Prier à Jérusalem
(Permanence et évolution d'après quelques récits de pèlerins occidentaux du ve au xve siècles1)
p. 187-210
Texte intégral
1S'il est un lieu priviligié pour regarder prier le Moyen Age, n'est-ce pas Jérusalem, à la fois orient du monde, Jerusalem oriens mundi, comme la définit une des gravures ornant le récit de pélerinage de Breydenbach2 et centre du monde où, selon les mots du Psalmiste, Dieu a opéré le salut ?3 Et, si l'on regarde les Images du monde qui nous sont parvenues, cartes en T.O. ou grandes mappemondes, les deux notions ne sont sans doute pas contradictoires car, au delà de Jérusalem, vers le lointain orient, ce ne sont plus que terres païennes, domaine des êtres fabuleux, univers inversé, négatif du monde chrétien.
2Vers cette ville, à la fois centre et orient, les pélerins d'Occident n'ont cessé de se mettre en route tout au long des dix siècles que nos découpages historiques assignent au Moyen Age. Les récits qu'ils ont laissés, pour associer à leur saint cheminement ceux qui ne pouvaient partir, constituent une série imposante et c'est ce qui m'a" incitée à me situer dans la longue durée pour ce petit essai, car je ne prétends pas faire ici une étude exhaustive, afin de tenter de saisir les permanences ou l'évolution de la prière à Jérusalem.
3Les récits de pélerinage se présentent dans le temps sous des aspects un peu différents. Du ve au xe siècles, mis à part le cas d'Ethérie qui a séjourné assez longtemps en Terre Sainte pour décrire divers temps de l'année liturgique à Jérusalem et notamment les processions et stations de la Semaine Sainte, ils insistent surtout sur la topographie des Lieux Saints, en même temps que sur la valeur spirituelle du pélerinage. Certains de ces ouvrages ne sont pas l'oeuvre du pélerin lui-même, par exemple, le De locis sanctis d'Arculfe a été rédigé par l'Abbé Adamnan d'Iona chez Arculfe a séjourné à son retour de Jérusalem vers 683.
4Ne sont pas non plus l'oeuvre du pélerin, mais d'un biographe, les récits.datant pour l'essentiel du xie siècle, où le pélerinage est présenté comme le couronnement en quelque sorte nécessaire d'une sainte vie ; c'est le cas par exemple de Richard de Saint Vanne, pélerin vers 10254. Même si l'on peut mettre en doute la réalité de tels voyages, il n'y a pas lieu de les écarter pour le sujet qui nous intéresse, puisque ces textes donnent un modèle idéal de prière à Jérusalem.
5A partir des Croisades, la multiplication des textes, l'apparition des langues vulgaires, sont autant de signes du grand ébranlement de l'Occident envoyant au Sépulcre du Seigneur un nombre croissant d'hommes et de femmes et non plus seulement quelques clercs ou nobles, privilégiés ou pénitents célèbres. Aux descriptions toujours soignées des sanctuaires, s'ajoutent des évocations des célébrations à Jérusalem, celles de l'Eglise latine, mais aussi celles des autres confessions chrétiennes présentes dans la Ville Sainte et que les voyageurs d'Occident découvrent avec intérêt et curiosité.
6Le sac de Jérusalem par les Khwarizmiens en 1244, 1a chute de Saint Jean d'Acre en 1291, entrainent une certaine désorganisation du pélerinage. La reprise se fera dans les premières années du xive siècle, grâce aux négociations actives menées par les cours d'Aragon et de Sicile avec les Sultans mamluks. Dès lors, les liaisons avec la Méditerranée orientale sont prises en charge par les grands ports italiens, au premier rang desquels il faut bien sûr placer Venise, avec ses mudes régulières vers la Syrie. Le voyage de Terre Sainte devient plus aisément réalisable et ceux qui enreviennent se sentent en quelque sorte moralement obligés de le raconter à ceux qui sont restés. Les laïcs prennent la parole à côté des clercs ; mais, si leurs oeuvres font une plus large part au pittoresque, aux conseils pratiques, le coeur en demeure bien sûr le séjour à Jérusalem. Nous y trouvons décrit le rituel du pélerinage, avec ses parcours dans la ville entre les différentes localisations des souvenirs évangéliques, et ses trois nuits de prière au Saint Sépulcre. Même si les impératifs de la "mare clausum" rendent impossible de faire coïncider le séjour avec les fêtes pascales, les célébrations sont centrées sur les mystères de la Passion et de la Résurrection du Seigneur.
7Voilà donc un des ensembles documentaires dont nous disposons pour étudier la prière à Jérusalem durant la période médiévale. Faute de pouvoir le consulter dans sa totalité, j'ai dû opérer un choix, en essayant qu'il ne soit pas trop arbitraire, et j'ai pris une trentaine de textes, répartis aussi harmonieusement que possible à travers le temps, l'espace et les catégories sociales.5
8En guise d'ouverture, je voudrais donner la parole à deux femmes, les deux seules à ma connaissance qui aient laissé un témoignage écrit de leur pélerinage, bien que les textes fassent assez souvent mention de femmes pélerines, et situées aux deux extrémités de la chaîne du temps que nous avons choisi de parcourir. Ethérie, religieuse galicienne, vers 395, et Margerie Kempe, bourgeoise de Lynn en Angleterre, vers 1414.
9Ethérie nous fait revivre la veillée du Jeudi Saint à Gethsémani : "Et de là, au chant des hymnes, tous, jusqu'au plus petit enfant, descendent à Gethsémani à pied avec l'évêque ; comme il y a là une foule considérable de gens fatigués par les vigiles, épuisés par les jeûnes quotidiens, étant donné qu'on a une si haute montagne à descendre (le Mont des Oliviers), on vient tout doucement, tout doucement au chant des hymnes à Gethsémani. Des flambeaux d'église, plus de deux cents, se trouvent là pour éclairer tout le peuple. Quand on est parvenu à Gethsémani, on fait d'abord une prière appropriée, on dit une hymne, puis on lit le passage de l'Evangile où on arrête le Seigneur. A la lecture de ce passage, ce sont de tels cris et gémissements de tout le peuple en larmes, que, presque jusqu'à la ville, les lamentations de tout le peuple se font entendre. Puis on regagne la ville à pied, au chant des hymnes, on parvient à la porte à l'heure où l'on commence à se distinguer à peu près l'un l'autre."6
10Le récit de Margery Kempe est à la troisième personne, car elle le dicta à son retour, d'abord à un ami en 1432, mais il était à peu près incompréhensible et fut remis en forme par un prêtre en 14407 Elle évoque ainsi la veillée au Saint Sépulcre : "Alors ils allèrent à l'église à Jérusalem, et on les laissa là le jour même à l'heure des Compiles et ils restèrent là jusqu' au jour suivant à l'heure des Compiles. Alors les frères brandirent une croix et conduisirent les pélerins d'un lieu à l'autre où le Seigneur avait souffert sa Passion, chaque homme et chaque femme tenant une bougie de cire à la main. Et toujours les frères pendant cette marche leur disaient ce que le Seigneur avait souffert à chaque endroit. La dite créature pleurait et sanglotait aussi abondamment que si elle avait vu de ses yeux Notre Seigneur souffrant sa Passion à cette heure même. Devant elle, dans son âme, elle le voyait réellement par la contemplation et cela provoquait en elle la compassion. Et quand ils arrivèrent au Mont du Calvaire, elle tomba à terre car elle ne pouvait plus rester debout ou à genoux, et se roula en gesticulant, étendant les bras et pleurant à haute voix comme si son coeur allait éclater ; car, dans la demeure de son coeur, elle voyait clairement comment Notre Seigneur avait été crucifié. Devant elle, elle voyait et entendait dans une vision spirituelle la déploration de Notre Dame, de Saint Jean et de Sainte Marie Madeleine et de bien d'autres qui aimaient Notre Seigneur."8
11Bien sûr, il y a une distance entre la réserve d'Ethérie, qui se perd dans la foule, pour une déploration ritualisée, comme celle des groupes de pleureuses de quelque sarcophage antique, et la gesticulation bruyante de Margery, qui évoque plutôt la Madeleine des Crucifixions et des Piétas de Mathias Grünewald ou du Quattrocento italien, mais il y a aussi cette permanence d'un peuple en procession, à la lueur des cierges, revivant sur les lieux mêmes l'évènement qui est au centre de sa foi, la Passion du Christ.
12Prier sur les lieux mêmes de la Passion du Christ, c'est là en effet un point fondamental. Le verset du Psaume 131, Adorabimus in loco ubi steterunt pedes ejus, scande les récits de pélerinage, de Saint Jérôme, écrivant : "Adorasse ubi steterunt pedes Domini pars fidei est"9, à Willibrand d'Oldenbourg, entrant dans le Saint Sépulcre, "timore et gaudio in-trantes,adoravimus in loco ubi Steterunt pedes ejus"10 et au frère Ariosto franchissant le torrent du Cédron en 1478 : "Et precepto illustrissimi vatis David obtemperantes : Adoravimus in loco ubi steterunt pedes ejus."11
13Jérusalem est une terre, et il faut se rappeler toute la charge affective et quasi patriotique que ce mot comporte dans le vocabulaire médiéval, où le Christ a mis son sceau. Ce sont les mots du prêtre allemand Thietmar : "Je pris la décision, autant que cela me serait possible, de visiter les lieux que Notre Seigneur Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, vrai fils de Dieu et vrai fils de l'homme, a corporellement scellé de ses traces et sanctifié."12La moniale d'Hildesheim prête les mêmes sentiments à Willibald : "Et il ne voyait pas seulement les signes qui nous sont donnés comme certitudes par la grâce de l'Evangile, mais les lieux mêmes de ces terres où Notre Seigneur est apparu naissant, souffrant et ressuscitant."13
14Prier à Jérusalem, ce sera donc faire la "sainte serche", comme le dit le seigneur d'Anglure en 139514 de tous ces lieux où l'on peut voir le sceau du Christ, l'empreinte de ses pieds sur le rocher de l'Ascension :"Dedens a une clôture de muraille où est le lieu et les ensaignes des piès Nostre Seigneur quant il se partit pour monter aux cieulx, lequel ay veu et baisié. Il y faict bien dévôt."15
15Empreinte de ses pieds encore sur une pierre au Saint Sépulcre, mais déformée par les marques de dévotion des fidèles, ce qui désole Jacques de Vérone :"C'est bien malheureux, car il aurait été beau de voir la forme des pieds de Notre Seigneur Jésus Christ."16
16Empreinte de ses mains, de ses coudes sur la pierre de l'Agonie à Gethsémani :"Nous avons adoré ses traces imprimées sur la terre" dit frère Arioste17. Marque des coups de fouet sur la colonne de la Flagellation, traces de son sang sur la roche du Calvaire :"Et la couleur du sang de Notre Seigneur Jésus Christ apparaît encore aujourd'hui dans la fente de la roche....Du Calvaire, à 24 pieds vers l'orient, est un autel sous lequel est une partie de la colonne contre laquelle le Seigneur fut flagellé....Elle est de pierre de porphyre presque noir avec des taches rouges naturelles, que le peuple croit être les marques du sang du Christ."18
17Jérusalem apparaît ainsi comme un grand reliquaire, que chacun veut toucher, dont chacun veut emporter une parcelle19 Même pour ceux qui ne participent pas à cette quête et se contentent de la constater, non sans condescendance, tels Guillaume de Boldensele :"les pellerins emportent des perres et de la terre tout ce que ils empueent avoir et emporteroient toute la terre sainte se il pouoient20, la conscience d'être sur les lieux mêmes de la Passion reste un élément essentiel de la dévotion. Après une longue argumentation pour montrer que le sépulcre que l'on vénère ne peut être celui du Christ, le même Boldensele conclut :"Mais comment que il en soit de la pierre, si demeure le lieux, que il ne se puet bougier."21
18Sur les lieux, en effet, la scène, tant de fois lue dans l'Evangile, s'anime ; le pélerin se la représente, au sens fort du terme :"Et, entrant dans l'église où la sainte croix de Notre Seigneur avait été découverte, ses yeux s'ouvrirent et il eut une vision." dit de Saint Willibald sa biographe22 Il faudrait faire le compte de tous les ibi, in eo loco, hic, de tous les changements du temps des verbes, le présent ou l'imparfait venant brusquement rompre le rythme du récit, pour mieux prendre la mesure des deux composantes fondamentales de la prière à Jérusalem : c'est ici et c'est maintenant. J'avais ébauché une courte recherche de cet ordre pour un Colloque sur le Temps tenu il y a quatre ans à l'Université de Tours.23 Les textes que j'ai regardés pour le présent travail confirment l'impression première : pour le fidèle, le temps semble soudain aboli et c'est sous ses yeux que se joue dans un temps mythique, dans un présent éternel le grand drame de l'histoire du salut.
19Les anciens guides du xiie siècle rappellent tous que, lorsqu'on chante une messe de la Résurrection dans le Saint Sépulcre, "li diacres, quant il list l'Evangile, si se tourne devers le Mont du Calvaire quand il dist 'Crucifixum', apriès si se retorne devers le Monument et il dist 'Surrexit, non est hic', apriès si monstre al doit 'Ecce locus ubi posuerunt eum'. Et puis s'en retorne al livre et pardist son evangille."24 Ce qui montre clairement le rôle joué par la liturgie et le clergé pour inscrire la prière des fidèles dans un présent propre à "émouvoir la dévotion" comme on disait alors.
20De ce rôle des clercs témoignent aussi les nombreuses inscriptions versifiées, frappantes, faciles à mémoriser, les peintures ou les mosaïques représentant les scènes de la Passion qui étaient répandues dans tous les sanctuaires et dont le livre de Jean de Würzbourg établit un inventaire soigneux25.
21On pourrait verser aussi au dossier ces vies de Saints qui donnent en quelque sorte le modèle de la prière à Jérusalem, comme on l'a vu plus haut. C'est ainsi que saint Alderald "vole au lieu du Calvaire et là, il contemple en esprit et il adore le Rédempteur suspendu à la Croix...il prie avec les mots du larron, il est baigné des larmes de Pierre, comme s'il avait le Christ sous les yeux, il pousse le cri du Centurion, il est percé du glaive qui transperça la Vierge bienheureuse. De là, il se traîne vers le Sépulcre du Seigneur, qu'il croit voir prêt pour l'ensevelissement et se représente le gémissement des femmes."26
22Mais les récits que nous ont laissés d'authentiques pélerins ne disent pas autre chose. Le pélerin anonyme de 1480 entend en entrant à Jérusalem les cris des Juifs condamnant le Christ : "Vendredi vingt huitiesme jour de Juillet audict an quatre cens quatre vingts, environ huit heures au matin, arrivasmes en la saincte cite de Hierusalem et tel jour que Notre Seigneur Jesu Christ fut crucifié à l'heure de tierce-que les Juifz de la cité crioyent à Pylate : Crucifige eum."27
23Et Jacques le Saige se retrouve avec le Christ dans sa prison au Mont Sion : "Ce est le lieu où fut mis le benoist créateur en prison, tant que les paillards eussent dormy. Hellas nous y entrasmes nous quatre, mais nous estouffismes de chault. Le bon Seigneur y estoit bien estroictement."28
24Quant à Margery Kempe, elle voit le Christ "comme s'il était suspendu devant ses yeux charnels dans son Humanité... son corps tendre et précieux tout déchiré et arraché par les fouets plus percé de blessures qu'un colombier de trous, pendu à la Croix avec la couronne d'épines sur la tête, ses belles mains, ses doux pieds cloués au dur bois, des ruisseaux de sang coulant en abondance de chacun de ses membres."29
25Sensibilité exacerbée d'une femme à l'automne du Moyen Age dira-t-on, mais la méditation de Guillaume de Boldensele, soixante-dix ans plus tôt devant le rocher du Golgotha est du même ordre, la couleur rouge et blanche de la pierre évoquant pour lui la couleur du corps du Christ crucifié offert en victime acceptable au Père et "desquels homs crestiens porroit sanz lermes veoir celi lieu."30
26C'est ici, c'est maintenant ; cette contemplation au présent sur les lieux mêmes émeut profondément les sensibilités ; et il faut pour s'en rendre compte, se rappeler que, si l'on avait abandonné le supplice de la croix, nombreuses étaient les occasions de voir des gens flagellés, non seulement les célèbres flagellants, ceux qui "se battant d'escourgées faisaient leurs pénitences", que le seigneur d'Anglure rencontre à Vérone en 139531, mais de simples condamnés, tels ces adultères que la charte de franchise de la sauveté de Fonsorbes menace de flagellation publique s'ils ne peuvent payer l'amende32. Et Villon n'était sans doute pas seul à regarder les pendus "buez et lavés, désséchés et noircis" sur le gibet de Montfaucon. Contempler le Christ flagellé, pendu en croix, faisait lever dans les mémoires des images précises."Quant on veoit en l'air le lieu où Dieu et le prix de la Rédemption humaine fut pendu, il n'est cueur si dur qui ne s'amollit, ne jambe qui de peur ne tremble", dit le pélerin anonyme de Rennes en 148633
27Dès lors, la prière ne peut être simple récitation de formules apprises, elle se fait geste, traduisant l'intensité de l'émotion ; on plonge tête et bras dans le trou de la Croix : "Là est le trou où la Sainte Croix fut posée et dressée, dans ce trou, j'ai plusieurs fois posé ma tête "34" On y voit le trou où la saincte vraye croix fut boutée...je y boutai mon bras et mes chappeles et aussi tout ce que je volloie touchier dedens ledit trou."35
28Le geste le plus immédiat est le baiser, la terre de Jérusalem est sans doute celle qui a été le plus embrassée au monde. "Prosternés à terre et la baisant, nous entrâmes dans la ville sainte" dit Antonin de Plaisance(en 570)3637 "Devant laquelle (église du Saint Sépulcre) y a une grant place toute pavée de marbre blanc, sur lequel pavé tous les pélerins se jetèrent à genoulx et le baisèrent et se traynèrent sur leurs genoulx jusques à la porte de la dite église. Et là, adorèrent le Sainct Sépulcre, chacun selon sa dévotion, qui ne fut pas sans grant effusion de larmes, avec grant clameur, en criant miséricorde. "(Charles de la Rivière 1507)38.
29Baisers et larmes, larmes et cris ; nous avons entendu Ethérie évoquer les "cris et gémissements" de tout le peuple à la lecture des récits de la Passion ; Richard de Verdun, vers 1026, mouille partout le sol de ses larmes, tandis que le cri de son coeur monte vers Dieu39
30"Et incontinent (à la vue de Jérusalem) descendîmes de nos ânes dit Charles de la Rivière, et nous gectasmes à genoulx et chantasmes en grant joye et dévotion Te Deum Laudamus et le pseaulme qui ensuyt (Lauda Jerusalem), qui ne fut pas sans gecter grant quantité de larmes40
31"Et là (au Calvaire) raconte Philippe de Voisins en 1490, feust faict sermon par ung notable frère en remonstrant que là feust faicte la redemption humaine, où eussiès ouy crier Seigneur Dieu Miséricorde et pleurer chascun ses péchés, qui estoit piteuse chose à veoir et de grant dévotion."41
32Pieuse cacophonie dont sourit Nicolas Loupvent en 1531 :"Nos oroisons parfaictes, commensasmes à retourner vers la chapelle Notre Dame en chantant haultement Te Deum laudamus, lequel fust commencé par le gardien, et nous de le pousser apprès que merveille estoit de nous ouyr chanter l'ung bien, l'aultre mal, l'aultre comme il scavoit, et tant fismes que nous en trouvasmes la fin et le bout."42
33Ainsi nous est restituée la bande sonore du pélerinage parfois si bruyante qu'on l'entend de Gethsémani "presque jusqu'à la ville"43 et qu'elle trouble la tranquillité des habitants selon Riccoldo de Monte Croce :"Chacun cria à si haute voix : Surrexit Christus spes mea, precedet nos in Galilea que le bruit et le tumulte se répandit hors de l'église parmi les Sarrasins."44
34On le voit, gestes de prière, larmes et cris traversent les siècles, et laïcs et clercs, hommes et femmes, se retrouvent pris dans une même émotion qui se traduit de façon comparable, sinon identique. S'il y a évolution dans la prière à Jérusalem au cours de mille ans, ce n'est pas là qu'on peut la saisir ; on pleure autant au xie siècle qu'au ve ou au xve. Ce qui change, c'est le cadre dans lequel on pleure, non pas tant celui des sanctuaires que celui du pélerinage lui-même.
35Certes, la prière à Jérusalem a toujours été prière pérégrinante, dans le souci des fidèles de mettre leurs pas dans les pas du Christ et de le suivre sur tous les lieux que la tradition scripturaire leur permettait, pensaient-ils, d'identifier, et les chandelles de cire allumées dans les mains de "chascun pélerin" au xve siècle ont pris le relai des "flambeaux d'église" éclairant la procession nocturne à Gethsémani au ve siècle, tandis que, pendant tout ce millénaire, le chant des hymnes accompagnait la pieuse marche des chrétiens.
36Mais les plus anciens textes nous montrent le pélerin, en dehors des grands offices liturgiques, allant et venant librement au gré de sa dévotion, revenant plus volontiers, tels Burchard de Mont Sion ou Jacques de Vérone à la chapelle où Marie et les Saintes femmes regardaient le Christ en croix45. Tandis que, plus on avance dans les xive et xve siècles, plus les récits sont en quelque sorte calqués l'un sur l'autre en ce qui concerne l'emploi du temps à Jérusalem. Le pélerin anonyme de 1480 fait le même circuit dans la ville sainte que Niccolo de Poggibonsi quelque cent ans plus tôt, et ce circuit se retrouve à peu près inchangé dans le Liber de perenni cultu Terrae Sanctae de Bonifacius Stephanus en 1573 ou lors du pélerinage fait pour le grand jubilé de 1600 par le frère observantin bordelais Henry Castela46
37"Les religieux du Mont de Sion et ceulx qui se tiennent oudict Sainct Sépulcre firent une belle procession...et furent menés lesdicts pellerins par tous les Sainctz lieux qui sont en la-dicte église, et en chascun lieu on s'arrestoit et disoit on une oroison selon le mistère qui avoit esté faict oudict lieu." C'est le pélerin de 1480 qui parle47 ; les récits des clercs du xve siècle donnent les textes des antiennes, versets, répons, oraisons ainsi récités, dont on peut constater la permanence jusqu'au jubilé de 160048 et sans doute a-t-elle duré plus longtemps encore.
38Ce passage à une prière ritualisée, organisée, on peut le dater avec assez de précision par un autre élément lié à ce parcours, les indulgences. Une longue liste d'indulgences a pena e colpa ou de sept ans et sept quarantaines devient, à partir du xive siècle, une partie tellement indispensable d'un récit de pélerinage qu'on finit par en donner une transcription codée, croix d'épaisseur variable, ou croix et y. Or, nous avons une série de textes échelonnés entre les années 1320 et 1350, le livre du franciscain irlandais Simon Semeonis en 1323, celui de l'augustin Jacques de Vérone en 1335, celui du dominicain allemand Guillaume de Boldensele en 1336, celui du prêtre Ludolph de Sudheim en 1341, celui du franciscain florentin Niccolo de Poggibonsi en 1346.49 Alors que ni Semeonis ni Boldensele, ni Sudheim ne parlent d'indulgences, Jacques de Vérone commence son Liber par une énumération de vingt huit indulgences plénières et quatre vingt treize indulgences partielles, énumération à peu près semblable à celle que présente Niccolo de Poggibonsi dix ans plus tard et que le Dictionnaire de Théologie catholique donne comme le plus ancien exemple connu des indulgences de pélerinage.50
39On voit donc apparaître l'attention aux indulgences dans les années 1330 et dans le milieu des Ordres Mendiants italiens. Ce n'est pas par hasard, car c'est le moment de l'installation définitive des Frères Mineurs au Mont Sion. Ils apparaissent en effet une première fois à Jérusalem à la fin de 1229, à la faveur de la trève de dix ans conclue entre Frédéric II et Malik al Kamil51 ; leur installation est mentionnée dans une bulle de Grégoire IX aux patriarches d'Antioche et de Jérusalem en date de février 1230, et on les voit desservants au Saint Sépulcre en 1242. Mais, en 1244, ils sont massacrés par les bandes khwarizmiennes qui mettent à sac Jérusalem. Au début du xive siècle, ils relèvent leurs couvents. Un firman de Baibars II du 11 juillet 1309 concède aux "frères de la corde'' du couvent de Sion, du Saint Sépulcre et de Bethléem leurs anciens privilèges. Les négociations pour créer des conditions favorables à la reprise des pélerinages et faire reconnaître la présence d'une communauté latine à côté des communautés orientales sont menées activement par les princes d'Aragon et d'Anjou. En 1322, douze dominicains aragonais sont installés à Jérusalem, remplacés rapidement, sans que l'on voie vraiment les raisons de ce changement par douze puis vingt cinq frères mineurs. En 1333 et 1337, des accords sont passés entre Robert d'Anjou et sa femme Sancia d'une part et le sultan Nasir Muhammad d'autre part pour l'établissement officiel des Franciscains. Le texte des accords, perdu depuis 1427, peut être reconstitué grâce à deux bulles de Clément VI de 1342. Les Mineurs se trouvent ainsi en possession d'un couvent au Mont Sion et d'un hospice pour les pélerins, grâce au don généreux de Marguerite, noble dame sicilienne en 1335. Au xve siècle, Philippe le Bon y ajoutera l'édicule du Tombeau au Saint Sépulcre.
40On le voit, tout ceci concorde. C'est entre 1309 et 1342 que les frères prennent en mains l'organisation du pélerinage et établissent un Ordo peregrinationis précis avec trois itinéraires : Via captivatatis, rappelant l'arrestation du Christ et le procès juif, entre le Mont des Oliviers et le Mont Sion, Via crucis dolorosa, rappelant le procès romain, le pertement de croix, les chutes du Christ, ses rencontres, de l'Antonia au Saint Sépulcre, et Ordo processionis, de la chapelle des Latins à l'édicule du Tombeau, à l'intérieur du Saint Sépulcre. Cet ordo ne variera plus. Le Père Abel fait remarquer qu'à partir du moment où les Frères Mineurs prennent la direction du pélerinage, "il n'y a plus de changement majeur dans la localisation des souvenirs évangéliques."52
41Souvenirs évangéliques, il faut insister là-dessus. Alors qu'Ethérie mentionne expressément les lectures dans la liturgie pascale à Jérusalem, alors qu'on voit dans les célèbres plans des sanctuaires joints au pélerinage d'Arculfe un autel d'Abraham à côté du Calvaire, autel dont parle aussi Antonin de Plaisance53, les seuls noms de l'Ancien Testament mentionnés à partir du xive siècle le sont à propos de tourisme religieux : reine de Saba pour le pont du Cédron, rois de Juda dont on montre les tombeaux ; à moins qu'un clerc veuille apporter la preuve de son érudition en Histoire Sainte. Mais on voit clairement que cela n'est plus associé à la prière des pélerins et la liste des indulgences corrobore cette impression, aucune n'est attachée à un souvenir biblique. Cette liste fait apparaître par contre un nombre assez important de stations évoquant une "petite histoire" apocryphe : cachette des Apôtres après la Résurrection, lieu où Saint Jean célébrait la messe devant la Vierge, endroit que Notre Seigneur montra du doigt en disant : voici le centre du monde54
42Tout ceci laisse voir en filigrane les caractères de la prédication mendiante, il faudrait même préciser, observante, car les liens les plus étroits unissaient les Maisons d'Anjou et d'Aragon au milieu des Spirituels et la liste conservée des Gardiens du couvent du Mont Sion les montre tous issus de l'Observance, à dater du premier chapître tenu en 1341 par Jean de Capistran55.
43Les "beaux sermons" et les "belles remontrances" des frères sont d'ailleurs mentionnés par tous les pélerins56 ; prédication vivante, familière, soucieuse de concret, témoignant de cette "réaction anti-intellectuelle" dont parle le chanoine Delaruelle à propos de la devotio moderna57. Prédication émaillée de citations évangéliques que l'on retrouve dans les récits et qui vise à la méditation méthodique de la vie du Christ pour aboutir à une vigoureuse exhortation à la pénitence, où l'évocation du Jugement dernier devait tenir une place importante, car on voit les pélerins prendre l'habitude de se réserver une place pour le dernier jour dans la vallée de Josaphat : "Là même, dans la vallée de Josaphat, regardant le lieu du Jugement entre le Mont des oliviers et le Calvaire, nous nous assîmes en pleurant et en tremblant, attendant le jugement. Et, cherchant où serait dans la hauteur le juste Juge, et où seraient sa droite et sa gauche, nous choisîmes une place à droite et chacun marqua là sa pierre en témoignage. Je dressai et marquai une pierre et je choisis un lieu à droite pour moi et pour tous ceux qui par moi entendraient la parole de Dieu et persévereraient dans la foi et la vérité selon l'Evangile. Et ainsi je marquai une pierre au nom d'un grand nombre qui au moment même pleuraient."58 C'est le frère prêcheur Riccoldo de Monte Croce qui s'exprime ainsi. Le marchand Jacques le Saige dit plus simplement :"Et aussy allasmes veoir le lieu où Nostre Dame se reposoit quant elle alloit visiter lesdis saincts lieux après le résurrection de Nostre Saulveur. Il y a une grosse pierre au lieu. Je y ay faict ma marque sur ladite pierre, se y ay retenu ma place pour le jour du grant jugement. Dieu doint que ce soit à mon salut."59
44On peut donc distinguer dans cette prière à Jérusalem deux temps assez différents. Le premier est surtout marqué par la liturgie stationale ; accompagnée de lectures de l'Ancien et du Nouveau Testament, de chants, de psaumes, elle invite à la méditation sur le sens de la Passion du Christ à la lumière des textes bibliques : "On lit (le Vendredi Saint) d'abord dans les psaumes tous les passages où il est parlé de la Passion ; on lit ensuite dans les Ecrits des Apôtres, soit dans les Epîtres, soit dans les Actes, tous les passages où ils ont parlé de la Passion du Seigneur, et on lit aussi dans les Evangiles les récits de la Passion. Ensuite, dans les Prophètes, les passages où ils ont prédit la Passion du Seigneur, et, dans les Evangiles, ceux où ils ont parlé de la Passion."60 C'est cette liturgie hiérosolymitaine qui va peu à peu influencer, organiser les liturgies d'Occident et notamment le cycle pascal, sommet de l'année liturgique, comme l'a montré le livre de Carol Heitz. "Jérusalem est à la base de tout", pour reprendre ses termes et notamment de la conception architecturale des églises dites porche et du massif occidental, ancêtre des portails romans et gothiques61 Ce souci de reconstituer la liturgie de Jérusalem dans un cadre analogue explique sans doute l'intérêt porté par les pélerins du haut Moyen Age à la soigneuse description des sanctuaires.
45Puis les temps changent. Passée dans le territoire de l'Islam, l'Eglise de Jérusalem ne pouvait plus déployer librement ses processions à travers la ville. A la période des Croisades, on ne semble guère avoir cherché à les reprendre. Les textes nous parlent surtout des cérémonies à l'intérieur des sanctuaires, telle la célébration du feu nouveau le Samedi Saint, ou des liturgies des autres Eglises chrétiennes, de ces Nubiens et Ethiopiens, noirs comme du charbon, le front marqué au fer rouge d'une croix de quatre doigts de large et chantant Alleluia plus de cent fois en une messe.62
46Maîtres de Jérusalem à partir de 1244, les sultans mameluks acceptent les pélerins chrétiens, mais dans le cadre d'une stricte organisation. Et c'est au tour de l'Occident d'inspirer la prière à Jérusalem. Les Frères Mineurs vont refaire dans la ville sainte ce qu'ils font avec tant de succès dans les autres villes, prédication, processions, récitation de prières, mise en place de pratiques religieuses. Le livre de Bonifacius Stephanus en fournit plus d'un exemple : "Pieux fidèles, contemplez ici (à la chapelle du repentir de Pierre) avec le regard de la foi Pierre pleurant son triple reniement et vous aussi pleurez avec lui, car vous avez souvent provoqué contre vous la colère de Dieu par vos fautes et vos péchés ; demandez-lui donc que, comme il a regardé Pierre d'un regard bienveillant, il vous regarde aussi de même et qu'il aie pitié de vous en mettant vos larmes en sa présence. Puis, après avoir embrassé le lieu des larmes et de la pénitence de Pierre, retirez-vous pieusement."63
47On le voit, les accents se sont subtilement déplacés ; l'Evangile est désormais moins médité que moralisé ; le regard du pélerin n'est plus tant fixé sur la contemplation du Seigneur que retourné sur lui-même ; il pleure toujours, mais ce sont moins des larmes de déploration sur les souffrances du Christ que des larmes de contrition sur ses propres fautes, que les indulgences, rassurantes, viennent effacer.
48Il n'appartient pas à l'historien d'être un juge, même s'il peut regretter cette mutilation de la grande fresque de l'histoire du salut que l'ancienne liturgie de Jérusalem déroulait sous les yeux des fidèles. Il faut plutôt considérer l'influence exercée à son tour sur l'Occident par cette nouvelle forme de la prière à Jérusalem, prière populaire si l'on entend ce mot au sens médiéval de tout un peuple. Par les récits de pélerinage largement répandus, puisque tant de bibliothèques en Occident au xve siècle possèdent un Liber Terrae Sanctae, vrai livre d'Heures écrit "pour la dévotion du lisant", plus encore sans doute par une transmission orale que nous ne pouvons hélas mesurer, c'est toute la Chrétienté qui est conviée à faire le Chemin de la Croix, ce "pitoyable chemin" qu'Henri Suso parcourt dans son cloître dès 136564 et dont les images commencent à être proposées au peuple chrétien avec les célèbres sculptures d'Adam Krafft à Nuremberg en 150565 avant de devenir un élément familier dans toutes les églises jusqu'à la plus humble paroisse de campagne.
49Plan établi à partir du plan joint au Liber secretorum fidelium crucis de Marino Sanudo, dont quelques légendes ont été reproduites. Le dessin de Bernardino Amico (1396) représentant les édifices de la Via Dolorosa a été aussi utilisé ; il se trouve reproduit dans le t. II de Jérusalem de Vincent et Abel op.cit. p.615.Ont été également utilisés les plans de Jérusalem du viie au xvie siècle publiés in Zeitschrift des Deutschen Palaestina Vereins t. XV 1892
50Itinéraire de Niccolo de Poggibonsi (1346)
51Eglise Sainte Anne Maison de Caïphe
52Maison d'Hérode
53Maison d'Anne
54Maison de Pilate et lieu de la condamnation
55Lieu de la rencontre avec Simon de Cyrène
56Ecole de Notre-Dame
57Lieu de la pâmoison de Notre-Dame
58Maison de Simon le Pharisien
59Maison du Mauvais riche
60Maison de Véronique
61Saint Sépulcre
62Itinéraire anonyme du xive siècle (éd.H.Omont)
63Eglise Sainte anne
64Maison d'hérode (à droite)
65Maison d'Anne (à droite)
66Maison de Pilate
67Trivium où rencontre de Simon de Cyrène
68Eglise de la pâmoison de Notre-Dame Saint Sépulcre
69Itinéraire anonyme de 1480 (éd. Ch. Schefer)
70Saint Sépulcre
71Maison de Véronique
72Maison de Simon le Pharisien
73Eglise de la pâmoison de Notre-Dame
74Carrefour de la rencontre de Simon de Cyrène
75Maison de Pilate et lieu de la condamnation
76Maison d'Hérode
77Eglise Sainte Anne
Récits de pélerinage cités dans le présent travail66
78395 Ethérie, religieuse galicienne Journal de voyage éd. H. Pétré Paris 1948
79v.570 Antonin de Plaisance, clerc. Perambulatio in T. Tobler Itinera et descriptiones Terrae
Sanctae ex saeculis iv-xi Leipzig 1874 p.80 et s.
80v.670 Arculfe, clerc gaulois Relatio de locis sanctis ibid. p. 150 et s.
81v. 722 Willibald, clerc allemand Hodoeporicon seu vita S. Willibaldi scriptum a sanctimoniali heydenheimensis in T. Tobler Descriptiones Terrae Sanctae ex saec.vii, ix, xii, xv Leipzig 1874 p. l et s.
82v.1000 Alderald, archidiacre de Troyes A.A.S.S. 20 Octobre t. VIII, II, p.991 et s.
83V. 1026 Richard, Abbé de Saint Vanne A.A.S.S. 14 Juin II p.990 et s.
841160-70 Jean de Würzbourg, prêtre allemand Johannis wiziburgensis descriptio Terrae Sanctae in T. Tobler Descriptiones Terrae Sanctae op. cit.
851211 Willibrand d'Oldenbourg, chanoine puis évêque allemand Descriptio Terrae Sanctae éd. J.C.M. Laurent Peregrinatores medii aevii quatuor Leipzig 1864
861217 Thietmar, prêtre allemand Magistri Thietmari Iter ad Terram Sanctam éd. J.C.M. Laurent Hambourg 1857
871283 Burchard de Mont Sion, professeur d'Ecriture Sainte, allemand éd. J.C.M. Laurent Peregrinatores medii aevii op.cit.
88v.1294 Ricoldo de Monte Croce o.p. Florence éd. ibid.
891323 Simon Semeonis, o.f.m. Irlande Itinerarium Simonis Semeonis ab Hibernia ad Terram Sanctam éd. M. Esposito Scriptores latini Hiberniae 1960
901332 Guillaume de Boldensele o.p. Minden Liber de quibescam ultramari partibus éd.C. Deluz (ronéotypée) Paris Sorbonne 1972
911335 Jacques de Vérone, augustin. Liber peregrinationis fratris Jacobi da Verona éd.R. Röhricht in Revue d'Orient latin t.III p.158-302
921341 Ludolph de Sudheim, prêtre allemand. De itinere Terrae Sanctae éd. F. Deycks Stuttgart 1851
931346 Fra Niccolo da Poggibonsi o.F.M. Libro d'Oltramare éd. F. Bagatti Jérusalem 1945
941395 Ogier d'Anglure, seigneur des environs de Troyes Le voyage à Jérusalem du seigneur d'Anglure éd. F. Bonnardot et A. Longnon Paris 1880
951394 Nicolas de Martoni, notaire des environs de Naples Liber peregeinationis éd. Le Strange in Revue de l'Orient latin t.III p. 559-669
96XIVe Guide anonyme d'un pélerin en Terre Sainte (ms. d’Evreux ) éd. II. Omont in Mélanges offerts à G. Schlumberger Paris 1924 t. I p. 436-50
971414 Margery Kempe.bourgeoi se de Lynn (Angleterre) The book of Margery Kempe, a modern version by W. Butler-Bowdon Londres 1936
981478 Frate Ariosto Alcssandro o.f.m. Viaggio nella Siria, nella Palestina, nell'Egitto éd. Prof. G. Ferraro Ferraro 1878
991480 Le voyage à la saincte cité de Hiérusalem (anonyme, sans doute un chanoine parisien) éd. Ch. Schefer in Recueil de voyages et documents pour servir à l'histoire de lu géographie t.III Paris 1888
1001486 Anonyme de Rennes (sans doute un chanoine saintongeais) éd. B. Dansette Les pélerinages en Terre Sainte aux xive et xve siècles, étude sur leurs aspects originaux et édition d'une relation anonyme. Thèse 3e cycle ronéotypée Paris Sorbonne 1977
1011490 Philippe de Montaut seigneur gascon Voyage à Jérusalem éd. Ph. Tamisey de Larroque in Archives historiques de la Gascogne t.III 1888 p. 1-60
10215I8 Jacques le Saige, marchand de drap de soie de Douai Voyage de Jacques le Saige de Douai éd.H.R. Duthilloeul Douai 1851
103I507 Charles de la Rivière, prêtre de Lisieux (ms. de Rouen) éd.et commentaire F. Pouge Mémoire de Maîtrise Université de Tours 1976
104153I Nicolas Loupvent, trésorier de l'abbaye bénedictine de Suint Mihiel (ms. de St. Mihiel) éd. et commentaire de J.P. Ronnin Mémoire de Maîtrise Université de Tours 1977
DISCUSSION
105M.M. DUFEIL
106Moyen Age, terme excommunié :
107De part et d'autre de la grande rupture de la fin du 11e s. il y a deux temps distincts de prière et de tout, deux mentalités, deux économies et deux sociétés différentes.
108Le premier, 5e-11e, peu écrit est le retour après l'effondrement des empires au système domanial et aux prestations rurales, avec juridiction locale sur une population faible dans un paysage sauvage : chalcolithique postérieur serait la meilleure dénomination, l'âge des métaux où s'inventa monnaie et écriture de -700 à -100 ayant présenté les mêmes paysages, chefferies et prestations. Postérieur, permet de renvoyer à ce qui reste de l'acquis antico-oriental.
109Le second, 11-14e, de Canossa à la Peste, avec multiplication par cinq des hommes, de leur productivité ; avec la ville, l'écrit, l'Etat français, anglais, castillan ; avec le commerce, la banque, les cathédrales, l'université est la modernité même de la naissance de l'Europe. Il dure, grâce à sa résistance à la peste, par un renouveau 1450-1560 jusqu'à la révolution industrielle. Son vrai nom, la révolution commerciale (cf. FURIA et SERRES, Technique et sociétés, coll. U, premières lignes) ; on peut préférer âge urbain, premier capitalisme, apogée gothique de la naissance de l'Europe. Mais dire avec les faits évidents et énormes : révolution agricole (néolithique), révolution commerciale (12e s.), révolution industrielle (18-19e ss.) est le plus simple.
Notes de bas de page
1 Je tiens à remercier mes collègues Monsieur Bernard Chevalier, Madame Monique Gramain, Monsieur Jean Tricard pour les conseils précieux qu'ils m'ont donnés lors d'une première présentation de ce travail au Séminaire d'Histoire médiévale de l'Université François Rabelais à Tours ;
2 Bernard de Breydenbach Peregrinationes in Terrain Sanctam Mayence 1486
3 Ps.74(73), 12
4 Vita S. Alderaldi Vita S. Ricardi cf. tableau annexe.
5 Voir les références des éditions dans le tableau annexe.
6 Ethérie, Journal de Voyage p. 231, cité dorénavant Ethérie.
7 The book of Margery Kempe Introduction, cité dorénavant Margery.
8 Margery p.106-107
9 Saint Jérôme Epistola XLVIII ad Desiderium P. L. col.492 t. XXII
10 Willibrand d'Oldenbourg, édition Laurent p.185
11 Frate Ariosto Alessandro. éd. G. Ferraro p.41, cité dorénavant Ariosto.
12 Magistri Thietmari peregrinatio éd. Laurent p. 1-2 "Sedit animo meo ut loca que Dominus noster Jhesus Christus, verus Deus et homo, verus Dei filius et hominis, vestigiis suis corporaliter sigillavit et sanctificavit...quoad potui visitarem."
13 Hoedoporicon S. Willibaldi éd. T. Tobler p.3 cité dorénavant Willibald "Et non solum signa quae nobis per Evangelii gratiam certa demonstratur ille videbat, sed etiam ipsa terrarum loca ubi Dominus noster nascendo patiendoque ac resurgendo apparaît."
14 Le saint voyage du seigneur d'Anglure éd. Bonnardot et Iongnon, p. 13, cité dorénavant Anglure.
15 Voyage de J. Le Saige éd. Duthilloeul.cité Le Saige, p.115
16 Pélerinage de Jacques de Vérone éd. R. Röhricht p.188, cité dorénavant Vérone.
17 Ariosto p. 42
18 Burchardde Mont Sion éd. Laurent p.71, cité dorénavant Burchard "Et color sanguinis Domini nostri Jhesu Christi apparet hodie in ipsa scissione petre... De Calvaria contra orientem 24 pedibus est altare quoddam sub quo est pars columpne ad quam Dominus fuit flagellatus... Est autem de lapide porfiritico subnigro, habens maculas rubeas naturaliter, quas credit vulgus tincturas esse sanguinis Christi." On remarquera la présence ou l'absence d'esprit critique chez le même personnage à quelques lignes de distance.
19 Le récit de pélerinage de Jacques de Vérone est peut-être un des plus éloquents à cet égard. Il explique qu'il avait fait faire avant d'entrer au Saint Sépulcre deux forts grattoirs de fer et que ses compagnons étaient chargés d'attirer les moines gardiens des lieux dans d'autres endroits de l'église, pour qu'i puisse travailler en paix (Vérone p.185-86)
20 Liber de Boldensele, éd. C. Deluz p. 332, cité dorénavant Bolder sele. On a cité la traduction, à peu près contemporaine (1336-1350) de Jean le Long. Texte latin : "Fideles studeant... de petris et terra quantum possunt secum portare et, si possent, uti que totam asportarent terram Christi vestigiis consecratam." Boldensele p. 259
21 Boldensele p. 332 Texte latin Verum tamen, quidquid sit de hoc,locus ipse sepulcri Christi formaliter moveri non potest, sed remansit et remanebit immobilis in eternum" p. 259
22 Willibald p. 34 "Et introiens in ecclesiam ubi sancta crux Domini inventa fuerat.aperti sunt oculi ejus et visionem recepit."
23 C. Deluz Indifférence au temps dans les récits de pèlerinage ? Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest t. 83 1976 p. 303_313
24 Ernoul L'estat de la citez de Hierusalem in H. Michelant et G. Raynaud Itinéraires à Jérusalem et descriptions de la Terre Sainte rédigés en français aux xie, xiie, xiiie siècles Genève 1882 p. 34
Le Liber de perenni cultu Terrae Sanctae, de Bonifacius Stephanus (Venise ! 573) dit (p. 183) que deux clercs montrent du doigt le lieu de la Crucufixion en disant : "Ecce ubi salus mundi pependit".
25 Jean de Würzbourg éd. T. Tobler par exemple :
A caris caro cara Dei lacrimata levatur
A cruce pro miseris rex pius patitur p. 149
26 Vita Alderaldi op. cit. 991-993 "Pervolat ad locum Calvariae, ibique Redemptorem Christum in cruce suspensum... animo videt et adorat... precibus utitur latronis, Simonis lacrimis irrigatur ; quasi Christum videret, ita gemitus trahit centurionis, gladioque beatae Virginis perforatur. Hinc autem reptabundus Domini petit sepulchrum, quod ejus funere creditur decoratum ; mulierum sanctarum representat ululatus."
27 Voyage à la sainte cité de Jérusalem, éd. Ch. Schefer p. 69, cité dorénavant Voyage
28 Le Saige p. 103-104
29 Margery p. 109
30 Boldensele p. 334 Texte latin : "Quis homo hune locum videre poterit sine lacrimis" p. 262
31 Anglure p. 99
32 Archives départementales de Haute Garonne Renneville-Fonsorbes, 23, n° 50 cf. P. Ourliac Les sauvetés du Comminges Toulouse 1947
33 Anonyme de Rennes éd. B. Dansette p. 24
34 Vérone p. 185 "Et est ibi foramen ubi sancta crux fuit ele-vata et posita ; in illo foramine caput meum pluries posui".
35 Le Saige p. 111
36 Antonin de Plaisance, éd. T. Tobler, p. 101, cité dorénavant Antonin.
37 Voir aussi les autres textes cités dans le tableau
38 Ch. de la Rivière éd. F. Pouge p. 51, cité dorénavant La Rivière.
39 Vita S. Ricardi p. 990
40 La Rivière p. 49
41 Voyage de Philippe de Montaut éd. Ph. Tauxigny, cité dorénavant Montaut p. 30-31
42 Nicolas Loupvent éd. J. P. Bonnin p. 103
43 Ethérie p. 231
44 Riccoldo de Monte Croce, éd. Laurent p. 113, cité dorénavant Riccoldo.
45 Burchard p. 72 Vérone p. 192
46 Liber de perenni cultu Terrae Sanctae par le frère mineur Bonifacius Stephanus Venise 1573
Père Henri Castela, religieux observantin Le pélerinage à Jérusalem fait pour le grand jubilé de l'an 1600 Bourdeaux 1603, vendu à Paris chez Laurent Sonnius
Voir le plan donné en annexe.
47 Voyage p.75
48 Père H. Castela op.cit.
49 Voir pour les éditions le tableau donné en annexe.
50 D.T.C. article Indulgences t. 7 col. 1614-1615
51 Sur tout ce qui suit, voir G. Golubovitch Biblioteca bio-bibliographica della Terra Sancta e dell Oriente francescano Florence 1906 t. II p. 508 t. III p. 310-311
Voir également L. Wadding Annales Minorum Quarachi 1932 P. 309 310 / B. Meisterman Guide de Terre Sainte Paris 1923 Les frères mineurs à Jérusalem p.181-182 / B. Dansette Les pélerinages en Terre Sainte aux xive et xve siècles Thèse de 3e cycle dactylographiée Paris Sorbonne 1977 Introduction p. xviii-xxix
52 H. Vincent et F. M. Abel Jérusalem Recherches de topographie d'archéologie et d'histoire Paris 1914-1922 t. II p. 587
53 Antonin p. 101-102
54 Nicolas de Martoni éd. Le Strange p. 613-620
55 G. Golubovitch Serie cronologica dei reverendissimi superiori de Terra Sancta Jérusalem 1898 p. 25 et s. et B. Dansette op.cit. Introduction p. xviii-xxix
56 Exemples : La Rivière p. 70 Ph. de Montaut p. 30
57 E. Delaruelle Croisade et pélerinage Eléona Juillet 1961
58 Riccoldo p. 111
59 Le Saige p. 123-124
60 Ethérie p. 237
61 Carol Heitz Recherches sur les rapports entre architecture et liturgie à l'époque carolingienne Paris Bibliothèque de l'Ecole pratique des Hautes Etudes VIe section 1963. Voir notamment la 2e partie p. 73-161. La citation est à la page 101
62 Vérone p. 191-192
63 Liber de Bonifacius Stephanus op. cit. p. 107 "Pie cultores oculo fidei hic contemplamini Petrum flentem trinam negationem et vos una cum ipso flete, qui multum provocastis Dei iram contra vos facinoribus et peccatis vestris, rogate igitur eum ut, sicut Petrum oculo pietatis suae respexit, ut et vos respiciat, et misereatur vestri ponens lachrymas vestras in conspectu suo ; deosculato loco lachrymarum et poenitentiae Petri, religiose discedite."
64 H. Suso Livre de l'Eternelle Sagesse Comment ce fut avant le crucifiement in L'oeuvre mystique traduction B. Lavaud Paris 1946 1ère. partie ch. II p. 32-40
65 Dictionnaire de Spiritualité T. II, 2 article Croix Chemin de la Croix col. 2576-2606
66 La date donnée est celle du pélerinage ou de la rédaction du récit si l'auteur est le pelerin.
Auteur
Université de Tours
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Fantasmagories du Moyen Âge
Entre médiéval et moyen-âgeux
Élodie Burle-Errecade et Valérie Naudet (dir.)
2010
Par la fenestre
Études de littérature et de civilisation médiévales
Chantal Connochie-Bourgne (dir.)
2003