Or antique, or épique, or d'occident et d'orient dans le Roman de Thèbes
p. 25-39
Texte intégral
1L'or est, à plus d'un titre, à sa place dans la lutte fratricide qui, dans La Thébaïde de Stace, dresse l'un contre l'autre les fils maudits d'Œdipe, roi de Thèbes et descendant de Jupiter. L'or y est en effet d'abord le signe du divin1 : Adraste accomplit avec une coupe d'or les libations rituelles2. L'or est, en second lieu, la marque du pouvoir : il pare les lambris3 et les lustres des palais4, la table5 et les vêtements des rois6. En troisième lieu l'or est parure : il rehausse la beauté, glorifie la vaillance : une fibule d'or retient la chlamyde du beau Parthénopée7 et il y a peu de boucliers qui n'étincellent d'or8. En dernier lieu l'or s'associe à la victoire, à la fête9, à l'amour : offert en présent10, jeté sur le bûcher funèbre11, il tente de donner la mesure de la tendresse et du chagrin.
2Le registre de ces différentes valeurs n'est pas original. Il est courant de voir l'or accompagner la religion, le pouvoir, la beauté, la gloire, la joie, l'amour. Aussi l'auteur du Roman de Thèbes, devait-il rencontrer Stace sur le même terrain.
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3Il lui oppose pourtant parfois le rempart de sa propre culture : dans La Thébaïde les dieux sont vivants. Ils surgissent comme Bacchus dans une aura dorée12 ou comme Pallas et Diane un nœud d'or dans les cheveux13. Nulle idole chez Stace. Le modèle des statues de Mars et de Vénus, décrites dans le Roman de Thèbes14, n'est pas à chercher dans le modèle latin, mais dans la Chanson de Roland où l'émir Baligant promet à ses dieux de leur dresser des statues d'or pur15. Il est épique et biblique16.
4Pour l'auteur du Roman de Thèbes comme pour Stace, l'or est associé au pouvoir. Ici comme là Etéocle est revêtu d'or et de pourpre17. Ici comme là l'or enrichit le palais d'Adraste18. La coupe d'or fin qu'Adraste fait apporter dans le Roman de Thèbes pour boire le vin19, a pour modèle celle que, dans La Thébaïde, il réclame pour les libations d'usage. Mais de religieuse qu'elle était, la destination est devenue simplement mondaine. Dans le Roman de Thèbes point de lustres d'or ni de lits de banquet couverts de tissus d'or, mais les hôtes d'Adraste - usage médiéval- se rincent les doigts dans des "bacins d'or"20. Le geste actuel s'est substitué au mobilier antique.
5Comme dans La Thébaïde l'or, dans le Roman de Thèbes, fait valoir la beauté des femmes et la vaillance des hommes. Le fil d'argent dont sont tressés les cheveux d'Antigone21 a sa source dans le geste de la Lemnienne Lycaste tressant de fils d'or les cheveux de son frère Cyjdimon22.
6Chez Stace le guerrier est souvent décrit dans un éblouissement d'or23 mais, si le poète latin nomme l'arme qui projette cet éclat, c'est toujours et seulement un bouclier24. Dans le Roman de Thèbes toute arme, tout harnais, tout harnachement peuvent être dorés25. Cette richesse des armes vient des chansons de geste26.
7L'inventaire comparé des objets d'or associés à la religion, au pouvoir, à la beauté, à la gloire, à l'amour, montre que le poète français ne retient de La Thébaïde que quelques objets : la coupe d'or d'Adraste, le vêtement d'or et de pourpre d'Etéocle, les fils d'or des cheveux de Lycaste. De ces quelques objets il lui arrive par surcroît de modifier la destination. Il écarte ceux que son modèle lui propose pour les remplacer par celui qui appartient à sa civilisation. Somme toute, il doit ici très peu à La Thébaïde, beaucoup aux chansons de geste et il n'oublie pas son temps.
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8Dans La Thébaïde l'or ne détermine jamais les acteurs du drame. Des passions exarcerbées, la malédiction d'Œdipe, le poids du destin suffisent. L'indifférence à l'or va si loin que le royaume d'Etéocle, objet des combats sacrilèges des deux frères ennemis, est, écrit Stace, un royaume indigent : "prugna est de paupere regno" (I, v. 137). On ne se bat, on n'agit jamais pour de l'or. Etéocle propose bien une récompense (pretio, II, v. 484) aux jeunes gens chargés d'attaquer traîtreusement Tydée ; mais c'est le seul cas où une promesse est faite. Encore en ignore t-on le contenu. Jamais en effet l'or n'est proposé comme un stimulant pour l'action ou comme la récompense d'un service. Dans La Thébaïde l'or n'est pas désirable. Il n'est jamais non plus une valeur d'échange, ce n'est jamais une monnaie. On ne se réfère jamais à l'or pour évaluer un objet. L'or n'a pour fonction que de situer les hommes et les dieux par rapport à eux-mêmes et de figurer leurs relations mutuelles. L'or, dans La Thébaïde, n'est qu'un décor et un signe.
9Il n'en est pas ainsi dans le Roman de Thèbes. L'or est d'abord un critère d'évaluation. On se réfère à l'or pour estimer un animal27 ou un objet28. On soupèse l'or qui enrichit un heaume29 ou une paire d'éperons30. On compte en besants d'or31. Dans le Roman de Thèbes l'or est un puissant ressort de la société humaine. Comme dans La Thébaïde, Etéocle promet une récompense aux émissaires chargés de poursuivre Tydée, mais il en précise le contenu. 1479 Promis leur a or et argent.
10L'or intéresse toutes les catégories sociales. Et pas seulement les serfs32. Les rois, les grands seigneurs sont toujours des détenteurs d'or. Agénor, l'ancêtre d'Œdipe,"d'or et d'argent ot grant tresor" (v. 8832), Créon "riches hom fu d'or et d'argent" (v. 7869), les chevaliers d'Athis pleurent la mort de leur seigneur qui leur donnait "or et argent" (v. 6020). La prouesse ne suffit pas pour gagner la guerre. Il faut aussi de l'or. De l'or pour ravitailler l'armée (v. 6965). De l'or pour mener un siège (v. 3230). Avec de l'or on peut empêcher des alliés de faire défection (v. 6832). Avec de l'or on peut racheter un corps privé de sépulture (v. 6768). Avec de l'or encore on peut payer la rançon d'un prisonnier (v. 7365-66). Avec, comme appât, l'or du butin, on peut prendre l'ennemi au piège. L'or est souvent dans le Roman de Thèbes le ciment des relations entre les hommes, un moteur de l'activité humaine, l'un des nerfs de la guerre, alors qu'il n'a dans la Thébaïde ni cette importance ni cette fonction.
11Sur ce point notre poète ne doit rien à Stace, mais presque tout aux chansons de geste antérieures. En effet, dans celles-ci aussi, tout détenteur du pouvoir politique ou religieux, tout grand seigneur est possesseur d'or : Le Pape33, l'empereur de Constantinople34, Charlemagne35, le patriarche de Jérusalem36, Louis, fils et successeur de Charlemagne37, Marsile38, Roland39, Guillaume40. L'or est une force politique et militaire. Avec de l'or on peut faire marcher les hommes. Isembart rallie ses hommes en leur promettant "l'or e l'argent"41. Acelin promet "entre or fin e mangons" à Guillaume, s'il le reconnaît pour roi42. Marsile promet "or e argent assez" à ses messagers43. Guillaume promet aux pauvres chevaliers rangés sous sa bannière "or et argent et deniers moneez"44. Il récompense un pèlerin de son dévouement à la légitimité en lui donnant de l'or45. Marsile veut acheter à prix d'or le départ de Charlemagne46 et il donne, lui et ses pairs, de l'or à Gane-lon pour prix de sa trahison47. Le Pape offre de l'or à l'émir Galafre pour qu'il lève le siège de Rome48, de l'or encore à Corsolt s'il fait demi-tour49. Guibourc excite la soif d'or des vassaux de Guillaume en leur inspirant l'espoir de ravir à l'ennemi l'or du butin entassé dans leurs navires immobilisés50. Dans les chansons de geste l'or est appât, récompense, puissance.
12Nous pourrions penser alors que l'or y conduit le monde. Il n'en est rien. L'univers du Roman de Thèbes et des chansons de geste, contrairement à celui de La Thébaïde, est optimiste. Dans l'épopée latine l'or ne pourrait soustraire l'homme à ses haines sans cause et à la Fatalité. L'or ne peut y être que décor ou symbole. Il est toujours innocent. N'étant ni promis ni donné il ne séduit ni ne sauve.
13Au contraire, dans notre roman comme dans les chansons de geste, l'or sollicite la liberté de l'homme mais ne détermine pas son choix. Ganelon se laisse corrompre. Mais l'or a aussi une fonction positive. Il suscite l'aventure, suspend la lâcheté, stimule le courage, récompense le mérite. Dans plus d'un cas l'or ne pèse pas lourd dans la décision des guerriers. Ce n'est pas l'or qui retient dans le camp d'Adraste les hommes de Tydée, après la mort de celui-ci, mais des raisons humaines : ils y attendront le petit Diomède, fils de Tydée, qui consolera son grand-père Œnée de la perte de Tydée51. L'or n'asservit pas, il soumet l'homme à l'épreuve de sa liberté.
14Sur un autre point encore le Roman de Thèbes partage l'esprit des chansons de geste et s'éloigne de sa source antique. Chez Stace en effet l'or est stable. Il ne quitte pas les coffres des rois. Il ne circule pas. Au contraire, dans le Roman de Thèbes et les chansons de geste, l'or a pour caractère son extrême mobilité. Il n'est pas fait pour être thésaurisé mais pour être distribué. Le conseil des barons recommande à Etéocle la largesse.
151 132 car souz ciel n'a meillor tresor ; L'or sort des mains des puissants pour se déverser sur les vassaux, les chevaliers, les pauvres bacheliers, les aventuriers. Mais ce cycle doit se refermer et, pour que de nouveau le trésor des rois s'emplisse, il faut conquérir de l'or sur l'ennemi.
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16Le Roman de Thèbes s'accorde donc avec les chansons de geste sur les fonctions sociales de l'or et sur sa moralité. Mais de quel or s'agit-il ? Or d'Occident ou d'Orient ? Dans Le voyage de Charlemagne l'or qu'on étale, l'or qu'on abandonne est l'or de l'Orient chrétien52. L'or que Guillaume promet ou distribue dans la Chanson de Guillaume, dans le Couronnement de Louis, dans le Charroi de Nîmes, c'est "l'or d'Espaigne"53, c'est l'or arabe. Dans les deux cas, la pensée des poètes se tourne vers les civilisations orientales - chrétienne ou musulmane - vers l'or d'Orient. L'or du Roman de Thèbes nous paraît être aussi l'or d'Orient.
17Examinons d'abord l'or fonctionnant comme valeur d'échange. Une double référence à une pièce d'or byzantine : le besant (v. 1822, v. 7859) est un premier indice. Comme dans la Chanson de Guillaume où le besant sert de monnaie internationale, avec laquelle le roi Louis achète Renouard à des marchands (v. 3534). Comme dans la Chanson de Roland où Blancandrin promet à Charlemagne des besants de bon aloi (besanz esmerez, v. 133). Le besant est presque le symbole de la convoitise des Francs de la première croisade pour l'or. Chez les chroniqueurs des croisades il figure avec l'or et l'argent dans l'inventaire des butins. Tudebode raconte qu'après la prise de Ma’arrat (juin 1098), les croisés ouvraient les corps des musulmans tués parce que ceux-ci avalaient leurs besants pour les soustraire à leur avidité54. Une autre monnaie d'or - arabe celle-ci - est désignée dans le Roman de Thèbes par le mot "marabotin" (v. 7264), issu de l'adjectif arabe murābiṭi, qualifiant les Almoravides et désignant une pièce d'or frappé par les Almoravides55, équivalant au dinar et représentant quatre grammes d'or56.
18Dans trois cas où, dans le Roman de Thèbes, l'or remplit sa fonction de valeur d'échange : 1/ l'expédition de ravitaillement des Bougres57, 2/ la famine dans le camp argien58, 3/ la proposition de Daire à Polynice de lui racheter son fils prisonnier59, c'est à l'intérieur d'épisodes dont les chansons de geste ne donnent rien d'équivalent et que J.J. Salverda de Grave fait remonter à des événements de la 1ère croisade60. Dans ces trois exemples l'or est lié à l'expérience vécue par les croisés en Orient, aux échanges historiques qui y ont eu lieu (ravitaillement de l'armée, pénurie de vivres, rançon des prisonniers). Il est associé mentalement par le poète à l'Orient.
19Il n'en est pas autrement des descriptions que nous propose le roman. L'appartement d'Adraste, par sa décoration de gemmes et d'or61, la troisième porte de Thèbes, par ses arcades de mosaïque et d'émaux62, se rattachent à l'art décoratif de l'Orient byzantin. Par ces descriptions Le poète continue peut-être une tradition épique antérieure, transmise par le Voyage de Constantinople où sont décrits le palais de l'empereur de Constantinople (v. 344-351) et la chambre où, Charlemagne est conduit (v. 420-423). Mais il fait sans doute aussi état d'informations actuelles et vivantes. Si nous datons le Roman de Thèbes des années 1150-1160, c'est quelques années avant, en 1147, que le chroniqueur bénédictin Eude de Deuil, accompagnant comme chapelain Louis VII à la croisade, vit de ses propres yeux, à Constantinople, le palais des Blachernes qu'il nous décrit avec émerveillement : "Partout des peintures d'or, le sol - chef d'œuvre de goût - est revêtu d'un pavement de marbres de toutes les couleurs et je ne sais ce qui lui donne le plus de prix ou de beauté : l'habileté technique ou la richesse des matériaux"63. Monnaies byzantines ou musulmanes, tractations liées à l'expérience de la croisade, descriptions inspirées par l'art byzantin : ces indices situent en Orient l'or du Roman de Thèbes.
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20L'intérêt de notre romancier se porte enfin vers un domaine qui ne préoccupe nullement le poète latin : les techniques de l'orfèvrerie. Stace vante la perfection d'une coupe ciselée64, d'un bouclier d'or gravé65. Mais c'est la scène représentée, non le travail du métal qui l'intéresse.
21L'auteur du Roman de Thèbes précise la nature du travail : or fondu66, or ciselé67, or "batu"68, or niellé69, "or fin trifuire"70, c'est-à-dire or incrusté d'émaux, or "musique" ou mosaïque d'or71. Or "esmailliez"72. Emaux précieux des statues de Mars et de Vénus73. Admettons avec Faral que la mappemonde et le char d'Am-phiaras aient leur modèle dans les Métamorphoses d'Ovide. En indiquant la nature du travail de l'artiste, "or trifuire" ici, mosaïque d'or là, le romancier marque ces emprunts de son sceau.
22De son sceau, mais d'abord du sceau des poètes épiques. Nous pourrions supposer que notre romancier reprend une série de "topoi" épiques. Mais cela n'est vrai qu'en partie. Il est le premier à parler d'or "musique". Avant lui l'émail n'est attesté qu'une fois dans Le voyage de Charlemagne.
23L'intérêt de l'auteur du Roman de Thèbes pour l'émail n'est sans doute pas fortuit. S'il est vrai que l'on pratiquait depuis longtemps déjà en Occident l'art des émaux, c'est au xiie siècle que l'émaillerie, avec les ateliers de Limoges et les ateliers mosans, connut vogue et rayonnement74. C'est précisément à l'époque de notre roman que se produisirent deux faits propres à intéresser aux émaux un esprit curieux. Entre 1151 et 1160, est figurée pour le mausolée de Geoffroy V Plantagenet, l'effigie émaillée de ce prince75. Le 20 avril 1147 le pape Eugène III consacre pour la basilique royale de St-Denis une grande croix d'or chargée d'émaux commandée par l'abbé Suger à une équipe d'émailleurs76. Loin d'être un "topos", l'or émaillé mentionné par le romancier montre l'intérêt de celui-ci pour l'actualité contemporaine.
24Quant à l'autre mention : celle de la mosaïque d'or, elle prouve une nouvelle fois sa curiosité pour l'Orient. En effet malgré quelques pénétrations de la technique de la mosaïque dans l'art carolingien77 et dans l'art roman78, celle-ci a toujours été ressentie comme typiquement orientale79. Quand notre romancier parle d'or "musique", il se transporte ailleurs, vers les églises d'Italie ou de Syrie que la civilisation byzantine, avant de se replier sur elle-même, avait revêtues de mosaïques, vers les palais siciliens ou vers les églises et les palais de Constantinople.
25Il n'est pas sûr enfin que, lorsque notre romancier fait allusion aux émaux, son regard ne se porte pas aussi sur l'Orient byzantin, qui, au xiie - siècle, continuait à proposer ses modèles aux émailleurs d'Occident. Dans le Voyage de Charlemagne l'émail décore un lit byzantin80. André Grabar a montré que la période qui va de la 2ème moitié du xiie siècle au début du xiiie, correspond, à Constantinople, à l'essor le plus brillant de l'orfèvrerie et des émaux. C'est l'époque où, pour l'émaillerie, l'influence diffuse de l'art byzantin contemporain est prête à atteindre son summum en Occident81. C'est aussi l'époque où les chefs d'œuvre de l'art byzantin sont surtout introduis en Occident par les pèlerins, les croisés et les marchands82. Dans son inventaire des émaux du Moyen Age, Marie- Madeleine Gauthier perçoit presque toujours pour cette période la marque d'une influence byzantine83 Le regard des émailleurs d'Occident se porte vers l'Orient comme vers la patrie des émaux. Comment notre romancier ne regarderait-il pas de ce côté ?
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26Il serait imprudent de vouloir, à partir de l'étude limitée d'un thème, situer l'ensemble du Roman de Thèbes par rapport à sa source latine principale84, par rapport à ses antécédents épiques, par rapport au genre romanesque enfin. Il est clair pourtant que, au fur et à mesure de notre étude, l'auteur du Roman de Thèbes nous a paru de moins en moins tributaire de son modèle latin, ne lui empruntant que quelques traits appartenant au décor habituel de la royauté ou à la toilette. Il doit beaucoup aux chansons de geste : il étend l'utilisation de l'or, comme parure des chevaliers, à un grand nombre d'armes ; il attribue à l'or le même rôle que dans les chansons de geste où, distribué, convoité, accepté ou refusé il permet à l'homme d'affirmer sa liberté et de se révéler à lui-même et aux autres. Il donne à l'or une fonction sociale et morale conformes à l'idéologie chevaleresque telle qu'elle a été récemment définie par Micheline de Combarieu85. Nos conclusions rejoignent celle d'Alexandre Micha qui affirme que "la matière... du Roman de Thèbes reste épique86 et celle de J. Ch. Payen qui a montré la persistance chez le romancier de valeurs propres à la caste chevaleresque87.
27L'auteur développe deux éléments déjà en germe dans la matière épique : d'abord la fascination de l'Orient et de ses richesses, ensuite la tendance à introduire dans la légende épique ou antique des situations historiques appartenant à un passé récent ou à l'actualité. Mais dans le Roman de Thèbes ces deux éléments sont plus faciles à cerner à la fois dans le temps et dans l'espace. On découvre un auteur réceptif aux événements contemporains, ouvert aux préoccupations artistiques du milieu du xiie siècle, curieux des choses de l'Orient byzantin. Ceci n'est pas sans conséquence sur la nature même de l'œuvre. Car, avec l'importance accrue d'une actualité plus ou moins travestie, des descriptions d'objets, des techniques, le réel accède "au rang d'objet romanesque" et "le dynamisme inventif d'une sensibilité avide de vrai" infléchit "la fiction gratuite"88 vers le genre proprement romanesque.
Notes de bas de page
1 Cf. Dictionnaire des Symboles sous la direction de Jean Chevalier, Laffont 1969.
2 Statius, Thebais, ed. A. Klotz, Teubner, Leipzig- Berlin, 1908, I, v. 540-541.
3 Theb. I, 144.
4 Ibid., I, 521.
5 Ibid., I, 149-150.
6 Ibid., XI, 402.
7 Ibid., VI, 548.
8 Ibid., IV, 132, e t c…
9 Ibid., V, 187-188.
10 Ibid., VIII, 565-566.
11 Ibid., VI, 193.
12 Ibid., IV, 389.
13 Ibid., II, 238.
14 Le Roman de Thèbes, publ. par Guy Raynaud de Lage, CF.M.A., Paris, Champion, 1966, II, v. 9174-78.
15 La Chanson de Roland, traduction, préface, notes et commentaires par Pierre Jonin, Gallimard 1979, v. 3494.
16 Psaume CXV, versets 4 à 7.
17 R. de Th., 8602.
18 Ibid., 911.
19 Ibid., 998-999.
20 Ibid., 925.
21 Ibid., 4067.
22 Théb., V, 228.
23 Ibid., IV, 265.
24 Ibid., IX, 332. Seul Atys fait exception, sa mère Atalante ayant enrichi d'or son carquois, ses flèches, son baudrier, ses brassards, pour qu'il parût digne de sa fiancée. (Théb. VIII, 564-67).
25 R. de Th., 2989, 4782, 6265, 6227, 6233, 6219, 6335, 4079, 3565, 5787, 9035.
26 Rol. 91, 345, 466, 621, 684, 966 etc…
27 R. de Th., 1822.
28 R. de Th., 6214.
29 Ibid., 6233.
30 Ibid., 5787.
31 Ibid., 1822, 7856.
32 Ibid., 83.
33 Le Couronnement de Louis, éd. par E. Langlois, C.F.M.A., 1925, v. 442, 1427, 1444.
34 Le Voyage de Charlemagne, publ. par P. Aebischer, T.L.F., Droz-Minard, 1965, v. 314.
35 Ibid., v. 78, 84, 86, 220.
36 Ibid., v. 221-223.
37 Cour. Louis, v. 238.
Le Charroi de Nîmes, ed. par J.L. Perrier, C.F.M.A., 1963, v. 727.
38 Rol., 645, 652.
39 Ibid., 398.
40 La Chanson de Guillaume, publ. par D. Mc. Millan, Picard, Paris, 1948, v. 2470, 2475, 2479.
41 Gormont et Isembart, ed. par A. Bayot, C.F.M.A., 1931, v. 495.
42 Cour. Louis, 1823.
43 Rol., 75.
44 Cour. Louis, 2261.
45 Ibid., 1483.
46 Rol., 32, 185, 645.
47 Ibid., 516, 621, 652.
48 Cour. Louis, 442.
49 Ibid., 520.
50 Ch. Guill., 1381-89.
51 R. de Th., 6840 ss.
52 Voy. de Ch., 27, 284-301, 343.
53 Ch. Guill., 2470, 2476.
Cour. Louis, 2261.
Charr. de N., 654.
54 Recueil des Hist. des Croisades, Hist. occ, t. III, p. 94.
55 W. Von Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch, 19 Band. Orientalia p. 131.
56 Nous devons ce renseignement à M. J. Gautier Dalche.
57 R. de Th., 6960 ss.
58 Ibid., 7261-64.
59 Ibid., 7355 ss.
60 J.J. Salverda de Grave : Recherches sur les sources du Roman de Thèbes, dans Mélanges Maurice Wilnotte, Paris, Champion, 1910, t. II, pp. 595- 618.
61 R. de Th., 906-908.
62 Ibid., 5431-32.
63 Eudes de Deuil. La croisade de Louis VII, roi de France, publ. par H. Waquet, Paris, Lib. Paul Geuthner, Paris, 1949, p. 45.
64 Theb., I, 540-541.
65 Ibid., IV, 132-33
66 R. de Th., 9174
67 Ibid., 7435-36.
68 Ibid., 4226.
69 Ibid., 3201, 6268.
70 Ibid., 5009.
71 Ibid., 4243, 5433.
72 Ibid., 5433.
73 Ibid., 9175.
74 Marie Madeleine Gauthier, Emaillerie mosane et émaillerie limousine aux xiie et xiiie siècles. Dans l'Art mosan, journées d'étude, Paris, fév. 1952, pp. 130-133.
75 Marie Madeleine Gauthier, Emaux du Moyen Age, Office du Livre, Fribourg, 1972, pp. 81 à 84.
76 Ibid., pp. 122-123.
77 Erich Kubach et Victor H. Elbern : L'art de l'empire au début du Moyen Age, : Les arts carolingiens et ottoniens, Paris 1973, pp. 116-117.
78 Emile Mâle, Arts et artistes du Moyen Age, Paris 1927, pp. 39 à 69.
79 Paul Deschamps et Marc Thibout : La peinture murale en France. Le Haut Moyen Age et l'époque romane, Paris 1951 p. 8.
80 Voy. de Ch., 429. Li peculsunt d'argent et l'es-punde d'esmal.
81 André Grabar, Orfèvrerie mosane. Orfèvrerie byzantine dans L'Art mosan, o.c. p. 121-122.
82 Ibid., p. 123.
83 Marie-Madeleine Gauthier, Emaux du Moyen Age, o. c, p. 84, 88, 96, 99, 102, 120, 123-124, 129.
84 L.G. Donovan, Recherches sur le Roman de Thèbes, SEDES, Paris, 1975. p. 21-22, p. 61.
85 Micheline de Combarieu, L'idéal humain et l'expérience morale chez les héros des chansons de geste des origines à 1250, Publications de l'U-niversité de Provence, Aix - Paris, 1979, I, p. 25-28.
86 Alexandre Micha, La couleur épique dans le Roman de Thèbes, dans Romania, 91, 1970, p. 160.
87 J. Ch. Payen, Structure et sens du Roman de Thèbes. dans : Le Moyen Age, 76 (1970), pp. 493-513.
88 Nous empruntons ces trois formules à Henri Coulet, Le Roman jusqu'à la révolution, t. I, p. 11.
Auteur
Université de Provence
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