Henri Tomasi : images et imaginaires
p. 12-22
Texte intégral
1Volontiers lyrique, pleine de passion et riche en couleur, la musique d’Henri Tomasi, conçue de 1925 à 1970, suscite l’image et éveille l’imaginaire. Pour mieux saisir à son propos la confrontation entre création et réception, entre sources d’inspiration et horizons d’attente, traductions littéraires et gestes sonores, nous tenterons ici de dégager quelques aspects spécifiques de son art revus à la lumière de nos temps et lieu, faisant revivre ainsi des ancrages bien particuliers.
2Nous y examinerons notamment comment et pourquoi les choix artistiques dominants de ce musicien croisent nos possibilités de rencontre ou d’écoute ; de quelle façon ses principales options s’inscrivent dans des visions plus contemporaines ; ce que nous révèle cette mise en contexte par rapport à celle de jadis ; en quels termes certains médiateurs prolongent à son propos notre plaisir auditif ; ce que révèlent leurs choix de présentation et comment ceux-ci peuvent renouer avec quelques déclarations du compositeur lui-même. Du relief initial de l’œuvre à sa recréation verbale, nous essaierons donc de comprendre où nous conduit l’imaginaire tomasien, comme ce qu’il nous apprend sur son art et sur notre façon d’être à lui.
Rythme et forme
3La bonne formation d’H. Tomasi, à Marseille puis, de 1920 à 1927, au Conservatoire supérieur de Paris, a bien préparé techniquement ce musicien, lauréat à cette dernière date d’un second Prix de Rome de composition. Il pratiquera ainsi un langage sonore de haut niveau, une écriture généralement fort difficile pour les instrumentistes (qu’il suffise de penser à la haute virtuosité de son Concerto pour violon ou de son Concerto de guitare) ; chez lui, même Le Coin de Claudinet de 1948, sous-titré « 12 pièces faciles », demeure d’un assez haut niveau d’exécution. Est-ce parce que, dans cet « art de la mesure » (selon sa définition de la musique1), « le rythme est tout2 » ? De ses premières expériences collectives, lorsque son père lui confiait la grosse caisse à l’orphéon de Mazargues, au dépouillement purement instrumental de ses dernières œuvres, il est vrai que la quasi-totalité de ses quelque 120 numéros d’opus en fait la démonstration.
4Ajoutons à cela l’importance de la musique de danse dans son catalogue. Outre une douzaine de ballets (de Vocero, 1931, à Nana d’après Emile Zola, en 1960, en passant par La Moresca, suite de danses issue de son opéra Sampiero Corso), ce type d’inspiration fondamentalement rythmée est capital dans son œuvre. Il s’agit souvent, il est vrai, tout au long de sa période créatrice, d’évocations fort contextualisées, mais néanmoins bien fondées sur un puissant socle rythmique : Danses cambodgiennes (1934), Danse des jeunes filles berbères (1958), Obsession sur un rythme de habanera pour violoncelle et orchestre (1927), Danses brésiliennes pour petit orchestre (1936), Danse des derviches tourneurs (1963)… sans oublier maints autres passages de ce type enchâssés dans des partitions de plus grande envergure, telle cette « Danse furieuse » Prestissimo dans l’Éloge de la folie (ère nucléaire).
5Si le xxe siècle peut être considéré comme l’âge de la percussion, après les essais et recherches d’un Mahler ou d’un Varèse, grâce également à l’apport des instruments ethniques, H. Tomasi s’inscrit bien dans cette tendance : recours à des sonorités africaines dès son poème symphonique Tam-tam (et ses nombreuses percussions) en 1931 – année de l’Exposition coloniale, Dies irae avec rythmes de blues dans son ballet Les Noces de cendres (1952) où bat aussi un cœur à l’agonie. Dans ses œuvres orchestrales, outre les célesta, glockenspiel, marimba, vibraphone ou xylophone, les cloches voire le tambourin et les castagnettes, peuvent jouer un rôle significatif aux côtés des timbales, parfois même du tambour voilé (Requiem pour la paix, 1943) et de percussions diverses – dont la petite cymbale antique ; en témoigne, entre autres, le combat terrible qui marque le deuxième mouvement « Révolte » de la Symphonie du Tiers-Monde (1968), écrite en hommage à Berlioz, le fameux précurseur.
6En dépit de la grande variété des sources d’inspiration et des types d’évocation, dans dans l’ensemble des compositions de Tomasi se dégage assez nettement l’importance des titres génériques, mettant souvent ainsi en évidence une pure forme (concerto surtout, mais aussi quintette, sonatine, suite, trio). C’est là que s’épanouit le plus librement la force des figures rythmiques qui confèrent à ses partitions un si fort relief. Comme Berlioz encore dans son « style instrumental expressif3 », il confie même souvent au seul orchestre l’expression des sentiments des personnages dans Le Silence de la mer (drame lyrique de 1959 pour un baryton et deux comédiens, sur un livret adapté du texte de Vercors).
7Mais, si l’image rythmique et la netteté de la découpe extérieure constituent l’une des caractéristiques de son langage, celui-ci est abondamment nourri par de multiples sources d’inspiration beaucoup plus concrètes.
Sources et scènes
8Comme le montre l’histogramme de la figure 1, la musique d’H. Tomasi, où les genres vocaux sont bien présents, puise largement dans la littérature. Alors qu’il était autodidacte en ce domaine, il veille toujours à élargir sa culture et rencontre ainsi des textes fort différents, allant de l’Antiquité (Sophocle) au monde contemporain4, en passant par Érasme (Éloge de la folie, 1965), Shakespeare (Être ou ne pas être pour trombones, 1962), Prosper Mérimée5, Alphonse Daudet6, José Maria de Heredia (deux mélodies de 1941), Paul Verlaine (Messe en ré, 1941, essai de messe profane sur les Liturgies intimes de ce poète) ou Émile Zola (pour le ballet Nana, déjà cité). Tant à travers ces choix qu’au fil de ses déclarations, H. Tomasi apparaît ainsi comme un véritable humaniste. Sa correspondance révèle en outre un grand maître de l’invention verbale, laquelle le conduit à forger des vocables toujours plus pittoresques : il bovine, par exemple, « en regardant passer de somptueux cortèges célestes7 »…
9Mais, plus que par le mot lui-même, la musique de Tomasi vit par le théâtre, par l’action, par le drame. Le sens dramatique semble inné chez lui : quel que soit le sujet (de saint François d’Assise à Jeanne d’Arc ou Don Juan de Mañara), c’est en fait le côté passionnel de ces figures qui l’inspire8. L’importance donnée au genre du concerto (du latin concertare, lutter) n’a sans doute d’ailleurs pas d’autre origine dans sa musique instrumentale.
Tableau 1. Compositeurs lyriques les plus souvent enregistrés à la Radiodiffusion nationale de 1945 à 1974.
(D’après Le Théâtre lyrique français, 1945-1985, Paris, Honoré Champion, 1987, p. 22).
10S’il avait été ébloui par La Bohème de Puccini, entendue dans son adolescence au théâtre de Marseille, s’il avait souvent accompagné les films muets voire l’opérette dans sa jeunesse (Edmond Audran, Raoul Moretti, Vincent Scotto), vocalité et lyrisme le préoccuperont durant une bonne partie de sa carrière. Chef à l’Opéra de Monte-Carlo de 1946 à 19529, Tomasi est un homme de théâtre passionné qui y connut aussi, en tant que compositeur, d’authentiques succès, tel celui de L’Atlantide à Mulhouse en 1954. De la passion à la tendresse10, il sait faire chanter la musique et séduire ainsi de nombreux publics. La passion est-elle chez lui une marque toute méditerranéenne ou est-elle devenue plus essentielle encore au fil des ans, comme il le dit lui-même, « pour camoufler l’absurde11 » de cette vie terrestre ?
11Toujours est-il que son talent demeure fort estimé. Preuve en soit le nombre d’enregistrements consacrés à dix de ses ouvrages scéniques par notre Radiodiffusion nationale de 1945 à 1974. En un temps où domine largement l’opérette, mais où Verdi et Mozart occupent déjà la première place dans l’opéra, Tomasi séduit notamment dans ce cadre à travers Don Juan de Mañara (enregistré quatre fois à cette époque, Le Silence de la mer et Ulysse (chacun trois fois), L’Atlantide et Sampiero Corso (chacun deux fois).
12Ailleurs eurent lieu aussi maints enregistrements et spectacles. Ainsi, entre 1952 et 2006, Claude Tomasi pouvait-il faire état de cinq enregistrements, plusieurs concerts et neuf productions scéniques pour Don Juan de Mañara12.
Variété et couleurs
13H. Tomasi cultive partout une réelle variété : dans les genres, dans les sources littéraires, dans les images, les couleurs et les paysages, lui qui rêvait autrefois de passer sa vie sur la mer, à l’exemple de certains de ses voisins et parents proches. En fait, la nature n’a jamais cessé d’exercer sur lui une puissante attraction et les dizaines d’années passées à Paris ne le furent que par obligation professionnelle.
14On notera d’ailleurs au passage que la peinture semble l’attirer beaucoup moins que la littérature. En effet, alors que son épouse Odette était plasticienne, l’image dessinée ou peinte figure peu dans ses sources d’inspiration : c’est à peine si l’on peut citer des Danseuses de Degas (1964) ou un Concert champêtre d’après Watteau pour deux guitares (1966). De Paul Gauguin, il n’a retenu que Noa Noa, les poèmes tahitiens en 1957 (devenus Tahitiennes pour piano quelques années plus tard). Quant au film, il lui adapte très souvent certaines de ses œuvres préexistantes (Tam-tam dans L’Homme du Niger, Colomba dans Le Récif de corail…).
15Car le spectacle qui lui convient est incontestablement celui de la nature, surtout dans les parages de sa chère Méditerranée. Rien d’étonnant donc à ce que les images et thèmes venus de l’Île de Beauté ou de la Provence dominent dans son œuvre. Sa grand-mère lui chantait des mélodies corses et son père, flûtiste et directeur de l’orphéon de Mazargues, avait publié deux anthologies de chants populaires : Corsica en 1914 et Les Chants de Cyrnos en 1932. La première grande œuvre d’H. Tomasi répondit donc à cette inspiration : ce fut, dès 1929 précisément, Cyrnos, poème symphonique pour piano et orchestre, où il note en exergue à la partition s’être laissé inspirer « avec volupté par l’âme collective d’une race qui s’exhale avec sincérité du joyeux tumulte d’une tarentelle ou de la tristesse douloureuse d’un vocero ».
16Chez lui, cet attrait pour les ancrages caractéristiques est toutefois presque toujours lié à la passion voire au tragique. Il est donc difficile de parler de simple volonté de dépaysement voire d’exotisme à son propos. S’il évoque des paysages ou des coutumes variés, de l’Écosse à l’Asie ou à l’Amérique du Sud, c’est souvent prioritairement au bénéfice du drame ou de quelque scène insolite ou attachante.
Tableau 2. Évocation de l’ailleurs dans les partitions d’Henri Tomasi.
• Chanson des sables (Julien Maigret), voix et piano, 1931
• Tristesse d’Antar, violon et piano, 1931
• Cinq Chants laotiens (Louis Laloy et Joseph Trillat), voix et orch. ou piano, 1933
• Chansons écossaises, voix et orch., 1935
• Chants de geishas (René Dumesnil), voix et orch. ou piano, 1935
• Jeux de geishas, orch., 1936
• Sérénade vénitienne (René Davenay), voix et orch., 1937
• Caravanes, impressions sahariennes, orch., 1938
• Féerie laotienne, suite symphonique, 1939
• Concert asiatique pour percussion et orch., 1939
• Chant de la fée des îles (Jean-Louis Baghio), voix et orch., 1944
• Complainte du jeune Indien, pour clarinette et piano, 1949
• Trio inca ou Pastorale inca pour flûte, 2 violons et harpe, 1950
• Noa Noa, poèmes tahitiens de Gauguin, soliste, chœur, orch. ou piano, 1957
• Semaine sainte à Cuzco pour trompette et ensemble instr. ou orgue, 1962
• Highlands Ballad, ballade écossaise pour harpe et orch., 1966
• Sonatine attique pour clarinette, 1966
• Chant pour le Viêt-Nam, poème symphonique, d’après Jean-Paul Sartre, 1968
• Symphonie du Tiers-Monde, en hommage à Berlioz, d’après Aimé Césaire (Une saison au Congo), 1968
• Le Muletier des Andes pour guitare, 1969
17L’excellent orchestrateur sait aussi créer ce relief, cette couleur, au sein des groupes instrumentaux. Et le remarquable chef d’orchestre, premier prix du Conservatoire de Paris dans cette discipline, au pupitre notamment de 1936 à 1956, et beaucoup à la radio13 dès 1931, savait faire vivre par le geste, comme le montrent les archives photographiques, le relief de tous les concerts.
Échos et médiateurs
18Doté d’une réelle facilité de production – qui ne fut guère entravée que par sa carrière de chef ou par quelques ennuis de santé14 – son nom fut également dévoilé et souvent rappelé au public par de fidèles amis : Maurice André, Devy Erlih, Zino Francescatti, Alexandre Lagoya, Marcel Mule, André Navarra, Jean-Pierre Rampal… qui compta sans doute parmi ses meilleurs ambassadeurs, tout comme Joseph Alviset, directeur artistique du festival de Vichy, qui lui permit de conduire au succès L’Atlantide en août 195515.
19La recherche effectuée par Frédéric Ducros à travers les premiers enregistrements des œuvres du compositeur16, montre parmi ses interprètes l’importance de la présence de Tino Rossi17 que le public put écouter dès 1936 dans « O Ciuciarella » (quatrième des Six Mélodies populaires corses), O Pescador dell’onda et Dio vi salvi Regina, sur disques Columbia puis Pathé Marconi. Car ce sont clairement, de 1935 à 1984, ces trois partitions qui apparaissent le plus souvent enregistrées (respectivement, 18, 10 et 7 fois), suivies par les Chants de Cyrnos et les Noëls de Saboly (4 fois), puis le Concerto pour trompette (par Maurice André, Pierre Thibaud et Paul Smith) et les Fanfares liturgiques (3 fois chacun). H. Tomasi y accompagna au piano ou y dirigea lui-même rarement alors certaines de ses œuvres (dont toutefois Tam-tam, en 193518), mais il enregistra comme chef d’orchestre sur une douzaine de disques, parus de 1935 à 1980, de célèbres compositions d’autres auteurs : Daniel François Esprit Auber (L’éclat de rire de Manon Lescaut), Théophile Belliando de Castro (l’Hymne monégasque), Félicien David (Couplets de Mysoli de La Perle du Brésil), Jacques Dupont (Tarentelle pour piano et orchestre), Gabriel Fauré (Masques et Bergamasques), Ange Flégier (Le Cor), Gluck (Orphée en huit 78 t.), Massenet (Scènes pittoresques), Louise Nguyen van Ty (Suite de poèmes), Saint-Saëns (Le Pas d’armes du roi Jean) et V. Scotto (chansons extraites de films d’Émile Couzinet, interprétées par José Luccioni et orchestrées par Tomasi). L’empreinte méditerranéenne est donc très fortement liée à Tomasi en ces décennies, tout autant que celle de notre art sonore national, et l’on comprend que le Grand Prix Sacem de la musique française lui ait été décerné en 1952.
20De son vivant déjà, les plus grands chefs ont également dirigé sa musique, tel Paul Paray, à l’Opéra (La Grisi) comme chez Colonne (Ajax, Colomba et Vocero), de 1934 à 193819. À la même époque comme plus tard, Albert Wolff (de 1929 à 1936) et Eugène Bigot (de 1945 à 1960) firent de même20.
21La discographie des années 1986-2008, présente dans la biographie de Michel Solis21, montre que les œuvres instrumentales l’emportent alors sur la musique vocale : sept références pour le Concerto pour trompette, quatre autres pour les Fanfares liturgiques et Semaine sainte à Cuzco qui demeurent favoris ce début de xxie siècle, devant le Triptyque pour trompette, le Concerto pour trombone et le Concerto pour saxophone qui ont chacun fait l’objet de trois enregistrements différents durant cette même période. La présence discographique de Tomasi a donc subi une mutation fondamentale et le souvenir du brillant chef d’orchestre rejoint désormais celui du compositeur si bien connu des trompettistes, loin des mélodies vocales aux couleurs méditerranéennes davantage prisées autrefois.
22Si C. Tomasi a longtemps affirmé que son père était davantage joué à l’étranger (dans plus de quarante pays) qu’en France, la place de celui-ci prend néanmoins de plus en plus d’importance dans l’Hexagone. En témoignent les bases de données relatives à la presse contemporaine (Europresse et Factiva, à travers plusieurs centaines de mentions le concernant) consultées en septembre 2013. De même, le nombre des références à sa musique présentées à cette même date dans le fichier électronique du département de l’Audiovisuel de la BnF atteste de la diffusion de ses enregistrements (tous supports sonores confondus) : 152 notices pour Tomasi, contre 154 pour Henri Dutilleux, 131 pour Iannis Xenakis, 66 pour Michaël Levinas ou 41 pour Pascal Dusapin.
23Il est certain que sa volonté d’écrire, comme il le souligne dans Le Silence de la mer, « de la musique humaine », et même de composer « pour le grand public », selon ses propres termes22, aurait dû le situer plutôt dans « La face cachée de la musique française », pour reprendre les termes de Jacques Chailley qui consacra en 1979 un numéro de La Revue musicale aux compositeurs rejetés par l’avant-garde. Qu’on se souvienne à ce propos de la bataille qui prit place à propos de la programmation de L’Atlantide au Palais Garnier en 1959 ! Et pourtant, si Tomasi a toujours craint que la technique électronique ne contribue à émousser la sensibilité, il n’a jamais rejeté la nouveauté musicale : des procédés sériels figurent, par exemple, dans Le Silence de la mer et la Symphonie du Tiers-Monde.
24Outre l’hommage rendu en 1956 par le numéro de La Revue musicale qui lui fut consacré, il se vit décerner en 1960 le Prix musical de la Ville de Paris et remporta le Grand prix du disque en 1963. Le Courrier musical de France, publié sous le patronage de la Direction générale des Affaires culturelles et du Comité national de la musique, et distribué par l’Association pour la diffusion de la pensée française, lui consacra – fait assez exceptionnel – une fiche biographique à trois reprises : 1965, 1967, 1973, comme il le fit pour Darius Milhaud, alors que H. Dutilleux, par exemple, ne se vit ainsi présenté qu’une seule fois23. Autre signe de reconnaissance : une rue du xxe arrondissement de Paris reçut le nom d’H. Tomasi en 1985. Et bien d’autres hommages lui furent rendus, tel celui de L’Avant-scène-opéra en 1988 ou celui du 14e Festival de Ville d’Avray en 199224 alors que, depuis 2001, un Concours international de quintette à vent porte également son patronyme à Marseille, rappelant ainsi l’œuvre homonyme du compositeur (1952), comme l’effectif de sa première partition de chambre (Variations sur un thème corse, 1925) ou ses Cinq Danses profanes et sacrées de 1959.
25Au terme de ce voyage dans l’œuvre du compositeur comme dans les présences tomasiennes contemporaines, il convient de rappeler que les divers articles de presse le concernant reviennent presque toujours sur les mêmes termes : mélodie, rythme, couleur, sens dramatique ; ce sont ceux-là mêmes qui ont nourri aussi le présent propos. À travers eux, l’imaginaire du compositeur (ses racines, contextes et goûts favoris, comme ses modes d’écriture privilégiés) rencontre celui de l’auditeur qui parcourt ces indices (partitions, concerts, écrits, enregistrements…) et les replace dans son univers. Tomasi apparaît bien alors à travers son monde méditerranéen riche en relief et contrastes, sa quête incessante de la diversité voire de la nouveauté, à travers aussi son talent mélodique, son art de l’orchestration comme sa force de séduction. Sans oublier ses capacités de révolte qui firent sans cesse de lui un fier lutteur et furent également soulignées à plusieurs reprises25. Ce sont encore aujourd’hui des qualités suffisamment rares pour que le compositeur voit son audience toujours s’accroître, dans son pays natal comme ailleurs.
Bibliographie
Bibliographie
DUAULT Alain, MALMAZET Frédéric, VERCORS, VIALLE Gabriel, « Hommage à Henri Tomasi », L’Avant-scène-opéra, n° 109, mai 1988, p. 108-139.
DUCROS Frédéric, Henri Tomasi, mémoire de DEA, Paris-Sorbonne, 1985, 80 p. [Bibliothèque de Clignancourt, Paris-Sorbonne]
DUCROS Frédéric, « Les opéras d’Henri Tomasi, musicien appassionato et méditatif », dans Pistone Danièle, Le théâtre lyrique français, 1945-1985, Paris, Honoré Champion, coll. « Musique-Musicologie », 1987, p. 299-308.
DUCROS Frédéric, « Quarante années de théâtre lyrique à Marseille », ibid., p. 329-338.
LONGCHAMP Jacques, « Les Révoltes d’Henri Tomasi », Le Monde, 4 mai 1985 ; repris dans id., Journal de musique 1949-1995, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 238-239.
« Sampiero Corso et Henri Tomasi », La Revue musicale, n° 230, 1956, 32 p.
SOLIS Claude, « Henri Tomasi, lyrisme et passion », Revue internationale de musique française, n° 6, novembre 1981, p. 77-84.
SOLIS Michel, Henri Tomasi, un idéal méditerranéen, Ajaccio, Albiana, 2008, 183 p.
TOMASI, Claude, « L’opéra à la croisée des chemins d’Henri Tomasi », dans « Don Juan de Mañara », Cahiers de l’association Les Amis de Milosz, n° 45, 2006, p. 67-86.
Notes de bas de page
1 Henri Tomasi, notes manuscrites, 1960 env. (coll. Claude Tomasi), citées dans Michel Solis, Henri Tomasi, un idéal méditerranéen, Ajaccio, Albiana, 2008, p. 51.
2 Ibid.
3 Voir la définition que celui-ci en donne dans la préface de sa symphonie dramatique Roméo et Juliette (1839).
4 Outre Pierre Benoit (choisi pour deux pièces radiophoniques : Les Agriates en 1950 et Koenigsmarck en 1953 ; puis L’Atlantide, drame lyrique de 1951), Tomasi ne sollicitera presque toujours qu’une seule fois l’œuvre de ces auteurs du xxe siècle : Jean-Louis Baghio, Albert Bonheur, Albert Camus, Francis Carco, Santu Casanova, Aimé Césaire, Henriette Charasson, René Davenay, Francis Didelot (également auteur en 1959 du livret de l’opéra-bouffe Princesse Pauline), René Dumesnil, Paul Fort, Paul Gauguin, Jean Giono, Francis Jammes, Louis Laloy, Michel Lorenzi di Bradi, Cita et Suzanne Malard, Oscar Milosz, Charles Oulmont, le R.P. Roguet, Jean-Paul Sartre, Philippe Soupault, Joseph Trillat, Vercors, Henri Vermeil.
5 Colomba, Mateo Falcone.
6 Présent cinq fois dans son œuvre : Lettres de mon moulin, orch., 1954 ; La Chèvre de Monsieur Seguin, conte lyrique, pour récitant, voix et orch., 1963 ; Deux Ballades en prose (La Mort du petit Dauphin, Le Sous-préfet aux champs), pour récitant, voix, orch. ou piano, 1964 et L’Élixir du Révérend Père Gaucher (1964), opéra-bouffe en deux actes dont le livret signé Léon Bancal suit fidèlement le conte de Daudet.
7 Henri Tomasi, Oraison burlesque (1965), dans Michel Solis, op. cit., p. 9.
8 Comme il l’avoue dans son Autobiographie au magnétophone (1969, coll. Claude Tomasi).
9 Pour le détail des programmes de ce théâtre, voir Martine Mari, L’Opéra de Monte-Carlo, 1879-1990, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1991. Les compositeurs les plus souvent programmés en ces années furent Gounod, Massenet, Puccini et Wagner.
10 Ainsi que le souligne encore Jacques Longchamp dans Le Monde du 4 mai 1985.
11 Henri Tomasi, 1965 (coll. Claude Tomasi).
12 Claude Tomasi, « L’opéra à la croisée des chemins d’Henri Tomasi », Cahiers de l’association Les Amis de Milosz, n° 45, 2006, p. 83-86.
13 Cf. à ce propos la thèse de Karine Le Bail, Musique, pouvoir, responsabilité. La politique musicale de la radiodiffusion française, 1939-1953, Paris, Institut d’études politiques, 2005. De même, dans la thèse de Christophe Bennet (Musique et radio dans la France des années 30, Paris-Sorbonne, 2007, p. 227), Tomasi figure parmi les interprètes les plus souvent cités à Radio-Paris entre 1936 et 1939 – station où la musique savante occupait plus de la moitié des programmes musicaux – à égalité avec Eugène Bigot, et peu après Gustave Cloez (voir également, ibid., p. 386-387, les paragraphes qui sont consacrés à Tomasi « passeur »).
14 Outre les conséquences d’un malheureux coup de tête dans un ballon trop dur en 1936, il faut rappeler son accident de voiture de 1952, la montée de la surdité de l’oreille droite 1953 à 1963 ou sa chute de 1969.
15 Josette Millet-Alviset, « Le Théâtre lyrique au Festival de Vichy entre 1952 et 1963 », dans Le théâtre lyrique français, 1945-1985, Paris, Honoré Champion, 1987, p. 401-410.
16 Frédéric Ducros, Henri Tomasi, mémoire de DEA, Paris-Sorbonne, 1985, p. 58-72.
17 Parallèlement à Martha Angelici qui enregistra « Zilimbrina » (dernière des Six Mélodies populaires corses) et les Cantu di Cirnu sur disque Pathé 78 t. (PAT 1045-46, orch. dir. par Henri Tomasi) également en 1936, ainsi que deux des Chansons de geishas sur disque Florilège (HP 2005) en 1944.
18 Sur deux disques Pathé 78 t. (PGT 16-19, CPTX 1526155).
19 Voir Jean-Philippe Mousnier, Paul Paray, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 222.
20 Id., Albert Wolff. Eugène Bigot, Paris, L’Harmattan, 2001, notamment p. 185 et 401.
21 Michel Solis, op. cit., p. 151-153.
22 Repris dans La revue musicale : la Face cahée de la musique française contemporaine, nos 316-317, Paris, La revue musicale, 1979, p. 122.
23 Cf. « Le Courrier musical de France, 1963-1980 », Revue internationale de musique française, n° 19, février 1986, p. 107-110. Seuls Jacques Chailley, Marius Constant, Jean Françaix, Pierre Hasquenoph, Marcel Landowski et Alexandre Tansman eurent quatre fois cet honneur.
24 Voir Le Monde du 9 juin 1992, p. 14.
25 Surtout par Jacques Longchamp (« Les révoltes d’Henri Tomasi », Le Monde, 4 mai 1985), comme par Philippe Jérôme dans L’Humanité du 13 janvier 2001, alors que Jacques Doucelin souligne à juste titre l’alliance dans sa musique du charme et de la violence (Le Figaro, 22 janvier 2004).
Auteur
Université Paris-Sorbonne, IReMus
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