Henri Tomasi : Être ou ne pas être moderne
Composer au milieu du XXe siècle
p. 23-34
Texte intégral
1Dans cet article, nous explorerons les débuts de la carrière d’Henri Tomasi dans les années 1930, alors que le milieu musical français et international est en mutation. Après une période où les avant-gardes ont bouleversé l’ordre musical, les années 1930 offrent aux artistes un dilemme : poursuivre dans la voie d’une modernité fracassante ou prendre un autre chemin1. Pour bien des artistes, il ne s’agit pas d’adopter un conservatisme qui les tiendrait prisonniers d’une esthétique dépassée. Il s’agit plutôt d’appartenir à une modernité qui inscrit l’œuvre dans un rapport de grande indépendance envers son temps, tout en manifestant le souci renouvelé d’établir une communication plus étroite entre les hommes. Dans plusieurs cas, on a parlé d’humanisme pour traduire assez schématiquement, nous en convenons, ce courant2. Mais comment réussir ce pari sans être submergé par les modèles que l’histoire de la musique vient tout juste de déposer dans la mémoire collective ? Après Jules Massenet, Vincent d’Indy, Gabriel Fauré, Claude Debussy, Albert Roussel et Maurice Ravel, comment concevoir la carrière de compositeur pour la nouvelle génération, celle des Henry Barraud, Pierre-Octave Ferroud, André Jolivet, Olivier Messiaen, Jean Rivier et Henri Tomasi ?
2 Compositeur et chef d’orchestre, H. Tomasi est un cas à la fois singulier et emblématique de cette problématique. Sa formation et ses débuts de carrière jettent un éclairage intéressant sur les conditions qui mènent alors à la composition et les incidences de ces conditions sur la nature de l’œuvre musicale en question. Cependant, on ne pourra pas faire du « cas Tomasi » un modèle ou un idéal type, mais on peut y déceler des changements importants qui viendront définitivement transformer le métier de compositeur. Paradoxalement, ces transformations ne mèneront pas à un avant-gardisme forcené. Car cet avant-gardisme appartiendra davantage à une conception idéalisée, voire romantique du compositeur, dont l’œuvre n’appartient qu’à lui, et à une conception de l’indépendance artistique qui ira jusqu’à l’abstraction la plus complète, nonobstant toute condition particulière de production. Cette conception du métier ne semble plus très à-propos dans les années 1930 et 19403.
3Tomasi est né dans une famille de condition relativement modeste (son père est facteur). Mais la musique occupe occupe un espace considérable chez ses parents. Son père, Xavier Tomasi (1876-1956), formé au conservatoire de Marseille, est flûtiste et folkloriste. Il publiera d’ailleurs deux recueils de chansons corses4 qui auront leur importance dans la vie de compositeur de son fils. X. Tomasi destine le jeune Henri à une carrière de musicien professionnel, plus précisément celle de pianiste virtuose. À en croire le témoignage de ce dernier, ce sera à son cœur défendant, puisqu’il voulait devenir marin5. Pourtant, Henri semble posséder des dons exceptionnels.
Formation
4Passons sur les débuts de son apprentissage pour ne retenir qu’un élément, à mon sens, capital. H. Tomasi, alors qu’il est encore en pleine formation, nous sommes en 1916 (il n’a que quinze ans), devient musicien de cinéma. Son témoignage recueilli par son fils Claude mérite d’être cité :
On était cinq musiciens : il y avait un quatuor à cordes, et moi je tenais le piano. De temps en temps, l’orchestre s’arrêtait, le piano jouait seul, alors j’improvisais… On jouait du Beethoven, de tout, n’importe quoi6 !
5Nous avons là la première clé pour comprendre l’orientation esthétique du compositeur. Car sa formation académique, d’abord au Conservatoire de Marseille, puis à celui de Paris à partir de 1921, sera fortement teintée par son activité de pianiste de cinéma, de café, de restaurant et même, dans les premiers temps à Marseille, de maison close7… On imagine sans difficulté qu’il développe une écoute musicale lui permettant de s’adapter à tous les styles, tous les genres, et une capacité à gérer le matériau musical avec dextérité pour répondre presque instantanément aux besoins expressifs du film ou aux demandes des clients du lieu. Nous reviendrons sur la question du cinéma plus loin.
6H. Tomasi ne réussira pas à entrer dans une classe de piano au Conservatoire de Paris. Il sera cependant accepté comme élève dans les classes d’harmonie8, de contrepoint et fugue9, de composition avec Paul Vidal et de direction d’orchestre avec V. d’Indy et Philippe Gaubert10. Il termine brillamment ses études en 1927 avec un premier prix en direction d’orchestre et un Premier Second Prix de Rome. Comme bon nombre de jeunes musiciens, il lui faut gagner sa vie. Il fait donc à Paris ce qu’il faisait à Marseille : il joue dans les cinémas, les restaurants et au prestigieux hôtel Lutetia. Avant même d’avoir terminé ses études, en 1926, il obtient le poste de chef d’orchestre des Concerts du Journal. Le quotidien, afin de remonter sa cote de popularité auprès d’une clientèle « bourgeoise » et relativement conservatrice, voire de droite, avait ainsi créé un orchestre qui jouait les dimanches dans ses locaux au 100, rue de Richelieu. Par la suite, il est nommé chef d’orchestre pour le Poste Colonial, station de radio qui commence à diffuser en 1931. Entre temps, il s’affirme comme compositeur avec, entre autres, trois œuvres symphoniques : l’œuvre concertante pour piano et orchestre Cyrnos (1929), écrite l’année de son mariage avec la dessinatrice et peintre Odette Camp, le poème symphonique Vocero (1932) et la musique radiophonique Tam-tam (1932).
Réseau
7H. Tomasi a des amis au Conservatoire. Il cite O. Messiaen11. Ils se sont certainement rencontrés dans la classe contrepoint et fugue de Georges Caussade qu’ils fréquentent à la même époque. Il y rencontre certainement aussi J. Rivier, futur membre de la société de concert Triton. En ce qui concerne H. Barraud12, autre membre de Triton, celui-ci raconte dans son journal qu’il prit des cours privés avec G. Caussade et fut auditeur libre de la classe de direction de V. d’Indy en 1926, époque où H. Tomasi obtient un 1er accessit en direction d’orchestre dans cette même classe13. Entre temps, H. Barraud, aura rencontré P.-O. Ferroud chez Florent Schmitt14. On voit ainsi se forger le réseau des connaissances de H. Tomasi, réseau qui semble se constituer au cœur du milieu musical. Or, ce qui est frappant lorsqu’on lit le journal de H. Barraud, c’est l’importance qu’occupe encore à l’époque pour les musiciens le réseau de relations au sein des milieux bourgeois et aristocrates. Un tel réseau n’est peut-être plus aussi essentiel pour la constitution d’une carrière de musicien qu’à l’époque de G. Fauré, mais il reste néanmoins très utile. Les salons jouent toujours un rôle de premier plan, moins peut-être pour la présentation des œuvres que pour la mise en relation des gens qui les fréquentent et dont les réseaux professionnels servent à démarrer les carrières. Il n’est pas du tout sûr que H. Tomasi ait bénéficié d’un tel soutien pendant ses années d’études à Paris. La situation du compositeur se compare à celle de certains de ses contemporains qui ne peuvent compter sur la famille pour les soutenir lors de leurs études, mais elle se distingue aussi passablement de celle de beaucoup d’autres si l’on se fie à ses propos. Il confiera à son fils son immense malaise par rapport au milieu des étudiants du Conservatoire qui étaient à son avis plus éduqués et issus de milieux nettement plus favorisés15. Il est vrai que la majorité des étudiants du Conservatoire viennent de milieux plus ou moins aisés, comme H. Barraud qui est issu d’une riche famille bordelaise. Il est aussi vrai que parmi les compositeurs des générations précédentes, les origines sociales font ressortir l’importance de la bourgeoisie, même si ces musiciens n’auront pas tous les mêmes liens avec les institutions officielles. On pense immédiatement aux origines familiales solidement ancrées dans la bourgeoisie industrielle française d’A. Roussel, de C. Koechlin ou de F. Poulenc16. D’autres musiciens seront issus d’une petite bourgeoisie républicaine plus modeste. Ce sera le cas de Ravel. Mais il y a des exceptions. Debussy naîtra dans une famille où le père, après avoir été commerçant, travaillera comme simple employé dans une imprimerie. Cela n’empêchera pas le jeune Claude Achille de devenir l’un des plus célèbres compositeurs français. À rebours, la situation sociale des musiciens de la génération d’H. Tomasi ne semble plus forcément jouer un rôle aussi important que par le passé dans la définition du profil de carrière. Si la capacité des familles à soutenir les jeunes artistes est diminuée à la suite des crises économiques et financières qui frappent l’Europe dans les années 1920, les moyens de subvenir aux besoins de l’existence sont tout aussi nombreux, voire plus nombreux que par le passé, car s’ajoutent à la scène sous toutes ses formes, le cinéma, le disque et la radio où l’on fait beaucoup de musique17. H. Tomasi ne sera pas le seul à être jeune et talentueux, mais sans véritable réseau de bienfaiteurs. Il doit par conséquent gagner son pain quotidien dès son arrivée à Paris, car les conditions de vie ont aussi passablement changé depuis la fin de la guerre, les moyens financiers familiaux étant insuffisants pour soutenir la présence du jeune musicien dans la capitale. C’est dans ces circonstances que, parmi les musiciens de sa génération, H. Tomasi saura se construire une carrière enviable grâce, entre autres, à ce qui est on ne peut plus moderne à l’époque : faire carrière à la radio. Par la suite, sa renommée de chef d’orchestre confortera sa position sociale au sein du milieu musical français et ira jusqu’à l’impensable pour lui, fréquenter les milieux bourgeois et aristocratiques européens des arts.
Triton – le compositeur de musique « savante »
8Tomasi a été un membre actif de la société de concerts Triton. Mais il ne sera pas un pilier de l’organisme comme le sera H. Barraud qui, à la mort de P.-O. Ferroud en 1936, en prendra la direction. H. Barraud raconte que suite au décès prématuré de Ferroud, « il ne pouvait être question que Triton disparût avec son fondateur. Une assemblée générale de ses dix-sept membres me désigna pour en prendre la charge, avec trois de nos camarades dont le rôle devait rapidement s’affirmer plutôt théorique18 ». Les trois membres étaient le compositeur d’origine roumaine Filip Lažar, le directeur musical de Radio-Paris Emmanuel Bondeville, qui était aussi compositeur, et le compositeur J. Rivier. H. Tomasi ne fait pas partie du petit groupe de direction de la société, mais sa présence au sein de Triton n’est cependant pas accessoire.
9P.-O. Ferroud a créé la société de concerts Triton en 193219. Le principal objectif de l’opération est de soutenir la création musicale dans le domaine de la musique de chambre. L’objectif secondaire est de faire en sorte que la musique circule entre les pays et que les œuvres de compositeurs français puissent être jouées ailleurs qu’en France. La société aura donc un comité « actif » dont une liste est publiée en 1935 avec le programme de la saison, mais qu’il faut nuancer à partir de différents témoignages20. Ce comité est formé de musiciens français et de quelques étrangers : H. Barraud, Marcel Delannoy, Claude Delvincourt, P.-O. Ferroud, Jean Françaix, Tibor Harsanyi, Arthur Honegger, Jacques Ibert, F. Lažar, Igor Markevitch, Bohuslav Martinů, Marcel Mihalovici, Darius Milhaud, Gustavo Pittaluga, F. Poulenc, Serge Prokofiev, J. Rivier et H. Tomasi.
10Du point de vue esthétique, Triton défend une orientation néoclassique en ce qui a trait au langage musical. Les œuvres des atonalistes viennois sont minoritaires. En fait Triton ne jouera que l’incontournable Pierrot lunaire d’Arnold Schönberg (27 janvier 1934), la Suite lyrique d’Alban Berg (13 mai 1936) et le Quatuor op. 22 d’Anton Webern (10 mai 1937). Mais si Triton fait une place honorable aux compositeurs du Groupe des Six, l’essentiel de sa programmation réunit des œuvres des musiciens de la nouvelle vague néoclassique française représentée par la génération de H. Tomasi, qui s’amalgame à un flux important de compositeurs d’Europe centrale dont plusieurs ont élu domicile à Paris. Appuyé par A. Roussel et F. Schmitt, Triton fait ainsi une place non négligeable aux œuvres de S. Prokofiev, Conrad Beck, M. Mihalovici, F. Lazăr, B. Martinů, Nicolai Berezowski, pour n’en citer que quelques-uns. Il se dégage de la programmation de Triton une image assez précise du courant musical marqué par des œuvres qui rétablissent la prédominance des formes et des genres classiques et une inspiration libérée de toute forme d’impressionnisme ou de symbolisme. À cela s’ajoute un rejet nuancé du réalisme musical de Kurt Weill comme du surréalisme d’un F. Poulenc.
11Dans le champ musical français de l’époque, l’opposition qui domine n’est plus celle de la Société Nationale de Musique et de la Société Musicale Indépendante qui disparaîtra d’ailleurs en 1935, mais bien celle entre Triton et une autre société née en même temps, La Sérénade. Fondée par Yvonne Giraud, marquise de Casa Fuerte, La Sérénade affiche un objectif similaire à celui de Triton : défendre la musique contemporaine21. Dans les faits, c’est aussi vrai, mais il s’agira d’une programmation moins homogène, où d’autres compositeurs, ceux qui graviteront autour de F. Poulenc par exemple, trouveront une place privilégiée. On pense à Henri Sauguet et I. Markevitch, et à des compositeurs étrangers comme Vittorio Rieti et Nicolas Nabokov. Les nuances entre les programmations sont importantes, les transfuges peu nombreux : D. Milhaud, G. Auric, F. Poulenc, Paul Hindemith. La Sérénade défend une orientation musicale dont les œuvres appartiennent à un mélange de réalisme et de surréalisme22 et où, paradoxalement, il est de bon ton de défendre les œuvres socialement revendicatrices. La Sérénade programmera ainsi Mahagonny et Der Jasager de K. Weill (1932). Cette société s’appuie sur un réseau extraordinairement mondain qui se délecte des œuvres à « sensation » : Poulenc écrira à Marie-Laure de Noailles à propos de l’organisation du concert du 22 février 1932 :
L’agitation la plus grande entoure le prochain concert de « La Sérénade » […] Désormière nuit et jour répète l’Octuor de Stravinski. Les dames pieuses qui se confessent à cinq heures sortent épouvantées de l’église où l’organiste répète la Sonate d’orgue de Milhaud. Dans sa chambrette de la rue Poncelet madame Bathori cherche un peu partout ce qui lui reste de voix pour créer six mélodies de Sauguet. Pendant ce temps la marquise de Casa Fuerte perd sa salive à cacheter des enveloppes cependant que la marquise tout court avec un zèle de néophyte distribue des programmes dans les thés élégants23.
12Nous sommes loin, d’après les témoignages sur H. Tomasi, de son environnement musical. Rien de surprenant à ce qu’il n’ait jamais été joué à La Sérénade et qu’il n’y ait rien dirigé. D’ailleurs, pour les défenseurs de La Sérénade, on jouait à Triton de la musique « assommante » nous dit F. Poulenc24. H. Barraud raconte :
Nous avions le plus grand mal à nous constituer un fonds solide d’abonnements, car nous étions concurrencés par un groupe rival, La Sérénade, qui polarisait le snobisme parisien de l’époque, lequel allait vers un art plus léger, plus mondain […] les gens du monde se pressaient aux concerts de La Sérénade et […] il en venait peu à ceux de Triton, qui n’étaient pas à la mode25.
13Les œuvres d’H. Tomasi auront été jouées à Triton à six occasions. À titre de comparaison, celles de Milhaud auront été interprétées sept fois et la musique du fondateur, P.-O. Ferroud bénéficiera de huit exécutions. D’après nos relevés, les œuvres d’H. Tomasi jouées à Triton sont toutes des créations26. Les Quatre Chants corses devaient être créés au mois de mars 1933, dans une version orchestrale que devait interpréter la soprano Romanitza27 et l’orchestre du Poste Colonial dirigé par H. Tomasi. Mais le concert eut lieu sans l’orchestre et les Quatre Chants furent créés au concert suivant, le 28 avril 1933 dans une version pour voix et piano. H. Tomasi accompagnait toujours la soprano Romanitza. Triton présente en création, le 4 mai 1934, le Capriccio pour violon et piano, puis le 25 mars 1936 les Chansons écossaises (2 voix, 3 clarinettes, violon, violoncelle et harpe), les Chants de geishas le 10 mai 1937, la Petite Suite de printemps (flûte, violon, alto, violoncelle et harpe) le 9 mai 1938 et enfin le Concert champêtre (hautbois, clarinette, basson) le 23 janvier 1939. H. Tomasi dirigea aussi le Concertino pour clavecin et orchestre de Martinů lors du concert Triton du 29 janvier 1936. Parallèlement, au cours des années trente, on relève deux œuvres de H. Tomasi créées à la Société Nationale : Trois Paysages28 pour piano, le 17 janvier 1931 et les Variations sur un thème corse pour quintette à vent, le 8 mars 1939.
14Ces œuvres devraient être celles qui « comptent » d’après H. Tomasi. Osons ici apporter un autre éclairage. Ces œuvres de musique de chambre, créées dans un contexte « savant » dirions-nous aujourd’hui, sont assurément des œuvres de valeur. Elles possèdent des qualités musicales indéniables, mais comme bien des œuvres entendues aux concerts du Triton, elles se caractérisent par un paradoxe : elles appartiennent à leur temps par les fondements de leur inspiration, mais sont intemporelles de par leur forme et leur structure interne – faisant référence à un néoclassicisme rigoureux.
Être ou ne pas être moderne
15Assurément, H. Tomasi n’est pas l’un de ses « faiseurs de fausses notes », expression utilisée par Goléa29 à propos des membres de l’École de Paris et des compositeurs français actifs au sein de Triton. Goléa rapporte-t-il une idée qui circulait dans le milieu à l’époque ou est-ce un jugement personnel à peine voilé ? La tournure est ambiguë et lorsque l’on prend acte des positions radicales du musicologue dans les années 1960, on ne nourrit pas beaucoup de doutes30. Quoi qu’il en soit, elle témoigne de la position difficile que doivent tenir les compositeurs des années 1930 et 1940 qui décident de ne pas adopter une voie aussi avant-gardiste que celle de l’atonalisme ou du dodécaphonisme, voire d’autres orientations plus radicales encore, comme le microtonalisme31. Il n’est pas temps ici de faire une étude sociologique détaillée des conditions déterminantes de l’esthétique que développeront les jeunes compositeurs de l’époque, mais il est possible d’établir un certain nombre de parallèles pertinents entre la musique de H. Tomasi et certaines conditions socioculturelles.
16Si l’on tient pour acquis deux aspects de la définition de moderne que je tire tout simplement du Petit Robert : 1) qui bénéficie des progrès récents de la technique, de la science ; 2) qui est conçu, fait selon les règles, les habitudes contemporaines ; qui correspond au goût, à la sensibilité actuelle, on peut certainement considérer H. Tomasi comme un compositeur moderne, car il a été un créateur de son temps – en adéquation avec le monde sonore qui l’entoure – qui, à l’évidence, ne se limite plus à la salle de concert, mais s’étend au monde virtuel du disque, de la radio et du cinéma. Le catalogue du compositeur confirme sans aucun doute toute l’influence du médium sur l’écriture. Le cinéma et dans une moindre mesure la radio permettent une ouverture sur le monde qui marque l’imaginaire du compositeur, déjà captivé par les colonies dont les effluves, les récits et l’imaginaire ont peuplé son enfance à Marseille, le grand port colonial de la métropole au tournant du xxe siècle.
17Si Ravel ou Maurice Delage exploitent l’imaginaire d’un Orient davantage inspiré par la littérature (d’un Tristan Klingsor ou d’un Pierre Loti) ou la peinture (d’un Édouard Manet ou d’un Gustave Moreau), H. Tomasi explore l’Orient et l’Amérique à travers les images que le cinéma lui en a offertes et la musique entendue à diverses occasions, dont celle de l’Exposition coloniale de 1931. C’est à la radio – les postes de la Coloniale et de Radio-Paris – qu’il doit plus d’une occasion d’écrire des œuvres évocatrices : Tam-tam sur une pièce radiophonique de Julien Maigret (1931), Danses cambodgiennes (1934), Chants de geishas (1935), Danses brésiliennes (1936), Jeux de Geishas, petite suite japonaise (1936), Mers du sud, impressions maories (1937) Caravane, impressions sahariennes (1938), Féérie laotienne (suite symphonique tirée d’une musique de ballet de 1939) et le Concert asiatique (1939). On peut supposer que cette sensibilité aux atmosphères exotiques n’est pas non plus étrangère à l’attachement si puissant du compositeur au monde méditerranéen qui lui inspira nombre de pages musicales de grande qualité. Il semble avoir confié à son fils que plusieurs de ces musiques, notamment celles de théâtre radiophonique ont été « du temps perdu », l’essentiel se trouvant plutôt dans les œuvres plus « abstraites » qui auraient été composées en parallèle. Ne dit-il pas à son fils que : « sans la nécessité de faire le chef d’orchestre, j’aurais pu gagner dix ans pour la composition entre 1930 et 1940. Évidemment, il reste des œuvres de cette époque qui tiennent le coup. Mais à cause de mes facilités, je travaillais très vite, et j’ai ainsi fait des trucs sans intérêt, qui m’ont desservi32 » ? Nous prenons bonne note de l’avis du musicien. Mais à y regarder de plus près et à écouter attentivement, la facture musicale des partitions « fonctionnelles » n’est pas moindre que celle des œuvres « pures ». Toutes ces œuvres procèdent des mêmes mécanismes et de la même inspiration étonnamment riche tant en ce qui concerne le matériau mélodique qu’harmonique dans le cadre d’une tonalité à peine élargie. Elles se caractérisent toutes, sans exception, par un don évident de l’orchestration.
18La triple carrière de musicien de H. Tomasi comme pianiste, chef d’orchestre et compositeur est là pour nous rappeler ses capacités musicales exceptionnelles. Elles s’appuient sur une formation musicale extrêmement solide et une expérience musicale particulière, singulièrement diversifiée. Plus tard, après avoir été contraint d’abandonner la direction d’orchestre, H. Tomasi semble porter un regard relativement critique sur sa carrière, qui « l’obligea » en quelque sorte à exercer ce métier. On peut comprendre qu’il aurait souhaité concentrer toute son énergie à la composition. Au-delà de la nécessité financière, il est cependant difficile de ne pas considérer essentielle cette expérience, d’autant qu’elle s’accompagne de conditions propres aux musiques fonctionnelles qui imposent une maîtrise tant du langage que de la technique d’orchestration pour répondre à des besoins expressifs variés, et rejoindre ainsi le public du cinéma, de la radio et de la scène.
19En 1936, Henri Classens signe une note biographique au sujet de H. Tomasi dans laquelle il fait remarquer combien est déjà singulière l’œuvre du compositeur, car sa « langue n’est pas précisément celle qui a cours dans les conservatoires33 ». Il ajoute que c’est exceptionnel pour un « musicien dont toute l’éducation a été faite à l’École officielle ». Le fait que Tomasi ait travaillé très jeune comme accompagnateur de films muets a joué un rôle considérable dans le développement d’une oreille aguerrie, mais aussi dans la capacité d’invention mélodique et plus globalement d’improvisation en dehors de la sphère académique. Forme et structure dans l’œuvre de H. Tomasi sont singulières et obéissent à un mouvement de type séquentiel propre à l’image filmique et non pas à un développement motivique purement musical. Les contemporains ont reconnu dans l’œuvre de H. Tomasi cette singularité, même en ce qui a trait au langage musical. H. Classens souligne que H. Tomasi
use de toutes les combinaisons de notes possibles sans en rejeter aucune […] construit, parfois, les accords par superpositions de tierces ou de quartes auxquelles s’intègrent des notes étrangères à celles que déterminent ces superpositions […], assemble les notes sans aucun principe défini [et] selon les circonstances, selon ce qu’il désire exprimer, il emploie la tonalité, l’atonalité ou la polytonalité34.
20Malgré la liberté d’invention évidente dans l’œuvre du compositeur, il faut, reconnaître qu’une partie de sa formation appartient à un univers musical dont les puissantes conventions ont conditionné, jusqu’à un certain point, son rapport au langage musical. Son exploitation des possibilités du système tonal, aussi ouverte qu’elle soit, semble surtout caractériser un profond attachement à ce type d’écriture parce qu’il lui semble le plus adapté à l’expression immédiate. Il ne faut cependant pas s’y méprendre. H. Tomasi n’exploite pas pour autant de matériaux musicaux d’emprunt par simple collage. Si quelques œuvres relèvent du mimétisme, la plupart des œuvres des années 1930 attestent d’une imprégnation plus profonde et plus subtile que celle par exemple de l’emploi par Érik Satie ou les Six de la musique dite « populaire » (jazz, cirque, café-concert). Pour illustrer ce propos, donnons à lire l’avis de Louis Aubert au sujet de Tam-tam (1933) émis lors d’une conférence radiophonique en 1938 :
Si je disais tout à l’heure que Tomasi devait beaucoup dans sa musique à ses origines corses, c’est que je vois en celles-ci le principe même de cette faculté, étonnamment développée chez lui, de s’assimiler tout ce qui, sous toutes les longitudes et les latitudes de notre globe, procède directement de l’âme populaire. Car Tomasi emprunte peu au folklore des divers pays dont il s’inspire. Bien plus, ces pays, il les ignore, ou plutôt il n’en connaît que ce que leur nom seul suggère à son imagination, cette imagination si souple et si riche que peut-être elle atteint plus profondément à la réalité essentielle de l’objet par cette sorte de radiesthésie musicale qu’elle ne l’eût fait par un contact direct35.
21L’expérience de chef d’orchestre – mais pas n’importe laquelle – celle de studio radiophonique – confère aux œuvres des années 1930 des particularités notoires en matière d’instrumentation. L’époque est celle de ces musiques incisives écrites pour des formations musicales qui se distinguent par des amalgames sonores singuliers. Après les Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé de M. Ravel, les Poèmes hindous de M. Delage et les Trois Poèmes de la lyrique japonaise d’I. Stravinski, tous trois de 1914, les compositeurs français ne cesseront d’explorer les combinaisons instrumentales les plus originales. Des formations musicales comme le Quintette de Paris contribueront aussi à cette diversification instrumentale dont profitera H. Tomasi. C’est pour cette formation qui réunit flûte, violon, alto, violoncelle et harpe qu’il compose la Petite Suite de printemps. Le compositeur devait diriger les Poèmes hindous de M. Delage lors d’un concert de Triton en 1933. À n’en pas douter, il connaissait aussi parfaitement les œuvres parentes de M. Ravel et d’I. Stravinski. Les Chansons écossaises (1935) pour deux voix, trois clarinettes, violon, violoncelle et harpe appartiennent elles aussi à ce répertoire.
22L’influence des œuvres de musique de chambre des musiciens qui le précèdent n’est pas la seule raison susceptible d’expliquer l’intérêt du compositeur pour les formations non traditionnelles et les instruments à vent. Si les couleurs qu’offrent les bois et les cuivres lui permettent les coloris nécessaires pour exprimer ses idées musicales, il existe aussi à l’époque des impératifs acoustiques qui ne sont pas à négliger dans la « formation de l’oreille ». La capacité des microphones dans les années trente est encore limitée. Les sons complexes des instruments à cordes, comme le volume des ensembles à cordes posent de sérieux problèmes d’enregistrement. Les compositeurs pour la radio adoptent alors des formations musicales adaptées aux contingences du micro qui seront valables tant pour le disque que pour la radio. Certains instruments à vent, certains instruments de percussion et les formations musicales sans grands groupes de cordes seront favorisés. Évidemment, ces conditions accompagnent l’essor du néoclassicisme. Il est par conséquent difficile de départager ce qui relève de la contrainte technique et de l’esthétique sonore choisie. H. Tomasi écrit pour la radio, et ces œuvres, pour la plupart, obéissent à ces règles d’orchestration, mais les œuvres qui n’étaient pas destinées d’abord à la radio reflètent elles aussi cette tendance. Les concerts de Triton recèlent ainsi un nombre appréciable de ces œuvres idéalement faites pour le micro des années 1930.
La musique et l’image
23Tomasi a écrit onze partitions pour le cinéma36. Mais ce n’est pas à partir de ces partitions que nous explorerons le rapport entre musique et image chez Tomasi, même si l’on peut trouver dans les courts passages musicaux écrits pour les Lettres de mon moulin tourné par Marcel Pagnol en 1954, plus d’un exemple intéressant de musique pour l’image. Comme le suggère Régis Campo37, certaines œuvres de H. Tomasi relèvent autant de la tradition dramatique musicale que cinématographique. C’est le cas, par exemple du Silence de la mer (1959). Plus précisément, dans cette œuvre, on ne peut qu’être frappé par le traitement visuel du son où s’entrecroisent musique diégétique et extra-diégétique. Le compositeur use alors, à l’évidence, d’une technique cinématographique. L’œuvre témoigne de l’expérience du compositeur dans le séquençage de la musique, opération tout aussi valable au cinéma qu’à la radio d’ailleurs. Si la réalisation de onze partitions pour le cinéma contribue à cette maîtrise technique, il faut aussi prendre en considération l’expérience acquise au cinéma muet. Le montage cinématographique impose un enchaînement thématique dont le rythme n’est pas musical, mais visuel. Or, plus d’une partition de Tomasi se caractérise par la mobilité thématique. C’est le cas, par exemple du poème symphonique pour piano et orchestre Cyrnos – la Corse en grec ancien. Construite sur un thème principal basé sur un rythme de tarentelle, la partition se caractérise par son dynamisme et une fougue dramatique associés à l’époque de sa création aux « sentiments personnels de l’artiste qui tressaille au souvenir de son pays »38. On ne peut s’empêcher de rapprocher cette œuvre ainsi qualifiée et le souvenir du compositeur à propos du film de Jean Epstein intitulé Finis Terrae, pour lequel il semble avoir conçu une improvisation. Le film raconte une histoire de marin et nous sommes loin d’une tarentelle, mais le rythme de cette dernière évoque de façon tout à fait convaincante celui de la godille et du va-et-vient des vagues. Un tel rapprochement est permis si l’on partage avec Michel Chion l’idée qu’à l’époque du muet il était très difficile techniquement d’avoir une parfaite synchronisation entre images et son, mais que ce « décalage obligé […] d’espace, de contenu, de timbre instrumental, entre ce qu’on voit et ce qu’on entend […] en fait justement tout le charme, assimilable à celui d’une transcription39 ».
Conclusion
24La musique d’H. Tomasi correspond à plus d’un égard au goût de l’époque et à une sensibilité nouvelle, née avec l’image et le son enregistré. Si le compositeur n’écrit pas de la musique radiogénique comme celle d’un K. Weill ou d’un P. Hindemith, il semble qu’une part non négligeable de son œuvre appartient au monde de la radio et du cinéma, comme celle d’un A. Honegger. Elle appartient aussi au monde de la Gebrauchtmusik, terme que nous emploierons ici sans sa connotation négative, mais au contraire comme significatif d’une forte valorisation du concept d’adaptation à son temps qui n’est pas sans émotion : une musique qui possède une raison d’être à la fois sensible et fonctionnelle. C’est autour de la notion de fonction qu’il faut, à notre avis, articuler la réflexion sur l’œuvre du musicien, si on veut à la fois comprendre et apprécier son œuvre de compositeur. Cela peut paraître paradoxal, dans la mesure où l’on a tendance à définir le travail de ces musiciens des années 1930 et 1940 comme ayant été « indépendant » et « libre ». Mais de quoi au juste étaient-ils indépendants ? Certainement pas de leur temps. Il semble qu’il y a là une justification à rebours pour avoir été indépendant non pas de leur époque, que l’on a mal appréciée, mais d’une avant-garde qui a dominé le champ musical européen surtout après 1945, et qui a ainsi réécrit l’histoire de la musique au profit d’une voie unique mettant à profit la reconstruction d’une Europe débarrassée de son passé récent.
25Tomasi n’a pas été un « indépendant », comme d’ailleurs nombre de ses contemporains. Ils ont été des modernes : ils appartenaient à leur monde. Mais la Seconde Guerre mondiale a modifié la dynamique de l’évolution du langage musical en permettant une transformation très rapide, voire soudaine des données caractérisant l’avant-gardisme artistique. En secouant l’épouvantail de l’immobilisme d’avant-guerre, voire celui de la collaboration pendant la guerre, en contrôlant la refonte des institutions, les nouvelles générations de musiciens ont temporairement écarté de la vie musicale contemporaine, avec plus ou moins de succès, plusieurs musiciens des générations précédentes. Mais si l’avant-gardisme est toujours d’actualité, il n’empêche plus aujourd’hui de prendre en considération les œuvres nées d’autres sensibilités. Celle de H. Tomasi appartient aux années 1930, où l’image devient une donnée fondamentale pour l’homme. Malgré les turbulences politiques et sociales que connaît alors l’Occident, l’image semble pouvoir permettre une résistance. Elle permet aussi de rêver. H. Tomasi rêve et résiste. Son œuvre appartient au Nouveau Monde de l’image dont on ne cesse de découvrir la profondeur depuis un siècle.
Notes de bas de page
1 À propos de la réorientation esthétique des musiciens à l’aube des années 1930, voir par exemple : Michael Walter, « Music of seriouness and commitment : the 1930s and beyond », dans Nicholas Cook et Anthony Pople (éd.), The Cambridge History of Twentieth-Century Music, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 286-306.
2 Lorsque l’on évoque l’humanisme en musique à l’époque, on ne peut faire abstraction de l’orientation esthétique proposée par le groupe Jeune France (Olivier Messiaen, André Jolivet, Daniel-Lesur et Yves Baudrier) en 1936, dont les œuvres se voudront « aussi éloignées d’un poncif académique que d’un poncif révolutionnaire » (Serge Gut, Le Groupe Jeune France, Paris, Librairie Honoré Champion, 1984, p. 16) au profit d’une approche plus spirituelle. Jolivet écrivait en 1937 : « Chez nous [en référence au groupe Jeune France], le désir d’un renouveau spirituel est provoqué, en grande partie, par une réaction naturelle contre la science – je précise : la science appliquée et l’illusoire progrès qu’elle nous apporte, ce soi-disant progrès matériel (avec lequel on veut trop souvent confondre la civilisation) » (André Jolivet, « Genèse d’un renouveau musical », conférence donnée à la Sorbonne le 14 janvier 1937 dans André Jolivet, Écrits, vol. 1, Sampzon (France), Éditions Delatour, 2006, p. 65. La question de la place et du rôle du compositeur dans la société a été abordée à maintes reprises par Charles Koechlin (Voir, entre autres, Charles Koechlin, Musique et société, vol. 2, présentés par Michel Duchesneau et annotés par Michel Duchesneau, Audrée Descheneaux et Danick Trottier, Collines de Wavre (Belgique), Mardaga, 2009).
3 Les avant-gardes d’après-guerre adopteront une position beaucoup plus radicale d’indépendance par rapport aux institutions et à la société. En France, la figure emblématique de Boulez marquera l’histoire de la musique en ce sens et aboutira à la constitution d’un système de soutien à la recherche et à la création musicale puissamment soutenu par l’État, nonobstant les conditions réelles du milieu musical. Voir Pierre-Michel Menger, Le paradoxe du musicien. Le compositeur, le mélomane et l’État dans la société contemporaine, Paris, Flammarion, 1983.
4 Corsica. Recueil de chansons populaires de l’île de Corse, recueillies, notées et harmonisées par Xavier Tomasi, Nice, Éditions F.M. Mattei, 1914, 31 p. Les chansons de Cyrnos, anthologie de la chanson populaire de l’île de Corse, recueillies, notées avec la traduction du dialecte, une introduction, des notes sur la langue, les vocératrices, les danses et les instruments de musique en Corse, préface de Paul Arrighi, illustrations de Marcel Poggioli, Marseille, éditions Fernand Detaille, 1932, 172 p.
5 Michel Solis (pseudonyme de Claude Tomasi), Henri Tomasi, un idéal méditerranéen, Ajaccio, Albiana, 2008, p. 15.
6 Ibid., p. 18.
7 Le compositeur racontera à son fils que pendant la guerre, alors qu’il jouait dans les maisons closes : « il fallait connaître toutes sortes de morceaux : pour des Anglais, des Australiens, des Indochinois, des Noirs. Les Américains avaient introduit une danse, le “fox-trot”, il y en avait des centaines qu’on savait par cœur […] », ibid., p. 20.
8 Classe de Charles Sylver où Henri Tomasi obtient un 2e accessit en 1921.
9 Classe de Georges Caussade.
10 H. Tomasi obtient un 2e accessit en direction d’orchestre en 1925 ; un 1er accessit en 1926.
11 Solis, Henri Tomasi, p. 13.
12 Henry Barraud sera critique musical au Journal à partir de 1937. Mais il écrivit les critiques de Louis Aubert pour le quotidien pendant dix ans de 1927 à 1937. Henry Barraud, Un compositeur aux commandes de la radio. Essai d’autobiographie, édité sous la direction de Myriam Chimènes et Karine Le Bail, Paris, Fayard/ Bibliothèque nationale de France, 2010, p. 161.
13 Henry Barraud, Un compositeur aux commandes de la radio, op. cit., p. 147. Mais au souvenir de Barraud, la classe ne fonctionnait pas, car d’Indy trop vieux se faisait chahuter par les élèves.
14 Ibid., p. 151.
15 Michel Solis, Henri Tomasi, op. cit., p. 13.
16 Les familles d’A. Roussel, de C. Koechlin et de F. Poulenc étaient actives dans le milieu industriel français. Certaines ont particulièrement prospéré : la famille Poulenc sera à la tête de la compagnie Rhône-Poulenc à partir de 1928.
17 La radio va jouer un rôle crucial dans les années 1930 dans le soutien au concert. Elle versera d’importants cachets aux musiciens lors de ses captations des concerts, permettant aux petites sociétés comme Triton de payer les musiciens et de maintenir leurs activités.
18 Ibid., p. 255.
19 Voir Michel Duchesneau, L’Avant-garde musicale et ses sociétés à Paris de 1870 à 1939, p. 142-148.
20 Dans son autobiographie, Barraud nomme E. Bondeville et Manuel Rosenthal qui ne font pas partie de la liste de 1935, ibid., p. 256.
21 Voir Michel Duchesneau, L’avant-garde musicale et ses sociétés à Paris de 1870 à 1939, Sprimont (Belgique), Mardaga, 1997, p. 123-133.
22 Ibid., p. 128.
23 Lettre de Francis Poulenc à Marie-Laure de Noailles (14 février 1932) dans Francis Poulenc, Correspondance 1910-1963¸ réunie, choisie, présentée et annotée par Myriam Chimènes, Paris, Fayard, 1994, p. 362-363.
24 D’après les indications de Poulenc, on en déduit qu’il s’agit du deuxième concert de Triton qui eut lieu le 20 janvier 1933 et où l’on joua la Rhapsodie n° 2 de Bartók et une sonate de Martinů pour violon et piano, des chœurs à 4 voix de Beck et Ferroud, les Inscriptions champêtres pour chœur de Caplet et un Concertino pour flûte, alto et contrebasse d’Erwin Schulhoff. Lettre de Francis Poulenc à Nora Auric (23 janvier 1933), ibid., p. 382.
25 Barraud, Un compositeur aux commandes de la radio, op. cit., p. 257.
26 Voir Duchesneau, « Programmes de la Société Triton (1932-1939) », L’avant-garde musicale et ses sociétés à Paris de 1870 à 1939, op. cit., p. 331-338.
27 En français, littéralement « la Roumaine ». Les informations concernant cette cantatrice sont rares. On sait qu’elle a été active à l’opéra Garnier dans les années 1920 et qu’elle a chanté dans Lakmé en 1923, tout comme elle a interprété des œuvres de Caplet (Inscriptions champêtres).
28 Les trois mouvements ont pour titre « Marine », « Clairière » et « Forêt ». L’œuvre fut créée par le pianiste Jean Doyen (1907-1982).
29 Antoine Goléa, La musique de la nuit des temps aux aurores nouvelles, vol. 2, Paris, Alphonse Leduc, 1977, p. 627.
30 Goléa écrira dans Musica (n° 33, décembre 1956) : « Les œuvres du passé qu’on admire à juste titre aujourd’hui, celles qu’on joue le plus souvent, sont celles qui, à l’époque de leur naissance : 1) apportèrent quelque chose de nouveau dans l’évolution musicale ; 2) heurtèrent de ce fait la sensibilité des contemporains ; 3) se signalent aujourd’hui par une valeur intrinsèque, indépendante de leur place dans l’évolution…[…] qu’il soit donc entendu, une fois pour toutes : 1) qu’une œuvre ne peut plaire que si elle est le fruit du génie ou, au moins, d’un très grand talent ; 2) que cependant sa pérennité n’est assurée que si elle apporte également quelque chose de nouveau dans l’évolution musicale ou, tout au moins, tient compte du dernier stade de cette évolution, non encore sclérosée. »
31 Yvan Wyschnegrasky (1893-1979) compose pour piano en quart de ton dès le début des années 1920 et publiera un Manuel d’harmonie à quarts de ton (Paris, La Sirène musicale) en 1932.
32 Solis, Un idéal méditerranéen, op. cit., p. 31.
33 Henri Classens, « Henri Tomasi », La Revue musicale, vol. 17, n° 168, septembre-octobre 1936, p. 247.
34 Idem.
35 Cité par Christophe Bennet, La Musique à la radio dans les années trente, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 185.
36 C’est un nombre modeste. À titre de comparaison, Georges Auric composera plus d’une centaine de trames sonores pour le cinéma.
37 Régis Campo, « Trois œuvres humanistes », notes pour les œuvres enregistrées sur le CD accompagnant la biographie du compositeur par Solis, ibid., p. 177.
38 Classens, « Henri Tomasi », op. cit., p. 248.
39 Michel Chion, La Musique au cinéma, Paris, Fayard, 1995, p. 43.
Auteur
Université de Montréal, Faculté de musique, Canada
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Théâtres brésiliens
Manifeste, mises en scène, dispositifs
Silvia Fernandes et Yannick Butel (dir.)
2015
Henri Tomasi, du lyrisme méditerranéen à la conscience révoltée
Jean-Marie Jacono et Lionel Pons (dir.)
2015
Écrire l'inouï
La critique dramatique dépassée par son objet (xixe-xxie siècle)
Jérémie Majorel et Olivier Bara (dir.)
2022