"Soleil" et "Lune" chez Dante
p. 327-337
Texte intégral
1Le soleil et la lune occupent dans l’oeuvre de Dante, une place privilégiée : dans l’immense registre du poète-philosophe-théologien florentin, l’astre du jour et notre planète satellite sont analysés comme réalité physique et astronomique, mais invoqués aussi comme symbole allégorique, moral, religieux et politique, où le savoir mythologique le dispute à l’élégance littéraire. Dans tous les cas, le rôle du soleil est prépondérant ; nous en rappellerons quelques-uns ; sa supériorité dans la vision astronomique de Dante ne semble faire aucun doute, en vertu de la place qui lui est assignée, au quatrième ciel, le ciel de la Lune étant le plus proche de notre monde ; en tout état de cause, l’image des ciels transmise par la Commedia notamment, est le symbole même d’une hiérarchie ; il y a un ordre des sphères célestes : partant de la lune, le voyageur d’outre tombe traverse Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter, Saturne ; de là, il parvient au ciel des fixes, avant d’avoir la révélation du cristallin et enfin de l’Empyrée, ce "ciel" qui ne veut pas dire son nom dans la Comédie, alors qu’il était désigné par ce terme dans le Convivio, antérieur, il est vrai, au Paradis de la Commedia. On sait ce que cette vision doit au Traité du Ciel et à la Métaphysique d’Aristote : Dante en est si imprégné qu’il n’hésite pas à dire au Paradis, en réponse aux questions de saint Pierre sur la foi, et, bien entendu, la foi du chrétien qu’est le poète :
"Et je réponds : - Je crois en un seul Dieu,
Seul éternel, qui, sans que rien le meuve
Tout le ciel meut par amour et désir"1.
2Voilà donc le Dieu-Amour transformé par la vertu de l’imagerie dantesque en ce moteur immobile que désirent, par leur mouvement plus ou moins rapide, les moteurs des ciels inférieurs, éperdus dans leur course à la ressemblance d’avec le Premier qui, dans la perspective aristotélicienne, les ignore, ce qui n’est pas le cas pour Celui qu’adorent les chrétiens. Il y a donc bien un ordre, une hiérarchie dans ce Cosmos, où les sphères reçoivent inégalement, à la mesure de leur dignité, l’influx divin. Et pourtant, il est un cas où le poète s’est efforcé d’introduire entre deux de ces ciels, celui du soleil et celui de la lune, un rapport, sinon d’égalité absolue, du moins de coordination, pour le moins paradoxale : c’est celui où Dante rend compte de l’allégorie biblique des deux luminaires.
Les deux luminaires
3C’est à l’évocation du symbolisme politique suscité par le rapport entre les deux puissances, la temporelle et la spirituelle, figurées par la lune et le soleil dans la Monarchie que nous limiterons notre analyse. Il s’agit de l’allégorie tirée de la Genèse2, que reprend ce traité politique de Dante, au livre III, consacré à la réfutation de l’argumentation théocratique, établissant que le pouvoir temporel dépend du pouvoir spirituel, et ici, en l’espèce, pontifical : "A donc la présente querelle se trouve agitée entre deux grands luminaires, à savoir le Pontife romain et l’Empereur romain ; et il est demandé si l’autorité du Monarque romain, qui est de droit Monarque du monde, comme on l’a prouvé dans le second livre, dépend immédiatement de Dieu ou bien de quelque vicaire ou officier de Dieu ; j’entends par là le successeur de Pierre, qui est en vérité le porte clefs du royaume des cieux"3. Cela, certains le prétendent, "mus de plusieurs arguments qu’ils tirent de la Sainte Ecriture"... Parmi eux, "ils disent en effet pour commencer, selon la lettre écrite de la Genèse, que Dieu fit deux grands luminaires, l’un majeur et l’autre mineur, afin que l’un régnât sur le jour et l’autre sur la nuit : par où ils entendent que le texte nomme sous forme allégorique les deux gouvernements, à savoir le spirituel et le temporel". Dans cette première partie de l’exposé de l’argument des deux luminaires, utilisé en effet dans la controverse des rapports entre les deux pouvoirs, Dante rappelle le grand principe de l’herméneutique des quatre sens de l’Ecriture, dont il ne dégage expressément que deux, les plus importants à ses yeux, le sens littéral et le sens allégorique4. Pas de difficulté pour le sens littéral : il s’agit du récit même de la création dans la Genèse ; les problèmes surgissent au niveau de l’interprétation allégorique de ce verset biblique. "Dans ces deux grands luminaires, tout le monde voyait le symbole de la double puissance qui préside à la marche de l’humanité"5. Le pape Innocent III en particulier écrit : Sicut luna lumen suum a sole sortitur... sic regalis potestas ab auctoritate pontificali suae sortitur dignitatis splendorem6 ; en d’autres termes, la dépendance de la lumière lunaire par rapport à celle du soleil servait à illustrer la subordination du pouvoir impérial au pouvoir pontifical. Compte tenu des données astronomico-astrologiques du temps, on en arrivait ainsi à dire, comme par exemple dans la glose des Décrétales, que le soleil est quarante sept fois plus grand que la lune, et que, en conséquence, l’autorité du pape est d’autant supérieure à celle de l’Empereur. La lune se contente de refléter la lumière du soleil, qu’elle nous renvoie quand elle brille : Sol illuminat mundum per lunam quando per se non potest7. Cet argument, utilisé pour appuyer la thèse théocratique, a été combattu par les théoriciens favorables à l’indépendance de l’Empire, dont Dante fait partie, puisque, pour lui, l’Empereur a reçu immédiatement de Dieu son pouvoir, qui ne dépend point par conséquent de celui du pape. Il fallait, pour réfuter l’interprétation adverse, infirmer l’opinion reçue communément de la dépendance de la lumière de la lune à l’égard de celle du soleil. Jean de Paris, ou encore l’auteur anonyme du Rex Pacificus considèrent que l’exégèse théocratique des deux luminaires ressortit à l’"exposition mystique", mais non argumentative ; ils ratiocinent à l’envi sur la signification du texte de la Genèse, allant jusqu’à dire qu"’au total la lune ne vient pas du soleil, mais a été, aussi bien que lui, produite immédiatement par Dieu"8.
4Comment Dante va-t-il pouvoir réfuter à son tour l’interprétation allégorique ? Tout d’abord par des considérations sur ce qu’il faut entendre par sens mystique ou allégorique des Ecritures.
Les quatre sens de l’Ecriture
5On peut commettre deux erreurs sur le sens mystique de la parole sacrée : la première en le cherchant là où il n’est pas placé, la seconde, "en le prenant autrement qu’il ne doit être pris"9. Revendiquant l’autorité de saint Augustin, Dante rappelle que certains faits rapportés de l’Ecriture ne sont pas susceptibles d’une exégèse allégorique ; à la suite de l’auteur de la Cité de Dieu, il faut admettre que de tels faits n’ont point de signification cachée : "le soc est seul à fendre la glèbe, mais, pour que cela puisse se faire, les autres membres de la charrue sont nécessaires aussi"". Mais si le sens caché existe, son interprétation peut être délibérément travestie, contraire à la vérité, comme le note dans le De doctrina christiana le Docteur africain.
6Tout en argumentant, Dante reste de plain pied dans la perspective allégorisante ; davantage, il reconnaît à l’adversaire le droit d’allégoriser, privilégiant ainsi un mode de pensée dont on ne pourrait reprocher l’usage au poète de la Commedia ; ce qu’il refuse, c’est la tromperie dans ce domaine : certes on doit excuser l’ignorance ou la méconnaissance involontaire du sens caché de l’Ecriture, mais non celle qui a pour propos d’égarer ; il faut dénoncer cette dernière attitude, comme on le fait "des tyrans qui, trouvant sous leurs pas les droits publics, au lieu de les suivre en vue du bien commun, s’efforcent au contraire de les détourner à leur propre avantage"10. C’est là pécher contre le Saint Esprit.
De l’économie de la création
7Dante veut démontrer qu’il est faux de dire "que les deux luminaires représentent au figuré les deux gouvernements". C’est donc le sens mystique même qui est ici remis en cause, à l’aide de deux arguments, dont le premier rappelle la chronologie de l’acte divin de la création du monde : les deux astres ont été créés en effet le quatrième jour ; les gouvernements sont des "accidents" de l’homme lui-même, qui cependant n’a été créé que le sixième jour. Il y a là inconséquence, pire, même, sacrilège, car ce serait bouleverser l’ordre même voulu par Dieu que de poser les accidents avant leur suppôt ou sujet, comme dirait Aristote.
8Il faut en effet qu’une substance préexiste à ses accidents, en vertu de son antériorité ontologique. Par conséquent, dans l’hypothèse où l’on poserait que soleil et lune seraient des images des deux gouvernements, il serait absurde de les faire préexister à l’homme, dont ils ne sont que des accidents. Le second argument fait référence à la thèse augustinienne de l’Etat comme remedium peccati, - et à ce titre, les gouvernements temporel et spirituel en relèvent - : Dante dénonce l’absurdité qui devrait être imputée au Dieu créateur pour avoir créé, le quatrième jour, le remède avant le malade, c’est-à-dire l’homme pécheur. Opérer ainsi serait "contraire à la divine bonté. Il serait fol en effet le médecin qui, avant qu’un homme soit venu au monde, lui préparerait un emplâtre pour l’apostume à venir"11.
La "lumière propre" de la lune
9La lune possède-t-elle une "lumière propre", ou la reçoit-elle du soleil ? La réponse est ambiguë : la lune "n’a pas abondance de lumière, sinon comme elle la reçoit du soleil"12 ; mais il faut, d’autre part, distinguer entre sa lumière et son être, sa vertu et son opération". L’être de la lune est indépendant de celui du soleil ; sa vertu également, puisque son mouvement lui vient de son moteur propre, de la même façon que chaque sphère céleste est entraînée par son mouvement propre. Il en est de même pour son opération. Cependant, une difficulté subsiste, concernant l’existence de la "lumière propre" : en effet, Dante ne dit-il pas en même temps que le soleil est une source unique de lumière pour tous les corps célestes ? C’est ce qu’affirme à maintes reprises la Commedia ; même les étoiles fixes brillent par réflexion de la lumière solaire13. Ainsi, le chant XXIII, 28-30 du Paradis, nous le confirme :
"Tel vis-je par dessus mille luisernes
Un haut soleil qui les allume toutes
Comme Phoebus les lucarnes du monde"14.
10Et il est bien vrai, comme le note le traducteur, que, "pour les gens du Moyen Age, les étoiles n’ont pas de lumière propre, mais reflètent la clarté du soleil". C’est ce que nous dit le chant XX, 6-8 du même Paradis :
11"Lorsque celui qui le monde enlumine"...
... Le ciel qui de lui seul était ardent
Trouve soudain neuve et belle semblance
Par maints flambeaux, qui d’un feu tous reluisent"15.
12Sans recourir à d’autres textes, comment expliquer que Dante ait pu soutenir à la fois que le soleil est source de toute lumière et que la lune ait sa lumière propre, si faible qu’elle soit, "comme il est manifeste dans ses éclipses"16 ? S’il ne s’y attarde pas dans la Monarchie, il reprendra ce thème dans le Paradis, à propos des taches de la lune, dont il avait donné dans le Convivio une explication à laquelle Béatrice le fait renoncer, pour lui substituer une solution plus conforme à l’esprit de la philosophie naturelle d’Aristote. Avant lui, Roger Bacon dans son Opus maius et Albert le Grand dans son Commentaire du De coelo et mundo admettaient l’existence d’une lumière propre de la lune, de la façon suivante : originellement, la lumière de la lune a pour source celle du soleil, qu’elle absorbe, en quelque sorte, ou encore emmagasine, met en réserve, de sorte qu’elle en possède une certaine quantité qu’elle détiendrait en propre, à partir de celle que le soleil lui confère. La lune ainsi, ne se contente pas de refléter la lumière du soleil comme si elle était un simple miroir réfléchissant ; elle en garde une partie par absorption (imbitio). Bacon dira ainsi que la lune a une lumière "proprium et innatum", eductum tamen de potentia materiae in corpore stellae per virtutem solis venientis ad stellam, quae... facit lumen in ea17. Une telle argumentation tenait compte de la formule de la Genèse relative à la création des deux luminaires, qui précisait que la lune était qualifiée de "grand luminaire", et qu’en conséquence, elle devait avoir sa lumière propre. Dante à leur suite reprend leur argumentation, mais il en tire parti pour démontrer, non pas la dépendance de la lune, c’est-à-dire de la puissance impériale, à l’égard du soleil, puissance pontificale, mais pour sauvegarder l’indépendance de la première par rapport à la seconde. De cette manière, l’existence d’une lumière lunaire propre renforcerait la thèse de l’autonomie de la puissance impériale. Pourtant, Dante attribue en outre à la papauté quelque influence sur l’Empire, en ce sens qu’il précise que, si la lune ne dépend en aucune manière du soleil quant à son opération prise en elle-même (quantum ad operationem simpliciter) une telle opération, ou encore l’acte qui l’achève, "est meilleure et plus vertueuse du fait que la lune reçoit quelque chose du soleil, et c’est une lumière abondante : recevant icelle, la lune oeuvre avec plus de vertu"18. En d’autres termes, l’autorité de l’Empire peut bénéficier de l’action du pouvoir spirituel de la papauté sur elle, pourvu que son indépendance soit sauvegardée dans son principe même. A ce niveau, la lumière du soleil - ou celle de l’autorité pontificale - est assimilée à celle de la grâce divine, dont le souverain pontife est le dispensateur sur terre.
13Dante conclut sa réfutation de l’interprétation théocratique en l’accusant de pécher "dans sa forme" : dans la majeure en effet, on parle de lumière (la lune reçoit la lumière du soleil) cependant que dans la conclusion, on parle d’autorité (donc le pouvoir temporel reçoit l’autorité du pouvoir spirituel). Ce sont là deux choses différentes.
Derechef, du soleil
14Dante s’est-il contredit ? En aucune manière, répond E. Gilson19 : l’auteur de la Commedia a respecté, dans sa réfutation, le principe selon lequel "non potest dici quod alterum subalternatur alteri", en d’autres termes, qu’on ne saurait vouloir subalterner l’un de (ces) principes à l’autre, à savoir d’une part, la domination, qui est le propre de l’autorité impériale, d’autre part la paternité, qui est celui de l’autorité pontificale. En effet ces "propres" se surajoutent à l’homme qu’est l’Empereur et à celui qu’est le pape comme des accidents à leur substance ; par conséquent, on doit comprendre ces deux caractères sous la catégorie de la relation, et non sous celle de substance. En termes clairs, il faut comprendre que les attributs qui caractérisent le pouvoir impérial et le pouvoir pontifical (dominatio, paternitas) n’affectent pas l’essence, ou la substance, si l’on veut, des deux pouvoirs ; mais, pourrions-nous ajouter avec Aristote, de même qu’un père est père seulement pour son fils, de la même façon un maître n’est tel qu’à l’égard de son esclave. Relation de paternité et relation de servitude rendent, dans ce cas précis, entièrement compte des attributs mentionnés : ils relèvent donc de la catégorie de la relation, non de celle de la substance.
15Peut-on, dans ces conditions, admettre que "la vérité de nos trois questions est établie" ? Et, comme nous n’avons parlé que de la troisième, celle dont il est question dans le Livre III de la Monarchie, qui mettait en cause le soleil et la lune, peut-on considérer comme démontré que "l’autorité du Monarque dépendait de Dieu immédiatement", et non "d’un autre" ? Dante l’affirme, mais il ajoute : "Cette vérité de la dernière question ne doit pas être prise avec trop de rigueur, au point que le Prince romain ne soit soumis en rien au Pontife romain, alors que la félicité mortelle est en quelque mesure ordonnée à la félicité immortelle"20.
16Sans doute faut-il laisser au texte de Dante toute son ampleur, pour ne pas dire son ambiguïté. Certes, il est vrai que pour lui, l’autorité de l’Empire vient immédiatement de Dieu ; mais faut-il pour autant ne voir dans "la révérence que César doit au vicaire de Pierre" qu’une simple clause de style ? Ne faut-il pas prendre en compte toute la complexité de sa pensée, sans vouloir l’éclairer au prix de la simplifier ?
17Ce qui importe ici, c’est de constater qu’en dehors du texte de la Monarchie, les relations de la sphère du soleil et de celle de la lune impliquent, à l’intérieur de la conception, en gros, aristotélicienne, de l’Univers, une certaine hiérarchie. Le ciel de la lune est inférieur à celui du soleil ; il s’agit donc bien de rapports de subordination, non de coordination. En revanche, l’admiration que Dante a vouée à l’Empire ne l’a-t-elle pas entraîné à dire, au Purgatoire21 :
"Rome jadis, qui le bon monde fit
Eut deux soleils, de quoi s’enluminaient
Les deux grandes voies, de la terre et du ciel
Mais l’un a éteint l’autre, et à la crosse
Ore est jointe l’épée, à fine force ;
Mauvais ménage font les deux ensemble
Car accouplées, l’une l’autre ne craint".
18Ne compare-t-il pas, dans un autre texte, l’Empereur lui-même au Soleil ?
19Commentant le vers 19 de la seconde Chanson, Amor che ne la mente mi ragiona dans le Convivio22 "Le soleil, en faisant le tour du monde", Dante rend compte de la prééminence de l’astre du jour, "en tournant au figuré le sens de la lettre là où besoin sera". Que nous dit-il alors ?
"Il faut savoir que si, en proposant des figures sensibles pour représenter choses non sensibles, l’on commente convenablement, de la même façon convient-il de traiter des choses non intelligibles par l’intelligible".
20Et il ajoute :
"Par suite, de même que dans l’exposition littérale le conte partait du soleil temporel et sensible, de même, à présent, il en faut conter la signifiance par le soleil spirituel et intelligible qui est Dieu".
21N’était-ce point là un thème philosophique vénérable, qui, venu de Platon, a pu parvenir au poète par Boèce et sa Consolation de la Philosophie, sinon par le pseudo Denys l’Aréopagite ?
22"Nulle chose sensible dans le monde entier n’est plus digne de se faire exemple de Dieu que le soleil. Lequel, de lumière sensible, éclaire premièrement soi-même de lumière intellectuelle, et ensuite les créatures célestiales et les autres intelligibles". Le soleil vivifie de sa chaleur toutes choses, tout comme Dieu de sa bonté le fait également. On le voit, la "perle éternelle" qu’est la lune ne saurait être égalée aux splendeurs de Delius, Helios, Hyperion, Titan (Apollon), dont Dante célèbre la grandeur au sens littéral comme au sens allégorique : le soleil, dont Homère disait déjà "qu’il voit et entend tout", dans l’Iliade, l’astre dont Boèce nous rappelle qu’il est ""conditor orbis", qui parcourt le ciel sur un char de feu, traîné par les chevaux Pyroïs, Eoos, Aethon et Phlégon, dont Dante avait lu la description dans les Métamorphoses d’Ovide, métaphores des quatre âges de la vie et des quatre périodes du jour dans le Convivio23. Comme l’écrit encore dans le même ouvrage notre poète-philosophe, ne faut-il pas comparer "la première et vraie philosophie" au rayonnement du Soleil intelligible qui éclaire l’univers entier" ?24.
Notes de bas de page
1 Dante, Oeuvres complètes, trad. et comm. par A. Pézard, Paradis, p. 1586, Paris, 1965.
2 Genèse, I, 14-16 : "Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue du ciel, pour séparer le jour d’avec la nuit ; que ce soient des signes pour marquer les époques, les jours et les années ; et qu’ils servent de luminaires dans l’étendue du ciel, pour éclairer la terre... Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour présider au jour, et le plus petit pour présider à la nuit"...
3 Monarchie, III, II, III, IV, éd. trad. Pézard, p. 702 sq.
4 Sur les quatre sens de l’Ecriture, voir notamment H. de Lubac, Exégèse médiévale, Les quatre sens de l’Ecriture, 3 volumes, Paris 1959-1964 ; A. Pézard, Dante sous la pluie de feu, Appendice VIII, p. 372-400, Paris, 1950.
5 J. Rivière, Le problème de l’Eglise et de l’Etat au temps de Philippe le Bel, Louvain-Paris 1926, p. 165 et n. 1 et 2, où l’auteur rappelle que ce symbolisme est déjà commenté par Innocent III, qui lui-même avait pu le trouver chez Nicolas 1er et Grégoire VII.
6 Id., Ibid., p. 53 et n. 5.
7 Id., Ibid., p. 56.
8 Id., Ibid., p. 171.
9 Mon. trad. cit., p. 710 ; Conv. II, 1 (sur les quatre niveaux de l’herméneutique).
10 Ibid., p. 711.
11 Ibid., p. 711-712.
12 Ibid., p. 712. Le texte latin est le suivant : Dico ergo quod licet luna non habeat lucem abundanter, nisi ut a sole recipit, non propter hoc sequitur quod ipsa luna sit a sole...
13 E. Moore, Studies in Dante, third Series, Oxford, 1903, p. 44 sq.
14 Trad. Pézard, p. 1574.
15 Ibid., p. 1548.
16 Mon. III, V, trad. cit., p. 712.
17 E. Moore, op. cit., p. 45 (n. 2 de la p. 44).
18 E. Gilson, Dante et la philosophie, Paris, 1953, p. 185 sq.
19 Id., ibid., p. 189.
20 Mon, trad. cit., p. 739.
21 Purgatoire XVI, 106-108, trad. cit., p. 1232 ; cf. également Epître VII, 5-6, où l’Empereur est comparé au Soleil.
22 Convivio III, XII, 6, trad. cit., p. 411 sq.
23 Ibid., IV, XXIII, 14 trad. cit., p. 518-521 et F. Ghisalberti, La Quadriga del Sole nel Convivio, dans Studi Danteschi, XVIII (1934), p. 69-77.
24 Convivio, III, XII, 6-8.
Auteur
Université de Paris XII
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Fantasmagories du Moyen Âge
Entre médiéval et moyen-âgeux
Élodie Burle-Errecade et Valérie Naudet (dir.)
2010
Par la fenestre
Études de littérature et de civilisation médiévales
Chantal Connochie-Bourgne (dir.)
2003