L'enfant dans les romans de Tristan en France et en Allemagne
p. 253-268
Texte intégral
1L'importance accordée à l'enfance dans la littérature est un phénomène moderne, cependant, dans les romans, français ou allemands, de Tristan, l'enfant apparaît dans deux domaines :
- du fait que ces oeuvres sont des romans biographiques, les poètes nous content les enfances du héros (Prose, Eilhart, Thomas suivi par Gottfried) ; Gottfried nous relate aussi l'instruction d'Isolde et fait des remarques sur l'enfant.
- puis l'enfant nous est présenté dans certains textes (ms. 103 de la Prose française, Bilhart, Heinrich von Freiberg) en relation avec l'amour, comme complice des amants.
2Nous considérerons successivement1 :
- Les "enfances" de Tristan, en limitant notre étude à l'éducation de l'enfant dans les différents romans conservés (Prose, Eilhart, Gottfried).
- L'éducation de la jeune fille selon Gottfried.
- Gottfried et l'enfance.
- L'enfant et l'amour.
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I.- L'éducation de Tristan
3Dans tous les romans, cette éducation se fait, selon un schéma traditionnel au Moyen âge, en deux étapes : elle est d'abord confiée aux femmes, puis commence l'éducation proprement dite du futur chevalier.
1) Première enfance
4Dans le roman d'Eilhart, c'est Rivalin qui confie son enfant chéri à une nourrice qui l'élève jusqu'au jour où il peut monter à cheval (121/5).Dans la Prose, Governal qui a la garde de l'enfant depuis sa naissance, fait "querrir norice por li alaiter et por faire tel norrature come a tel enfant apartient" (239,8-9). Gottfried, chez qui c'est Floraete, la femme de Rual, qui s'occupe de Tristan avec grande sollicitude (2045/55) précise qu'elle en use ainsi avec lui jusqu'à sa septième année (2057), âge auquel il peut comprendre ce que disent les gens et comment ils se comportent (2058/9).
2) L'éducation du futur chevalier
5Le romancier résume cette éducation en quelques lignes. Pour préserver la vie-menacée-de son jeune élève, Governal l'emmène en Gaule, son pays natal, pour qu'il y apprenne "a servir et a cortoier et coment hauz hom et gentils nom se doit maintenir" (261,7-8). En fait, il est seulement dit un peu plus loin qu'il apprend à jouer aux échecs et aux tables, si bien qu'à l'âge de 12 ans il est un jeune homme accompli (263,1-6).Ensuite Governal et Tristan se rendent au pays du roi Marc sans qu'il soit précisé que c'est pour parfaire son éducation. Il demeure à la cour de Marc jusqu'à 16 ans (286, 12-13) : il est preux et vaillant et ne saurait tarder à être armé chevalier (286, 13/8). L'arrivée de Morolt est l'occasion de cet adoubement. On le voit, le prosateur, qui fait un tableau très schématique de l'éducation du héros, n'y trouvait aucun intérêt. Au contraire, Eilhart apporte tout son soin à la description de l'instruction de Tristrant.
6Il est dit de façon explicite que l'écuyer Kurneval, auquel le héros est confié dès qu'il est en âge de monter à cheval, doit lui enseigner les règles de la courtoisie (130/1).
7Puis le poète nous donne un tableau complet et détaillé de l'éducation chevaleresque et courtoise de Tristrant, dont il dit lui-même qu'elle est parfaite : "Jamais on ne vit, avant ou après lui, enfant mieux enseigné" (134/5).
8L'éducation musicale vient en premier lieu (132/3 "Il apprit à l'enfant à jouer de la harpe et à chanter" (H), "à jouer de la harpe et à faire résonner les cordes"(D)) - l'éducation musicale figure chez tous les témoins en vers du Roman de Tristan-. Ensuite viennent les jeux et les ébats avec d'autres enfants (138/9). Tristrant ne vivra pas en vase clos : il ne restera pas, tel Alexandre, complètement isolé. Le précepteur ne suffit pas : Eilhart ajoute le contact avec les autres, ce qui est nouveau dans la littérature du Moyen âge. Peut-être l'auteur de Graf Rudolf, oeuvre écrite entre 1170 et 11852 et qui présente une éducation courtoise (celle d'un personnage secondaire, Appollinart) offrant des points de ressemblance avec le Tristrant sans qu'on puisse dire que l'un dépend de l'autre3, a-t-il lui aussi pensé à cet enrichissement de la personnalité par la vie en compagnie d'enfants du même âge, en effet il dit brièvement : Ɣb 24 "daz kint spilete unde [was fro"). Ce trait existait-il dans le modèle d'Eilhart ? S'agit-il d'une addition ? On ne peut le savoir : ni la Saga issue du poème de Thomas (S), ni Gottfried n'en parlent, en Sir Tristrem, issu lui aussi du poème de Thomas (Ε XXVI) on lit cette phrase ambiguë : "diejenigen, welche bei ihm waren, freuten sich sehr über ihn, den tüchtigen ; seine kräfte begann er zu zeigen gegen sie, wenn er lust hatte"4. Mais il s'agit sans doute d'exercices physiques, tel la lutte, plutôt que de jeux d'enfants.
9Eilhart insiste ensuite sur les exercices physiques que doit faire son jeune héros. Tristrant doit être agile des mains et des jambes, projeter des pierres au loin, courir, lutter et lancer le javelot (140/6). Plus tard, Tristrant l'emportera dans ces jeux sur tous les autres chevaliers (7738 sqq.). Les jeux chevaleresques ne viennent chez Eilhart qu'en quatrième position : Kurneval apprend à son élève à chevaucher en portant l'écu tel un chevalier (148/9). Appollinart, lui, doit pratiquer le be-hourd en se couvrant de son écu (Ɣb 18 "behurdiren mit deme schilde" : notons que ce terme de "behurdiren" attesté dans König Rother, composé entre 1150 et 1160, est inconnu d'Eilhart. Tristrant s'exerce de plus à frapper l'ennemi de son épée. Exercices physiques et apprentissage chevaleresque font partie traditionnellement de l'éducation du futur chevalier : bien qu'omis par la Saga (Ε XXVI fait seulement une vague allusion aux premiers), ils devaient tous deux exister chez Thomas et dans l'Estoire, modèle commun de Thomas et d'Eilhart. Mais l'adresse physique ne suffit pas à faire d'un homme un chevalier. Après l'éducation chevaleresque physique vient l'apprentissage de la courtoisie et de la perfection morale (il n'est dans le Tristrant nullement question des. disciplines intellectuelles autres que la musique). Le jeune héros doit se montrer prodigue de ses biens, vertu royale par excellence (songeons aux vers célèbres de Walther von der Vogeluweide : 19, 23 "Denk an den milten Salatin :/der jach dez küneges hende dürkel solten sîn" :"Pense au généreux sultan Saladin : il disait que les mains d'un roi devaient être percées") : dans le Tristrant comme dans Graf Rudolf, la mention de cette vertu morale qu'est la "milte", la largesse, est unie à la rime avec celle d'une aptitude physique, ce qui en montre l'importance : Eil. 147 Rud. Ɣb 18 er lert in ouch sin milt g]e vuge behurdiren mit deme Schilde, und mit dem schilt ze rechte [wesen mil]de. ritterlichen riten. 32
daz er sich [oüch d]ecke mit meschilde,
dar zu wesen milde.
10Tristrant doit apprendre à parler en homme bien élevé (H 153), avec courtoisie (D), il ne doit jamais manquer à sa parole ou mentir ; il lui faut être loyal, sincère, fidèle, droit, on doit pouvoir compter sur lui ; bref, il doit avoir toutes les qualités que renferme le terme aux résonances si multiples de "triuwe" (getruw, 159). Nous découvrons ensuite chez Eilhart un trait d'une importance capitale : alors que dans Graf Rudolf on ne demande à l'adolescent que de rechercher la compagnie des dames et de se montrer bien élevé en leur présence (Ɣb 36/8), Tristrant doit non seulement observer les bonnes manières, agir avec discernement, sans jamais faillir en excellence (160/2), mais aussi "s'empresser à servir les dames de son bras et de ses biens, avec bonne humeur" (163/5). L'amour, cependant, la "Minne", ne fait pas encore partie du programme d'éducation courtoise de Tristrant. Seule est mise en évidence la vertu éducatrice du service de la dame qui prélude au rôle que joue la dame elle-même dans le plein épanouissement moral de l'homme : l'éducation passe par les devoirs à rendre à la femme qui devient le centre de la société. Cet aspect ne figure chez aucun autre témoin de la légende de Tristan. Toutes les qualités physiques, morales et sociales qu'on exige du parfait chevalier, peuvent être résumées par le terme de "zuht", c-à-d. la bonne éducation (166/7 "mit vliß lern/stät in gůtter zucht wesen" : "applique-toi à apprendre à faire constamment preuve de bonne éducation")."Die zuht" s'identifie à "die hovescheit" (D 172), c-à-d. la courtoisie, "die wisheit" (H 171), la sagesse dans l'acception la plus large du terme, "ère" (137), l'honneur pris au sens de considération sociale, "tugent und er" (174), vertus courtoises et sens de l'honneur, qui, comme l'écrit M.A.Moret5, sont les biens les plus élevés dans le domaine moral comme dans le domaine social". Mais si le jeune homme doit tendre vers la courtoisie, il doit également haïr "all boußhait" (H 172 et 181, D 179), c-à-d. toute action peu digne, toute mesquinerie, ou "dy unkuscheit" (D 172), l'action irréfléchie. Et il est remarquable que les deux termes de l'opposition soient placés à la rime "unkuscheit" et "hovescheit" (D),"boußhait"et "wÿshait" (H) -le poète voulait les mettre en évidence-, tout comme dans Graf Rudolf Ɣb 28/9 "hovischeit" et "dorpericheit" (courtoisie et vilenie)-on trouve cette opposi-aussi notamment chez Thomas, Sneyd1, 243/4 "E tant demandent vilanie /Qu'il obtient corteisie"- :
11H 171 er lert in grŏß wÿshait D he lert im manchir hovescheit und verbot im all boußhait. und ledete im nu dy unkuscheit. Rud. wîsen [zu der hov]ischeit und leide ime die dorpericheit.
12Cependant, Graf Rudolf est plus moderne dans le choix du vocabulaire : en effet, il emploie le terme de "dorpericheit" qui prévaudra dans la littérature courtoise sous la forme de "dörper-heit" qu'on trouve par exemple dans l'Iwein de Hartmann (v.7121 "daz si die dörperheit vermiten") et chez Walther (51,24 "âne dorperheit").
13Il va sans dire que dans tous ces domaines, Tristrant est un élève appliqué (182/4).
14Enfin, dans le Tristrant, un voyage à l'étranger vient terminer et couronner l'éducation du héros. C'est Kurneval, le précepteur du jeune homme, qui lui conseille de solliciter du roi, son père, l'autorisation de se rendre dans un autre pays. Tristrant, dont on fait toutes les volontés dans son pays (197-210), doit avoir à affronter "déconfort et rudes épreuves" (188/9) et prendre connaissance d'autres moeurs pour être ensuite bien armé devant la vie (211/9). Tristrant va donc à la cour de Marke, auquel, comme dans la Prose, il propose ses services : Marke le confie à Tinas, prince de Cornouailles et écuyer-tranchant du roi, qui poursuivra l'éducation du héros jusqu'à l'adoubement, à l'occasion comme dans le Roman de l'arrivée de Morolt (les vers 346-350b sont parallèles à la Prose 286, 13/8). Si le voyage à l'étranger faisait sans doute partie de l'éducation du héros dans le premier roman de Tristan -nous y reviendrons-, en revanche le rôle joué par Tinas qui parachève l'éducation du héros, ne figure nulle part ailleurs dans la tradition : est-ce une addition d'Eilhart ? Nous sommes loin de la vie recluse des autres adolescents, que ce soit Alexandre ou même Appollinart. Un nouvel idéal s'exprime : Tristrant qui, dès son enfance, vivait au contact d'enfants de son âge, est lancé dans le monde. Après les années d'apprentissage viennent les années de voyage. La formation de Tristrant aura donc été faite en trois étapes : d'abord par les femmes, puis par Kurneval, enfin par Tinas. C'est l'intervention d'un personnage extérieur à l'action qui consacre le passage de Tristrant à l'âge adulte et lui permet d'accéder à la dignité de chevalier.
15C'est parce que, grâce à cette éducation, le héros incarne à la perfection l'idéal chevaleresque que par la suite Isalde l'aimera (2422 ss, notamment 2429 ss.) et qu'il sera haï à la cour de Marke (3805 ss.).
16Il importait essentiellement au poète allemand d'instruire ses auditeurs : c'est ce qui explique pourquoi il a brossé un tableau aussi complet de l'éducation du jeune garçon. Cette veine "didactique" édifiante se manifeste également plus tard dans le célèbre appel aux jeunes gens -au sujet duquel nous avons émis l'hypothèse qu'il avait été substitué à l'épisode de la harpe et de la rote6- et où le poète oppose "bosheit" à "vromigheit" (3110/2 "Eh bien ! jeunes gens, songez à être valeureux et méprisez la mesquinerie") : en faisant de Tristrant le porte-drapeau des vertus courtoises, il indique la ligne de conduite que doivent suivre tous les jeunes gens et expose son programme pédagogique (3113 ss.) où est exprimé dans toute sa concision l'idéal courtois résumé dans le Reichston de Walther (8,14 ss.) : au sommet de la hiérarchie se trouve Dieu, puis viennent l'honneur et les biens matériels.
17Dans le poème de Gottfried, le tableau de l'éducation du héros est moins complet que chez Eilhart.
18C'est à l'âge de sept ans que Tristan est confié à un "homme d'expérience"(2061) : c'est Kurvenal qui ne sera nommé qu'au vers 2265. S et Ε omettent ce trait qui remonte à Thomas puisqu'il figure dans la Prose et chez Eilhart.
19Au contraire du poème de son prédécesseur, l'éducation de l'enfant est chez Gottfried essentiellement intellectuelle : l'enfant part avec son précepteur à l'étranger pour y apprendre les langues étrangères. Ce trait, absent de S qui signale seulement que Tristan apprend les langues étrangères (XVII), était peut-être chez Thomas puisqu'un voyage à l'étranger est également inclus dans le programme d'éducation du Tristrant d'Eilhart. Certes les motivations et les modalités, de même que l'époque choisie pour ce séjour (au début de l'éducation, et non à la fin), diffèrent ; mais on pourrait trouver la raison de ces divergences dans le fait que Thomas a profondément modifié le début de l'oeuvre en élargissant considérablement l'histoire des parents du héros et qu'il prête au père des détails que le modèle donnait au fils, notamment le voyage en Cornouailles (Rivalin se rend à la cour de Marc afin d'accroître son renom, de parfaire sa culture courtoise et polir ses manières (S I-II, G 457/9). C'est aussi à l'étranger, où il demeure jusqu'à l'âge de 14 ans (2131) que Tristan reçoit tout son enseignement : outre les langues, il étudie avec grand zèle les livres (2090/5) -cet aspect, présent en Ε XXVI et en S XVII où il apprend les 7 arts, ainsi que dans l'Alexanderlied (V 175 et S 205)7, est totalement omis par Eilhart et l'auteur de Graf Rudolf-, et la musique (2095/9) -ce dernier trait figure en S XVII où l'enfant apprend les 7 branches de la musique, chez Eilhart, donc chez Thomas et dans l'Estoire, modèle commun de Thomas et d'Eilhart, de même que dans l'Alexanderlied (V 177-182 et S 207-212).
20Viennent ensuite l'éducation physique et l'apprentissage chevaleresque de Tristan (2103/16), qui devaient exister chez Thomas. Tristan apprend de même à berser et à chasser, art dont il fera la démonstration à la cour de Marke (2843 ss.). L'éducation courtoise du héros à laquelle S XVII fait allusion (Robert signale sa noblesse de coeur, sa largesse, sa courtoisie, son beau maintien) et qui devait être esquissée par Thomas et le poète de l'Estoire (Eilhart l'aurait développée et systématisée) est escamotée par Gottfried : peut-être le sujet était-il épuisé par Thomas et Gottfried aura renoncé à faire mieux, ou voulait-il ne pas se répéter, car il décrit l'éducation courtoise d'Isolde ? Il se borne à dire que son héros excellait en toutes sortes de divertissements courtois (2121/2) et à vanter son esprit et son maintien (2127). Enfin, sans qu'on puisse dire qu'il s'agit d'une addition, Gottfried fait voyager Tristan, rentré à 14 ans en Parmenie, à travers tout son royaume pour qu'il fasse la connaissance du pays, de son peuple et de ses coutumes.
21Ainsi décrit-il longuement l'instruction du héros, et à la suite de Thomas, il fait aussi un tableau de l'éducation d'Isolde, ce qui nous permet de nous faire une idée de ce que pouvait être l'instruction d'une jeune princesse au Moyen âge - bien que l'image de cette éducation soit très certainement idéalisée -.
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II.- L'éducation de la jeune fille selon Gottfried
22Gottfried nous décrit cette éducation en deux étapes :
- la première étape, qui n'est mentionnée ni par Sir Tristrem (il est néanmoins dit en Ε CXV qu'avant l'arrivée de Tristan, elle aimait lire et écouter de la musique), ni par la Saga, est peut-être de l'invention du poète strasbourgeois qui avait la volonté de prêter à cette description la même structure qu'à celle de l'éducation du héros et de nous faire le portrait d'une jeune fille parfaite : elle commence au moment où Isolde est capable d'apprendre "des mains et de la bouche" (7723/4) et elle est assurée par la mère d'Isolde, mais essentiellement par un précepteur, un clerc, qui avait déjà enseigné la reine Isolde dans toutes sortes de nobles disciplines et lui avait appris toutes sortes de connaissances rares (7712/3) sans plus de précisions. Gottfried nous montre ce précepteur "expert en plus d'une science et en plus d'un art" (7700/1), "habile à jouer de toutes sortes d'instruments à cordes" (7702/3)8, connaissant les langues étrangères (7704) et au fait des beaux usages et des manières de la cour (7707). Il enseigne donc à la jeune Isolde les livres et les instruments à cordes (7726/7).
- la seconde étape est assurée par Tristan lui-même lors de son premier séjour en Irlande. Gottfried suit le texte de Thomas puisque ce trait figure aussi bien en S XXX qu'en Ε CXV et dans la Folie Oxford issue du poème de Thomas (361/2). Cependant, alors que dans la Saga et peut-être chez Thomas, c'est le héros qui, à la demande de la jeune fille, lui enseigne à jouer de la harpe, à écrire des lettres et à faire de la poésie (il lui apprend aussi à jouer d'autres instruments et lui enseigne toutes sortes d'arts), chez Gottfried elle sait ces choses avant l'arrivée de Tristan (7846/50 et 7979/97) : à la demande de la reine et en échange des soins qu'elle lui dispense, il s'occupe de parachever son éducation. Dans ce perfectionnement -qui dure une demi-année (8030) et comporte l'approfondissement des disciplines apprises précédemment (7998-8001)-, l'éducation courtoise et l'apprentissage de la perfection morale jouent un rôle éminent : Gottfried l'appelle "moraliteit" (8004), qui, selon sa propre définition, est "l'art qui enseigne les bonnes moeurs" (8005) et nous apprend "à être agréables à Dieu et au monde" (8013).
23Gottfried résume en quelques vers toute l'éducation de son héroïne, qui donne à la cour de son père une démonstration de ses talents : 8132 "C'est ainsi que la belle Isolde, grâce à l'enseignement de Tristan, avait fait de grands progrès. Sa disposition d'esprit était charmante, ses manières et son comportement parfaits ; elle savait très joliment jouer des instruments à cordes, avait nombre de talents, savait composer poèmes et chansons, polir admirablement ses compositions, elle savait écrire et lire." (Ajoutons à ce tableau la parfaite connaissance des langues étrangères).
24Cette éducation exemplaire que Gottfried décrit avec grand soin, fait de la princesse Isolde l'égale de Tristan, de la femme l'égale de l'homme.
25Non seulement Gottfried trace un double tableau de l'éducation de l'enfant, mais il exprime aussi des idées personnelles sur l'enfant et son instruction.
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III.- Gottfried et l'enfance
26Quand Tristan est abandonné sur un rivage désert par les marchands norvégiens qui l'ont enlevé à ses parents adoptifs, Gottfried, à la suite de Thomas (cf. Ε XXXVI et S XX), nous le montre en proie au désespoir. Cependant le poète strasbourgeois commente : 2482 "Or, que fit Tristan ? Tristan l'exilé ? oui. Hé bien ! il s'assit et se mit à pleurer : car, quand il leur arrive quelque chose, les enfants ne savent que pleurer." Hartmann, certes, dit la même chose des femmes (Erec, 5764/9), ce qui irait dans le sens d'une féminisation de l'enfant qui, comme l'a dit ici même Béatrix Vadin il y a deux ans9, se définit dans le Lancelot en prose "suivant les mêmes critères esthétiques" que la femme ; cependant, on peut penser également que, par ce bref commentaire, Gottfried veut montrer que Tristan, bien que "surdoué" au point de vue intellectuel -c'est ce que souligne d'ailleurs le poète dans un autre commentaire qu'il fait au moment où Tristan rencontre les deux pélerins et leur conte qu'il a perdu ses compagnons de chasse : 2693 "Tristan était très réfléchi et ingénieux pour son âge", qualités qu'il mettra en évidence dans la suite du récit (ainsi aux vers 2734/40)- est sur le plan affectif un enfant comme tous les autres.
27Et surtout Gottfried fait le procès de l'éducation telle qu'elle est dispensée aux jeunes enfants : l'éducation est un carcan imposé aux enfants dès l'âge de 7 ans, qui leur ravit leur liberté, les accable de soucis et flétrit toute leur joie : 2068 "C'est la première fois qu'il quittait sa liberté : il se joignit à la troupe des pesants soucis, qui jusque là lui avaient été cachés et épargnés. Dans les années de pleine floraison, alors que la félicité tout entière allait pour lui s'épanouir et qu'il allait entrer avec joie dans l'aurore de sa vie, la meilleure part de sa vie lui fut enlevée : alors que pour lui les joies commençaient à fleurir, le gel des soucis vint s'abattre sur lui, qui cause dommage à mainte jeunesse et flétrir la fleur de ses joies. Avec sa première expérience de la liberté, toute sa liberté était anéantie : l'étude des livres et sa discipline rigoureuse furent le début de ses soucis". Ce passage qui se distingue par son style richement orné (notamment par une accumulation d'abstraits-concrets, c-à-d. d'abstraits placés dans un contexte qui appellerait un concret, ornement facile nommé determinatio dans les Arts Poétiques), est sans nul doute une addition de Gottfried qui tenait peut-être à laisser libre cours à une rancoeur, longtemps refoulée, contre un mode d'éducation dont il aurait eu lui-même à souffrir.
28Il est un second domaine où l'enfant apparaît dans le Roman de Tristan : c'est celui de l'amour.
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IV.- L'enfant et l'amour
29C'est dans l'épisode de la Folie que chez Eilhart et dans le ms.103 de la Prose française un enfant joue le rôle de complice des amants - rôle que Heinrich von Freiberg, qui a utilisé le Tristrant10, développe ensuite (son oeuvre date de 1300). Il s'agit du neveu de Tristan, dont Eilhart et 103 parlent après la bataille du héros contre les ennemis du prince breton11 :
30Eil. 8654 ss. "Un enfant était venu avec lui de son pays, c'était le fils de sa soeur ; il l'aimait beaucoup, et à bon droit. Un jour, le preux héros partit à cheval à la chasse au faucon et l'enfant était avec lui."
31103, p. 375 (Bédier, T. II) : "Or dit le compte que Tristan et son nepveu s'aloient ung jour esbanoiant sur la marine." Dans les deux textes, le héros se plaint de ne pouvoir revoir sa bien-aimée et c'est son neveu qui lui suggère de se déguiser en fou : en effet, la blessure qu'il a reçue lors de la bataille l'a tant défiguré que nul ne peut le reconnaître : Eil. 8695 "Le petit enfant lui répliqua : "Tu n'auras pas meilleure occasion de la voir à loisir que maintenant. "-"Comment cela serait-il possible ?"-"Tu es bien différent de ce que tu étais naguère : tes cheveux sont entièrement tondus. Quiconque t'a connu auparavant ne peut savoir qui tu es, à moins qu'on lui dise ton nom. Maintenant, plein de ressources comme tu es, bien vite, vas-y seul, revêts une gonelle et comporte-toi comme un fou : les espions penseront alors que tu es un singe amusant. "
32103, p. 375 "Ha ! sire, pour Dieu", fait son nepveu, "ne vous esmaiés, car trop mieulx y parlerons que oncques mais ; car vous me ressemblés mieulx sot, ad ce que vous estes tondu et a la playe que vous avés au visage, que nul homme qui soit." - "Me dis-tu voir ?" fait Tristan. "Certes, sire, "dit le varlet, "oyl."
33Et Eilhart de nous montrer la joie de Tristrant qui remercie son neveu de tout coeur et l'embrasse affectueusement ; le héros met ensuite dans les deux textes son projet à exécution. L'accord entre Eilhart et 103 prouve que ce rôle de l'enfant comme complice des amants se trouvait dans l'archétype, leur modèle commun.
34Ce rôle est considérablement élargi dans le Tristan de Heinrich von Freiberg, où il apparaît tout au long de l'action. Il est présenté aux vers 2695 ss. "ein urkleinez kindelîn,/ daz was sun der muomen sîn/und was Tantrîsel genant". Il faut donner à "muome" non le sens de "Mutterschwester" (tante), mais de parente du côté maternel, en effet au vers 3274 l'enfant est qualifié de "nëve", c-à-d. de "neveu", et celui-ci appelle Tristan "ohem" (oncle) -ainsi aux vers 4721, 4741, 5072, 5081, 5091, 5100-. De plus, Heinrich est le seul de toute la traditon du Tristan à donner un nom à cet enfant : Tantrisel. Le très jeune garçon entre en scène dans l'épisode des faulx, où il renseigne le héros sur l'ordonnance de la chambre royale pour lui permettre d'aller rejoindre sa bien-aimée pendant la nuit (2684/9). Cependant, le service rendu par Tantri-sel est contrecarré par les précautions prises par le roi Marke qui a fait installer dans la chambre un madrier hérissé de faulx (2702 ss.) auxquelles le héros se blesse quand il va retrouvé Isôt selon un scénario que Heinrich a emprunté à Eilhart12.
35Après l'épisode des faulx, Tristan obtient la permission de rester à la cour de Marke et Tantrisel sert alors d'intermédiaire entre les amants : il est le messager du héros auprès de la reine et permet ainsi aux amants de se retrouver en secret (3016-25). Cependant, malgré la grande discrétion de l'enfant, ils sont trahis et dénoncés au roi (3033/44). Quand, après avoir été pris en flagrant délit avec la reine, Tristan, condamné à mort sur la roue, s'est échappé en sautant par la fenêtre de la chapelle, Tantrisel est là avec Kurvenal pour l'attendre -à tout hasard- avec ses armes et son destrier, dans l'espoir qu'il pourra s'enfuir (3202/19). C'est lui qui ensuite révèle à Tristan qu'Isôt n'est gardée devant le bûcher que par le "potestât" et quelques sbires (3284/6), Marke est parti en effet à la poursuite du héros : Tantrisel redonne espoir à Tristan qui va délivrer sa bien-aimée avec l'aide de Kurvenal ; puis ils rejoignent Tantrisel qui faisait le guet (3299-3301 et 3313/5). Ils fuient ensuite tous ensemble dans la forêt, où Tantrisel partage avec Kurvenal l'existence des amants (Heinrich dit que ceux-ci ont un plat de plus, l'Amour, 3372/80). Six mois après, un jour que Tristan et son écuyer sont partis à la chasse et qu'Isôt cueille des fleurs avec Tantrisel, Marke survient et c'est encore grâce à l'enfant, dont le poète vante la sagacité (3466) que la reine peut organiser une mise en scène afin d'abuser le roi et de le convaincre de son innocence (3468-3525). Marke se jette à ses pieds et lui demande pardon, tandis que Tantrisel tient son cheval par la bride, puis retourne avec elle à Tintajôl. L'enfant s'enfuit, prévient Tristan, qui doit partir : il emmènerait bien son neveu, mais celui-ci a été vu par Marke et Tristan ne veut pas éveiller ses soupçons. Tantrisel retourne donc auprès d'Isôt pour lui annoncer le départ de son ami pour Arundel (3667/71) : il sera désormais le fidèle compagnon de la reine.
36Dans l'épisode de la Blanche-Lande, lors du retour de Tristan qui doit se justifier devant Kaerdin de ne pas avoir consommé son union avec Isôt aux Blanches Mains (comme chez Eilhart, il affirme que la reine traite un chien mieux que son épouse le traite, lui), Tantrisel, de nouveau, joue son rôle d'intermédiaire entre les amants : il est chargé de ramasser la brindille que Tristan jette sur le chemin pour indiquer sa présence à Isôt qui descend de cheval et caresse le chien (4318, 4380/3, 4555/9). Ensuite Tantrisel va dire à Tristan de la part d'Isôt de venir la rejoindre quand lui-même sonnera du cor (4715/29). Tout se passe comme prévu (4763). Quand, juste après l'épisode du Coussin enchanté, Tristan, gravement malade, se trouve chez Tinas à Litan, Tantrisel vient régulièrement demander de ses nouvelles et par son entremise Isôt lui envoie des remèdes (5045/61). Puis vient l'épisode de la Folie où comme chez Eilhart (nous avons là une preuve de plus que Heinrich connaissait et utilisait Eilhart, en effet ce rôle de l'enfant manque chez Ulrich von Türheim, son autre modèle), Tantrisel donne à son oncle qui se plaint de ne pouvoir revoir Isôt avant son départ du pays (5070/80), le conseil de se déguiser en fou. Sur quoi, Tristan revêt son déguisement de fou et se rend à Tintajôl où Tantrisel avertit Isôt de l'identité du bouffon (5253/5). Le neveu du héros intervient une dernière fois dans l'action après l'épisode de la Folie pour préserver l'honneur de la reine et prendre la défense du fou (5634/41).
37Nombreux sont les neveux dans la littérature épique et courtoise au Moyen âge13, le caractère d'enfant de l'amour est attaché à deux d'entre eux, Roland et Tristan, le héros principal de notre roman ; cependant aucun ne joue le rôle de complice de l'amour qui est celui du neveu de Tristan. D'autre part, ce neveu est un tout petit enfant (Eil. 8695 "dz kindlin", Heinrich 2695 "ein urkleinez kindelin", 5253 "kindel Tantrîsel"). On peut donc s'interroger sur le rôle joué par cet enfant. Toutes les explications sont évidemment hypothétiques : on peut en voir plusieurs.
38On sait que le Dieu de l'Amour est représenté dans la mythologie grecque (Eros) et latine (Cupidon) sous l'aspect d'un enfant, apparemment innocent. Selon Properce (Elégies, 2, 12), "celui qui, quelqu'il soit, a peint l'Amour sous les traits d'un enfant, n'était-il pas, que t'en semble, un merveilleux artiste ? Il a vu le premier que les amants sont gens dépourvus de raison et qui, à de vains soucis, sacrifient de grands biens."
39De plus, dans l'Enéide (Livre I), Cupidon, prenant les traits du fils d'Enée, Iule, autre nom d'Ascagne, un enfant, inspire à Didon un grand amour pour Enée. Cette scène a été reprise et modifiée par l'auteur du Roman d'Eneas (écrit entre 1150 et 1160) : Venus qui "ot d'amor la poësré" (769), donne par un baiser à Ascanius le pouvoir d'inspirer l'amour à Didon et à Enée quand ceux-ci à leur tour embrasseront l'enfant (770-822). Ce serait alors dans le Roman d'Eneas que l'auteur du premier roman de Tristan, dont on peut supposer qu'il a subi son influence, notamment dans le monologue d'Iseut, aurait puisé l'idée de l'enfant en relation avec l'amour ; mais ici l'enfant éveille à son insu l'amour dans le coeur des héros : il n'est qu'un instrument entre les mains de Vénus, alors que dans le Tristan, il est le complice, tout à fait conscient et actif, de l'amour.
40Doit-on alors faire le lien avec le fait qu'en latin puer signifie aussi "jeune esclave". Or, c'est un lieu commun de la poésie amoureuse comme de la comédie que les esclaves étaient les complices de leurs jeunes maîtres et favorisaient leurs intrigues amoureuses, en portant des messages, des cadeaux etc.... Le motif aurait ici aussi une origine savante. Ou encore doit-on voir l'origine de ce rôle de complice de l'amour donné à l'enfant dans le fait qu'au Moyen âge l'enfant n'a pas de statut social, n'a pas de rôle social : il n'est pas considéré comme une personne, il est dépourvu de toute personnalité, il est en quelque sorte hors de la société ; et ce serait alors parce qu'il se situe en dehors des structures de la société que le neveu de Tristan, un tout jeune enfant, sert d'intermédiaire entre Tristan et Iseut, qui, eux aussi, de par leur amour adultère, se sont mis en dehors de la société : l'exclu aide d'autres exclus.
41Et pourquoi ne pas voir tout simplement dans cet enfant, neveu de Tristan par sa mère, comme Tristan est neveu de Marke par sa mère, un double de Tristan ; c'est ce qu'aurait parfaitement compris Heinrich von Freiberg : Heinrich, qui à partir de l'épisode de la Folie aura développé le rôle du neveu de Tristan comme complice des amants, lui donne en effet le nom de Tantrisel, diminutif du surnom de Tristan en Irlande, Tantris. Image réduite de Tristan, enfant de l'amour, le neveu favorise les amours de son oncle.
42Quoi qu'il en soit, l'enfant, être innocent par excellence, celui qui ne connaît pas le mal, qui n'est pas corrompu par le mal qu'est la société selon une interprétation rousseauiste, purifie en quelque sorte l'amour en servant spontanément d'allié aux amants qui s'opposent à la société (Heinrich, par ailleurs, semble admettre, comme c'était le cas dans l'Estoire14, que les amants sont justifiés par Dieu (3342/5)15.
***
43Chez les témoins conservés du Roman de Tristan, l'enfant est d'une part objet d'éducation : comme plus tard au 16 ème siècle avec Rabelais et Montaigne, il apparaît essentiellement comme un objet à éduquer. En effet, les poètes de Tristan font un récit plus ou moins détaillé de l'éducation du héros (Thomas et Gottfried ajoutent celui de l'instruction d'Isolde) jusqu'à l'âge où l'enfant s'intègre à la société, au monde des adultes. Parmi ces poètes, Eilhart se distingue par une veine didactique édifiante qui n'existe chez aucun autre témoin avec tant d'acuité. Gottfried, lui, prend au contraire, quelque peu ses distances vis-à-vis de l'éducation que subissaient de son temps les petits enfants. D'autre part, être pur par excellence, il contribue fortement par son rôle spontané de soutien des amants que lui prêtent 103, Eilhart et surtout Heinrich von Freiberg, bien que celui-ait face à Tristan et Isolde une attitude ambiguë16, à purifier l'amour et à innocenter les amants. Ainsi, bien que, si l'on fait abstraction des Enfances, l'enfant ne soit jamais personnage principal, il a dans le Roman de Tristan une place importante, il joue un rôle déterminant tant dans le déroulement de l'intrigue que pour la signification de l'oeuvre. Et si l'on songe que pour le Moyen âge l'enfant n'a pas d'existence, on peut se demander si la littérature ne serait pas en avance sur les moeurs.
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DISCUSSION
Antoine TAVERA
44Vous avez attiré notre attention sur le fait que l'éducation musicale est la toute première dans le Tristan d'Eilhart, et dans celui de Gottfried également. C'est un détail qui me semble très intéressant, par l'importance qu'il confère à cet art pour l'homme d'alors. On sait que si l'on veut former un "instrumentiste" de mérite, il faut commencer très tôt...
Michel MANSON
45Le petit enfant qui favorise l'amour entre Tristan et Isold vous a fait penser à Cupidon qui, sous les traits d'Ascagne, participe au repas de Didon, à Carthage, dans l'Enéide. En fait ce rapprochement est plus pertinent encore qu'on pourrait le penser tout d'abord. On a pu prouver qu'il existait dans la Rome républicaine des pueri minuti, esclaves ou libres, dans les familles aristocratiques et à la cour impériale sous les Julio Claudien, qui servaient au double but de réjouir par leur présence, leur babil et leurs jeux (Suétone montrant Auguste se délassant à jouer avec eux) et de participer aux intrigues amoureuses (cf Catulle, etc.). Il y a donc là, plus qu'un thème littéraire, une réalité sociale qui implique un certain sentiment de l'enfance primitif, celui où les adultes sont charmés par les petits enfants (le mignotage d'Ariès), mais où, dans le même temps, ils transforment en objet de leur plaisir ces enfants dont ils ne respectent pas l'innocence qui les amuse. A la fin du ier s. ap. J.C., et au iie s., les moralistes s'indigneront contre ceux qui ne respectent pas l'innocence des enfants. Un pas de plus venait d'être franchi à Rome dans l'histoire de l'enfant. Reste à peser ce que nos textes médiévaux nous apprennent sur cette histoire quand ils utilisent l'enfant dans ce rôle d'"entremetteuse".
Notes de bas de page
1 Les éditions consultées sont : Le Roman de Tristan en prose, T.1, éd. par R. L. Curtis, Munich, Max Hueber, 1963. (Mme. Curtis a transcrit le ms. C de Carpentras ; les parties anciennes consignées ds. le ms.103 de la BN ont été transcrites par J. Bédier dans le 2ème vol. de son ouvrage : Le Roman de Tristan par Thomas, Paris, 1905). Eilhart von Oberg, Tristrant, éd.et trad.en fr.mod.par D. Buschinger, Göppingen, Kümmerle, 1976. Gottfried von Straßburg, Tristan, éd.par F. Ranke, Berlin, Weidmann, 1963. Heinrich von Freiberg, Tristan, éd. par R. Bechstein, Leipzig, 1877, reprint Rodopi, Amsterdam, 1966.
2 Graf Rudolf, éd.par Ρ .F. Ganz, Berlin, Schmidt, 1964.
3 Ρ. F. Ganz, op.cit., p. 20.
4 Tristrams Saga ok Isondar, éd.et trad. en all.mod. par Ε. Kölbing, Heilbronn, 1878. Sir Tristrem, éd.et trad. en all. mod.par E. Kölbing, Heilbronn, 1882.
5 Wolfram von Eschenbach, Parzival, Morceaux choisis, par A. Moret, Paris, Aubier, 1953, p. 32.
6 D. Buschinger, Le Tristrant d'Eilhart von Oberg, Paris, Champion, 1975, pp. 530/1.
7 Alexanderlied, éd.par K. Kinzel, Halle, 1884.
8 Nous citons pour Gottfried notre traduction à paraître au Kümmerle Verlag de Göppingen.
9 Exclus et systèmes d'exclusion dans la littérature et la civilisation médiévales, Paris, Champion, 1978, p. 377.
10 cf. notre article A propos du TRISTAN de de Heinrich von Freiberg, Et. germ. , janv. mars 1978, 129, XXXIII, pp. 53-64.
11 D. Buschinger, Le Tristrant...., op.cit., pp. 804 ss. Thomas évoque ce neveu à l'issue du premier voyage de Tristan en Cornouailles. Nous avons émis l'hypothèse (Le Tristrant..., o.c., pp. 808/9 et 830/6) que c'est à ce moment que le héros, effectuant un séjour dans son pays natal pour investir Kurneval de son héritage, en aurait ramené son neveu. Eilhart qui modifie son texte, puisque toujours selon notre hypothèse, il aura déplacé la visite que Tristrant fait dans le Lohnois, n'aura pas parlé du neveu là où sa source le faisait, ce qui l'entraîne à commettre une maladresse par la suite : en effet, on ignore quand Tristrant a ramené ce jeune garçon, et seule la trace qui subsiste chez Thomas (Douce 726/8 "E si s'en vet vers sa cuntree, /Trove son nevu qui l'atent, /E passe mer al primer vent" (éd. B. Wind, Genève, Droz, 1960)) de cet épisode peut nous éclairer sur ce point. Le ms. 103, quant à lui, n'en aura pas fait mention non plus, tant le fatras d'interpolations masque le texte original.
12 cf. notre article cité, pp. 63/4.
13 Reto R. Bezzola, Les neveux, dans Mélanges....offerts à Jean Frappier, Genève, Droz, 1970, pp. 89-114.
14 cf. D. Buschinger, Le Tristrant...., pp. 546/559.
15 cf. notre article dans Actes du Colloque sur Littérature et Société, La légende de Tristan en Allemagne après Eilhart et Gottfried : quelques jalons, Paris, Champion, 1978, p. 46.
16 cf. La légende de Tristan en Allemagne....., p. 47.
Auteur
Université de Picardie
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