Citations et parodies du populaire dans l’œuvre musicale
Réflexions autour des « Chants corses » de Tomasi
p. 271-286
Texte intégral
1Henri Tomasi s’inscrit dans une longue filiation qui prend sa source au xixe siècle chez les compositeurs romantiques inventeurs des musiques nationales. On peut le ranger sans conteste parmi les héritiers d’une tradition européenne qui se déploie de Liszt à Bartók1, qui regroupe aussi bien Grieg qu’Albéniz, Moussorgski que Dvořák2 et se prolonge outre-Atlantique avec les compositeurs afro-américains Scott Joplin3, puis Will Marion Cook4 et Duke Ellington5 (du ragtime au jazz, en passant par les gospel songs). Cette source d’inspiration se développe au xxe siècle aux États-Unis avec Aaron Copland, Charles Ives ou George Gershwin qui exploreront la culture musicale nord-américaine dans toute la richesse des apports européens importés par l’Americana6 : old time music et mythologie du Far West chez Copland, sonorités des clarinettes klezmer et citations de jazz chez Gershwin, cantiques des nombreuses églises issues des sectes transcendantalistes chez Ives, etc. Tous ces compositeurs ont en commun une utilisation des sources musicales populaires – exploration de la modalité, valorisation de la mélodie, même si leur écriture explore aussi le sérialisme ou la polytonalité – et de nombreuses contributions pour l’orchestre symphonique et au répertoire de piano. Leurs emprunts et citations furent à la fois des inclusions pratiques (mélodies, rythmes, modes, styles, instruments parfois) et des évocations symboliques (emprunts perçus comme des objets issus du sol, de la nation, cités comme souvenirs d’enfance, et le plus souvent comme des revendications identitaires). Les références au folklore sont toujours pensées chez eux comme une sacralité de la source, de l’origine, la musique étant conçue comme un objet patrimonial hérité d’une lignée – un peuple, une nation. Le recours à ces sources populaires correspond à une défense d’identité, une fierté de la différence, qu’il s’agisse de la couleur de peau chez les Afros-américains ou des discours sur la race présents chez la plupart des compositeurs européens du xxe siècle, discours complémentaires de l’exaltation d’un monde multiple et cosmopolite au nom de la convivialité de ces mêmes différences, notamment chez les compositeurs de confession juive : Gershwin, Copland ou plus tard, Bernstein7.
2En France, les exemples sont difficiles à citer, relevant de cette expérience. H. Tomasi se distingue en ce qu’il fut l’un des rares compositeurs français dans cette lignée, assez anachronique puisqu’on y retrouve l’Auvergnat Joseph Canteloube, le Cévenol Vincent d’Indy, le Catalan Déodat de Séverac, le Breton Guy Ropartz, tous nés avant 1880. Ils ont prolongé au cœur du xxe siècle une école dont les maîtres furent surtout des artistes du siècle précédent. Ces compositeurs tournèrent leur regard vers des sources populaires, explorant les recueils de mélodies réunies par les premiers folkloristes entre 1850 et 19108. Le folklore céda la place dans la palette des compositeurs européens à des emprunts au jazz américain, aux musiques de cirque, de fanfare : parodies et citations que l’on retrouve dès les premières années du xxe siècle chez Debussy, chez Stravinski, chez Kurt Weill. Puis l’exotisme des cultures lointaines fut intégré en surprises rythmiques, en primitivismes caricaturés : Stravinski encore, Carl Orff, Bartók. Tomasi n’est donc pas isolé dans ce concert : mais il est l’un des derniers représentants de cette école des musiques nationales, et l’un des rares attachés à un particularisme culturel hérité de sa propre famille puisqu’il consacra une part importante de son œuvre à des pages inspirées par la Corse.
3S’il fallait déterminer plus exactement une filiation française de son œuvre, Tomasi serait à situer dans une proximité et une continuité de la Schola Cantorum de V. d’Indy, créée en 1894, qui bien avant Nadia Boulanger réhabilita les musiques médiévales et baroques, le chant grégorien, qui explora les fonds populaires cévenols et auvergnats, bretons, et plus généralement le folklore musical français. Nombre de compositeurs issus de la Schola Cantorum ont retenu la leçon du vieux maître d’Indy (par ailleurs fervent royaliste et membre de l’Action française) qui exaltait les musiques de France au nom du sol et de la race. De J. Canteloube à D. de Séverac ou G. Ropartz, qui en furent les plus brillants élèves, tous ont composé des chants rhapsodiques à la gloire de leur province chérie. Leur quête fut nationale, leur engagement politique ultra-conservateur9, alors qu’un Darius Milhaud, leur contemporain, de confession juive, beaucoup plus internationaliste, ouvrait dans le même temps le champ de ses emprunts aux musiques provençales et brésiliennes dans un concept large d’une « Méditerranée allant de Jérusalem et de Constantinople à Rio de Janeiro et à Potosi, et qui a pour capitale Aix-en-Provence » comme le cite Dominique Fernandez10.
4On voit bien les dimensions idéologiques parfois contradictoires de ces références aux liens héréditaires, où le topos – le lieu-source – est convoqué comme preuve d’origine. Bien des compositeurs ont exalté le « génie national » dans un parti-pris conservateur, souvent conduits par les situations historiques de leur époque. Le Saint-Saëns fondateur de la Société nationale de musique en 1871 fut un ardent partisan de la promotion d’une musique française. Il n’avait pas hésité à comptabiliser le nombre de représentations de musique étrangère à Paris, et à proposer des « quotas » pour la préférence d’une musique nationale – anti wagnérienne, anti italienne11. Le climat de guerres successives aux frontières du pays explique en partie cette obsession du national contre le « cosmopolite », que l’on retrouve chez Debussy qui écrivait en 1915 :
Voilà des années que je ne cesse de le répéter : nous sommes infidèles à la tradition musicale de notre race depuis un siècle et demi. […] Nous avons cessé de cultiver notre jardin, mais par contre, nous avons serré la main des commis voyageurs du monde entier. Nous avons écouté scrupuleusement leurs boniments et acheté leur camelote12.
5Qui nommer, en effet, en France, inscrivant ses pas dans une lignée européenne de réinterprétation des sources populaires nationales ? Le Debussy de Jardins sous la pluie ? Le Ravel de L’Enfant et les Sortilèges ? L’un comme l’autre ont beaucoup plus puisé aux sources exotiques qu’aux héritages français : modèles cycliques et gammes pentatoniques des gamelans javanais chez Debussy, fascination de l’Espagne chez Chabrier, chez Ravel et chez Debussy encore. Nul créateur n’est à l’abri d’une contradiction, et le Debussy de la « race » contre les « commis voyageurs » fut sans le savoir à l’origine d’une découverte majeure de la globalisation : la spatialisation des gammes pélog et slèndro, martelées en musiques cycliques et répétitives par les ensembles instrumentaux de gongs, pratiquées à Java et à Bali.
Une œuvre sentimentale liée à un souvenir d’enfance
6Rares, donc, furent en France les compositeurs du xxe siècle ayant mené de front un travail d’étude et de sauvegarde des musiques traditionnelles et une œuvre de création à partir de ce fond, considéré plus tard comme trésor national. De Tomasi, on connaît bien sûr son Concerto pour trompette de 1948, œuvre de référence adorée par tous les trompettistes jazz ou classiques13. Ses Fanfares liturgiques de 1947, interprétées dans le monde entier, sont unanimement reconnues comme des chefs-d’œuvre. Ce ne sont pas là ses compositions les plus « corses ». S’il faut chercher un modèle international à une démarche alliant collecte des fonds populaires et création avant-gardiste, le nom de Bartók s’impose – mais n’oublions pas les premiers travaux de Liszt dans son approche des musiques tziganes et sa création des Rhapsodies inspirées des cymbalums et des Verbunkos tziganes hongrois. Grieg étudia de près le jeu des violonistes norvégiens joueurs de hardingfele14, et en fit la matière de ses Slatters (Danses paysannes norvégiennes) au piano. Gershwin imposa le jazz et les spirituals afro-américains dans l’univers de l’orchestre, en collaboration avec l’arrangeur Rudolph von Grofé, bousculant les canons du jeu instrumental, suivant le modèle du Dvořák de la Symphonie du Nouveau monde – et en intégrant le jeu souple des clarinettistes klezmer de New York dans sa Rhapsody in blue, dans Porgy and Bess… Voilà, sans doute, quelques-uns des grands modèles internationaux de l’œuvre corse de Tomasi même, s’il ne s’y réfère jamais.
Tableau 1. Les principales œuvres « corses » de Tomasi.
Variations sur un thème corse (1925), pour quintette à vent (flûte, hautbois, clarinette, cor, basson)
Cyrnos (1929), poème symphonique pour piano principal et orchestre
Vocero (1931), poème symphonique pour orchestre avec chœur ad libitum, ballet
Chants corses (1932), pour voix soliste et piano (une version pour orchestre existe également)
Cantu di Cirnu (1933), pour voix soliste et piano (une version pour orchestre existe également)
L’Île d’amour (1943), musique de film
Colomba (1947), musique de film
Divertimento Corsica (1951), musique de chambre (hautbois, clarinette et basson soli/ 1 harpe/ cordes)
Sampiero Corso (1955), opéra
Variations grégoriennes sur un Salve Regina (1963), pour trompette, harpes, cordes
Chants de l’Île de Corse (1970), chœur a cappella (œuvre inachevée).
7Toutefois il serait imprudent de voir en Tomasi un héritier exclusif d’un nationalisme étroit. Tout au contraire, l’idéologie du compositeur le porta vers un internationalisme qui le rapprocha du Camus du Discours de Stockholm.
En 1966, l’adhésion de Tomasi à la pensée de Camus est si totale qu’il choisit de mettre en musique Retour à Tipasa, l’un des essais de L’Été. C’est l’ultime texte qu’il confia à la voix. La candeur de la jeunesse est dissipée : le chant du monde est aussi le champ du monde, – avec ses abominations. S’enivrer de la multiple splendeur du monde n’a de sens que pour y trouver la force de rendre ce monde plus humain, tel est le message universel de la cantate profane Retour à Tipasa15.
8L’exploration et la réinterprétation des répertoires populaires corses sont chez Tomasi, comme chez la plupart des compositeurs post-folkloristes, un acte de foi. C’est une déclaration de filiation, de fidélité, mais surtout d’humanisme : elle s’inscrit en lettres d’or dans une pensée développée après la Seconde Guerre mondiale, proclamant une égalité des cultures et des peuples, pensée pacifiste fondée sur le respect des différences culturelles. Le discours de Lévi-Strauss à la tribune de l’UNESCO reste le geste fondateur de cette doctrine universaliste – texte publié en 1952 sous le titre Race et Histoire16. Cette notion conduira, bien plus tard, à la création du Patrimoine culturel immatériel et à la préservation d’objets désignés par l’UNESCO : ainsi la paghjella corse a été inscrite sur les listes du PCI en 2009.
9Tomasi fut un homme de gauche, engagé politiquement et spirituellement ; il entretenait avec la Méditerranée (au sens large, celle de Milhaud et de Braudel17), une relation de filiation ; par ses origines corses, et par son amour de la tragédie grecque qu’il retrouvait, transcendée, chez Shakespeare comme dans les codes d’honneur en usage sur l’île. Un sens du tragique qui est aussi, fondamentalement au point d’en être un marqueur identitaire, lié au chant populaire corse.
Une ethnomusicologie engagée
10L’ethnomusicologie fut partie prenante de cette révélation, de cette invention du chant populaire corse, qu’il soit monodique ou polyphonique, sacré ou profane. Une opération de mise en patrimoine fut entreprise collectivement, d’abord par quelques savants et passionnés isolés, puis par un large mouvement de réappropriation. Les pratiques vocales populaires en Méditerranée, qu’elles soient corses, sardes, génoises, albanaises ou occitanes, ont été révélées et étudiées depuis une trentaine d’années. On citera notamment Quilici et De Zerbi18 en Corse, Lortat-Jacob19 en Sardaigne et en Albanie, Balma20 sur le Trallalero Genovese, Castéret21 en Béarn. Ces travaux et leur implication dans la pérennisation sociale de ces pratiques ont apporté une contribution majeure de l’ethnomusicologie contemporaine aux sciences de la musique.
11Ces pratiques vocales, envisagées individuellement ou dans leur complexité polyphonique, représentent un art en soi. Elles obéissent à des règles non écrites qui relèvent d’une tradition orale complexe et parfaitement identifiable : on ne chante pas en Corse (Paghjulu), individuellement et collectivement, comme on chante en Sardaigne (Cantu a tenore), à Gênes (Trallalero Genovese) ou en Albanie (Këngë). Et ces traits spécifiques sont devenus, depuis trente ans, des marqueurs culturels, beaucoup plus sans doute qu’à l’époque où H. Tomasi écrivait ses œuvres « corses » ou méditerranéennes. Ils sont une modernité, alors qu’en 1960 ils n’étaient encore qu’un Folklore, un appendice sémantique dans la représentation des nationalismes d’État en Europe de l’Est, ou dans les festivals de Folklore qui se créaient partout en France.
12Faire le résumé des rénovations et de l’invention du chant populaire en Méditerranée, qu’il soit monodique ou polyphonique, occuperait toutes les pages de la présente publication. Dans tous les cas il s’est agi à la fois d’une appropriation esthétique (styles, mélodies, formes) et d’un déplacement depuis un cadre social d’origine (le café, la place de village, la veillée familiale, le rituel contextualisé) vers un autre, celui de la scène, du festival, du disque, la communication et les medias internationaux. Nous citerons les noms de Míkis Theodorákis et de Vassílis Tsitsánis qui décontextualisèrent le Rebetiko22 en accordant une large place instrumentale au bouzouki emblématique – depuis les tavernes enfumées de haschich de Pláka d’Athènes vers les musiques de film et la scène globale ; le Bulgare Filip Kutev qui créa son Ensemble National de chants et danses folkloriques en 1951, réunissant des chanteuses paysannes des Rhodopes, et qui connut une gloire mondialisée à partir de 198623. Et en Corse, les frères Alain et Jean-François Bernardini, initiés au chant polyphonique par leur père Ghjuliu dès les années 1970, qui fondèrent le groupe I Muvrini. Encouragées et encadrées dans les pays communistes du bloc de l’Est avant 1989, la préservation et la diffusion du chant populaire y possédaient évidemment une dimension politique. Dans les années 1970, les influences qu’eurent les groupes et chanteurs engagés à gauche sur les artistes européens sont certaines, chanteurs en exil en France venus d’Amérique du Sud (Victor Jara, Quilapayun, Atahualpa Yupanqui…) et dont les chants exaltaient les valeurs d’un « peuple des origines » : l’Indien, l’Amérindien ancestral et symbolique, transposés dans le berger grec ou corse, habitants immémoriaux d’îles pensées comme les berceaux de l’humanité24. L’engagement politique est alors indissociable du chant, individuel (Je ne chante pas pour passer le temps), collectif (L’Internationale, El Pueblo Unido, Dio vi salvi Regina25).
Le Riacquistu
13Le chant polyphonique en Corse a connu une résurrection dans les années 1970. On nomme ce mouvement le Riacquistu, une réappropriation du patrimoine culturel par les jeunes Corses eux-mêmes. Du vivant de H. Tomasi, le chant polyphonique n’avait pas du tout cette aura identitaire qu’il possède aujourd’hui. L’accès aux sources traditionnelles, à la paghjella26, au madrugale, au terzetti ou au lamentu était réservé aux habitants de la montagne, et à quelques ethnomusicologues. Nous pouvons citer Félix Quilici27 et Wolfgang Laade28 notamment, parmi les premiers à avoir collecté sur le terrain : ceci dans les années 1950-1960, donc assez tardivement par rapport au reste de l’Europe : l’École de Berlin vers 1900, Bartók en 1903, Ferdinand Brunot en Limousin et en Berry en 1911 pour les Archives de la Parole. Aux États-Unis, les enregistrements de la Library of Congress débutent à la fin du xixe siècle. La Corse figurait en parent pauvre de l’enquête enthomusicologique, même si quelques chansons corses furent compilées et publiées à la fin de sa première édition de Colomba par Prosper Mérimée en 1853.
Les chants corses de Tomasi : une musique d’images et de représentation
14En effet, à l’écoute des différentes pièces de Tomasi inspirées du chant corse, on est frappé par la grande distance esthétique entre la source et sa restitution, du moins dans l’acception par le public connaisseur du « chant corse » aujourd’hui. Ce que nous nommons « chant corse » maintenant n’est pas le chant corse de Tomasi. Il existait sur l’île une pratique de chant à guitare, inconnue sur le continent, et assez peu valorisée par le Riacquistu des années 1970. Antoine Ciosi29 est aujourd’hui un continuateur de cette tradition, sans doute liée historiquement à la chanson napolitaine. Le chant à guitare s’inscrit aujourd’hui en parallèle du renouveau de la cetera30, le cistre à cordes métalliques joué en Balagne. Mais pour le public contemporain, c’est le chant polyphonique qui a pris la place d’une évidence dans la représentation « corse » des musiques insulaires.
15Le plus grand chanteur corse connu en France – et au-delà – est resté longtemps Tino Rossi, un chanteur à guitare (mais qui n’en jouait pas !) qui s’inscrivait dans cette filiation particulière ; T. Rossi qui débuta sa carrière à l’Alcazar de Marseille et au Casino d’Aix-en-Provence – et que Tomasi croisa. Le film L’Île d’amour réalisé en 1944 par Maurice Cam réunit à l’affiche le grand Tino au sommet de sa gloire interprétant des chansons signées Loulou Gasté, et se déroule sur une composition symphonique de Tomasi. L’intrigue du film nous montre un T. Rossi en bandit d’honneur, luttant contre un promoteur immobilier et son architecte qui nourrissent le projet de transformer un village corse en station balnéaire…
L’indignation des habitants face à la spoliation de leur terre est véhémente, l’escapade amoureuse entre Bicchi (T. Rossi) et la nièce du promoteur (Josseline Gaël) se complique d’une vendetta à l’issue fatale. Ce film militant (déjà) pour l’environnement et contre la tyrannie du tourisme est piqueté de tous les clichés de l’époque, le bandit d’honneur, la pêche à la dynamite, l’honneur bafoué de la femme, le légendaire farniente insulaire, le maquis impénétrable et même l’ochju31.
16En 1947 c’est le film Colomba d’Émile Couzinet qui réunit le duo Vincent Scotto / H. Tomasi avec le premier ténor de l’Opéra de Paris José Luccioni, originaire du village d’Oletta. Variétés, cinéma, opéra […] on le voit, nous sommes loin, apparemment, des chanteurs de lamentu et des pagjhelle polyphoniques.
17Pourtant les « chants corses » évoqués par Tomasi sont bien ceux de cette veine paysanne, des chants de bergers, des lamentus et des vocerus des chanteurs de village. Mais l’accès que le compositeur eut à cette musique vocale fut de seconde main, par la transcription : il est assez probable qu’il n’eut pas l’occasion d’entendre ces chants pratiqués in situ, in-vivo. Il ne connaissait pas de chanteur de paghjella. Tomasi a utilisé des mélodies recueillies et retranscrites par son père, Xavier Tomasi32, qui fit œuvre de collecteur en son temps, et publia deux recueils de chants populaires33.
18On comprend mieux cette distance entre l’original et la recréation. Il faut noter que peu de compositeurs sont allés jusqu’à intégrer à leur écriture la matière véritablement sonore de leurs sources. Il faut attendre l’école américaine peut-être, Steve Reich, ou le minimaliste LaMonte Young, mais surtout avant eux Colin McPhee34 et son travail sur le gamelan, puis les répétitifs autour de Steve Reich, pour voir apparaître une génération qui pratique ce que Mantle Hood appelait la bi-musicalité35, c’est-à-dire la faculté de jouer à la fois dans son arbre généalogique, dans sa culture, mais aussi dans la culture de l’autre, et de se l’approprier. C. McPhee et M. Hood avec le gamelan, Reich avec les percussions africaines ou les marimbas furent des pionniers de la bi-musicalité. C’est ce que réalise aujourd’hui le Riacquistu, la réappropriation, « l’autre » en soi-même n’étant pas un lointain géographique, mais un lointain historique : l’ancêtre, l’homme mythologique de la source. Le « Corse ». La dimension identitaire et psychologique de cette démarche n’étant plus à démontrer, elle est même revendiquée comme telle.
19La « tradition » de Tomasi, elle, serait donc plutôt du côté de V. d’Indy, de Canteloube et de Ravel, ou d’Albéniz, tous pianistes – harmonistes pour les procédés d’écriture. Du Ravel des Cinq mélodies populaires grecques, du Boléro, etc. On entend chez eux une musique tonale, utilisant les lignes mélodiques modales des chants traditionnels, harmonisées suivant les règles et les choix d’une esthétique post-romantique. Tous – sauf Ravel – furent des compositeurs nationalistes qui ont utilisé des mélodies populaires choisies comme sources sacralisées, qu’ils ont harmonisées. D’Indy (que Tomasi eut pour professeur de direction d’orchestre) et Canteloube se situaient politiquement à l’opposé de Tomasi, monarchistes, affiliés à une extrême droite anti-dreyfusarde (l’antisémite d’Indy) puis en proximité avec la Révolution nationale de Pétain (Canteloube collabora au gouvernement de Vichy36). Tomasi fut, quant à lui, proche du Parti communiste après la guerre, puis engagé à l’extrême gauche après 1968. Il fut un humaniste internationaliste ; pourtant nous trouvons chez eux la même démarche de respect, d’idéalisation et de valorisation des chants populaires et du sol natal (d’Indy dans sa Symphonie sur un chant cévenol, 1886, Canteloube dans ses Chants d’Auvergne, 1932). Chez Tomasi, ce sont la mer ou l’île des origines. Chez tous, la même détestation de Paris, et la même glorification de la « province » ancestrale. En cela le plus vindicatif reste le Catalan Séverac37. Militant pour une valorisation d’égal à égal entre les cultures françaises et occitanes, il mit en musique des poésies en langue d’oc et en catalan. Il militait pour une décentralisation administrative et surtout culturelle, combat qu’il mena tout au long de sa courte vie38. Le Chant de la terre (1900), En Languedoc (1904), Cerdana (1911) ou Flors d’Occitania (1912) sont ses œuvres majeures, dans lesquelles il utilisa la langue d’oc et le catalan et aussi la cobla, orchestre traditionnel de hautbois en usage dans toute la Catalogne.
Quant à moi, je le confesse, le Cant del Boyer chanté sans nulle science, en plein vent, et sous un ciel radieux, par une belle voix méridionale, m’a toujours ému bien davantage que les lieder fort « expressifs » que disent les chanteurs experts et raffinés de nos récitals parisiens39.
20D’Indy, Canteloube, Séverac donc pour la parenté localiste. On trouve aussi chez H. Tomasi une certaine fascination pour l’exotisme musical, à la manière d’un Saint-Saëns et d’un Bizet. Et de même, il fut un voyageur en chambre à la façon de Jules Verne, car il voyagea fort peu, en tout cas pas dans les contrées évoquées dans ses œuvres : Sahara, Viêt-Nam, Brésil, Turquie, Laos, Bretagne, Japon… À l’imitation de Rameau, il pratiqua aussi la parodie, et ses nombreuses références aux musiques pastorales du xviiie siècle signent sa connaissance d’un genre qui déjà, en 1753, était une comédie exotique. Les Indes Galantes portent déjà ce regard de l’Occidental amoureux sur des cultures musicales que, faute de bien connaître, l’on invente, l’on imite ou l’on parodie. Ainsi les Cinq Danses profanes et sacrées pour quintette à vent (1959) de Tomasi, et notamment sa première Danse agreste, sont-elles des citations-hommages aux musiques pastorales du maître Rameau et du Provençal Campra.
21Dans le grand jeu des citations, des ruptures esthétiques et des avant-gardes que vit passer le xxe siècle, H. Tomasi a peut-être croisé les musiques d’un autre compositeur d’origine corse, Ferrucio Busoni, que certains considèrent comme un explorateur pionnier du post-modernisme.
Ferrucio Busoni, mage de la musique dont l’influence protéiforme imprégnerait toute la modernité de la première moitié du xxe siècle. Né en Toscane, d’origine corse par son père, ayant vécu successivement à Trieste, Vienne, Leipzig, Helsinki, Moscou, New York, Zurich et Berlin, Busoni était l’incarnation même du cosmopolitisme à l’âge des nationalismes, du pragmatisme à l’ère de l’absolutisme esthétique. En 1909, il blâma Schoenberg pour avoir fait table rase de la tradition tout en prônant la nouveauté, alors qu’il aurait fallu, selon lui, les cumuler sans exclure la première. Dans son célèbre traité, Esquisse d’une nouvelle esthétique de la musique40, il appela de ses vœux une régénération de la tonalité en même temps qu’un retour à la grâce mozartienne. […] Dans Doktor Faust, son chef-d’œuvre lyrique inachevé, Busoni se livre à un impressionnant tour d’horizon des possibilités formelles au début des années 1920, n’omettant rien des gammes diatoniques, modales, chromatiques, par tons entiers, des apports de la polyphonie Renaissance, des catégories baroques, du divertissement d’opérette, de la grande forme symphonique ou des dissonances en rafales41.
22Cette définition ne peut-elle pas s’appliquer à la musique de Tomasi ?
23Loin des audaces de la polytonalité de l’entre-deux guerres, à des années-lumière des recherches bruitistes, sérialistes ou des paysages sonores de ses contemporains Ferrari ou Schaeffer, explorant des univers néo-classiques déjà bien balisés, la musique « corse » de Tomasi sonne comme un écho lointain des rhapsodies du siècle précédent – mais elle annonce aussi une autre industrie en devenir, celle de la musique de film. Revendiquée comme une musique d’illustration, elle n’est pas musique pure : elle est évocation d’images, elle est provocation d’onirisme, elle colle au chant et au souvenir d’enfance, elle est associée à une mémoire et à des visions. Rien d’étonnant à ce qu’elle ne connût que mépris de la part des exterminateurs du sensible et de l’affect, dans le maelstrom théorique et idéologique que fut la création musicale écrite au xxe siècle. On peut comparer son sort à celui de Sibelius, le succès américain en moins : une musique néo-classique, un certain goût de la simplicité et du retour aux mélodies et à la modalité, et un mépris souverain exprimé par une avant-garde institutionnelle – contredite par une appréciation générale du public et des musiciens interprètes42.
24De même, l’œuvre du Tchèque Bohuslav Martinů (1890-1959) connut-elle le même malentendu dans une période proche : mélodies, harmonisations audacieuses mais conservant les canons d’une écriture classique, large succès aux USA… mais rejet en Europe par une tyrannique poignée de décideurs – batailles de boules de neige qui prêtent à rire aujourd’hui : sérialisme, postsérialisme, puis retour à la modalité, aux couleurs tonales, etc. Autant de jeux d’étiquettes qui ont alimenté le discours critique à l’intérieur des champs du pouvoir institutionnel et médiatique. Un regard d’historien relativise la portée de ces anathèmes : ce qui s’auto-définissait comme « contemporain » dans les années 1960 (la musique contemporaine, l’art contemporain) ne l’étant bien évidemment plus. Il semble plus juste aujourd’hui de replacer le postsérialisme et le retour à la tonalité comme un mouvement large qui puise ses sources au-delà du xixe siècle, et qui s’inscrit dans une pensée postmoderne (puis post-post moderne43) à la fin du xxe siècle. Bien des compositeurs de l’équivoque stylistique, infidèles aux avant-gardes de leur temps, y trouvent ainsi une place et une justification historiques – à supposer qu’ils en aient besoin au regard de leur succès public. Tomasi fut de ceux-là.
Et vint le Riacquistu
25Depuis Le Poème de Cyrnos, composés en 1918 pour le piano, jusqu’aux Chants de l’île de Corse, chœurs a cappella arrangés avant sa mort, en 1971, on voit combien ce thème nostalgique fut permanent chez lui. Pourtant l’ethnomusicologie a peu à faire ici. On saisit bien, à l’écoute des enregistrements voix-piano disponibles44, que c’est dans une autre tradition que se glisse Tomasi, celle de la mélodie française (Fauré, Franck, Duparc, Debussy), elle-même en filiation avec le lied allemand. Source historique de ce grand mouvement européen d’harmonisation de chants populaires « nationaux », le lied allemand venait du chant populaire redécouvert par les frères Grimm, dont il épousait l’apparente simplicité. Accompagné au piano, le volkslied transcendé par Schubert est déjà présent chez Beethoven lorsqu’il répond à une commande de l’éditeur et collecteur de folk songs George Thomson dans les années 1810. Il s’agissait alors d’harmoniser des chants écossais… Beethoven en profitera pour expérimenter bien des audaces d’écriture que l’on retrouvera dans son œuvre plus tard45.
26Mais ce qu’ont tous en commun ces pianistes-harmonistes du xixe siècle (et en cela Canteloube et Tomasi se rattachent à une école romantique ou post-romantique du siècle les précédant), c’est leur traitement du chant populaire par la seule approche de la représentation, choisissant exclusivement les mélodies et les textes d’un corpus populaire collecté, c’est-à-dire la surface visible des archétypes, en laissant de côté la « matière dure » du chant : le timbre des voix, le grain, le métal, la nasalisation, le placement dans l’aigu, l’absence quasi systématique de vibrato. Ignorés les mélismes, les ornementations, glissandi, les effets de yoddel, les grupetti, le chanté-parlé, le chanté crié, la vocifération. Même Bartók n’avait pas osé intégrer ces éléments à son vocabulaire compositionnel. Seul Liszt a imité le jeu du cymbalum tzigane et les introductions en taksim dans sa pratique de piano (rubato-parlando).
27Les audaces d’un K. Weill auraient pu imprégner les compositions corses de Tomasi. La position idéologique de Weill, sa collaboration avec le marxiste Bertolt Brecht s’illustrent dans la volonté d’une production musicale qui s’inspire des arts populaires – le cabaret, le cirque, les fanfares, les personnages issus des bas-fonds et des faits divers crapuleux – et qui restitue une musique que le peuple pourrait apprécier – ce qui fut le cas. L’imaginaire et les audaces de K. Weill – manège de chevaux de bois dans Der Protagonist, klaxon d’automobiles dans Royal Palace, un tango diffusé par un 78 tours depuis un gramophone intégré à l’orchestre dans Der Zar – autant d’éléments qui recontextualisent des musiques populaires au sein d’une écriture d’auteur, dans le cadre d’une œuvre écrite et pensée pour l’orchestre. Quant au chant crié, parlé, hurlé, c’est par l’Américaine Meredith Monk, ou par l’Espagnol Maurice Ohana qu’il intègrera l’œuvre écrite dans les années 197046 : approche expérimentale de la matière vocale grasse, du grain, du sale, du crié, du chuchoté.
28Tous ces éléments sont à la fois des traits stylistiques qui définissent une esthétique très éloignée du chant romantique ou de la « mélodie française », et ce sont aussi des traits sémantiques qui désignent une position de classe. En cela le « gauchiste » Tomasi aurait sans doute été séduit par le mouvement de la réappropriation, le Riacquistu corse des années 1970. La disparition du compositeur en 1971 coïncide historiquement avec le démarrage de ce mouvement. En effet, des chanteurs venus du monde classique ou de la musique ancienne comme Marcel Peres, ou le Studio der Fruhen Musik autour de l’Américain Thomas Binkley ont inauguré cette démarche de bi-musicalité à la fin des années 1970 au-delà du champ des musiques du monde, en adoptant non seulement les mélodies, les répertoires, l’horizontalité donc de cette musique, mais aussi sa verticalité, sa profondeur de matière, de son, de sens. Et sont arrivés les groupes Cantu u Populu Corsu, I Muvrini, A Filetta, Donnisullana, Tavagna, etc. On peut aussi pointer la distance considérable de statut et le rôle social entre un chanteur populaire comme Petru Grimaldi47 ou les chanteurs sardes du Tenores de Bitti, intégrés à une communauté dont ils sont les porte-voix, et une chanteuse soprano accompagnée par un piano romantique – objet de consommation esthétique.
29Il s’agit là d’une distance dans la mise en scène du corps, du geste, de la présentation de soi, la proxémie48. Et là encore, la démarche n’est pas menée jusqu’au bout par Tomasi et ses interprètes : on est encore dans une posture de musique de classe, celle de l’opéra et du récital de salon, là où le Riacquistu introduira la mise en situation de la paghjella, chantée debout, la main sur l’oreille, les yeux fermés : autre gestuelle, celle du chant polyphonique, autre sens, celui de la différence identitaire. Le lieu de l’interprétation, l’utilisation de l’espace et des technologies sont à la fois celles d’une continuité traditionnelle – usage de l’écho ou plutôt de la réverbération naturelle de la salle, « moment d’hommes », sacralisation de la langue – ou au contraire d’une mise en conformité avec les canons de la scène globale – micros, éclairages, mixages éventuels avec d’autres genres et cultures musicales, world music. Cette dimension sociale et culturelle ramène beaucoup plus les œuvres de Tomasi du côté des héritages académiques du chant lyrique que d’une interculturalité.
30La violence mise en scène par les chanteuses populaires, les voceratrices, ne put jamais être resituée dans un contexte académique, qui fut et reste celui de la musique écrite des conservatoires, ni restituée par une mise en scène hors contexte – ces performances étant déjà elles même mises en scène rituellement dans un jeu de la douleur négociée et théâtralisée. Rappelons ce que furent les Voceros (ou Voceru), tels que les décrit Quilici :
L’usage de pleurer sur les morts, le Vocero, n’est pas particulier à la Corse ; on le trouve, entre autres chez plusieurs peuples méditerranéens et en Europe centrale. En Corse, ces lamentations sont de deux sortes : s’il s’agit d’une mort naturelle, le ton en est doux et résigné, c’est le lamento ; s’il y a eu assassinat, c’est le vocero, appel terrible à la vendetta traditionnelle, où le ton d’invention spontanée si répandu chez la femme corse atteint un degré insoupçonné. Un véritable démon de l’inspiration s’empare de la voceratrice pour dicter à cette femme, presque toujours illettrée, des images d’une puissance poétique, d’une force d’évocation surprenantes. En réalité ces paroles de haine étaient uniquement destinées à impressionner l’auditoire, à le mettre en état de réceptivité pour l’appel traditionnel à la vendetta ; elles s’adressent uniquement aux parents mâles de l’homme qui vient d’être assassiné… Le vocero est toujours improvisé par une femme jeune, parente ou amie, en présence du corps sanglant étendu sur la tola (table). Autrefois les voceratrices, possédées par un véritable délire, dénouaient leur chevelure, allant jusqu’à se déchirer le visage à grand coups d’ongles49…
31Il est assez improbable que H. Tomasi ait un jour assisté à un tel cérémonial de deuil. En revanche, il est certain qu’il en a entendu ou lu des récits oraux ou littéraires, qui ont alimenté son imaginaire créatif. C’est une vision d’héritier qu’il eut de la Corse, enfant né et éduqué à Marseille, tout autant Provençal sans doute que Corse, fils d’exilé, exaltant un idéal lointain comme celui d’une terre promise : Penta di Casinca, en Haute-Corse, village de son père et de sa mère.
32La proximité et la connaissance des interprétations populaires ne fait pas de doute en revanche pour son père, Xavier :
Le goût, ou tout au moins la pratique de l’art musical, a été apporté dans la famille Tomasi par un grand oncle, l’avoué Cecconi, de Bastia, qui, ayant étudié la flûte à Florence, initia le père d’Henri, Xavier, à la technique de cet instrument. Le jeune homme avait d’ailleurs manifesté très tôt un penchant pour la musique : encore enfant, alors qu’il gardait les brebis, il aimait à jouer nos vieux airs populaires sur des pipeaux rustiques de sa fabrication50.
33Xavier fut un collecteur de terrain que Quilici avait estimé en son temps :
Xavier Tomasi avait 13 ans en 1889, l’année où Sadi Carnot, président de la République, visitait la Corse. Il habitait Aléria. Son père l’autorisa à se rendre à Bastia pour assister aux festivités. Mieux, il lui confia son vieux cheval et lui donna une pièce de cinq francs. Arrivé à Acqua Nera, le cheval était fourbu. X. Tomasi décida de passer la nuit à l’auberge de Maria Felice51. Le seul témoignage certain que nous ayons sur Maria Felice est celui de X. Tomasi qui a publié cinq strophes de A canzona di u trenu et en a transcrit la musique dans son ouvrage Les Chansons de Cyrnos en 1933. Xavier raconte :
« C’était le soir, une auberge jetait son ombre sur le bord de la route ; j’y fus accueilli avec courtoisie. Réconforté par un frugal repas de mes fatigues, je savourai un instant de bienêtre. Dans un coin de la salle, une femme déjà vieille et aveugle filait sans bruit, tout en donnant des ordres pendant la veillée. Sur la demande d’un groupe de muletiers, elle voulut bien nous chanter la complainte du train, très en vogue à cette époque, chanson satirique sur l’installation des chemins de fer en Corse, qui paralysait son commerce. J’étais saisi par cette voix, douce comme celle d’une jeune fille ». Il faut dire que le hasard avait bien fait les choses. X. Tomasi jouait de la flûte et, à Aleria, il s’était déjà passionné pour le chant corse à en pleurer en écoutant une Voceratrice renommée : Zia Rusetta52.
34Quant à la modernité de H. Tomasi elle tient peut-être dans son dépassement des valeurs androgènes de la société méditerranéennes et de la société corse, où les hommes chantaient entre eux et les femmes entre elles. Cette séparation des sexes, rarement contestée par les groupes insulaires du Riacquistu53, apparaît à la fois comme un caractère de la tradition, et une incongruité dans le discours républicain. En cela sans doute, Tomasi avait-il quelques longueurs d’avance.
35Ces débats agitent le renouveau de la polyphonie insulaire, où apparaissent bien naturellement les questionnements sur la place des femmes, sur la folklorisation d’un genre identitaire, et sur l’intégration des influences cosmopolites :
Depuis quelques années, la polyphonie corse se frotte à d’autres musiques, se refond dans ses influences orientales ou grecques, sort parfois du trio imposé. Une quatrième voix ? Le groupe Caramusa l’intègre, comme le font les polyphonies sardes. Les ouvertures ? Michel Raffaelli, du groupe Cantu Profundu cherche du côté des origines mésopotamiennes. La Casa Musicale de Pigna s’ouvre à la musique contemporaine. « Le fonds n’est pas inépuisable, explique Acquaviva d’A Filetta. Et l’on ne peut guère rester puriste avec une tradition qui bouge aussi. Alors la création a pris de plus en plus d’importance. Mais remarquez qu’il n’y a pas un seul groupe polyphonique qui ait moins de dix ans en Corse aujourd’hui ». D’autres voix pourtant s’élèvent. « Moi, je suis contre la polyphonie, s’enflamme une jeune étudiante cortenaise. Ces hommes qui chantent entre eux excluent les autres. Je préfère les lamenti, ces chants du Sud ». Mais hors les polyphonies et les lamentations, la Corse a connu des chants plus joyeux. « Elle s’est retrouvée castrée de sa joie de vivre par ses divers envahisseurs, explique Bernard Pazzoni. Des vieux se souviennent de carnavals, de danses… Parlez-moi d’une danse corse aujourd’hui ! Que la seule paghjella devienne emblématique de la Corse, cela ne nous enferme-t-il pas dans l’épaisse noirceur de Colomba, l’héroïne de Mérimée ? » La paghjella est effectivement à l’image d’une communauté qui fut longtemps solidaire et fermée sur elle-même. Aujourd’hui, les groupes polyphoniques semblent jouer une nouvelle partition pour la Corse : la fin du temps du repli54.
36Tomasi a utilisé le chant corse pour ses éléments perceptibles et qui, en eux-mêmes, constituaient à son époque des déterminants à valoriser : la mélodie d’une part, la langue corse d’autre part. Il s’est tenu à la limite d’une réinterprétation active de cet art polyphonique, se contentant d’une mise en représentation conforme aux canons esthétiques et aux discriminations sociales de son époque. Il a surtout utilisé les sources recueillies par son père, et en cela la filiation relève d’un hommage familial55, assez conforme aux règles d’honneur en usage sur l’île, malgré des rapports conflictuels avec une paternité à la fois admirée et redoutée. Peut-être est-ce là le principal caractère corse de l’œuvre de Tomasi. Il a joué avec les signes du « chant populaire corse », ceux qu’il connaissait. Il n’a pas embrassé le sens global des sources empruntées, pour la raison toute simple qu’il n’avait pas accès à cette culture déjà disparue pour partie sur l’île elle-même, que les générations suivantes allaient recontextualiser et revivifier.
37On ne peut qu’imaginer ce qu’aurait été son écriture, sa création plutôt, dans un autre contexte historique, mieux informé, mieux documenté, et surtout pris dans un mouvement de jeunesse qui s’esquissait seulement à l’heure de sa mort. Mais il a substitué à ce sens « traditionnel » (dont nous ne pouvons que traduire la sémantique, sans véritablement la comprendre) un autre sens, personnel. Le chant corse pour lui était un souvenir filial, un rattachement à l’enfance et à sa famille sacrée. Et c’est une vérité qui en vaut bien une autre.
Notes de bas de page
1 Pour Liszt comme pour Bartók, l’utilisation de mélodies populaires hongroises, qu’elles soient empruntées aux Tziganes ou non, et l’imitation des instruments des verbunkos – cymbalum chez Liszt, violon chez Bartók, s’inscrivait clairement dans une pensée nationaliste.
2 Le séjour de Dvořák aux États-Unis de 1892 à 1895, sa découverte des mélodies et rythmes afro-américains qu’il utilisera et exaltera dans de nombreuses œuvres – dont sa fameuse Symphonie du Nouveau Monde - montreront la voie d’une musique « américaine » pour toute une génération de compositeurs noirs. Il signa un article fondamental à ce propos en 1893 : « Real value of Negro Melodies » by A. Dvořák, New York Herald, 21 mai 1893.
3 Scott Joplin (1869-1917), pianiste rendu célèbre pour ses ragtimes – Mapple Leaf Rag, The Entertainer – composa également un opéra intégrant à la fois le style du belcanto et les rythmes syncopés du pré-jazz, Treemonisha.
4 Will Marion Cook (1869-1944), violoniste prodige créa le New York Syncopated Orchestra. On lui doit notamment un opéra adapté de La Case de l’Oncle Tom, et les comédies musicales Clorindy et In Dahomey’s, très influencées par Dvořák. Il écrivait en 1918 : « La grande musique noire ne fait que commencer en Amérique. L’Américain de couleur est en train de se retrouver. Il rejette enfin les puériles imitations des Blancs. Il a compris que seule l’étude approfondie des grands maîtres est à même de lui permettre de distinguer ce qui est favorable à l’art du créateur. De l’école russe, il a appris à chercher son inspiration au-dedans de lui-même ; il a appris également que cette profusion de légendes et de chants folkloriques lui offre de quoi produire les œuvres qui constitueront la grande école de demain et enrichiront la littérature musicale. » W. M. C., « On Negro Music », New York Age, 21 septembre 1918. Cité par Alex Ross, « Les hommes invisibles, la musique américaine de Charles Ives à Duke Ellington », dans Alex Ross, The rest is noise. A l’écoute du xxe siècle. La modernité en musique, Arles, Actes Sud, 2010, p. 175-222.
5 Edward Kennedy « Duke » Ellington (1899-1974) unifia le jazz et les procédés techniques des musiciens classiques. Parmi ses œuvres orchestrales, sa « swing symphony » Black, Brown and Beige pose clairement la question de l’intégration des Noirs américains. Elle fut donnée au Carnegie Hall de New York en 1943.
6 Gérard Herzhaft, Americana. Histoire des musiques de l’Amérique du Nord, de la préhistoire à l’industrie du disque, Paris, Fayard, 2005.
7 Leonard Bernstein, « The absorption of race elements into American music », 1939, in Findings, New York, Simon and Schuster, 1982, p. 38-39, cité par Axel Ross, op. cit. p. 177.
8 Canteloube, d’Indy, Séverac furent eux-mêmes des collecteurs recueillant sur le terrain des chants populaires. Par exemple, V. d’Indy, Chansons populaires recueillies dans le Vivarais et le Vercors, Paris, Ménestrel, 1892.
9 D’Indy a produit plusieurs écrits antisémites, Canteloube collabora au gouvernement de Vichy, Ropartz était membre de l’URB (Union Régionaliste Bretonne), pour qui le socialisme était « l’ennemi déclaré ».
10 Dominique Fernandez, Mère Méditerranée, Paris, Grasset, 2000, p. 7-8.
11 Voir à ce propos l’article de Jacques Cheyronnaud, « Éminemment français. Nationalisme et musique », Terrain n° 17, 1991.
12 Claude Debussy, « Enfin, seuls !… », L’Intransigeant, 11 mars 1915, dans Monsieur Croche et autres écrits, Paris, Gallimard, 1971, p. 259-260.
13 On connaît la très belle interprétation qu’en a donné Wynton Marsalis : Tomasi, Jolivet, Trumpet Concertos with the Philharmonia Orchestra, CD CBS, 1986.
14 Violon populaire norvégien incrusté de nacre, décoré à l’encre, et qui possède quatre à cinq cordes sympathiques tendues sous la touche. Le manche est orné d’une tête sculptée. Ces instruments sont classés comme « trésors nationaux » en Norvège.
15 Claude Tomasi, fils du compositeur, Interview par Max Dembo, Qobuz Magazine, 21 octobre 2013.
16 Claude Lévi-Strauss, Race et Histoire, UNESCO, 1952.
17 Fernand Braudel, La Méditerranée. L’espace et les hommes, Paris, Arts et métiers graphiques, 1977.
18 Ghjermana De Zerbi, Cantu Nustrale, Bastia, Scola Corsa, 2001.
19 Bernard Lortat-Jacob, Chants de Passion, au cœur d’une confrérie de Sardaigne, Paris, Cerf, 1998.
Bernard Lortat-Jacob, Beniamin Kruta, Albanie : Polyphonies vocales et instrumentales. Disque 33 t. et notice, Harmonia Mundi, 1988.
20 Mauro Balma, Nel cerchio del canto. Storia del trallalero genovese, De Ferrari, 2001.
21 Jean-Jacques Castéret, La polyphonie dans les Pyrénées Gasconnes : une construction musicale et humaine,
Ethnomusicologie et anthropologie musicale de l’espace français, Paris, L’Harmattan, 2010.
22 La plus célèbre des compositions du Grec Míkis Theodorákis (né en 1925) inspirées du Rebetiko est sans doute la musique du film Zorba le Grec de Cacoyannis en 1964.
23 L’ethnomusicologue français Marcel Cellier publia en 1986 et 1989 deux disques 33 t. réunissant des enregistrements de cet ensemble polyphonique national réalisés par Radio Sofia. La beauté et l’étrangeté des arrangements et compositions de Kutev sont fondés sur les diaphonies et mélodies sur bourdons traditionnelles, mais aussi sur les mélismes et couleur vocales de chanteuses exceptionnelles comme Yanka Rupkina (qui poursuivit une carrière aux Etats-Unis avec son propre ensemble, Trio Bulgarka, et collabora avec Linda Ronstadt et Kate Bush), Kalinka Vatcheva ou Stefka Sabotinova.
24 Voir notamment : Javier Santiso, « Le chant des utopies en Amérique Latine », in Quaderni, n° 28, Hiver 1996, Utopie et imaginaire de la communication. p. 67-81.
25 Ce chant religieux est considéré comme l’hymne corse depuis 1735, date de la révolte des Corses contre l’occupant génois.
26 La paghjella est une tradition de chants corses interprétés par les hommes. Elle associe trois registres vocaux qui interviennent toujours dans le même ordre : l’a segonda, qui commence, donne le ton et chante la mélodie principale ; l’u bassu, qui suit, l’accompagne et le soutient ; et enfin l’a terza, qui tient la voix la plus haute, enrichit le chant. La paghjella fait un large usage de l’écho et se chante a cappella dans diverses langues parmi lesquelles le corse, le sarde, le latin et le grec. Tradition orale à la fois profane et liturgique, elle est chantée en différentes occasions festives, sociales et religieuses : au bar ou sur la place du village, lors des messes ou des processions et lors des foires agricoles. Le principal mode de transmission est oral, essentiellement par l’observation et l’écoute, l’imitation et l’immersion, d’abord lors des offices liturgiques quotidiens auxquels assistent les jeunes garçons, puis à l’adolescence au sein de la chorale paroissiale locale. (Définition empruntée à l’inscription de la paghjella au PCI).
27 Félix Quilici (1909-1980), musicologue et ethnographe, réalisa entre 1948 et 1963 trois missions au cours desquelles il enregistra in situ des chants polyphoniques ainsi que des interprètes solistes de lamentus. Le fonds Quilici est déposé à la phonothèque du Musée régional d’anthropologie de la Corse, à Corte.
28 Wolfgang Laade a collecté et analysé des enregistrements sonores, en décembre 1965 à Marseille et en Corse de 1956 à 1958, et en 1973. Wolfgang Laade, Die Struktur der korsischen Lamento-Melodik, Baden-Baden, 1962 et Das korsische Volkslied, Wiesbaden-Stuttgart, 3 vol., 1981-1987.
29 Né en 1931 à Sorbo Ocagnano en Haute Corse, Antoine Ciosi, dont la carrière débuta avant le Riacquistu, a longtemps fédéré la diaspora corse sur le continent, notamment lors de ses mémorables concerts à l’Olympia dans les années 1960.
30 La cetera (cistre) est apparentée aux luths d’origine italienne joués partout en Europe au xviie siècle, et dont la guitare portugaise du Fado est aujourd’hui le modèle le plus joué. Le renouveau de cet instrument en Corse est lié aux recherches de Nando Acquaviva, Toni Casalonga et François Agostini.
31 Catalogue de la Cinémathèque de Corse, 2011.
32 Xavier Tomasi. Les Chansons de Cyrnos, anthologie de la chanson populaire de l’île de Corse, recueillies, notées avec la traduction du dialecte, une introduction, des notes sur la langue, les vocératrices, les danses et les instruments de musique en Corse. Préface de Paul Arrighi. Illustrations de Marcel Poggioli. Marseille, F. Detaille, 1932. P. Arrighi était professeur de langue et littérature italienne à la faculté d’Aix-en-Provence, directeur de l’Institut d’études littéraires de Nice, fondateur du Centre d’études corses et de la « Biblioteca Corsa ». Cet ouvrage fondamental restitue les paroles de 55 chansons avec la musique notée, berceuses, filastroche, jeux et rondes, sénénades, paghielle, barcarolles, chansons de pêcheur, chants de mariage, de cérémonies, de travail, chansons satiriques pour les élections, tercets amoureux, proverbes, chants patriotiques, complaintes, lamenti, voceri. Certaines notations sont reprises de l’ouvrage de M. F. d’Ortoli Les Voceri de l’île de Corse, Paris, Leroux, 1887, notamment Chèta, chèta, chèta, ô Sagra ! (Vocero d’une veuve sur le cadavre de son mari), publié par Xavier Tomasi p. 160.
33 « Ainsi la somme de Xavier Tomasi, Les Chants de Cyrnos, publiée chez un éditeur marseillais en 1932, fait-elle une impasse complète sur les polyphonies. Sans doute fallait-il attendre l’âge de l’enregistrement, seul capable de restituer la part la plus précieuse du patrimoine traditionnel. » Philippe-Jean Catinchi, Polyphonies Corses, Arles, Cité de la Musique / Actes Sud, 1999, p. 23.
34 Colin McPhee (1900-1964), élève de Varèse, fut un compositeur pionnier de l’ethnomusicologie participante, intégrant un gamelan lors de ses séjours à Bali, retranscrivant certaines pièces pour piano à quatre mains, qu’il jouait avec son condisciple Benjamin Britten. Colin McPhee, Angkloeng gamelans in Bali, 1937.
35 Giovanni Giuriati, « La voie du gamelan : entretien avec Ki Mantle Hood », Cahiers de musiques traditionnelles, 8, 1995, p. 193-214.
36 Christian Faure, Le Projet culturel de Vichy. Folklore et révolution nationale 1940-1944, Lyon, CNRS / Presses universitaires de Lyon, 1989.
37 Déodat de Séverac (1873-1921), élève de la Schola Cantorum, ami de Ravel et de Picasso, retourne vivre dans son village natal de Saint-Félix-Lauragais, à quelques kilomètres de Toulouse, puis à Céret en Roussillon à partir de 1910.
38 Déodat de Séverac, « La centralisation et les petites chapelles musicales », in Courrier musical, Paris, 1er janvier, 15 janvier, 1er mars 1908. Tiré à part, Thouars, Éditions de l’imprimerie nouvelle, [s.d.]. Texte repris in extenso dans Pierre Guillot, Déodat de Séverac, Écrits sur la Musique, Liège, Pierre Mardaga éditeur, 1993, p. 70-87. Il s’agit de la thèse que Séverac soutint à la Schola Cantorum en 1907.
39 Déodat de Séverac, « Chansons du Languedoc et du Roussillon », in Musica n° 111, Paris, décembre 1911, p. 211. Repris dans Pierre Guillot, Déodat de Séverac, Écrits sur la Musique, op. cit., p. 92-94.
40 Ferrucio Busoni, Entwurf einer neuen Ästhetik der Tonkunst, Berlin, 1907.
41 Axel Ross, The rest is noise, op. cit., p. 261.
42 Voir à ce propos : A. Ross, The rest is noise. À l’écoute du xxe siècle. La modernité en musique, Arles, Actes Sud, 2010, notamment le paragraphe : « Quand la terre danse. Du folklore au jazz, via Le Sacre du Printemps », p. 115-173.
43 Le terme de métamodernisme a été proposé pour définir cette période contemporaine d’inter-connectivité entre les genres, les époques, les styles et les localisations, et la réinterprétation contemporaine du Romantisme. Timotheus Vermeulen and Robin Van den Akker, « Notes on metamodernism », in Journal of aesthetics & culture, vol. 2, 2010. DOI 10.3402/jac.v2i0.5677.
44 Notamment le disque de la soprano Johanne Cassar : Henri Tomasi -Mélodies corses, Cyrnos, J. Cassar, soprano, Laurent Wagschal et Sodi Braide, pianos. CD Indésens Records, 2011.
45 Barry Cooper, Beethoven’s Folksong Settings : Chronology, Sources, Style. Oxford, Clarendon Press, 1994.
46 Quelques compositeurs ont toutefois anticipé ces procédés. D. Milhaud expérimente le chante-parlé-crié dans La Mort du tyran en 1932. Carl Orff, dans son oratorio De temporum fine comœdia de 1973, poursuit lui aussi ses recherches créatives sur la vocalité « au-delà du chant », menées dès 1937 dans sa cantate Carmina Burana.
47 Petru Grimaldi dit « Peppetru u Barbutu » de Piubetta (Castagniccia), chanteur de lamentus enregistré par Quilici en 1963 : U Lamentu di U Ventu, U Lamentu di Fasgianu, U lamentu di Filicone… On peut entendre ce chanteur sur diverses publications de documents sonores, notamment : Corse (1916 - 2009). Une anthologie des musiques traditionnelles. Direction artistique : Guillaume Veillet. CD Frémeaux & Associés, 2009.
48 Edward Hall, Understanding Cultural Differences - Germans, French and Americans, Yarmouth, Maine, 1993
49 Félix Quilici, La Chanson du pays, Paris, Imprimerie Nationale, 1953.
50 Id., « Henri Tomasi » in Corcisa Viva, n° 7, novembre-décembre 1964, janvier 1965, p 26-27.
51 Maria Felice Marchetti, célèbre chanteuse aveugle, aubergiste, composa notamment la Canzona di u trenu, la « Chanson du train », sur les méfaits du modernisme et les changements opérés en Corse et notamment sur l’économie du vignoble.
52 Antoine-Dominique Monti, Discours prononcé le 6 août 1988 à Acqua Nera (Cervioni) lors de l’inauguration d’une plaque à la mémoire de Maria Felice, l’aubergiste qui composa » A canzona di u trenu », in http://www. adecec.net/parutions/maria-felice.html, consulté le 22 septembre 2013.
53 Nous pensons notamment aux explorations féministes du groupe polyphonique Donnisulana, réunissant Jacky Micaelli, Dominique Bianconi, Patrizia Dau, Gigi Casabianca et Aline Filippi. Ces « femmes sur l’île » conduisent depuis près de vingt ans une carrière d’interprètes de chœurs polyphoniques inspirés des ensembles vocaux masculins.
54 Annick Peigne-Giuly, « Une quatrième voix pour le Corse », Libération, 18 novembre 1996.
55 Familial plus que filial, car ce père respecté était aussi un tyran domestique usant des pleins pouvoirs d’un « pater familias », violent à l’égard de son épouse. Ces souvenirs douloureux sont rapportés dans sa biographie par Michel Solis, Henri Tomasi, un idéal méditerranéen, Ajaccio, Albiana, 2008.
Auteur
Aix-Marseille Université
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