "Aigar et Maurin" et dans "Girart de Roussillon", dans L'eau au Moyen Age, Senefiance n° 15, 1985, pp. 157-169.
7 Sur le sentiment de la couleur et son expression au Moyen Age, voir A.G. OTT, Etude sur les couleurs en vieux Français, Paris, 1899, et, plus récemment, M. PASTOUREAU, Vogue et perception des couleurs dans l'Occident médiéval : le témoignage des Armoiries, dans Actes du CIIe Congres National des Société Savantes, Paris, 1979, pp. 81-102.
8 Sur ses différents aspects, voir E. SCHULZE-BUZACKER, "Girart de Roussillon", Considérations stylistiques, dans Actes du VIIIe Congrès de la Société Rencesvals, Pampelune, 1981, pp. 457-464, et W. M. HACKETT, L'élément courtois dans le vocabulaire de Girart de Roussillon, dans La chanson de geste et le mythe carolingien. Mélanges René Louis, 1982, t. II, pp. 730-736.
9 C'est là une des composantes essentielles de la matière épique dans son ensemble, mais Girart de Roussillon est, parmi les chansons de geste, celle où le thème est traité avec le plus d'ampleur, tant en ce qui concerne la profondeur de la réflexion politique que la finesse de l'analyse psychologique des rapports entre suzerain et vassal. Sur ce thème, voir l'ouvrage de K. H. BENDER, König und Vassall, Untersuchungen zur Chanson de Geste des XII. Jahrhunderts, Heidelberg, 1967.
10 Les descriptions épiques distinguent en général clairement château et palais, et cette distinction se retrouve dans l'iconographie contemporaine, en particulier dans la Tapisserie de Bayeux ; voir en dernier lieu l'analyse de D. WILSON, dans le Commentaire de son édition (Londres, 1985, édition française préfacée par G. Duby, Paris, 1985), p. 231 ss., ainsi que notre étude du cadre architectural de la représentation du souverain dans la Tapisserie (L'architecture (...), deuxième partie, ch. II, v).
11 Ibid., première partie, ch. II, II, 2 ; nous n'y avons traité que l'aspect palatin, réservant l'analyse des descriptions de Roussillon en tant qu'architecture castrale à une autre étude (Un haut lieu épique en Bourgogne : le Mont Lassois. Réalisme et merveilleux dans les descriptions du château de Roussillon, à paraître dans Bulletin de la Société des Fouilles Archéologiques de l'Yonne, 5, 1988). Sur ces descriptions, voir W. G. VAN EMDEN, The Castle in Some Works of Medieval French Literature, dans K. REYERSON et F. POWE (éds.), The Medieval Castle, Romance abd Reality, Duluque, Iowa, 1984, pp. 1-26.
12 Ils ont en commun la particularité d'être étroitement associés chacun à une église, dans une relation où celle-ci n'apparaît pas comme une chapelle palatine dépendant de la résidence royale ou seigneuriale, mais comme l'élément dominant d'un complexe où le palais du roi Charles et le palais de Fouque sont en quelque sorte, l'un auprès de la cathédrale Sainte-Croix, l'autre auprès de l'église Sainte-Lée, des "palais monastiques" à la manière des Klosterpfalzen du haut Moyen Age ; voir L'Architecture (...), deuxième partie, ch. II, I, 7, et II, 3.
13 Voir R. LOUIS, De l'histoire à la légende, t. II, p. 237 ss., et J. DEBAL, Indices topographiques sur un quartier d'Orléans dans la Chanson de Girart de Roussillon, dans Mélanges René Louis, t. II, pp. 865-876.
14 La description du champ de bataille est traitée dans le Girart avec une précision et une justesse de notations qui n'a, en dehors du Roland, guère d'équivalent dans l'épopée et qui, comme l'a noté M. René Louis (op. cit., p. 331), est à rapprocher de la belle évocation du paysage guerrier dans le Roman de Thèbes.
15 Sur l'importance de cette scène type dans l'épopée, voir M. ROSSI, L'accueil aux voyageurs dans quelques chansons de geste des xiie et xiiie siècles, dans Senefiance, 2, 1976, pp. 391-394, et, sur son développement dans le domaine romanesque, M. L. CHENERIE, Le chevalier errant dans les romans arthuriens en vers des xiie et xiiie siècles, Genève, 1986, p. 503 ss.
16 Etant donnée la difficulté bien connue du texte, nous donnons en note la traduction des passages cités, en reproduisant la traduction de P. Meyer. Là où nous avons cru devoir la retoucher, généralement en fonction des indications données par les notes et le Glossaire de l'édition de W. M. HACKETT, nous l'avons indiqué par des parenthèses. "(...) dehors, à la grande porte de Roussillon, à droite, quand on entre, il y a un perron. Tout autour règne une galerie dont les piliers et les colonnettes, et même les doubleaux sont inscrustés de sardoines ; les voûtes sont de pur laiton. Là Girart gorge son faucon ; autour de lui, un millier d'hommes de sa (suite), vêtus de (tuniques) bordé(e)s d'orfrois et de jupons de soie vermeille."
17 L'oiseau de chasse est, comme tout ce qui se rapporte à la chasse, et singulièrement à la chasse royale, un très ancien symbole de puissance. Il était aussi, parce que la chasse au vol se pratique sans arme, le signe d'une intention pacifique ; il était d'usage d'en être accompagné lorsque l'on avait à accomplir ou à recevoir une ambassade. Il est probable qu'il cumule ici ces deux significations. Sur la pratique et le sens de la chasse à l'oiseau, voir J. O. BENOIST, La chasse au vol. Technique de chasse et valeur symbolique de la volerie, dans La chasse au Moyen Age. Actes du Colloque de Nice (22-24 Juin 1979), Paris, 1980, pp. 117-125.
18 Sur l'origine iconographique de ce type de présentation du souverain, entouré d'hommes d'armes et de dignitaires, voir A. GRABAR, L'Empereur dans l'art byzantin. Recherches sur l'art officiel de l'Empire d'Orient, Paris, 1936, pp. 51 et 88-89 (rééd., 1971).
19 Sur la valeur de la voûte dans la symbolique du pouvoir, voir L'Architecture (...), deuxième partie, ch. I, I, et passim.
20 Sur la localisation légendaire du château de Roussillon à l'emplacement de l'oppidum protohistorique de Latisco - l'actuel Mont Lassois, près de Châtillon-sur-Seine - et sur les transferts épiques qui l'ont précédée, voir R. LOUIS, op. cit., t. II, pp. 163-182 et passim.
21 Sur l'hypothèse de la connaissance directe de l'Orient byzantin que le poète du Girart aurait pu acquérir lors de la seconde croisade, ibid., t. I, pp. 394-395.
22 Sur la fréquente confusion des domaines byzantins et islamiques dans l'image que l'Occident médiéval se faisait des splendeurs de l'Orient, voir P. BANCOURT, La décoration des intérieurs sarrasins dans les chansons de geste du xiie siècle et l'art musulman, dans Mélanges Pierre Jonin, Aix-en-Provence, 1979, pp. 63-82.
23 C'est ce qui semble le plus probable ; il pourrait s'agir du souvenir visuel d'un édifice précis, déformé par la mémoire ou l'intermédiaire d'un récit, car ces deux types de revêtement se retrouvent en d'autres passages du poème sans qu'il y ait entre eux de confusion.
24 Bien que la sardoine soit en réalité d'un brun rougeâtre, elle semble perçue comme franchement rouge par le poète du Girart, comme en témoigne la vermel serdoine du vers 1129.
25 "(S'il voyait mon palais) resplendissant, tout de pierres de taille habilement appareillées, et l'escarboucle étincelante qui fait qu'à minuit on se croirait à midi, je craindrais que Charles le convoitât. Mais il me tuerait avant que je le lui abandonne." Contrairement à P. Meyer, nous pensons que palais désigne ici non la salle, mais l'édifice dans son ensemble.
26 Voir J. FRAPPIER, Le thème de la lumière de la "Chanson de Roland" au "Roman de la Rose", dans Cahiers de l'Association internationale des études françaises, 20, 1968, pp. 101-124.
27 Voir T. MIGUET, L'escarboucle médiévale, pierre de lumière, dans Marche romane, 29, 1979, pp. 37-60.
28 Sur ses plus anciennes attestations, voir E. CASSIN, La splendeur divine. Introduction à l'étude de la mentalité mésopotamienne, Paris, 1968, p. 65 ss.
29 "Il y avait à Roussillon une tour de pierre cimentée dont l'appareil était de pierre alamandine ; le porche, en dehors, avait été fait par les Sarrasins ; elle était (couverte avec un art subtil ;) le sol en était vert comme sabine." Sur la pirre alemandine et la sabine, sorte de genévrier, voir les notes de P. Meyer, p. 31 de sa traduction ; pour W. M. HACKETT (Glossaire, p. 615), l'alamandine est probablement un marbre rouge.
30 Voir W. M. HACKETT, Glossaire, p. 788.
31 Ibid., p. 789-790 ; une douzaine d'occurrences au total pour le mot marbre et ses dérivés.
32 "Qui est ornée de marbre jaune, blanc et vermeil."
33 Voir J. BEDIER, Les légendes épiques, 2è éd., Paris, 1914-1921, t. IV, pp. 403-433 ; H. GREGOIRE, Les monuments inspirateurs. Comment Guillaume de Toulouse devient Guillaume d'Orange, dans Provence Historique, I, 1950-1951, pp. 32-44.
34 "On descendit au perron sous un laurier. Sur le perron était placé un taureau d'airain fondu."
35 Voir l'Introduction de la traduction de P. Meyer, p. lxxix.
36 "Il y avait à Orléans, dans la garenne, un palais avec des bancs de pierre de taille, les unes vertes, les autres (bleues)."
37 "Entre le mur et le palais, sur une terrasse, il y (avait) des perrons cimentés avec art, ornés d'une décoration d'animaux figurés en mosaïque avec un or resplendissant. Le pavement était de marbre. Au milieu, il y avait un pin qui protégeait contre la chaleur. (Par une ouverture) soufflait un air doux qui embaumait plus qu'encens ni piment. D'une pente (sortait) une fontaine ; il y avait un cerf d'or (orné de pierreries) de la bouche duquel jaillissait l'eau."
38 L'Architecture (...), première partie, ch. I, I, 1 et 2 ; II, 1, et, sur le jardin du palais royal d'Orléans, ch. II, I, 7.
39 Ibid., et II, I, 4.
40 Ibid., III, IV, 9 et 11.
41 Ibid., I, III, 4.
42 Sur le rôle des. automates dans les mises en scène antiques et Byzantines de l'apparition du roi-cosmocrator, voir A. CISEK, La rencontre de deux "sages" : Salomon le "Pacifique" et Alexandre le Grand dans la légende hellénistique et médiévale, dans Images et signes de l'Orient dans l'Occident médiéval, Senefiance n° 11, 1982, (pp. 75-100), pp. 84-85.
43 "Ils arrivent aux portes de Constantinople. Dehors, dans la prairie, ils tendent leurs pavillons."
44 "En s'approchant du camp français (,), ils virent les (pommeaux) et les aigles d'or espagnol, les pavillons de soie grecque, et tant de chevaux de prix, et tant de riches harnachements ! Le roi loua grandement tout ce qu'il vit : jamais on ne vit autant de courtoisie chez un roi aussi puissant."
45 "Vous ne verrez point passer la fête des Rogations sans que mon seigneur vous ait montré tant de riches barons, et là dehors, par ces prés, tant de pavillons bleus, vermeils, jaunes, variés comme la queue du paon."
46 Très sobrement traité dans le Roland (v. 669-671), il est revanche développé avec ampleur dans la Chanson d'Aspremont (v. 7014-7030). La laisse 56 du Siège de Barbastre en donne une belle version qui illustre très clairement le rôle de la tente royale comme lieu de majesté.
47 Sur les versions romanesques du motif de la "tente du beau pré", voir M. L. CHENERIE, Le chevalier errant (...), pp. 181-183.
48 "Ils entrèrent dans la salle que fit Theus (.) Elle était entièrement (revêtue) de mosaïque, jusqu'aux voûtes. Un vieillard (aux) cheveux blancs leur fit donner l'eau. Quelle admirable richesse leur fut montrée ! (...) C'étaient des hanaps, des vases en or battu, des bassins, des aiguières grandes et petites."
49 Sur l'expression painz a musec, voir la note de P. Meyer, p. 51 de sa traduction.
50 Les voûtes sont, dans le Girart, une des caractéristiques de la chambre.
51 "Le comte (entra) à (l'église) où il fit sa prière, puis il monta en la salle par les degrés ; on n'y voyait mur ni pierre, ni bois ni latte, mais seulement des courtines de soie .... entourées des plus beaux tissus que vous puissiez voir."
52 "Quand le roi a suivi la procession, on monte au palais qui est tel qu'on n'en vit jamais : arbalète ni arc ne sauraient lancer un trait aussi loin qu'il s'étend en tout sens. Les murs et les boiseries disparaissent sous les étoffes."
53 Voir J. EBERSOLT, Les arts somptuaires de Byzance, Paris, 1923, en particulier pp. 78-80 ; H. ALGOUD, La soie, l'art et l'histoire, Paris, 1928 ; E. SABBE, L'importation des tissus orientaux en Europe occidentale au haut Moyen Age (ixe et xe siècles), dans Revue belge de philologie et d'histoire, XIV, 1935, pp. 811-848 et 1261-1288. Sur l'influence que ces tissus ont exercée sur l'iconographie de l'Occident médiéval, voir J. ARROUYE, La conversion des griffons, dans Images et signes de l'Orient (...), pp. 1-26 ; voir aussi infra, n. 68.
54 23 occurrences au total ; voir W. M. HACKETT, Glossaire, p. 820.
55 Ibid., p. 884, et R. LOUIS, op. cit., t. I, p. 191, n. 1 ; sur l'origine du mot acharamanz, ibid., p. 382, n. 2.
56 "Et quand on eut mangé, midi étant passé, on étendit par la salle des tapis neufs et dessus on plaça deux fauteuils d'or massif. Charles, le roi de France, s'assit en l'un et fit asseoir la reine en l'autre."
57 "Le roi était assis en un fauteuil de pur argent, et Pierre s'était agenouillé avec déférence."
58 Sur le symbolisme du trône vide dans l'Antiquité, voir l'important ensemble d'articles publiés par J. AUBOYER, A. GRABAR et C. PICARD, dans Cahiers Archéologiques, VI, 1952, et VII, 1954.
59 Sur ces différents aspects de l'or, voir les communications réunies dans L'or au Moyen Age (monnaie-métal-symhole), Senefiance n°12, 1983.
60 Voir J. HUBERT, Le fauteuil du roi Dagobert, dans Demareteion, I, 1935, pp. 17-27.
61 Cette règle connaît cependant un certain nombre d'exceptions : dans quelques passages, la fonction de la chambre est pratiquement identique à celle de la salle.
62 "Le roi entre dans sa chambre qui est telle qu'on n'en vit jamais. Elle est voûtée et revêtue de précieux métal, et décorée symétriquement de mosaïques. (Aussi brillants que le cristal,) les vitraux luisent plus que l'étoile du matin. Le pavement en est de marbre taillé. Là est entré le roi avec ses vassaux."
63 Suivant en cela P. Meyer, nous pensons que ces veriau sont bien des "vitraux" ; voir cependent W. M. HACKETT, Glossaire, p. 919, qui donne aux trois occurrences du mot verial dans le poème le sens de "fenêtre". Il ne nous semble convenir qu'au vers 1595 ; en revanche, au vers 1901, ce terme paraît désigner aussi des vitraux.
64 "Il les mena en sa chambre voûtée, dont le sol était jonché de pierres précieuses (de diverses couleurs), et dit à chacun : "Prends-en en ta volonté." Il leur met au cou des peaux zibelines et leur donne des anneaux et des boutons, des étoffes neuves de pourpre, de samit (et) de soie."
65 Voir R. LOUIS, op. cit., t. I, pp. 383-386, et, sur les convoitises exitées en Occident par les richesses de Constantinople, R. COLLIOT, Fascination de l'or à Byzance d'après le chroniqueur Robert de Clari, dans L'or du Moyen Age (...), pp. 89-110.
66 "Girart est en Avignon sur le Rhône, en une chambre voûtée (ornée de lions peints) ; les chapiteaux sont de rouge sardoine, les piliers et les colonnes de liais ; les pierres d'angle (?) et les bases sont de marbre bien entaillé à l'oeuvre de Salomon. Sur un feutre ouvré de (Cappadoce) gît le comte Girart ayant auprès de lui un moine ; il n'y a tel médecin jusqu'(à) Babylone." Sur l'expression a l'obre Salemoine pour désigner la perfection du travail, voir la note de P. Meyer, p. 35 de sa traduction.
67 Pour le sens de cette expression, ni P. Meyer (ibid., p. 34), ni W. M. Hackett (Glossaire, p. 779) n'ont voulu trancher entre les deux possibilités : "couleur de lion" ou "ornée de lions peints" ; la seconde nous semble préférable.
68 Sur le motif des leones circumrotati et l'influence que les tissus ont exercée sur la peinture murale, voir P. DESCHAMPS, Les fresques des cryptes des cathédrales de Chartres et de Clermont et l'imitation des tissus dans la peinture murale, dans Monuments Piot, t. XLVIII, 2, 1956.
69 Voir le Traité d'Héraldique de M. PASTOUREAU (Paris, 1979) et son récent article, Quel est le roi des animaux ? dans Le monde animal et ses représentations au Moyen Age (xie-xve siècles). Actes du XIVe Congrès de la Société des Historiens médiévistes de l'Enseignement Supérieur Public, Toulouse, 25-26 Mai 1984, Toulouse, 1985, pp. 1333-142.
70 "La chambre est obscure ; tous gardent le silence, personne n'oserait parler. Les fenêtres sont closes et arrêtent le jour ; les rideaux bordés d'orfrois sont tendus, mais les pierres précieuses répandent plus de clarté que ne ferait un cierge."
71 Voir P. RICHÉ, Les représentations du palais dans les textes littéraires du haut Moyen Age, dans Francia, 4, 1976, pp. 161-171.
72 On retrouve les mêmes conventions et la même symbolique du pouvoir dans le domaine iconographique ; elles sont particulièrement sensibles dans le décor architectural des images de majesté de l'enluminure carolingienne et ottonienne. Sur l'influence que ces oeuvres ont pu exercer sur l'imaginaire épique, voir L'Architecture (...), deuxième partie, ch. II, I et II.
73 Sur ces fondations, leur rôle dans le poème, la part qu'elles ont eue dans sa genèse et sa diffusion, voir R. LOUIS, op. cit., t. II, pp. 156-232, et l'étude historique qui forme la première partie du même ouvrage : Girart, comte de Vienne (... 819-877) et ses fondations monastiques, 1 vol., Auxerre, 1946.
74 "Le comte (entendit) un court service le matin. Il entra, avec ses privés, en une chambre voûtée, blanche comme neige."
75 "(On verra aujourd'hui) orgueil abattu et sainte humilité triompher, toute resplendissante de blancheur." Sur l'emploi de d'une color pour exprimer le caractère absolu de cette blancheur, voir W. M. HACKETT, Glossaire, p. 663.
76 Cette valeur chrétienne de la signification symbolique du blanc est largement répandue dans les chansons de geste ; elle est particulièrement présente dans la Chanson de Roland, avec une continuité et une cohérence qu'a bien soulignées G.J. Brault dans le commentaire de son édition (The Song of Roland, An Analytical Edition, 2 vol., University Park et Londres, 1978 ) ; voir en particulier Introduction, p. 99, et Commentary, 34, n. 9, p. 456.
77 Nous empruntons cette heureuse formule à l'ouvrage de J. HORRENT, Le Pélerinage de Charlemagne à Jérusalem et à Constantinople. Essai d'explication littéraire et textuelle, Liège-Paris, 1961, p. 30.
Auteur
Ecole d'architecture de Versailles
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