Un musicien dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale
p. 121-138
Texte intégral
1Pour contribuer à la démarche historienne entreprise depuis une trentaine d’années sur la musique en France pendant l’Occupation par des chercheurs tels que Jean-Michel Guiraud1, Myriam Chimènes2, Karine Le Bail3, ou bien encore Yannick Simon4, nous nous sommes interrogé sur la situation du compositeur et chef d’orchestre Henri Tomasi durant cette période.
2Les recherches menées dans différents lieux de mémoire, tant en France qu’à l’étranger, ainsi que dans les archives musicales du compositeur, que son fils Claude Tomasi nous a librement laissé consulter, nous ont permis peu à peu de retracer le parcours de ce musicien durant cette époque douloureuse, tourmentée, déterminante dans l’évolution de son devenir personnel et musical.
Ennuis à Monte-Carlo
3Au mois de juin 1945, H. Tomasi est engagé comme premier chef d’orchestre de l’Opéra de Monte-Carlo. À son arrivée en Principauté, un certain nombre d’événements vont cependant remettre en question cette décision et retarder sa prise de fonction. H. Tomasi et son épouse5, les relatent lors d’une interview réalisée en 19696 :
H. Tomasi (venant d’expliquer qu’il avait adhéré au Parti communiste français) :
[…] Et j’ai reçu ma carte, effectivement, c’est lui qui me l’a donnée7. Or, mes embêtements ont commencé à ce moment-là, parce que ça s’est su dans le milieu, d’autant plus que Locatelli8 qui faisait partie aussi du Parti communiste, était venu avec moi comme chef de chant. Je l’avais fait engager, et tout le monde savait que Locatelli était communiste. Alors, ils ont commencé à prendre peur. Ils ont dit : “Ça y est, Tomasi arrive, il a déjà amené un communiste avec lui, et probablement, ça va continuer. Des musiciens qui ne sont pas communistes vont être balancés, ou on n’en prendra pas d’autres que des communistes !” Sournoisement, ça a commencé comme ça. On a commencé à m’embêter sur des questions… parce que j’avais connu Lifar9. “Oui, d’ailleurs, c’est bien simple, Tomasi est communiste et c’est un ami de Lifar”. Jusqu’à mettre des affiches à Nice, “Lifar” où il y avait mon nom…
H. Tomasi :
On laissait supposer que j’avais fait de la collaboration, or j’étais ami avec Lifar parce qu’il était chef de ballet, forcément, à l’Opéra de Monte-Carlo…
Michel Solis :
Où se trouvaient ces affiches ?
H. Tomasi :
Dans Nice seulement, on n’en avait pas mis dans Monte-Carlo. Il y en avait dans les pissotières… Il y avait le nom de Lifar et puis on mettait “avec son ami Tomasi”, etc.
O. Tomasi :
Il y en a un qui a fait une campagne terrible, qui a été un être ignoble, que toi tu as oublié mais pas moi, c’est le dénommé Serrière10.
H. Tomasi :
C’est ça, un type qui avait fait de la collaboration à Paris, un type qui me passait la brosse quand j’étais chef d’orchestre, un fasciste notoire qui…
O. Tomasi :
Je t’avais mis en garde ! Je t’avais dis : c’est un serpent ce type-là !
H. Tomasi :
Il a été je crois fusillé pour collaboration d’ailleurs, et avant ça, parce que son procès a duré longtemps, avant ça, il m’avait mis en cause. Or s’il y en a un qui n’a pas fait de la collaboration, c’est moi ! […]
4O. Tomasi classa les principaux documents concernant cet épisode dans un dossier qu’elle intitula de façon quelque peu énigmatique : « Affaire Monte-Carlo - Bond… ». Que signifiaient ces quatre lettres, qui était ce mystérieux « Bond… » ?
5Le 16.06.1945, soit trois jours après qu’H. Tomasi a reçu la confirmation de son engagement11, il recevait une lettre du prince de Faucigny-Lucinge faisant état d’un courrier que venait de lui adresser le commandant Delpierre, président de la Société des Bains de Mer12 :
Il m’indique que l’Union des Syndicats se montre rebelle à votre venue. Il a exigé que l’on précise des accusations qui peuvent être portées contre vous mais il en conclut et j’en conclus aussi, tout en regrettant comme lui que nous soyons obligés d’en venir là, qu’il serait préférable que vous envoyiez tout de suite une attestation motivée d’une Autorité officielle qui fasse taire des gens sans importance mais qui ont certainement leur raison particulière pour vous empêcher de venir13.
Éléments de défense
6H. Tomasi obtint sans difficultés plusieurs attestations :
Claude Giraud14, un résistant qu’H. Tomasi avait aidé et qui était un :
[…] ex-agent de la Direction Générale des Services Spéciaux (direction de la sécurité militaire), n° 3/2 134 certifi[a] que pendant l’Occupation de la France, [il avait] été obligé de [se] réfugier […] chez M. H. Tomasi […]. Monsieur H. Tomasi a[vait] en outre servi de boîte aux lettres pour des dossiers transmis à Londres par l’intermédiaire du réseau « Arsenal15 ». […]
7L’auteur dramatique André Obey, qui avait été président des auteurs, compositeurs résistants pendant l’Occupation et qui était devenu à la Libération, directeur des spectacles et de la musique « […] certifi[a] qu’aucune sanction d’interdiction d’activité professionnelle par application de l’ordonnance du 13 octobre 1944 relative à l’épuration du personnel des spectacles, n’a[vait] été prononcée contre M. Henri Tomasi16 […] »
8Cependant, H. Tomasi dut attendre encore un mois pour que l’Union des Syndicats de Monaco l’innocente :
Attendu qu’après études approfondies du camarade Tomasi, les griefs qui lui sont reprochés ne peuvent être retenus.
Attendu qu’un télégramme de la Chambre Syndicale des Artistes Musiciens de Paris atteste de façon formelle la loyauté du camarade Tomasi tant au point de vue syndical qu’au point de vue politique.
Décidons à l’unanimité de considérer comme nulle et non avenue la motion s’opposant à la rentrée du camarade Tomasi en fonction17.
9Il est de plus félicité par les musiciens de l’Orchestre de Marseille Radiodiffusion française qui :
[…] adressent à leur Chef et Camarade H. Tomasi leurs félicitations les plus vives à l’occasion de sa nomination à la tête de l’Orchestre de Monte-Carlo. Ils y joignent à l’unanimité l’expression de leurs plus vifs remerciements pour son attitude loyale et courageuse à leur égard en 1943, contre les provocations d’un Directeur nommé par Vichy, et l’assurent de leurs sentiments les plus reconnaissants18.
10Le responsable de l’époque, Aimé Isnardon, accompagnera ce certificat d’une lettre dans laquelle il lui écrit que :
[…] cette décision a été prise à l’unanimité des musiciens de l’orchestre et qu’ils ont tous manifesté leur admiration pour toi par des applaudissements chaleureux. Je suis donc leur interprète en te disant qu’ils te sont très attachés et seront toujours prêts à t’apporter toute leur collaboration et leur soutien total19.
11H. Tomasi dut patienter jusqu’au 11.09.1945, pour la signature définitive de son contrat20, et c’est le 18 septembre qu’il dirigea une première répétition avec l’orchestre21. Cependant le mystérieux « Bond… » ne désarmait pas et une deuxième offensive reprit à peu près au même moment. Elle se traduisit par l’exploitation de deux documents :
Des affiches qui furent placardées à certains endroits de Nice et qui associaient le nom d’H. Tomasi à Charles Romette. C. Romette22 avait été co-directeur de l’Opéra de Marseille avec Armand Dubos23, en 1940-1941, à l’époque où H. Tomasi était second chef de l’Orchestre national dans cette ville. Durant la saison 1944-1945, C. Romette dirigeait l’Opéra de Nice avec Jean Aquistapace24. À la fin du mois d’octobre 1945, il s’était tristement illustré dans la rubrique des faits divers. Sa gestion financière de l’Opéra ayant été déficitaire dès sa première année d’exercice, il avait organisé avec sa femme, et avec l’aide de plusieurs gangsters, le cambriolage de la résidence de son associé, sachant qu’elle contenait de nombreux bijoux et objets de valeur, d’un montant avoisinant les cinq millions de francs. Suspecté assez rapidement, le couple Romette fut très vite confondu et arrêté, ainsi que les membres du milieu qui avaient participé à l’opération25.
Une note de service26 qu’H. Tomasi avait envoyée au directeur de la musique, du temps où il dirigeait l’Orchestre national. Dans celle-ci, il :
[…] l’informa[it] que des conversations de tous ordres fusaient dans tous les orchestres et dont l’esprit politique pour ou contre Vichy risquait de compromettre la sécurité des musiciens. Tomasi ajoutait qu’il ne faudrait pas « que les bons paient pour les brebis galeuses27 ».
12La révélation de cette note avait pour but de « laiss[er] supposer que Tomasi défendait Vichy28 ». Ce dernier récusa formellement l’interprétation partisane que l’on tentait de faire de ses propos et les justifia : « […] il était de mon devoir de français et d’ami de les mettre en garde contre tous les mouchards dont nous étions infestés à l’époque29. »
Les instigateurs
13Malgré les différentes manœuvres mises en place pour essayer de discréditer Tomasi aux yeux des syndicats et de la SBM, M. « Bond… » échoua, et H. Tomasi en dirigeant le Festival Fauré le 16.12.194530 inaugura la première de ses cinq saisons d’engagement, jusqu’en 1950, en tant que premier chef à la tête de l’Orchestre de Monte-Carlo. Son indéfectible soutien fut le directeur de l’Opéra, Raoul Gunsbourg31.
14La copie d’une lettre d’A. Locatelli32, violoniste et second chef à l’Opéra de Monte-Carlo nous donne de précieux renseignements sur les instigateurs de cette affaire. Monsieur « Bond… » était le compositeur Emmanuel Bondeville33, confrère de longue date de Tomasi dès les années trente. C’est à lui qu’était adressée la note citée précédemment. Il avait été directeur général des services artistiques de la Radiodiffusion française pendant la guerre, licencié dès le 31.08.1944 par Jean Guignebert34, de même qu’Henri Büsser35, directeur de la Musique, et d’autres responsables36.
15Briguant le poste de directeur de la musique de l’Opéra de Monte-Carlo, E. Bondeville était persuadé que Tomasi voulait lui ravir cette place. Même si ce dernier se défend d’avoir manœuvré contre Bondeville, et que le Cdt Delpierre ait confirmé dans une lettre que ce n’était pas le cas37, il semble évident qu’ H. Tomasi a dû souhaiter obtenir ce poste qui lui aurait apporté plus de liberté artistique, ne serait-ce que « pour ne pas recevoir des ordres d’un tartempion quelconque38 » pour reprendre son expression pittoresque. E. Bondeville aurait été persuadé de cela par Roger Serrière39, un ancien musicien de l’Orchestre national, premier prix de hautbois en 1923, qui fut également avant la guerre administrateur de l’Orchestre symphonique de Paris et organisateur de concerts.
16« Condamné à mort… » disait H. Tomasi dans l’interview citée précédemment40. Il s’appuyait en cela sur une information parue dans le Journal de Genève du 07.11.194741. Les Archives nationales conservent un dossier sur R. Serrière42. Une fiche de renseignements du Gouvernement militaire de Paris, datée du 08.06.1945, montre que depuis le 20.12.1944, il est visé par une enquête. On y apprend qu’il « a été revu dans la capitale quelques jours après la Libération alors qu’il préparait sa fuite vers l’Espagne. » Accusé de collaboration, son dossier sera transmis le 12.09.1945 au procureur de la République de Paris. Il ne sera arrêté et détenu qu’à partir du 06.02.1946, et passera en jugement en audience publique […] de la Cour de justice de la Côte-d’Or, le 06.11.1947. Là, la Cour le déclare à la majorité : « atteint et convaincu du crime d’intelligence avec l’ennemi […], Et, pour réparation le condamne à la peine de mort43. R. Serrière se pourvoit en cassation le même jour. Onze jours plus tard, l’arrêt du 6.11.1947 est cassé44. Non sur le fond, mais à cause d’un vice de procédure. Le procès-verbal de la Cour d’appel de Dijon, du 17.11.1947 renvoie la cause devant le tribunal militaire permanent de la 7e région à Dijon, seul compétent pour statuer. Pourtant, c’est devant le tribunal militaire de Lyon qu’il fut déféré. Il y comparaît le 20.10.1948, sous l’accusation de « Trahison » et a maintenant choisi comme défenseur Albert Naud45, l’un des grands ténors du barreau du xxe siècle, qui sera notamment l’avocat de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline. Lors d’une délibération à huis-clos, R. Serrière sera déclaré à la majorité des voix :
[…] coupable […] d’avoir, étant français, en France, notamment à Chalon-sur-Saône, Marseille, Paris, Vichy et autres lieux, de 1941 à 1945, entretenu en temps de guerre des intelligences avec une puissance étrangère ou avec ses agents, en vue de favoriser les entreprises de cette puissance contre la France46.
17À la majorité des voix, il obtiendra les circonstances atténuantes. Le tribunal :
[le] condamne[ra] à la peine de huit ans de travaux forcés, à la dégradation civique, ordonnera la confiscation, au profit de la nation, de tous ses biens présents et à venir, et à la majorité des voix il lui sera fait défense de paraître pendant dix ans dans les lieux dont l’interdiction lui sera signifiée par le Gouvernement avant sa libération47.
18En l’absence de document attestant le rôle effectif de R. Serrière dans cette machination et si les propos d’A. Locatelli sont fondés, il est légitime de se demander quelles ont bien pu être les motivations de celui-ci pour agir de la sorte envers H. Tomasi ?
19Second hautbois à l’Orchestre national, s’est-il senti dénoncé comme l’un de ces « mouchards » dont parle le compositeur dans la note de service citée précédemment ? Compte tenu de ses idées politiques et de l’idéologie à laquelle il adhérait, a-t-il voulu nuire à H. Tomasi parce qu’il savait qu’il était communiste ? Se sachant recherché pour des faits graves de collaboration, a-t-il tenté se « dédouaner » de quelque façon en essayant de compromettre le musicien ? C’est vraisemblable. Ce qui est incompréhensible, c’est sa collaboration avec les nazis lorsqu’on sait que R. Serrière était franc-maçon, membre de la loge « Art et travail », de la Grande Loge de France48.
Rebondissement à Paris
20À Paris, le cas d’H. Tomasi va rebondir. En août 1944, il avait été simplement mis en « congé pour trois mois avec reprise de collaboration envisagée après examen49 », et il avait dirigé à la tête de l’Orchestre national, le 09.09.1944, le Concerto franco-américain de Jean Wiener50, avec le compositeur au piano. On remarque également que le 08.05.1945, son confrère Manuel Rosenthal51, dont l’amitié lui fut toujours acquise, a donné son poème symphonique Tam-tam avec l’Orchestre national. En juin 1945, aucun arrêté de licenciement n’est encore prononcé et Francis Missa52, alors Inspecteur général adjoint de la Radiodiffusion française à la Libération certifie même :
[…] qu’H. Tomasi, compositeur et 1er chef [sic53] de l’Orchestre Symphonique de la Radiodiffusion n’a jamais fait l’objet de remarques défavorables quant à son comportement patriotique. En conséquence aucun dossier à son nom n’a été ouvert devant la Commission centrale et supérieure de la Radiodiffusion française54.
21Que se passe-t-il pour qu’en août 1945 une mise en « non activité pour six mois55 » soit prononcée à son encontre, alors qu’il n’est passé devant aucune commission disciplinaire, ainsi qu’il le réclamait lui-même56 ? Pourquoi donc, une année après, le cas d’H. Tomasi revient-il au-devant de la scène ?
22On est amené à se souvenir de ce qu’a écrit le 23.07.1945 A. Locatelli à L. Serret : « Bondeville est parti brusquement hier soir pour Paris où il espère que ces deux documents pourront perdre à nouveau Tomasi57. » En cette rentrée 1945, il va néanmoins à nouveau diriger avec l’Orchestre national un important concert pour le 11 novembre, le Requiem de Verdi en l’église de la Madeleine, au bénéfice de Victoire, « organisme national de Solidarité Combattante sous la Haute Présidence du Général de Gaulle ».
23Mais un arrêté en date du 20.11.1945, signé de Jacques Soustelle, ministre de l’Information, met effectivement H. Tomasi en non-activité pour une période de six mois « suite à l’avis motivé, émis par la Commission d’épuration de la Radiodiffusion française dans sa séance du 14.11.194558 ». Cela ne lui sera signifié officiellement que le 14.12.194559. Quel était donc cet « avis motivé » dont les termes nous sont inconnus ? Nos propres recherches, comme celles de K. Le Bail, dans sa thèse sur La politique musicale de la Radiodiffusion française, 1939-195360 n’ont pas permis de retrouver ce document. Le Comité aurait-il eu connaissance d’éléments nouveaux concernant les activités d’H. Tomasi ? S’agissait-il des accusations portées contre lui à Monte-Carlo ?
24Deux lettres d’Henry Barraud61, directeur de la Musique à la Libération nous fournissent des éléments d’information sur ce mois de novembre 1945. La première, en date du 03.12.1945 est adressée à H. Tomasi :
Mon cher Henri,
Je voudrais pouvoir te répondre avec plus de netteté qu’il ne m’est possible de le faire. Je connais le très désagréable incident qui s’est produit à ton sujet pendant mon voyage en Suisse. J’ai même eu là-dessus une explication assez vive avec Monsieur Guignebert62. C’est en effet de lui et de nul autre que vient l’opposition passablement violente qui s’est faite à ton endroit et je sais que la position de Missa63 dans cette affaire est infiniment plus souple et plus bienveillante. […]
En ce qui me concerne, j’estime que si l’on a quelque chose à reprocher à quelqu’un sur le plan de l’épuration, ce quelqu’un doit être présumé innocent jusqu’au moment où la Commission a statué sur l’affaire. Ce n’est pas le point de vue de Monsieur Guignebert, et je ne puis rien faire contre.
Il faut donc attendre, pour éclaircir l’affaire que la Commission ait examiné le cas64. J’en ai parlé avec Missa qui est d’avis que l’affaire n’est pas grave, mais je crois que, quoique son influence dans ces matières soit très grande, il n’est pas totalement le maître des décisions de la Commission, et c’est pourquoi il a fait preuve de quelque prudence en me parlant et m’a laissé entendre qu’il ne pouvait garantir qu’il n’y aurait pas une sanction légère prise à ton égard.
Voilà où nous en sommes. En résumé, je n’ai pas pouvoir pour débrouiller mieux l’affaire et surtout point pour dissiper l’équivoque, avant la séance de la Commission. D’autre part toute intervention de moi sur la question ne pourrait guère que le braquer, et je ne crois pas qu’il soit prudent d’aller plus loin que la conversation que j’ai eue avec Missa.
Je souhaite que les choses s’arrangent rapidement, et je te prie de croire à mes sentiments bien cordialement dévoués65.
25La seconde lettre, en date du 02.01.1946 est adressée à O. Tomasi :
[…] En ce qui concerne Henri, vous savez sans doute que la Commission d’épuration a été assez sévère à son égard et lui a appliqué six mois de suspension. Il est vrai que ces six mois ont été calculés pour coïncider avec son congé sans solde, et que cette suspension reste purement théorique. C’est pourquoi je crois que le mieux est de n’en rien dire et de ne point chercher à faire appel d’une décision sans effet pratique66. […]
26H. Tomasi suivra ce conseil. Avec le recul historique, cependant, et à la lumière des recherches qui ont été menées durant les dernières décennies sur cette période cruciale de l’histoire du xxe siècle (et que les acteurs de cette époque étaient loin d’imaginer), on peut penser que ce fut très certainement une erreur de sa part de ne pas faire appel afin de connaître exactement les faits qui lui étaient reprochés. C’était permettre à des soupçons, à des rumeurs de voir le jour.
27Cependant, n’oublions pas, également, comme l’écrivait très justement K. Le Bail à C. Tomasi « […] L’époque est extrême, après les quatre ans d’Occupation. Une lettre compromettante suffisait à la Libération pour être écarté de la radio67. […] ». Aussi, c’est très probablement la raison pour laquelle H. Barraud68, qui était au cœur du dispositif de réorganisation de la Radiodiffusion française, donna à son confrère et ami H. Tomasi, dont il connaissait la probité69, le conseil de ne point faire appel de la décision prise à son encontre.
Le parcours durant la guerre
28Cet ensemble de questions en suspens nous amène à examiner de plus près le parcours d’H. Tomasi durant la Seconde Guerre mondiale.
Du chef de fanfare…
29Mobilisé le 24.08.1939, il est affecté comme musicien, à Villefranche-sur-Mer au 173e Régiment d’Infanterie alpine. Là, il va diriger une fanfare, et durant ces quelques mois, il composera quelques pièces pour sa formation : en décembre 1939 Défilé du 4e Bataillon, 203e R.I. et Les Gars de la Provence70, puis durant le premier trimestre 1940 Fanfare à Villefranche71, Coupo Santo et France d’Outre-Mer72. Les deux premières pièces sont écrites en hommage à l’officier qui encouragea H. Tomasi à doter son régiment de musiques, le commandant Nevière73, le Coupo Santo est dédié à sa formation. Hormis Les Gars de la Provence, toutes ces œuvres pour cuivres et percussions furent données en première audition, le 09.05.1940, à la Radio nationale avec le concours de la Fanfare du 4e bataillon, 203e R.I. que dirigeait H. Tomasi.
30L’analyse de la presse musicale et généraliste de cette époque nous a permis de voir que parmi elles, seule France d’Outre-Mer avait été rejouée à Marseille, à deux reprises dans les mois qui suivirent, le 03.12.1940 et le 25.06.1941. Le 03.12.1940, elle fut interprétée lors du voyage que fit le maréchal Pétain dans cette ville. Les circonstances de cette exécution auraient-elles retenu l’attention de la Commission d’épuration ?
31Philippe Pétain fera une vingtaine de voyages sur le territoire jusqu’à l’envahissement de la zone libre. Marseille est la deuxième ville qu’il visite, après Lyon, le 17.11.1940. La venue du chef de l’État français donne lieu à une grandiose mise en scène, la propagande de Vichy voulant faire croire, en effet, que malgré la défaite et l’Occupation, la France avait conservé les attributs d’une grande puissance impériale. Compte tenu de son histoire et de sa situation géographique, Marseille était la seule ville de la zone libre capable de créer cette illusion.
32France d’Outre-Mer est jouée au cours d’un programme radiodiffusé intitulé : « La Provence, le Maréchal et l’Empire », faisant alterner des pièces musicales et des textes. France d’Outre-Mer est donnée dans la troisième partie, entre la Suite algérienne de Saint-Saëns et le sixième couplet de La Marseillaise, « Amour sacré de la Patrie », comme il était d’usage à l’époque, interprété par le célèbre ténor Georges Thill et les chœurs.
33Ce qui a, en revanche, particulièrement retenu notre attention, c’est la mention qui est faite dans le programme de cette manifestation paru dans le quotidien Le Petit Provençal du 03.12.1940. « France d’Outre-Mer […] composée par H. Tomasi, en hommage au maréchal Pétain. » La même indication se retrouve dans l’édition du 03.12.1940 du Petit Marseillais. C’est la seule fois où nous avons trouvé cette information dans la presse de cette époque.
34Nous avons alors examiné les différentes partitions de cette œuvre afin de vérifier si elles comportaient une dédicace particulière. Les manuscrits sont vierges de tout hommage. Les conducteurs et le matériel d’époque se trouvant chez l’éditeur parisien Henry Lemoine, également74. Nous avons consulté ensuite l’exemplaire se trouvant à la bibliothèque de Radio-France. La partition d’orchestre est le travail d’un copiste. Si le nom de l’œuvre et du compositeur sont de la plume de ce dernier, la dédicace « Marche héroïque à la Gloire des armées coloniales », en revanche, est de la main d’H. Tomasi. Elle est écrite sur un papier où semble avoir été effacé quelque chose. Y-aurait-il eu une autre dédicace avant celle-ci ? Il n’y en a pas trace. Dans l’affirmative aurait-elle pu rendre hommage à P. Pétain ? Pour travailler depuis de nombreuses années maintenant sur la correspondance générale de ce compositeur, cette éventualité ne nous parait guère crédible tant les idées de Vichy – « Travail, Famille, Patrie » – étaient contraires aux idéaux libertaires, socialistes, internationalistes de Tomasi.
… À l’Orchestre national
35À la démobilisation, le retour à la vie civile d’H. Tomasi est l’occasion pour lui d’envisager une vie différente de celle qu’il a menée durant la décennie passée. Depuis les mois qui ont précédé le conflit, en effet, il est en proie à une profonde crise existentielle que les bouleversements liés à guerre vont encore accentuer. D’un point de vue professionnel, il ne souhaite pas renouer avec la vie intense de chef, de musicien de radio qui a été la sienne jusqu’alors ; sur un plan plus personnel, il va tomber amoureux d’une jeune femme, amour impossible qui l’amènera à vouloir devenir moine. Il envisagera alors très sérieusement de divorcer, afin de pouvoir entrer dans l’Ordre des Dominicains.
36Le sud de la France étant en zone libre, et sa famille habitant Marseille, c’est donc tout naturellement qu’il va rester dans ce midi qu’il aime tant. Une situation géographique qui lui permet de se rendre aisément au monastère de la Sainte-Baume dans lequel il souhaite entrer.
37En attendant, H. Tomasi se doit, malgré tout, de retrouver une activité professionnelle, car il n’a malheureusement ni poste fixe, comme beaucoup de ses confrères, ni encore moins de fortune personnelle. Depuis son plus jeune âge, ses seules sources de revenus proviennent de ses concerts ainsi que de ses droits d’auteur.
38H. Tomasi dirige tout d’abord à Montpellier où l’Orchestre national s’est replié. Ce dernier n’est pas un inconnu pour lui. Il a fait partie des musiciens qui ont participé à sa création. Rappelons-nous, en effet, que l’Orchestre national est constitué le 11.02.1934. C’est le chef d’orchestre Désiré-Émile Inghelbrecht75 qui suggère à Jean Mistler76, alors ministre des PTT, de créer cette formation, et celui-ci retient sa proposition. Comme l’écrit Christian Brochand dans son Histoire générale de la radio et de la télévision en France77 : « Pendant une semaine un jury composé d’Henri Büsser78, Florent Schmitt79, Pierre Dupont80, Victor Charpentier81, Jacques de La Presle82, H. Tomasi et Inghelbrecht, entend près de 400 musiciens français. Après de sévères épreuves […], 80 sont retenus […] »
39Le 18.08.1940, H. Tomasi prend la baguette et dirige Faust de Gounod. Dès lors, il va être appelé à conduire régulièrement cette formation83, et à partir de la rentrée 1941, il deviendra, de fait, le second chef de l’Orchestre national, son fondateur, Inghelbrecht, restant le premier. Cette importante fonction fut certainement la raison principale de sa mise en cause à la Libération, comme ce fut le cas pour Inghelbrecht84.
Les programmes des concerts
40Si l’on analyse très précisément les programmes de l’Orchestre national qu’a dépouillés dans sa thèse K. Le Bail85, du 25 mai 1941 jusqu’à la fin du mois d’août 1944, on s’aperçoit qu’H. Tomasi dirige 103 concerts contre 131 pour Inghelbrecht. La part réservée à la musique française est de loin la plus importante : 68,3 %86. Viennent ensuite les œuvres des compositeurs germaniques : 17,9 %, puis des autres écoles (russe, italienne, etc.) : 11,2 %. Les compositeurs d’origine juive représentent une part infime de la programmation, soit 2,6 %87. H. Tomasi dirige dix de ses compositions, parmi lesquelles, deux créations, la Messe en Ré88 et la Symphonie en ut89. On compte par ailleurs douze premières auditions d’œuvres de compositeurs plus ou moins connus parmi lesquelles : Bas-reliefs assyriens de Martelli90, le Concerto pour piano et orchestre et Kermesse d’H. Barraud91.
41Bien des années plus tard après la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce même H. Barraud, alors aux « commandes de la Radio » donnera un éclairage sur cette période. Évoquant, en effet, les noms de quatre chefs qui étaient candidats à la direction de l’Orchestre radio-symphonique : Tony Aubin92, Jean Giardino93, Jean Clergue94, et H. Tomasi, il écrira : « Aucun de ces chefs ne s’était, en quoi que ce fût, mouillé dans la collaboration95 […] »
Les compositions de cette période
42Les œuvres de cette période vont toutes refléter l’ampleur de sa crise existentielle.
43La Symphonie en ut, qu’il sous-titre dans un premier temps Apocalypse, traduit dès l’Allegro initial, « une lutte entre les éléments passionnels et les aspirations élevées de l’âme. » et développe cette idée maîtresse tout le long de ses quatre mouvements. Alternent alors les « mélancoliques lamentations avec toutes sortes de poétiques tristesses », les « visions de cauchemars où passent des appels sauvages et guerriers […] [dans lesquelles] l’homme retrouve ses instincts primitifs dans les combats meurtriers, pour ne semer que la mort et la désolation », avec « une pensée religieuse d’un mysticisme ardent », […] renoncement à tout ce qui est matériel ou terrestre ». La « dernière partie » […] « réaffirme [cette] pensée dominante […] pour que notre joie demeure en nous envers et contre tout et préside à tous les instants de notre vie96. »
44La Messe en ré. Terminée en janvier 1941, elle n’utilise pas le texte latin, mais se sert de celui d’une œuvre de Paul Verlaine, Liturgies intimes, en français. H. Tomasi retient six des vingt-quatre textes qui forment ce recueil. Le tout premier, lors de la création à Marseille, le 14.02.194297, dut, quant à lui, prendre une résonance particulière. En effet, après les injonctions habituelles de l’introït, n’entend-on pas le chœur déclamer : « Donnez-nous la victoire et l’honneur, Sur l’ennemi de nous tous. » Également à Marseille, le 02.04.1942, en l’église du Rosaire, l’église des dominicains, ordre, rappelons-le dans lequel il veut entrer est donnée La Passion, sur des textes du Révérend Père Roguet98.
45Le Requiem99 est la grande œuvre de cette période (1943-1945). Très probablement, il est issu du travail sur la liturgie et la langue latine qu’H. Tomasi fit avec le Révérend Père Lajeunie100, père dominicain du monastère de la Sainte-Baume, au moment où il commença son noviciat.
46L’œuvre se compose de neuf parties au cours desquelles l’auteur a voulu réaliser l’unité entre « l’Héroïsme et la Paix Éternelle ». C’est une fresque grandiose, pour orchestre, chœur mixte et quatuor de solistes, l’un des grands requiem du xxe siècle, écrit un an avant celui de Duruflé101. Il la dédie : « À tous les martyrs de la Résistance & À tous ceux qui sont morts pour la France. »
47La dernière œuvre commencée pendant cette période est l’opéra Don Juan de Mañara102, d’après le Mystère d’O.V. de L. Milosz103. D’une inspiration profondément sincère, cette œuvre lyrique, comme l’écrivait avec justesse le critique Jacques Bourgeois :
[…] est incontestablement une œuvre de théâtre autant que de musique, et à ce titre il faut probablement la considérer comme le seul grand opéra français écrit depuis la guerre avec Dialogues des Carmélites de Poulenc, qu’elle précède de cinq ans. […] l’une comme l’autre correspond[ant] à des périodes de mysticisme intense chez les deux compositeurs104.
48Et pourtant, c’est après l’avoir achevée qu’il perdra la foi, suite à la découverte, à la fin du conflit, des atrocités perpétrées par les nazis dans les camps d’extermination et de l’horreur engendrée par la bombe d’Hiroshima.
49Les œuvres de cette période ne représentent nullement chez ce compositeur une adhésion à la religiosité à l’honneur sous Vichy mais sont le reflet de la recherche spirituelle qu’il mène afin trouver un sens à l’existence.
50Durant toute l’Occupation, H. Tomasi a conservé l’attitude qui fut la sienne depuis sa jeunesse. Celle d’un musicien évoluant à l’écart des modes, des courants officiels et des organes de pouvoir, qu’ils soient rattachés à la musique ou à la politique.
Épilogue
51En l’absence de dossier de la Commission d’épuration, le seul fait ayant pu justifier la sanction de la Commission d’épuration de la Radiodiffusion française est la position de second chef de l’Orchestre national qu’occupa H. Tomasi.
52Les accusations portées contre lui à Monte-Carlo par le compositeur E. Bondeville105 l’ont été dans le simple but d’éliminer un rival. Il y fut probablement aidé par le collaborateur R. Serrière106. Toutes les allégations dont il a été victime furent finalement reconnues comme sans fondement par ceux qui, dans un premier temps, s’étaient laissé abuser.
53En revanche, le comportement d’H. Tomasi fut irréprochable sur plusieurs points :
Il n’a jamais occupé de poste avec des responsabilités administratives durant Vichy.
Il a refusé de diriger certains concerts imposés qu’il a jugés compromettants : à Marseille où étaient programmées « les œuvres d’un officier italien, malgré l’insistance […] et la pression de Vichy » et également lors de Festivals de « Musique Hongroise107 ».
Il a catégoriquement rejeté « les offres réitérées […] [avec] l’assurance de très gros cachets », qui lui ont été faites pour diriger à Radio Paris108.
Il n’a bénéficié d’aucune commande de l’État français : ni d’œuvres, ni d’enregistrements discographiques, alors que ce fut le cas d’une soixantaine d’autres compositeurs109.
Il ne fit pas partie du fameux voyage de Vienne en décembre 1941, de ces musiciens français invités par le Reich pour commémorer le 150e anniversaire de la mort de Mozart110 dans un unique but de propagande pour « l’Europe nouvelle », ce qui, notons-le, valut à Honegger111 d’être exclu du Front National de la Musique, organisation liée à la Résistance.
54Même si H. Tomasi n’a pas fait partie de cette organisation résistante, il a rendu un certain nombre de services, ce qu’atteste un second certificat d’un résistant de la France Libre :
Je soussigné, Lieutenant Max Petit112, agent […] à la Direction Générale des Services Spéciaux […] Membre Reconnu des Forces Françaises Combattantes depuis juillet 1942 au titre du Service de Renseignements, Réseau Arsenal, Chef de Groupe Corps Francs […] à l’Association Nationale des Corps Francs et Combattants d’Élite
55Atteste que :
Monsieur H. Tomasi, […] a été en contact avec mon groupe de Résistance depuis Juillet 1942 et est resté constamment à la disposition de la France Combattante, donnant son aide matérielle et accomplissant les missions qui lui ont été confiées.
Fait à Paris le 26 décembre 1944.
Lieutenant Max Petit113
56Comment pourrait-on conclure en oubliant qu’H. Tomasi se donna à lui-même une autre « mission », plus importante, plus significative, en devenant le compositeur du Silence de la mer, le seul drame lyrique qui perpétue la mémoire de la Résistance dans le domaine de l’Opéra114 ? Et il le fit à un moment, quatorze ans après la Victoire, qui ne devait plus rien à l’opportunisme, à un quelconque besoin de se justifier, car personne, alors, en 1959 ne lui demandait des comptes. Il le fit en pleine liberté de conscience. C’est pour cela que le résistant Jean Bruller, dit Vercors, auteur du Silence de la mer, lui rendit en 1986 un long et bel hommage, dont j’extraie ces quelques mots : « Dans presque tous les domaines de l’art et de la pensée (le “presque” n’est là que par scrupule) nous nous sommes trouvés en accord115. »
Notes de bas de page
1 La Vie intellectuelle et artistique à Marseille au temps du maréchal Pétain, Université de Provence, 1981, 559 p., & La Vie intellectuelle et artistique à Marseille à l’époque de Vichy et sous l’Occupation, 1940-1944, Marseille, J. Laffitte, 1998, 356 p.
2 La Vie musicale sous Vichy, dir. M. Chimènes, Bruxelles, Éd. Complexe, IHTP-CNRS, 2001, 420 p., & La Musique à Paris sous l’Occupation, dir. M. Chimènes et Y. Simon, Paris, Fayard/Cité de la Musique, 2013, 254 p.
3 Musique, pouvoir, responsabilité. La politique musicale de la Radiodiffusion française, 1939-1953, Paris, Institut d’études politiques, 2005, 4 vol.
4 Composer sous Vichy, Lyon, Symétrie, 2009, 424 p.
5 Odette Camp-Tomasi (1909-1979), artiste peintre, épouse et collaboratrice du compositeur.
6 Entretien réalisé à Paris, en juillet 1969, par Michel Solis. Arch. C. Tomasi.
7 Henri Tomasi reçoit sa carte des mains d’Auguste Dubar, tromboniste à l’Orchestre de Monte-Carlo et responsable de la cellule de Beausoleil, une ville dont il fut le maire de 1944 à 1953.
8 Le violoniste et chef d’orchestre Albert Locatelli (1896-1965) est un militant actif au sein du Parti communiste français. Le 20.01.1939, par exemple, il dirige à Paris, un grand orchestre symphonique, lors d’une importante soirée musicale à la Mutualité, intitulée : « Commémoration des trois “L”, hommage solennel du Parti communiste français à la mémoire de Lénine, Liebknecht et Luxembourg ». [Sources : L’Humanité, 17.01.1939, p. 2 ; 18.01.1939, p. 1-2 & 20.01.1939, p. 1].
9 Serge Lifar (1905-1986), célèbre danseur et chorégraphe français d’origine russe fut accusé de collaboration à la Libération. Maître de ballet à l’Opéra de Paris de 1930 à 1944, directeur artistique du Nouveau Ballet de Monte-Carlo de 1945 à 1947, il reprit la direction du ballet de l’Opéra de Paris de 1947 à 1958.
10 Roger (Émile) Serrière. Nîmes, 24.06.1904 – Cannes, 28.02.1983. Se marie à Paris, 17e, avec Valérie (Lise, Rosine) Gompertz, le 08.07.1935 dont il divorce le 06.07.1945. [Cannes, État-civil, registre des naissances, 1904, n° 624].
11 Lettre du secrétaire du prince J.-L. de Faucigny-Lucinge à H. Tomasi, Paris, 13.06.1945. Arch. C. Tomasi.
12 Alfred Delpierre (1875-1957) était depuis 1923, président du conseil d’administration de la SBM. Le prince J.-L. de Faucigny-Lucinge (1904-1992), était l’un de ses administrateurs.
13 Lettre du prince J.-L. de Faucigny-Lucinge à H. Tomasi, Paris, 16.06.1945. Arch. C. Tomasi.
14 Claude Giraud (1923-2001). Après la Seconde Guerre mondiale, il fut l’un des grands entrepreneurs de spectacle français. Il fut notamment représentant exclusif du Grand Ballet du Marquis de Cuevas (1947-1961).
15 Certificat manuscrit authentifié par le commissaire de police du 2e arr. de Paris, 19.06.1945. Arch. C. Tomasi, cf. illustration 1.
16 « Certificat administratif » établi par A. Obey sur papier à en-tête du Ministère de l’Éducation Nationale, Direction des spectacles et de la musique, Paris, 21.06.1945. Arch. C. Tomasi.
17 Le texte de cette motion votée le 16.08.1945 paraîtra le 21, dans les quotidiens L’Aurore et Le Patriote.
18 Certificat daté du 28.08.1945, signé par A. Isnardon et F. Chauchard, respectivement délégués des musiciens de l’Orchestre national en 1943 et en 1945. Arch. C. Tomasi.
19 Lettre d’A. Isnardon à H. Tomasi, 29.08.1945, écrite sur papier à en-tête du Ministère de l’Information, Radiodiffusion française, direction régionale de Marseille. Arch. C. Tomasi.
20 H. Tomasi est engagé comme « premier chef d’orchestre du grand orchestre du Casino. […] pour les concerts et ballets, et éventuellement, opéras […] » Le contrat prévoit que « le maximum des concerts ou représentations [qu’il aura à diriger] sera de six par mois pour chacun des mois de septembre 1945 à avril 1946 […] » et qu’il sera « autorisé à s’absenter deux fois par mois pour diriger deux concerts à Paris. » Il lui est alloué une rémunération de 30000 f (environ 3742 €) par mois à laquelle s’ajoute 20000 f (environ 2494 €) « pour les frais de séjour et de représentation. » Contrat entre la Société anonyme des Bains de Mer et du Cercle des étrangers à Monaco et H. Tomasi, 11.09.1945. Arch. C. Tomasi.
21 Note manuscrite d’O. Tomasi. Arch. C. Tomasi.
22 Après la guerre de 1914-1918, d’où il était revenu médaillé de la Croix de guerre, C. Romette (1891-1964) avait entamé une carrière lyrique. Première basse chantante, il s’était produit sur les grandes scènes françaises et européennes, puis s’était consacré, à partir de 1937, à la direction de théâtre, gérant successivement les scènes d’Amiens, Rouen, Marseille, Lyon et Nice. Mobilisé en septembre 1939, il avait été décoré de la Légion d’honneur au mois de décembre, à titre militaire. [Sources : Journal de Vienne et de l’Isère, 30.05.1942, p. 2 & Arch. nat., base Léonore, dossier n° 19800035/607/68504, notice n° C-125897.]
23 Premier prix de flûte, en 1922, dans la classe de P. Gaubert au Conservatoire de Paris, A. Dubos s’était tourné par la suite vers une carrière d’artiste lyrique.
24 Jean Aquistapace (1882-1952), artiste lyrique et acteur de cinéma.
25 Selon un article non signé paru dans le quotidien La Liberté de Nice et du Sud-est, n° 218, 13.11.1945, p. 1. Le cambriolage avait eu lieu le 25.10.1945.
26 Nous n’avons pu retrouver le texte exact de ce document qui semble dater du 30.11.1940.
27 Copie manuscrite par O. Tomasi d’une lettre d’A. Locatelli à L. Serret, secrétaire du Syndicat des musiciens, à Paris (rentrée 1945). Arch. C. Tomasi.
28 Ibid.
29 Note manuscrite d’H.Tomasi, dossier « Affaire Monte-Carlo – Bond… ». Arch. C. Tomasi.
30 H. Tomasi dirigea ce soir-là le prélude de Pénélope ainsi que la Ballade pour piano et orchestre.
31 Raoul Gunsbourg (1864-1955). Nommé par le prince Albert Ier à la tête de l’Opéra de Monte-Carlo en 1892, il resta à ce poste jusqu’en 1951. À ce jour, il est le plus grand directeur d’opéra qu’ait connu la Principauté.
32 A. Locatelli, op. cit. n. 27.
33 Le compositeur E. Bondeville (1898-1987) exerça différentes fonctions de direction durant sa carrière : à la Radiodiffusion française de 1935 jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, puis à partir de 1945, à Radio Monte-Carlo, à l’Opéra-Comique (1949), et enfin, à l’Opéra de Paris (1950-1969). Élu membre de l’Institut en 1959, il deviendra Secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, en 1964. On lui doit des pièces instrumentales et des ouvrages lyriques parmi lesquels L’École des Maris, sur un livret de J. Laurent, d’après Molière (1932-1935).
34 J. Guignebert (1897-1958). Journaliste, résistant, secrétaire général provisoire à l’Information à partir de juin 1944, il sera par la suite directeur général de la Radiodiffusion (octobre 1944-décembre 1945), puis président du Conseil supérieur de la RDF (décembre 1945-mars 1946).
35 Henri Büsser (1872-1974). Organiste, chef d’orchestre, compositeur et pédagogue français. Il fut élu à l’Académie des Beaux-Arts en 1938 au fauteuil précédemment occupé par Gabriel Pierné. Après la guerre, il sera notamment directeur de l’Opéra de Paris (1946-1951).
36 Paris, Arch. nat., série F43 171, listes 1944 et août 1945. La liste des sanctions appliquées aux fonctionnaires, agents contractuels et auxiliaires de la Radiodiffusion française du mois d’août 1945 stipulait qu’il était interdit à E. Bondeville d’exercer toute fonction à la Radiodiffusion française pendant un an.
37 « J’atteste volontiers que M. Tomasi, lorsqu’il a su que M. Bondeville a fait fonction de directeur de la Musique intérimairement, n’a plus posé sa candidature à cet emploi, se bornant à demander d’être 1er chef d’orchestre avec M. Locatelli comme second. » Texte manuscrit d’A. Delpierre, sur papier à en-tête de la Société Anonyme des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco, 29.07.1945. Arch. C. Tomasi.
38 Formule utilisée par H. Tomasi dans une lettre à E. Bondeville, et reprise par ce dernier dans la réponse qu’il lui fit. Lettre dactylographiée, 17.07.1945. Arch. C. Tomasi.
39 Selon les propos d’A. Locatelli dans la lettre adressée à L. Serret. Cf. supra, notes 10 & 25.
40 M. Solis, op. cit. n. 06.
41 Le Journal de Genève, national, politique et littéraire, 07.11.1947, p. 8. L’information est reprise dans l’édition internationale de ce quotidien, 08.11.1947, p. 8.
42 Paris, Arch. nat., cote n° Z/6SN/4003, R. Serrière.
43 Arrêt de la Cour de justice de la Côte-d’Or du 06.11.1947 suite au réquisitoire de M. Le commissaire du gouvernement en date du 16.10.1947. Archives départementales de la Côte-d’Or, ADCO 29 11 124, n° 536.
44 Ibid. Mention manuscrite.
45 Albert Naud (1904-1977) sera l’avocat de L.-F. Céline d’avril 1947 à avril 1951, date de son amnistie.
46 Jugement du tribunal militaire permanent de Lyon du 25.10.1948, faisant suite au jugement de renvoi n° 442/3460 du 07.10.1948 du tribunal militaire de Lyon. Le Blanc, Dépôt central d’archives de la Justice militaire, DCAJM/D 461/3479.
47 Ibid. Le procès-verbal du jugement note que R. Serrière bénéficiera de vingt-quatre mois de remise de travaux forcés, de la remise de la confiscation des biens. Élargi le 02.08.1951 de la Maison centrale de Clairvaux, il bénéficiera début 1955 d’une remise gracieuse de la peine complémentaire d’interdiction de séjour.
48 Selon l’ouvrage de N. Switkow, La Grande Loge de France, liste des membres, Paris, 31 rue de La Tour-Maubourg, 1935, t. II, p. 234.
49 Selon un document retrouvé par K. Le Bail à l’IMEC dans les archives de P. Schaeffer, « Libération. Radio Paris 1944-1945 ».
50 J. Wiener (1896-1982), compositeur interdit du fait de ses origines juives pendant la seconde guerre mondiale.
51 M. Rosenthal (1904-2003) fut chef adjoint de l’Orchestre national de la Radiodiffusion française de sa création (1934) jusqu’à la seconde guerre mondiale, où il fut écarté à la suite de la promulgation des lois sur le statut des juifs. Il en devint le chef permanent à la suite d’Inghelbrecht, de 1944 à septembre 1947.
52 Francis Missa (1901-1992).
53 C’est Désiré-Émile Inghelbrecht (1880-1935) qui était le premier chef.
54 Certificat en date du 23.06.1945 établi par « Francis Missa ex-Leveille, Chef du Mouvement Libération, Membre du Directoire M.U.R. et M.L.N. pour le Languedoc-Roussillon, Président du Comité de Libération de la Radiodiffusion française » sur papier à l’en-tête : République Française, Comité de la Libération de la Radiodiffusion française, et répertorié sous les références : F.M./C.L. – 8. Arch. C. Tomasi.
55 Arch. nat., Série F 43 171, Radiodiffusion française. Épuration administrative (amnistie) : 1944-1954, vol. II.
56 Dans un courrier daté du 30.08.1944, adressé à « M. le Directeur », cité par K. Le Bail, op. cit. t. III, p. 584 et conservé à Paris, à l’IMEC, archives Pierre Schaeffer. b.v. « Libération. Radio Paris 1944-1945 ». K. Le Bail précise que son destinataire peut tout aussi bien être Jean Guignebert que Pierre Schaeffer.
57 A. Locatelli, op. cit. n. 27.
58 Arch. nat., Série F 43 171, ibid.
59 Ibid. Par un courrier émanant de Jacques Parsons, Directeur des Programmes à la Radiodiffusion française.
60 K. Le Bail, op. cit. n. 03.
61 Le compositeur Henry Barraud (1900-1997) fut un acteur incontournable de la radio en France dans la seconde partie du xxe siècle, où il eut des fonctions de direction, sans discontinuer, de 1944 à 1966.
62 Cf. supra, n. 34.
63 Cf. supra, n. 52.
64 H. Barraud omet de dire, intentionnellement ou pas, que la Commission s’était réunie le 14.11.1945.
65 Arch. C. Tomasi.
66 Lettre d’H. Barraud à O. Tomasi, datée du 02.01.1946. Arch. C. Tomasi.
67 Courriel de K. Le Bail à Claude Tomasi, 15.08.2004. Arch. C. Tomasi.
68 Cf. supra, n. 61.
69 Cf. infra, n. 96.
70 É. Alf. Borda a réorchestré cette pièce pour trompes, tambours et clairons (éditions A. Leduc, Paris).
71 Robert Clérisse réorchestra cette œuvre en 1950 (éditions A. Leduc, Paris).
72 Éditions H. Lemoine, Paris.
73 Henri (Charles, Marie) Nevière (1887-1965).
74 L’œuvre est en location.
75 D.-E. Inghelbrecht (1880-1965), chef d’orchestre et compositeur français. Il dirigea les grandes formations françaises. Après la Seconde Guerre mondiale, il fut chef de l’Orchestre de l’Opéra de Paris (1945-1950).
76 Jean Mistler (1897-1988), homme politique et écrivain français.
77 Christian Brochand, Histoire générale de la radio et de la télévision en France, Paris, La Documentation française, 1994, t. I : 1921-1944, p. 392.
78 Cf. supra, n. 35.
79 Florent Schmitt (1870-1958), l’un des compositeurs de tout premier plan du début du xxe siècle en France.
80 Pierre Dupont (1888-1969), chef de la Musique de la Garde Républicaine (1927-1944).
81 V. Charpentier (1867-1938). Violoncelliste, chef d’orchestre, homme de radio, frère de l’auteur de Louise.
82 J. de La Presle (1888-1969), compositeur, homme de radio et pédagogue français.
83 En moyenne quatre fois par mois.
84 Cf. supra, n. 76.
85 K. Le Bail, op. cit. n. 03.
86 À l’intérieur de celle-ci, la musique française du xxe siècle représente presque 88 % des œuvres jouées.
87 Paul Dukas (1865-1935) est présent six fois, Reynaldo Hahn (1874-1947), une fois, et Mendelssohn (1809- 1847), lors de deux concerts, dont l’un, après l’envahissement de la zone libre le 11.11.1942, sera annulé.
88 Le 14.02.1942, avec M. Pifteau-Thann, J. Micheau, J. Peyron, L. Lovano, l’Orch. nat. et la chorale F. Raugel.
89 Le 14.05.1943, avec l’Orch. nat.
90 Henri Martelli (1895-1980), compositeur français d’origine corse. Il fut directeur des programmes de musique de chambre à la Radiodiffusion française de 1940 à 1944. Bas-reliefs assyriens fut créé à Marseille, le 26.10.1942.
91 Cf. supra, n. 61. Le Concerto pour piano et orchestre fut donné en première audition à Marseille, le 15.06.1941 avec Hélène Pignari en soliste ; Kermesse fut créée également dans cette ville, le 28.12.1942.
92 Tony Aubin (1907-1981), compositeur, chef d’orchestre et pédagogue français.
93 Jean Giardino (1906-1983), violoniste et chef d’orchestre français.
94 Jean Clergue (1905-1971), compositeur et chef d’orchestre français.
95 Henry Barraud, Un compositeur aux commandes de la Radio, essai autobiographique, sous la direction de M. Chimènes et K. Le Bail, Paris, Fayard/Bibliothèque nationale de France, 2010, p. 402-403. H. Barraud explique par ailleurs que « l’Orchestre radio-symphonique fut convié, à titre consultatif, à indiquer par lequel de ces quatre chefs il souhaitait être dirigé en priorité, le résultat du scrutin devant d’autre part établir entre eux une hiérarchie dont il serait tenu compte dans la distribution des concerts. Comme je m’y attendais, Tomasi obtint une majorité substantielle. »
96 Notice d’H. Tomasi.
97 Cf. supra, n. 89.
98 Claude Roguet (1906-1991), en religion : Frère Aimon-Marie. H. Tomasi en dirigea la première audition.
99 Création à Paris le 14.04.1946, sous la direction de l’auteur.
100 Jean Lajeunie (1886-1964), en religion : Frère Étienne-Marie.
101 Maurice Duruflé (1902-1986). Son Requiem fut créé par le chef d’orchestre R. Désormière, en 1947.
102 Don Juan de Mañara : première audition à Paris le 06.11.1952, par l’Orch. nat., dir. H. Tomasi.
103 Oscar Vladislas de Lubicz Milosz (1877-1939), poète lituanien de langue française.
104 Jacques Bourgeois (1912-1996), Don Juan de Mañara, une œuvre de noblesse et de sincérité, présentation discographique, Boulogne, UMIP/ Forlane, 1992, UCD16652-16653.
105 Cf. supra, n. 33.
106 Cf. supra, n. 10.
107 Dossier « Affaire Monte-Carlo – Bond… », op. cit., n. 29.
108 Ibid.
109 Y. Simon, op. cit., p. 166.
110 Ibid., p. 107.
111 Le compositeur, membre du « Groupe des Six », Arthur Honegger (1892-1955).
112 À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Max (Camille, Lucien) Petit (1921-1981), devient Camille (Lucien) Max-Petit, reprenant, comme un certain nombre de résistants le nom qu’il utilisait dans la clandestinité. Journaliste de profession, il occupera dès lors différents postes de direction à la radio, deviendra député U.N.R. de Seine-et-Oise (1962-1967), et de 1970 à sa retraite, sera Chargé de mission à l’Inspection générale de l’ORTF.
113 Le document précise que : « Rapport a été fourni à la Direction Générale de la Sécurité Militaire sur l’activité de Résistance de H. Tomasi. Dossier “Petit”, du 8 septembre 1944 ». Nous n’avons pas retrouvé ce dossier aux archives du service historique de la Défense à Vincennes. Les recherches se poursuivent actuellement au sein des services de la DGSE.
114 En 1947, Jean-Pierre Melville avait adapté la nouvelle de Vercors pour le cinéma. Son film (interprété entre autres par Howard Vernon, Nicole Stéphane et Jean-Marie Robain, sur une musique d’Edgar Bischoff) est toujours considéré comme la version de référence de cette œuvre dans le domaine cinématographique.
115 Vercors, dans Hommage à H. Tomasi, dir. Frédéric Malmazet, L’Avant-Scène Opéra, mai 1988, n° 109, p. 115.
Auteur
Université de Cergy-Pontoise, ESPE de Versailles
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Théâtres brésiliens
Manifeste, mises en scène, dispositifs
Silvia Fernandes et Yannick Butel (dir.)
2015
Henri Tomasi, du lyrisme méditerranéen à la conscience révoltée
Jean-Marie Jacono et Lionel Pons (dir.)
2015
Écrire l'inouï
La critique dramatique dépassée par son objet (xixe-xxie siècle)
Jérémie Majorel et Olivier Bara (dir.)
2022