L’influence de la Corse dans l’œuvre d’Henri Tomasi
p. 297-322
Texte intégral
1Bien que de sa jeunesse à sa maturité, la Provence fût pour Henri Tomasi une source d’inspiration privilégiée, – il nous laisse, en effet, de nombreuses partitions qui en témoignent : des ballets, La Rosière du Village (1935), Les Santons (1937), Les Folies mazarguaises (1951), des pièces orchestrales ou concertantes, les Nuits de Provence (1951), les Pastorales provençales (1961), des œuvres lyriques d’après Alphonse Daudet, La Chèvre de Monsieur Seguin (1962-63), Deux Ballades en prose (1964), L’Élixir du Révérend Père Gaucher (1962), ou bien encore des arrangements de chants traditionnels tels que les Noëls de Nicolas Saboly (1962) – son influence, tant sur son univers personnel que musical ne nous semble cependant pas avoir la même importance que celle qu’exerça sur lui la Corse depuis son plus jeune âge. Nous essaierons donc de comprendre les raisons de cet attrait, de voir la façon dont s’est manifestée cette influence et d’en analyser les répercussions dans le processus créateur de ce musicien qui aimait à dire : « La mer Méditerranée et sa lumière, c’est cela pour moi la joie parfaite1. »
L’initiateur
2H. Tomasi naît à Marseille de parents corses. Sa famille est originaire de la Casinca, au nord-est de la Corse, précisément du village de Penta2. C’est au début du mois de mai 1892, que son père Xavier Tomasi3, à l’instar de quelques-uns de ses amis, décide, en accord avec sa famille de quitter l’île et de se rendre à Marseille afin d’y trouver du travail. Peu de temps après, il commence l’étude de la musique et de la flûte traversière4. En 1895, il obtient une première mention de flûte et de solfège au Conservatoire de Marseille et en 1898 son premier prix de flûte. À dix-huit ans, il s’engage pour quatre ans dans la Musique du 141e Régiment d’infanterie, qui était installée au Fort Saint-Jean. Au sortir de son service militaire, après quelques emplois de musicien, il entre dans l’administration des Postes comme facteur5.
3Flûtiste amateur, X. Tomasi donne des leçons particulières, fait des arrangements musicaux, joue dans quelques-uns des grands hôtels de la cité phocéenne6 et dirige l’Orphéon7 de son quartier, à Mazargues, où il réside depuis 1904, après que l’administration des Postes l’y ait nommé quelques temps auparavant. Dans ce lieu situé dans la périphérie de Marseille et dans lequel il restera de nombreuses années8, X. Tomasi loue un appartement de quatre pièces avec un joli jardin qu’il rebaptise « Villa Berlioz9 » dès son arrivée.
4Esprit curieux, doté d’une très forte personnalité, mélange de raffinement et de rusticité, cet autodidacte est féru de tout ce qui se rapporte à la Corse. Son histoire en premier lieu, mais aussi ses traditions ancestrales et, bien évidemment, sa musique. C’est à regret qu’il a dû quitter l’île, aussi, dès qu’il le peut, il y retourne. Et, probablement parce qu’il perçoit que le monde dans lequel il vit est en pleine mutation et qu’une partie du folklore qui a bercé son enfance sera irrémédiablement perdu si personne ne témoigne très vite de son existence, il va, comme d’autres musiciens de sa génération, sensibles à ces mêmes bouleversements, s’attacher à faire en sorte que ce patrimoine musical qui s’est transmis à travers les âges par tradition orale, demeure à jamais vivant, en partant dans la campagne corse pour le recueillir auprès de ses habitants.
5Il en résultera deux ouvrages. Tout d’abord Corsica10, en 1914, un recueil de quinze chansons populaires harmonisées, puis en 1932, Les Chansons de Cyrnos11, une « anthologie de la chanson populaire de l’Ile de Corse ». D’une plus grande ampleur que le précédent, ce livre propose un corpus d’une cinquantaine de chants et de danses que l’auteur analyse en les replaçant dans leur contexte historique et sociologique. Le travail de X. Tomasi fut salué à sa sortie12. Ce dernier avait su s’entourer de collaborateurs de grande qualité. La préface de son ouvrage avait été écrite par Paul Arrighi, qui allait devenir l’un des grands historiens de la Corse au xxe siècle13. Il avait confié les illustrations à son ami le peintre Marcel Poggioli14 avec lequel il avait déjà collaboré à l’occasion de son précédent recueil Corsica ; enfin, l’ouvrage était paru chez l’éditeur et photographe Fernand Detaille15, qui avait été l’un des successeurs de Nadar au cours des premières années du xxe siècle dans son studio marseillais du 21, rue de Noailles16. Son livre Les Chansons de Cyrnos est désormais considéré comme un ouvrage de référence sur la musique de l’Île de Beauté.
Une référence constante à l’Île de Beauté
De sa prime jeunesse…
6Initié à la musique par son père, H. Tomasi, va, durant sa jeunesse être bercé dans cette atmosphère corse. Si sa première œuvre de 1916 est une Valse de concert17 dans le style de la musique de salon de la fin du xixe siècle, dès la quatrième, au printemps 1918, il va faire référence à la Corse, avec un prélude de piano qu’il intitule Le Poème de Cyrnos18 et dans lequel il utilise pour la première fois un des thèmes issus des collectes de son père. Il s’agit du thème d’un Vocero19, « O Matteu di la Surella20 ».
7L’année suivante, en 1919, il compose une mélodie intitulée Le Jeu21, sur un poème de Baudelaire, extrait des Fleurs du Mal, qu’il signe sous le pseudonyme de Henry de Sorbo, Sorbo étant un petit village en contrebas de Penta di Casinca.
8Durant ses années d’études au Conservatoire national de musique de Paris, la Corse et sa musique vont représenter assez rapidement une façon pour lui de se « singulariser » auprès de ses camarades ainsi que de ses professeurs. En 1921-1922, alors qu’il est élève en harmonie chez Charles Silver22, puis en contrepoint et fugue chez Georges Caussade23, il compose une Suite pour quatuor à cordes24 qui débute par un « thème de “Vocero25” ». Au mois de décembre 1922, H. Tomasi écrit à son père qu’il va « […] entreprendre une fugue instrumentale bâtie sur un thème de “Vocero”, travail de classe qu’[il va] tâcher de rendre intéressant pour pouvoir le faire exécuter peut-être un jour26. […] ». Un mois plus tard, en janvier 1923, il lui explique qu’il :
ne fai[t] que retoucher [s]a fugue corse. Je crois qu’elle fera sensation, car c’est la première fois qu’un élève se hasarde à présenter une fugue sur un thème populaire corse. Avec cela il va falloir que je leur explique à tous ces lorgneurs les âpretés qui donnent un ton si spécial à cette fugue, et certainement j’aurai quelques difficultés à les faire comprendre à quelques-uns27.
9L’année suivante, lors du premier examen trimestriel de l’année 1924, il va intégrer la classe de composition de Paul Vidal28. À cette occasion il présente une pièce intitulée : Air corse varié29 pour piano. Dans la lettre envoyée à son père deux jours plus tard, il précise : « Mon examen a très bien marché. Ravel, Dukas, Bruneau, Tournemire, Rabaud, étaient du jury et j’ai fait excellente impression30. »
… À la maturité
10Présent dès sa jeunesse, cet attrait pour la Corse jalonnera l’ensemble du parcours compositionnel d’H. Tomasi. À l’intérieur de celui-ci, les chansons traditionnelles tiennent un rôle essentiel. Elles sont présentes tout d’abord sous forme de mélodies harmonisées, telles les Six Mélodies populaires corses31, dans des mélodies dont les paroles initiales sont parfois revisitées par des poètes : les Chants corses32, sur des poésies françaises et corses de Pierre Leca ou les Cantu di Cirnu33, sur des poésies de Santu Casanova, ou bien sous forme de chœurs, pour voix de femmes a cappella ou avec orchestre : Les Chants de l’Île de Corse34. Des traditions insulaires séculaires ou des œuvres inspirées par la Corse à d’autres grands créateurs sont à l’origine d’un second ensemble de compositions35. Dans celui-ci l’on trouve des œuvres telles qu’Obsessions36, pour violoncelle et piano ou orchestre, le poème symphonique Vocero37, les Variations grégoriennes sur un Salve Regina38, pour trompette et orchestre à cordes ou orgue ; on trouve également Colomba39 et Matteo Falcone40, des musiques pour les pièces radiophoniques de Michel Murray et Jean Silvain et de Pierre Luccioni et Louis Seigner d’après les nouvelles de Mérimée.
11Une troisième catégorie d’œuvres a pour point de départ l’Île de Beauté et la rêverie qu’elle inspire au compositeur. Cette île se fait Île de Lumière41 chez Marcel Pagnol et Île d’Amour42 chez Maurice Cam. H. Tomasi a écrit la musique de ces deux films43, le second ayant son ami le chanteur T. Rossi44 comme acteur principal. Parmi ses autres compositions, retenons les Paysages45 pour piano qui sont des « paysages cyrnéens », Cyrnos46, poème symphonique pour orchestre et piano principal, l’envoutante Paghiella47, sérénade cyrnéenne, pour violon et piano, écrite pour son ami d’enfance, le violoniste Zino Francescatti48, le Divertimento Corsica49, pour trio d’anches, les Impressions Cyrnéennes50, pour orchestre ou bien encore dans un registre plus intimiste Le Petit Chevrier corse51.
12Une composition, quant à elle, a un statut particulier dans l’œuvre d’H. Tomasi. C’est l’opéra Sampiero Corso52. Retraçant quelques-uns des épisodes marquants de la vie du libérateur de l’île au xvie siècle, il fait, en quelque sorte, la synthèse de tout ce qui se rapporte à la Corse dans l’œuvre de ce compositeur.
La chanson traditionnelle corse
13Hormis les mélodies populaires harmonisées, arrêtons-nous maintenant sur quelques grandes compositions d’H. Tomasi et regardons le rôle que tiennent la Corse et sa chanson traditionnelle à l’intérieur de celles-ci. Pour cela, nous nous appuierons essentiellement sur les ouvrages de X. Tomasi, qui représentaient sa première source de connaissance de ce folklore53. Précisons que notre propos n’est pas de faire ici un travail musicologique sur la chanson traditionnelle corse, que ce soit sur les diverses origines des mélodies, sur leurs différentes variantes (texte, musique), de même que sur la paternité de certaines transcriptions, mais de voir comment ce corpus avec lequel il est entré en contact grâce à son père a nourri son œuvre musicale.
Musique de chambre
14C’est en 1925 qu’H. Tomasi compose ses Variations sur un thème corse. Cette œuvre pour quintette à vent est écrite alors qu’il est encore élève au Conservatoire de Paris, deux ans avant l’obtention de son Premier Second Grand Prix de Rome.
15H. Tomasi utilise ici pour la première fois le thème d’une berceuse en dialecte du Coscione54, Nanna, auquel il fait subir deux très légères modifications mélodiques et rythmiques qui contribuent à donner encore plus d’élégance à ce très beau thème (cf. exemples 2a et 2b).
16Puis, tout au long des six variations, il explore les différents chemins que l’on peut prendre dans des variations ornementales55. L’œuvre, très intéressante et déjà très personnelle, montre un jeune compositeur qui a un sens évident de la couleur et du timbre.
Musique concertante
17Une des premières œuvres56 importantes d’H. Tomasi est le poème symphonique pour orchestre et piano principal Cyrnos. Il le compose en Corse, à Loreto di Casinca, un village proche de Penta, durant l’été 1929. H. Tomasi s’est marié quelques mois auparavant avec une jeune fille de vingt-et-un ans, Odette Camp, qui fait ses études aux Beaux-Arts. Le jeune couple passe pour la première fois ses vacances en Corse. Dans ce village de montagne, H. Tomasi a fait venir de Bastia un piano droit, qui a été transporté, d’abord en camion puis pour les derniers kilomètres, à dos d’ânes. L’instrument est un sujet d’émerveillement pour les habitants qui n’en n’avaient jamais vu !
18Ainsi qu’H. Tomasi l’écrit en exergue de sa partition :
Cyrnos exprime les sentiments personnels de l’Artiste qui tressaille au souvenir de son pays. Il se laisse inspirer avec volupté par l’âme collective d’une race qui s’exhale avec sincérité du joyeux tumulte d’une tarentelle ou de la tristesse douloureuse d’un Vocero. Il se penche avec amour sur ces deux seuls berceaux, s’en empare et symbolise toute l’âme corse.
19Cyrnos utilise plusieurs musiques traditionnelles. La partition débute par une danse, la Zilimbrina (exemples 3a et 3b), une « ronde-tarentelle » d’origine napolitaine, présente très fréquemment en corse.
20H. Tomasi utilise la première partie du thème de cette chanson en si mineur harmonique et pour lui donner plus de relief et de couleur, rend son septième degré naturel. Par la suite, il fait entendre à nouveau la célèbre berceuse en dialecte du Coscione, Nanna, « une des plus justement répandues en Corse57 » écrit X. Tomasi qui ajoute que sa « […] mélodie est empreinte d’un caractère si original qu’on pourrait la croire écrite par un lettré si nous-même ne l’avions notée en 190858 ». C’est cette mélodie qu’Henri Büsser utilise dans son drame lyrique Colomba59, d’après l’œuvre de Prosper Mérimée. Si cette mélodie avait un côté apaisé et serein tant chez H. Büsser que chez H. Tomasi dans les Variations sur un thème corse, il n’en est plus de même dans Cyrnos. Second thème de l’œuvre, la mélodie de la berceuse du Coscione est donnée au piano solo et dans une tonalité mineure, deux éléments qui contribuent à lui donner une allure dramatique, impression renforcée par l’utilisation des premières mesures d’une autre chanson, un vocero, un chant de douleur et de déploration donné à la suite de la mort violente d’un proche60 (cf. exemple 1).
21Cyrnos, intitulé poème symphonique pour orchestre et piano principal et non concerto pour piano et orchestre, est une œuvre issue de la tradition française initiée par Franck et continuée par d’Indy. Créé par la pianiste L. Descaves et H. Tomasi à la tête de l’orchestre des Concerts Pasdeloup61, Cyrnos est une partition empreinte d’une certaine juvénilité mais aussi d’une grandeur tragique. Elle sera bien accueillie, tant par le public que par la presse, qui ne manquera pas de voir en cette composition l’œuvre d’un jeune compositeur très prometteur. Alfred Bruneau trouvera que « […] les thèmes, tantôt violents et incisifs, tantôt voluptueux et tendres, ne manquent ni de saveur, ni de couleur, ni de mouvement, ni d’éclats62. » Florent Schmitt, dans sa critique fort redoutée du Temps63, écrira quant à lui : « […] j’aimais beaucoup le début enflammé, sauvage presque, dans un déchaînement orchestral de bon augure. Et ce qui est mieux encore, des idées originales, du souffle, un peu de ce lyrisme, enfin, désormais si rare chez les jeunes. […] »
Musique pour orchestre
22Entre 1931 et 1932, H. Tomasi compose deux poèmes symphoniques. Tam-tam64, puis Vocero. Dans ce dernier, il met en musique une tradition insulaire évoquée précédemment, une cérémonie se déroulant après une mort violente. Le compositeur explique, dans sa notice :
[qu’]En Corse, quand le stylet a fait une victime, celle-ci est transportée dans sa demeure et déposée sur la « tola ». Le glas annonce aussitôt la nouvelle. Les femmes de la parenté envahissent la chambre mortuaire, on commence la « gridatu », vocifération se traduisant par des lamentations traversées de brûlants serments de vengeance. Puis, les pleureuses se prennent par la main et, d’un rythme qui s’accélère à mesure que le vertige les saisit, elles dansent autour du corps la ronde funèbre du « Caracolu », que suit bientôt un morne silence. Une voceratrice (une parente), comme pour prendre le mot d’ordre, colle son oreille sur la bouche du mort et entonne le « Vocero ». L’orage débute par un soupir, se poursuit dans des litanies passionnées ou réminiscences de la vie intime et s’achève enfin par un appel à la vengeance.
23L’œuvre s’appuie sur deux chansons traditionnelles. La première est une chanson politique que le compositeur modifie dans sa tournure mélodique et rythmique
24La seconde est un Lamento de deuil « d’une amie pour la mort d’une fille de quatorze ans65 ». L’harmonisation d’H. Tomasi joue sur les dissonances et donne à cette pièce un relief saisissant dès les premières mesures.
25Vocero est incontestablement une œuvre qui montre l’aisance de ce jeune compositeur dans l’art d’orchestrer et d’évoquer.
26Durant les années trente, H. Tomasi a une activité très importante de musicien de radio, qui l’amène, en 1934, à composer la musique de scène de la pièce radiophonique de Michel Murray et Jean Silvain, Colomba66 d’après l’œuvre de Mérimée. De cette musique, il tirera de trois fragments symphoniques. Dans la brève notice de l’œuvre, le compositeur explique que :
[…] le premier morceau est entièrement construit sur deux thèmes. L’un violent qui synthétise toute la personnalité de Colomba, son caractère farouche, sa soif de vengeance ; l’autre tendre et douloureux exprime toute son affection pour son frère qui vient enfin venger la mort de leur père.
27C’est à nouveau la chanson traditionnelle corse qui lui fournit ses éléments thématiques. Il reprend le thème du « Vocero de Jean Mathieu et Pascal », d’une grande portée dramatique, déjà utilisé dans le Poème de Cyrnos et dans le poème symphonique avec piano principal, Cyrnos (cf. exemple 1). Il se sert également à nouveau du thème de la berceuse du Coscione, Nanna, qu’il avait utilisé dans Cyrnos (cf. exemple 2).
28« Les éléments déchaînés et l’attente angoissée de Colomba, voilà ce qu’a cherché à exprimer l’auteur dans le deuxième tableau ». Après une introduction fougueuse, H. Tomasi utilise le thème d’une autre version de la berceuse du Coscione.
29Au troisième tableau de Colomba :
Le vent est tombé. Dans la vieille demeure silencieuse, Colomba inquiète prie. On vient l’avertir que son frère est vivant et que son père est vengé. La joie de Colomba se manifestera par une action de grâce au Seigneur, conclusion qui évoquera toute l’âme ardente et mystique de la Corse.
30Le thème principal qui va nourrir tout ce passage est ici celui du Dio vi salvi Regina, l’hymne religieux des Corses dont H. Tomasi avait fait, l’année précédente, une reconstitution et une harmonisation67. Minorisé, déformé rythmiquement, etc., il est donné dans son intégralité à l’orchestre seul dans une harmonisation verticale à la fin de l’œuvre.
31Le Divertimento Corsica pour trio d’anches et cordes a été composé en 1951. Il comprend quatre mouvements : le premier porte le nom d’une sérénade corse, Paghiella, le second est un nocturne, Cimetière marin, auquel succède une Danse-sérénade, l’œuvre se terminant presto giocoso avec une évocation de La Foire du Niolo. Le Divertimento Corsica est un véritable florilège de musiques traditionnelles corses. Ainsi dans le premier mouvement, H. Tomasi utilise le thème d’une « danse mauresque » notée par son père,
32le thème de la chanson François, caru di mama68, une complainte douloureuse où le thème est majorisé et donné par le hautbois dans l’aigu.
33De même qu’un extrait de la Sérénade Béatrice, « sérénade d’un jeune homme de Serra, repoussé par sa belle qui se fit bandit par suite d’un chagrin d’amour » nous dit X. Tomasi, cette dernière mélodie étant confiée au basson.
34Le second mouvement, Cimetière marin, d’une grande poésie, comme l’ensemble des mouvements lents chez Tomasi, permet d’entendre dès les premières mesures la tête du thème de la berceuse du Coscione Nanna, donné dans le registre grave de la clarinette en si bémol (cf. exemple 6b).
35Ce thème précède celui d’un Lamento de deuil, « sur la mort du curé Santucci de Petricaggio d’Alessani », donné en opposition dans l’aigu au basson.
36Au début du troisième mouvement, Danse sérénade, H. Tomasi utilise le thème du Vocero de Maria Felice de Calacuccia « sur la mort de son frère qu’un bandit vient de tuer » qu’il modifie mélodiquement tout en gardant sa carrure rythmique. Il fait de même dans la seconde partie de la mélodie de cette chanson.
37Le dernier mouvement, la Foire du Niolo, de tempo presto, commence par le thème d’une chanson politique, à caractère humoristique : « O lu nostru meru di Corti, E cortu d’infurcattura, S’ellu si ne völe andà, Li paghemu la vittura69 […} » (cf. exemple 4c).
38Il se poursuit par le thème d’une danse à l’origine dans un tempo lent, mais qu’ici Tomasi utilise dans un tempo rapide70.
39Lui succède la deuxième partie du thème d’une variante de la berceuse en dialecte du Coscione. Là aussi, la chanson à l’origine dans un tempo lent, – c’est une berceuse – est donnée dans un tempo rapide. Le morceau se conclut avec un thème provenant de la partie centrale du Chant des Bonifaciens, une « chanson politique qui se dit d’abord sur un air enjoué et qui finit lugubrement et presque sur un thème de Vocero ».
L’Opéra
40Abordons maintenant l’opéra, un genre qu’a affectionné H. Tomasi tant comme spectateur, dès sa prime jeunesse que comme compositeur. Rappelons qu’il est l’un des musiciens français qui a composé le plus grand nombre d’opéras au xxe siècle71.
41Au début des années trente, H. Tomasi envisage de composer une œuvre lyrique sur un sujet corse en collaboration avec deux librettistes originaires de l’île de beauté : Jean Bastia72 et Michel Lorenzi de Bradi73. J. Bastia était un auteur de vaudevilles, de revues et de livrets d’opérettes74. M. Lorenzi de Bradi eut une activité importante de journaliste, collaborant à la plupart des grands quotidiens et revues littéraire de la première moitié du xxe siècle75.
42Les trois amis souhaitaient faire un opéra sur Savilia, du nom d’une femme de la fin du Moyen Âge, dont Antoine Valéry, bibliothécaire du roi aux palais de Versailles et de Trianon, raconte l’histoire dans un ouvrage intitulé : Voyages en Corse, à l’Île d’Elbe et en Sardaigne76. Il s’agit d’une histoire assez sombre : Savilia Franchi, veuve de Lucien de Franchi redoutant la puissance d’un puissant voisin nommé Guidice d’Istria :
[…] feignit de vouloir l’épouser, et comme Giudice accompagné d’une suite peu nombreuse lui rendait visite, elle le fit arrêter et enfermer. Chaque matin, l’inhumaine Savilia descendait à la prison de Giudice, et là, découvrant son sein et ses autres appas qu’elle lui montrait à travers les barreaux, elle lui disait avec ironie : « Comment un homme aussi laid que toi (Giudice en effet, dit-on n’était pas beau) a-t-il pu croire qu’il posséderait tout cela ? » Le captif étant parvenu à gagner la camériste de Savilia, ses gens avertis par le son de la trompe parti du château, le délivrèrent. La punition que cet amant si cruellement déçu imagina fut horrible : il fit mettre Savilia dans une espèce de baraque […] au milieu des bois sur la route, et l’exposa aux prostitutions publiques des femmes de Babylone : au bout de trois jours Savilia avait succombé aux affronts réitérés des passants77.
43Si H. Tomasi, J. Bastia et M. Lorenzi de Bradi ne parvinrent pas finalement à faire aboutir ce projet, en revanche, la même année, la collaboration entre H. Tomasi et M. Lorenzi de Bradi se concrétisa avec les Six mélodies populaires corses, pour lesquelles ce dernier réalisa une traduction française78.
44Il est un autre sujet corse qui intéressa au plus haut point H. Tomasi depuis sa prime jeunesse. C’est l’histoire de Sampiero Corso, l’un des trois Corses les plus célèbres avec Pascal Paoli et Napoléon Bonaparte. Au xvie siècle, le condottiere Sampiero Corso, avec l’aide de la France, libéra un temps l’île de la domination génoise. Ce peuple n’abandonna pas cependant ses prétentions sur la Corse. Quelques années plus tard, en effet, la jeune femme de Sampiero, Vannina d’Ornano, en l’absence de son mari parti en mission pour la France en Turquie, se laissa influencer et persuader par le précepteur de ses enfants, l’abbé Michel-Ange Ombrone, un espion au service des génois de prendre le parti de la République. Averti de la trahison de sa femme, Sampiero fit intercepter le navire qui l’emmenait chez l’ennemi héréditaire. Condamnée à mort, elle demanda, en espérant peut-être que cela lui permettrait de garder la vie sauve, à être exécutée par son mari et non par le bourreau. Mais Sampiero ne recula pas à commettre ce geste barbare.
45Cette histoire tragique inspira à H. Tomasi l’écriture d’un opéra qu’il composa au milieu des années cinquante avec la collaboration de Raphaël Cuttoli pour le livret79. Rappelons qu’à cette période, les œuvres d’H. Tomasi triomphaient sur les grandes scènes françaises et européennes. Sampiero Corso fut créé au Mai musical de Bordeaux, l’un des grands festivals de cette époque, le 06.05.1956, avec Régine Crespin et Ken Neate dans les rôles principaux, avant d’être donné le mois suivant lors du Holland Festival80.
46Sampiero Corso est la plus importante des compositions d’H. Tomasi consacrée à la Corse, à son histoire, à ses coutumes. Elle représente une sorte d’aboutissement, de point culminant de son acte d’amour pour cette île. Écrire Sampiero Corso pour ce dernier, procède du même besoin impérieux que celui que put avoir un Olivier Messiaen lorsqu’il composa Saint François d’Assise. Ajoutons qu’un autre personnage espéra toute sa vie la composition de cette œuvre, c’est X. Tomasi, et le destin voulut qu’il décèdât le soir du 04.05.1956, deux jours avant la création de l’œuvre. Comme H. Tomasi l’écrira à son ami Jean Molinetti :
[…] Oui, mon succès a été terni par cet événement, et le soir de la première, j’étais bien désemparé. Il n’y avait aucune solution, sinon celle de rester. Toute l’ouverture du Festival était entre mes mains. Mon père était tellement heureux d’écouter… Depuis tant d’années, il me disait toujours : je finirai par mourir sans avoir entendu Sampiero81 !!!!!
47L’opéra Sampiero Corso a la particularité d’utiliser de larges passages de quelques-unes des grandes œuvres sur des thèmes corses étudiées précédemment. Le début de l’opéra reprend ainsi, à l’orchestre seul, une partie importante du poème symphonique Cyrnos, dans lequel, rappelons-le, H. Tomasi avait introduit deux musiques du corpus traditionnel corse : celui d’une tarentelle (cf. exemples 3a et 3b) et celui d’une berceuse en dialecte du Coscione, Nanna, qui était confié au piano (cf. exemple 2b).
48Dans Sampiero Corso, cette musique reprend sa fonction initiale de chant. Toujours aussi dramatique, elle est interprétée par la Vocératrice. Un court prélude (facultatif) est un souvenir d’une autre célèbre berceuse : O Ciuciarella82.
49L’air que chante Vannina, l’épouse de Sampiero : « Dormi, dormi, figliulucciu caru83 », reprend quant à lui la mélodie d’une variante de la berceuse du Coscione (cf. exemple 6). Le ballet central, intitulé La Moresca utilise le thème de la danse corse84 entendue au début du Divertimento Corsica (cf. exemple 8).
50L’intégralité des fragments symphoniques de Colomba, issus de la musique de scène pour la pièce éponyme de M. Murray et J. Silvain se retrouve également dans l’opéra Sampiero Corso : le « Vocero de Jean Mathieu et Pascal », toujours synonyme de grande tension dramatique (cf. exemple 1), ainsi que la mélodie du Dio vi salvi Regina (cf. exemple 7) chantée par Vannina seule ou par le chœur. L’Hymne de Sampiero apparaît quant à lui aux moments clés de la partition85.
51Enfin, la dernière partie de l’opéra utilise intégralement le poème symphonique Vocero, auxquels se joignent les chœurs (cf. exemples 4a, 4b, 5a et 5b).
52L’utilisation de thèmes musicaux issus de la chanson traditionnelle corse se retrouve également dans des œuvres qui n’ont pas un rapport direct avec l’Île de Beauté. Nous prendrons pour cela l’exemple de l’opéra Don Juan de Mañara, d’après le Mystère d’Oscar Vladislas de Lubicz Milosz, une œuvre composée par H. Tomasi pendant la Seconde Guerre mondiale. Peut-être pourrait-on cependant m’objecter que le véritable Don Juan a des racines insulaires, certes, mais le sujet de la pièce de Milosz n’est cependant pas spécifiquement lié à la Corse. Son héros, en effet, à l’inverse de celui de Mozart et de Da Ponte, touché par la Grâce, abandonne sa vie de débauche pour la consacrer à Dieu.
53Dix ans avant la composition de cet opéra, H. Tomasi avait écrit tout d’abord une musique de scène pour Miguel Mañara, la pièce de Milosz86 dont il tira quelques temps plus tard une suite d’orchestre éponyme en quatre mouvements87. La plupart des mélodies empruntées au répertoire traditionnel corse présentes dans Miguel Mañara se retrouvent dans l’opéra Don Juan de Mañara, mais leur harmonisation ou leur orchestration est très différente et montre désormais une maturité encore absente dans Miguel Mañara. Ainsi, la délicieuse « chanson de pêcheur » que l’on trouvait au tout début du deuxième mouvement de Miguel Mañara, La Dernière sérénade, se retrouve-t-elle au début de l’opéra, mais l’utilisation cette fois-ci de l’intervalle de triton en modifie totalement l’aspect, en lui donnant une proximité avec le monde arabo-andalou, l’action de l’opéra se déroulant à Séville.
54Le thème de « Barcarolle » présent également à l’orchestre dans Miguel Mañara est maintenant chanté par Don Jaime.
55Le thème de la « Sérénade », Ma bella, ma bella, par laquelle commençait la suite Miguel Mañara, se retrouve lui aussi au moment où Don Jaime fait part à Don Juan qu’il y a à Séville, « une jeune fille pure, douce ».
56La « Chanson de berger », Una sera, utilisée de façon assez gracieuse dans Miguel Mañara, prend dans l’opéra un tout autre aspect de par son rythme et le fait qu’H. Tomasi l’ait minorisée.
57La chanson « François, caru di mama88 », modifiée mélodiquement et rythmiquement est présente dans le début de l’Interlude du deuxième tableau de l’acte I (cf. exemples 9a et 9c).
58Enfin, comme à chaque fois qu’il y a un passage religieux dans l’une de ses œuvres, Tomasi utilise le thème du Dio vi salvi Regina. On le retrouve ici cité dans son intégralité à la façon d’un grand choral avec chœurs89 (cf. exemples 7a et 7b).
59Nous l’avions vu précédemment dans Colomba ainsi que dans Sampiero Corso. Il était présent également dans le Credo de la Messe en Ré90 (cf. exemple 7c) dont sont issues les Variations grégoriennes sur un Salve Regina.
Coda
60La Corse a tenu une place de premier plan dans la vie et l’œuvre d’H. Tomasi. Dès son plus jeune âge, X. Tomasi a joué un rôle fondamental auprès de son fils, en le familiarisant à son histoire, à ses traditions et à sa musique. La proximité de Marseille avec l’Île de Beauté ainsi que la présence au sein de la cité phocéenne d’une communauté corse importante, à l’intérieur de laquelle X. Tomasi était un membre actif, ont également contribué à sa connaissance profonde de l’identité insulaire autant qu’à son sentiment d’appartenance à celle-ci.
61H. Tomasi a ainsi utilisé le corpus de ces chansons ancestrales tout au long de sa vie créatrice, de sa première composition, Le Poème de Cyrnos91 à celle qui en demeurera l’ultime, les Chants de l’île de Corse92 pour voix de femmes a cappella. Il faut noter la variété ainsi que l’originalité des partitions qui lui ont été inspirées par la Corse et dont la nouveauté fut saluée par de nombreux critiques. H. Tomasi n’a pas privilégié de thème en particulier. Certaines de ses œuvres sont écrites sur un mode ou domine le tragique, l’humour ou la rêverie d’autres, en revanche, se nourrissent, entre autres, de ces différentes thématiques.
62S’il utilise rarement les mélodies traditionnelles dans leur intégralité, il modifie très souvent leur tournure mélodique et/ou rythmique, ainsi que leur tessiture et/ou leur tempo. H. Tomasi a su s’approprier ces musiques et les intégrer totalement à son univers compositionnel au point de faire oublier leur origine, notamment lorsqu’il les utilise dans des œuvres qui ne font pas explicitement référence à un sujet corse.
63Pour le centième anniversaire de la naissance du compositeur, en 2001, son fils a pris la décision de faire revenir les cendres d’H. Tomasi93 au cimetière de Penta di Casinca, berceau de la famille Tomasi. Par ce geste symbolique H. Tomasi a ainsi retrouvé cette terre qu’il a tellement aimé chanter dans sa musique et à laquelle, à l’image d’un Bartók en Hongrie, il a su donner sa part d’universalité.
Notes de bas de page
1 Lettre d’Henri Tomasi à sa femme, Le Rondon [Olivet, Loiret], Jeudi [1961]. Coll. Claude Tomasi.
2 Situé à trente-cinq kilomètres de Bastia.
3 Xavier Tomasi (1876-1956).
4 Un instrument qui le « fascinait » réellement ainsi que nous le confiait Marie-Thérèse Tomasi, sœur cadette d’H. Tomasi lors des entretiens qu’elle nous avait accordés.
5 Il y restera jusqu’à sa retraite en 1930.
6 Notamment au Palace Hôtel La Réserve, sur la promenade de la Corniche, un établissement qui fut détruit au début des années soixante-dix, pour laisser place à un ensemble immobilier du même nom.
7 C’est en 1907 que X. Tomasi prend la direction de cette phalange musicale qui portait le nom d’Harmonie républicaine de Mazargues et dans laquelle Henri tenait régulièrement la grosse caisse durant ses jeunes années.
8 Jusqu’en 1926, date où X. Tomasi et sa famille loueront un appartement dans le quartier de la Plaine, au 5, rue de la Loubière.
9 La maison était située rue de la Treille. Le 28 mai 1973, la ville de Marseille honorera la mémoire d’H. Tomasi en décernant son nom à l’Ancien chemin de Cassis, situé dans le même quartier de Mazargues.
10 Xavier Tomasi, Corsica, recueil de chansons populaires de l’Île de Corse, Nice, F.M. Mattei, 1914, 66 p. X. Tomasi dédie son ouvrage à un autre folkloriste, Julien Tiersot (1857-1936) qui fut notamment le bibliothécaire du Conservatoire national de musique de Paris.
11 X. Tomasi, Les Chansons de Cyrnos. Anthologie de la chanson populaire de l’Ile de Corse, Marseille, F. Detaille, 1932, 172 p.
12 Dans son édition du 07.10.1932, D. Christofori, le critique du quotidien Le Petit Marseillais, fit un compte-rendu très élogieux de l’ouvrage. Il louait tous les acteurs qui avaient participé à cette publication, qu’il qualifiait de « monument à la grandeur de l’âme corse ».
13 Paul Arrighi (1895-1975). Il fondera notamment, en 1957, le Centre d’études corses, dans le cadre de la Faculté des lettres et sciences humaines d’Aix-en-Provence.
14 Marcel Poggioli (1882-1969).
15 Fernand Detaille (1875-1956).
16 Aujourd’hui la Canebière.
17 H. Tomasi, Première Valse de concert, pour piano. Mai 1916. Ms. aut., inédit. Coll. C. Tomasi. L’œuvre est dédiée au pianiste Louis Livon, professeur de piano d’H. Tomasi au Conservatoire de Marseille.
18 « La Corse » en grec.
19 H. Tomasi, Le Poème de Cyrnos, pour piano. Printemps 1918. Ms. aut., inédit. Coll. C. Tomasi. L’œuvre est également dédiée à L. Livon.
20 « O Mattéo, frère chéri ».
21 H. Tomasi, Le Jeu (tableau musical), mélodie pour chant et piano, poème de C. Baudelaire, extrait des Fleurs du Mal, 1919. Ms. aut., inédit, coll. C. Tomasi.
22 Charles Silver (1868-1949), compositeur et pédagogue français.
23 Georges Caussade (1873-1931), compositeur et pédagogue français.
24 Suite, pour quatuor à cordes, 1921, Ms. aut., inédit, coll. C. Tomasi.
25 Mention d’H. Tomasi sur le manuscrit. Nous n’avons pas pu, pour l’instant, déterminer l’origine de ce « Vocero ».
26 Lettre d’H. Tomasi à X. Tomasi, Paris, [jeudi] 19.12.1922, coll. C. Tomasi. Les lettres d’H. Tomasi à son père sont extraites d’une thèse en préparation sur la correspondance d’H. Tomasi.
27 Lettre d’H. Tomasi à X. Tomasi, Paris, [mardi] 16.1.1923, coll. C. Tomasi.
28 Le 29.01.1924.
29 Nous n’avons pu retrouver trace de cette œuvre. Peut-être représente-t-elle la toute première version des Variations sur un thème corse, pour quintette à vent ?
30 Lettre d’H. Tomasi à X. Tomasi, Paris, [jeudi] 31.1.1924, coll. C. Tomasi.
Henri Tomasi venait de participer pour la première fois à l’examen trimestriel de la classe de composition qui devait déterminer s’il pourrait intégrer le cours de Paul Vidal. Les élèves de première année devaient présenter une de leur composition. [Arch. nat., AJ/37/532*, p. 86-88].
31 Six mélodies populaires corses, pour chant et piano, ou orchestre. Paroles françaises de M. Lorenzi de Bradi Éd. H. Lemoine. Création à Paris, le 8.03.1931 par M. Whita et l’Orchestre Lamoureux, sous la direction d’A. Wolff.
32 Chants corses, pour voix moyennes et orchestre ou piano. Paroles françaises de Paul Arrighi [1.3.4.]. Poésie corse et française de Pierre Leca [2] : 1. Lamentu d’u trenu (Lamento du train) ; 2. Sérénade complainte ; 3. Nana (berceuse) ; 4. U meru pastore (Le Maire berger). Éd. A. Leduc. Création à Paris, le 03.06.1933, par M. Béronita, à un concert de la société musicale Triton, dont H. Tomasi avait été l’un des membres fondateurs.
33 Cantu di Cirnu, (Chants de Cyrnos), pour soprano et piano ou orchestre. Paroles de Santu Casanova. Éd. H. Lemoine. Création à Paris le 22.11.1936, par M. Angelici et l’Orchestre Pasdeloup sous la direction de l’auteur.
34 En 1961, H. Tomasi fait un arrangement de dix-huit Chants populaires de l’Île de Corse (1961), pour chœur de femmes et orchestre de chambre facultatif à l’intention de la Maîtrise de l’ORTF. Éd.H. Lemoine. Création le 14.02.1962, par la Maîtrise et l’Orchestre de chambre de l’ORTF sous la direction de J. Jouineau. À peine dix ans plus tard, H. Tomasi fait un nouvel arrangement de ces chants, cette fois-ci pour voix de femmes a cappella, à l’intention de la Maîtrise Gabriel Fauré dirigée par T. Farré-Fizzio. Il décède avant d’avoir pu achever sa transcription. Éd. H. Lemoine.
35 On peut ajouter à cette liste la musique écrite pour la pièce radiophonique d’A. Gilles d’après P. Dominique, Sa Majesté Théodore Ier, roi des Corses (1954), dont il tirera une ouverture intitulée Théodore Ier, roi des Corses (1957) ainsi que l’opéra-mascarade sur un livret de Francis Didelot, Princesse Pauline (1958-61).
36 Obsessions (1926-27), pour violoncelle et orchestre ou piano sur un rythme de habañera. Éd. H. Lemoine. Création le 12.10.1929 par M. Maréchal et l’Orchestre Lamoureux sous la direction d’A. Wolff.
37 Vocero, poème symphonique (1re version, 1932 ; 2e version, 1937) Éd. H. Lemoine. Création le 05.02.1933 par l’Orchestre symphonique de Paris sous la direction de l’auteur.
38 L’œuvre a été composée en 1963. Elle utilise l’Hymne religieux corse, Dio vi salvi Regina (1735) dont H. Tomasi avait fait une reconstitution et une harmonisation en 1933. Éd. H. Lemoine.
39 Création le 06.11.1935 sur Radio-Paris, avec G. Rey, la troupe de l’Odéon et A. Raveau. H. Tomasi tirera une suite symphonique en trois parties de cette musique de scène. Ed. Eschig. Création le 29.02.1936 aux Concerts Poulet sous la direction de l’auteur. En 1947, il écrira, en collaboration avec V. Scotto la musique du film d’E. Couzinet, Colomba, avec J. Luccioni, Ed. Eschig.
40 Création le 30.05.1937, sur Radio-Paris, avec G. Colin, et l’orchestre de la station sous la direction de l’auteur.
41 Île de Lumière, documentaire sur la Corse de M. Pagnol. Sortie à Paris le 12.11.1951. Nous avons pu visionner à la fin des années 1980 une copie de ce film en noir et blanc chez J. Pagnol, à Paris. H. Tomasi utilise essentiellement des compositions antérieures pour la musique de ce documentaire.
42 Île d’Amour, film de M. Cam, avec notamment T. Rossi et J. Gaël. Sortie à Paris le 22.11.1944.
43 Cf. infra note 76.
44 M.-Th. Tomasi nous racontait que T. Rossi était un ami de son père et que lorsqu’il avait quitté l’île pour aller tenter sa chance à Paris, il avait fait une halte à Marseille et était venu coucher chez eux, rue de La Loubière.
45 Paysages (1930), trois pièces pour piano. Création le 17.01.1931, par J. Doyen.
46 Cyrnos (1930), poème symphonique pour orchestre et piano principal. Éd. H. Lemoine. Création le 30.11.1929 par L. Descaves et l’Orchestre Pasdeloup sous la direction de l’auteur.
47 Paghiella (1928), sérénade cyrnéenne pour violon et piano ou orchestre. Création le 14.02.1928, à Fécamp, par Z. Francescatti et l’auteur au piano.
48 Zino Francescatti (1902-1991). Violoniste de renommée internationale au xxe siècle. Condisciple d’H. Tomasi au Conservatoire de Marseille, ils ont entretenu une amitié réciproque.
49 Divertimento Corsica (1951), pour trio d’anches et orchestre de chambre. Création le 2.01.1952, par le Trio d’anches A. Dupont et l’Orchestre Radio-symphonique sous la direction de J. Giardino.
50 Impressions cyrnéennes (1952), suite d’orchestre. Création le 11.02.1953, par l’Orchestre de Radio-Lille, sous la direction de M. Soret.
51 Le Petit Chevrier corse (1952), pour flûte et piano ou harpe.
52 Sampiero Corso (1953-54), drame lyrique en trois actes et cinq tableaux sur un livret de R. Cuttoli. Création le 06.05.1956 au Grand-Théâtre de Bordeaux dans une mise en scène de R. Lalande, des décors et costumes de R. Bezombes, une chorégraphie de J. Charrat et C. Foye, avec R. Crespin, S. Juyol, K. Neate, J. Giovannetti, sous la direction de l’auteur. Éd. H. Lemoine. En 2005, J. Fusina a fait une adaptation et une traduction en langue corse du livret de R. Cuttoli. L’œuvre a été créée sous cette nouvelle forme à l’Opéra de Marseille le 14.10.2005, dans une mise en scène de R. Auphan, des décors de D. Pichou, des costumes de K. Duflot, une chorégraphie d’A. Yepes, avec I. Mataeva, L. Schohn, C. Guido, S. Murzaev, sous la direction de P. Davin.
53 Par ailleurs, H. Tomasi a très certainement consulté les ouvrages de référence sur la musique et l’histoire de la Corse conseillés par son père dans la bibliographie des Chansons de Cyrnos, X. Tomasi, op. cit. note 10.
54 Région montagneuse située à proximité de la côte sud-est entre Porto-Vecchio et Zicavo.
55 La sixième et dernière variation, Allegro giocoso, écrite dans un contrepoint rigoureux fait entendre au cor, à la façon d’un choral, le thème principal en augmentation. Bien des années plus tard, en 1957, H. Tomasi fera une transcription pour chœur d’hommes de cette variation (« Hymne des Jongleurs de Dieu ») dans son drame lyrique Il Poverello. Éd. Eschig (partition chant-piano, Acte II, 6e tableau, p. 77-84).
56 Auparavant, H. Tomasi a écrit une pièce pour violoncelle et piano ou orchestre, Obsessions, que l’on trouve sous le seul nom d’Habanera, avant qu’elle ne soit éditée chez H. Lemoine. Comme il l’écrit à son père, « […] c’est tout simplement une impression de jeunesse dans un cimetière corse. Mon rythme est un prétexte et un édifice pour soutenir cette ambiance en style corse, que je crois avoir trouvé là-dedans. Le cello, pour moi, est un chanteur homme qui chante tristement, puis désespérément et retombe tristement. Donc, Habanera ne veut rien dire, mais un prétexte à rythme. […] Lettre d’H. Tomasi à X. Tomasi, [Paris, jeudi 24.2.1927], coll. C. Tomasi.
57 X. Tomasi, op. cit. note 11.
58 Ibid.
59 Büsser (Henri), Colomba, drame lyrique en 3 actes et 7 tableaux, Paris, Choudens, 1921, 316 p.
60 Il s’agit du Vocero dit de « Jean-Mathieu et Pascal ».
61 Cf. supra, note 46.
62 Le Matin, 2.12.1929, p. 5.
63 Le Temps, 14.12.1929, p. 3.
64 H. Tomasi composa cette œuvre pour la pièce radiophonique que J. Maigret tira se son roman éponyme.
65 Ainsi que le précise X. Tomasi. Les paroles de la chanson sont en dialecte de Vico (commune de Corse du sud). X. Tomasi, op. cit., note 11.
66 Cf. supra note 39.
67 Éditée chez H. Lemoine, l’œuvre est dédiée à son parent l’Abbé Saggesi, qui fut curé de Loreto di Casinca.
68 « François, chéri de ta mère ».
69 « Ah ! Notre maire de Corte, est-il court de jambes, Mais s’il veut nous quitter, nous lui paierons la voiture […] [traduction de P. Arrighi. X. Tomasi, op. cit. note 10]. »
70 H. Tomasi utilisera également cette mélodie, à laquelle il rajoutera des paroles, dans son drame lyrique Il poverello et, ainsi que dans le Divertimento Corsica, elle sera donnée dans un tempo rapide.
71 Cf. F. Ducros, « Les opéras d’Henri Tomasi, musicien appassionato et méditatif », dans Le Théâtre lyrique français (1945-1985), Paris, Honoré Champion, 1987, p. 299-308.
72 Pseudonyme de Jean Simoni (1878-1940).
73 Michel Lorenzi de Bradi (1865-1945).
74 Parmi lesquels on peut citer : La Fantaisie Pompadour (1905), ou encore Les Fiancés du Moulin de la Galette (1935).
75 Il dirigea la page littéraire de Paris-Journal, fut rédacteur en chef du Chroniqueur de Paris. En 1935, il fonda le Courrier de la Corse. Il est l’auteur d’un nombre important d’ouvrages où la Corse tient une place prépondérante. Parmi ceux-ci on peut citer : La Vraie Colomba (1922), La Corse inconnue (1927) ainsi que Don Juan et la légende (1930).
76 Paris, Librairie de L. Bourgeois-Maze, 1837, t. I, p. 196-198.
77 Il nous faut noter ici que les récits de voyages d’A. Valéry influenceront entre autres Mérimée dans Colomba publié en juillet 1840 dans La Revue des Deux Mondes ainsi qu’Alexandre Dumas dans son roman Les Frères Corses qui paraîtra en 1844. Rappelons qu’H. Tomasi fera la musique du film de G. Kelber et R. Siodmak Frères Corses avec entre autres J. Aquistapace et P. Brasseur, film qui sortit dans les salles le 11.05.1939.
78 Cf. supra note 31.
79 Cf. supra note 52.
80 En 1956, Sampiero Corso fut représenté à Amsterdam (les 26, 28 juin et 4 juillet), à La Haye (30 juin et 12 juillet) et à Rotterdam (15 juillet), avec K. Neate, S. Colombo, Y. Graf, M. Aarden sous la direction du compositeur.
81 Lettre d’H. Tomasi à Jean Molinetti, [Bordeaux] Mercredi, 2h. [7 mai 1956], coll. C. Tomasi.
82 Cette berceuse sera popularisée par le chanteur T. Rossi au xxe siècle.
83 « Endors-toi, endors-toi fils chéri » (Acte I, premier tableau).
84 Dans la première danse, La Monférina. Lors de cette « présentation des combattants » elle symbolise « les corses » ainsi que l’écrit H. Tomasi sur la partition.
85 Il n’y a pas de parenté musicale, hormis le titre, avec Sampiero Corso, « Marche corse » pour piano composée par H. Tomasi en 1933 (Éd. H. Lemoine) et transcrite la même année pour orchestre militaire par Félicien Foret, Sous-chef de la Musique de la Garde Républicaine.
86 La première audition de la musique de scène eut lieu le 21.04.1935 sur la station Radio colonial avec un orchestre dirigé par le compositeur.
87 La première audition sous cette forme eut lieu le 20.03.1937 aux Concerts Lamoureux sous la direction d’E. Bigot.
88 Cf. supra note 67.
89 On le retrouve bien évidemment dans les Fanfares Liturgiques (dans la version instrumentale seule et avec chœurs), tirées de l’opéra Don Juan de Mañara, une pièce majeure de la littérature pour cuivres et percussions de la seconde moitié du xxe siècle.
90 Messe en ré (1941), pour soli, chœur et orchestre, d’après les Liturgies intimes de Paul Verlaine. Création à Marseille le 15.02.1942 par M. Pifteau-Thann, J. Micheau, J. Peyron, L. Lovano, la chorale F. Raugel et l’Orchestre national sous la direction de l’auteur.
91 Cf. supra note 19.
92 Cf. supra note 34.
93 Les cendres d’H. Tomasi se trouvaient jusqu’alors au cimetière Saint-Véran en Avignon.
Auteur
Université de Cergy-Pontoise, ESPE de Versailles, UFR d’Éducation
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