La mutualisation des ressources logistiques pour des supply chains durables
p. 187-194
Résumés
Parmi les nouvelles pratiques d’optimisation des chaînes logistiques, le développement de la mutualisation représente un fait marquant dans la mise en place de supply chains durables. Elle permet d’associer des organisations indépendantes, et parfois même concurrentes, au travers de la mise en commun et de la coordination de moyens et d’informations logistiques propres à chacun des acteurs. Ce chapitre se propose de montrer l’importance croissante des pratiques de mutualisation logistique dans le cadre de la construction de supply chains durables en décrivant les modalités possibles de ces pratiques et le continuum des situations observées, allant du simple partage de ressources à une intention stratégique collaborative.
Among new practices optimizing the supply chains, development of pooling represents a milestone in the growth of sustainable supply chains. Logistics pooling represents a pathway to associate independent, and sometimes competing, organizations, through pooling and coordination of resources and information, specific to each player. This chapter aims to show the growing importance of pooling practices in the building of sustainable supply chains by describing the possible shapes taken by these practices and by focusing on the continuum of their coordination modes, from basic resource sharing to strategic collaborative intent.
Texte intégral
1Altho SAS, Chancerelle SAS, Jean Hénaff SAS, JF Furic, Loc Maria Biscuiterie. Cinq PME bretonnes de l’industrie agroalimentaire qui sont apparemment concurrentes… Pourtant ces entreprises ont constitué récemment un GIE au nom pittoresque de « Chargeurs Pointe de Bretagne » pour acheminer ensemble leurs produits vers deux plates-formes nationales de Carrefour situées en Normandie et en Aquitaine1. La logique ? Le désenclavement du territoire, mais aussi la mutualisation pour diminuer les coûts logistiques ainsi que l’impact carbone de leurs activités.
2Cet exemple illustre un phénomène nouveau observé : la mise en commun de ressources entre entreprises concurrentes. Certes, on connaissait déjà la mise en commun d’équipes de recherche et développement (R & D) des constructeurs automobiles pour mettre au point ici un moteur performant, là un monospace, commercialisés ensuite sous des marques concurrentes. Mais la mutualisation semble être désormais un nouveau credo qui dépasse la R&D. Elle concerne, par exemple, les forces de vente entre PME de l’agroalimentaire pour visiter régulièrement les magasins des groupes de distribution et s’assurer que les accords de gammes négociés en centrale d’achat sont bien respectés dans chacun des magasins2.
3Le présent chapitre est centré sur la mutualisation des ressources logistiques dans l’optique du développement de supply chains durables. Dans la première partie, nous énonçons qu’au-delà des objectifs de coûts/services/délais et des considérations de pouvoir, les expériences de mutualisation logistique sont aussi motivées par la nouvelle contrainte de développement durable. Dans la deuxième partie, nous présentons des expériences concrètes de mutualisation logistique, horizontales et verticales, et mettons en évidence les quatre approches complémentaires de la mutualisation logistique que ces expériences suggèrent. Dans la troisième partie, nous proposons une réflexion sur les différentes approches de la mutualisation, allant de la simple mise en commun de ressources à la mise en place d’une démarche collaborative structurée.
La mutualisation, nouveau défi des supply chains dans un contexte de développement durable
4À l’aube du xxie siècle, les groupes de distribution rencontrent de nouveaux défis pour leurs supply chains, c’est-à-dire leurs systèmes d’offre constitués de réseaux d’acteurs inter-reliés ayant un objectif commun : livrer les biens et services à leurs clients. Aux objectifs traditionnels d’efficience et de contrôle de la chaîne logistique s’ajoutent désormais des défis en termes de RSE et de développement durable, qui les obligent à s’orienter vers de nouvelles configurations inter-organisationnelles avec, au cœur du processus, la mutualisation logistique. Ce concept de RSE est mobilisé également dans d’autres recherches qui détaillent les enjeux du développement durable dans une optique SCM (voir le chapitre p. 179). Rappelons que trois approches théoriques se sont succédées afin d’éclairer les choix de configurations organisationnelles pour les canaux de distribution. Elles se complètent plus qu’elles ne s’opposent :
- La première approche, issue du paradigme microéconomique néo-institutionnel (théorie de l’agence, théorie des coûts de transaction), met l’accent sur l’objectif d’optimisation du triptyque coûts/services/délais : il s’agit, pour un réseau d’acteurs constituant un écosystème d’affaires (un groupe de distribution et ses partenaires, par exemple), d’emporter un avantage concurrentiel significatif par rapport aux écosystèmes d’affaires concurrents.
- La deuxième approche, associée aux analyses comportementales, explique les évolutions observées dans l’organisation de la logistique par l’objectif des distributeurs de renforcer leur pouvoir au sein du canal de distribution. Les distributeurs alimentaires ont ainsi, dans les années 1980, internalisé la gestion des opérations logistiques (plates-formes dédiées à leur enseignes, transport), auparavant pilotées par les industriels. L’objectif était non seulement de massifier les flux et d’obtenir des gains de productivité, mais aussi de prendre le pouvoir face aux industriels, en se réservant la conception et le pilotage des flux d’approvisionnement, directement ou par l’intermédiaire de PSL.
- La troisième approche, qualifiée de stratégique (Filser, 1989, 2012), explique les choix organisationnels sous l’angle des ressources et compétences et de la maximisation de la création de valeur pour le client final. Cela suppose d’orienter la supply chain vers l’innovation et la réactivité tout en minimisant les nuisances et autres externalités négatives des activités économiques (destruction de valeur). Cette approche rejoint les débats sociétaux les plus récents sur l’impératif de préserver la planète pour les générations futures (Grenelle 1 et 2 en France), la RSE, la nature de la firme et la gouvernance partenariale (Charreaux et Wirtz, 2004). Au-delà de la création de valeur pour les clients et les actionnaires, ne faut-il pas considérer, comme le suggère la théorie des parties prenantes, la création de valeur (ou la non-destruction de valeur) pour les autres parties prenantes de l’entreprise, et notamment la société civile, le citoyen ?
5Le débat est vif concernant les activités de distribution en raison de l’impact carbone du transport, mais aussi des nuisances annexes de l’acheminement des marchandises dans les villes notamment. On observe effectivement, sous l’effet de la métropolisation accrue, une saturation des espaces urbains et une pollution sonore liée aux livraisons, qui s’ajoutent à la pollution de l’air et nuisent à la qualité de vie et à l’image des villes. On notera ici le début de prise de conscience du consommateur, à la fois internaute et citadin, de certaines contradictions dans ses besoins : si le consommateur/internaute exige, e-commerce oblige, d’être de plus en plus livré chez lui, dans les meilleurs délais et au meilleur coût, il veut en même temps respirer un air pur, circuler dans sa ville avec une certaine fluidité, et que ses actes de consommation ne nuisent pas trop aux générations futures (voir la figure 1).
6Face à ces évolutions de la société, les acteurs de la supply chain multi-acteurs n’ont d’autres choix que de renouveler les approches logistiques et inventer ensemble des supply chains durables, qui intégreront, au-delà des différentes contraintes (efficience, contrôle, création de valeur pour les clients), des indicateurs de performance sociale et environnementale, définis le plus souvent au niveau international, par des normes (voir le chapitre p. 169). La mutualisation des moyens, au sein d’une même chaîne logistique, mais aussi entre chaînes logistiques jusqu’alors en compétition frontale, semble être une voie prometteuse, source de performances économiques et environnementales (Pan et al., 2011). Des expériences sont actuellement menées dans ce sens, qui impliquent les acteurs traditionnels des supply chains mais aussi de nouveaux acteurs, pour la logistique urbaine notamment.
Les différentes formes et approches de la mutualisation logistique
7La mutualisation consiste à mettre en commun des ressources et moyens logistiques (entrepôts de stockage, transports, systèmes d’information) entre organisations indépendantes aux plans juridique et financier, afin de mieux organiser les flux de marchandises. La littérature distingue deux formes de mutualisation logistique (Barratt, 2004) :
- La mutualisation verticale s’appuie sur la mise en commun d’actifs logistiques de manière à intégrer le pilotage des flux entre des acteurs situés à des niveaux différents d’une même chaîne, par exemple entre des industriels et un distributeur, ou entre un franchiseur et ses franchisés. Il s’agit d’une forme traditionnelle de mutualisation au sein des chaînes logistiques, dont de nombreux exemples témoignent, de longue date, de l’efficacité (Chanut et Paché, 2012).
- La mutualisation horizontale signifie une mise en commun des ressources logistiques entre des entreprises directement en concurrence et au même stade de la chaîne logistique, par exemple entre des industriels d’un même secteur ou entre des groupes de distribution. Elle fait référence au concept de coopétition (Bengtsson et Kock, 2000), qui se définit comme une relation dyadique au sein de laquelle les acteurs sont à la fois dans une situation de concurrence (en termes de produits commercialisés, par exemple) et amenés à collaborer sur une ou plusieurs de leurs activités (l’entreposage et le transport, par exemple).
8Au-delà de cette distinction classique entre mutualisation verticale et horizontale, l’analyse des pratiques de mutualisation logistique souligne une grande diversité d’approches, comme l’illustrent les exemples développés dans le tableau 1. Si les activités mutualisées restent sensiblement proches, les motivations des acteurs, les logiques de coordination et les acteurs pivots de ces actions de mutualisation logistique obéissent à des logiques très différentes. Les modèles de pilotage des supply chains sont complexes et extrêmement divers, étant loin de la vision « traditionnelle et simpliste » du pilotage unique des supply chains (voir le chapitre p. 137). Il semble en fait possible de se référer à trois visions différentes de la mutualisation logistique.
9La première vision correspond à l’intervention d’un « facilitateur » qui fait souvent de la mutualisation son fonds de commerce. Le PSL est ainsi un acteur naturel des pratiques de mutualisation du transport, ce que Tixier et al. (1983) ont bien mis en avant dès le début des années 1980. Au-delà, il est en mesure d’organiser la mutualisation de schémas logistiques en massifiant les flux de certains de ses clients (Fulconis et al., 2011). Certains PSL construisent d’ailleurs leur offre et leur discours autour de la mutualisation logistique en permettant par exemple à des TPE d’accéder au e-commerce grâce à la mise en commun de ressources logistiques (exemple d’Orium). De la même manière, on peut considérer que le franchiseur qui organise les achats/la logistique pour le compte de son réseau de magasins franchisés est un facilitateur qui participe à l’efficience du business model qu’il vend à ses franchisés (Chanut et al., 2011). D’autres intervenants affirment un rôle de « marieuse » en permettant à des acteurs indépendants et parfois concurrents de se rapprocher et de mutualiser certaines de leurs activités. Le positionnement de Diagma entre dans cette catégorie car le mécanisme de mise en relation des entreprises attirées par les pratiques de mutualisation logistique, copié des réseaux sociaux, s’appuie effectivement sur le rôle médiateur du réseau pour rapprocher des entreprises sans lien commun initial.
10La deuxième approche résulte de l’organisation moderne de la grande distribution et de l’évolution récente de la législation (Loi Dutreil-Jacob de 2005, Lois Chatel et LME de 2008). Cherchant à rééquilibrer le rapport de force entre distributeurs et industriels, ces lois ont eu pour effet d’impacter fortement les leviers traditionnels de la performance des distributeurs (marge arrière et délais de paiement) (Chanut, 2007 ; Camman et Livolsi, 2011) ; ces derniers ont alors obligé les industriels, et notamment les PME, à créer des entrepôts fournisseurs mutualisés en amont de leurs plates-formes logistiques, afin d’augmenter la part des flux traités en cross-dock sur ces plates-formes (exemples de Meralliance et d’Odysseum) et afin de compenser la baisse des délais de paiement, en transférant le poids financier des stocks sur les fournisseurs industriels (Camman et Livolsi, 2011). Par ailleurs, les industriels de certains territoires enclavés (les exemples donnés dans le tableau sont localisés en Bretagne) ont créé, sur leur propre initiative et avec l’aide d’acteurs institutionnels locaux (Syndicat inter communautaire OCD et Agence Ouest Cornouailles Développement, par exemple), des entrepôts logistiques mutualisés entre entreprises indépendantes et concurrentes. Cette mutualisation permet en outre d’éviter de livrer de manière séparée des plates-formes de distributeurs situés hors de la région bretonne pour des flux destinés à cette région. Les magasins de Bretagne sont désormais livrés, à moindre coût écologique, directement de l’entrepôt de fournisseurs mutualisés sans passer par les plates-formes de distributeurs. Notons qu’au-delà du rapport de force entre industriels et distributeurs, l’approche est liée aux problématiques de territoires et de leur couverture logistique. Une autre approche liée aux territoires permet aux TPE régionales d’accéder à la grande distribution, grâce à la mutualisation de leurs livraisons (exemple d’Odysseum à Montpellier).
11La troisième vision concerne la mutualisation urbaine. Celle-ci met en scène de très nombreux acteurs dans une logique de réduction des coûts du dernier kilomètre, des nuisances urbaines et des émissions de GES. Sa spécificité résulte dans le fait qu’elle concerne des acteurs qui ne sont pas historiquement impliqués dans les questions de transport de marchandises : les villes et collectivités territoriales, les entreprises de transport de personnes et autres organisations propriétaires de structures pouvant être utilisées comme centres de distribution urbaine (CDU) mais aussi des associations (de riverains, de consommateurs, de commerçants) ou des fédérations professionnelles (Camman et Livolsi, 2011 ; Chanut et al., 2012). Par exemple, dans le cas de Geodis/Distroplis, la Communauté urbaine de Strasbourg s’est associée à plusieurs PSL spécialisés, filiales du groupe SNCF. Cette multitude d’acteurs impose d’inventer des schémas logistiques nouveaux et des modes de coordination spécifiques. Pour le cas de Strasbourg, les acteurs ont mis en place une plate-forme de mutualisation et de diffusion des marchandises vers deux « bases logistiques urbaines écologiques » et le déploiement d’un outil informatique d’ordonnancement des tournées en milieu urbain3.
La mutualisation logistique : vers une vision stratégique et collaborative ?
12Si la mutualisation logistique consiste à mettre en commun des ressources et des moyens logistiques entre organisations indépendantes, on observe, dans les pratiques, des niveaux de coordination différents que l’on peut classer sur un continuum. À un extrême, un acteur met à disposition d’autres entreprises, souvent des TPE limitées en moyens, des ressources logistiques propres dans une optique de complémentarité de capacités et d’économies d’échelle. C’est l’approche historique des PSL. C’est le cas plus récemment, d’une entreprise comme Orium qui met à disposition de nouveaux entrants du e-commerce (pure players), ses ressources et compétences logistiques pour les livraisons en zone urbaine. On observe d’autres niveaux de mutualisation faisant intervenir une intention collaborative croissante entre les acteurs et pouvant aller jusqu’à une vision stratégique au sens de Hamel et Prahalad (1989).
13L’étape suivante suppose de trouver d’autres organisations prêtes à s’inscrire dans une démarche de mutualisation et à opérer ensemble les ajustements nécessaires au niveau opérationnel pour réduire les décalages de contexte et/ou de fonctionnement (voir les chapitres p. 127 et p. 137) : la mutualisation d’un entrepôt ou du transport suppose de définir des lieux, des équipements, des ressources humaines communs, de disposer de produits, technologies et températures compatibles, de partager des normes de qualité et une temporalité, comme le propose Diagma. Elle nécessite aussi un système d’information partagé, donc d’échanger des données jugées sensibles avec ses partenaires, tels que les volumes de vente, les rotations, les taux de retours, les innovations introduites, les opérations promotionnelles, les opérations de trade marketing avec tel ou tel distributeur. Les entreprises concernées doivent en conséquence accepter de se rendre vulnérables et dépasser la crainte de la perte du contrôle de leurs données stratégiques. Si ceci ne pose pas de problème dans le cadre de relations siège-filiale (exemple Toupargel/Agrigel), cela constitue un frein réel dans les autres situations permettant d’expliquer le faible nombre d’expériences de mutualisation horizontale par exemple entre entreprises frontalement concurrentes, ou d’entrepôts mutualisés dans un contexte de logistique urbaine en Europe.
14Le projet de mutualisation peut aussi s’inscrire dans une vision stratégique commune. Cette vision suppose une réflexion en amont, un changement des pratiques et une forte capacité d’innovation vers de nouveaux schémas logistiques. Deux questions clés d’ordre stratégique se posent alors pour la mise en œuvre de la mutualisation : la première relative aux mécanismes de coordination, voire de gouvernance de la mutualisation ; la seconde à la manière de s’assurer que l’organisation adoptée sera apprenante et suffisamment flexible pour s’adapter, voire construire de nouvelles compétences afin de toujours mieux satisfaire les clients. Ces questions ne sont pas propres aux seuls contextes de mutualisation et se posent dans d’autres contextes d’intégration en logistique.
15Concernant la première question, il semble admis que la qualité de la coordination détermine la réussite du projet de mutualisation et sa pérennité. Les modalités de la coordination doivent être perçues comme légitimes par l’ensemble des organisations impliquées (voir le chapitre p. 63). Les questions sont alors : faut-il nécessairement un acteur coordinateur ou pivot au sens de Miles et Snow (1986) ? Un acteur tiers, tel que le PSL, peut-il jouer ce rôle ? Un acteur coordonnateur peut fédérer plusieurs entreprises, même concurrentes, en levant la crainte de la dépendance, s’il sait gagner la confiance de chacun des participants, proposer une solution optimisée pour chacun des acteurs et imposer une transparence suffisante pour que chacun puisse entrevoir les gains possibles du projet. La présence d’un acteur tiers, un PSL, par exemple, n’est pas obligatoirement rassurante pour les organisations qui peuvent craindre une captation des gains par ce pilote qui tient en main toutes les manettes de l’organisation de la mutualisation. A contrario, pour les acteurs d’une mutualisation, la présence d’un tiers neutre représente une forme de garantie d’équité dans le traitement des activités mutualisées et réduit les risques d’un comportement opportuniste de l’un des acteurs (Camman et Livolsi, 2009). Dans tous les cas, le partage des risques et des gains entre les acteurs doit être clairement défini.
16Quant à l’objectif de flexibilité, deux modes de coordination semblent propices pour l’atteindre : la structuration avancée et l’ajustement dynamique. La structuration avancée permet de structurer de manière appropriée les flux d’information et les processus interconnectés. Les entreprises peuvent alors réduire leur effort d’ajustement aux variations de leur environnement. L’ajustement dynamique permet, grâce aux technologies de l’information, de reconfigurer un ensemble de processus approprié à une évolution de l’environnement des entreprises en relation (Gosain et al., 2004). Le GIE « Chargeurs Pointe de Bretagne » a ainsi choisi la première approche en s’appuyant sur l’expertise d’une société de consultance en supply chain qui lui a permis de définir un ensemble de normes internes de fonctionnement et d’indicateurs clés de performance afin de se coordonner de manière pertinente. Au final, la mise en œuvre d’un processus de mutualisation est souvent perçue par les acteurs comme un parcours d’obstacles qui suppose de trouver un mécanisme de coordination adéquat au sein du continuum, une reconnaissance de fait de l’interdépendance et un partage des bénéfices négocié.
Conclusion
17La plupart des travaux prospectifs sur le SCM soulignent qu’avec la hausse inéluctable du coût de l’énergie et des transports, mais aussi avec l’urbanisation croissante de la Planète, la supply chain du futur doit devenir durable et collaborative (voir par exemple l’étude de Cap Gemini sur les nouveaux défis de la supply chain à l’horizon 20184). Durable d’abord, car la performance des supply chains ne pourra plus être mesurée uniquement en termes de rapport coûts/services/délais mais devra intégrer des indicateurs de performance sociale et environnementale. Collaborative ensuite, car la pression concurrentielle associée au poids des territoires semble imposer une logique de partage de ressources (ou mutualisation) entre acteurs des chaînes logistiques du futur. Or, si ces évolutions suscitent un intérêt grandissant parmi les chercheurs, le décalage entre cette vision prospective et les pratiques actuelles des entreprises est frappante. Les pratiques collaboratives de mutualisation restent en 2013 des initiatives pionnières dont la portée et l’ampleur sont encore limitées et interrogent l’observateur sur le rythme des évolutions attendues : les changements seront-ils progressifs ou va-t-on assister à une démarche de rupture telle que celle suggérée par le MIT à propos de l’Internet physique5 ?
Notes de bas de page
1 http://www.chargeurspointedebretagne.com/accueil.awp, consulté le 12 novembre 2012.
2 Par exemple, voir l’accord entre Routin et Eckes/Granini, respectivement fabricants de sirops de fruits et jus de fruits, accord qui a permis d’améliorer significativement la distribution numérique de leurs marques propres (Chanut, 2011).
3 Une quatrième vision de la mutualisation logistique peut s’envisager en référence au lien capitalistique entre maison-mère et filiales, notamment dans les groupes de distribution multi-enseignes. Certains groupes, tels que Toupargel/Agrigel ou Mobivia Group/Midas, trouvent ainsi un intérêt à rapprocher le traitement logistique de leurs filiales tout en conservant l’identité de leurs enseignes, et donc des politiques commerciales spécifiques. L’objectif affiché dans ce cas est, le plus souvent, la rationalisation des flux, la réduction des coûts logistiques et des émissions de GES.
4 L’étude de Cap Gemini, publiée en 2009, a été remise à jour en 2010 par une réflexion sur les conséquences de la volatilité des marchés sur les supply chains de demain : Succeeding in a volatile market – 2018 : the future value chain, disponible sur http://www.futuresupplychain.com/, consulté le 13 octobre 2012.
5 Issue d’une réflexion développée initialement au MIT, puis reprise par des chercheurs francophones au Canada, en Suisse et en France, dont Montreuil (2011) est l’un des plus représentants les plus connus, la métaphore de l’Internet physique s’appuie sur le constat que « la façon dont les objets physiques sont transportés, manipulés, entreposés, réalisés, fournis et utilisés dans le monde entier n’est pas soutenable économiquement, écologiquement et socialement ». L’évolution vers un Internet physique mondial pourrait permettre la durabilité globale du transport, de la manutention, de l’entreposage, de la réalisation, de l’approvisionnement et de l’utilisation des objets physiques à travers la Planète. Par ses principes d’uniformité et d’accessibilité, l’Internet physique offre un nouveau cadre conceptuel aux pratiques de mutualisation logistique. Sur ce point, voir http://physicalinternetinitiative.org/, consulté le 18 septembre 2012.
Auteurs
Docteur en sciences de gestion
Professeur des universités en sciences de gestion à Aix-Marseille Université
professeur agrégée d’économie et gestion à Aix-Marseille Université
Professeur à KEDGE Business School
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