Déplacements individuels
Les consommateurs dans l’espace métropolitain
p. 71-82
Texte intégral
1Ce chapitre est un hommage au professeur Daniel L’Huillier, passionné par des questions de transport et de territoire, que nous avons connu pendant nos années d’étudiants au Centre d’Économie Régionale, dirigé à l’époque par le professeur Jean-Claude Perrin. Notre objet est ici de présenter de manière succincte les résultats d’une recherche, conduite il y a quelques années, sur le comportement du consommateur dans l’espace métropolitain. Dans ce travail, nous avions tenté d’intégrer une approche spatiale à une approche marketing. Les comportements de consommation conduisent à des déplacements qui peuvent être analysés sous l’angle de l’utilisation de l’espace urbain, des distances parcourues et des préférences individuelles. Comment les consommateurs combinent-ils leurs déplacements journaliers, l’information dont ils disposent et leurs préférences commerciales pour choisir un espace commercial plutôt qu’un autre ? Comment s’opèrent les liaisons entre les zones résidentielles et les espaces d’activités commerciales et de travail ? Quels moyens de déplacements sont utilisés ?
2L’analyse du comportement du consommateur met l’accent sur les facteurs de choix d’une boutique ou d’un lieu d’achat : types de produits et fréquentation des magasins, mobiles de la fréquentation, caractéristiques individuelles des consommateurs, caractéristiques du point de vente sont autant de variables à prendre en compte. Deux variables physiques, la taille du centre commercial et sa distance au domicile, ont été très tôt identifiées comme jouant un rôle de premier plan (Reilly, 1931). La simplicité et la robustesse des modèles gravitaires qui en découlent offrent des avantages indéniables qui expliquent leur succès toujours actuel auprès des praticiens. Cependant, la complexité croissante des contextes urbains a conduit assez vite à préférer la notion de temps de trajet à celle de distance (Huff, 1964 ; Brunner et Mason, 1968). L’évaluation du facteur d’attraction par la taille du centre commercial a fait aussi l’objet de nombreuses remises en cause conduisant à intégrer d’autres variables comme celles décrivant le marketing mix des enseignes (Nakanishi et Cooper, 1974). Enfin, la prise en compte des variables subjectives (Cliquet, 1993), si elle permet un affinement des résultats, aboutit aussi à complexifier sensiblement les modèles.
3Nous avons adopté une approche inspirée de méthodes employées en marketing, centrée sur la satisfaction du consommateur et sur l’arbitrage qu’il opère entre les commerces du centre-ville et ceux des périphéries commerciales. La démarche d’analyse part d’un constat banal : si les consommateurs fréquentent telle enseigne ou telle zone commerciale, c’est qu’ils en retirent une satisfaction. Différents travaux de marketing sur la satisfaction mettent en évidence son caractère dual, à la fois processus et résultat d’une expérience de service (Llosa-Stylios, 1996 ; Philippe, 1996). La satisfaction se forme dans l’esprit des consommateurs en intégrant la facilité d’accès, les habitudes de fréquentation, les attributs de la qualité de l’enseigne ou des sites de services. La justification de la transposition de ce type d’analyse à des situations urbaines repose essentiellement sur le caractère immatériel des services collectifs qui constituent l’offre des espaces urbains. Quand on parle de l’ambiance d’une zone, de son architecture, du décor qu’elle présente aux regards, de la variété et de la qualité des commerces et des services que l’on peut y trouver, de la cherté globale des prix pratiqués, il s’agit bien de prestations immatérielles. Elles peuvent être considérées comme des économies externes, mais, dans tous les cas, elles font l’objet d’évaluations et de comparaisons par le consommateur.
4Appliquée à la thématique urbaine, l’analyse de la satisfaction nous donne le point de vue du consommateur de sites urbains. Ce point de vue est particulièrement intéressant à connaître pour évaluer la pertinence des politiques de redynamisation des centres-villes face au développement des espaces commerciaux périphériques. Il est en effet notoire que la fonction commerciale des centres-villes s’est considérablement amenuisée au profit des espaces commerciaux périurbains. La crise des centres recouvre en fait plusieurs phénomènes convergents analysés par Philippe et al. (1998). Cette recherche s’appuie sur les résultats d’une enquête que nous avons réalisée grâce au soutien d’un programme de recherches du ministère de l’Équipement, le PREDIT (recherches stratégiques en socio-économie des transports), et qui a donné lieu à quelques publications auxquelles nous renvoyons le lecteur intéressé (Léo et Philippe, 2000a, 2000b, 2000c, 2002, 2003, 2006). En effet, nous nous limitons ici à évoquer certains des résultats touchant aux dimensions transport et distance. L’enquête a été conduite auprès de 1 937 personnes, interrogées au moment du repas dans un restaurant de zone commerciale. Dix zones centrales et périphériques de trois villes du Sud-Est (Aix-en-Provence, Avignon et Marseille) ont ainsi été enquêtées. Nous abordons successivement, les temps de parcours des consommateurs, l’explication de la fréquence d’usage de la zone commerciale et les écarts d’évaluation entre centres-villes et périphéries.
Temps de parcours, séquences de consommation et modes de déplacement
5De véritables séquences d’emploi du temps peuvent être mises en évidence en demandant aux clients de préciser quelles activités encadrent immédiatement le repas à l’occasion duquel ils sont interrogés. L’intérêt de ces séquences est de mettre en évidence comment se construisent les flux de clientèle. Pour près d’un client interrogé sur deux (48,6 %), le repas s’insère dans une activité qui le précède et à laquelle il retourne ensuite (le plus souvent, il s’agit du travail). Pour les autres, il s’inscrit entre deux activités différentes. Ces différentes séquences ne se situent pas aux mêmes moments de la journée, ni ne concernent les mêmes jours de la semaine. L’organisation de la société et de ses habitudes de fonctionnement expliquent largement ces spécificités. De nombreux travaux montrent qu’en matière de comportement spatial, la durée des trajets est une variable plus pertinente que la distance kilométrique parcourue par le consommateur. Nous avons donc privilégié cette évaluation temporelle des parcours effectués, en l’associant aussi au mode de transport utilisé.
6Le Tableau 1 indique que la durée totale de parcours est souvent du même ordre de grandeur (de 20 à 35 minutes) pour la plupart des séquences suivies. Trois séquences se singularisent pourtant : deux (C-R-C, T-R-T) présentent des temps de parcours plus courts. Il s’agit alors de pauses-repas durant une activité. On interrompt les courses pour manger, mais pour cela on ira chercher un restaurant très proche (5 à 9 minutes) ; dans le second cas, on se trouve entre 8 et 10 minutes du lieu de travail. Pour le troisième type de séquence (T-R-D), le temps total de parcours s’allonge. Ce sont des repas pris à la sortie du travail avant de rentrer chez soi. L’éloignement du domicile constitue alors probablement une motivation pour consommer sur place ou en chemin. Pour ces déplacements, deux modes de transports sont utilisés par le plus grand nombre des consommateurs : on y va en voiture ou à pied. Bien que l’on se situe dans des grandes villes, les transports en commun restent assez peu cités. En général, le même mode de transport est utilisé avant et après le repas (77 % des cas). Les courses sont la principale occasion de changer de mode de transport au profit du mode piétonnier. Certaines séquences sont associées à un mode de transport : « C-R-C » avec un déplacement piétonnier, « D-R-D » et « T-R-D » avec l’utilisation du véhicule. Une autre relation peut être observée ; elle lie le mode de transport utilisé et la durée du déplacement correspondant.
7Une première analyse de la variance a conduit à regrouper, pour le Tableau 2, les déplacements effectués à vélo avec ceux faits à pied, et ceux en moto ou en vélomoteur avec ceux en voiture. Pour chaque type de trajet où était posée une question sur sa durée et sur le moyen de déplacement utilisé, le même type de relation est mis en évidence : les trajets les plus brefs sont effectués à pied (ou à vélo), les plus longs utilisent les transports en commun, parfois une combinaison de plusieurs d’entre eux (train-métro-bus, par exemple). La netteté de cette relation ne doit pas conduire à des conclusions erronées. Il ne s’agit pas des distances les plus longues mais des déplacements qui prennent le plus de temps. Du fait de leur vitesse moins élevée, des arrêts fréquents et des inévitables périodes d’attente pour les prendre, les transports en commun sont plus lents que les déplacements en automobile lorsque ces derniers s’effectuent dans de bonnes conditions de circulation. À ces conditions objectives s’ajoute la passivité du transporté qui peut faire paraître le temps plus long ou, inversement, plus court lorsqu’on se sert d’une voiture (ou d’une moto). Les trajets peuvent être alors perçus comme plus rapides qu’ils ne le sont.
8Le fait de disposer d’un véhicule ou d’appartenir à une catégorie sociale plus aisée devrait permettre une plus grande mobilité, c’est-à-dire des déplacements plus longs pour obtenir tel ou tel service, ou acheter tel ou tel bien. Ce n’est pas ce qui ressort de notre échantillon : la distance entre lieu de consommation (restaurant) et domicile, tout comme celle du lieu de travail ou encore de la plus courte des deux, ne varient pas significativement avec la catégorie socio-professionnelle, ni avec le fait de disposer d’un véhicule selon les analyses de variance testant ces relations. La Figure 1 illustre la distribution des réponses obtenues en fonction des durées de trajet nécessaires pour accéder au restaurant. Si l’on considère que le pouvoir d’attraction d’un restaurant doit diminuer régulièrement avec la distance, on peut constater que la distance du lieu de travail est sans doute une meilleure approximation que celle du lieu de résidence, les durées étant sensiblement plus courtes. Le critère le plus significatif est probablement la proximité de l’activité qui précède immédiatement le repas (ou de celle qui suit, si elle est plus proche). La distribution dessine alors une courbe très régulière chutant très rapidement entre 15 minutes et une demi-heure de trajet, puis continuant à diminuer progressivement au fur et à mesure que l’éloignement s’accroît.
Satisfaction et fréquentation d’une zone commerciale
9Si l’on cherche à expliquer le niveau de fréquentation d’une zone commerciale par un consommateur, la distance à laquelle il s’en situe apparaît comme un facteur incontournable (F=111). La distance utilisée ici n’est pas la distance kilométrique, mais le temps de parcours minimal indiqué par le répondant (depuis son lieu de travail ou de résidence). L’indicateur de satisfaction affiche également un niveau élevé de signification (F=63) et il n’est pas du tout corrélé avec la distance. Il s’agit donc d’un des éléments essentiels qui explique l’intensité avec laquelle un consommateur pratique une zone.
10Neuf intensités de fréquentation de la zone commerciale étaient présentées au client lors de l’entretien. Les analyses de la variance suggèrent de regrouper les réponses en trois catégories : (1) fréquentation épisodique (quatre fois par an ou moins souvent) ; (2) fréquentation soutenue (au moins une fois par semaine) ; et (3) fréquentation régulière (entre les deux, c’est-à-dire mensuelle ou pluri-mensuelle). Ces trois niveaux de fréquentation constituent une variable ordinale. Les modèles probabilistes, utilisant des régressions non linéaires de type Logit, permettent une analyse statistique explicative des telles variables. Le caractère non linéaire du modèle provient de ce que la probabilité d’une occurrence n’est pas évaluée directement, mais au moyen d’une fonction non linéaire de celle-ci.
11Il n’était pas possible de modéliser d’un seul coup les trois intensités de fréquentation car le test de parallélisme était rejeté par les données. Nous avons donc modélisé successivement les deux fréquentations extrêmes (soutenue, puis épisodique), chacune étant traitée comme une variable simplement binaire (oui/non). Chacun des deux modèles obtenus est relativement satisfaisant et les coefficients ont tous une précision élevée. Dans notre échantillon, les prédictions des deux situations extrêmes sont parfaitement exclusives l’une de l’autre. Par ailleurs, aucune observation n’a donné une probabilité strictement égale à 0,5. Une prédiction probabiliste peut ainsi être établie pour chaque observation, la prédiction d’une fréquentation simplement régulière pouvant se déduire par différence.
12L’intérêt principal de cette modélisation est de montrer que trois grands types de facteurs interviennent pour déterminer le niveau de fréquentation d’une zone par un consommateur. L’accès (distance-temps et disposition d’un véhicule), la satisfaction retirée de la zone et la pratique urbaine du consommateur (nombre de zones prises en considération, nombre habituellement fréquentées) se combinent pour expliquer l’intensité avec laquelle une zone est fréquentée par un consommateur. Le second intérêt est de montrer que les mêmes facteurs jouent avec des pondérations différentes (non-parallélisme) selon que l’on explique une fréquentation soutenue ou une fréquentation simplement épisodique. Si le premier facteur explicatif d’une fréquentation épisodique est la distance, c’est la satisfaction qui vient en tête pour expliquer une fréquentation soutenue. Ceci confirme que le rôle de la distance-temps s’accroît fortement avec l’éloignement, comme le décrivent les modèles gravitaires, mais cela montre aussi que la compétition entre zones relativement proches s’exerce sur d’autres variables qui touchent principalement à la satisfaction du consommateur.
13Un troisième groupe de facteurs, décrivant la pratique urbaine, intervient également dans l’explication de la fréquentation. Il s’agit de deux variables issues de l’analyse des ensembles de considération (Chandon et Strazzieri, 1986) : taille de l’ensemble de considération (nombre de zones prises en considération lors du choix d’une zone pour ses achats) et taille de l’ensemble d’usage habituel (nombre de zones commerciales fréquentées de façon habituelle). Ces deux facteurs jouent en sens contraire et n’ont pas la même force : l’influence la plus forte vient du nombre de zones habituellement fréquentées qui sont en relation croissante avec la fréquentation. Une représentation graphique peut être proposée en fixant certains des paramètres. La Figure 2 montre comment le modèle sépare l’intensité des fréquentations pour un consommateur qui aurait une pratique urbaine donnée1.
14Les droites/seuils de fréquentation illustrés dans ce graphique varient, selon le modèle, en fonction des pratiques usuelles du consommateur dans son agglomération : avoir ses habitudes dans une zone supplémentaire fait descendre de deux points la droite séparant pratiques régulières et soutenues, et de cinq points celle distinguant pratiques régulières et épisodiques. Inversement, considérer une zone de plus sans s’y rendre de manière habituelle fera monter la première droite de un point et la seconde de deux points. Le fait de disposer d’un véhicule ne joue pas dans la détermination d’une fréquentation simplement épisodique. En revanche, cette variable intervient dans le choix d’une fréquentation soutenue : les personnes sans véhicule, soumises aux délais des transports en commun, sont contraintes d’accepter des temps de parcours plus longs pour un niveau de satisfaction donné. La distance, mesurée par le temps de trajet, ne paraît donc pas homogène mais dépend aussi des moyens de locomotion.
Centres traditionnels et zones périphériques
15Pour tirer tous les enseignements de l’analyse des comportements des consommateurs, il est utile de revenir sur la différenciation qui existe entre centres anciens et zones commerciales périphériques. La crise de la fonction commerciale dans les centres-villes traditionnels des grandes agglomérations est souvent considérée comme une évolution inéluctable car ce type de localisation serait de moins en moins apte à fournir de bonnes conditions de fonctionnement pour les activités de commerce destinées à la population. Comme le pressentait très tôt Daniel L’Huillier, le commerce urbain implique de multiples livraisons capillaires dont les externalités négatives risquent de se retourner contre lui. Le poids croissant de la rente foncière, et les problèmes récurrents d’accessibilité, se conjuguent et handicapent considérablement les commerces des centres anciens face à la concurrence exercée en périphérie par des zones commerciales aisément accessibles, structurées autour d’une grande surface de vente.
16Notre recherche apporte quelques points de repères dans cette problématique. Les différentes zones où s’est déroulée l’enquête permettent d’observer des différences significatives selon la localisation des entretiens. Tout d’abord, on peut noter que les consommateurs interrogés dans des zones de banlieue se sont montrés sensiblement plus satisfaits de cette zone que ceux se trouvant dans un centre-ville. Les données dépendent cependant du contexte et ne peuvent être généralisées sans risque, même si elles conviennent bien à notre objet qui était d’analyser le point de vue des consommateurs face à l’émergence de nouvelles centralités commerciales en périphérie. Si l’on prend le risque de regrouper les réponses obtenues dans les restaurants de centre-ville, et celles obtenues en zone commerciale de banlieue, on observe que les consommateurs décrivent des contextes bien différents au centre et en périphérie.
17La Figure 3 illustre les opinions exprimées en ordonnant les caractéristiques selon quatre grands domaines : (1) offre d’environnement ; (2) offre commerciale ; (3) prix ; et (4) accessibilité. Les consommateurs, en décrivant la zone où ils se trouvent, différencient bien les centres-villes anciens des zones commerciales périphériques. Au-delà de quelques évidences qu’il vient confirmer, la Figure 3 permet une analyse systématique des points forts et des points faibles des deux types de zones tels qu’ils sont perçus par l’usager. En matière de prix, un avantage net est accordé aux zones périphériques, portant sur la fréquence des promotions et le niveau des prix pratiqués couramment. Les deux types de zones se valent cependant du point de vue des soldes et des opportunités d’affaires intéressantes (deux aspects qui jouent plus sur la satisfaction). Du point de vue de l’accessibilité, l’avantage des zones périphériques est encore accentué, notamment s’agissant des facilités de circulation et de stationnement, mais les deux types de zones sont perçus identiquement du point de vue de la sécurité du trajet d’accès et, surtout, de la commodité de situation pour l’usager, qui est un élément essentiel de la satisfaction.
18L’offre d’environnement est en général mieux appréciée en centre-ville, sauf en ce qui concerne la sécurité, qui est jugée meilleure dans les zones périphériques étudiées. Ceci souligne l’effort qui reste à accomplir pour améliorer la sécurité des usagers des centres anciens, mais démontre aussi que ces centres bénéficient toujours d’un avantage dans l’esprit des consommateurs en ce qui concerne la qualité de l’architecture, les espaces publics, la convivialité globale et l’animation, tous aspects qui contribuent à la satisfaction. En outre, qu’elles soient centrales ou non, les zones où s’est déroulée l’enquête ne posent pas de problèmes d’orientation et de repérage à un plus grand nombre d’usagers. C’est malgré tout un aspect que les aménageurs de nouvelles zones ne doivent pas négliger car il s’agit d’un élément basique : le petit nombre de consommateurs qui ont du mal à se repérer sont aussi globalement insatisfaits, voire mécontents de la zone.
19La façon dont est perçue l’offre commerciale montre qu’un avantage persiste pour le centre-ville quand on considère la variété des commerces présents, le choix entre différentes offres concurrentes, et surtout la possibilité de trouver des articles de haut de gamme. En revanche, aucune différence notable n’est à signaler en ce qui concerne l’adéquation de l’offre aux besoins propres des usagers, la compétence des personnels de vente, l’existence de spécialités exclusivement disponibles à cet endroit et la capacité de répondre à des demandes précises. La nouveauté et la stabilité des commerces sont jugées de façon contrastée : les zones de banlieue sont considérées comme plus stables, tandis que les centres-villes connaissent une rotation plus rapide des commerces, et que la nouveauté des commerces est perçue comme un « plus ». Enfin, les horaires d’ouverture sont plus souples et plus étendus en périphérie, ce qui est apprécié par les usagers. Ces observations confirment l’intérêt de la démarche. Ils montrent que les centres-villes demeurent des espaces commerciaux bien spécifiques par rapport aux zones commerciales de périphérie et restent capables de séduire les consommateurs avec d’autres arguments que le prix. Au niveau de l’aménagement des divers espaces urbains, l’analyse des items révèle également l’étendue des actions à mettre en œuvre et désigne des priorités qui ne sont pas les mêmes au centre et en périphérie.
Conclusion
20La recherche, dont quelques résultats sont présentés dans le présent chapitre, apporte une confirmation partielle à la théorie des centralités de « lisière » évoquée par Garreau (1991). Les consommateurs interrogés ont montré des comportements très structurés dans l’espace urbain. La taille de la métropole joue sans doute car un plus grand nombre de zones sont mises en concurrence dans les plus grandes. Cependant, les pratiques habituelles observées se limitent à une ou deux zones dans les trois villes étudiées. Ce ne sont donc souvent pas les mêmes consommateurs qui utilisent le centre-ville et les zones de périphérie : les plus grandes zones commerciales de banlieue offrent déjà suffisamment de possibilités pour permettre à leurs clients de se passer largement du centre-ville. Le comportement spatial du consommateur aboutirait ainsi à un espace urbain plus segmenté : l’ensemble des zones sont considérées mais ne sont fréquentées que de manière sporadique par ceux des consommateurs qui n’y ont pas développé leurs habitudes ; simultanément, les consommateurs concentrent leur pratique courante sur un petit nombre de territoires, choisis par les consommateurs en fonction de leur accessibilité et du bien-être qu’ils éprouvent à s’y trouver.
Bibliographie
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Références bibliographiques
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Notes de bas de page
1 Le cas de la Figure 2 est celui d’un consommateur prenant deux zones en considération et n’en pratiquant qu’une de manière habituelle.
Auteurs
Ingénieur de recherche en économie et gestion à la Faculté d’économie et de gestion d’Aix-Marseille-Université. Chercheur au Centre d’études et de recherche en gestion d’Aix-Marseille (CERGAM), il a publié de nombreux articles et ouvrages portant sur notamment sur les PME, sur les services aux entreprises et sur le développement international, notamment PME : stratégies internationales, chez Economica, et Villes moyennes et services aux entreprises : enjeux et stratégies, chez L’Harmattan.
Professeur émérite de sciences de gestion à Aix-Marseille Université. Il a fondé le Groupe de recherche sur l’entreprise, la finance et l’économie internationale (GREFI) en 2004, dont la fusion avec le Centre d’études et de recherche sur les organisations (CEROG) a donné naissance au Centre d’études et de recherche en gestion d’Aix-Marseille (CERGAM), dont il a été directeur adjoint. Membre fondateur du Réseau européen de recherche sur les services (RESER), il a publié de très nombreux articles et ouvrages portant sur l’économie et la gestion des activités de services, le développement urbain et les problématiques de l’internationalisation.
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