Chapitre 4. Révolution et Consulat
Origines et genèse du décret du 23 prairial an XII
p. 93-129
Texte intégral
1La Révolution constitue pour les sépultures une expérience à bien des égards radicale de tabula rasa1. Un trait est plutôt propre à la France : le patrimoine historique et artistique constitué par les tombeaux des églises et parfois des cimetières a été drastiquement réduit. Un autre rappelle d’autres expériences extrêmes des législateurs funéraires du xviiie : l’égalité de tous – ou presque – dans l’anonymat des fosse communes – à cette nuance près que ni à Modène ni à Vienne, les cérémonies religieuses publiques marquant le rite de passage n’avaient été supprimées, comme ce fut le cas en France entre l’an II et le Concordat.
2La tradition historiographique a tendu à distinguer voire opposer deux phases dans la mise au point du cimetière contemporain. Dans la dernière décennie du xviiie siècle sont avancés diverses propositions et des projets, en particulier à l’occasion du concours organisé en l’an VIII (1800) par l’Institut de France « sur les questions relatives aux cérémonies funéraires et aux lieux de sépultures ». Cet ensemble manuscrit ou imprimé de propositions a été souvent qualifié globalement d’utopique par les historiens du xxe siècle dans la mesure où certaines d’entre elles leur paraissaient irréalistes ou peu réalisables avec les moyens de l’époque2. Et aussi parce que cette période d’inventivité funéraire théorique ne semblerait guère déboucher sur des réalisations concrètes et contrastait avec une réalité souvent sordide.
3Une seconde étape correspondrait au « retour à l’ordre » consulaire puis impérial et serait marquée par le décret du 23 prairial an XII (12 juin 1804) « sur les sépultures ». Fondement de la législation funéraire française des temps contemporains, ce grand texte marque effectivement le terme d’une crise des conditions de la sépulture qui s’était aggravée pendant la Révolution. Le rapide succès du Père-Lachaise est souvent expliqué par les potentialités que ce décret offrait3.
4Les faits sont plus complexes. Le principe de la création du nouveau cimetière parisien est nettement antérieur à l’élaboration de la législation. Il a été posé par un arrêté pris par le préfet de la Seine Nicolas Frochot le 21 ventôse an IX (12 mars 1801). À cette date, un projet de texte législatif sur les inhumations n’est pas encore attesté. Il y eut en fait concomitance entre l’ouverture du « cimetière de l’Est » qui allait devenir le Père-Lachaise et la signature du décret par Napoléon. L’arrêté préfectoral et le décret ont été précédés et en partie inspirés par une effervescence de projets et de publications suscités dans les dernières années du xviiie siècle par l’état des sépultures.
Les temps révolutionnaires
5La situation juridique des cimetières paraît imprécise lorsque commence la Révolution : les conseils de communautés (qui vont devenir des municipalités) devaient fournir les terrains et entretenir les clôtures, cependant que l’enclos était géré par le conseil de fabrique. Il est couramment admis que les cimetières furent implicitement « nationalisés » par les décrets des 2-4 et 13-18 novembre 1789 qui mettaient à la disposition de la Nation « tous les biens ecclésiastiques ». Le décret du 28 octobre-5 novembre 1790 relatif à la vente et à l’administration des biens nationaux ne fait allusion aux cimetières que dans son article 33, pour préciser qu’« il sera incessamment pourvu aux moyens de fournir, à compter du 1er janvier 1791 aux réparations et entretien des églises paroissiales, des presbytères et des clôtures de cimetières ». Le décret des 6-15 mai 1791, relatif aux biens dépendant des églises paroissiales ou succursales supprimées, indique :
Art. 3 : Les cimetières desdites paroisses et succursales supprimées seront également vendus dans la même forme et aux mêmes conditions que les biens nationaux.
Art. 10 : Les cimetières ne pourront être mis dans le commerce qu’après dix années, à compter depuis les dernières inhumations4.
6Les fabriques reconstituées au xixe siècle ont parfois revendiqué la propriété de certains cimetières d’Ancien Régime. Le ministre des cultes se fonda pour la leur refuser, dans une lettre à l’évêque d’Arras du 17 juillet 1854, sur le décret relatif à la vente des immeubles réels affectés aux fabriques du 19 août-3 septembre 1792 et surtout sur le décret du 13-14 brumaire an II (3-4 novembre 1793), qui déclarait propriété nationale « tout l’actif affecté, à quelque titre que ce soit, » aux fabriques – ces deux textes ne citant pas explicitement les cimetières. Il en concluait qu’ils « devinrent propriété de l’État », mais ne pouvait guère prouver leur remise aux communes avant le décret de Prairial an XII5.
7Ces textes étant antérieurs au rétablissement du culte et à la reconstitution des fabriques, il a été généralement considéré que l’arrêté du 7 thermidor an XI (26 juillet 1803) qui leur restituait les « biens non aliénés ainsi que les rentes dont elles jouissaient » ne portait que sur les biens utiles dont elles pouvaient tirer un revenu et non sur les propriétés affectées à un service public, d’autant qu’une décision ministérielle du 15 brumaire an XI (6 novembre 1802) avait affirmé nettement que le lieu d’inhumation est essentiellement une propriété publique. Le décret du 23 prairial an XII allait reconnaître la propriété des cimetières aux communes6.
8La nationalisation des biens du clergé aurait pu accélérer les opérations de transfert des cimetières car elle permettait d’en ouvrir dans les enclos conventuels des zones périurbaines. L’abbé Desbois de Rochefort, curé parisien et « auteur de l’article cimetière de la Nouvelle encyclopédie » le proposa vainement à l’assemblée7. Ce sera cependant le cas à Bordeaux, pour le cimetière général créé entre 1791 et 1793 dans l’enclos de la Chartreuse8. Le même auteur s’inquiétait aussi en vain de ce que « la suppression des couvens et de leurs églises, celle même de plusieurs églises paroissiales vont laisser errer çà et là sans asyle une foule innombrable de mausolées ». Il souhaitait sans succès que l’on se soucie de réaliser de nouveaux cimetières « pour recueillir dans leurs vastes enceintes, au pied de leurs murs, sous leurs galeries et leurs portiques ces monumens de l’Histoire, des progrès successifs et de la gloire de nos arts et de la reconnoissance de nos pères ».
9La réorganisation des paroisses due à la Constitution civile du clergé brise les liens entre paroisse urbaine et cimetière9. Les projets de création de cimetières qui sont alors esquissés ou préparés, et qui ne seront dans le meilleur des cas réalisés qu’entre le Consulat et la Restauration, prévoient leur localisation en fonction des points cardinaux et des axes de communication et affectent chacun aux paroisses proches, sans prévoir apparemment de répartition interne de leur surface entre elles – d’ailleurs une statistique fiable des décès dans ces circonscriptions nouvelles ne peut encore être établie. Mais en général, ce sont des cimetières étroits, saturés et parfois malodorants qui traversent la Révolution. Plus grave encore est l’état de cimetières improvisés, établis par exemple en l’an II dans le domaine d’un émigré, qui ne sont parfois ni clôturés ni réellement aménagés.
10Entre 1789 et 1793 l’essentiel des exceptions sociales prévues par la déclaration de 1776 disparaît. L’inhumation dans les églises semble cesser dès qu’elles deviennent biens nationaux. Des cas de suppression des tombeaux apparus dans les cimetières au cours des décennies précédentes sont attestés : ainsi à Arles une proclamation des officiers municipaux du 7 mars 1791, prise sans doute sous l’impulsion du maire Antonelle, réclame l’égalité dans la mort et interdit aux particuliers de faire établir dans le cimetière des caveaux de famille et même de poser des inscriptions et des épitaphes ; celles qui avaient été placées devaient être enlevées. La Commune de Paris fera ensuite disparaître tous les emblèmes religieux dans les cimetières. L’on n’y établit plus de tombeaux jusqu’au début du xixe siècle.
11La déchristianisation de l’an II se traduit par la laïcisation du cimetière, du moins dans les villes. Elle est rendue officielle à la suite d’un incident par le décret du 12 frimaire an II (2 décembre 1793) « relatif à la sépulture des citoyens dans les cimetières publics, quelles que soient leurs opinions religieuses » :
La convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la pétition du citoyen Rogeau, membre de la commune de Warlay-Baillon, district d’Amiens, dans laquelle il expose qu’un attroupement considérable de femmes a empêché l’inhumation d’une protestante, franche aristocrate, dans le cimetière de cette commune, et demande des mesures pour empêcher le renouvellement de pareille scène ; que chaque citoyen exerce librement le culte qu’il adopte, qu’il y ait, autant que faire se pourra, un lieu particulier de sépulture pour chaque secte, etc. Considérant qu’aucune loi n’autorise à refuser la sépulture dans les cimetières publics aux citoyens décédés, quelles que soient leurs opinions religieuses et l’exercice de leur culte, passe à l’ordre du jour10.
12Les années 1793-1794 et les suivantes multiplient ceux que les ethnologues appellent les mauvais morts, décédés sans avoir bénéficié de l’accomplissement de rites de passage qui marquent la séparation du mort d’avec la société des vivants et son intégration au monde des disparus. L’enterrement se réduit au transport du corps au cimetière et à son inhumation. L’administration ou les sociétés populaires s’efforcent parfois de suppléer à la disparition totale des accompagnateurs traditionnels. C’est un trait que semble avoir fortement retenu la postérité immédiate et que résume au début de la Restauration un auteur marseillais anonyme :
Lorsqu’il mourait quelqu’un, on était obligé d’aller en faire la déclaration à la commune, qui l’enregistrait de la même manière que les naissances et les mariages et on faisait transporter le corps sans cérémonie et sans suite au cimetière. On mettait sur la caisse qui le renfermait un drap mortuaire aux trois couleurs. Il n’y avait qu’un agent de police qui l’accompagnait jusqu’au lieu de sépulture11.
13Ce dernier semble représenter la société accompagnant un de ses membres au champ de repos mais aussi avoir pour mission de surveiller quelque peu les fossoyeurs.
14Une exception considérable est cependant consentie à titre de récompense publique pour les restes du héros, du martyr de la Révolution et du « grand homme utile à sa patrie », dont le souvenir mérite d’être conservé pour des raisons pédagogiques et édifiantes. L’église parisienne de Sainte-Geneviève, dotée de la vaste crypte funéraire des génovéfains, est transformée en Panthéon par le décret du 4-10 avril 1791, « relatif aux honneurs à décerner aux grands hommes ». Indice que la sépulture privilégiée par excellence reste aux yeux des contemporains celle qui est à l’intérieur d’un édifice, converti, il est vrai, en mausolée collectif. Pourtant, l’architecte Vaudoyer avait proposé de faire des Champs-Elysées une « voie de l’honneur » bordée de tombeaux de grands hommes. D’autres avaient proposé de les établir au Champ-de-Mars. Mais les arguments des partisans du Panthéon étaient que le climat parisien était peu propice aux cérémonies de plein air et surtout que les cimetières tels qu’ils existaient étaient « hideux », « répugnants »12. Quatremère de Quincy s’efforce initialement d’y réaliser un de ces monuments sépulcraux collectifs dénués de connotations religieuses dont divers projets ont été avancés au cours des décennies précédentes. Il en présente l’élément caractéristique par excellence, le couvrement en coupole. L’intérieur du monument, d’une grandiose nudité, baigne dans la pénombre tamisée d’une lumière indirecte et ne renferme que quelques statues allégoriques. Ce seront d’abord les cérémonies qui s’y dérouleront qui commémoreront les grands hommes qui y sont inhumés. Dès 1792 Quatremère de Quincy propose en vain de l’entourer d’un jardin funéraire où seraient enterrés de grands hommes au mérite jugé insuffisant pour accéder à l’intérieur du monument13.
15Les projets de « champs de repos » que certains représentants en mission rédigent en 1793-1794 prévoient également une exception à l’égalitarisme en faveur du mérite. Fouché accorde à ceux qui « seront jugés par les citoyens de ladite commune avoir bien mérité de la patrie […] une pierre figurée en couronne de chêne », Maignet autorise les communes qui souhaitent « honorer les mânes d’un homme vertueux » à « indiquer [dans le cimetière] un lieu particulier pour sa sépulture »14. Tout cela reste théorique. Si l’on veut sauvegarder l’identité des restes d’un mort, mieux vaut ne pas le mettre au cimetière. Marat bénéficie d’abord d’un tombeau dans le jardin des Cordeliers. Le conventionnel Gasparin est inhumé dans la salle des séances de la société populaire d’Orange, sa ville natale, où il est mort. La crémation pourrait être une solution : le représentant du peuple Beauvais, mort à Montpellier le 28 mars 1794, est incinéré mais l’on demande vainement que l’urne soit déposée au Panthéon15. Les cadavres des généraux de la République vont ensuite poser problème. Championnet étant mort à Antibes le 9 janvier 1800 est enseveli dans le périmètre extérieur du fort carré où sa tombe, entourée de cyprès, est toujours visible. Les cercueils de Joubert et Kleber, rapatriés, seront déposés à titre provisoire respectivement au fort Lamalgue de Toulon et au château d’If à Marseille et expédiés dans leur ville natale sous la Restauration. Seuls les grands hommes bénéficient d’un culte commémoratif et pédagogique lors des fêtes révolutionnaires16. Ces dernières, entre la Législative et le Directoire, semblent avoir imposé dans la culture collective un nouvel hommage au mort repris de l’Antiquité, la couronne de fleurs ou de feuilles, qui s’épanouira au xixe siècle.
16La disparition des rituels publics de funérailles semble un phénomène général dans la France urbaine presque jusqu’au début du xixe siècle. Une telle rupture n’avait de précédent que celle qu’avait produite la Réforme protestante, qui avait initialement rejeté l’essentiel du rituel funéraire existant, mais elle ne concernait qu’une minorité. Elle commence à paraître inouïe après Thermidor. Ainsi le Moniteur du 26 germinal an III (15 avril 1795), après avoir évoqué a contrario les obsèques de l’Antiquité, dénonce-t-il :
l’indécence avec laquelle les funérailles se font actuellement à Paris. Cette insouciance pour les morts, ce mépris, cette impiété qu’on témoigne à leurs restes ne seraient-ils pas encore un de ces attentats de cette tyrannie qui avait tout corrompu ? […] Sans doute que la Convention voudra remplir le devoir de ramener le peuple aux institutions civiles et morales sans lesquelles il ne peut exister ni liens sociaux ni vertus. Qu’elle se hâte de nous rendre cette moralité précieuse que nous avons perdue »17.
17En l’an III, apparemment au printemps de 1795, paraît une brochure signée G.-G. Delamalle – sans doute l’avocat Gaspard-Gilbert Delamalle (1752-1834) – où l’auteur décrit l’enterrement de sa mère. Il a suivi par exception le cercueil jusqu’à la fosse où il a été déposé – l’employé commis à l’accompagnement lui a fait fortement remarquer que ce n’était pas l’usage. Il déplore l’absence totale de cérémonie, la désinvolture des porteurs et des fossoyeurs, l’état du cimetière18. En écho, Gabriel Legouvé lit devant l’Institut en octobre 1796 son poème La sépulture, publié deux ans plus tard :
Mais de quel crime encor mon œil est révolté.
Par des bras soudoyés, un cadavre porté,
Sans cortège, sans deuil, s’avance solitaire,
C’est ainsi parmi nous qu’on rend l’homme à la terre19 […].
18Dans les années suivantes le constat d’une absence générale de respect dû aux morts est confirmé par des élus, tels qu’E. Pastoret dans un rapport au conseil des Cinq-cents du 26 prairial an IV (14 juin 1796)20 ou Paul-Benoît-François Bontoux, député des Hautes-Alpes, rapportant devant le même conseil au nom d’une commission un projet de loi sur les inhumations qui « a cherché à concilier ce que réclamoient la décence, la dignité, le respect pour les morts avec les principes du régime républicain ». Il fut discuté sans être adopté le 28 messidor an IV (16 juillet 1796)21. Michel-Louis Talot déclara à cette occasion :
Laissons aux cultes la plus entière liberté, permettons à chacun d’honorer Dieu à sa manière et de se faire enterrer comme il lui plaira […]. Il n’est pas un républicain qui, lorsqu’il a perdu un parent ou un ami, ne sache quels devoirs il a à remplir. Il n’est pas nécessaire que nous fassions des lois à ce sujet. Je demande la question préalable sur les projets présentés.
19Une nouvelle tentative fut faite le 21 brumaire an V (11 novembre 1796) par François-Antoine Daubermesnil qui présenta un projet destiné à lutter « contre l’indécence actuelle des sépultures ». Il réitérait le rejet hors des enceintes ou auprès des habitations des sépultures « à la distance d’un demi-kilomètre » et prescrivait :
La grandeur de l’enclos destiné aux sépultures communes sera proportionnée au nombre des habitants qui n’ont pas de propriétés territoriales ; il sera fermé de murs et d’une grille de fer dont la clef sera chez l’officier public, et sera planté, dans la première saison convenable, d’arbres propres aux climat.
20Suivait un des articles les plus originaux :
Il est libre à tout individu de faire brûler ou inhumer dans tel endroit qu’il jugera convenable, le corps de ses proches ou des personnes qui lui furent chères, en se conformant aux lois de police et de salubrité.
21François-Valentin Mulot proposa des compléments à ce texte au point de composer un projet de résolution en vingt-huit articles (Daubermesnil en avait prévu sept), qui autorisait en particulier des « monumens privés qui pourront être élevés pas les parens et amis », il réglementait les « cérémonies funéraires » et sanctionnait les « violateurs de sépultures ». Mais rien ne fut voté22.
22Dans la séance du 24 frimaire an VII (14 décembre 1798) du même conseil, le député Jean-Baptiste Lafargue déclarait :
L’anarchie est telle qu’il y a des lieux de sépulture où les cadavres affleurent le sol et deviennent la proie des animaux. J’ai vu une mère disputant le cadavre de son enfant à un pourceau […] Il est temps que les Français cessent d’être jetés à la voirie23.
23Dans un rapport suivi d’un projet sur les sépultures présenté à l’administration centrale du département de la Seine, sans doute au même moment, Jacques Cambry déclare : « Aucun peuple, aucune époque ne montre l’homme après sa mort dans un si cruel abandon24 ». Certes, sans doute convient-il de relativiser ces propos. Les cimetières parisiens qui font l’objet de descriptions les comparant « à la voierie25 » ne doivent pas être foncièrement différents de ceux de l’Ancien Régime finissant : ils ont l’aspect de terrains vagues et l’on continue d’y empiler les corps en de vastes fosses. Ils sont peut-être plus mal tenus et davantage encombrés d’ossements, alors que l’image de la mort que souhaitent traduire les Montagnards au moment de la déchristianisation est celle du retour à la nature et du sommeil paisible, en contraste avec les images inquiétantes du pourrissement et du squelette. Ainsi, Chaumette avait déclaré le 30 vendémiaire an II (21 octobre 1793) devant la Commune de Paris :
Il faut que les lieux où reposent les cendres de nos pères inspirent des sentiments moins sombres et plus tendres. Je veux des champs Elysées (là) où l’hypocrisie des prêtres ne nous faisait rencontrer que des ossements et des têtes de morts26.
24Si certains auteurs ont noté l’absence de murs, c’est qu’il s’agit, à Paris en particulier, de cimetières récemment transférés ou créés à moindres frais en zone suburbaine. Quant à la brutalité des croquemorts et la désinvolture des porteurs, qui déposent un cercueil devant un cabaret le temps d’y aller boire ou le déposent sans ménagements dans la fosse, l’on en trouvera encore des échos dans la première moitié du xixe siècle. La différence d’avec l’Ancien Régime et le début de la Révolution est que le prêtre n’est plus là pour accomplir les derniers rites et les solenniser et que le représentant éventuel de l’administration se borne à une surveillance peut-être assez théorique de l’ensevelissement.
25Du décalage considérable entre la réalité quotidienne des cimetières et les aspirations à en faire un espace public qui soit la traduction visuelle de « la révolution philosophique qui vient de s’accomplir », comme l’écrit Maignet en l’an II naissent sous la Convention thermidorienne et surtout le Directoire des projets écrits et dessinés pour reconstruire un ordre funéraire nouveau. Le souci de réinventer un rituel des funérailles et celui de réorganiser les cimetières soulève un débat d’idées qui s’exprime à la fois, on vient de le voir, dans les instances publiques et à travers des publications d’auteurs parfois anonymes. Quelques principes du cimetière futur s’imposent de façon théorique pendant la Révolution.
26Le cimetière est investi d’un sens nouveau : il devrait être porteur d’une pédagogie spécifique dans la formation de l’homme et du citoyen, dans l’apprentissage et le respect des vertus domestiques et publiques : il devrait donc en théorie être public, afin qu’un culte familial et civique des morts puisse s’y instaurer et aussi que le grand exemple des morts illustres ou anonymes serve à l’édification morale des vivants. L’arrêté sur les sépultures pris par Maignet pour les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse le 9 germinal an II (29 mars 1794) prévoit que « l’entrée en sera toujours ouverte aux citoyens qui désirent s’y introduire » et qu’« il (sera) permis à tout citoyen de décorer la tombe de son ami comme il le jugera à propos, pourvu qu’il le fasse d’une manière simple et qui n’offense point l’égalité qui doit régner dans ce dernier asile ». Cette visite individuelle des tombeaux est également proposée le 15 Thermidor an 4 (2 août 1796) au Lycée des Arts par l’ex-abbé Mulot, qui va devenir à bien des égards un spécialiste du sujet, puisque sa troisième publication sur les sépultures sera ensuite couronnée par l’Institut en l’an VIII :
Nous avons vu de nos jours un jeune enfant aller tous les matins s’asseoir dans le lieu commun des sépultures, sur le monticule que formoit le tombeau de sa mère, pour se consoler de son absence par l’idée simple qu’elle y dormoit. C’est cette faculté de pouvoir aller ainsi sur le tombeau de ce qui nous fut cher, nous consoler de son sommeil éternel, que je demande27.
27P. Bontoux déclare devant les Cinq-cents :
Peuple français écoute enfin la voix de la nature. Pères et mères qui voulez que vos enfants vous respectent, […] honorez les auteurs de vos jours ; […] ne rougissez pas de les suivre jusqu’ à leur dernier asyle, d’arroser de larmes la terre qui les doit couvrir, de visiter même souvent ce lieu devenu sacré pour vous. Cet exemple de piété, vous le devez à vos enfants ; ils vous traiteront comme vous avez traité vos pères.
28Pierre-Louis Roederer va plus loin encore : il veut « faire de la sépulture des morts une école pour les vivants », il entend « unir les peines et les récompenses funéraires » – il veut vouer « au crime un autre enfer dans des cavernes sépulcrales où ses odieuses images seraient exposés à l’horreur d’une irréconciliable postérité » cependant que « les âmes vertueuses » seraient « dans un autre Élysée […] dans un bois sacré », livrées à « la douceur des souvenirs reconnaissants, respectueux et tendres »28.
29Le programme du grand concours d’architecture pour le prix de Rome de l’an VII (1799) est un « Élysée ou cimetière public » et il y est précisé que ce cimetière ne doit avoir rien de repoussant, mais « inspirer le respect et le recueillement » et être un lieu « où l’on puisse se promener »29. Le projet de Cambry et Molinos est également destiné à la visite.
30Le 13 brumaire an VII (3 novembre 1798), lors de l’enterrement à Paris de l’architecte Charles de Wailly, ses confrères de l’Institut décidèrent d’assister à son convoi et le suivirent à travers les rues. Ils purent « juger de la sensation que ce concours a faite sur le public ». Dès lors, l’Institut décida le 5 frimaire an VII (25 novembre 1798) de « rendre les derniers devoirs » à ses membres décédés en assistant à leur convoi, chaque membre portant « un crèpe noir au bras gauche30 ». C’est la première initiative, encore prudente, de reprise d’un accompagnement du mort par ses pairs. Mais l’Institut est, à cette date, un des rares corps constitués.
31En fait, plusieurs auteurs misent à la fois sur les liens de l’amour familial et ceux de l’amitié pour rétablir un rituel d’obsèques, voire faire naître un culte familial des morts, fondé sur l’affectivité, la gratitude et l’émulation. Mulot s’était dès l’an IV risqué à proposer la création de tombeaux dans des propriétés privées, soulevant l’indignation de Louis-Sébastien Mercier qui refusait ces « cimetières domestiques », au contraire d’Arsenne Thiébaut (qui signera après la Révolution Thiébaut de Berneaud) qui l’approuve au titre de l’affection filiale31. Daubermesnil qui avait prévu cette possibilité dans son projet de résolution, la justifiait ainsi
Vous reconnaitrez surtout le droit de tout citoyen de donner à l’objet de son affection, qui n’est plus que celui de sa douleur, le témoignage de sa tendresse, de rapprocher de soi le monument de son souvenir. Vous laisserez la femme éplorée conduire l’époux chéri qu’elle a perdu dans le vallon solitaire qu’elle a choisi pour être le témoin de sa sensibilité. Il sera permis au fils pieux d’élever au fond de son jardin le tertre couvert de gazon et de myrtes sous lequel il aura doucement posé la dépouille de son père.
32L.-M. Révellière-Lépeaux rejette l’idée « d’abandonner aux familles le soin d’ensevelir le corps de leurs proches ou de leurs amis » bien que « rien ne flatte plus le cœur que cette pensée », à cause de l’inégalité des fortunes ; il l’admet cependant « dans certaines campagnes, en des lieux isolés où les morts sont ensevelis chacun à part, et où l’on puisse aller quelquefois verser des larmes sur leurs tombes et y répandre des fleurs ». Allusion aux « aires familiales » des petits villages (chapitre 1) sur lesquelles l’auteur imagine le rite repris de l’Antiquité du dépôt des fleurs, qui n’est encore pratiqué à cette date que dans des cérémonies commémoratives publiques. Son ami Jean-Baptiste Leclerc propose le 17 brumaire an VI (7 novembre 1797) devant le conseil des Cinq-cents, une organisation publique des rites de passage sous forme de cérémonies civiles : les « parents et des amis » constituent le cortège des funérailles32. A. Thiébaut l’approuve en termes significatifs : « La piété filiale, la douce reconnaissance, la tendre amitié, le sentiment, la morale, la gloire de la République nous prescrivent cette obligation ». Ce que Quatremère de Quincy traduira ainsi en 1800 :
Que le bonheur domestique, que l’amour filial et paternel, que l’union conjugale, que l’amitié, ce présent du ciel, que la reconnaissance, que toutes les vertus privées enfin puissent de nouveau, en devenant l’objet de monuments particuliers, devenir la leçon des générations futures33.
Le concours de l’Institut en l’an VIII (1800)
33Un concours est organisé par l’Institut en l’an VIII à l’initiative de Lucien Bonaparte sur le thème : « Quelles sont les cérémonies à faire pour les funérailles et le règlement à adopter pour le lieu de sépultures ? » Pascal Hintermeyer en a étudié toutes les réponses conservées (40 mémoires) et Richard Etlin a pris en compte tous les projets figuratifs retrouvés, ce qui revient à mettre sur le même rang les textes qui sont restés manuscrits et n’ont pas été retenus par le jury et ceux qui ont été primés et publiés ou éventuellement n’ont pas été primés mais ont été publiés par leurs auteurs. Tous deux n’utilisent guère le rapport de synthèse des membres de l’Institut chargés de distribuer les prix, document quasi officiel34. Il convient de s’en tenir pour notre propos aux seuls écrits et dessins qui accédèrent à l’impression et furent donc susceptibles d’influencer la réflexion des collaborateurs du préfet Frochot et des membres de la commission de l’Intérieur du Conseil d’État sur ce que devait être le cimetière, ce qui revient à éliminer d’emblée les projets les moins réalistes ou ceux qui présentent des solutions idéales ou optimales impliquant la résolution onéreuse de lourds obstacles techniques, qui restèrent, sauf exception, manuscrits. C’est le cas du mémoire de Gouan, professeur de mathématiques à l’école centrale de Carpentras, dans lequel l’auteur propose des « sépulcres célestes », soit des ballons géants au-dessus des nuages où seraient accumulés les cadavres pour les conserver dans l’attente que les progrès de la science permettent de les « ressusciter », selon son expression. Ce projet dont il pense lui-même qu’il « paraîtra sans doute extraordinaire », laissant à d’autres le soin d’en résoudre les difficultés pratiques, n’est connu que depuis sa publication par P. Hintermeyer.
34Dès lors, sur une des questions les plus débattues, celle de la possibilité d’autoriser des sépultures particulières, 21 mémoires sur 40 se montrent favorables à son adoption, mais 7 des 9 mémoires publiés, dont les deux couronnés, ceux de François-Valentin Mulot (1749-1804) et de Claude-Alexandre Amaury-Duval (1760-1838)35.
35Les auteurs qui publiaient à leurs frais un projet avaient une réputation à soutenir à cause de leur statut social et ils pouvaient craindre le ridicule. Ainsi le projet de Pierre Giraud (1744-1814), qui eut deux éditions. L’auteur précise qu’il est « architecte du palais de justice, des prisons et maisons d’arrêt du département de la Seine ». Son titre le résume : Les tombeaux ou essai sur les sépultures, ouvrages dans lequel l’Auteur rappelle les coutumes des Anciens Peuples ; cite sommairement celles observées par les Modernes ; en propose de nouvelles ; donne les procédés pour dissoudre les chairs ; calciner les ossemens humains, les convertir en une substance indestructible et en composer le médaillon de chaque individu. Seconde édition, revue, augmentée et accompagnée des plan, coupe et élévation d ’un monument sépulcral à construire pour le département de la Seine. On n’en a retenu jusqu’ici que la proposition de tirer de la combustion d’un cadavre un résidu transformé en une sorte de verre dans lequel serait moulé un médaillon aux traits du mort. Lire intégralement son argumentaire conduit à découvrir qu’il n’est pas le seul à avancer l’idée. Il se réfère à un débat technique entre chimistes sur la faisabilité de l’opération. Il considère qu’il s’agirait de la meilleure solution pour les proches et la postérité du défunt, voire pour l’humanité dans le cas de grands hommes36. Mais il n’en élude pas les difficultés pratiques et il propose aussi un projet alternatif fondé sur l’inhumation et la réorganisation des cimetières.
36La solution de continuité du rite funèbre est assimilée à un retour à la barbarie dans nombre de mémoires comme dans plusieurs des discours et des brochures publiés les années précédentes. Significative est cette partie du titre de Giraud où il annonce le rappel des coutumes anciennes et fait un état rapide de la diversité de celles des peuples modernes car on retrouve dans d’autres mémoires et dans les textes publiés sous le Directoire ce discours préalable qui relativise l’héritage et autorise à l’invention de rites nouveaux, adaptés à l’affectivité des classes instruites du temps. Un certain nombre de principes émergent des projets, parfois de façon implicite. Ainsi, l’idée d’un cimetière-jardin ouvert au public est étroitement liée au souci récurrent de réaliser un lieu de mémoire pour les « parents et amis » (on verra que cette expression sera reprise dans le décret de prairial) et plus largement pour la société, à des fins d’exemplarité familiale et sociale. Le Rapport de l’Institut souligne « l’intérêt de chacun à s’assurer une place distinguée dans les souvenirs et dans les hommages de la postérité […], le doux espoir de se survivre à soi-même par ses vertus et par ses bienfaits ». Les prescriptions des auteurs insistent sur la fonction d’édification de la postérité que doit avoir le cimetière et sur la sacralité laïque dont il doit être revêtu. L’un d’eux écrit : « le cimetière deviendrait une école où l’on irait s’instruire et nourrir sa sensibilité ».
37Une première série de projets se situe dans la continuité directe de ceux de l’Ancien Régime finissant en reprenant l’organisation générale que suggérait l’arrêt du parlement de Paris de 1765. Certains de leurs auteurs et le rapport de synthèse en reprennent le principe, « dans les grandes communes », de l’entrepôt urbain où l’on regrouperait les corps, qui seraient ensuite transportés par char au cimetière. Ces auteurs persistent à proposer un enclos cerné de galeries, ponctué en son centre par un monument sépulcral pour liturgies collectives ou inhumations particulières – c’est le cas par exemple de ceux des lauréats du concours d’architecture. L’essentiel de la surface de l’enclos est occupé par des fosses communes, et il arrive qu’un tracé de viabilisation le découpe en carrés ; des sépultures particulières avec tombeaux sont établies à l’abri des galeries. Le Rapport de l’Institut ne retient pas ces constructions onéreuses mais il prescrit :
Les quatre divisions du terrain seront séparées par des allées plantées d’arbres et d’arbustes. Une allée, régnant tout autour du mur, et plantée d’arbres à hautes tiges, en sera assez éloignée pour donner place aux sépultures particulières que permettra le gouvernement.
38C’est là le plan-type du cimetière du xixe siècle, avec ses deux grandes allées de desserte et des rangées de concessions ordinairement placées entre l’intérieur des murs et l’allée de ceinture.
39Un modèle presque opposé est constitué par le cimetière inspiré du jardin anglais. D’autant que les cimetières plantés de l’Angleterre rurale sont décrits dans des œuvres au rayonnement européen telles que les Nuits d’E. Young ou l’Élégie dans un cimetière campagnard de Th. Gray, traduites en français par Le Tourneur, qui ont fondé un genre littéraire, la poésie de la nuit et des tombeaux37. De plus, il faisait référence à l’ancien tombeau de Jean-Jacques Rousseau dans le parc d’Ermenonville, et plus largement aux cénotaphes qui ornaient les jardins anglais du temps. Les mémoires couronnés de Fr.-V. Mulot et d’Amaury Duval ainsi que la plupart de ceux qui avaient été imprimés préconisaient un cimetière planté « de différentes espèces ». Certains allaient jusqu’à indiquer celles qui conviendraient le mieux à la destination du lieu. Ainsi Joseph Girard :
On y ménagera des sentiers où la mélancolie ira promener ses rêveries. Ils seront ombragés par des cyprès, des peupliers, au feuillage tremblant, par des saules pleureurs dont la traînante chevelure nous peint l’abandon et le désordre de la douleur [… ]38.
40Ce « rêve arcadien » (R. A. Etlin) d’un cimetière où l’on retourne à la nature inspirera les débuts du Père-Lachaise et persiste encore aujourd’hui dans certains cimetières paysagers39.
41Les « sépultures particulières », soit la concession de petites parcelles de terrain permettant de soustraire certains corps à l’anonymat et la précarité de la fosse commune en tranchées, faisaient débat depuis la Convention thermidorienne, car elles pouvaient sembler contrevenir à l’aspiration à l’égalité. Elles n’étaient pas toujours distinguées de la revendication d’une fosse particulière où serait enterré un seul corps, substituée à la fosse commune où les corps étaient superposés. Mulot avait dès l’an IV lancé une remarque qui sera reprise et développée dans les années suivantes : dans les fosses, « on fait quelquefois peser sur le corps de l’homme vertueux celui d’un scélérat40 ». En fait, nous verrons que l’administration centrale du département de la Seine en avait admis le principe à la fin de 1799. Le projet de Cambry et Molinos en avait d’ailleurs tenu compte. Les rapporteurs du concours de l’Institut avaient inclus, parmi les « devoirs et droits des familles [d’un mort] », ceux de « faire son éloge de vive voix, au lieu d’entrepôt et dans une épitaphe ; [d’] acheter dans le cimetière un terrain pour une sépulture individuelle ou de famille » et leur projet de règlement prescrivait de telles sépultures. Amaury Duval, un des deux lauréats du concours, met en scène dans son Mémoire une femme désespérée à l’idée que son mari a été jeté à la fosse commune mais qui a pu faire enterrer son fils en un lieu connu d’elle, sans doute dans sa propriété ; elle déclare : « Ah du moins celui-ci, je le possède encore. » Le lien entre la conduite de deuil et le tombeau, qui sera la clef de la visite assidue au cimetière du siècle suivant, est clairement affirmé par un autre des auteurs : « Il faut que tout individu puisse rendre aux mânes de ses proches les témoignages expressifs de sa douleur et de ses regrets. »
42Frochot et ses collaborateurs ainsi que les auteurs du décret de prairial disposaient de la source d’inspiration potentielle constituée par les publications qu’avait fait naître au cours de la décennie précédente l’état des cimetières. Chaptal fait d’ailleurs explicitement allusion à certaines d’entre elles dans les documents préparatoires au décret. Il cite les rapports de Pastoret en l’an IV et de Cambry en l’an VII, il mentionne les deux mémoires couronnés de François-Valentin Mulot et Amaury Duval – à noter que ce dernier est alors chef de bureau au ministère de l’Intérieur. Sans doute peut-on ajouter le rapport de synthèse rédigé par les commissaires chargés par l’Institut de distribuer les prix et éventuellement ceux de ces mémoires qui furent publiés par leurs auteurs.
43On avait admis jusqu’ici que le concours de l’Institut avait été sans conséquences immédiates. En fait un projet d’arrêté consulaire « sur les funérailles et sépultures », daté de floréal an IX (avril-mai 1801) a été retrouvé par Isabelle Meidinger dans les archives du ministère de l’Intérieur. Raturé et annoté en marge, il n’a sans doute pas franchi les portes de ses bureaux et est resté sans suite. Il semble nettement inspiré du rapport de synthèse du concours et pourrait avoir été rédigé par Amaury Duval, dont on vient de souligner les fonctions au ministère41.
L’arrêté du préfet de la Seine Frochot et le cimetière de l’Est
44Dans son arrêté pris le 21 ventôse an IX (12 mars 1801) pour Paris, le préfet de la Seine Nicolas Frochot42 posait des principes qui avaient été en fait débattus et développés dans les projets de la fin du siècle précédent : ceux de l’ouverture au public, des concessions, de leur emplacement.
45Trois « enclos de sépulture publique » étaient prévus par l’article 1, à l’Est, au Nord et au Sud de Paris, chacun devant être affecté aux enterrements de quatre arrondissements urbains. L’article 2 précisait que « ces enclos auront, chacun, au moins quinze hectares d’étendue, et seront distants d’un mille des murs d’enceinte de la ville de Paris »43.
46L’accompagnement du mort en cortège par sa famille était prévu entre la maison mortuaire et six « temples funéraires » qui devaient être érigés à travers Paris, « pour servir de dépôt avant le transport aux enclos de sépulture ». Ce transport par étape est un héritage des projets de la fin du siècle précédent. Il correspond aussi à la volonté de combattre le risque d’inhumation prématurée en permettant à des officiers des santé ou des médecins de constater la réalité de la mort. Ces établissements étaient en particulier prévus dans le projet de Cambry, destiné à Paris, qui semble avoir été attentivement étudié par Frochot et ses collaborateurs. Il correspond surtout à un point de la liste de « règlemens à faire par le gouvernement » qui conclut le Rapport des membres de l’Institut sur leur concours : « Établir des lieux d’entrepôt dans les grandes communes et des cimetières communs partout ; en régler l’emploi, soit pour les fosses communes, soit pour les fosses particulières ». Frochot prévoit de plus qu’« au centre de chaque enclos de sépulture, il sera élevé un luctuaire ou salle de deuil destiné à recevoir le convoi, et consacré aux cérémonies funèbres qui pourront précéder l’instant de l’inhumation. » Le corps serait d’abord transporté dans un dépôt d’arrondissement dans l’attente du délai légal d’inhumation puis un second transport le conduirait au lieu de sépulture où la séquence cérémonielle du rite de passage devait avoir lieu au luctuaire, ce qui impliquait qu’à cette occasion les « parents ou héritiers » (t. II, art. 17) pénètrent dans l’« enclos de sépulture » ou « cimetière »44. C’est ce que les cortèges commençaient à faire dans les cimetières existants, ce qui suscitait d’ailleurs quelques descriptions effarées des fosses communes de ces enclos.
47Frochot indique dans les « dispositions provisoires » qui forment le titre II de son arrêté que ces « temples funéraires » n’ont pas encore été établis, non plus que les « dépositoires » qui devraient y suppléer provisoirement – ils ne le seront jamais. Dès lors, « les transports funèbres seront faits directement du domicile du décédé au cimetière de l’arrondissement ».
48Le cimetière parisien de l’Est qui sera dit du Père-Lachaise est le seul que le préfet réalisera. Le cimetière du Sud ou du Montparnasse sera mis en service en 1824, celui du Nord ou de Montmartre en 1825. La loi du 17 floréal an XI (7 mai 1803) autorise la commune de Paris à acheter les terrains nécessaires. Frochot procède le 29 ventôse an XII (10 janvier 1804) à l’achat de la propriété rurale de Mont-Louis, ancienne résidence des jésuites, qui allait être convertie en cimetière. L’ouverture de ce dernier fut fixée au 1er prairial an XII (21 mai 1804). La première inhumation y aurait eu lieu dès ce jour, ou bien le 15 prairial an XII (4 juin 1804), si l’on en croit le registre d’inhumation.
49D’emblée, le cimetière de l’Est se caractérise par un certain gigantisme. Le domaine de Mont-Louis a une superficie de 17 hectares 58 ares. Il se serait agi de la seule propriété d’un seul tenant entièrement enclose de murs dans cette partie du pourtour parisien45. Vient ensuite alors le cimetière de la barrière de Vaugirard, avec 3 hectares46. Au terme de plusieurs agrandissements, le Père-Lachaise atteindra un peu plus de 43 hectares à partir de 1850.
50Le terrain du futur cimetière présentait une topographie assez accidentée qui rendait une partie de sa surface impropre à l’établissement de fosses. Alexandre-Théodore Brongniart fut chargé de concevoir sa viabilisation et son aménagement internes. Il conserva les frondaisons, les allées arborées et les bosquets du parc de l’ancien domaine et planta systématiquement d’arbres les allées qu’il avait dû créer pour desservir le nouveau cimetière et son allée de ceinture47. Les planches dessinées par Molinos pour le projet de Cambry prévoyaient déjà un vaste parc à l’anglaise semé de tombeaux – leur rendu de la végétation est d’ailleurs très proche de celui des trois projets successifs d’aménagement paysagers dessinés par Brongniart. Le dernier fut exécuté, à l’exception des galeries qui auraient dû recevoir les concessions et du luctuaire, qui aurait eu la forme d’une grande pyramide à crypte. Il fut commencée sur la terrasse dominant l’entrée puis abandonné, car avec le rétablissement des cultes et aussi l’apparition de la pratique de l’éloge du défunt devant la tombe, il était devenue sans objet48.
51L’espace des inhumations y est distingué de façon de plus en plus précise des espaces de circulation. Les principales allées délimitent des « divisions » (couramment appelées ensuite « carrés » ailleurs qu’à Paris). Dans les plus anciennes divisions du Père-Lachaise, l’espace interne de circulation est en fait interstitiel, les tombeaux n’étant pas jointifs. Cet usage dispendieux et esthétisant du sol correspondait à la vision d’un jardin parsemé de tombeaux. Il sera ensuite réduit par la formation de « rangs » de tombeaux contigus, alignés le long d’un réseau de dessertes internes.
52L’article 11 de l’arrêté de Frochot prévoyait d’abord qu’« il sera permis de consacrer des souvenirs dans les enclos de sépulture publique par des inscriptions, des cénotaphes et autres monuments funèbres » et ce moyennant une indemnité versée à la commune. Outre ces mémoriaux, Frochot rappelait dans son article 13 « les dispositions de l’arrêté de l’administration centrale du département de la Seine en date du 28 frimaire an VII (17 décembre 1799), concernant les sépultures particulières ». De fait, cette question avait déjà été tranchée de façon positive dans le cas de Paris et des villages alentours : les administrateurs départementaux avaient estimé que « les sépultures particulières sont de droit naturel, qu’elles sont en usage depuis une longue suite de siècles et qu’elles ne peuvent cesser de l’être chez un peuple sensible et régénéré par la liberté ». Autoriser des concessions dans les cimetières publics revenait à empêcher une discrimination sociale qui les aurait voués aux seules fosses communes, les catégories aisées se faisant enterrer dans leur propriété. Frochot prit le 15 ventôse an XIII (6 mars 1805) un arrêté distinguant quatre types de sépultures au Père-Lachaise : des fosses communes gratuites pour les pauvres ; puis des concessions temporaires individuelles où pourrait être établi un monument aisément amovible, qui devinrent en 1827 des concessions de six ans renouvelables ; enfin deux classes de concessions à perpétuité. Le mur entourant le cimetière devait être doublé d’une galerie, comme dans les campi santi italiens, qui serait concédée à des familles s’engageant à construire une portion du péristyle – ce projet ne fut pas réalisé. Frochot et Quatremère de Quincy pensaient y abriter également les tombeaux des grands hommes et en faire un lieu d’inhumations privilégiées. L’autre classe de concessions serait établie à travers l’enclos. Il en coûterait aux acheteurs 100 f. du mètre carré (125 f en 1827) et « la propriété leur (en) sera (it) assurée quoi qu’il puisse advenir d’une façon perpétuelle » – l’arrêté de Frochot semble le premier à introduire dans le droit français post-révolutionnaire la notion de perpétuité de la concession funéraire, transposée du statut canonique du caveau d’église. Le Père-Lachaise avait l’exclusivité de telles concessions. Chabrol, successeur de Frochot, reconduisit cet avantage en 1813 et il resta en effet jusqu’à l’ouverture du cimetière Montmartre en 1824. L’arrêté préfectoral du 8 décembre 1829 prévoira même des concessions conditionnelles, permettant d’acheter une concession perpétuelle en ne versant que le quart de la somme à condition d’acquitter le surplus en un seul paiement en dix ans49. Ces tarifs précocement élaborés offraient d’emblée à l’élite la possibilité d’élever des tombeaux aussi vastes que les fabriques de ses parcs. Il y était même possible d’acquérir suffisamment d’espace pour créer un enclos funéraire privé. On soulignera surtout les facilités accordées à une population de moyenne bourgeoisie pour protéger les restes de ses morts.
53Le cimetière fut d’emblée ouvert au public et devint un lieu de promenade et de méditation50. À bien des égards, il peut faire figure d’utopie architecturale qui aurait été pour l’essentiel réalisée. Ce pourrait être une des explications de son rapide et considérable succès.
Le décret du 23 prairial an XII
54Le décret du 23 prairial an XII (12 juin 1804)51 peut sembler constituer l’aboutissement d’une génération de débats et de recherches. Il paraît sous-tendu par deux séries de sources : la première est la littérature médicale aériste sur l’hygiène des sépultures, peu contestée alors, qui induit des précautions de localisation et d’exposition. Jean-Antoine Chaptal (1756-1832), ministre de l’Intérieur, y est d’autant plus attentif qu’il est médecin et de surcroît docteur de la faculté de Montpellier. La seconde est constituée des projets funéraires de la fin du siècle précédent et du concours de l’an VIII – on sait que Chaptal en cite certains dans les documents préparatoires du décret. À comparer le rapport de l’Institut et le rapport préparatoire du décret, on peut en fait se demander si le rapport de l’Institut n’aurait pas servi de point de départ aux travaux du Conseil d’État.
55L’incendie des archives du Conseil d’État, pendant la Commune, a fait disparaître les procès verbaux des discussions de la section de l’Intérieur52. II n’est donc pas possible de déterminer quel rôle joua dans l’élaboration finale le président de la section, Roederer, qui avait publié en l’an IV un rapport intitulé Des institutions funéraires convenables à une république qui permet tous les cultes et n’en adopte aucun53. On recourait cependant alors à l’impression pour reproduire en copies multiples les documents de travail distribués aux conseillers d’État. Le texte initial du projet, rédigé par Chaptal54, nous est ainsi parvenu, de même que la version qu’en proposa, après discussion, la section de l’Intérieur. L’exposé des motifs que Chaptal prononça sans doute en lui présentant ce texte ne paraît pas avoir été imprimé mais le rapport du conseiller Louis-Philippe de Ségur (1753-1830)55, nous laisse l’entrevoir et nous fournit quelques indications sur les positions adoptées par les membres de la section56. Enfin, Chaptal eut le temps de rédiger, avant son départ du ministère, la circulaire du 8 messidor an XII (24 juin 1804)57, qui constitue son commentaire du décret. Ces quelques documents préservés permettent de reconstituer les débats auxquels donna lieu ce premier essai détaillé de législation funéraire en France.
56Si l’on en juge par le rapport de Ségur, c’est, semble-t-il, dans les premiers mois de 1803 que « le ministre de l’Intérieur a présent (é) au gouvernement un projet de règlement sur les sépultures et les consuls ont renvoyé ce projet à la section de l’Intérieur ». L’impression de ce texte et de sa version assez fortement modifiée par la section de l’Intérieur est datée du 29 prairial an XI (18 mai 1803) et le rapport de Ségur du 1er messidor an XI (20 juin 1803). Un an se serait donc écoulé entre ces premières opérations et la signature du décret par le Premier consul Bonaparte, qui était devenu, entre temps, l’empereur Napoléon. Certes, au cours de ces douze mois, ce dernier et le Conseil d’État eurent des préoccupations sans doute plus pressantes. On notera surtout que, pour reprendre les termes de Ségur, « la section de l’Intérieur en approuvant le but, l’ensemble et les principales parties du règlement proposé par le ministre a cependant trouvé beaucoup d’articles qui lui ont paru susceptibles d’être modifiés, supprimés ou changés » et que de surcroît, le décret différera, en nombre d’endroits, de la rédaction première de Chaptal et des amendements avancés par la section de l’Intérieur. Sa mise au point fut donc complexe.
57Chaptal avait ambitionné de « régularise (r) et solidement établi (r) » le droit funéraire par un projet englobant l’ensemble des problèmes de la mort, depuis son constat jusqu’à la gestion des restes en passant par les obsèques. Il est intéressant d’observer qu’il paraît avoir présenté cette grande réorganisation consulaire dans la continuité du combat médical et législatif des dernières décennies de l’Ancien Régime contre les dangers que les morts faisaient courir aux vivants. Le décret de prairial se situe dans la postérité directe du « fameux arrêt de 1765, éternel monument de la sagesse éclairée de cette cour [le Parlement de Paris], qui servit de base à la loi générale rendue par le Gouvernement le 10 mars 1776 » [Ségur, p. 1]. Le projet de Chaptal prévoyait d’ailleurs le rappel explicite de ces actes d’Ancien Régime, devant lequel la section de l’Intérieur hésitait. Seule la déclaration royale de 1776 est très incidemment citée dans la rédaction définitive [Décret II-7]58.
58Chaptal était étudiant à la faculté de médecine de Montpellier lorsque fut publiée la déclaration royale du 10 mars 1776 ; il avait pu suivre la lutte des médecins de la faculté contre la nocivité de la présence des morts parmi les vivants ; il n’en ignorait pas du reste les limites : « Les cimetières restèrent dans l’enceinte de la plupart des communes, ceux qu’on transféra ne furent point disposés avec la décence et la prévoyance qu’exigeait leur destination » [Ségur, p. 1]. Les « secousses de la Révolution » avaient de surcroît bouleversé l’ensemble de l’économie mortuaire au détriment de l’hygiène (« on ne songea plus à préserver les vivans de la contagion des morts ») et de la morale (« le crime et l’innocence furent jetés dans un même lieu, confondus dans le même oubli, et l’on vit souvent des hommes féroces jouer avec des ossemens » [Ségur, p. 1-21). Cette situation perdura « après le 9 thermidor » en dépit des « efforts impuissants » de « plusieurs écrivains tels que Mulot, Cambry, Duval » et ceux de Pastoret – auxquels Chaptal ne reconnaît que le mérite d’avoir « réveillé l’attention des autorités et les sentimens des hommes qui avaient pu en conserver » : Chaptal paraît peu s’attarder sur cette initiative de son prédécesseur qu’il replace simplement dans l’action réparatrice du Consulat. Celui-ci ayant « reposé la société sur ses véritables fondemens […] la paix a reparu dans les tombeaux, la décence s’est remontrée dans les enterremens » ; cependant « ce changement n’est ni général ni complet » [Ségur, p. 2].
Le Titre abandonné du projet : « Déclaration des décès et précaution pour en assurer la réalité »
59Par-delà le hiatus révolutionnaire, Chaptal situe ainsi son projet dans la continuité de la « croisade contre les forces de la mort » (M. Vovelle) du siècle des Lumières. Le reflux de la mort aurait dû venir selon lui d’offensives conjointes conduites par le pouvoir civil assisté de l’autorité médicale, d’abord contre l’enterrement précipité et aussi contre l’insalubrité des cimetières. Chaptal aurait voulu en ajouter une troisième, beaucoup plus originale, qui consistait à faire subventionner la lutte pour la préservation de la vie par les morts eux-mêmes en consacrant les profits des « services » et du « commerce » funéraire au soulagement des pauvres et des pensionnaires des hôpitaux. Mais le ministre de l’Intérieur n’obtiendra pas gain de cause sur ce dernier point, ni d’ailleurs sur le premier.
60Un des aspects les plus novateurs du projet de Chaptal sera en effet écarté de la rédaction finale. On sait que la crainte de la mort apparente était « une hantise » (A. Carol) de certains médecins du xviiie siècle59 que Chaptal partageait peut-être à la suite d’une anecdote de jeunesse racontée dans ses Mémoires : le futur ministre aurait été détourné de l’anatomie, lors de ses études à Montpellier, pour avoir amorcé la dissection d’un homme en coma profond60. En outre, à Paris, Frochot avait organisé dès le 21 vendémiaire an IX (13 octobre 1800) un service de vérification médicale des décès chargé d’éviter les inhumations prématurées, qui comptait vingt-quatre médecins au début du siècle61. Chaptal proposait donc de médicaliser le constat de la mort : l’article 4 prévoyait que
dans tous les lieux où ces précautions pourront être mises en usage, des officiers de santé seront commis par les autorités locales pour, conjointement avec les officiers de l’état-civil, faire la visite des personnes décédées et constater la réalité et le genre de la mort. Les corps ne pourront être ensevelis qu’après leur visite ; et ils ne seront inhumés que vingt-quatre heures après la mort, excepté dans les cas où les préposés à leur visite ou les médecins et chirurgiens qui auront suivi les malades, en décideraient autrement.
61La section de l’Intérieur avait repris cet article et en avait même ajouté un autre prévoyant qu’en cas de symptômes d’une maladie pouvant être épidémique ou en cas d’incertitude des causes de la mort,
les médecins et chirurgiens feront ou feront faire en leur présence l’ouverture des cadavres, à l’effet d’acquérir les notions capables de déterminer dans des cas semblables l’appréciation du traitement le plus convenable et ils dresseront procès verbal de ce qu’ils auront remarqué d’intéressant.
62En fait, à cette date, le Code civil vient d’être promulgué (18 mars 1803) et ses articles 77 à 87 règlent le problème des actes de décès62. Il ne prévoit à l’article 81 l’intervention d’un « docteur en médecine ou en chirurgie » qu’en cas de « signe ou indices de mort violente ». Les articles initialement prévus seront donc abandonnés dans la rédaction définitive du décret et ce premier titre du projet sera supprimé.
63Ajoutons que Chaptal avait prévu pour le corps médical un autre rôle, celui d’expert de la désaffectation des cimetières. Des médecins et chirurgiens, commis par les sous-préfets, examineraient avec les officiers de police la possibilité d’en exhumer les ossements, ce qui était un préalable à la mise du terrain sur le marché immobilier. Là non plus, le ministre ne fut pas suivi, la section de l’Intérieur n’ayant pas jugé pertinent, comme l’on va voir, de lier la suppression d’un cimetière à une telle expertise. Le décret de prairial ne reconnaîtra aucun rôle officiel à la médecine.
« Des sépultures et des lieux qui leur sont consacrés » (Titre I)
64Chaptal n’était pas parvenu à faire de l’administration des morts une annexe de la santé publique. Du moins allait-il poser durablement la question des cimetières en termes d’hygiène. Que les morts ne menacent plus la vie et que les lieux de sépulture cessent d’être mortifères, que « l’air putride », parce que confiné, qui en émane ne contamine pas les vivants mais que « la circulation de l’air », sans entrave, désinfecte au contraire les cimetières : la sépulture est d’abord pour Chaptal un problème de salubrité publique et presque de chimie organique – encore que son projet soit muet sur le choix des sols « aptes à la consumation des corps », sujet assez débattu alors. En revanche la rédaction finale du décret retiendra son souci d’établir si possible le cimetière dans des terrains élevés et exposés au nord, donc particulièrement ventés.
65La réorganisation consulaire allait permettre de renforcer et surtout de faire entrer définitivement en application de grands principes d’hygiène aériste. Chaptal semble bien avoir, en effet, déclaré dans son exposé des motifs que
les prétentions du clergé, les préjugés des classes privilégiées opposèrent un obstacle constant à l’exécution de leurs arrêts ; ainsi on sacrifia la salubrité à la vanité et l’intérêt des vivans à l’orgueil des morts. Il en résulta cependant de si grands inconvénients et de si funestes épidémies […].
66Il reprendra la même phrase dans la circulaire du 8 messidor, en incriminant plus discrètement « les préjugés et les prétentions de différens corps ». Son projet pousse donc à son point extrême l’interdiction d’inhumer dans les édifices du culte en précisant que
nulle personne de quelque qualité, état et dignité qu’elle puisse être, et sous quelque prétexte que ce soit, ne pourra être désormais inhumée dans les églises, temples, synagogues, hôpitaux, chapelles publiques et particulières, oratoires, et généralement dans aucun des édifices où les citoyens se réunissent pour la célébration du culte qu’ils professent [Ch. II-5].
67La rédaction définitive est moins catégorique : « aucune inhumation n’[y] aura lieu » [Décret I-11]. On est surpris que le Premier consul ait laissé passer dans la loi cette défense absolue, alors qu’il avait ordonné en mai 1803 l’inhumation du corps de Desaix dans une église et qu’il destinera ensuite par le décret du 20 février 1806 l’église de Saint-Denis « à la sépulture des empereurs » et celle de Sainte-Geneviève à la sépulture des grands dignitaires du régime et des citoyens qui « auront rendu d’éminents services à la patrie63 ». De plus, l’article 73 du décret du 30 décembre 1809 qui organise les fabriques des églises sera ainsi conçu :
Nul cénotaphe, nulles inscriptions, nuls monuments funèbres ou autres de quelque genre que ce soit, ne pourront être placés dans les églises que sur la proposition de l’évêque diocésain et la permission de notre ministre des cultes.
68Et l’article précédent prévoira que le constructeur d’une église, les donateurs et bienfaiteurs pourraient y obtenir « la propriété d’un banc ou d’une chapelle64 ». En fait, au cours du xixe siècle, les archevêques et évêques, des curés constructeurs d’églises, des fondateurs d’ordres, voire diverses notabilités parviendront à obtenir un décret les autorisant à être inhumés dans un lieu de culte catholique. Mais à ces quelques exceptions près, l’exclusion des morts des sanctuaires devenait définitive.
69Chaptal aurait voulu poser en principe, selon le titre III de son projet, la « translation des cimetières existans dans l’enceinte des communes et des hospices ». Il souhaitait rendre obligatoire le transfert « dans les plus courts délais » de ces cimetières, alors que la déclaration de 1776 n’avait prévu un tel transfert que dans le cas où les cimetières seraient « insuffisants ou pourraient nuire à la salubrité de l’air », et encore « autant que les circonstances le permettront ». La section de l’Intérieur l’avait d’abord suivi. La rédaction définitive du décret allait être plus restrictive : elle limitait d’abord cette translation aux « villes et bourgs », ce qui allait soulever le problème de la définition de ces derniers. La déclaration royale de 1776 mentionnait dans son préambule les « enceintes des villes, bourgs et villages ». Il est possible que ce terme d’« enceintes » ait entraîné la suppression dans le décret de prairial des villages, ces derniers n’étant pas en théorie clos de murs. L’ordonnance royale du 6 décembre 1843 étendra potentiellement les dispositions des articles 1 et 2 du décret de prairial à toutes les communes (voir chapitre 5).
70Chaptal voulait que le nouveau cimetière soit situé à « 38 mètres 981 millimètres, soit 20 toises » de l’enceinte, ce que le Conseil d’État traduisit par 35 à 40 mètres [Ch. II-6, C.E. II-7, décret I-2]. Chaptal allait jusqu’à prévoir de l’isoler par une clôture de « 3 mètres 25 centimètres d’élévation dans tout le pourtour (10 pieds) » ; le décret la réduira à « 2 mètres au moins » [Ch. II-7, C.E. II-8, décret I-3].
71L’article 3 prévoit que « les terrains les plus élevés et exposés au nord seront choisis de préférence ». On retrouvait cette exigence aériste une génération plus tôt dans le mandement de Loménie de Brienne qui l’expliquait : « un lieu élevé et du côté du nord des habitations, afin que le vent du sud, plus dangereux lorsqu’il est chargé d’exhalaisons fétides, ne puisse en apporter aucune vers les demeures des habitants »65. La suite de la rédaction du futur article 3 [Ch II-7, CE. II-8, décret I-3] souleva, entre le ministre et la section de l’Intérieur, une forte divergence. Chaptal interdisait dans son projet « aucune espèce de plantation d’arbres qui puissent gêner la circulation de l’air ». Il s’inspirait vraisemblablement de l’article 18 de l’arrêt du 21 mai 1765 qui renferme pareille prescription, peut-être des ordonnances épiscopales qui – dans le Sud-Est du moins –, étaient presque unanimes sur ce point et surtout des avis des médecins du xviiie finissant en particulier ceux de Maret, Navier et Vicq d’Azyr66 . La section de l’Intérieur fut d’un avis résolument contraire :
Quant aux plantations, le Ministre, en les défendant, a suivi d’anciennes lois, dictées par des préjugés dont rien n’explique la raison. Tous les chimistes et les médecins déclarent qu’il faut, pour absorber les miasmes cadavéreux et rendre les cimetières salubres, les entourer d’arbres, et choisir de préférence les arbres verts qui peuvent avoir des feuilles depuis leur sommet jusqu’à leurs racines : ainsi la section insiste pour qu’on ne dépouille pas les tombeaux de cette parure mélancolique, de ce voile religieux et sombre, qui doivent à la fois en diminuer l’horreur et l’insalubrité ; elle désire que le Gouvernement permette et même ordonne de planter les cimetières [Ségur, p. 4].
72La section de l’Intérieur proposait donc la rédaction suivante : « L’on y fera des plantations et des allées en prenant les précautions convenables pour ne point gêner la circulation de l’air ». Elle fut reprise dans le décret à l’exception de la mention des « allées » [C.E. I-3]. Une autre mention fut supprimée : Chaptal avait prévu la construction d’une chapelle et d’un « logement de concierge », ce que la section de l’Intérieur avait modifié en : « il ne pourra être fait d’autres construction que celle du logement d’un gardien, sur l’avis des conseils municipaux ».
73Philippe Ariès a souligné une innovation considérable du décret dont l’initiative revient au ministre : Chaptal mettait fin, du moins en théorie, aux fosses communes « en tranchées » où l’on superposait les corps et il imposait implicitement la fosse individuelle, séparée de ses voisines. La section de l’Intérieur alla encore plus loin en demandant « qu’on décide expressément qu’il n’y aura plus de fosse commune et que chaque mort aura la sienne » [Ségur, p. 4]. Mais l’espacement des fosses semble, dans l’esprit de Chaptal, mesure de salubrité permettant un retour rapide des corps à la nature – pour la même raison, il ordonne de les recouvrir de « 4 à 5 pieds de terre bien foulée ». La fosse individuelle devient ainsi l’unité de base du calcul de la superficie du cimetière : l’étendue de ce dernier devra correspondre au nombre moyen des décès annuels de la commune multiplié par le nombre d’années nécessaires à la « consumation des corps ». Chaptal prévoyait trois ans67, la section de l’Intérieur en proposera cinq et aura gain de cause. Or ce calcul, au plus juste était faussé dès le départ puisqu’il omettait d’ajouter aux cinq tranches annuelles de fosses les dessertes nécessaires à la circulation – ces « allées » qui avaient disparu du texte final. Pourtant le principe posé par l’article 6 allait subsister dans la législation jusqu’à nos jours : il se retrouve dans l’article L. 2223-2 du CGCT68.
74En fait, la disparition des fosses où l’on superposait les corps ne sera guère immédiate dans les villes. Le baron Haussmann souligne dans ses Mémoires qu’à Paris, elle fut rendue officielle par un arrêté préfectoral du 14 septembre 1850 pris à l’initiative de Louis-Napoléon Bonaparte. Il précise que l’on empilait sept strates de cercueils dans les « fosses communes » parisiennes près d’un demi-siècle après la promulgation du décret de prairial et qu’il dut, faute de terrain suffisant dans les cimetières de la capitale, créer en 1853 le cimetière parisien d’Ivry69. Au demeurant, les fosses parisiennes continuèrent d’être faites « en tranchées » où les cercueils étaient disposés « tête à tête » en deux files séparées par 20 cm de terre. Les auteurs qui fournissent ces précisions observent en 1884 : « les articles 4 et 5 du décret de prairial n’ont jamais été appliqués à Paris70 ».
« De l’établissement des nouveaux cimetières » (Titre II)
75La création des nouveaux cimetières hors des enceintes posait le problème du devenir des anciens. Chaptal avait prévu, on l’a dit, de faire examiner par des hommes de l’art cinq ans après la dernière inhumation s’il était possible de procéder à l’exhumation générale des restes afin de disposer de leur emplacement. L’idée de telles fouilles effraya la section de l’Intérieur, qui craignit « dans un temps si prochain encore des malheurs de la Révolution le danger de réveiller l’esprit de parti qui se tait et de rallumer des ressentimens qu’il faut éteindre ». À l’évidence les conseillers d’État redoutaient l’ouverture des fosses des exécutés de la Terreur. Ils ne permirent que de planter et semer ces emplacements, « sans qu’il puisse y être fait aucune fouille », durant quinze années qui s’ajouteraient au délai quinquennal. La rédaction finale n’indiqua pas de délai. Un avis du conseil d’État du 13 nivôse an XIII (13 janvier 1805) viendra ensuite préciser que dix années étant écoulées il deviendrait possible d’y faire des fouilles ou des fondations (voir chapitre 5)71.
« Des concessions de terrain dans les cimetières » (Titre III)
76L’article 10 du décret a instauré le principe « des concessions de terrains dans les cimetières ». II s’agit là d’une innovation d’importance car la déclaration de 1776 n’avait autorisé que le transfert dans les cimetières des tombeaux existant dans les églises. Chaptal prévoyait donc que « ceux qui offriraient de faire des donations avantageuses en faveur des pauvres ou des hôpitaux » pourraient « posséder une place distincte et séparée » pour y fonder leur sépulture [Ch. 1V-16, C.E. 17-18, Décret III-10-11], à condition que l’étendue du cimetière le permette.
77Le décret établissait le principe du tombeau privatif pérenne à usage familial et prévoyait même l’aménagement du sous-sol de cette « place distincte et séparée » : ses bénéficiaires pourraient y « fonder leur sépulture et celle de leurs parents ou successeurs, et y construire des caveaux, monuments ou tombeaux » [Décret III-10]. Les législateurs ne jugeaient pas ces mesures contradictoires avec le strict calcul de la surface des enclos. Chacune de ces concessions devait être autorisée par un décret pris après enquête : ils étaient persuadés qu’elles resteraient exceptionnelles et seraient un hommage rendu à la bienfaisance. Chaptal aurait même voulu autoriser l’inhumation dans l’enceinte des hôpitaux, « en des lieux découverts », des « bienfaiteurs ou fondateurs de ces établissements », sur leur demande testamentaire [Ch. IV-18]. Dans sa circulaire, il affirmera s’être fait sur ce point l’écho du « désir » qu’auraient témoigné certains de ces « bienfaiteurs ». Mais la section de l’Intérieur releva la contradiction avec les articles précédents et suggéra de n’y déposer que leur cœur. « J’en ai rendu compte au Gouvernement, précise Chaptal, et il n’a point voulu d’exception à la règle générale ». Le décret ne permit que la construction de « monumens » commémorant leurs bienfaits [Décret, III-13]72.
78Le cimetière préconisé par Chaptal reconduisait donc la dichotomie ancienne entre « tombeaux d’église » et fosses de cimetière en la durcissant par la juxtaposition directe dans l’enclos du tombeau pérenne accumulant et conservant les restes d’une famille et des fosses quinquennales, lieu de dissolution de l’identité physique. La section de l’Intérieur allait nuancer ce contraste par un article extrêmement novateur qui serait retenu presque sans modifications dans la version définitive : elle reconnaissait le « droit qu’a chaque particulier de faire placer sur la fosse de son parent ou de son ami, une pierre sépulcrale ou autre signe indicatif du lieu de sépulture, ainsi qu’il a été pratiqué jusqu’à présent »73 [C.E. IV-19, Décret III-12]. Là est sans doute l’apport le plus net des écrits de la fin du xviiie siècle et de certains mémoires du concours de l’an VIII, déjà cités. Les conseillers d’État n’imaginaient sans doute pas que le culte commémoratif que sous-entendaient les « signes indicatifs » de sépulture puisse durer au-delà du temps du deuil ; ils sous-estimaient l’aspiration aux regroupements familiaux.
« De la police des lieux de sépulture » (Titre IV)
79L’article 16 posait, telle une évidence, une alternative : « Les lieux de sépulture, soit qu’ils appartiennent aux communes, soit qu’ils appartiennent aux particuliers… ». Le premier cas affirmait l’appartenance du cimetière au domaine communal. Le second cas faisait référence à l’article 14 et à la possibilité d’inhumation de « toute personne » dans « sa propriété », à condition que ce soit « à la distance prescrite de l’enceinte des villes et bourgs ». L’ensemble des lieux de sépulture était soumis à « l’autorité, police et surveillance des administrations municipales », qui veilleraient à en proscrire, pour reprendre les termes de l’article 17 du décret, les « désordres » et tout acte contraire « au respect dû à la mémoire des morts ». Cette dernière formule se retrouve inchangée dans le projet de Chaptal, celui de la section de l’Intérieur et le texte final du décret [Ch V-24, CE. IV-24, décret IV-17]. À cette nuance près que la rédaction initiale de Chaptal, à peine modifiée par les conseillers d’État, était en fait inspirée des ordonnances synodales des évêques d’Ancien Régime :
Il est pareillement fait défense d’y laisser paître ou divaguer les animaux, d’y faire aucune œuvre servile [supprimé par la section de l’Intérieur], d’y commettre aucune indécence, d’y jeter ou conduire aucun immondice, et d’y rien faire qui soit contraire au respect dû à la mémoire des morts.
80La formulation retenue dans le décret étant bien plus vague et large, le pouvoir de police des maires et des conseils municipaux allait se traduire au cours du siècle par de multiples règlements municipaux qui constituent une source particulièrement intéressante mais encore peu étudiée74.
81Le cimetière continuait d’être, selon l’expression de Gabriel Le Bras75, « un domaine mixte » dépendant du pouvoir civil mais aussi de l’autorité ecclésiastique. Ce point avait été médiocrement réglé par Chaptal qui prévoyait que « les lieux consacrés aux inhumations seront bénis par les ministres du culte », qu’il y serait édifiée « une chapelle de dévotion », qu’enfin les cimetières désaffectés ne pourraient être remis dans le commerce « qu’après avoir procédé avec l’assentiment de l’évêque […] à l’exhumation des corps et ossemens ». Le ministre se heurta à l’opposition de la section de l’Intérieur. La section de l’Intérieur jugeait qu’« il ne serait pas possible d’avoir de chapelle commune à tous les cultes et en permettre à un seul, c’est lui donner un privilège qui détruit l’égalité » [Ségur, p. 4]. Le problème de la bénédiction du cimetière exigée par le droit canon était mal résolu : « cette permission rendrait les catholiques seuls propriétaires des lieux de sépultures ». Les conseillers d’État tenaient à « déclarer que les cimetières n’appartenaient à aucun culte exclusivement, qu’ils étaient propriété communale » [Ségur, p. 5]. Ils voulaient autoriser seulement « les ministres du culte catholique [à] bénir la fosse dans laquelle on déposera un mort », pour éviter de « réveiller les querelles des différens cultes ». En fait, la rédaction définitive du décret trancha en prescrivant l’établissement de cimetières séparés ou le partage des cimetières existants entre les confessions présentes dans la localité mais aussi, on l’a signalé, en autorisant l’inhumation en propriété privée [Décret IV-15-14].
« Des pompes funèbres » (Titre V)
82Le dernier titre du décret de prairial, qui concerne l’organisation des pompes funèbres, est celui qui a connu le plus de modifications entre les projets de Chaptal et de la section de l’Intérieur et la rédaction définitive ; c’est aussi celui dont certains articles ont posé problème (voir chapitres 5 et 7). Il constituait une innovation car les funérailles n’avaient guère été réglementées sous l’Ancien Régime – sauf en temps d’épidémie de peste. Néanmoins Louis XIV avait institué par les édits de janvier 1690 et décembre 1694 des offices de juré-crieur (dits parfois d’enterrement) dans chaque ville du royaume où il y avait sénéchaussée ou viguerie, sur le modèle de ceux qui existaient déjà à Paris. Ils conféraient à leur détenteur le monopole des fournitures funèbres76. Par ailleurs, certains projets de transfert des cimetières hors des villes du dernier tiers du xviiie siècle impliquaient une stricte organisation du transfert des corps. Enfin une municipalisation de fait des obsèques avait dû s’imposer pendant la Révolution dans les villes, leurs organisateurs anciens, jurés-crieurs, fabriques ou confréries, ayant disparu.
83Alors que depuis l’an II les pompes funèbres étaient réduites à leur plus simple expression77, Chaptal ambitionnait de les faire renaître et proposait pour cela d’autoriser les familles à « rendre le convoi de leur parens décédé aussi pompeux qu’elles le jugeront à propos », dans le respect souple des traditions régionales et en réaction contre l’égalitarisme révolutionnaire [Ch. VI-25]. Il allait jusqu’à vouloir rétablir officiellement « l’usage anciennement existant de faire accompagner les convois par des enfans et autres pauvres pris dans les hospices ou admis aux aumônes des bureaux de charité avec des torches et flambeaux » [Ch. V1-2-29, C.E. VI-31-32]. Mais ces articles ne furent pas retenus dans la rédaction définitive. Un autre principe avancé par Chaptal aurait été de lier étroitement la gestion des morts à l’administration hospitalière, sous le contrôle de l’autorité municipale et préfectorale, en remettant aux hôpitaux et maisons de charité le droit exclusif de transporter les corps et de fournir tous les « objets nécessaires aux pompes funèbres », à charge pour ces établissements de « pourvoir au paiement des indemnités qui seront allouées aux officiers de santé chargés de la visite des morts, et à celui des salaires des concierges et des fossoyeurs » et enfin d’inhumer gratuitement les indigents [Ch. VI-30, C.E. VI-34-35]. Chaptal faisait observer dans un commentaire marginal que plusieurs hôpitaux détenaient déjà ce monopole sous l’Ancien Régime, et évoquant encore ce projet dans sa circulaire du 8 messidor an XII, il écrivait :
Instruit que plusieurs hôpitaux jouissaient autrefois du droit exclusif de transporter les morts et de tendre aux funérailles et que dans quelques lieux même, l’exercice de ce droit n’était point interrompu, j’ai cru devoir proposer de le faire revivre en faveur des pauvres et des hospices dans toutes les parties du territoire.
84En fait les hôpitaux d’Ancien Régime ne détenaient le monopole des pompes funèbres que s’ils avaient acquis pour l’exploiter un office de juré-crieur. On retrouve d’ailleurs dans le projet de Chaptal les caractéristiques de cet office : les articles 22 et 25 énumèrent des services et des fournitures (tentures, billets d’enterrement) qui ne sont plus alors usités depuis la Convention montagnarde mais qui étaient des éléments par excellence du privilège des jurés-crieurs. Leur exploitation monopolistique devra, comme sous l’Ancien Régime, permettre la réalisation de profits.
85La section de l’Intérieur approuva cette « idée sage, qui fait tourner au profit des pauvres les dernières prodigalités des riches ». En fait, ce monopole revint dans la rédaction définitive du décret aux fabriques et consistoires [Décret V-22] qui l’exercèrent jusqu’à la suppression de cet article et des suivants par la loi du 28 décembre 1904 (voir chapitre 7). Seuls les profits procurés par les concessions perpétuelles formeraient un « produit casuel » pour les établissements d’assistance.
86Ce serait le premier consul, s’il faut en croire du moins B. Gaubert, qui aurait exigé, contre Chaptal et la section de l’Intérieur, que le monopole des pompes funèbres soit remis aux fabriques des églises78. La tradition des juristes du xixe siècle assure aussi que ce monopole aurait été conçu comme la contrepartie de la perte des biens de l’Église vendus comme biens nationaux. Lors des débats qui aboutiront à la loi de 1884, Mgr Freppel le présentera encore comme une compensation faite à l’Église des spoliations révolutionnaires79. Dès lors, cette « mesure réparatrice » semblerait complémentaire du décret du 7 thermidor an XI (26 juillet 1803), restituant aux paroisses les biens nationaux non aliénés et chargeant les préfets de nommer, dans chaque commune, trois marguilliers pour les administrer.
87Jean-Étienne Portalis (1746-1807), conseiller d’État et directeur des Cultes, est intervenu à coup sûr, selon le Rapport de Ségur [Ségur, p. 5], pour faire supprimer un article du projet de Chaptal et de celui de la section de l’Intérieur, que cette dernière avait formulé ainsi : « Les ministres des cultes ne pourront, en aucun cas et sous quelque prétexte que ce soit, refuser leur ministère pour l’inhumation des corps, lorsqu’ils seront requis par les familles » [Ch. VI-26, C.E. VI-29]. L’éventualité d’un refus de sépulture religieuse fit l’objet de l’article 19 du décret, qui allait soulever nombre de difficultés (voir chapitre 7).
88Au total, selon B. Basdevant-Gaudemet, « le régime napoléonien des funérailles est conforme à l’ensemble du système concordataire. Le caractère confessionnel est clairement affirmé, mais dans une étroite surveillance de la part des pouvoirs publics80 ».
Deux visions du cimetière
89C’est à juste titre que B. Gaubert a pu qualifier le décret de prairial de « premier monument législatif qui ait été promulgué sur les sépultures »81. Dans quelle mesure en revanche est-il, comme Philippe Ariès l’a affirmé, « plus qu’un texte réglementaire […], une sorte d’acte de fondation d’un culte nouveau, le culte des morts82 » ? Les faits semblent plus complexes et la réalisation finale est à bien des égards un compromis entre les conceptions de Chaptal, celles des membres de la section de l’Intérieur, et sans doute celles de l’assemblée générale du Conseil d’État qui mit au point le texte. Il serait abusif d’avancer que le décret de prairial an XII contient en germe le futur cimetière urbain viabilisé et peuplé de monuments. Le décret ne prévoyait pas explicitement l’ouverture au public des cimetières. Il ne prescrivait pas non plus la création d’un réseau de circulation interne, qui aurait perturbé la définition théorique de sa superficie. À bien des égards, l’arrêté du préfet Frochot est bien plus audacieux et tire davantage parti de la réflexion théorique sur les sépultures menée au cours des décennies précédentes.
90Chaptal concevait, à l’image de la plupart des médecins de son temps, le cimetière comme un lieu foncièrement insalubre. Le problème de la salubrité des sépultures occupe d’ailleurs l’essentiel du texte de la première circulaire d’application du décret de Prairial, adressée le 8 messidor an XII (27 juin 1804) par Chaptal aux préfets83. Lorsque le ministre leur enjoint de rappeler à leurs subordonnés que « parmi les causes influentes des épidémies qui, chaque année, désolent diverses parties du territoire, on place au premier rang l’usage abusifet encore existant dans plusieurs lieux d’inhumer dans les temples et dans l’intérieur des villes et bourgs », il affirme ce qui est à ses yeux une évidence et insiste sur « la circulation de l’air », que la hauteur des maisons empêche dans les villes. Chaptal n’hésitait pas à y revenir sur le problème des plantations du cimetière, pour interpréter restrictivement le texte du décret : « L’usage des plantations a souvent été suivi de quelques inconvéniens. Cependant le décret de les prohibe pas ; mais il exige que des précautions convenables soient prises pour ne point gêner la circulation de l’air ». Ce souci prédominant de l’hygiène publique a fait classer les cimetières parmi les « établissements dangereux et insalubres » (chapitre 6). Il est vrai que l’assainissement des lieux de repos était un préalable nécessaire à la création du nouveau cimetière public.
91Le débat sur les plantations trahit en fait, à travers la divergence qu’il révéla entre le ministre et les membres de la section du Conseil d’État, deux conceptions radicalement différentes du cimetière. Celle de Chaptal paraît méconnaître l’évolution préromantique de la sensibilité de l’intelligentsia – du moins parisienne – à l’égard de la mort et de ce que Ségur nomme la religion des « tombeaux », Le ministre est resté fidèle à la vision traditionnelle, désormais ancienne et quelque peu « provinciale » du cimetière considéré comme le champ des morts où s’anéantit l’identité corporelle après des obsèques considérées comme « un dernier et lugubre hommage » [Ségur, p. 2]. Les membres de la section de l’Intérieur, plus « parisiens », paraissent beaucoup plus au fait que lui de la littérature de la nuit et des tombeaux et des projets architecturaux et des écrits théoriques des décennies précédentes – auxquels l’un d’eux, Pierre-Louis Roederer, a participé en proposant un « bois sacré » où « les arbres, les fleurs, les oiseaux, l’air, la lumière s’empressent autour des âmes vertueuses »84. Ils veulent que le cimetière soit un lieu public – d’où leur souci d’y tracer des allées. Ils opposent à la conception chaptalienne d’un enclos en jachère quinquennale celle d’un jardin : ainsi la section de l’Intérieur proposait-elle dans son projet de faire couvrir de gazon les fosses restées anonymes. Les conseillers conçoivent surtout le cimetière comme un espace où l’identité des restes doit subsister quelque temps. C’est la raison de ces marques distinctives dont ils autorisent la pose sur les fosses : Ségur la donne incidemment lorsqu’il rapporte la discussion soulevée par la clause prévoyant le transport des corps en cas de désaffectation d’un cimetière : il s’agit de « ne pas priver les familles de la possibilité de venir honorer les restes de leurs parens » [Ségur, p. 4]. On doit pouvoir ressentir au cimetière « ces sentimens de respect et de tristesse religieuse que le ciel et la nature font éprouver au sauvage même à la vue d’un tombeau » [Ségur, p. 2]85. La conclusion du rapport de Ségur annonçait déjà par anticipation le nouveau cimetière urbain du xixe siècle :
En plantant les lieux de sépulture, en adoucissant leurs horreurs, en diminuant leur insalubrité, en permettant à la tendresse d’y graver des souvenirs, aux arts d’y ériger des monumens, le Gouvernement ranimera des sentimens qu’un froid égoïsme a trop éteints ; il rapprochera les hommes de la morale, en les portant à jeter quelquefois des fleurs sur la tombe des respectables auteurs de leurs jours ; il rappellera enfin aux hommes cette grande et utile vérité, proclamée par un éloquent orateur, que la tombe est, pour l’homme vertueux, le berceau de l’immortalité [Ségur, p. 6]86.
92En contrepoint, ces remarques de Chaptal dans sa circulaire, qui reprennent textuellement la formulation qu’il avait proposée pour ce qui allait devenir l’article 17, et qui s’achèvent par une indication révélatrice de la mauvaise réputation des fossoyeurs :
C’est donc à leurs soins et à leur zèle (des administrations municipales) qu’il appartiendra de veiller qu’il ne se commette aucun désordre dans les lieux de sépulture, et de renouveler, en conséquence, les défenses d’y laisser paître ou divaguer les animaux, d’y faire aucune œuvre servile, d’y commettre aucune indécence, d’y jeter ou conduire des immondices, et d’y rien faire qui soit contraire au respect dû à la mémoire des morts. Elles auront également à renouveler aux fossoyeurs et à tous autres, les défenses d’enlever les draps ou linceuls dans lesquels les morts auront été ensevelis.
L’enquête de l’an XII
93Chaptal achevait sa circulaire du 8 messidor an XII en demandant aux préfets de lui faire connaître « l’état actuel des lieux consacrés aux inhumations dans l’étendue de (leur) département ». Les exemplaires imprimés de ce texte, adressés à chaque préfet, renfermaient en annexe un tableau à double entrée où l’administration préfectorale devait faire transcrire les réponses fournies par tous les maires du département. Cette enquête qui devait rester sans postérité doit être replacée dans le contexte de l’« âge d’or de la statistique régionale87 », marqué par le souci d’une administration issue des grands bouleversements révolutionnaires de se constituer des dossiers sur cette nouvelle entité territoriale qu’était le département. Elle aurait dû donner la mesure du degré de conformité des cimetières français avec les normes nouvelles que le décret venait d’établir et permettre à l’administration centrale de diligenter les réformes qu’il prévoyait. Ainsi s’explique peut-être l’absence de rapport de synthèse, due en partie au fait que les préfets de certains départements récemment annexés, confrontés à une réalité foncièrement contraire aux prescriptions du décret ne purent ou n’osèrent expédier leurs tableaux récapitulatifs et se bornèrent à temporiser. Le faible nombre des dossiers conservés par l’administration centrale pourrait par ailleurs suggérer que certains de ces tableaux furent renvoyés à leurs auteurs, en particulier ceux qui s’accompagnaient d’un relevé systématique des modifications exigées par chaque cimetière et fournissaient ainsi à l’administration préfectorale un moyen commode de suivre les progrès de leur réalisation. Ces documents sont donc aujourd’hui dispersés entre les Archives nationales88 et plusieurs séries des archives départementales89. Il s’agit ordinairement de tableaux où furent retranscrites les réponses des maires à un questionnaire, plus rarement conservé, dont ils reprenaient les rubriques. Les deux premières colonnes comportent des renseignements démographiques : chiffre de population et mortalité annuelle de la commune ; les colonnes 3 à 7 définissent à grands traits le cimetière : étendue, situation, exposition, distance de l’enceinte des communes, élévation des murs ; les dernières rubriques concernent enfin les règles observées pour l’inhumation : distance des fosses, leurs profondeur et largeur, enfin le rythme de leur renouvellement. Une colonne est parfois consacrée à des « observations générales sur la nature des terreins, sur la salubrité des lieux et sur les améliorations et changemens à faire pour obvier au danger des épidémies » et rassemble soit le résumé des remarques formulées par les maires, soit les conclusions du préfet ou du sous-préfet. Des questions supplémentaires ont pu être ajoutées à l’initiative préfectorale90.
94L’enquête fournit pour la France de l’époque, dans la mesure où ses tableaux ont été conservés, un état descriptif établi selon des critères uniformes, une génération après la déclaration royale de 1776, au sortir de la Révolution – dont il reste difficile de mesurer l’impact au travers des réponses – et avant que l’application du décret de prairial ne vienne très progressivement atténuer les particularismes régionaux. La présomption de réponses délibérément mensongères ne doit pas être écartée, ni exagérée : beaucoup de cimetières s’avèrent peu conformes aux prescriptions du décret de prairial. Bien plus graves sont les erreurs dues à l’imparfaite maîtrise par les maires du système métrique91. S’ajoute la négligence avec laquelle les employés des préfectures ont recopié sur le tableau récapitulatif leurs réponses, laissant subsister des confusions parfois manifestes entre elles ou des données aberrantes. Enfin, l’administration centrale ayant projeté dans son questionnaire l’image des cimetières urbains dont le décret de prairial achevait de rationaliser la gestion, les dernières rubriques pouvaient se révéler incompréhensibles pour un maire rural accoutumé à une autre organisation de la terre des morts. En dépit de ces réserves, l’enquête de l’an XII fournit une état des cimetières au début du xixe siècle dont l’intérêt est d’autant plus grand qu’une telle collecte de données ne sera jamais tentée ultérieurement92.
Notes de bas de page
1 Nous remercions Olivier Vernier pour sa relecture attentive et sagace de ce chapitre et des suivants.
2 Les monuments funéraires collectifs ou commémoratifs, destinés à honorer la mémoire des grands hommes, imaginés par les architectes Boullée et Ledoux auront peu d’avenir direct. Voir l’ouvrage fondateur de Emil Kaufmann, Three revolutionary architects : Boullée, Ledoux, Lequeu, Philadelphia, American Philosophical Society, 1952. Éd. française, Trois architectes révolutionnaires, Paris, Éd. de la SADG, 1978. Richard A. Etlin, The Architecture of Death. The Transformation of the Cemetery in Eighteenth-Century Paris, Cambridge et London, The M.I.T. press, 1984 et rééd. 1987, p. 109-159 et Symbolic space. French Enlightenment Architecture and his legacy, Chicago and London, The University of Chicago press, 1994, « Lanscapes of Eternity », p. 148-171.
3 Ainsi est-il intégralement reproduit dans Christian Charlet, Le Père-Lachaise. Au cœur du Paris des vivants et des morts, Paris, Gallimard (Découvertes n° 441), 2003, p. 98-101 alors que ce cimetière relève initialement de l’arrêté de Frochot.
4 Jean-Baptiste Duvergier, Collection complète des lois, décrets, règlements et avis du Conseil d’État, Paris, Guyot, 1834 (2e éd.), t. I, p. 433. Félix Gannal, Les cimetières depuis la fondation de la monarchie française jusqu’à nos jours. Histoire et législation, t. I (seul paru) Les cimetières avant la Révolution, Paris, Muzard, 1884, pièces justificatives, p. 241-244.
5 André Bost, Encyclopédie […] des conseils de fabriques et des communautés religieuses, Paris, l’auteur, juillet 1869, p. 289-290. Duvergier, Collection complète des lois […], op. cit., t. VI, p. 273-274. Francis Messner, Le financement des églises. Le système des cultes reconnus (1801- 1983), Strasbourg, Cerdic publications, 1984, p. 186 observe à juste titre : « La Révolution crée un vide juridique en ne spécifiant jamais nommément la sécularisation des cimetières ».
6 Duvergier, Collection complète des lois […], op. cit., t. 14, p. 204-206. Emile Fäy, Traité pratique de législation sur les cimetières et exhumations, Amiens, typ. T. Jeunet, 1887, p. 27-30.
7 Dans une lettre parue dans le Moniteur universel du 11 juin 1790, reprise dans Gannal, Les cimetières depuis la fondation de la monarchie française, op. cit., pièces justificatives, p. 244-245.
8 Madeleine Rudigoz-Lassère, Le cimetière de la Chartreuse à Bordeaux, des origines à nos jours : historique, funérailles catholiques, typologie des tombes, thèse dactylographiée, université de Bordeaux III, 1986, et Madeleine Lassère et Philippe Prévôt, Chants des morts. Guide des cimetières de Bordeaux, Bordeaux, Office du tourisme, s. d., p. 58-60.
9 Paul Chopelin, « Le remodelage des circonscriptions paroissiales urbaines en France pendant la Révolution (1791-1803) », dans Bruno Dumons et Bernard Hours éd., Ville et religion en Europe du xvie au xxe siècle. La cité réenchantée, Grenoble, PUG, 2010, p. 49-63.
10 Duvergier, Collection complète des lois…, op. cit., t. 6, p. 315.
11 Précis historique de tous les événemens remarquables arrivés à Marseille depuis 1789 jusqu’ au 25 juin 1815 […], Marseille, chez Chardon, 1817, p. 13.
12 Richard A. Etlin, The Architecture of Death, op. cit., p. 232-236.
13 Mona Ozouf, « Le Panthéon, l’École normale des morts », dans Pierre Nora dir., Les lieux de mémoire, t. I : La République, Paris, Gallimard, 1984, p. 139-166. Jean-Claude Bonnet, Naissance du Panthéon : essai sur le culte des grands hommes, Paris, Fayard, 1998, en particulier p. 255-320. Georges Minois, Le culte des grands hommes : des héros homériques au star system, Paris, L. Audibert, 2005, p. 267-285.
14 Louis Madelin, Fouché, 1759-1820, Paris, Plon 1947, p. 107-108. Texte complet dans J. Guillaume, Procès-verbaux du Comité d’Instruction publique de la Convention nationale, Paris, Impr. nat., t. II, 1894. p. 630-631. Régis Bertrand, « Le représentant du peuple Étienne Maignet et la réorganisation des sépultures en l’an II » dans Mort et mémoire. Provence, xviiie-xxe siècles. Une approche d’historien, Marseille, La Thune, 2011, p. 71-84.
15 Le sort posthume de Marceau est proche, son corps fut exhumé un an après son inhumation (1797) et brûlé, les cendres étant partagées en quatre parts, dont deux, remises à la sœur du général, furent ensevelies au cimetière de Nice puis transférées en 1887 au Panthéon.
16 Joseph Clarke, Commemorating the Dead in Revolutionary France : Revolution and remembrance 1789-1799, Cambridge, Cambridge University Press, 2007. Avner Ben-Amos, Le vif saisit le mort. Funérailles, politiques et mémoire en France (1789-1996), traduction de Rachel Bouyssou, Paris, éd. de l’EHESS, 2013 (éd. or., 2000), chap. I, p. 29-64.
17 Cité par René Gouffier, La législation des funérailles et des pompes funèbres, Paris, A. Pedone, 1902, p. 148-149.
18 G.-G. Delamalle, L’Enterrement de ma mère, ou réflexions sur les cérémonies des funérailles et le soin des sépultures, et sur la moralité des institutions civiles en général, Paris, Impr. de Boulard, an III.
19 Gabriel Legouvé, Les Souvenirs, la Sépulture et la Mélancolie, 2e édition, Paris, Lemierre, an VI. Significativement repris par [Nicolas-Sylvestre Guillon], Sur le respect dû aux tombeaux, et l’indécence des inhumations actuelles. Nouvelle édition, augmentée de la Sépulture et de la Mélancolie, poèmes de Legouvé, Paris, chez tous les marchands de nouveautés, an VIII.
20 Emmanuel Pastoret, Corps législatif. Conseil des Cinq-cents. Rapport sur la violation des sépultures et des tombeaux […], séance du 26 prairial an IV, Paris, Impr. nat., an IV.
21 Moniteur universel, an IV, n° 298, p. 1191 sq., non repris dans la réimpression.
22 Corps législatif, conseil des Cinq-cents, rapport fait au nom d’une commission spéciale sur les inhumations par Daubermesnil, séance du 21 brumaire an V, Paris, Impr. nat., Brumaire an V. Fr.-V. Mulot, Vues d’un citoyen, ancien député de Paris à l’assemblée législative sur les sépultures, Paris, de l’imprimerie des Droits de l’Homme, pluviose an V (janvier-février 1797).
23 Jean-Baptiste Lafargue, Corps législatif. Conseil des Cinq-Cents, Motion d’ordre de Lafargue, ... sur la police des cimetières et des inhumations. Séance du 14 frimaire an VII, Paris, Impr. nationale.
24 Jacques Cambry, Rapport sur les sépultures présenté à l’administration centrale du département de la Seine, Paris, impr. Pierre Didot l’aîné, an VII – en fait, la délibération qui décide de sa diffusion est du 2 frimaire an VIII (23 novembre 1799), p. I-II. Planches de Molinos, architecte et inspecteur des bâtiments civils du dép. de la Seine.
25 Terme qu’emploiera Chateaubriand dans une note de sa célèbre évocation des tombeaux du Génie du Christianisme, publié en avril 1802 (éd. de Pierre Reboul, Paris, GF-Flammarion, 1966, t. II, p. 95, note 2).
26 Réimpression de l’ancien Moniteur, 24 nivôse an II (13 janvier 1794).
27 François-Valentin Mulot, « Discours sur les funérailles et le respect dû aux morts lu le 15 Thermidor an 4, au Lycée des Arts », Notice sur la vie et les travaux de Lavoisier précédée d’un discours sur les funérailles et suivie d’une ode sur l’immortalité de l’âme, Paris, Impr. de la Feuille du cultivateur, an IV, p. 19.
28 Pierre-Louis Roederer, « Des institutions funéraires convenables à une république qui permet tous les cultes et n’en adopte aucun », Journal d’économie publique, 30 vendémiaire an V (21 octobre 1796), repris dans Œuvres du comte P.-L. Roederer […] publiées par son fils A.-D. Roederer, Paris, F. Didot, 1857, t. V, Opuscules, p. 158-162.
29 Pascal Hintermeyer, Politiques de la Mort tirées du concours de l’Institut, germinal an VIII-vendémiaire an IX, Paris, Payot, 1981, p. 126. Etlin, The Architecture of Death, op. cit., p. 282- 290. Les premiers grands prix ex-aequo furent Louis-Sylvestre Gasse et Auguste Henri Victor Grandjean de Montigny, le deuxième prix Jean-Baptiste Guignet.
30 Pierre-Charles-Louis Baudin, Rapport fait à l’Institut national des sciences et des arts dans la séance générale du 5 frimaire an VII au nom de la commission […] chargée par l’Institut national d’examiner comment au décès de ses membres, il doit leur rendre les derniers devoirs, Paris, Baudoin impr., an VII.
31 Fr.-V. Mulot, « Discours sur les funérailles... », p. 11. Arsenne Thiébaut, Réflexions sur les pompes funèbres, Paris, G.-F. Galletti impr, frimaire an VI. Sur ce débat : Etlin, The Architecture of Death, op. cit. p. 258-259.
32 Louis-Marie Révellière-Lépeaux, « Réflexions sur le culte, sur les cérémonies civiles, sur les fêtes nationales, lues à l’Institut le 12 floréal an V » dans Opuscules moraux de L.M. Revellière-Lépeaux et de Jean-Baptiste Leclerc, Paris, H. J. Jansen, an V, p. 32. Corps législatif, conseil des Cinq-cents, règlement proposé par Leclerc (de Maine-et-Loire) à la suite du rapport sur les institutions civiles, séance du 17 brumaire an VI, Paris, Impr. nat., brumaire an VI, p. 16-17.
33 Quatremère de Quincy [Antoine], Rapport fait au conseil général [de la Seine] sur […] le scandale des inhumations actuelles, l’érection des cimetières, la restitution des tombeaux, mausolées, etc, Paris, R. Jacquin, s. d. [1800], p. 30-31.
34 Rapport fait par les citoyens Hallé, Desessartz, Toulongeon, Reveillère-Lepaux, Leblond et Camus, commissaires chargés par l’Institut national des sciences et des arts de l’examen des mémoires envoyés au concours proposé par le gouvernement, sur les questions relatives aux cérémonies funéraires et aux lieux de sépultures. Jugement porté par l’Institut et proclamation du prix, Paris, impr. d’Ant. Bailleul, s. d. [vendémiaire an IX/octobre 1800].
35 François-Valentin Mulot, Discours qui a partagé le prix proposé par l’Institut national de France […], Paris, 44, rue des Prêtres Saint-Germain-l’Auxerrois, an IX. Duval Amaury, Des Sépultures, Paris, Vve Panckoucke, an IX.
36 Roederer en publia une critique sévère dans le Journal de Paris, 1er prairial an IX (21 mai 1801), reprise dans Œuvres du comte P.-L. Roederer op. cit., Paris, F. Didot, 1857, t. V, Opuscules, p. 162-163.
37 Paul Van Tieghem, La Poésie de la nuit et des tombeaux en Europe au xviiie siècle, Paris, F. Rieder, 1921, reprise dans Le Préromantisme, études d’histoire littéraire européenne, 2, Paris, La nouvelle édition, 1948.
38 Joseph Girard, Des tombeaux ou de l’influence des institutions funèbres sur les mœurs, Paris, F. Buisson, an IX, p. 111.
39 A[ntoine] Caillot, Voyage religieux et sentimental aux quatre cimetières de Paris, ouvrage renfermant un grand nombre d’ inscriptions funéraires suivies de réflexions religieuses et morales, Paris, L. Haussmann, 1809, p. 155, précise, au sujet des aménagements de l’ancienne propriété du Père Lachaise : « ses arbres fruitiers furent remplacés par les peupliers, les saules et les cyprès ».
40 Mulot, « Discours sur les funérailles... », p. 11. Idée reprise par Legouvé dans Les sépultures, op. cit.
41 Isabelle Meidinger, L’État et les minorités cultuelles en France au xixe siècle : l’administration des cimetières israélites de 1789 à 1881, thèse de l’EHESS dactylographiée, 2002, t. I, p. 130-131 et texte t. II, p. 430-433. Arch. nat. F8-90. On retrouve aux articles 11 et 13 deux idées chères à A. Duval : la pose d’un pierre numérotée sur chaque fosse et la possibilité d’y placer des épitaphes dont le texte sera soumis au préfet. Cf. Duval, Des sépultures, op. cit., p. 42 et 55.
42 Louis Passy, Frochot, préfet de la Seine, histoire administrative, Evreux, impr. H. Hérissey, 1874 (2e éd.), p. 440-447.
43 Ce texte est reproduit en annexe de la thèse d’ Annabelle Iszatt-Christy, « Les nécropoles de Paris et de sa banlieue : formation et transformation d’un espace urbain », Lausanne, École polytechnique fédérale de Lausanne, 2011, p. 293-302.
44 Le titre I de l’arrêté (dispositions générales) et le II (dispositions provisoires) semblent avoir été rédigés en deux moments différents car leur vocabulaire change : dans le titre I, le préfet répugne à user des termes de cimetière, sans doute connoté d’Ancien Régime, et de « lieu de repos », usité en l’an II. Il ne mentionne que des « enclos de sépulture publique » (t. I, art. 1, 3, 4, 11, 15, 16, 17. Il n’emploie que « cimetière « dans le titre II (t. II, art. 15, 17, 18).
45 C’est ce que fit valoir le vendeur, Baron-Desfonttaine, N. Paul-Albert, Histoire du cimetière du Père La Chaise. Vieilles tombes, vieux souvenirs, Paris, Gallimard, 1936, p. 36.
46 H. Lemoine, « Les cimetières de Paris de 1760 à 1825 », Bulletin de la société de l’histoire de Paris, 51e an., 1924, p. 78-110, tableau des cimetières en 1809, p. 100-101.
47 Etlin, The Architecture of Death, op. cit., p. 310-328.
48 Molinos, auteur des planches du projet de Cambry, avait déjà prévu cette pyramide centrale mais elle devait abriter les fours permettant la crémation de ceux qui avaient choisi cette option et encore recevoir « les cendres des grands hommes ».
49 Cet arrêté fut annulé par celui du 17 juillet 1877. Maurice Block et Henri de Pontich, Administration de la ville de Paris et du département de la Seine, Paris, Guillaumin, 1884, p. 642.
50 A. Caillot, Voyage religieux et sentimental aux quatre cimetières de Paris, ouvrage renfermant un grand nombre d’inscriptions funéraires suivies de réflexions religieuses et morales, Paris, L. Haussmann, 1809, p. 155.
51 Moniteur universel du 4 thermidor an XII, n° 304, p. 1357-1358 et Bulletin des lois de l’Empire français, Paris, Impr. impériale, 4e série, t. I, n° 4, p. 75-80. Le texte du décret est également dans Duvergier, Collection complète des lois, op. cit., t. 15, 1826 (1re éd.), p. 28-30 et 1836 (2e éd.), p. 24-26. On le trouvera en Annexe.
52 Le Conseil d’État, son histoire à travers des documents d’époque, Paris, CNRS, 1974, chap. II.
53 Selon B. Gaubert, Traité théorique et pratique de législation.... sur le monopole des inhumations et des pompes funèbres, Marseille, M. Lebon, 1875, t. I, p. 189, « la section était présidée par le citoyen Roederer et comptait parmi ses membres les citoyens Crétet, Fourcroy, de Ségur et Régnault de Saint-Jean d’Angely. Le jurisconsulte Portalis y assistait en qualité de chargé des affaires ecclésiastiques ».
54 Sur lequel on consultera Michel Peronnet dir., Chaptal en son temps, Toulouse, Privat, 1988 (cet ouvrage renferme p. 177-190 une première version de la présente étude).
55 Notice par Alfred Fierro-Domenech dans Jean Tulard (dir.), Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1989, p. 1556.
56 Ces documents préparatoires du décret ont été imprimés sous la référence 823 ; il s’agit de Projets de réglemens sur les sépultures, datés du 29 Prairial an XI, 16 p. (p. 1-7, projet du ministre de l’intérieur, désormais cité dans le texte : [Ch. suivi du titre en chiffres romains et de l’article en chiffres arabes] ; p. 8-16, projet de la section de l’Intérieur, qui sera cité : [C.E.] et du Rapport sur les sépultures de L-Ph. de Ségur, 1er messidor an XI, 6 p., cité désormais : [Ségur].
57 Il convient de consulter dans la mesure du possible, les exemplaires adressés aux préfets qui renferment, en annexe, le modèle du tableau pour l’enquête de l’an XII, d’autant que seules les 1re et 2e éditions du recueil Circulaires, instructions et autres actes émanés du ministère de l’intérieur de 1797 à 1821 ont repris le dernier paragraphe concernant cette enquête (dans la 2e édition, p. 323-327) ; la 3e édition (Paris, 1866, t. 1, p. 180-193) l’ayant omis, la plupart des publications ultérieures de ce texte qui en dérivent sont légèrement incomplètes.
58 Curieusement, dans sa circulaire du 8 messidor an XII, Chaptal tient à ajouter que l’art 8 de la Déclaration était dérogatoire de l’édit de 1749 qui interdisait aux gens de mainmorte d’acquérir des immeubles sans autorisation préalable par lettres patentes enregistrées dans les cours de parlement.
59 Claudio Milanesi, Mort apparente, mort imparfaite. Médecine et mentalités au xviiie siècle, Paris, Payot, 1989. Anne Carol, Les médecins et la mort, xixe-xxe siècle, Paris, Aubier, 2004, p. 143 sq.
60 Jean-Antoine Chaptal, Mes souvenirs sur Napoléon, Paris, Plon, 1893, p. 16-17.
61 Anne Carol, « Le médecin des morts à Paris au xixe siècle », Annales de démographie historique, 2014 n° 1, p. 153-179 et Les médecins et la mort, xixe-xxe siècle, Paris, Aubier, collection historique, 2004, p. 192 sq..
62 Le décret du 4 thermidor an XIII (23 juillet 1805) vint préciser l’article 77 en posant pour condition à la levée du corps et à son transport la délivrance par l’officier d’État civil de l’autorisation d’inhumer. Duvergier, Collection complète des lois, op. cit., t. 15, p. 221. Les peines encourues en cas d’inobservation furent précisées en 1810 par le Code pénal, article 358. L’article 359 condamne le recel du cadavre d’une personne « homicidée ».
63 Duvergier, Collection complète des lois, op. cit., t. 15, p. 303-304.
64 Duvergier, Collection complète des lois, op. cit., t. 16, p. 443.
65 Texte dans Félix Gannal, Les cimetières depuis la fondation de la monarchie française op. cit., pièces justificatives, p. 75.
66 Étude de ce problème dans Etlin, The Architecture of Death, op. cit., p. 93 et sq. et p. 259 et sq. Voir aussi Hintermayer, op. cit., p. 125-127. L’idée d’un cimetière gazonné et planté d’arbres à feuilles persistantes était, on le sait, en particulier développée par Mulot, l’un des lauréats du concours.
67 En ce qui concerne la profondeur des fosses et le délai de leur renouvellement, Chaptal semble suivre les propositions de Hughes Maret, Mémoire sur l’usage où l’on est d’enterrer les morts dans les églises et dans l’enceinte des villes, Dijon, Causse, 1773, p. 53, elles-mêmes reprises par Félix Vicq d’Azyr, Essai sur les lieux et les dangers des sépultures […], Paris, F. Didot, 1777. Ce dernier posait p. XXXIV le principe du calcul de la superficie des cimetières à partir du délai de renouvellement des fosses, développé ensuite par le Rapport final du concours de l’an VIII.
68 Depuis 2008 sa rédaction est « le terrain consacré à l’inhumation des morts est cinq fois plus étendu que l’espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé de morts qui peuvent y être enterrés chaque année ».
69 [Georges-Eugène] Haussmann, Mémoires du baron Haussmann, Paris, V. Havard, 1890- 1893, t. III, p. 415-433.
70 Block et Pontich, Administration de la ville de Paris, op. cit. p. 631.
71 A. Rousset, Code annoté de la législation civile concernant les églises, presbytères, cimetières, inhumations, exhumations, pompes funèbres, la police et les dépenses du culte […], Paris, Librairie administrative de Paul Dupont, 1865, p. 101-102.
72 Jean Imbert, Le droit hospitalier de la Révolution et de l’Empire, Paris, Recueil Sirey, 1954, p. 219 observe que les sommes obtenues par les hôpitaux allaient être avec le développement des concessions plus considérables que celles qu’auraient pu leur rapporter les rares bienfaiteurs désireux d’être inhumés dans leur église.
73 La fin de la phrase fait vraisemblablement allusion à la fois aux premiers tombeaux établis dans les cimetières à la fin de l’Ancien Régime et aux croix de bois et petites plaques qui semblent être alors apparues depuis peu.
74 Les articles 358 à 360 du Code pénal de 1810 allaient préciser les sanctions en cas d’inhumations clandestines et de violation de sépulture (voir chapitre 5).
75 Georges Le Bras, L’Église et le village, Paris, Flammarion, 1976, le partie, chap. III, p. 69- 83. Les rapports évolutifs entre autorités religieuses et civiles sont particulièrement étudiés dans Madeleine Lassère, Villes et cimetières en France de l’Ancien Régime à nos jours. Le territoire des morts, Paris, l’Harmattan, 1997, auquel nous renvoyons (voir aussi chapitre 7).
76 Thibaut-Payen, Les morts, l’Église et l’État..., op. cit., p. 74-77. L’étude reste à faire de l’achat réel de ces charges conçues comme un expédient financier dans le contexte difficile de la guerre de Succession d’Espagne.
77 Une étape importante de leur rétablissement allait être constituée par le décret du 24 messidor an XII (13 juillet 1804) « relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires », qui précisait les honneurs funèbres. Duvergier, Collection compète des lois, op. cit., t. 15, p. 36-51.
78 Gaubert, Traité théorique et pratique de législation op. cit., p. 192. L’auteur ne précise pas sa source.
79 Cette affirmation, qui semble inspiré de Gaubert, Traité théorique et pratique de législation op. cit., p. 193 et 204 fut reprise par Mgr Freppel devant la Chambre le 18 mars 1882 (J.o., Débats, Chambre, mars 1882, p. 349-350) puis le 27 février 1883 (Id., 27 février 1883, p. 419-420). Elle est développée par Charles Hamel, Pompes funèbres. Défense des droits des fabriques et consistoires, s. l. n. d. [1883]. Le manuel longtemps classique de Roger Vidal et Émile Graille, Guide pratique de législation funéraire, Paris, Librairie technique, 4e éd., 1985, p. 100 la répète encore.
80 Brigitte Basdevant-Gaudemet, Histoire du droit canonique et des institutions de l’Église latine : xve-xxe siècle, Paris, Economica, 2013, p. 404.
81 Selon l’expression de Gaubert, Traité théorique et pratique de législation op. cit., p. 195-196.
82 Ariès, L’homme devant la mort, op. cit., p. 509-510.
83 À signaler un brouillon très raturé du projet de cette circulaire avec des annotations de Portalis dans Arch. nat. F2-I 122-1232.
84 Roederer, « Des institutions funéraires… », op. cit., p. 162.
85 Voir Etlin, The Architecture of Death, op. cit., p. 251-254, les remarques sur « the new theologians » de la mort parmi lesquels figure Roederer.
86 L’« éloquent orateur » est E. Pastoret, dans son rapport au conseil des Cinq-cents du 26 prairial an IV, cité plus haut.
87 Jean-Claude Perrot, L’âge d’or de la statistique régionale française (an IV-1804), Paris, Soc. des études robespierristes, 1977 et Marie-Noëlle Bourguet, Déchiffrer la France. La statistique départementale à l’époque napoléonienne, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 1988.
88 Pour neuf départements seulement.
89 Dans les séries M ou O en général.
90 C’est le cas de M.-J. de Gratet-Dubouchage, préfet des Alpes-Maritimes. A.-C. Thibaudeau, préfet des Bouches-du-Rhône, fit préciser aux maires, par lettre séparée, le mode de transport des corps.
91 Champoléon (05) possède un cimetière de 10 km2; celui de Mison (04) est à 72 km de la maison la plus proche ; les murs de ceux de Saint-Vincent et Montfuron (04) ont respectivement 12 et 20 m.
92 Principales études : Michel Bée, « Les cimetières du Calvados en 1804 », Cahiers des Annales de Normandie, n° 8, 1976, p. 7-34. Régis Bertrand, « Les cimetières provençaux au début du xixe siècle d’après l’enquête de l’an XII », Provence Historique, t. XXXIV, fasc. 135, 1984, p. 55-73. Roger Devos, « L’espace des morts en Savoie, de la cohabitation à la ségrégation », dans M.-G. Martin-Gistucci dir., Traditions populaires, Genève, Slatkine, Cahiers de civilisation alpine I, p. 29-43. Frédéric Thébault, Le patrimoine funéraire en Alsace. Du culte des morts à l’oubli, 1804-1939, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2004. Les réponses de la préfecture de la Seine concernant Paris sont publiées dans H. Lemoine, « Les cimetières de Paris de 1760 à 1825 », Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et d’Île de France, 1924, p. 100-101.
Auteur
Aix-Marseille Université, UMR Telemme 7303 (AMU-CNRS)
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