Pour en finir avec le diable médiéval ou pourquoi poètes et théologiens du moyen-âge ont-ils scrupule à croire au démon ?
p. 401-425
Texte intégral
1Beaucoup d'intellectuels, trop sensibles au prestige sulfureux du satanisme, s'intéressent - de loin - au Diable avec une curiosité amusée ou provocatrice, en tout cas suspecte. le Diable, parait-il, fait problème, et de manière si urgente qu'il a été choisi comme (beau) sujet du présent colloque. Il est vrai que le Diable est une grande figure médiévale siégeant au tympan ou sur les chapiteaux des églises. Il est vrai aussi que peu après l'an mil, Raoul le Glabre le voit partout, et qu'au xve siècle, les diableries constituent des attractions majeures dans le mystère. Hais mon propos présent est de démontrer qu'au moins au xiie et au xiiie siècles, on se passe très bien de Satan qui gênerait plutôt les moralistes et les théologiens. L'avènement, au début du xiie siècle, d'une éthique de l'intériorité, insistant sur la responsabilité de l'individu, contraint les philosophes et même les poètes à d'autant plus occulter sa puissance qu'ils ont tendance à expliquer l'existence du mal ici-bas par d'autres raisons que celles qui relèvent encore d'une sorte de dualisme sommaire. Le démoniaque est alors relégué dans une fonction pour ainsi dire subalterne : il relève d'un pittoresque monstrueux qui prête plus au sourire qu'à la crainte ; il participe d'un héritage que l'on n'ose tout à fait renier ; il concourt à cette dialectique de récupération et de réticence qui caractérise l'attitude des auteurs à l'égard de la culture populaire et du folklore. Ce sont ces différents points que je voudrais aborder, avec la claire conscience qu'une si vaste étude ne saurait, dans le cadre présent, qu'en rester à l'état d'ébauche et de problématique.
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2Il n'est pas aisé de procéder à une analyse par définition négative, lorsqu'il s'agit de rédiger une sorte de constat d'absence. Le Diable intervient toujours d'une façon ou d'une autre dans les textes médiévaux, ne serait-ce qu'à travers les jurons, les comparaisons ou plus généralement la présence d'une tradition qu'on ne saurait négliger sans enfreindre l'enseignement de l'Eglise. Car la croyance au Diable se fonde sur l'Ecriture Sainte (il s'identifie au serpent de la Genèse, il intervient dans le livre de Job et dans les Evangiles). Ajoutons le poids des superstitions, ou plus simplement les hallucinations suscitées par les ténèbres, la sous-alimentation (ou l'abus du jeûne mortificatoire), voire le simple impact sur l'imagination d'histoires fantastiques colportées par les conteurs ou les ser-monnaires : tous ces éléments concourent à faire du monde infernal une réalité presque familière, qui déferle dans un texte comme le De Vita Sua de Guibert de Nogent1.
3Il ne s'agit donc pas de nier que les gens du Moyen-Age roman aient cru au Diable. Celui-ci est un personnage obligé de bien des récits édifiants : exempla ou miracles le font intervenir volontiers, de façon d'ailleurs optimiste, puisque ses victoires sont de fausses victoires et qu'il est toujours vaincu in extremis2. On le décrit moins volontiers, parce qu'il n'est pas simple de lui donner un visage : le tentateur ne doit pas être identifié par ses victimes, et les contes de la Vie des anciens pères sacrifient peu au fantastique auquel se complaisent les sculpteurs de portails et de chapiteaux3. Mais il s'agit d'une littérature au service d'une propagande en faveur de la contrition dont la première démarche est la crainte salutaire. Satan est paradoxalement un auxiliaire commode pour le prédicateur ou le confesseur ; mais il gêne les moralistes et les encombre au point qu'ils omettent de le faire intervenir, parce que la conquête de l'autonomie est un triomphe sur soi-même et non la défaite d'un adversaire (effectivement désigné en langue d'oïl par les termes d'anemi ou d'aversier) dont la puissance sur les âmes pourrait être contradictoire avec une authentique revendication de liberté.
4C'est pourquoi le seul constat possible est un constat d'absence. Le Diable, chez un poète comme Chrétien de Troyes, n'est présent que dans des formulations toutes faites et n'intervient presque jamais comme actant. Son effacement est l'indice d'une conception prérationaliste de la dignité humaine, et l'on y devine tout un humanisme (au sens propre de philosophie dont le centre est l'homme) qui tend à prévaloir au xiie siècle et qui s'impose au xiiie malgré les apparences.
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5Il se passe au début du xiie siècle une sorte de révolution dans la théologie et la philosophie. Au moment même où l'Occident passe d'une shame culture à une guilt culture4, l'accent est mis sur la responsabilité individuelle et sur la subjectivité. En même temps que les clercs redécouvrent l'importance de la dilectio dans le mariage, ils insistent sur l'intentio mala dans la faute5. D'Yves de Chartres à saint Anselme et Abélard, prend forme une morale plus intérieure où la personne se révèle entièrement responsable de sa chute. Mais c'est en quelque sorte éliminer partiellement le diable, qui cesse d'être la cause majeure du mal et du péché.
6L'exemple le plus frappant de cette évolution est le système théologique de saint Anselme. Pour celui-ci, le mal est un moindre être, sinon un non-être, dans la mesure où il ne peut se définir que négativement (comme l'absence de bien). Saint Anselme s'inscrit dans la ligne d'un platonisme strict, c'est-à-dire d'une philosophie de la transcendance excluant tout dualisme. L'humanité a péché à travers Eve et Adam, mais elle n'est pas pour autant tombée sous la domination d e Satan. La théorie des "droits du Démon" est une aberration, dans la mesure où le Diable n'a jamais eu de droit sur les hommes, pas même celui de torturer les damnés : c'est l'humanité qui, par la chute, a mérité un châtiment dont l'enfer n'est que le lieu matériel6. La rédemption n'est pas autre chose que la réparation nécessaire d'une offense énorme : elle rétablit l'"honneur de Dieu", c'est-à-dire la seigneurie quasi féodale de Dieu sur la création : tel est le sens du Cur Deus Homo. Mais cette réparation s'accomplit, pour ainsi dire, au seul niveau de la justice. Le Diable, dans l'affaire, n'est qu'un instrument, dont on pourrait à la rigueur se passer7. Le pécheur n'est pas coupable d'avoir écouté le tentateur, mais d'avoir mal usé de sa liberté. Il a cédé à la facilité, et fait mauvais usage d'une liberté qui n'est véritablement entière que lorsqu'elle se confond avec la volonté de Dieu. La mala voluntas est une volonté déviée dont le choix a pour effet d'enfermer l'individu dans sa finitude. La bona voluntas au contraire apporte au même individu l'infinité de la plénitude divine.
7Le De Casu Diaboli (qui nomme le Diable à travers des expressions euphémistiques)8 traité de la déchéance des mauvais anges en termes de liberté. La perversion de leur volonté les a dépouillés à jamais de leur perfection initiale. Ils ont acquis par leur orgueil une nature éternellement mauvaise. Mais ils ne sauraient incarner un mal dont l'essence est toute négative9. Et à aucun moment du traité il n'est dit qu'ils aient plein pouvoir de corrompre l'homme : ce que signifie implicitement ce silence, c'est que le pécheur est en quelque sorte coupable de sa propre damnation. La grâce lui est au contraire offerte à profusion pour l'aider à se racheter10 ; libre à lui de l'accepter ou de la refuser, sans qu'il soit en aucune manière déterminé par les puissances maléliques. En face de la tentation, la personne est entièrement autonome et responsable. Et cette foi dans le libre arbitre est telle que saint Anselme ne parle pour ainsi dire jamais du péché comme conséquence d'une tentation. Ou plutôt, il n'est en définitive pour lui qu'une seule tentation (dont il omet de dire qu'elle peut procéder du Malin) : celle de la facilité qui consiste à faire mauvais usage de sa volonté : philosophie volontariste radicalement opposée à tout manichéisme, et qui tend à éliminer de la vie spirituelle toute pesanteur démoniaque.
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8Je n'ai pas loisir de m'étendre ici sur ces autres théologiens de la responsabilité que sont Abélard ou Hugues de Saint Victor. J'ai parlé ailleurs des doctrines qu'ils ont adoptées sur la faute et la rédemption11. Je me suis naguère expliqué sur les correspondances qui existaient entre ces doctrines et le message des textes romans : il est peu probable que Béroul ou Chrétien se soient inspirés directement d'Abélard ou des Victoriens, et il est au contraire très vraisemblable que les analogies entre les penseurs médiolatins et les romanciers en langue d'oïl relèvent d'une identité dans les structures mentales12, la culture médiévale découvre l'intériorité et traduit cette découverte, par le canal de l'écrit, selon des versions théologiques et selon des versions poétiques. Reste qu'il n'y a pas de diable dans le Tristan de Béroul, et qu'il n'y en a pas beaucoup dans les autres romans bretons du xiie siècle. Chez Chrétien de Troyes, le nombre de références diaboliques est assez infime. La rivière qui coule sous le pont de l'épée ressemble à un fleuve infernal13 parce qu'elle est aussi un Styx au-delà duquel s'étend l'autre monde, mais le royaume de Gorre est devenu une marche rebelle, et les épreuves qui le rendent difficilement accessible sont des aventures et non des sortilèges14. Quant aux netuns que doit affronter Yvain pour libérer les captives du Chateau de Pesme Aventure15, s'ils remontent étymologiquement au Neptune de la mythologie (et les dieux antiques sont considérés au Moyen-Age comme les avatars des démons), ils ne participent du Diable qu'à demi, parce qu'ils sont les fils d'une mortelle et d'un incube. Enfin, dans le Conte du Graal, ce n'est pas au terme d'une tentation que Perceval oublie Dieu, mais seulement parce qu'il s'est dispersé dans ces activités mondaines que sont les tournois et plus généralement la quête de la vaine gloire.16 Il n'y a pas de mauvais anges dans l'univers arthurien tel qu'on se le représente autour de 1180.
9La merveille ne vient pas de mauvaise part. Sans doute est-on en droit de s'interroger lorsqu'on est confronté au bestial ou au monstrueux ; mais le gardien d'animaux sauvages qui guide Calogrenant, puis Yvain vers la fontaine de Barentin détrompe ses interlocuteurs et leur affirme : "Je suis un homme".17 Il participe de la civilisation chrétienne au même titre que les incarnations de la merveille : si l'oiseau faé d'Yonec, lorsqu'il se transforme en beau chevalier, provoque chez la mal mariée un mouvement de doute et de recul, l'angoisse de la dame est vite dissipée, quand elle voit son futur amant recevoir le corpus Dei.18 De même, Désiré se repent d'avoir soupçonné son amie la fée d'être un être diabolique lorsqu'elle communie à ses côtés pour lui prouver son innocence19. L'autre monde ne redevient maléfique, à l'occasion, que plus tard, au xiiie siècle. Ou à l'extrême fin du xiie siècle, s'il faut en croire le Merlin de Robert de Boron.
10Mais ce texte même est assez ambigu. On se souvient de son début, de ce conseil des démons où est décidée la naissance de l'Antéchrist. Puis les efforts des incubes pour susciter cette naissance sont déjoués les uns après les autres, jusqu'au moment où les plans infernaux sont mis définitivement en échec : la vierge qui enfantera Merlin est trop sainte et trop sage pour que son fils hérite d'une nature mauvaise. Je vois dans ce passage à la fois une concession à une tradition dont Robert de Boron ne pouvait faire fi, et l'occasion d'une verve qui participe et du fabliau et de l'exemplum, dans la mesure où l'on rit volontiers d'histoires où le Diable est bafoué20. Mais ensuite, il n'est plus d'intervention diabolique dans le Merlin, et le roman évolue vers la chronique pure et simple des origines arthuriennes. L'imaginaire démoniaque n'est pas encore à l'honneur : il s'en faut de quelques années.
11Car la situation n'est plus la même au début du xiiie siècle. Le diabolique est fréquent dans le roman en prose, et je renvoie sur ce point à un très bon travail de Robert DESCHAUX sur la Queste del Saint graal21. Mais entre temps, et très vite, l'attitude des romanciers à l'égard du merveilleux s'est profondément transformée, parce qu'ils ont perdu l'ingénuité primitive. Ils ont adopté la prose pour être plus crédibles : l'autre monde leur est devenu suspect, et s'ils ne peuvent renoncer à relater des aventures, celles-ci sont désormais liées à des malédictions : ainsi de la tombe ardente ou de la fontaine qui bout22. Les fées elles-mêmes se dépouillent de leur lumière : voici Morgue lubrique, jalouse et méchante23, et Viviane perfide, encore que sa répulsion à l'égard de Merlin tienne aussi à une inquiétude avouée devant la science mystérieuse de l'enchanteur24. Ceci dit, même dans ces œuvres où la merveille est de plus en plus liée au maléfice, le Diable est un peu superfétatoire, et l'on a un peu l'impression, en lisant la Queste, qu'il est l'instrument d'un fantastique assez facile, mais non l'agent actif du mal le plus profond. Ce qui a perdu Lancelot, ce n'est pas Satan, mais Guenièvre. La tentation suprême est celle de l'amour courtois, que l'on n'ose pas ouvertement, sauf une fois, présenter comme un piège du malin25. Galaad, Christ chevalier, ne se retire pas quarante jours dans le désert et n'a pas à affronter le prince de ce monde. La Queste exprime une conception de la faute et du salut qui rend l'individu responsable : c'est en définitive l'homme qui se perd et non l'anemi qui le perd. Hais l'action du Démon est mise en échec par la liberté active de l'individu, lorsque cette liberté accepte de s'ouvrir à la grâce divine, qui intervient sans cesse pour empêcher la chute26, le message de la Queste est que Satan n'est pas si redoutable, pourvu que l'on ne désespère point - et dans l'épisode où Bohort est affronté à la désespérance, c'est le remords d'avoir négligé de secourir son frère Lionel qui le précipite au bord de l'abîme : le faux ermite qui tente de l'acculer au suicide n'est là que pour envenimer la plaie vive qui le déchire27. Le Diable pèse sur la balance, mais celle-ci n'a préalablement basculé : qu'à cause de notre propre faiblesse.
12L'anemi ne fait qu'enfoncer le clou. Quand il y parvient ! Car dans ce combat entre ombre et lumière, l'ombre est vaincue d'avance. Lucifer, en face de Dieu, ne fait pas le poids. Pas de manichéisme dans cette théologie implicite de la grâce. Le mal est d'abord la faiblesse de la créature, oui explique le déchaînement de la violence. Les chevaliers périssent parce qu'ils ont failli à leur vocation spirituelle : c'est ce qui rend coûteuse la poursuite du Graal. Mais sa conquête aura pour effet la fin des aventures et donc des maléfices. Comme ni satanisme et merveilleux tendaient de plus en plus à se confondre…
13La fin des aventures : La Mort le Roi Artu se déroule dans un imaginaire crédible, et la merveille n'y intervient qu'à l'occasion (lorsqu'arrive la nef funèbre de la demoiselle d'Escalot, mais c'est une martyre de l'amour, et le miracle s'inspire alors de toute une hagiographie)28. Le mal, dans la Mort le Roi Artu, procède des seules passions humaines, et d'abord de la jalousie et de la haine. Ce qui perd le royaume arthurien, c'est l'imprudence des amants, la rancœur du roi, la guerre qui oppose à Lancelot tout le lignage de Gauvair., et le caprice de fortune, oui bascule de sa roue celui qu'elle vient d'élever au pinacle. Car le roman en prose est en train de substituer au sortilège la notion antique de Destin.
14Il n'est plus de diable dans le Tristan en prose29 et dans le Huth Merlin, Satan n'est pour rien dans les catastrophes qui déferlent. Si le coup douloureux est porté, qui dévaste la Terre Gaste, c'est parce qu'une incroyable fatalité s'acharne sur le pauvre Balain oui n'en peut nais30. Ananké contre Lucifer - mais ce n'est par ainsi qu'il faut poser le problème : tout se passe plutôt comme si les romanciers ne pensaient même plus au Diable et avaient fait le pas décisif qui consiste à penser le mal en fonction de la seule finitude humaine. L'individu n'est même plus tout à Sait responsable : c'est la force des choses qui fait que rien ne va plus.
15Le xiiie siècle oublie un peu de croire au Démon. Le Prince de ce monde s'efface devant Fortune, qui régit l'instabilité d'ici-bas. L'espace sublunaire est le lieu de la mutabilitas et donc de la fragilité. Selon Jean de Meung, les désordres de la nature re doivent rien aux forces infernales, et les mauvais anges ne suscitent pas les calamités : c'est une erreur que de lire leur action à travers le déchaîner : nt de l'orage ou les fureurs de la tempête31. De même, les maux que l'homme attire sur sa tête ne sont pas suscités par le testateur : c'est parce qu'il ne respecte pas la mesure et cède à des passions excessives que l'individu se perd et se détruit32. La diablerie est-elle donc reléguée dans les limites du seul enfer ! Même pas ! Car cet enfer est si ironiquement mythologique que l'on er vient à se demander si le poète adhère encore à cette croyance33. Jean de Meurg répugnerait-il à l'idée de damnation ? Ne sont réprouvées que les brebis noires, exclues du paradis de Gérius pour avoir manqué à l'observance des lois de Nature, mais elles sont rejetées dans un ailleurs sur lequel, prudement, le poète n'ose s'attarder.34
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16Le xiiie siècle est mal à l'aise en face du fantastique. Il s'efforce donc soit de le conjurer, soit de l'occulter. L'un des refuges littéraires où le diabolique trouve un asile est malgré tout l'aventure sulfureuse, où sa présence bénéficie d'un prétexte poétique, je veux dire dans l'évolution tardive du roman arthurien en vers, qui reste ouvert à l'angoisse rocanbolesque. Ici, l'Atre périlleux, où Gauvain doit débarrasser un cimetière maudit d'un sinistre démon qui le hante35, ou encore les Merveilles de Rigomer, où les chevaliers d'Arthur sont un instant affrontés à de redoutables moines dont le visage et la bure ont les couleurs des ténèbres36. Mais ce sont des textes d'arrière garde, assez marginaux par rapport aux grandes Œuvres, d'où le Diable est exclu. Intervient-il chez Jean Renart ? le trouve-t-on dans la Châtelaine de Vergi ? St que dire de l'enfer selon Aucassin, qui est l'endroit où l'on rencontre le beau monde ?37
17Le démon, fait-il encore peur ? Quand il n'est pas l'héritage obligé d'une tradition folklorique (je pense au motif du diable constructeur de pont), il participe cependant d'une culture assez populaire, lorsqu'il apparaît comme un personnage dont on vient facilement à bout. Il est la dupe universelle, celui dont se moquent certains fabliaux (je pense au Pet au Vilain de Rutebeuf, où on le voit très embarrassé pour recueillir l'âme d'un être aussi répugnant qu'un paysan mal dégrossi, et le titre de l'œuvre suffit à faire deviner quel est le dénouement de l'histoire)38. Il s'avère ridicule jusque dans le Miracle de Théophile, où il surgit furieux d'avoir été dérangé par le juif Salatin39, puis essuie une défaite lamentable devant la Vierge Marie. Où est l'adversaire redoutable, celui qui déjoue les plans les plus subtils, celui qui conduit le bal éternel du malheur et de la haine ? Peut-être, malgré tout, faut-il le chercher dans le théatre. Le Diabolus du Jeu d'Adam manifeste son envergure dans l'ambiguïté de son discours à Eva ; cet hymne prodigieusement lyrique à la féminité véhicule dans sa poésie toute une tentation courtoise - mais ce satanisme est pour ainsi dire impur, dans la mesure où il traduit moins le frisson de la conscience inquiète devant un mystère redoutable que la fascination du poète en face d'une beauté charnelle dont il connait les pièges. Diabolus incarne alors le désir et traduit une sorte de malaise fondamental.
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18Omar Khayyam a écrit : "Le Ciel et l'enfer sont en toi" et cette sentence sert d'exergue au Portrait de Dorian Gray. Les gens du Moyen-Age Occidental ne vont pas si loin et ne doutent pas de ce qu'on leur présente comme des vérités spirituelles, mais ils sont peut-être plus sensibles qu'on ne le pense à l'idée qu'en définitive, les démons les plus effroyables sont les démons intérieurs. Ceux-là n'ont ni pied fourchu, ni cornes, ni fourche fumante. Ils n'ont rien de surnaturel quand ils émergent des profondeurs de l'être : ils expriment la faiblesse de l'individu, ses aspirations secrètes, sa soif de bonheur malgré tout. Ce sont eux oui prennent chair, par commodité, dans les contes dévots, parce qu'il est facile d'expliquer la défaillance d'un saint ermite eh suscitant devant lui un être qui prenne en charge la tentation ; le diable fait alors l'économie de bien des discours intérieurs auxquels répugne l'écriture sobre des conteurs édifiants ; et puis il vient de tout un passé, de toute une tradition léguée par les Vitae patrum et enrichie par l'apport successif de folklores divers. On s'attend donc à le trouver là, bien à sa place, pour manifester l'éclat d'une conversion d'autant plus méritoire que le pécheur a été victime d'une chute fracassante. Satan n'intervient que comme repoussoir. Il ne prend formé que pour recevoir des coups.
19Le Diable au xiiie siècle ne serait, en définitive, que l'antagoniste obligé de la grâce dans les exempla. Au moins joue-t-il alors un rôle actif. Ailleurs, il ne figure qu'au magasin des accessoires, et ses victoires se comptent sur les doigts. Les vrais damnés sont rares dans la littérature médiévale, et encore a-t-il fallu, pour qu'ils méritent la mort éternelle, qu'ils y mettent du leur.40 La croyance au Diable ne serait-elle pas, en définitive, rassurante ? Mieux vaut, après tout un mauvais ange qui n'est pas si difficile à berner, que la figure de Fortune aveugle, muette et sourde. Le mal n'est désespérant que lorsqu'il n'est plus de conjuration possible, et le rationalisme qui se fait jour après 1200 inaugure peut-être, pour la pensée humaine, l'ère de la résignation.
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DISCUSSION
20R. Ménage : La terreur de la damnation est dans tout le Moyen Age un sentiment commun à presque tout le peuple et à presque tous les grands. L'excommunication est une arme la plupart du temps redoutée et efficace, malgré son abus. On voit un sire du Giac, au xv° siècle, que l'on se dépêche d'occire pour qu'il n'ait pas de chance d'échapper à l'enfer. Les images que l'on se fait du diable ou des diables ne sont pas à séparer du sentiment -que le Moyen Age n'est pas seul à connaître- d'une vie dont nous avons la responsabilité et de la souffrance que nous causent nos limites, nos erreurs et nos faiblesses. Cela s'appelle l'angoisse ou le désespoir. Dès lors, la discrétion des grandes œuvres, que vous avez si bien mise en lumière, fait réfléchir sur la fonction de la littérature la plus élaborée de l'époque. He choisit-elle pas d'instinct d'échapper à l'étreinte du mal en fabriquant un monde un peu à part, moins déchirant, imprégné d'idéal, exaltant l'homme ?
21Ph. Ménard :
- L'argument de l'absence ne semble pas pertinent. L'absence du diable dans un texte romanesque ne signifie pas que l'on cesse de croire au diable. La littérature arthurienne met en œuvre une autre mythologie et traduit des valeurs mondaines et courtoises. Pour déceler une évolution dans la croyance au diable, il fallait regarder d'autres textes où le diable intervient fréquemment : les exempla, les vies de saints, les miracles de la Vierge.
- Comment croire à une disparition du diable, alors qu'il joue un rôle essentiel dans la théologie chrétienne ? Le diable incarne la force mauvaise. Il apporte une explication au troublant problème du mal. Si l'on supprime le diable, il n'est pas facile d'expliquer la présence du mal. On déclare alors que l'homme est la cause du mal ou que Dieu envoie le mal sur terre pour punir les péchés des hommes. Mais ces explications ne sont pas suffisantes, à elles seules.
- Au plan des mentalités, le diable, grand responsable de la souffrance et du malheur des innocents, s'intègre dans un ensemble. Le pouvoir des forces bienveillantes (les saints, la Vierge, etc..) l'emporte sur la ruse maléfique du Trompeur. En fin de compte, l'angoisse des hommes est apaisée. Cette représentation, où s'opposent l'ennemi du genre humain et les forces surnaturelles bienfaisantes, est finalement beaucoup moins traumatisante que le monde matérialiste des temps modernes, soumis aux jeux du hasard et aux lois de la nécessité.
22J.Ch. PAYEN : Je réponds globalement aux diverses objections qui m'ont été faites. Il va de soi que mon titre est provocateur ; il s'inspire du titre de Régine PERNOUD (Pour en finir avec le Moyen Age), mais ce qui compte est le sous-titre : Les intellectuels (théologiens, poètes de cour) sont gênés par la croyance obligée en un diable dont ils se passeraient volontiers. Qu'ils redoutent de réveiller des superstitutions populaires, je n'en suis pas sûr : ils produisent en circuit fermé, pour des milieux de clercs ou pour une aristocratie (voire pour une bourgeoisie) relativement cultivée. Je constate par ailleurs, en lisant la thèse de Michel ZINK sur la prédication en langue romane, que les sermonnaires à leur tour parlent peu du démon, même en ancien français : dans ce cas, il pourrait intervenir un scrupule de ce genre, mais j'ai tendance à croire que ce que veulent les prédicateurs, c'est indiquer une morale pratique, qui présuppose l'entière liberté du fidèle : on est ramené à une philosophie de type anselmien, fondée sur l'autonomie de la personne. Certes, (et je réponds ici à Philippe HEEARD, qui me faisait valoir que les lois du genre romanesque se prêtaient peu à l'expression du diabolique), la typologie explique bien des choses, mais pas tout : il y a un fantastique arthurien (qui n'est peut-être pas si sulfureux : lorsque BLANGEZ évoque l'oracle à Galehaut, dans le Lancelot en prose, le bras rouge qui écrit sur le mur est-il satanique ? Il est curieux que celui qui déchaîne son action soit un grand clerc, l'archevêque de Toulouse, Maître Hélie). D'autre part, la lyrique religieuse répugne à parler du diable. Hélinant de Froidmont, dans ses Vers de la Mort, insiste sur le dénuement de l'âme confrontée à son juge, mais il traite de l'enfer par préténtion (encore qu'il soit implicitement présent dès qu'on parle de mort subite ; disons que cette prétérition est peut-être une forme d'euphémisme). J'accorde à Mademoiselle PLANCHE que le diable du romantisme est une figure de la révolte humaine ; reste que cette révolte est, au Moyen Age, confinée chez des narginaux (juifs et sarrasins de la littérature). Par contre, il faut souligner l'impact de l'épicurisme, qui exclut la croyance au diable : ici encore, Hélinant, dénonçant les "jeunes damoiseaux". L'impact du stoïcisme aussi, et ici, la figure de Fortune. Celle-ci procède à la, fois du jeu de dés (d'où son importance chez les Goliards) et de l'évolution politique et sociale (élévation, puis chute de parvenus qui viennent de la petite noblesse ou de la bourgeoisie : ici le Jeu de la Feuillée, ou encore l'affaire Pierre de la Brosse en 1278).
23Je crains que l'on ait confondu ma propre opinion sur le, diable et les constats de mes analyses. Celles-ci sont partielles et limitées. Elles laissent de côté la réalité populaire, accessible par les livres qui sanctionnent la sorcellerie (je pense aux Pénitentiels celtiques, encore cités dans le Corrector de Burchard). Mais la littérature n'est pas un miroir. Encore moins la théologie. Je constate un recul sensible du diable qui me semble lié à un certain rationalisme : attitude d'intellectuels, mais je crois désormais que Jean de Meung lui-même est moins isolé dans son temps que l'on ne l'avait cru, et que je l'avais cru moi-même.
24En résumé, nous n'en avons pas fini avec le diable médiéval. Bien au contraire, nous commençons seulement à cerner le sujet. Mais sachons percevoir les limites de ce sujet, et n'ayons pas peur d'affirmer que les théologiens et poètes des xiie et xiiie siècles ne parlent pas plus du diable que leurs successeurs des xvie et xviie siècles (ils en parlent même moins) Daniel ROCHER rappelait l'ouvrage de Jean DELUMEAU : la christianisation n'est (à peu près) achevée en Occident qu'à la fin du Moyen Age, mais je ne sache pas que cela infirme mes analyses : je n'ai jamais contesté la survivance de pratiques païennes dans les campagnes, et je continue de prétendre qu'il y a un abîme entre ces pratiques et les doctrines des lettrés.
Notes de bas de page
1 Edition L. BOURGIN, Paris, 1907.
2 Voir J. FRAPPIER, Châtiments infernaux et peur du Diable… in Cahiers de l'As-soc. Intern. des Etudes françaises, n° 2 3, 4, 5 Juillet 1953, pp. 87 sqq. repris in Histoires, mythes et symboles, Droz, Genève, 1976, pp. 129 sqq.
3 Sur le Diable dans l'art roman, voir Chanoine D. GRIVOT, le Diable, Paris, Club du Livre chrétien, 1960 ; plus généralement, sur les avatars du Diable médiéval, voir mon intervention dans le débat du C.C.I.F. Le diable et le génie humain, in Recherches et Débats. 42, 1963, pp. 395 sqq. Sur la Vie des Anciens Pères, voir mon livre : le motif du repentir…, Genève, Droz, 1967, pp. 516 sqq., et Jacques CHAURAND, Fou. Dixième Conte de la "Vie des Pères". Genève, Droz, 1971. Je rappelle que la Vie des Anciens Pères date du xiiie siècle et n'est donc pas contemporaine de la grande statuaire romane.
4 Voir Ruth BENEDICT, the Chrysanthemus and the Sword. Cambridge, 1946, La shame culture considère la matérialité de la faute et la sanctionne publiquement ; la guilt culture apprécie l'intention et souligne la fonction salutaire du repentir.
5 Sur la dilectio. chez Yves de Chartres, voir R.P. Yves LABONTE, S.J., Le mariage selon Yves de Chartres. Rome, Montréal et Bruges. 1965 (Universitas Grégoriana, vol. XVII). Sur l'intériorisation de la faute dans la théologie pénitentielle, voir mon article : la pénitence dans le contexte culturel du xiie et xiiie siècles, in Revue des Sciences philosophiques et théologiques, 61, 1977, pp. 399 sqq.
6 Cur Deus Homo, éd. F.S. SMITH, Edimbourg, Nelson, t. II, 1950, p. 57.
"Quamvis enim homo juste a diabolo torqueretur, ipse taraen illum injuste torquebatur. Homo namque meruerat ut puniretur, nec ab ullo convenientius quam ab illo, cui consenserat ut peccaret. Diaboli vero meritum nullum ut puniret ; immo tanto hoc faciebat injustius, quanto non ad hoc amore justitiae trahebatur, sed instinctu malitiae impellebatur".
7 Il a pourtant laissé un vide auprès de Dieu au moment de sa condamnation, et l'homme a été crée pour le remplacer dans la gloire (p. 75e). Mais il y aura plus d'élus qu'il n'y avait de mauvais anges. (pp. 76 sqq.)
8 Ed. cit. t. VI, pp. 42-46 (index) : dans toutes ses œuvres, saint Anselme parle d'angelus malus (reprobus, perditus, voire desertor). Les occurrences de diabolus (ibid. p. 113) sont extrêmement rares (cinq exemples recensés).
9 De Casu Diaboli, éd. cit., 1946, p. 246 (le mal comme injustitia, c'est-à-dire privation de justice), p. 247 ("malum videtur esse aliquid") et p. 248 ("malun est quasi aliquid").
10 Ibid., p. 245. Au contraire du Diable, qui, par sa perversam voluntatis conversionem, ne peut plus revenir au bien, l'homme peut avec la grâce retrouver la volonté bonne ; inversement, il ne cède à la volonté mauvaise que par la permission de Dieu.
11 Voir le motif du repentir (cf. n. 3), pp. 59 sqq.
12 Voir mon exposé : la pensée d'Abélard et les textes romans du xiie siècle, in Pierre Abélard, Pierre le Vénérable, colloque de Cluny, éd. du C.N.R.S., Paris, 1975, pp. 513 sqq.
13 Voir l'éd. Mario ROQUES du Chevalier à la Charrette. Paris, C.F.M.A., 1958, v. 3011-12, p. 52 : (l'eau qui coule sous le pont est) Tant leide et tant espoantable Com se fust li fluns au deable.
14 Au sens que prend le mot "aventure" dans la littérature arthurienne, d'épreuve qualifiante mettant le héros en contact avec l'autre monde. Voir Jean MARX, Nouvelles recherches sur le roman arthurien, Paris, Klincksieck, 1565 et E. KOHLER, l'Aventure chevaleresque, Paris, Gallimard, 1974.
15 Voir l'édition Mario ROQUES du Chevalier au Lion, Paris, C.F.M.A., 1963, pp. 186 sqq., v. 5123 sqq. Voir plus particulièrement v. 5265 sqq., 5280, 5331 et 5506 sqq.
16 Voir l'édition Félix LECOY du Conte du Graal, Paris, C.F.M.A., t. II, 1975, v. 6009 sqq.
17 Ed. cit. (voir n. 15), v. 328.
18 Voir l'édition Jean RYCHNER des lais de Marie de France, Paris, C.F.N.A., 1966, v. 139 sqq. (la dame n'accepte l'amour du chevalier qu'à condition qu'il croie en Dieu : c'est pourquoi il récite son Credo et communie ensuite, après avoir revêtu l'apparence de sa future amie (qui se cache) pour que nul ne soupçonne sa venue.
19 Voir la fin du lai de Désiré, éd. Margaret GRIMES (The lays of Désiré, Graelent et Mélion, New-York, 1928).
20 Voir l'éd. G. PARIS et J. ULRICH du Merlin. Paris, S.A.T. ?., 1886, 2 vol.) et mon article : l'art du récit dans le "Merlin", le "Didot Perceval" et le "Percesvaus", in Romance Philology, 17, 1964, pp. 570 sqq. (sur l'inspiration du fabliau dans le Merlin, voir plus particulièrement p. 571).
21 Le diable dans "la Queste del Saint Graal", masques et méfaits in Perspectives médiévales, 2, 1976, pp. 54 sqq.
22 l'histoire de la tombe ardente intervient dans l'Estoire del Saint Graal, éd. SOMMER, The Vulgate Version of Arthurian Romance, Washington, 1910, t. I, p. 261, (damnation de Moyse) et p. 268 (damnation de Chanaan et de Symeu) puis dans la Queste del Saint Graal, éd. A. PAUPHILET, Paris, C.F.N.A., 1949, PP. 36 sqq. (Galaad chasse un diable de la tombe). La fontaine ardente bout depuis qu'à la fin de l'Estoire, y a été précipitée la tête de Lancelot I, aïeul de l'amant de Guenièvre (qui échoue à éteindre la fontaine, in t. V, pp. 224 sqq.)
23 Voir Paule MERTENS-FONCK, Morgain fée et déesse, in Mélanges Rita LEJEUNE (Gembloux, Duculot, 1969), pp. 1067-1076, et Eugène VINAVER, la fée Morgue et les aventures de Bretagne, in Mélanges Jean FRAPPIER, Genève, Droz, 1970, pp. 1077 sqq.
24 Sur ce problème, voir J. MARX, le sort de l'âme de Merlin mis en cause par l'évolution de son caractère, in Mélanges René GROUZET, Poitiers, S.E.M., 1966, pp. 981-983.
25 Voir mon article : le sens du péché dans la littérature cistercienne en langue d'oïl, in Citeaux, XIII, 1962. Voir Queste, éd. cit. p. 125 (Lancelot a été induit à pécher par la femme, comme Salomon, Samson et David, ose lui dire un ermite au cours d'un long sermon qui appartient par son antiféminisme à toute une tradition parénétique associant la femme et l'anemi).
26 Ne serait-ce que par des hasards providentiels, comme lorsque Perceval, qui va succomber aux charmes d'un succube, baisse les yeux sur le pommeau de son épée, qui est er forme de croix, et se signe. Voir Queste, éd. cit., p. 110.
27 Ed. cit. pp. 177 sqq. (le faux religieux l'aide à enterrer Le corps de son frère - ou plutôt son simulacre - dans une chapelle sans croix, puis lui tient un sermon trompeur et désespérant.)
28 Ed. Jean FRAPPIER, Genève, Droz, 1956, pp. 87 sqq. Le corps de la jeune fille, qu'a tuée son amour désespéré pour Lancelot, arrive à proximité du château où se tient Arthur dans un vaisseau sans voiles ni rames, et elle-même gît, intacte, sur un lit d'apparat : la corruption cadavérique l'épargne comme elle épargne la dépouille de beaucoup de saints.
29 Je n'en ai pas trouvé trace dans l'analyse de LÖSETH (Paris, Bouillon, 1891) ni dans le travail d'Emmannuelle BAUMGARTNER ("le Tristan en prose", essai d'interprétation d'un roman médiéval, Genève, Droz, 1975).
30 Voir Mary-Dominica LEGGE, Le Roman de Balain, Manchester, University Press, 1942. Je rappelle qu'il s'agit d'un épisode du Huth Merlin, manquant dans l'éd. G. PARIS et J. ULRICH. Balain, en poursuivant Garlan qui vient de tuer deux chevaliers, frappe le roi Pellehan, frère de Garlan, avec la lance interdite. Voir pp. 78 sqq.
31 Voir l'éd. LECOY du Roman de la Rose, t. III, Paris, 1970, v. 17875 sqq. (discours de Nature) :
"Si dit l'an que ce font deables
A leur cros et a leur chaables,
A leur ongles, a leurs havez,
Mais tes diz ne vaut. II. navez…"
32 Ibid., v. 17005-6 : (que les hommes s'abstiennent)
"Des outraiges et des folies
Qui lor font acourcier leur vie"
Ce passage suit un développement sur le juste milieu ; la démesure vient d'être présentée comme la principale auxiliaire de la mort.
33 Ibid. v. 19243 sqq. Voir mon livre : La Rose et l'Utopie. Paris, Editions sociales, 1976, pp. 194 sqq.
34 Ibid. v. 20181 sqq., où il est question des… naires berbis douloreuses,
lasses, chaitives, mourineuses…
35 Voir l'éd. Brian WOLEDGE, Paris, C.F.M.A. 1936 ; à noter que Gauvain ne se contente pas de conjurer le Démon, mais qu'il le tue !
36 Ed. W FŒRSTER, Dresde, 1908, t. I, p. 303, v. 10255 sqq.
37 Ed. Mario ROQUES, Paris, C.F.M.A., 1963, p. 6 ("mais en enfer vueil jou aller…")
38 Sur le Pet au Vilain, outre l'éd. figurant dans le t. II l'éd. E. FARAL et Julia BASTIN, Œuvres complètes de Rutebeuf, Paris, 1959-60, voir A. LIMENTANI et collab., Prospettive sui fabliaux, Padoue Liviana, 1976, pp. 86 sqq.
39 Voir l'éd. Grace FRANK, Paris, C.F.M.A., 1949, p. 7, (je note la formulation molt me travailles, au v. 171, dans la réponse du Diable à Salatin.)
40 Comme le traite Milon ou l'évêque Buevon dans Parise la Duchesse, éd. F. GUESSART, Anciens poètes… 1860, pp.19 et 22, (Milon se faisait le champion de l'héroïnee pour mieux la perdre, et Buevon, après avoir entendu l'héroïne en confession, l'avait mensongèrement accusée d'avoir avoué le crime pour lequel on le jugeait). Cf. encore la damnation de Fromont, in Gerbert de Metz (éd. Pauline TAY10R, Namur, 1952, v. 11064) ou Mata-brune, dans le Chevalier au Cygne, qui, avant d'être brûlée vive, voue au Diable tours les siens (éd. Ch. HIPPEAU, v. 2372).
Auteur
Université de Caen
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