Le sans-papiers et le régularisé
Réversibilité des statuts et segmentation du marché du travail
p. 53-65
Texte intégral
1De longue date, et au prix de fortes variations conjoncturelles, le besoin de main-d’œuvre est un facteur déterminant d’acceptation de l’immigré dans le pays d’accueil (Noiriel 2005). Toutefois, les « métamorphoses du salariat » (Castel 1995) et l’affaiblissement des protections sociales qui lui étaient classiquement attachées, contribuent à redessiner les contours de la catégorie de « travailleur étranger », de plus en plus distante de celle de « travailleur salarié » décrite par Robert Castel.
2Ce décalage n’est pas sans lien avec le renforcement d’une société à vitesses multiples, où coexistent des travailleurs protégés relevant de la sphère salariale, des publics « assistés » via une multiplicité de dispositifs d’insertion, et des exclus ou quasi-exclus, comme les travailleurs étrangers en situation irrégulière, qui ne sont ni complètement mis à l’écart du système (de par leur travail) ni inclus dans la sphère de la pleine citoyenneté. L’affaiblissement des protections traditionnellement attachées au statut salarial se décline dans des espaces où s’expérimentent de nouveaux modes d’accès et d’installation dans l’emploi, par l’entremise de statuts en marge du modèle salarial, auxquels les travailleurs étrangers sans papiers sont souvent assignés (Ferré 2012). Ces éléments invitent à considérer les évolutions récentes de la segmentation du marché du travail (Piore 1979).
3Dans un contexte ultra-libéral commun à bien des pays européens, la flexibilité s’est imposée progressivement comme une condition nécessaire au bon fonctionnement du système économique, mais dont les politiques de l’emploi affichent vouloir atténuer les conséquences néfastes pour les salariés (Barbier 2009). Toutefois, ce compromis idéal est recherché avant tout pour la main-d’œuvre nationale et beaucoup moins (voire pas du tout) pour les travailleurs étrangers (Barron et al. 2011).
4 En favorisant la persistance de segments d’emplois non déclarés (Brun 2006), la libéralisation du marché du travail a entraîné une hausse de la demande de travail flexible et à bas coût qui elle-même stimule le besoin de main-d’œuvre étrangère (Waldinger et Lichter 2003). Dans ce contexte général, les politiques publiques nationales combinent, selon des modalités variables, des registres d’intervention hétérogènes, qui concernent aussi bien des compétences régaliennes comme le contrôle des frontières, que la préservation de l’ordre public (lutte contre le travail non déclaré) ou la politique de l’emploi (dispositif d’allégement des charges patronales), que les politiques migratoires (durcissement des conditions à réunir pour obtenir le regroupement familial) (Marshall 2006).
5La multiplication des statuts précaires (travail intérimaire, saisonnier, sous-traitance, « travail dissimulé », etc.) qui déclinent la flexibilité au concret, ne concerne certes pas exclusivement les étrangers, mais ces derniers doivent une partie de leur attractivité en tant que main-d’œuvre à leur faible capacité de négociation des conditions de travail et d’emploi. La précarité de leur statut administratif, l’impossibilité de faire reconnaître leurs diplômes étrangers, et de ce fait leur coût salarial réduit stimulent la demande dont les travailleurs étrangers sont l’objet de la part de nombreux employeurs (Brun 2008).
6Au vu de ces éléments de contexte, pourquoi s’intéresser aux statuts des travailleurs étrangers et au passage d’une situation d’irrégularité à celle de régularisé (et inversement) ? Dans un panorama juridique de plus en plus complexe, où les titres de séjour se diversifient et où l’emploi et la qualification sont érigés en principes justificateurs de l’immigration économique, les mesures de régularisation, qu’elles soient massives ou au cas par cas, représentent une entrée pour porter un regard nouveau sur les diverses déclinaisons du capitalisme contemporain (Hall et Soskice 2001).
7Sujet très sensible, l’immigration irrégulière fait l’objet, préventivement, de politiques de contrôle aux frontières nationales et européennes (Casella-Colombeau 2009 ; Andrijasevic et Walters 2011) et, en aval, d’une politique pénale sévère à l’encontre des étrangers irréguliers et parfois des personnes qui ont contribué au contournement des règles relatives aux conditions d’entrée, de résidence et/ou d’embauche de ces derniers (Ferran 2010).
8La régularisation est une mesure présentée comme exceptionnelle, visant à corriger l’écart entre le statut administratif de l’étranger et son positionnement durable de facto sur le marché du travail. Ce déphasage est résorbé par l’attribution d’un statut légal à l’étranger sans papiers et/ou par la régularisation du rapport de travail qui le lie à son/ses employeur/s. Ce processus correctif ex post concerne particulièrement les secteurs dits « en tension », rencontrant des difficultés à satisfaire leurs besoins en main-d’œuvre, à tout le moins dans certains métiers et niveaux de qualification.
9Cette contribution se propose d’apporter un regard sur les processus de segmentation du marché du travail contemporains, à la lumière de la précarisation des statuts des travailleurs étrangers. En prenant l’exemple de trois parcours biographiques de travailleur-se-s migrant-e-s, nous expliciterons d’une part, le rôle que l’expérience de la régularisation peut jouer dans la vie professionnelle et personnelle d’un étranger, d’autre part, les aléas de ces changements de statut administratif.
La segmentation du marché du travail au prisme de trois parcours de migrant-e-s
10Faire la sociologie des statuts des travailleurs étrangers avec l’objectif d’apporter des éclairages sur la manière dont se traduit une sorte de rééquilibrage ex post du rapport entre performance économique, gestion politique de l’ordre public, et respect des droits sociaux, suppose de ne pas se cantonner à l’analyse des politiques sociales et de l’emploi.
11À ce titre, les travailleurs étrangers constituent des protagonistes incontournables. Cette entrée par les parcours des travailleurs étrangers en situation irrégulière d’une part, et de ceux ayant été régularisés d’autre part, permet de comprendre ce que le législateur et les intermédiaires du droit font aux individus.
12Les trois cas ici présentés mettront au centre de la focale des individus qui expérimentent le passage d’un statut administratif à un autre à travers la régularisation. Le franchissement d’une frontière externe fait de l’individu un « immigré », un « étranger », un « primo-arrivant », un « clandestin » etc., et implique souvent que ce dernier soit obligé de se confronter à d’autres frontières symboliques, plus ou moins visibles, recomposant ainsi son identité non seulement juridique mais aussi sociale, et le soumettant à des classements relatifs à son accès aux droits, à son rapport au travail, à la reconnaissance de ses diplômes, aux conditions d’installation de sa famille, etc.
13L’entrée par les parcours permet d’aborder la régularisation, en adoptant une perspective microsociologique attentive aux caractéristiques individuelles de la personne directement concernée par ce processus. L’analyse du parcours de l’étranger, de ses réseaux, de sa situation familiale, de ses aspirations permet d’expliquer les comportements variés des travailleurs étrangers vis-à-vis de la régularisation et du travail non déclaré. De la même manière que les politiques publiques et leurs efforts d’aménagement des transitions professionnelles, le contexte de travail, le contexte familial et l’environnement d’installation (voisinage, services territoriaux, réseaux, etc.) contribuent à construire la place que la régularisation revêt pour l’individu.
14Cette contribution s’appuie sur un corpus de 26 entretiens biographiques réalisés entre 2008 et 2010 en France et en Italie. Elle vise à mettre en relief ce que l’irrégularité du statut d’un travailleur étranger peut nous dire sur la segmentation actuelle du marché du travail et sur la stratification de la citoyenneté qu’elle entraîne (Morris 2003), notamment dans le cas des secteurs dits « en tension ». Cette expression renvoie à l’idée d’une pénurie structurelle de main-d’œuvre que la rhétorique patronale présente comme l’une des causes de la récente stagnation économique (Jounin 2008). Aborder la question de la régularisation des étrangers en adoptant une entrée par les parcours dans les secteurs dit « en tension » consiste à faire l’hypothèse que ces derniers constituent des espaces privilégiés où se développent des phénomènes (sous-traitance, travail non déclaré et « gris », discriminations, ségrégation professionnelle et déclassement) révélateurs du rôle joué par la main-d’œuvre étrangère dans les deux pays étudiés.
15Trois parcours1 seront ici présentés comme exemples des contraintes et des impasses liées au statut d’irrégulier, l’un en France et les deux suivants en Italie. Ils concernent des travailleurs ayant occupé des emplois dans les secteurs du bâtiment, de la restauration et de l’aide à domicile. Le premier secteur est emblématique d’une activité constituée autour de métiers, et plus largement de la qualification professionnelle « masculine », mais qui, précisément, est structurellement mise en question par des usages d’un utilitarisme dévoyé de travailleurs immigrés, notamment via le travail non déclaré (Jounin 2008). L’hôtellerie-restauration est périodiquement présentée comme « en tension ». Une de ses particularités réside en la saisonnalité de ses cycles productifs, qui contribue à expliquer les revendications patronales vis-à-vis de la gestion flexible du personnel (Testenoire 2010). Ce secteur est particulièrement connu pour le travail non déclaré et pour ses différentes formes de réduction du coût de l’emploi, se traduisant en une grande flexibilité des contrats et en une forte intensité de travail sur de courtes périodes (Monchatre 2010). Les services à la personne relèvent, quant à eux, d’un secteur très hétérogène qui fait l’objet d’un intérêt croissant, tant du point de vue de la production scientifique, que de celui de l’action publique et de la régulation socio-économique (Jany-Catrice 2010). Dans ce secteur, et plus particulièrement dans les métiers de l’aide à domicile, les travailleuses immigrées sont très fortement représentées et souvent victimes de discriminations (Cournil 2013). Le travail non déclaré, qui concerne très directement les femmes étrangères, ou encore la faible professionnalisation du secteur font l’objet de régulations de branche plus ou moins développées selon le contexte national et le degré de structuration des relations professionnelles.
16Les régularisations des étrangers en situation irrégulière sont le fruit d’actions collectives et de négociations dont les modalités, le sens et la portée varient selon le pays considéré. Ces trois parcours, en dépit de leurs spécificités, mettent en évidence des combinaisons d’éléments contextuels et des modalités d’accès au travail qui sont plus représentatifs respectivement de la France et de l’Italie. Ces cas font émerger in fine les premiers éléments qui nous permettent d’esquisser une comparaison sur la stratification sociale liée au statut administratif des travailleurs et sur la réversibilité de ce même statut. Les travaux sur la stratification de la citoyenneté (civic stratification) s’intéressent aux degrés d’appartenance à la société (membership) des personnes immigrées, en fonction de leur statut juridique et social. Ce statut, déterminé en grande partie par les politiques nationales de chaque pays d’accueil, est porteur d’un accès plus ou moins étendu aux droits sociopolitiques en fonction de critères comme la nationalité d’origine, l’ancienneté de résidence, et le statut sur le marché du travail. La stratification de la citoyenneté renvoie donc à un système hiérarchique se fondant sur des statuts et sur le rapport entre les différentes catégories d’individus et l’État, en fonction des droits associés (et/ou niés) à chacun de ces statuts.
De la réversibilité du statut de l’immigré : le cas de Diallo (Mali / Marseille)
17Diallo a 29 ans et il est issu d’une famille d’agriculteurs maliens. Cadet de 6 frères et sœurs, il fréquente l’école coranique jusqu’à l’âge de 15 ans, puis il abandonne les études pour travailler dans les champs.
18La situation économique familiale étant délicate, Diallo décide, d’un commun accord avec ses parents et son frère aîné, d’investir leurs économies dans le financement du voyage qui l’emmènerait en France. À Marseille résidait un cousin de son père, qui s’y était installé quelques années auparavant. Cette décision est prise lorsque deux jeunes de son village rejoignent un convoi parti en direction de la Lybie : des organisations de passeurs proposent de s’occuper du voyage en assurant les liaisons entre le Mali et la Lybie, puis la traversée en bateau jusqu’aux côtes italiennes. Une fois les ressources pour financer le voyage collectées, grâce à l’endettement de son père et à l’aide intéressée de cousins éloignés qui voient dans cette mobilité un investissement potentiellement rentable, Diallo décide de partir.
19En 2001, Diallo a 18 ans et commence son périple qui durera 11 mois : racketté par les passeurs, il est laissé à son sort avec 17 autres personnes, aux abords de Tripoli. En Lybie, il travaille clandestinement pendant 5 mois dans un entrepôt, avant de rencontrer un compatriote qui, comme lui, cherche un moyen de traverser la Méditerranée.
20En août 2001, ils s’embarquent tous les deux sur un bateau qui doit les conduire en Sicile, où ils arrivent après 7 jours de navigation qui auront coûté la vie à 11 des 83 aspirants immigrés. Arrivé en Italie, il prend la fuite en train d’abord jusqu’à Naples, puis vers Vintimille, pour ensuite traverser à pied la frontière italo-française. À Menton, vers la fin du mois d’octobre, il prend un train qui l’emmène à Marseille.
21Une fois à destination, il n’arrive pas à joindre son cousin. Sans visa et sans ressources, il est accueilli dans un centre d’hébergement, où un compatriote lui suggère de demander l’asile. La demande n’aboutira pas, mais Diallo a déjà commencé à chercher du travail. La rencontre sur un terrain de football de Kader, maçon sans-papiers, est déterminante à ce sujet : Kader travaille en tant qu’intérimaire pour une agence spécialisée dans le bâtiment et pour Diallo « il a été mon maître (il rit) ; il m’a expliqué que si je n’ai pas de papiers ce n’est pas grave… » En suivant ses conseils et en s’appuyant sur ses connaissances, Diallo trouve le moyen de se faire faire de faux papiers qui lui permettent de se présenter à l’agence d’intérim et d’obtenir ses premières missions sur des chantiers de démolition.
22À partir de 2002, Diallo travaille en tant qu’intérimaire, et lorsque cela lui est proposé, il suit également des formations : « à l’agence ils savaient très bien que les papiers étaient faux, et je n’étais pas le seul hein !, mais ce n’était pas un problème ». Toutefois sa situation, comme celle des autres sans-papiers intérimaires, n’est pas toujours facile : « ça ne se passe pas toujours bien : avec les chefs c’est tendu, tu gagnes toujours moins que les autres, et parfois on doit courir… » Diallo fait référence, d’une part, au fait que les rapports interpersonnels sur le lieu de travail sont problématiques puisque « les intérimaires comme moi… les gens savent qu’on n’a pas le choix et qu’on doit la fermer car on n’a pas les papiers et de toute manière on peut nous virer quand bon leur chante ». D’autre part, Diallo précise que « les contrôles… c’est la panique, on doit se cacher, et depuis quelques années il y en a eu de plus en plus ». En 2007, alors qu’il était hébergé dans le centre-ville de Marseille par un autre compatriote, Diallo est arrêté par la police municipale suite à un contrôle qui se produit à quelques rues de l’agence d’intérim : « ils ont trouvé mes faux papiers, et ça, ça m’a créé beaucoup de problèmes ». Diallo passe un mois dans un centre de rétention puis est relâché avec l’ordre de quitter le territoire français.
23À nouveau sans-papiers, mais décidé à rester en France, il se représente à l’agence d’intérim. Il découvre alors que l’agence ne le reprendra plus, et qu’elle a procédé de la même manière pour trois autres collègues sans-papiers : « ils m’ont dit : « tu n’as pas tes papiers en règles » ; je leur ai dit que ce n’était pas nouveau, mais ils n’ont pas voulu prendre le risque ».
24La transition est difficile, mais après quatre mois Diallo trouve un travail mal payé et à temps partiel dans la restauration, en tant que plongeur. Puis en 2008, il commence à travailler pour un petit entrepreneur du bâtiment, grâce au contact d’un ancien collègue sans-papiers. Les rapports avec son patron sont acceptables, mais Diallo précise que « je bossais beaucoup, pour pas grand-chose, et j’avais intérêt à ne pas tomber malade… » Jusqu’au moment où Diallo apprend qu’avec une promesse d’embauche de son employeur il pourrait régulariser sa situation et obtenir un visa de travail. Son patron est craintif. Diallo, qui n’a jamais été politisé mais qui fait progressivement la rencontre de nombreux travailleurs sans-papiers installés à Marseille, passe par la médiation d’un syndicaliste qu’il avait rencontré lors d’une manifestation et, en juin 2008, son employeur décide de lui signer une promesse d’embauche. Diallo est régularisé en octobre de la même année.
25Le visa de travail dont Diallo devient le titulaire, et qui initialement le fait espérer en un changement majeur, a toutefois une validité temporaire qui est liée à la durée du contrat de travail que son patron s’est engagé à lui signer. En octobre 2009, « après une année passée à travailler, sans prendre de congés ni rien, dans l’espoir qu’on me renouvelle le contrat », Diallo est mis à pied. En 2010, il est donc à nouveau irrégulier.
26Ce parcours montre que le travail, même déclaré, n’est plus en mesure, comme cela a été le cas pour les travailleurs migrants pendant les Trente Glorieuses, de permettre l’accès durable aux droits sociaux et au droit de s’installer en France. La durée du droit de séjour dépend directement de la durée du contrat de travail et la précarisation de l’emploi (CDD, intérim, etc.) ne fait que rendre réversible le statut de travailleur régulier qui peut donc rebasculer facilement dans l’irrégularité.
Du rôle des intermédiaires de l’emploi : le cas de Karim (Tunisie / Gênes)
27Karim est tunisien. Il a 43 ans, et séjourne en toute régularité à Gênes, car il a obtenu la nationalité par mariage avec une Italienne en 1992. Cet évènement a clôturé un parcours fort accidenté.
28Il était parti de Tunisie en 1988, à l’âge de 22 ans. Sa famille a appuyé sa démarche, ses parents ont collecté l’argent nécessaire et Karim est parti. Gênes, à cette époque, accueillait une communauté tunisienne nombreuse. Néanmoins, au moment de partir Karim n’avait personne qui l’attendait, ni un logement, mais seulement son passeport timbré qui lui permettait de séjourner régulièrement sur le territoire au plus trois mois, et sans l’autoriser à travailler.
29Deux semaines après son arrivée, il trouve un petit boulot dans une ruelle du centre historique : non déclaré, il rempaille des chaises. Karim avait déjà fait ce travail en Tunisie quand il était plus jeune. Il se montre volontaire et le patron lui propose de rester six mois. N’ayant pas de permis de travail, son employeur le rémunère en le logeant et en le nourrissant.
30La transition se fait par le biais d’une Italienne, qui se propose de le loger, et avec laquelle il instaure une relation amoureuse. Afin de l’aider dans ses démarches de recherche d’un travail, elle présente Karim à son voisin, un artisan du bâtiment qui lui offre une première expérience dans le secteur. Karim travaille avec lui quatre mois comme manœuvre, puis l’artisan se sépare de lui. Quelques semaines après, la jeune femme le quitte.
31Sans travail ni permis de travail, sans logement ni réseau de soutien sur place, Karim résiste presque un an en dormant entre les dortoirs publics et la plage.
32En 1990 l’Italie met en place la première grande régularisation de sans-papiers2, grâce à la loi dite « Martelli3 », du nom du ministre socialiste de la justice (février 1991-février 1993). Ainsi, Karim, qui avait été informé par un marocain qu’il avait connu dans un dortoir, décide de se présenter à la préfecture de Gênes pour entamer la procédure de régularisation. Mais le chargé d’informations explique à Karim que cette procédure ne le concerne pas, puisque les « régularisables » seraient uniquement les étrangers entrés sur le territoire avant une certaine date, et cela ne serait pas son cas. Or, Karim rentrait précisément dans les cas prévus par la loi Martelli.
33Peu de temps après et de manière complètement fortuite, Karim rencontre un syndicaliste de la CGIL4. Après avoir écouté l’histoire de Karim, le syndicaliste l’invite à passer au siège départemental de la Fillea5, afin de préparer le dossier de régularisation. Karim suit son conseil et il dépose un dossier à la préfecture, deux semaines après. Entre-temps, ce même syndicaliste suggère à Karim de s’inscrire au cours de formation en maçonnerie proposé par l’école du Bâtiment6. Karim se présente avec le récépissé du dépôt de demande de régularisation, mais la secrétaire de l’école lui répond qu’il ne sera pas possible de l’inscrire tant qu’il ne pourra exhiber son titre de séjour. Karim revient donc au syndicat, où le syndicaliste l’invite à rappeler l’Ecole du Bâtiment afin de prouver son intérêt pour le cours. Au troisième appel téléphonique de Karim, la secrétaire l’accepte et l’inscrit muni du seul récépissé, en lui expliquant que l’Ecole n’avait pas atteint le nombre minimum de participants nécessaire au démarrage de la formation et que la direction avait décidé de « faire une exception ».
34Karim commence sa formation. Celle-ci dure six mois, et entre-temps, il est régularisé. Il trouve ensuite, par l’intermédiaire de l’école du Bâtiment, d’abord un stage dans une entreprise, puis un CDD en tant qu’ouvrier spécialisé (3e niveau). Au bout de huit mois, l’entreprise fait faillite et Karim est embauché en CDI dans une troisième entreprise, mais il démissionne à cause des mauvais rapports avec son chef. La quatrième entreprise qui le recrute, toujours en CDI, est celle pour laquelle il travaille depuis 16 ans.
35Le rôle joué par certains acteurs du marché du travail (syndicat, Ecole du Bâtiment) est fondamental car ces derniers ouvrent à Karim des possibilités, administratives puis professionnelles, tout en faisant émerger l’importance du contexte politique et des bricolages possibles au niveau local. Les arrangements sont déterminants et typiques d’un marché du travail où les intermédiaires informels de l’emploi (formateurs de l’Ecole, syndicalistes et tout autre membre d’un organisme dont la mission principale n’est pas celle de la rencontre entre offre et demande de travail) représentent une source d’information pour l’étranger.
Une « régularisation » par l’Europe : le cas de Gigi (Roumanie / Gênes)
36Gigi est roumaine, elle est partie pour Gênes en 2005 suite à une opportunité de travail dans l’aide à domicile qui arrive lorsque sa famille traverse un moment financièrement difficile : « je travaillais dans un bar jusqu’à la naissance de notre enfant. Ensuite, c’était la crise et on n’avait pas assez d’argent pour arriver à la fin du mois. Ma mère vivait avec nous. Je lui ai confié mon enfant et je suis partie. »
37Elle le fait après avoir reçu une proposition de son beau-frère qui était parti travailler dans le bâtiment en Italie. Son patron cherchait en effet une badante (garde à domicile) pour sa mère, vivant à Gênes.
38Tout se passe très rapidement : son beau-frère se porte garant pour Gigi auprès de son patron, elle entre en Italie en passant par la frontière slovène avec un car touristique qui l’emmène directement à Milan. Puis, arrivée à Gênes, elle s’installe chez la personne âgée dont elle s’occupera à temps plein pendant les huit premiers mois de son séjour. À la fin de 2005 le décret-flux7 pour l’année 2006 est publié. Gigi et son employeur préparent les documents pour obtenir un permis de séjour mais leur demande n’aboutit pas.
39En janvier 2007, tout change pour Gigi et pour sa famille : la Roumanie entre dans l’Union Européenne. Son mari et son fils la rejoignent : « moi je vivais encore chez la vieille dame, mais c’était déjà bien, ils étaient là, et on avait les papiers, on était des Européens. »
40Ce changement de statut ne se traduit pourtant pas par une régularisation de sa situation professionnelle car, une fois obtenu le permis de séjourner et de travailler sur le territoire de n’importe quel pays européen, son employeur ne souhaite pas lui faire signer un contrat de travail : « il savait qu’on lui était redevables. Il m’a dit que le contrat de travail n’était pas indispensable, alors bon… voilà. »
41Gigi souhaite trouver un travail « à heures » pour pouvoir dé-cohabiter de son assistée et louer un appartement avec son mari et son fils. Elle reste deux mois supplémentaires, le temps qu’il a fallu à son patron pour trouver une autre intervenante à domicile, puis deux semaines après avoir quitté son travail, Gigi et sa famille s’installent dans un appartement qu’ils louent au noir. Un mois plus tard, elle trouve un travail à temps partiel grâce à sa voisine de palier : elle travaille six heures par semaine, déclarées, en tant que femme de ménage, puis tous les soirs en tant que baby-sitter, non déclarée.
42Gigi a les idées claires sur le rôle des connaissances quand on est étranger : « si tu connais des gens tu trouves un travail, sinon, beh c’est dur ». Elle en est d’autant plus convaincue que, pour elle, une femme étrangère ne peut que trouver du travail dans l’aide à domicile : « il y a que ça. Au début on a besoin tout de suite d’argent, d’un endroit où vivre. Faire la badante résout les deux problèmes à la fois. Puis au début on ne sait pas forcément parler l’italien, alors ça peut aussi être une occasion pour l’apprendre ».
43Aujourd’hui Gigi pense avoir « passé un cap, nous sommes Européens ». Être « Européenne » signifie également se projeter dans un avenir professionnel autre que celui que lui réserve l’aide à domicile. Gigi a en effet le projet d’ouvrir un bar et, pour ça, elle a décidé de suivre un cours organisé par la Chambre de commerce de Gênes sur les préparations alimentaires : « une amie avait fait ce cours car elle a ouvert un magasin de produits alimentaires. Moi je voudrais ouvrir un bar ».
44Ce dernier parcours témoigne de l’importance que peut avoir l’accès au statut légal, en particulier au statut d’Européen, ce qui fait apparaître clairement une hiérarchie institutionnalisée des nationalités. Ce statut ne révolutionne pas en soi les modalités d’accès ou le type d’emploi ouvert à l’étranger (la preuve en est que son ancien employeur n’a pas souhaité régulariser leur rapport professionnel). Il a par contre un effet direct sur le statut de l’étranger en tant que résident et travailleur.
45Dans le cas de Gigi, le rapport au travail évolue aussi de manière déterminante suite à la perception de ce changement de statut. Sa vision initiale du travail est pragmatique : il sert à gagner de l’argent, et le secteur des Services à la personne offre des opportunités intéressantes aux femmes étrangères, y compris aux sans-papiers, qui sont à la recherche d’un emploi, d’un lieu où vivre et qui parfois ne maîtrisent pas bien l’italien. Après l’obtention du statut d’européenne, Gigi commence à envisager le travail comme une activité potentiellement source de réalisation personnelle : le projet d’ouvrir un bar signifie notamment s’affranchir du stéréotype dévalorisant de l’immigrée femme de ménage ou badante, pour imaginer un avenir professionnel plus semblable à la condition des nationaux.
« Irrégulier », « régularisable », « régularisé » : de la réversibilité des statuts
46Ces parcours mettent en scène de nouveaux visages de la segmentation du marché du travail contemporains, à la lumière de différents statuts de l’immigration qui peuvent se combiner (travailleur temporaire, régularisé, régularisable, sans papiers, déclaré, non déclaré). L’expérience de la régularisation dans la vie professionnelle et personnelle d’un étranger se révèle déterminante. Toutefois, le parcours de Diallo met en évidence la réversibilité du statut de régularisé qui, étant lié à la durée du contrat de travail (souvent temporaire dans les secteurs comme la restauration, le BTP et les Services à la personne), peut être perdu lorsque l’employeur décide d’interrompre ou de ne pas renouveler la collaboration avec le salarié.
47Les cas présentés ici montrent également que les rigidités administratives et procédurales favorisent, au bout du compte, le contournement des règles : par exemple, lorsqu’un étranger sans papiers souhaite travailler dans le pays d’accueil, il s’orientera vers le marché souterrain dans l’attente ou l’espoir de régulariser (voir de régulariser à nouveau) sa situation. En ce sens, les politiques publiques et les normes qu’elles véhiculent sont paradoxalement « productrices institutionnelles d’illégalité » (Calavita 2005). Les régularisations peuvent, en effet, être vues comme des « productrices institutionnelles de légalité a posteriori ». Elles ne font que légaliser la présence de travailleurs étrangers déjà insérés informellement sur le marché du travail (Ambrosini 2011), et notamment dans les secteurs dits « en tension ».
48Malgré leurs spécificités, ces trois parcours mettent tous en relief le caractère de construit social (Henry 2009) du « travailleur irrégulier », puisque la définition de ce dernier n’est possible et valable qu’au sein d’un contexte normatif et institutionnel précis, qui peut évoluer dans le temps. De plus, un étranger peut être considéré comme « irrégulier » en fonction de plusieurs critères : son statut à l’entrée, sa date d’entrée sur le territoire, l’évaluation que le fonctionnaire en charge du traitement de son dossier en fait (cas de Karim), etc. Il en résulte qu’un immigré peut être régulier sous certains aspects et pour certaines administrations, et irrégulier au vu d’autres.
49Toutefois, en dépit de ces similitudes, les trois cas font apparaître deux types différents de régularisation : devenir Européenne, comme l’expérimente Gigi, signifie être régularisée par le biais de l’acquisition d’un statut durable et a priori irréversible, à moins de changement géopolitiques majeurs. De plus, l’accès à ce statut et aux droits associés (résider, travailler, se faire soigner dans le pays d’accueil, etc.) ne dépend pas du contrat de travail et de sa durée. Être régularisé en devenant « européen » n’est sensiblement pas la même chose qu’être ressortissant d’un pays tiers et accéder à la régularisation par le travail (cas de Diallo). Ce dernier joue pour les travailleurs étrangers non-européens un rôle beaucoup moins « stabilisateur » qu’il y a trente ans (Karim vs. Diallo), du moins lorsqu’ils s’orientent (ou sont orientés) vers les métiers faiblement qualifiés.
50Les évolutions récentes du marché du travail contribuent à complexifier le rapport entre emploi et droit de séjour : la multiplication des contrats précaires et temporaires, notamment dans les secteurs historiquement ouverts à l’emploi de main-d’œuvre étrangère, réduisent les chances de maintenir un statut légal, alors que les possibilités de basculer dans l’irrégularité à la fin du contrat augmentent (Diallo). C’est en cela que nous avons vu se dessiner in fine les formes d’une nouvelle stratification sociale liée au statut administratif des travailleurs. L’étranger intègre l’existence de cette « hiérarchie de statuts » et cherche à s’adapter aux contraintes que le difficile accès au travail déclaré implique.
51Cette adaptation est facilitée par l’activation de réseaux de soutien, plus ou moins stables (Karim), plus ou moins liés à la communauté d’origine (Diallo), plus ou moins déterminants pour l’accès à un statut légal durable (Gigi), mais certainement cruciaux dans différents domaines comme l’accès à l’information ou encore la « dépanne » lorsque l’étranger doit affronter des situations d’urgence (la recherche d’un logement par exemple) : Diallo s’appuie sur des compatriotes pour rentrer en contact avec l’agence d’intérim et pour se loger à Marseille ; Karim est d’abord aidé par sa compagne, mais ensuite soutenu par un syndicaliste ; Gigi trouve du travail via son beau-frère puis grâce à une voisine mais c’est finalement l’Union Européenne qui fait tout basculer.
52Ainsi, l’environnement local et ses acteurs deviennent des catalyseurs déterminants de changements. Ils jouent souvent un rôle de premier plan dans l’émergence d’opportunités de déblocage des situations d’impasse.
53La France et l’Italie se caractérisent par la mise en place de processus de régularisation différents, respectivement de régularisations en continu au cas par cas, et de vagues de régularisations périodiques, générales ou sectorielles. L’immigration irrégulière devenant un phénomène structurel dans certains pays comme l’Italie, l’outil « régularisation » semble perdre son caractère exceptionnel pour revêtir plutôt celui d’un instrument périodiquement utilisé en vue de corriger un déficit de régulation des mobilités sur le marché du travail (Cvajner et Sciortino 2010 ; Bommes et Sciortino 2011). La tendance française, avec ses régularisations critérielles en continu (Brun 2013), semble davantage représentative d’une vision de la régularisation comme exception, alors que l’Italie serait plus proche d’une vision banalisée de cette procédure au titre de l’intérêt économique. Dans ce pays, la régularisation représente un véritable mode de gestion des flux migratoires (Ambrosini 2010) par le biais duquel le gouvernement reconnait implicitement l’inefficacité de la législation en vigueur. Le changement de statut juridique via la régularisation apparaît donc « moins exceptionnel », y compris en tant qu’expérience dont l’étranger rend compte en situation d’entretien. Le parcours-type de l’étranger semble passer par une première phase d’illégalité, vécue comme normale par la plupart des protagonistes interrogées (Karim représente en ce sens un idéal-type des parcours italiens).
54Les instruments procéduraux (circulaires et autres outils censés définir l’application correcte du droit) jouent à leur tour un rôle qu’il est important d’apprécier : ils peuvent en effet être à l’origine d’inégalités dans le traitement des dossiers de régularisation en fonction des marges de manœuvre laissées aux intermédiaires du droit pour exercer leur pouvoir d’arbitrage entre plusieurs appréciations possibles. Les street level bureaucrats (Lipsky 1980) forment un ensemble d’acteurs dotés d’un pouvoir variable d’interprétation des règles face à l’arsenal procédural de l’Etat (Spire 2008). Aussi la « création normative » des fonctionnaires et des intermédiaires du droit est essentielle pour analyser les processus de régularisations et leurs effets sur les parcours. Dans le cas de Karim par exemple, en l’absence de l’intervention du syndicaliste, l’interprétation erronée du fonctionnaire qui a examiné en première instance sa situation aurait eu comme effet son maintien dans l’illégalité et ce, à cause du pouvoir discrétionnaire dont les agents préfectoraux disposent par définition et d’une marge interprétative parfois importante que les documents officiels laissent volontairement à ces professionnels.
Conclusion : vers de nouveaux visages de la segmentation du marché du travail ?
55Cette contribution se proposait de mettre en exergue ce que l’irrégularité du statut d’un travailleur étranger peut nous dire sur la segmentation contemporaine du marché du travail. Le détour par les secteurs dits « en tension » nous a amené à aborder la question sous l’angle de la stratification de la citoyenneté (Morris 2003).
56Les travaux pionniers sur la segmentation (Doeringer et Piore 1971 ; Piore 1979) ont fait émerger l’existence d’un marché du travail dual. Cette approche, souvent présentée comme structuraliste, avait mis l’accent sur le besoin de main-d’œuvre des sociétés capitalistes qui ont intérêt à ouvrir leurs frontières aux immigrés car ces derniers sont appelés à satisfaire les exigences de production des segments secondaires du marché du travail. Dans Birds of passage (1979), Piore parle de « secteur secondaire du marché du travail » en soulignant le fait que, pour que l’emploi et les conditions de travail des travailleurs stabilisés et organisés au niveau syndical soient protégés, il est nécessaire de faire peser l’incertitude dérivante du fonctionnement du marché sur un segment composé de travailleurs structurellement plus faibles, dans lequel on retrouve les immigrés. Ces derniers, au même titre que les femmes ou les jeunes sans qualification, n’ont pas d’autre choix que celui d’accepter des emplois peu ou pas qualifiés, mal rémunérés, et/ou symboliquement dégradants parce qu’impliquant des conditions de travail pénibles et/ou une précarité exacerbée, qui s’inscrivent souvent dans le cadre de relations professionnelles informelles et dérégulées. C’est ainsi que, dans ces analyses, la segmentation du marché impliquait la sur-représentativité des immigrés dans les emplois dits des « trois D », dirty, dangerous and demanding (Castles 2002). Et pourtant, à l’époque de ces travaux pionniers, l’accès à l’emploi pouvait permettre plus facilement l’accès à un statut légal durable.
57Les parcours ici présentés sont caractérisés par un rapport au travail fondé sur l’urgence et l’acceptation de conditions peu avantageuses. Les capacités de l’individu à choisir un métier et à imaginer sa propre évolution professionnelle sont limitées par ce que le statut administratif et la législation en matière d’emploi et d’immigration lui permettent d’envisager (cas de Gigi par exemple). Lorsque l’on est ressortissant d’un pays tiers, sans-papiers ou avec un permis temporaire, les conditions de travail passent au second plan, et l’objectif principal devient celui d’obtenir ou de prolonger le droit de séjour, même au prix du déclassement.
58Des travaux récents (Bruno 2014) ont montré le lien de plus en plus fort entre accès aux droits (droits sociaux, droits de séjourner sur le territoire) et type d’emploi, lien qui invite à réfléchir aux manières dont les politiques migratoires contemporaines participent à la stratification de la citoyenneté.
59Ni complètement mis à l’écart du système (de par leur travail) ni inclus dans la sphère de la pleine citoyenneté, les travailleurs en situation irrégulière sont confrontés aux conséquences de l’accès à un « emploi peu protecteur ». La multiplication de statuts juridiques qui caractérise depuis une trentaine d’années la gestion de l’immigration en Europe a rendu la mobilité socio-économique ascendante plus incertaine et a complexifié l’accès et surtout le maintien d’un statut légal pour les étrangers (Morice et Potot 2010).
60Dans les deux pays, la multiplication des statuts qui dérive de l’application du droit des étrangers et de la mise en place des régularisations engendre une « stratification civique » (Morris 2003 ; Kofman 2002) fondée sur la nationalité et les droits associés à la situation juridique et administrative de chaque individu. Les étrangers en situation irrégulière sont généralement considérés comme le bas de la hiérarchie sociale, alors que les régularisés constituent une catégorie détentrice de droits nouvellement acquis qui les rapprochent de facto de la situation des titulaires d’une pleine citoyenneté sociale. Le cas de Diallo nuance néanmoins cette considération, en faisant émerger le problème de la précarité du statut de régularisé qui peut être perdu une fois le contrat de travail arrivé à son terme.
61Prendre en compte le caractère temporaire et réversible du statut du travailler étranger est déterminant au vu de l’analyse des effets socio-économiques de la gestion des migrations économiques : des nouveaux visages de la segmentation du marché du travail apparaissent et posent la question de l’urgence de sortir d’une vision purement utilitariste de l’immigration.
Notes de bas de page
1 Les deux premiers parcours ont fait l’objet d’analyses sous l’angle des modalités d’insertion sur le marché du travail des immigrés présentées dans Lendaro, 2011, 2013.
2 Au final, 200 000 étrangers sont régularisés en 1990, majoritairement originaires des pays du Maghreb.
3 Loi n. 39 du 28 février 1990, qui traduit le décret n. 416 du 30 décembre 1989.
4 Confederazione Generale Italiana del Lavoro.
5 Federazione Italiana Lavoratori del Legno, Edili e Affini.
6 Organisme paritaire de branche qui œuvre dans chaque département et qui est chargé de mettre en place les formations professionnelles concernant les métiers du bâtiment.
7 Chaque année, le gouvernement italien publie le « décret-flux » qui détermine le nombre de citoyens étrangers non communautaires autorisés à rentrer sur le territoire pour y travailler. Après la publication officielle du décret, une procédure administrative d’enregistrement et de traitement des demandes conjointes de l’employeur et du travailleur étranger est mise en place, qui donne lieu à l’acceptation ou au refus de l’attribution d’un titre de séjour et de travail.
Auteur
Docteur en sociologie, Aix-Marseille Université - Laboratoire d’Économie et de Sociologie du Travail UMR 7317 – actuellement chargée de recherches au CNRS / Certop.
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