Don Juan de Mañara : la rédemption, figure emblématique de l’opéra francophone dans l’après-guerre
p. 364-376
Texte intégral
1 On ne peut consacrer un ouvrage à Henri Tomasi sans revenir sur ce qui est peut-être son chef-d’œuvre, l’opéra Don Juan de Mañara1. Cette allégorie de la rédemption sera replacée dans une perspective historique pour montrer son inscription dans l’esthétique lyrique de la seconde moitié du xxe siècle. Comment H. Tomasi traduit-il l’esprit de son temps et annonce-t-il le renouveau de l’opéra francophone dans les années 1980 ?
L’opéra et la rédemption : un tribut à Wagner
2Fondamentalement liée à l’imaginaire chrétien, la rédemption implique le sacrifice d’un être humain pour qu’une renaissance purifiée soit possible : une vie prend fin pour l’éclosion d’un monde meilleur. Transposée sur la scène lyrique, la rédemption permet une forme de happy end, de sérénité ultime, à la différence des dévastations romantiques. La finalité de la soirée théâtrale n’est alors plus dans le divertissement ou la catharsis mais, dans l’édification et l’idéal, comme en atteste la volonté wagnérienne que nul applaudissement ne distraie le déroulement des actes.
3Car la présence de la rédemption à l’opéra voit sa source chez Wagner2. Son Parsifal, héros chaste et fol rédimant Kundry, Amfortas et la communauté des chevaliers du Graal, en est la première figure masculine qui, après 1882, permet l’avènement des figures christiques à l’opéra. Dans Parsifal, la rédemption est comprise comme le rachat des fautes de pécheurs isolés et aussi du genre humain – mis en abyme dans la cohorte des chevaliers du Graal – par le Christ, rédempteur des hommes, dont le pur fils de Herzeleide et de Gamuret semble une allégorie. Wagner avait déjà approché le sujet dans Le Vaisseau fantôme à travers le sacrifice de Senta, ou dans Tannhäuser à travers celui d’Elisabeth. En effet, dans ces deux œuvres, la femme aimante rachète par sa mort un damné, lui permet d’accéder à la paix par-delà la mort. La rédemption du Hollandais et de Tannhäuser leur vient donc de l’extérieur, portée par l’amour inconditionnel, opposé à l’amour charnel. Présente également dans Lohengrin et dans le Ring, cette dialectique revient dans Parsifal : le héros triomphe du péché personnifié par Klingsor et ses filles-fleurs, soutenu par une initiatrice et une lance sacrée. Plusieurs études sur la rédemption dans son œuvre relient cette inspiration à l’histoire personnelle et aux possibles névroses de Wagner3 et montrent comment cette posture chrétienne trouve sans doute sa source dans sa fréquentation du pieux Franz Liszt, en particulier à la fin de sa vie. Dès lors, la rédemption à l’opéra serait-elle le fait de compositeurs sinon mystiques, du moins concernés par les questions éthiques, de compositeurs engagés dans les débats humains, politiques, voire humanistes ?
4Quelques œuvres perpétuent cette lignée, retraçant le cheminement salvateur d’un être rejeté ou coupable : Fervaal de d’Indy (18974), Le Jongleur de Notre Dame de Massenet (1902) ou encore Turandot de Puccini (1926), rare œuvre dans laquelle l’homme rédime la femme en la conduisant de l’intransigeance à l’humanité, non pas grâce à une démarche mystique, mais par l’intelligence et l’amour. Après Wagner, référence incontournable dans la première moitié du xxe siècle, aux côtés d’œuvres délibérément légères se développe une vision expressionniste du monde qui montre la chute d’hommes placés à contre-courant de la société et de ses règles, fussent-elles profondément délétères. Ainsi, et pour rester dans le grand répertoire, en va-t-il de Salomé et d’Elektra de Strauss, de Wozzeck et de Lulu de Berg, de Tosca, de Manon Lescaut ou de Madame Butterfly de Puccini, de Katia Kabanova de Janáček, de Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch, de Peter Grimes ou du Viol de Lucrèce de Britten ou encore du Rake’s Progress de Stravinski.
5Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, à l’heure où l’opéra souffre d’une forme de désaffection5 et de crispation dans des usages passéistes6, que reste-t-il de la rédemption ? En quoi Don Juan de Mañara est-il emblématique d’une attitude française et au-delà de cet opéra, quel est l’apport d’H. Tomasi ?
La rédemption dans l’opéra après 1945
6À la libération de Paris, le Palais Garnier ferme pendant deux mois et se voit « épuré » de figures ouvertement compromises comme Serge Lifar, Germaine Lubin et Solange Schwartz, tandis que plusieurs membres de la troupe ou du ballet sont suspendus. Il rouvre toutefois dès l’automne 1944 car, malgré sa réputation de « vitrine de la collaboration7 » franco-allemande, l’Opéra de Paris reste un phare national, uni à l’Opéra-comique en Réunion des théâtres lyriques nationaux depuis 1939. Pourtant, le monde qu’il véhicule périclite et ce beau vaisseau sombre au fil des grèves, des difficultés administratives, des luttes de pouvoir, des problèmes de personnel, entraînant avec lui un genre théâtral et musical obsolète fustigé par les acteurs de l’avant-garde. Trop de péché, de compromission, de silence ? Besoin d’une rédemption ?
7Pendant la décennie 1945-1955, la création lyrique en France est nettement moins florissante que lors des années 1920 et même des années 1930, pourtant déjà marquées par une baisse de fréquentation des théâtres lyriques au profit du sport, du cinéma ou de la radio : « Avoir sa loge à l’opéra n’est plus dans la norme du snobisme contemporain8», remarque Arthur Honegger en 1936. Trente-trois créations d’opéra ont lieu en France – vingt-deux à Paris, onze en Province – tandis que dix créations d’opéras français ont lieu à l’étranger9, dont celle de Don Juan de Mañara. Trois des opéras créés en France peuvent être qualifiés d’œuvres d’avant-garde10 et sont donnés à l’Opéra de Strasbourg et à Paris. Par ailleurs, sept œuvres sont commandées par la Radio diffusion française, ce nouveau moyen de diffusion musicale qui dépouille désormais le théâtre lyrique de sa dimension visuelle11. Les grandes scènes de Province recommencent timidement à programmer de nouveaux opéras : pendant ces dix années, les théâtres d’Aix-en-Provence12, Fontainebleau13, Marseille14, Nancy15, Strasbourg16, Toulouse17 et Tours commandent et créent chacun une œuvre originale18. Seuls les théâtres municipaux de Bordeaux19 et Mulhouse20 en commandent deux. Les compositeurs dont au moins deux œuvres sont créées sont Claude Arrieu, Jean Françaix, Marcel Landowski, Darius Milhaud, Francis Poulenc et H. Tomasi. Ce dernier est en effet l’un des compositeurs français les plus prolifiques en matière d’art lyrique après la guerre, puisqu’il compose onze œuvres entre 1941 et 1965, créées dans un mouvement tout à fait représentatif de son époque : une à l’étranger, six en Province, deux en concert à Paris, une à l’ORTF et une à l’Opéra-Comique.
8Dans ce contexte, que reste-t-il de l’imaginaire de la rédemption ? Pour prendre l’exemple de l’Opéra de Paris, trois des quatre créations de ces années, avant un grand désert que rompt Ondine de Daniel-Lesur en1982, se rattachent à ce thème.
9Lucifer (1948), mystère pour soli, chœurs et orchestre, avait été composé par Claude Delvincourt en 1939-1940 sur un livret de René Dumesnil d’après Caïn de Byron, et la partition acceptée par Jacques Rouché en 1941 pour couronner le talent de S. Lifar. Toutefois le projet n’aboutit qu’après la guerre, certes mis en scène et chorégraphié par Lifar, ami proche de Tomasi, mais dansé par Roger Ritz, car Lifar est interdit de scène. L’œuvre mêle le mythe de Faust et l’épisode biblique d’Adam et Ève puis de leur fils Caïn. Caïn est séduit par Lucifer qui lui montre l’insignifiance de l’homme au sein de l’univers ; revenu parmi les siens Caïn tue son frère Abel et disparaît tandis que le chœur céleste promet la rédemption. Les auteurs cherchent dans la référence au mystère médiéval une voie spectaculaire nouvelle, retour aux sources caractéristique de l’une des tendances de la musique française depuis les années 1930. En outre, Lucifer associe ballet (les danseurs miment le drame sur scène) et chant de manière non conventionnelle (les solistes sont placés dans la fosse) et le sujet évoque à mots couverts les dilemmes de l’Occupation. Mise en abyme de la conscience française au sortir des années noires ?
10Composé en exil, le monumental Bolivar de D. Milhaud (1950) est le troisième volet de sa trilogie historique sud-américaine après Christophe Colomb (1928-29) et Maximilien (1930). La thématique de libération d’une nation asservie, de liberté mais aussi de solitude de l’homme de pouvoir, semble une allégorie de la résistance des français contre le IIIe Reich conduite par le général de Gaulle, où la figure féminine de Manuela symbolise le courage et la fidélité d’un enfant du peuple.
11Enfin Numance, opéra d’Henry Barraud (1955) d’après la pièce Destruction de Numance de Cervantès, évoque le siège de Numance par les Romains. Les habitants meurent de faim mais décident de périr plutôt que de se rendre à l’ennemi. Dernière création à l’Opéra avant une longue période de programmation de répertoire, elle renoue avec la tragédie lyrique car, comme l’indique le compositeur « ce sont des drames collectifs qui se transposent en drames contemporains ; c’est pourquoi le rôle principal est donné aux chœurs, parce que Numance est drame du peuple, donc drame collectif21 ». Les scènes de foule soulignent la présence d’un peuple-personnage et le style d’église est utilisé dans la scène du mort chantée a cappella. Ces trois œuvres s’ancrent cependant dans une représentation distanciée par la transposition temporelle (antiquité de Lucifer, Numance) ou géographique (Bolivar). Dès lors, comment se situe Don Juan de Mañara dans ce contexte ?
Don Juan de Mañara, point nodal
12Don Juan est une véritable obsession pour le poète lituanien Oscar Vlasdislas de Lubicz-Miloz. Sa dernière déclinaison du séducteur mythique est le mystère en six tableaux Don Juan de Mañara, inspiré de la vie d’un noble sévillan d’origine corse22, Don Miguel Mañara Vincetelo de Luca. Écrit à l’aube du premier conflit mondial, il s’appuie sur le testament de Mañara et met en scène un personnage lassé de ses frasques, métaphore de l’artiste sans inspiration et dont le renouvellement de l’œuvre passe par l’attrait pour la métaphysique, ce qui est précisément la trajectoire de Milosz. H. Tomasi compose une musique de scène pour cette pièce, entendue pour la première fois le 21 avril 1935 sur Radio-Colonial. Don Juan de Mañara en est le développement, drame lyrique construit en quatre actes, six tableaux parfois reliés par un interlude, six scènes closes dans une action sans autre unité que le temps de la vie du protagoniste : la lassitude, l’amour, la douleur, le repentir, le miracle et la rédemption. Cet itinéraire suit le plan classique « exposition, péripétie, dénouement », mais dans une logique de quête de sérénité héritée de Parsifal, sinon que le héros se sauve lui-même et qu’il n’est pas question directement de rédemption collective. Après avoir pris conscience de la vanité des plaisirs de la chair, il découvre l’amour et le perd. Il s’appuie sur ce sentiment effleuré, aussitôt perdu que révélé, pour construire son propre cheminement vers la rédemption, résistant à l’appel de Satan-l’Esprit de la terre qui tente de le reconquérir au dernier tableau.
13Pour son premier opéra, Tomasi choisit une œuvre qui s’accorde à l’esprit de son temps, mais aussi qu’il connaît bien et lui tend un miroir. Il avait effectivement traversé une crise personnelle pendant la guerre dont l’une des explications trouvait racine dans sa honte devant les positions du gouvernement français :
Pauvre France, on parle de capituler. Quelle Honte ! Alors qu’ici notre armée et notre moral sont intacts […] J’ai honte d’être Français quand je pense à nos politiciens […] Si la marine ne se rend pas, je partirai en Angleterre avec un corps de chasseurs pour continuer23.
14Très sensible, Tomasi est un être entier, idéaliste, qui ne peut se résoudre à observer passivement la lâcheté et la barbarie. Sans pour autant devenir un héros belliqueux et rédempteur de son pays, pendant l’Occupation il décide de se consacrer à Dieu et commence son noviciat au monastère de la Sainte-Baume près de Marseille. Entre 1941 et 1944, il y compose Don Juan de Mañara, témoignage de cette indécision, miroir de cette quête, mais dont l’issue diverge de la sienne puisque la naissance de son fils le 21 mars 194424 le ramène à la vie séculière. De cette période datent également le Requiem pour la paix, la Messe en ré qu’il détruit et dont il ne reste que le « Credo » (1941), plusieurs oratorios et Don Juan de Mañara. Toutefois, son engagement au Parti communiste français (1944-1946) montre sa volonté de s’engager dans une forme d’action, de participer au renouveau de la société.
15L’œuvre est créée le 29 mars 1956 à Munich sous l’intendance de Rudolf Hartmann et la direction d’André Cluytens avec « un succès éclatant25 ». Hartmann est à la mise en scène, Helmut Jürgens aux décors, « une série de tableaux de maîtres d’une originalité saisissante dont la technique miraculeuse mériterait une longue étude26 ». Paradoxe ou symbole que la création de Don Juan de Mañara en langue allemande par la troupe du Bayerische Staatsoper ? Depuis un siècle, l’Opéra de Bavière privilégiait les compositeurs germaniques, Mozart, Wagner et Richard Strauss ainsi que Schrecker, Korngold, von Schiller et Wolf-Ferrari. Sous la direction de Clemens Krauss (1937-1943), Mozart, Wagner et Strauss continuent à tenir l’affiche, bien qu’on entende aussi Orff et Egk. Après le bombardement de 1943, l’Opéra se maintient sporadiquement au Prinzregenten et, après la guerre, les ouvrages censurés sont repris et le répertoire s’élargit27. La programmation de Tomasi s’inscrit dans cette dynamique, toutefois bien loin des recherches fondamentales du festival de Donaueschingen. La première mondiale de Don Juan de Mañara suivie de cinq représentations semble un signe de l’Allemagne envers la France, comme le montre Erik Baeck28. Mais ne peut-on aussi comprendre le revirement de Mañara comme la rédemption possible de l’Allemagne post-hitlérienne ?
16Après l’aveu de ses fautes au quatrième tableau, Mañara s’adresse à Dieu, qu’il perçut à travers Girolama : « Ton grand amour me brûle le cœur, ton grand amour, ma certitude unique. O larmes ! O faim d’éternité ! O joie ! Hélas ! Pardonne ! Hélas ! Aime-moi29 ! ». Au sixième tableau, cet amour lui donne le courage de repousser, à grand renfort de citations bibliques, l’Esprit de la terre venu réclamer son âme : après une présentation a cappella balayant presque deux octaves close sur un long silence, le démon (baryton) entonne un virtuose scherzo berliozien à 6/8 sur un ambitus de treizième augmentée (la bémol - fa dièse), très chromatique et accompagné par les cuivres et les percussions. « Élevant les mains au ciel30 », le séducteur repenti (ténor) lui répond dans une ligne plus conjointe et diatonique, ne serait l’intervalle ultra expressif de dixième mineure ascendante (« la détresse31 »). Elle commence dans un ut mineur poignant, tonalité du repentir, dans une grande économie harmonique (accords de trois sons) avant de s’enrichir d’un puis deux contrechants, pour s’achever sur une apothéose interrogative de la majeur32 soulignée de grands accords homorythmiques. Puis l’œuvre s’achève par le récit du frère jardinier sur un contrepoint modal des anches bientôt rejoint par le motif des versets aux cordes qui clôt l’opéra sur la tierce picarde d’ut. Ce court finale tout en force et beauté rompt avec la fébrilité du scherzo satanique. Uniquement accompagné aux cordes en contrepoint de valeurs longues sous la ligne de chant, il annonce le lyrisme du Saint François de Messiaen.
Je suis voyageur en la terre ; ne cache point de moi tes commandements33.
Ne t’éloigne point de moi ; car la détresse est près de moi, et il n’y a personne qui me secoure34.
Mon âme est attachée à la poudre ; fais-moi revivre selon ta parole35.
Enseigne-moi d’avoir bon sens et connaissance, car j’ai ajouté foi à tes commandements36.
Sois attentif à mon cri car je suis devenu fort chétif37.
Délivre-moi du lieu où je suis enfermé38.
17Don Juan de Mañara affiche un classicisme fondé sur l’équilibre entre une vocalité profondément expressive et un orchestre aux timbres traités avec générosité. Cluytens confie à la Süddeutsche Zeitung :
L’élaboration de l’architecture sonore en général, l’intégration de la musique de scène dans l’espace mystique des voix et des sons, la balance idéale de la dynamique propre à chaque groupe instrumental, furent les aspects les plus frappants de cette création39.
18L’appréhension française de la catharsis diffère de la volonté allemande d’édification. Ainsi, pour les Allemands, accepter ainsi sur leur territoire une œuvre française aussi caractéristique peut sembler une main tendue, un pas vers la réconciliation des peuples à travers l’art qui serait une forme sinon de rédemption du moins de pardon. Don Juan de Mañara est repris à Bruxelles en 1958, Lisbonne en 1965, Mulhouse en 1967, Tours en 1981, Marseille en 1988 et Limoges en 2006 ; malgré sa réception à l’Opéra de Paris, l’œuvre n’y a toujours pas été montée.
Tomasi et la rédemption
19Toutefois, le thème de la rédemption n’est pas uniquement abordé par Tomasi dans Don Juan de Mañara. Tomasi puise dans son horreur devant les atrocités de la guerre et les camps de concentration la thématique du ballet Les Noces de cendres (1954) sur un livret de Hubert Devillez. Une jeune femme ne retrouve pas son fiancé dans le cortège des combattants au retour de guerre. Elle se réveille au terme d’une terrible cauchemar, perd la raison et meurt : son cœur cesse de battre, « vaincu par la guerre, cette folie des hommes40 ».
20À l’occasion de la création de Sampiero Corso, Émile Vuillermoz note que l’engagement du compositeur passe par l’humanisme :
Tomasi aborde les grandes œuvres de théâtre à une époque où les compositeurs de sa génération se débattent douloureusement dans des scrupules de forme, des théories et des systèmes instinctivement orientés vers le dépouillement, l’ascétisme et l’abstraction. Dans le monde entier, voué au pessimisme et à l’angoisse, les fils expient aujourd’hui, sans le vouloir, les péchés de sensualité, de gourmandise d’oreille et de voluptueux hédonisme commis par leurs pères. C’est l’une des lois obscures du mouvement de pendule dont la morale humaine a toujours respecté l’automatisme au cours des siècles. L’auteur de Don Juan de Mañara est en révolte ouverte contre ces attitudes de contrition et de pénitence. […] Henri Tomasi est un exemple vivant de sincérité, de loyauté et de courage en un temps où ces vertus tendent à disparaître au profit des opportunismes plus « payants » qu’encourage le snobisme. Il s’en trouve « récompensé » actuellement par une série de succès éclatants. Félicitons-nous de voir le capricieux Destin faire preuve d’une clairvoyance aussi inattendue41.
21Et le compositeur confirme son goût pour l’expression, les émotions, les sensations franches :
J’aime qu’une œuvre lyrique reflète un « climat » psychologique. Je suis un Méditerranéen. J’ai passé mon enfance en Corse et en Provence et les impressions poétiques qui m’ont marqué à cette époque m’ont laissé de fortes empreintes. C’est pourquoi je préfère aux demi-teintes la pleine lumière et les ombres profondes. J’aime ce qui est construit, ce qui est net, ce qui est sain. On donne trop dans le morbide, à l’heure actuelle. Rien ne vaut la nature et le soleil. Les snobs et les esthètes en chambre ne m’intéressent pas. J’écris mon théâtre pour le grand public, c’est-à-dire celui qui, à la sortie du travail, fait la queue pendant des heures dans le froid, sous la pluie et la neige et qui, impatiemment, attend « les 3 coups42 ».
22Après ce plaidoyer pour une musique directe, destinée à toucher l’auditeur, comment ne pas entendre résonner la voix de Tomasi lorsque le compositeur et officier Werner von Ebrennac s’exclame dans Le Silence de la mer (1963), après le Huitième prélude du premier livre du Wohltemperierte Klavier de J.S. Bach dans un arrangement pour piano et orchestre :
Cette musique la [sic], je l’aime, je l’admire, elle me comble, elle est en moi, comme la présence de Dieu, mais ce n’est pas la mienne. Je veux faire, moi, une musique à la mesure de l’homme, cela aussi est un chemin pour atteindre la vérité, c’est mon chemin43.
23Tomasi ne cherche pas à dénoncer la barbarie en déconstruisant le langage ou en bannissant l’expressivité, mais il choisit des sujets qui lui permettent de montrer le cheminement de l’homme vers la prise de conscience de son infamie et de ses efforts pour se racheter. Dans ce mouvement, il aborde le procès de Jeanne d’Arc et à sa réhabilitation dans son opéra-oratorio Triomphe de Jeanne (1956) sur un texte co-rédigé avec Philippe Soupault. Il s’intéresse aussi à la condition humaine dans sa Symphonie du Tiers-Monde (1968) à la mémoire d’Hector Berlioz – elle est en partie fondée sur une lettre adressée par le jeune compositeur à son père pendant sa résidence à Rome où il exprime des idéaux révolutionnaires et populistes, ainsi que sur des extraits de la pièce Une saison au Congo d’Aimé Césaire44. Son Concerto de guitare (1966) est composé à la mémoire du poète assassiné Federico Garcìa Lorca, et il dénonce la folie et la barbarie dans L’Éloge de la folie (1965), jeu satirique, symphonique, lyrique et chorégraphique en un prologue et deux scènes, adapté d’Érasme par Devillez, aux confins du ballet et de l’opéra.
Philosophiquement, c’est l’absurde, la barbarie – et je ne crois plus à rien, je n’espère plus en l’homme ! Le finale de L’Éloge, c’est le déclenchement d’une chasse à l’homme, d’une traque effrénée de la sagesse par les fous, que les hurlements de celle-ci exacerbent jusqu’aux paroxysmes des pires pulsions. […] Goya, policiers-SS, racisme, napalm45 !
24En effet, cette « Danse macabre46 » suit la conclusion du personnage de la Folie qui assène à la Sagesse gémissante :
Ni vous, ni moi, n’évitons aux hommes les tourments qui les assaillent, mais votre lucidité en accroît la douleur, et, pour comble, vous apportez la vision de leur fin dernière.
Grâce à mes diligences, à l’Ignorance, à l’Étourderie, à la Volupté, à l’Illusion, j’atténue au contraire, la conscience qu’ils prendraient de leur sort. Ils ne connaissent plus les remords, les frayeurs, les hontes qui assiègent et menacent, et je parviens à les faire rire de leur mort47.
25Enfin, son poème symphonique Chant pour le Viêt-Nam, créé peu avant sa mort, retrouve la thématique et la construction présentes dans Les Noces de cendres. Il s’inspire d’un texte de Jean-Paul Sartre et part de l’imitation d’une attaque aérienne, moteurs, sirène, affolement pour s’achever par un thrène résolu dans un agrégat aigu de violon et flûte, comme un rayon de lune posé sur l’apaisement de la nuit :
Ce petit peuple indomptable que la plus puissante nation du monde tente par les moyens les plus criminels de mettre à genoux, n’a ni peur, ni découragement, mais le plus souvent de la colère et toujours une résolution non pas farouche, mais raisonnée.
Demeurer un être humain dans ces conditions inhumaines est déjà un défi plus redoutable encore que les armes modernes braquées vers un ciel sans cesse menaçant et dont l’efficacité profonde vient peut-être de ce qu’elles sont servies par des jeunes filles. Efficacité pour plus tard, lorsque sur ce pays depuis si longtemps ravagé par l’étranger, sur ces fleuves paisibles et ces jonques féeriques, le soir ne déclenchera plus la savante multitude des stratégies, mais simplement, le chemin du songe48…
26N’est-il d’ailleurs pas symptomatique de constater que Tomasi termine son testament par : « Enfin la paix ! Seule justice sur cette stupide planète49 ! » Et dans une lettre à Jean Molinetti du 31 décembre 1969, il exprime son dégoût devant le monde contemporain :
De plus en plus la cruauté et la démence caractérisent notre temps, et l’homme est devenu une véritable bête de proie sans scrupules, que notre société moderne déguise (hypocritement). Nous entrons de plus en plus dans une ère de barbarie scientifique, bureaucratique, et technocratique redoutable, et Église a beau jeu de faire de la démagogie et de prôner le retour à la Religion (ce serait alors le signe d’une faillite philosophique et le déclin d’un climat social). […] Il faut lutter par n’importe quel moyen et suivant ses possibilités50 !
27Aucune rédemption ne serait-elle possible ? L’espoir mis en scène dans Don Juan de Mañara serait-il un leurre ? Son Il poverello [le petit pauvre] (1957), drame lyrique en deux actes sur un livret d’Albert Bonheur, s’attachait aussi à ce personnage rédempteur. Tomasi reconnaît que l’œuvre n’est pas aussi réussie que Don Juan de Mañara, mais il revendique ce sujet pour lequel il éprouvait un attrait « irrésistible et presque surnaturel. Il fallait que je le fasse. Contre tout et tous51. » En 1963, il se retire pour composer au monastère de Frigolet dont il envie la « foi naïve » des pères52. Une naïveté qui caractérise aussi la foi de Saint François et celle d’Olivier Messiaen, comme une alternative à la cruauté, à l’égoïsme et à la barbarie développées dans le monde occidental autour de valeurs commerciales et dominatrices, capitalistes, ou en orient avec l’asservissement des peuples au nom d’un régime dictatorial. Le Saint François d’O. Messiaen, professeur idolâtré des jeunes musiciens depuis les années 1940, déploie huit scènes closes comme les six de Mañara. Cette œuvre monumentale commandée par Rolf Lieberman au début des années 1970, comète mystique dans le ciel iconoclaste des années 1980, sonne le renouveau de l’opéra francophone.
28Ainsi, l’opéra français honni de l’avant-garde, même si Numance sacrifiait à l’esthétique de la contrition qui affleure aussi dans Dialogues des Carmélites de Poulenc, trouve après la Seconde Guerre mondiale un élan nouveau construit en partie sur l’imaginaire de la rédemption, non plus imitée de la figure du Christ comme chez Wagner, mais bel et bien dans l’observation des contradictions humaines et, parfois, l’espoir d’une renaissance. Ne peut-on penser que, grâce à la voie ouverte notamment par Tomasi dans Don Juan de Mañara mais aussi par Schönberg dans Moïse et Aaron, l’opéra peut sortir enfin de l’ostracisme qui s’est abattu sur lui au sortir de la guerre et recommencer à se déployer sur les scènes, servi par les compositeurs de générations qui n’ont pu se compromettre pendant le conflit mondial ?
Notes de bas de page
1 Dans cet article, le titre Don Juan de Mañara sera adopté. Sur la partition chant/piano, la page de couverture indique le titre Miguel Mañara et le sous-titre Don Juan de Mañara, tandis que la page de titre mentionne l’inverse.
2 Voir récemment Alain Galliari, Richard Wagner ou le salut corrompu, Magnanville, Le Passeur, 2013 ; Claus-Dieter Osthövener, « Konstellationen des Erlösungsgedankens », Wagnerspectrum, 5 (2), 2009, p. 51-80 et Micha Brumlik, « Erlösung von der Erlösung : Richard Wagners Christologie », ibid. p. 81-104.
3 Notamment Robert Donington, « The Search for Redemption in Wagner », The musical Times, vol. 130, n° 1751, p. 20-22 et Matthieu Glédel, Wagner et l’opéra de la rédemption, contribution à la question de la créativité mélancolique, Thèse de doctorat de psychologie soutenue le 6 mai 2010 sous la direction de François Sauvagnat, Rennes, Université de Rennes 2. http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/48/13/09/PDF/theseGledel.pdf (consulté le 23 septembre 2013).
4 Les dates indiquées dans les parenthèses sont celles de la création mondiale.
5 Voir Cécile Auzolle, « Les créations d’opéra français à l’Opéra de Paris entre 1945 et 1955 », dans Michel Noiray, Solveig Serre (dir.), Le Répertoire de l’Opéra de Paris (1671-2009), Analyse et interprétation, Paris, École des Chartes, coll. « études et rencontres » n° 32, 2010, p. 103-113.
6 Voir Cécile Auzolle, « La création lyrique à la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux (1936-1972) », dans L’Opéra de Paris, la Comédie-Française et l’Opéra-Comique : approches comparées (1669-2010), dir. Sabine Chaouche, Denis Herlin et Solveig Serre, Paris, École nationale des chartes, collection études et rencontres de l’École nationale des chartes (n° 38), 2012, p. 219-238.
7 Sandrine Grandgambe, « La Réunion des théâtres lyriques nationaux », dans La Vie musicale sous Vichy, éd. Myriam Chimènes, Bruxelles, Complexe, 2001, p. 109.
8 Arthur Honegger, Écrits, éd. Huguette Calmel, Paris, Honoré Champion, 1992, p. 144.
9 Marcel Landowski : Le Rire de Niels Halerius (légende lyrique et chorégraphique en trois actes, 1951, Mülhausen) ; Jean Françaix : L’Apostrophe (comédie musicale en un acte, 1951, Amsterdam) ; Marcel Mihalovici : Die Heimkehr (opéra en un acte, 1954, Düsseldorf) ; Darius Milhaud : David (opéra en cinq actes, 1954, Jérusalem) ; Henri Rabaud : Le Jeu de l’amour et du hasard (opéra en trois actes, 1954, Monte-Carlo) ; Marius Constant : Imagerie Saint-Michel (opéra-ballet, 1955, Venise) ; Henri Tomasi : Miguel Mañara (drame lyrique en quatre actes, 1956, Munich) ; Francis Poulenc : Dialogues des Carmélites (opéra en trois actes, 1957, Milan) ; Germaine Tailleferre : Parfums (comédie musicale en trois actes, 1951, Monte-Carlo) ; Darius Milhaud : Fiesta (opéra en un acte, 1958, Berlin).
10 Claude Arrieu : Noé (imagerie musicale en trois actes, 1950, Strasbourg) ; Pierre Schaeffer et Pierre Henry : Orphée 51 (opéra concret, spectacle expérimental, 1951, Paris, revu en Orphée 53, 1953, Donaueschigen) ; Marius Constant : Pygmalion (opéra de chambre, 1954, Paris).
11 Marcel Mihalovici : Phèdre (cinq scènes, 1950) ; Claude Arrieu : Les Deux Rendez-vous (opéra comique en un acte, 1951), Le Chapeau à musique (opérette enfantine en deux actes, 1953) ; Germaine Tailleferre : La Fille d’opéra, Le Bel Ambitieux, Monsieur Petitpois achète un château, La pauvre Eugénie, (4 opéras en un acte, 1955).
12 Henri Sauguet : Les Caprices de Marianne (opéra en deux actes, 1954).
13 Jean Françaix : Paris à nous deux ou Le nouveau Rastignac (fantaisie lyrique en un acte, 1954).
14 Claude Arrieu : Cadet Roussel (opéra bouffe en cinq actes, 1953).
15 Wal-Berg : Casanova (opéra-comique, 1955).
16 Marcel Delannoy : Puck (opéra féerique en trois actes, 1949).
17 Edmond Gaujac : Les Amants de Vérone (cantate, 1955).
18 Marcel Landowski : Rabelais, François de France (opéra-ballet en un acte, 1953).
19 Jean Françaix : La Main de gloire (opéra en quatre actes, 1951), Henri Tomasi : Sampiero Corso (drame lyrique en trois actes, 1956).
20 Henri Büsser : Roxelane (comédie lyrique en trois actes, 1948) ; Henri Tomasi : L’Atlantide (drame lyrique et chorégraphique en quatre actes, 1954).
21 Henry Barraud cité par Serge Moreux, « Numance », dans L’Opéra de Paris, t. 11, 1955, p. 38.
22 Olivier Piveteau, « Milosz », dans Pierre Brunel (dir.), Dictionnaire de Don Juan, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1999, p. 632.
23 Lettre de Henri Tomasi à son père, 23 juin 1940, citée par Frédéric Malmazet, « Une vie ricochante », Hommage à Henri Tomasi, L’Avant-scène opéra n° 109, mai 1988, p. 110.
24 Claude Tomasi est le dédicataire de Don Juan de Mañara.
25 Émile Vuillermoz, « Création de “Don Juan de Mañara” (29 mars 1956) », La Revue musicale n° 230, 1956, p. 29.
26 Ibid.
27 Klaus J. Seidel, « Munich », dans Stanley Sadie (éd.), The New Grove Dictionary of Opera, Londres, Macmillan, 1992, vol. 3, p. 520-521.
28 Erik Baeck, André Cluytens, itinéraire d’un chef d’orchestre, Wavre, Mardaga, 2009, p. 249.
29 Henri Tomasi, Miguel Mañara, don Juan de Mañara, Drame lyrique en quatre actes et six tableaux, [chant/ piano], Paris, Alphonse Leduc, 1952, p. 79-80.
30 Ibid., p. 131.
31 Ibid., p. 132.
32 Tonalité de la luxure, notamment associée avec fa mineur en polytonalité comme dans la scène de beuverie du premier tableau, ibid. p. 6 sq.
33 « Psaume CXIX, Ghimel, 19 », dans La Bible, Ancien testament, vol. 2, trad. fr. par Édouard Dhorme, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1959, p. 1164.
N. B. la traduction consultée n’est pas celle dont Milosz s’est inspiré.
34 « Psaume XXII, 12 », dans La Bible, Ancien testament, op. cit., p. 932.
35 « Psaume CXIX, Daleth, 25 », dans La Bible, Ancien testament, op. cit., p. 1165.
36 « Psaume CXIX, Têth, 66 », dans La Bible, Ancien testament, op. cit., p. 1168.
37 « Psaume CXLII, 7 », dans La Bible, Ancien testament, op. cit., p. 1207.
38 « Psaume CXLII, 8 », dans La Bible, Ancien testament, id.
Le livret est extrait de Henri Tomasi, Miguel Mañara, don Juan de Mañara, op. cit., p. 131-133.
39 Cité par Erik Baeck, id.
40 Henri Tomasi, Hubert Devillez, Les Noces de cendres, ballet, [argument en exergue de la partition chant/piano], Paris, Alphonse Leduc, 1953, p. n. n.
41 Émile Vuillermoz, « Henri Tomasi », La Revue musicale n° 230, 1956, p. 5-6.
42 Henri Tomasi, « Pour un théâtre lyrique qui ne soit pas déraciné », La Revue musicale, ibid., p. 8.
43 Henri Tomasi, Le Silence de la mer, drame lyrique en un acte pour baryton solo et orchestre d’après le récit de Vercors, partition chant et piano, Paris, Choudens, 1960, p. 20-21.
44 Henri Tomasi, « Tomasi – Symphonie à la mémoire d’Hector Berlioz », dans Symphonie du Tiers-Monde pour Orchestre, [Partition de poche], Paris, Alphonse Leduc, 1968, p. n. n.
45 Henri Tomasi, Autobiographie au magnétophone, [réalisée par Claude Tomasi] juillet 1969, citée par Frédéric Ducros, « Les opéras d’Henri Tomasi, musicien appassionato et méditatif », dans Danièle Pistone (dir.) Le Théâtre lyrique français 1945-1985, Paris, Honoré Champion, 1987, p. 304-305.
46 Henri Tomasi, L’Éloge de la folie, partition d’orchestre, Paris, E.F.M.-Technisonor, 1969, p. 134.
47 Ibid., p. 130-133.
48 J.-P. Sartre, cité par H. Tomasi dans son Chant pour le Viêt-Nam, poème symphonique pour orchestre inspiré par ce texte de J.-P. Sartre, Partition d’orchestre, Éditions musicales Transatlantiques, Paris, 1970, p. n. n.
49 Cité par Frédéric Malmazet, « Une vie ricochante », Hommage à Henri Tomasi, L’Avant-scène opéra n° 109, mai 1988, p. 112.
50 Ibid.
51 Lettre de Henri Tomasi à Jean Molinetti, mars 1961, citée par Frédéric Ducros, « Les opéras d’Henri Tomasi… », op. cit., p. 303.
52 Lettre d’Henri Tomasi à Jean Molinetti, février 1963, citée par Frédéric Ducros, « Les opéras d’Henri Tomasi… », op. cit, p. 304.
Auteur
Université de Poitiers
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