Le démoniaque et l'imaginaire dans le "De vita sua" de Guibert de Nogent
p. 371-399
Texte intégral
1Si l'on se refuse à admettre que les auteurs du Moyen Age qui dissertent du diable sont des faibles d'esprit, si l'on ne croit pas qu'ils cherchent à tromper délibéremment ou à édifier leurs lecteurs à bon compte et si l'on ne présume pas qu'ils répètent inlassablement des histoires venues d'ailleurs, il faut alors convenir, qu'un certain nombre de fois au moins, ils font état de phénomènes, c'est-à-dire, sinon de faits au sens d'aujourd'hui, du moins d'apparences qui y ressemblent fort.
2Qu'il soit bien entendu que les diableries qui posent vraiment le problème ne sont pas celles qui sont de simples thèmes littéraires. C'est au moment où le démoniaque se présente comme une expérience vécue, une forme de la perception et un fait mental qu'il a sa pleine et entière réalité. C'est à ce niveau que la critique doit par priorité se situer.
3L'historien n'a certes pas la possibilité de juger de la matérialité d'une manifestation diabolique sur laquelle il n'a aucun moyen de contrôle et qui pour le fond ne relève pas de sa discipline. Par contre il sait qu'un bon observateur doit être pris au sérieux lorsqu'il décrit des phénomènes dont il explique le caractère exceptionnel par l'intervention du démon. Il peut au moins prétendre se faire une idée sur la manière dont s'élabore mentalement une vision diabolique et sur la façon dont elle s'exprime. Faute de mieux c'est sur ce court domaine imaginatif et fabulatoire qu'il a prise et qu'il doit faire porter son effort.
4Qu'il y ait, à ce niveau, une possibilité d'explication paraît certain. Il est bien évident que les témoins savent identifier le diable, sous ses déguisements divers, comme s'ils disposaient de son signalement ou tout au moins comme s'ils savaient déchiffrer les signes indubitables de sa présence. Reconnaître est dans ce cas le terme d'une activité imaginative qui comporte une élaboration mentale à laquelle concourrent de nombreux éléments : les expériences passées, les peurs ancestrales, les récits de toutes sortes. L'identification du démon repose sur toute la culture si complexe du Moyen Age. Or la mise en évidence du processus d'élaboration de l'image mentale du diable est précisément ce que l'historien peut espérer savoir.
5Les attitudes mentales prises ici en considération sont à traiter comme des faits dont la répétition seule est significative. La conclusion ne se dégage que d'un nombre suffisant de témoignages et à condition qu'ils soient fournis par une source homogène. Il convient d'établir des séries, même courtes, sur les différents aspects des phénomènes diaboliques, pour pouvoir comparer entre elles ces diverses manifestations. Tout ce qui peut avoir une signification a de l'intérêt : la nature de l'expérience, son contexte, les aspects visuels et les propos du diable.
6L'étude doit s'attacher de préférence à un auteur dont la sagacité est connue. Le caractère unique de la source assure en outre une certaine homogénéité. Parmi les nombreux chroniqueurs du Moyen Age, nul ne répond mieux à ces exigences que Guibert de Nogent.
7Dans son autobiographie, le "De vita sua'', il ne se borne pas à développer de simples thèmes littéraires reçus. Certains de ses récits se présentent comme le fruit de l'expérience et ne sont pas de simples fictions qui prendraient les apparences de l'authentique pour mieux séduire. Guibert entend parler de faits réels et se place d'emblée sous le signe du vrai, même si tout n'est pas à retenir de ses propos. D'ailleurs certains de ses récits concernent des personnes qu'il a connues, dans le Beauvaisis et à l'abbaye de Saint-Germer de Fly et ce qu'il écrit à leur sujet est original.
8Guibert est un intellectuel formé à toutes les disciplines littéraires. Sa langue est précise et ses descriptions apparaissent à l'étude d'une exactitude dans l'observation assez rare. Il n'emploie pas les mots au hasard ni approximativement. Aussi son œuvre paraît-elle capable de fonder une analyse assez approfondie1.
9On peut extraire du "De vita sua'' 22 épisodes dans lesquels les démons apparaissent, individuellement ou en troupe, sous une forme ou sous une autre. Sont exclus les passages où le diable n'est présent que par personne interposée, c'est-à-dire les cas de possession.
10Ce matériel n'est pas uniforme. Son intérêt est d'autant plus grand que la source paraît plus proche de l'auteur lui-même. La valeur des récits s'amenuise à mesure que les intermédiaires paraissent plus nombreux et que les lieux où se sont produits les phénomènes se trouvent plus éloignés. Pour en avoir une vue plus nette il convient de les classer selon ces critères :
- 2 manifestations diaboliques fondent toute l'expérience de Guibert lui-même. Elles sont, bien sûr, précieuses entre toutes.
- 1 agression démoniaque concerne la mère du chroniqueur.
- 9 récits rapportent diverses interventions du démon à Saint-Germer de Fly où Guibert a été moine, dans les environs immédiats et le Beauvaisis ou sur des personnages proches du monastère. Il y a dans ces cas peu ou pas d'intermédiaire.
- 4 relations sont moins proches de l'auteur mais concernent cependant des lieux qu'il a connus et des gens dont il peut donner l'identité.
- 6 histoires ont des horizons géographiques plus lointains et comportent des éléments folkloriques qui les rendent suspectes.
11Aux faits ainsi décrits, on peut confronter diverses réflexions générales ou particulières qui peuvent donner le sens de telle ou telle intervention diabolique.
I. Phénoménologie du démoniaque
12Les entreprises du démon se développent dans les ténèbres et cette particularité est relevée par Guibert de Nogent trois fois sur quatre2. Mais il ne faut pas en conclure qu'il agit au grand jour le reste du temps car cette précision n'est jamais donnée. Il y a quelques cas douteux où les circonstances sont difficiles à apprécier, tel celui des malades qui gardent le lit3. D'autre part, certains récits parmi les moins sûrs ne portent aucune indication de ce genre. Ainsi telle apparition du démon sous les traits de saint Jacques a lieu de jour car la suite des événements a lieu, à l'étape, la nuit. Une telle histoire ne mérite pas grand crédit, car elle se situe sur la route de Compostelle, très loin de ce que le chroniqueur peut connaître4. Un passage, très incertain, permet une remarque de quelque intérêt. Aux funérailles d'un usurier, à l'arrivée du clergé dans la maison du mort, les démons font dans l'air environnant un tapage qui s'achève par un violent orage alors que le ciel était serein jusque là. La tempête est ici un substitut de l'obscurité5.
13Dans près de la moitié des cas Guibert indique l'heure et le moment. Le diable surgit de la nuit profonde ou du silence le plus total dans un tiers des cas. Le crépuscule, le matin et surtout le soir, paraît très propice aux manifestations diaboliques. La première heure de la nuit connait également ces effrayantes visites, mais la suite est plus calme6.
14Sans observateur il n'y aurait pas de diableries, aussi cette polarisation sur quelques heures définies appelle-t-elle un commentaire. Au moment incertain où le jour et la nuit commencent à se confondre, le diable se manifeste dans les bois et les champs, plus rarement dans les monastères7. Bien fou qui se hasarde, au dehors, la nuit faite, sauf s'il a le désir d'évoquer le démon8. Le monde est alors livré au pouvoir du Malin, dont les suppôts se déplacent dans les airs et suivent le cône d'ombre qui recouvre la terre pendant la nuit9. Le sentiment d'insécurité qui prévaut dans le plat pays dès le soir tombé gagne les maisons et tous les lieux habités avec la nuit profonde. A cette heure les malades, les veilleurs et tous ceux qui ne dorment pas sont étrangement seuls, sans aide et sans secours.
15L'incompatibilité entre les démons et la lumière est si profondément ressentie qu'elle inspire des gestes et des remarques qui n'auraient aucun sens sans cette conviction viscérale. Ainsi, lorsque la mère de Guibert, agressée la nuit dans son lit, parvint à se dégager de l'étreinte d'un démon incube et à appeler au secours, les servantes arrachées au sommeil vinrent la réconforter "par leur présence, par leurs paroles et en allumant de la lumière''10. Cette clarté et à vrai dire la compagnie éloignent le diable. Guibert enfant et adolescent avait une lampe à son chevet. Une nuit, effrayé par des cris, il se précipita hors de son lit et vit d'abord que sa lanterne était éteinte. Scrutant les ténèbres il regarda le diable qui se tenait à proximité11. Les deux phénomènes sont liés et l'un ne peut aller sans l'autre.
16Les démons ont encore pour trait caractéristique de s'en prendre aux personnes isolées et principalement aux malades. Ils attaquent avec une particulière fureur les moribonds. Les moines qui ne l'ignorent pas ont coutume de veiller leurs frères lorsqu'ils les jugent malades à en mourir. La présence humaine et surtout celle des religieux entrave les desseins du diable à cette heure décisive. A cette surveillance angoissée font écho les récits d'agression dont sont victimes les personnes isolées.
17Trois récits, assez proches l'un de l'autre, jettent une lumière assez cruelle sur cette peur qui est largement répandue. Ainsi, un clerc qui avait pris l'habit monastique à Saint-Nicaise de Reims au terme d'une vie agitée, pria son abbé de lui donner des gardiens. "Commande aux tiens, dit-il, de veiller soigneusement sur moi, car tu peux tenir pour certain que le jugement de Dieu va survenir pour moi d'ici à quelques jours''12. L'abbé plaça auprès de lui des gardiens vigilants et sans peur. Le nouveau moine n'en fut pas moins tourmenté odieusement par les démons, qui cessèrent néanmoins au bout de quelques jours. Il mourut en paix, signe indiscutable de sa victoire.
18Ceux qui veillent pour refouler les malins esprits ont parfois moins de succès. Un moine de Saint-Germer de Fly, qui avait été chapelain chez la mère de Guibert de Nogent, tomba malade et fut à la mort en deux jours. Par une nuit très calme, les deux moines qui étaient auprès de lui virent la fenêtre battre et s'ouvrir comme si une foule entrait invisiblement dans la chambre. Ils furent aussitôt saisis par le trouble. Avant qu'ils aient eu le temps d'appeler les autres frères, le moribond avait rendu l'âme. La piété de ce moine était discutée, aussi semble-t-il sous-entendu que les démons venus s'emparer de son âme, à sa mort, ont réussi dans leur entreprise. Les gardiens quant à eux n'ont rien pu faire pour les en empêcher13.
19La même aventure arriva au moine Osmond de Saint-Germer de Fly également. A l'arrivée des démons, les frères demandèrent de l'aide en agitant des claquettes, mais Osmond était mort avant que la communauté n'ait été rassemblée. Guibert qui commente cette mort malencontreuse ne suit pas l'opinion générale. Il ne croit pas pour sa part que l'âme du mort ait rejoint la compagnie des malins esprits. Ce doute en dit long sur le sentiment dominant14. Le diable rode cherchant qui dévorer, ou plutôt qui assassiner pour s'approprier son âme. La mère de Guibert échappe de peu à ce sort. Tel moine de Saint-Germer est trouvé au matin étranglé dans son lit, tel autre est attaqué la nuit dans un couloir du monastère alors qu'il revenait des lieux d'aisance15. Cette méchanceté n'est pas gratuite, elle compromet le salut. Une menace permanente semble planer et la vie en communauté paraît un des moyens de la conjurer.
II. L'expérience du démoniaque
20La connaissance du démoniaque ne se borne pas à la compréhension des desseins meurtriers des malins esprits et des circonstances qui leur sont propices. Guibert de Nogent et son entourage ont du démon une expérience plus personnelle et plus intime.
21Ceux qui ont subi l'agression du diable ou qui l'ont vu ont gardé pendant toute cette effrayante visite leurs facultés en éveil tant ils étaient conscients du danger. Bons observateurs d'eux-mêmes, ils savent décrire avec la plus grande minutie leur état physique et mental. Les meilleurs récits offrent des relations de la plus grande richesse, si l'on veut bien admettre qu'elles expriment fidèlement une impression vécue, difficilement discutable en elle-même. Il faut prendre le chroniqueur au sérieux, plus encore sur ce point que sur les autres, car c'est la part du phénomène sur laquelle il peut le moins se laisser abuser.
22Le récit que Guibert tient de sa mère est des plus circonstanciés. "Lorsque au plus profond de cette nuit, écrit-il, en proie à la plus déchirante angoisse, elle reposait dans son propre lit, le démon, selon sa coutume d'assaillir surtout les cœurs meurtris par la tristesse, alors qu'elle était encore éveillée, se coucha sur elle et l'oppressa presque jusqu'à la mort sous un poids étouffant. Tandis que, ayant perdu le souffle d'angoisse, ses membres étant privés de toute liberté de mouvement, elle ne pouvait faire entendre le moindre son et que muette, mais maîtresse de sa raison, elle implorait intérieurement le secours du Seigneur, voici que du chevet de son lit, un esprit certainement protecteur se mit à crier d'une voix non moins affectueuse qu'intelligible : "sainte Marie, aide-nous''16.
23De cet admirable récit il y a trois informations à retenir : la mère de Guibert est éveillée, elle est plongée dans une sorte de paralysie temporaire qui ne permet ni un geste ni un cri, elle garde enfin une parfaite lucidité. Ces renseignements, mis prosaïquement en évidence, sont à comparer à ceux fournis par d'autres récits.
24Ce que Guibert éprouve pour son propre compte est aussi minutieusement observé. Enfant, il avait le sommeil agité par des cauchemars nés d'une imagination troublée par la mort de son père. Il dormait avec une lumière et son pédagogue n'était jamais très loin. "Alors que la nuit était la plus profonde, écrit-il, soudain, venue de non loin au-dessus, une clameur faite d'une multitude de voix s'éleva. Elle ne proférait aucune parole et avait seulement la force d'un présage de malheur. Aussitôt, comme si le moment avait sonné de tomber dans le sommeil, je fus arraché à mes sens et je crus voir apparaître quelqu'un d'entre les morts dont une voix disait qu'il était décédé aux bains. Terrorisé par cette vision alors que je m'élançais hors de mon lit en poussant un cri, dans mon premier mouvement je vis ma lampe éteinte et à travers les ténèbres d'une ombre redoutable, je dévisageais le démon, sous la forme qui lui est propre, se tenant debout, tout proche''17.
25De ce récit si sûr puisqu'il est autobiographique, il faut retenir pour l'instant quelques indications proches de celles déjà relevées. Guibert semble bien affirmer qu'il était encore éveillé au début de cette aventure. C'est au moment où les cris s'élèvent qu'il perd conscience comme s'il tombait dans le sommeil. En dépit d'une formulation différente, la léthargie déjà connue se retrouve ici. Il n'a pas non plus perdu sa lucidité, puisqu'il entend les voix faisant part de la mort de quelqu'un. L'état physique et psychique est donc semblable au précédent.
26Deux autres récits livrent des renseignements comparables. Dans la chambre de l'évêque de Beauvais où dort une nombreuse compagnie, un seigneur des environs, homme courtois et avisé, veillait, sans raison aucune semble-t-il. Il vit, au cœur de la nuit, le démon se promener entre les lits. "Or celui qui voyait cette scène, pendant qu'il y portait toute son attention, se trouvait accablé d'un tel poids qu'il lui était impossible de parler et de se mouvoir. Lorsque l'Adversaire fut sorti, il retrouva l'une et l'autre de ses facultés''18. Il en va de même à Saint-Germer de Fly où la mort du moine Osmond attire une foule de démons que seul le gardien de l'église entendit arriver, sans pouvoir donner l'alarme parce qu'il était déjà couché. "Car, écrit Guibert, alors qu'il conservait la libre disposition de son intelligence pour tout entendre, il était soumis à une sorte de puissance spirituelle qui l'empêchait de parler et de faire aucun mouvement''. Quelques lignes plus loin le chroniqueur ajoute que ce veilleur "sentait mentalement que tout cela se faisait'' et qu'il priait Dieu en faveur du mourant19.
27La concordance de ces deux derniers textes avec les précédents est si éclatante qu'on est en droit de se dispenser d'en souligner les différents aspects. Bref ces quatre récits décrivent des états identiques avec une précision presque clinique. Or rien ne permet de les infirmer ni hélas de les compléter. Il faut s'en contenter. A vrai dire ils emportent assez facilement la conviction parce que, distinguant la conscience et la sensibilité motrice, ils ne peuvent reposer que sur une expérience personnelle. Or il s'agit là de celle de Guibert lui-même, de celle de sa mère et de ce qu'ont ressenti deux personnes assez proches pour que le chroniqueur ait pu recueillir leur témoignage sans intermédiaires. Ils ne renseignent pas sur le démon proprement dit, mais sur ce qu'éprouvent ceux qui le voient ou qui subissent son agression. C'est un état subjectif parfaitement décrit et dont la validité paraît indiscutable. C'est un aspect de l'expérience du démoniaque.
28Cette paralysie temporaire ne troublerait pas les facultés intellectuelles. Aussi serait-on en droit d'attendre de ces divers témoignages des descriptions circonstanciées du démon. Or, si les éléments visuels ne sont pas absents, ils ne sont ni très nombreux ni très remarquables. On en relève dans un récit sur deux environ et pas toujours dans les meilleurs.
29L'incohérence paraît dominer, car il y a peu de ressemblances entre les différentes apparitions comme si le chroniqueur avait enregistré des propos fort divers, avec une bienveillante crédulité. A vrai dire, une seule relation est vraiment abondante, dans les autres il ne s'agit que de notations discrètes et fugaces. Les démons ont principalement figure humaine et ne se dissimulent derrière des animaux que deux fois. Il n'y a en outre aucune référence à ce que l'on considère comme l'iconographie traditionnelle du diable : aucune figure effrayante, hideuse ou simplement burlesque. Il n'y a ni pieds fourchus, ni chevelure ébouriffée, ni cornes. L'imagerie est pauvre et imprécise.
30Les démons apparaissent habituellement sous des déguisements propres à abuser sur leur véritable identité. Sous les traits de saint Jacques, le diable conseille à un pèlerin de se châtrer puis de se suicider20. Ce récit lointain qui est en outre la reprise d'un miracle de saint Jacques, n'a pas visuellement une grande signification puisqu'il ne s'agit que d'un thème littéraire. Par contre les travestissements du Malin dans les épisodes concernant Saint-Germer de Fly ont une toute autre importance. Revêtu d'une coule, le diable essaye d'aborder un moine aux latrines21. Sous l'habit des laïcs donné à l'église deux démons se glissent jusqu'au chevet du lit d'un moine malade22. Ce récit, le seul abondant, n'est pas non plus très significatif car l'image du démon n'y a rien de classique. Le diable emprunte à un pauvre chassé de l'église sa silhouette pour attaquer la nuit le moine Osmond23. Il faut probablement ranger dans cette galerie de diables sous des déguisements divers, les hommes sauvages et barbus qui apparaissent à un moine moribond, et les Ecossais marchant penchés en avant et portant une gibecière sur les fesses24.
31Certains de ces avatars sont transparents. Dans le cas du pauvre il ne s'agit que de la transposition nocturne d'un incident de la journée. A vrai dire, ainsi représenté, le diable n'a pas grand intérêt. Sous les apparences les plus bizarres il échappe également au commentaire. De toute manière, en dehors du récit sur les démons habillés en laïcs, la capacité descriptive laisse à désirer. Ne sont évoquées qu'une ou deux caractéristiques visuelles qui semblent se détacher d'une sorte de flou ou de vague dans lequel se perd tout le reste.
32Ces déguisements laissent peu de place à un portrait plus classique du démon. Il n'y a que trois descriptions de cette sorte en tout et pour tout. Ainsi deux démons frappent à coups de maillets une damnée dans un grand feu de cheminée25. L'image est belle, mais le récit est à ranger parmi ceux qui sont suspects selon les critères retenus jusqu'ici. En outre, il comporte probablement une survivance de mythologie nordique. Bref, deux notations prises parmi les relations sérieuses peuvent seulement retenir l'attention. Guibert a dévisagé le diable à travers les ténèbres et il lui est apparu "sous la forme qui lui est propre''26. Visuellement c'est bien peu. Cela assure toutefois qu'il y a bel et bien une image convenue du démon. Pour sa part, ce seigneur des environs de Beauvais vit dans la chambre de l'évêque "un démon de haute taille, avec une petite tête, s'avançant en haussant les épaules''27. Ce court portrait est en fin de compte ce qu'il y a de meilleur pour ce qui est de l'appréciation visuelle.
33Il faut donc relever ce contraste saisissant entre la richesse et la précision de l'expérience subjective de la présence du diable et la pauvreté et le flou de l'imagination visuelle. Le démon n'est pas un phénomène de contemplation. Cette constatation fait comprendre que le diable n'est pas identifié par son image, d'après un signalement reçu. Les déguisements faisaient déjà entrevoir cette conclusion. Détecter les malins esprits est une activité mentale plus complexe.
34Tous les récits, tant s'en faut, ne permettent pas de savoir quel fait particulier provoque justement l'identification du démon. La diversité l'emporte car il s'agit d'intuitions plus que de raisonnements ou d'une sorte de finesse qui fait deviner ou comprendre. Il n'y a aucune pratique qui permette de savoir avec certitude à qui on a affaire lors d'une manifestation diabolique. L'identification semble pourtant s'imposer comme une évidence.
35Ainsi, lorsque la mère de Guibert, jeune veuve a le sentiment qu'on essaye d'abuser d'elle pendant la nuit, elle reconnait aussitôt un démon incube. Un moine qui est trouvé, le matin, étranglé dans son lit ne peut qu'avoir été victime du démon. Un prêtre qui est injurié et menacé de coups pense tout naturellement de même28.
36Dans les cas précédents le mal est fait. Aussi les plus fins devinent-ils la présence du diable dès les débuts de son intervention à quelque chose d'insolite. Ainsi, la nuit où Guibert vit le démon, il entendit d'abord, non loin de lui et venant d'au-dessus, une clameur qui ne prononçait aucune parole, mais qui avait la force d'un présage de calamité29. De tels cris, en pleine nuit, n'ont rien de normal et ils annoncent la visite du Malin. A Saint-Germer également, les moines qui veillent un moribond voient soudain battre la fenêtre par une nuit jusque là très calme. Ils ont alors soudain le sentiment qu'une foule invisible pénètre dans la pièce30. Ils perdent aussitôt contenance, car l'incongru est toujours diabolique. Le gardien de la même église entend les démons marcher dans le cimetière puis passer devant son lit31. Les bruits inaccoutumés de la nuit sont écoutés avec inquiétude. L'insolite, catégorie bien connue de l'ethnologie religieuse, paraît le signe habituel du diable.
37Parfois la réflexion intervient, pour faire apparaître justement ce que la situation a d'anormal. Le moine Osmond qui est menacé la nuit dans l'église par un pauvre hère qu'il a chassé dans la journée, identifie le diable lorsqu'il s'avise que les portes sont fermées et qu'aucun homme en chair et en os ne peut se trouver, à cette heure, dans le bâtiment32. Même raisonnement chez le moine malade qui voit deux frères lais à son chevet33. Des propos intempestifs démasquent aussi le diable car ils relèvent de la même catégorie. Suger, prieur de Saint-Germer, reçoit la visite de quelqu'un qui lui tend un livre et lui dit "prend et lis, Jupiter te l'envoie''34.
38L'identification du diable à ses œuvres est également connue. Elle n'a pas à vrai dire grand intérêt. On lui attribue en toute sécurité d'esprit tous les meurtres, tous les viols et tous les mensonges dont personne ne revendique la paternité. Un moine est-il trouvé mort, le matin, dans son lit, très congestionné, que surgit aussitôt l'idée d'une strangulation par les démons35. C'est une fois encore l'étrangeté du fait qui guide la réflexion.
39La reconnaissance du diable est une expérience de l'insolite ressentie comme le présage d'une présence hostile. N'importe quel fait échappant à l'ordre normal des choses peut susciter une inquiétude et une question. Dans ce domaine, la vue paraît un sens trop précis, sauf la nuit. Par contre l'ouie et surtout le sentiment diffus d'on ne sait quoi, paraissent les organes adaptés à la détection de ces menaces. Ainsi se dévoile un monde de terreurs, temporaires plus que permanentes, mais qui maintient sans cesse l'esprit aux aguets.
III. La nature de l'expérience
40La paralysie motrice avec pleine conscience et le sentiment de l'insolite sont les deux aspects les mieux attestés de l'expérience diabolique. Leur caractère subjectif est peu discutable. Par contre les éléments objectifs qui pourraient être fournis par la vision sont peu nombreux et n'ont pas grande signification. Ce contraste qui valorise les facteurs psychologiques et Imaginatifs dans l'interprétation du phénomène démoniaque ne peut être retenu que si rien de concret ne vient redresser ces premières conclusions.
41Dès lors deux questions s'imposent : quelle est la nature exacte de l'expérience diabolique ? Les entreprises du démon s'accompagnent-elles de conséquence concrètes vérifiables à loisir dans la pleine lumière du jour ? Pour ces deux analyses il convient comme précédemment de tenir compte de la valeur respective des différents textes, ceux qui sont proches du chroniqueur et qui font état d'un phénomène avec le moins d'intermédiaires étant les plus sûrs.
42Le vocabulaire de Guibert de Nogent pour indiquer la manière dont le diable se rend sensible à un témoin est emprunté à deux registres : d'une part des termes de vision, d'autre part des verbes de présence et d'action dont le plus commun signifie se tenir debout ou se dresser devant36. Le deuxième registre est deux fois plus sollicité que le premier. Cela ne signifie pas d'emblée que l'expérience se réduit au sentiment d'avoir le diable aux trousses. En fait le vocabulaire est beaucoup plus complexe parce que les termes de présence sont en fait les plus concrets. Une formule unique mais significative est très éclairante. Dans un cas Guibert écrit que le diable se dressa en vision devant un témoin37.
43Le "en vision'' est ici un correctif qui tend à transformer un fait en simple phénomène visuel ou mental. Aussi la présence en vision est-elle moins réelle que l'autre. Voir est moins concret, moins matériel, que se tenir debout. Ainsi, à l'intérieur du vocabulaire de Guibert c'est par sa manière d'attaquer les personnes ou de se dresser devant elles que le diable se manifeste de la façon la plus positive.
44En sens inverse, le genre d'expérience désignée par les termes de vision paraît de la plus grande variété, car le réel et l'imaginaire, selon les critères d'aujourd'hui, s'y côtoient sans cesse. Ainsi le diable qui apparaît à ce seigneur des environs de Beauvais alimente le lendemain une discussion sur les choses vues et il s'agit là, sous la plume de Guibert, de réalités. Par contre, une religieuse de Caen voit "in visione'' dans le feu de la cheminée, deux démons frapper à coups de maillets une damnée38. "En vision'' est ici l'équivalent de "en songe'' ou de "en rêve'' comme dans toute la littérature de miracles des xie et xiie siècles. Il n'y a pas là de réalité autre qu'imaginaire. Un vocabulaire unique couvre ici des phénomènes bien différents pour l'historien.
45Il est bien certain que le chroniqueur ne se préoccupe pas de ces distinctions. Il passe du rêve au réel constamment et comme naturellement, car les phénomènes visuels ont pour lui une continuité, de la veille au sommeil, qu'ils n'ont plus aujourd'hui. Ainsi en va-t-il dans les deux récits que Guibert fait de sa propre expérience. La nuit où il reçut la visite du diable, après avoir perdu l'usage de ses sens, il lui sembla voir quelqu'un de mort. "Videre mihi videor'' laisse une large place à l'imagination, sans pour autant renoncer à toute réalité. Cette première apparition est une "imagination'', c'est-à-dire un phantasme plus qu'une réalité. Epouvanté, hors de son lit, il fixa avec attention le diable dans les ténèbres39. A s'en tenir au vocabulaire, ce serait une perception réelle.
46Dans la seconde expérience de Guibert, le flou du vocabulaire visuel est aussi net. Il était dans l'église de Saint-Germer, la nuit, "per visum'' c'est-à-dire en rêve. Il lui sembla que deux démons l'enlevaient jusqu'au faîte de l'église, puis s'enfuyaient. Ils le laissèrent choir dans le chœur de l'église où il se retrouva sans blessure40. Or, à ce point, rien ne vient faire douter de la réalité du fait. Le vocabulaire de la vision, unique et vague, permet ce passage d'un ordre de réalité à l'autre. On peut estimer qu'il couvre un vaste domaine d'expérience qui reçoit indistinctement le rêve et la réalité.
47C'est donc la vision du démon qui est le phénomène le plus incertain, le moins crédible et celui sur lequel il faut le moins faire fond. L'expérience de la présence ne semble pas, par contre, douteuse. Cette gradation de la réalité selon la nature des faits est maintenant à comparer avec les textes et la hiérarchie de validité retenue jusqu'ici.
48On ne s'étonne guère que les récits les moins sûrs évoquent sous une forme assez laconique des manifestations diaboliques visuelles. Ce que ce vocabulaire comporte de vague convient parfaitement. Il est plus surprenant de retrouver ces termes de vision dans les relations que Guibert donne de ses propres expériences. La continuité entre la vision réelle et le songe permet au chroniqueur de donner une description subtile et évanescente qui peut en fait correspondre exactement à ce qu'il a éprouvé. Compte tenu de la sagacité de l'auteur, de l'importance de son propre témoignage, le fait qu'il ait choisi le domaine incertain de la vision pour parler de lui-même, doit être retenu comme particulièrement significatif. Un point de vue si nuancé plaide en faveur de l'exactitude de Guibert et ouvre des perspectives d'interprétation fondées sur les récits eux-mêmes.
49Que le chroniqueur utilise le vocabulaire de la présence et de l'agression pour les manifestations diaboliques concernant sa mère, les moines de Saint-Germer et les personnes proches, pose, par contraste et par comparaison, un vrai problème. La différence relevée, à une exception près41, s'articule sur le passage de l'expérience directe, celle de Guibert, au témoignage même proche. La présence d'un intermédiaire qui a fait un récit modifie de toute manière les données. On peut légitimement penser que Guibert respecte pour l'essentiel ce qui lui a été dit et que l'interprétation des manifestations diaboliques dans un sens réaliste est le fait de ses informateurs. Cela ne signifie pas qu'ils aient voulu tromper Guibert, mais seulement qu'ils ont ressenti leur expérience de manière différente. Personnes d'une génération antérieure, moins bien formées intellectuellement, elles n'ont peut-être pas la sagacité du chroniqueur. On peut penser également que la tentation de projeter vers l'extérieur une expérience mentale et de la transformer en objet n'est pas absente. Le récit, intermédiaire entre le témoin et le chroniqueur, accroit ce penchant.
50Cette propension à transformer le mental en réel peut subir une vérification. A phénomène psychologique conséquences du même ordre, à manifestations concrètes, dénouement réel. Les suites éventuelles de l'apparition du démon ont ici valeur de test et doivent être méticuleusement analysées.
51Dans un certain nombre de cas, le récit apporte la preuve de la véracité du fait en faisant état justement de conséquences concrètes. La religieuse de Caen qui voit les diables aux maillets tourmenter une damnée, reçoit une étincelle de ce feu et s'en trouve blessée. On sait qu'il ne s'agissait pourtant que d'une vision. Le prêtre qui a pris l'habit à Saint-Nicaise de Reims est frappé par une pierre lancée par le diable et il en est malade pendant quarante jours42. Un familier du chatelain de Chaumy est emporté dans les airs par les diables. Il est retrouvé, en Italie, près de Sutri, avec une jambe brisée43. Un paysan a les pieds liés par le démon44. Cette énumération est exhaustive. Elle fait apparaître qu'aucun de ces récits ne concerne Saint-Germer et le Beauvaisis. Aussi le passage du phénomène diabolique à des conséquences concrètes paraît-il le fait des textes les moins crédibles.
52D'autres récits montrent à l'évidence que la manifestation du démon n'est suivie d'aucun effet réel. La mère de Guibert de Nogent en est quitte pour la peur, même si elle reste définitivement persuadée d'avoir échappé de peu aux violences d'un démon incube45. Le diable qui se promène parmi la compagnie qui dort dans la chambre de l'évêque de Beauvais ne fait de tort à personne, même pas au seigneur qui l'a vu46. Le témoignage de Guibert lui-même est, ici encore, capital. Il a vu le diable, sans dommage aucun, une nuit mémorable. Une autre nuit, alors qu'il était, en songe, dans l'église de Saint Germer, deux démons l'emportèrent jusqu'au faîte et le laissèrent choir. Il se retrouva dans le chœur de l'église, indemne47. Cette précision est unique dans tout le "De vita sua''. Dans ce cas, la portée de l'agression démoniaque est strictement limitée. Le contraste avec l'histoire de la religieuse de Caen est éloquent.
53Les récits des proches de Guibert ont sur ce point une importance cruciale. Nul doute que les témoins qui donnent au chroniqueur la substance du récit aient cru que les manifestations du diable s'accompagnaient de conséquences concrètes. Le prieur Suger qui reçoit la visite du démon alors qu'il est malade perd la raison48. Tel moine est étranglé dans son lit par les démons et il est trouvé bel et bien mort49. Tels autres meurent précisément lorsque les démons se présentent dans la cellule. Tous ces faits passent pour des conséquences de l'intervention du diable dans le contexte du "De vita sua''. Pour l'historien, il n'y a jusque là que coïncidences et rien de plus. Certains de ces phénomènes sont d'ailleurs spirituels, comme la démence de Suger.
54Un seul cas retient plus longuement l'attention. Le moine Osmond qui a chassé de l'église un pauvre homme, voit le diable, sous ce déguisement, la nuit, pendant qu'il va du chœur aux portes de l'abbatiale. "Il vint au devant de lui, bâton haut, écrit Guibert, et se jeta sur le moine comme pour le frapper''50. Le geste est esquissé, sans plus, car le verbe est au futur. Le chroniqueur y revient quelques lignes plus loin et écrit : "le diable s'élança, feignant de vouloir le frapper''51. Une plaie ou une bosse aurait été une preuve, comme pour le prêtre de Saint-Nicaise de Reims. Or il n'en est rien. Si l'agression physique est bien envisagée, elle demeure dans le domaine des actes simulés. Ce récit est fascinant d'honnêteté. Osmond n'a pas reçu de coup et, seul témoin, il le dit. Guibert l'enregistre. Or tous croient sans faiblesse que le diable est en mesure d'infliger des brutalités corporelles.
55Une conclusion s'impose. Il n'y a de conséquences concrètes aux agressions diaboliques que dans les récits peu crédibles. Guibert et deux très bons témoins montrent par contre qu'il s'agit de phénomènes sans aucune réalité matérielle et extérieure. Les moines de Saint-Germer de Fly qui croient que le diable peut leur faire subir des violences physiques, sont des observateurs exacts de leur propre cas, puisqu'ils n'enregistrent aucun fait incompatible avec le caractère purement spirituel de la manifestation diabolique.
56De ce fait la nature de l'expérience confrontée aux différents témoignages pris selon leur crédibilité pondérée conduit à une affirmation nette : le diabolique dans le "De vita sua'' est purement spirituel, il est sans conséquence matérielle. Il est vécu comme un sentiment de présence et d'agression par des personnes qui ont une tendance permanente à lui donner la consistance de faits extérieurs. Le diabolique est une expérience subjective, projetée sur l'extérieur et devenue réalité.
IV. La fabulation
57Peut-on avancer quelques hypothèses pour tenter de donner une interprétation plus complète de ces phénomènes, une fois qu'il est entendu qu'il s'agit de faits purement spirituels ?
58Compte tenu de la continuité entre la vision réelle et le songe, l'état de paralysie physique accompagné de la pleine conscience ne peut pas être interprété comme le fait d'un veilleur. En dépit de Guibert et de tous les bons témoins qui affirment qu'ils étaient éveillés, on peut respectueusement penser qu'ils se trompent, en toute bonne foi, comme le font tous ceux qui déclarent passer une nuit blanche, alors qu'ils ont dormi une partie du temps, médiocrement il est vrai. Ce sentiment de perte de la capacité motrice semble faire référence à un moment précis de la nuit d'un dormeur. C'est l'instant où il s'endort ou c'est encore celui où il s'éveille, sans être encore sorti de l'engourdissement. Sur ce point c'est encore la description que Guibert donne de son état qui est la plus précise. La nuit où il vit le diable, il fut arraché à ses sens "comme si l'heure de tomber dans le sommeil était sonnée52. On ne saurait mieux observer l'étrange coïncidence entre la venue du démon et le fléchissement de l'attention à l'entrée dans le sommeil.
59C'est à ce moment que se forment les rêves dont on garde le souvenir. Comment douter que certaines manifestations diaboliques ne puissent s'interpréter ainsi quand on sait quelle connuité lie la vision diurne et les phantasmagories. D'autres hypothèses sont possibles. Les illusions nocturnes font voir jusqu'à l'hallucination. On peut aussi se tromper sur un phénomène extérieur. Plus encore, les malades ont pu largement alimenter les conversations de l'expérience de leurs délires. Ces cas sont dans le "De vita sua'' assez nombreux. Il y a, en fait, un assez large registre d'expériences susceptibles de fonder une croyance que rien ne pourra déraciner.
60On ne saurait affirmer que tous les récits sont lisibles par dessus l'épaule de Guibert. Ce serait faire trop bon marché des extraordinaires capacités de l'imagination. Deux pourtant semblent se prêter à ces recherches.
61La mère de Guibert est une jeune veuve qui semble faire un rêve classique d'angoisse avec oppression, contraction de la gorge, étouffement et exacerbation erotique jusqu'à l'imagination d'une tentative de viol. Cette lecture prend en compte tous les symptômes décrits par le chroniqueur et diverge de son interprétation sur deux points seulement. La mère de Guibert n'est pas éveillée mais endormie et elle fait un cauchemar. L'agression diabolique n'est pas un fait extérieur mais un certain état d'âme où le désir sexuel refoulé provoque l'angoisse53. Le rêve en lui-même est banal et ne pose aucun problème. Par contre la fabulation qui transforme ce cauchemar en agression démoniaque peut demander une explication. C'est là que l'imagination joue, nourrie de tout ce que la civilisation médiévale colporte de récits divers.
62Le rêve dans lequel Guibert est enlevé jusqu'au faîte de l'église paraît également d'une lecture aisée. Lâché par les deux démons, il tombe dans le chœur de l'église. Le chroniqueur est alors un jeune garçon de douze ou treize ans, car c'est alors l'année où il se rendit à Saint-Germer de Fly pour s'y faire moine. L'élément concret est vraisemblablement un rêve de chute libre qui est très commun chez tous les adolescents. Il n'offre en lui-même aucun mystère et ne présente d'ailleurs aucun intérêt. Par contre il s'enveloppe dans une fabulation démoniaque qui lui donne un sens. Ce schéma imaginatif pourrait être emprunté au récit des tentations de Jésus.
63Interprétés comme des rêves, ces deux récits ont exactement la même structure. L'image nocturne elle-même est susceptible de multiples interprétations au gré des personnes et des circonstances. Elle devient proprement diabolique lorsque le schéma imaginatif donne au rêve une signification de ce type. On peut estimer que les fantasmagories nées de la maladie ou de la fièvre peuvent également engendrer des apparitions imaginaires de caractère démoniaque.
64En fin de compte ce n'est pas la présence d'un schéma interprétatif qu'il faut expliquer, c'est un fait très commun, mais qu'il soit porteur, en certaines occasions, de l'image du diable. Ainsi posée la question peut se résoudre assez simplement. Il y a fabulation démoniaque parce que le Malin est un personnage culturellement familier dans le monde clérical et monastique des xie et xiie siècles et que chacun a entendu sur lui de nombreux récits. Ce qui entretient le schéma imaginatif est le fait d'en parler sans cesse, d'invoquer sa présence pour expliquer les événements et de redouter ses menaces. C'est à la littérature de préciser le contenu de cette tradition culturelle sur les démons et à l'historien des mentalités d'expliquer comment ces schémas imaginatifs marquent de leur empreinte les rêves et les autres fantasmagories qui donnent naissance aux visions et, par projection sur l'extérieur, aux apparitions et autres phénomènes de présence et d'agression. Les moines de Saint-Germer de Fly voient le diable ou ont le sentiment de sa présence parce qu'il est sans cesse présent dans leur mémoire et leur imagination. Ils le voient parce qu'ils croient à son existence et à ses interventions.
65Cette explication a quelques avantages. Un phénomène subjectif et essentiellement psychologique est interprété par des faits du même ordre, c'est-à-dire par des traits de culture et de mentalité. Nul besoin de faire appel à la malnutrition, à l'obsession sexuelle. Le diable est d'abord un schéma imaginatif qui structure les expériences des hommes. Cette explication permet en outre de comprendre pourquoi le diable disparaît des visions humaines. Il est à la mort le jour où son image est sur le déclin et s'estompe de la mémoire. On ne voit plus le diable dès qu'on n'y croit plus.
V. Le diable et le monastère
66Il est temps de prendre en considération, non plus le sens de tel épisode précis, mais la signification plus générale de l'ensemble de ces manifestations.
67L'imagination a secrété une sorte d'épouvantail qui, devenu autonome et comme extérieur, agit à la manière d'un être malfaisant. Ces croyances engendrent une angoisse qui se nourrit d'une culpabilité réelle ou supposée. Elles entretiennent toutes sortes d'interrogations sur le sens et la portée des petits et grands événements de la vie. Les circonstances de la mort sont particulièrement épiées. On ne comprend bien cet univers mental qu'en faisant l'inventaire des précautions diverses et des gestes que la crainte du démon inspire.
68Le premier sentiment est manifestement la peur qui apparaît en même temps que la nuit. On craint les ténèbres à cause de ce qu'elles cachent. Guibert montre un veilleur installé la nuit dans une pièce au-dessus de la porte d'entrée d'un château et chantant pour se donner courage54. Les heures de la nuit sont longues à passer. Le monastère paraît être un meilleur refuge. C'est un lieu clos, suffisamment habité, gardé en permanence, protégé par les prières de la communauté et qui fait figure d'une vraie forteresse assiégée par les démons. Rien ne prouve qu'à Saint-Germer de Fly, le commun des moines ait eu une idée plus déliée du rôle d'une communauté monastique.
69Les attaques du démon ont un but : s'emparer de l'âme d'un défunt. L'heure dernière comporte une redoutable angoisse car nul ne sait si son esprit ne sera pas subrepticement emporté par les démons. Le destin de l'homme se joue à la mort, celui qui arrache l'âme, qu'il soit ange ou diable, l'a gagnée. Nulle trace chez les moines de Saint-Germer de la croyance à un jugement individuel. Leurs idées sur ce point ne semblent pas aller au-delà du folklore. Un peu de morale s'y glisse à la faveur du développement de la confession. Les démons ne viennent chercher que les âmes qui leur appartiennent. Meurtriers, ils peuvent aussi choisir d'assassiner à un moment où la victime n'a pas la conscience en règle. Guibert fait deux récits de cette sorte à propos de la mort de moines qui ont gardé pour eux de l'argent. Le meurtre, avec sa suite, la damnation, survient avant qu'ils aient eu le temps de se confesser55. Le prieur Suger qui retrouve l'esprit pour obtenir l'absolution fait par contre une bonne mort56. Le chroniqueur s'insurge contre une conception aussi sommaire. La mort du moine Osmond est troublée par la venue d'une troupe de démons qui, selon les idées communes viennent chercher son âme. Guibert qui ne connaît que des défauts mineurs, et pas de vices, à ce moine ne peut y croire. Sa protes-embarrassée et peu argumentée car il croit, comme les autres à l'intervention des démons à la dernière heure57.
70Le diable c'est aussi la tentation. Dans le "De vita sua'' les démons engagent la conversation cinq fois. L'imagination secrète ici jusqu'aux discours qu'ils peuvent tenir pour séduire les humains. On est en droit d'y chercher, projeté sur l'extérieur, les penchants les plus secrets de l'âme et l'aveu de ses faiblesses.
71Il n'y a rien à attendre des propos que, sous l'habit de saint Jacques, le diable tient à un pèlerin. L'histoire vient d'ailleurs et reprend un thème déjà traité. Par contre les dialogues avec les moines de Saint-Germer de Fly, plus proches du chroniqueur sont à la fois plus riches et plus sûrs.
72Les deux démons, vêtus comme des frères lais, qui s'installent, au petit matin, à la tête du lit d'un moine malade prétendent être venus pour apprendre la vraie piété58. Le propos est anodin et le moine qui se tient en rêve un tel discours ne peut être taxé que de vanité. C'est un vice bien mince. Aussi le but de la question est-il d'engager la conversation. Au terme du bavardage le moine peut être amené à parler inconsidérément. Le piège du démon est là. On devine en fin de compte une sorte de peur superstitieuse de la parole proférée à tort.
73Le prieur Suger pour sa part reçoit la visite du diable alors qu'il est malade. Le démon lui apporte un livre de la part de Jupiter59. On reconnaît sans peine l'interprétation augustinienne des dieux païens comme autant de démons. La tentation n'est pas ici le paganisme et son prestige culturel représenté par un livre. Lire consiste à prendre contact avec les écritures diaboliques. Le démon incite le moine à changer de camp et à servir une autre religion. Le visiteur informe en outre le prieur que la piété ne lui survivra pas dans le monastère et donc que sa résistance est vaine. Curieuse vanité une fois de plus.
74Les deux derniers dialogues versent dans un diabolisme plus classique. Un moine qui a été soigné par un médecin juif obtient par son intermédiaire une rencontre avec les démons pour obtenir le secret de leur puissance. C'est, sans que le mot soit prononcé, une ébauche de pacte avec le diable60. Chercher à s'approprier la capacité de faire des enchantements comme les puissances maléfiques procède de l'esprit magique. C'est une entreprise de sorcier ou de magicien. C'est mentalement une régression. Le diable exige en échange une libation de sperme que le moine doit consommer. Il y a rupture de la chasteté et probablement une parodie de la communion. Le commentaire pourrait sans doute être poussé plus loin.
75Le dernier dialogue est une évocation du diable, la nuit au bord d'un étang. Le clerc qui désirait cette vision a eu recours aux services d'un magicien et porte à la main un coq rôti61. La rencontre tourne court, car le clerc épouvanté fait une invocation à Marie qui met le diable en déroute. Cet épisode est encore de l'ordre de la curiosité malsaine et du désir trouble de s'approprier les puissances occultes. Cet épisode, si proche du folklore des bois et des champs, se présente curieusement avec de bonnes garanties extérieures. Guibert a connu le clerc et sait qu'il a demandé ensuite une pénitence à l'évêque de Beauvais.
76Il faudrait pouvoir interpréter d'un seul mouvement ces deux aspects de l'image des démons : d'une part la peur qu'ils inspirent, d'autre part la séduction qu'exerce leur puissance. C'est à cette double face que le moine est confronté. Qu'elle puisse se réclamer de la Genèse est approximativement vrai, car le personnage de l'adversaire séducteur est biblique. Dans le petit monde monastique de Saint-Germer cette attraction et cette répulsion paraissent de nature magique. Se livrer aux démons c'est espérer disposer de leur puissance. La peur est inspirée elle par leur pouvoir maléfique. Dans l'un et l'autre cas c'est la faiblesse du moine qui est l'évidence. Enjeu dérisoire mais précieux d'un combat qui met en branle des forces très supérieures, le moine s'efforce de ne pas mettre son âme en péril. Vigilance et piété semblent ses maîtres-mots.
Conclusion
77Faut-il revenir sur les étapes de cette analyse pour en faire ressortir la cohérence. Les phénomènes les plus externes comme la nuit et l'isolement, sensibles dans le cas des malades et des moribonds, n'apparaissent pas comme de simples circonstances. Premiers faits relevés, ils n'ont cessé d'entrer dans toutes les tentatives d'explication. La maladie pose un problème qui va au-delà de ces recherches. Ses fièvres et ses angoisses sont de nature à fonder une expérience dont on mesure mal la portée. Nul doute que ce qui est entrevu dans cet état ait été raconté et colporté.
78L'expérience du démoniaque apparaît d'autant plus subjective que les témoins sont plus sûrs. Pour cette raison il paraît légitime d'affirmer qu'il n'y a pas de phénomène extérieur au sens positiviste du terme, mais simplement une illusion dont les témoins donnent une interprétation réaliste, mais nuancée. A vrai dire il s'agit là d'une conclusion concernant le "De vita sua'' de Guibert de Nogent. Car, à bien considérer la question, le schéma imaginatif qui donne un caractère diabolique à des rêves ou à des fantasmagories pourrait s'appliquer également à un phénomène réel, nocturne et insolite. Une histoire rapportée par Guibert pourrait relever de ce domaine. Elle n'est pas, à vrai dire, des plus sûres. Des chasseurs qui avaient capturé un blaireau de grande taille, le soir, dans un bois, se persuadent vite, à quelques signes insolites, qu'ils ont capturé le diable et qu'ils le transportent avec eux, dans un sac62. On peut éventuellement admettre l'existence d'un fait réel et cela ne change rien à l'affaire.
79Aussi, le caractère illusoire des phénomènes démoniaques n'est-il qu'un aspect secondaire de cette conclusion. Il est plus important de mettre en évidence le rôle du schéma imaginatif et fabulatoire. Le caractère évanescent des manifestations diaboliques chez Guibert de Nogent avait le mérite de faciliter la tâche.
80A ce point, l'expérience du démoniaque rejoint la culture et éventuellement la littérature dans la mesure où les conceptions savantes ont contribué, elles aussi, à forger cette mentalité propice à l'apparition du démon. Les références à la tradition biblique ne sont pas très abondantes chez le chroniqueur. L'analyse conduit plutôt du côté de la magie et du folklore. Ce hiatus entre le contenu mental de l'expérience du démon et la culture savante mérite d'être relevé. Les informateurs de Guibert y sont certainement pour beaucoup. Les moines pensaient plus gros que ne le laissent croire les écrivains monastiques. On devine cependant une cohérence entre leurs gestes et leurs conceptions, ce qui est essentiel.
81Le témoignage enfin pose un problème. Il y a une différence manifeste dans les récits suivant qu'ils sont autobiographiques, faits par un observateur proche ou rapportés par plusieurs intermédiaires. La sagacité de Guibert est proprement fascinante. Or cet homme n'a pas les mêmes qualités de discernement lorsqu'il accueille le récit d'un autre. Il suffit qu'un homme de bonne foi et honorable fasse un discours pour que les autres le prennent au sérieux. Les hommes du Moyen Age sont plus crédules devant les récits que devant les faits. Le chroniqueur n'échappe pas à cette règle. Il faut en conclure que ces auteurs ignorent les puissances de l'imagination, pour ne rien dire de la fabulation pure et simple. Pour l'historien, la recherche de l'expérience vécue paraît plus importante que les thèmes littéraires qui versent vite dans le convenu.
82Les moines croient à l'existence du diable et à sa puissance. Il ne s'agit pas d'un personnage de contes qui n'effraye que les enfants. Si l'on se méfie des récits, les gestes et les précautions sont irrécusables ! Appeler la communauté à l'aide au moment du décès d'un frère parce que les démons sont présents en dit long. Presque tous les épisodes narrés par Guibert apportent une précision de ce genre. On se gardera enfin de croire qu'il s'agit là d'une mentalité strictement monastique. Les illettrés, plus soumis encore que les moines aux superstitions, et à une culture orale où le fantastique tient une large place, se trouvaient dans un état psychique et imaginatif plus propice encore à l'accueil de ces manifestations démoniaques. La magie et la sorcellerie ont suffisamment duré dans les campagnes pour qu'aucune illusion ne soit permise à ce sujet. Aussi, les récits diaboliques concernant les laïcs mériteraient-ils d'être traités à part, pour éprouver la différence. Guibert ne permet pas ce travail car les épisodes non monastiques ne sont ni très nombreux ni très sûrs.
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Notes de bas de page
1 Le "De vita sua" de Guibert de Nogent est cité d’après l’édition de G. Bourgin, A. Picard, Paris 1907, sous le signe De vita. F. Guizot en a fait une traduction dans les Tomes IX et X des "Mémoires relatifs à l’histoire de France". Cette traduction qui est assez loin du texte ne peut guère servir qu’à une approche d’une rhétorique parfois difficile.
2 17 cas sur 22.
3 Par exemple celui du prieur Suger, De vita p. 81.
4 De vita p. 220.
5 De vita p. 224.
6 L’heure est approximativement connue dans 11 cas. La nuit profonde est désignée par les formules "nox intempesta" "intempesto silentio", De vita p. 56, 57, 81 etc. Cicéron connaît l’expression "intempestiva nocte".
7 Une exception, au matin, De vita p. 122.
8 De vita p. 96-97.
9 Cf les ouvrages classiques sur les démons. E. Langton "La démonologie", Paris, Payot, 1951.
10 "Cujus vix spiritum et presentia et confabulatione et accensione luminis refovere queunt" p. 44.
11 De vita p. 56.
12 "Jube, pater, sollicitam tuos habere custodiam mei ; scias enim pro certo evidens aliquot diebus mihi imminere judicium Dei, De vita p. 127.
13 De vita p. 89-90.
14 De vita p. 93.
15 De vita p. 83 et p. 121.
16 "Cumque ejusdem noctis fieret intempestum, et illa atroci anxietate plenissima proprium cubile foveret, sicut diabolo consuetudinarium est, ut potissimum animis tristitia maceratis immergat, subito vigilanti illi ipse Inimicus incubuit, et gravissimo pene usque ad extinctionem pondere jacentem oppressit. Cum sub hoc ejus spiritus suffocaretur angustia, et omnium membrorum ex toto libertate careret, vocis autem cujuspiam sonitum nullatenus emittere posset, solum Dei, muta penitus, sed ratione libera, praestolaretur auxilium, ecce a lectuli ejus capite quidam spiritus, haud dubium quin bonus, sic inclamare non minus affectuosa quam aperta voce cœpit ; "Sancta Maria ; adjuva ! ". p. 43-44.
17 "Ecce repente et haud longe de superioribus, ut putavi, multarum vocum, cum nox esset intempesta, clamor emersit. Vox autem sine verbo fuit, sed solum vi calamitatis, et illico concussis veluti ad somnum temporibus a sensu rapior, et mortuum quempiam quem obiisse in balneis quidam conclamabat, videre mihi videor. Qua imaginatione conterritus, cum e stratu prosiliens subclamassem, in ipso primo motu meo respiciens, lampadem vidi extinctam, et per medias ingentis umbrae caligines sua ipsius specie daemonem stantem prope intueor", p. 56.
18 "Is autem qui hoc speculabatur, dum haec attenderet, tanto pondere premebatur, ut impos ad locutionem et motum omnimodis fieret. Excedente igitur Adversario, facultas sibi pariter in utroque rediit", p. 57.
19 "Qui cum liberum ad haec sentienda haberet intellectum, potentia tamen quadam spirituali deprimeretur ad linguae et corporis motum"…… "Cumque ille, qui ista mentaliter fieri sentiebat". p. 93.
20 De vita p. 220.
21 De vita p. 121.
22 De vita p. 122.
23 De vita p. 92.
24 De vita p. 89 et p. 81.
25 De vita p. 92.
26 "Sua ipsius specie daemonem stantem prope intueor" p. 56.
27 "Ecce proceri figura daemonis, exili capite, turgen-tibus scapulis progendiens viro apparuit" p. 57.
28 De vita p. 83 et p. 121.
29 De vita p. 56.
30 De vita p. 90.
31 De vita p. 93.
32 De vita p. 93.
33 De vita p. 122.
34 "Accipe, lege, hunc tibi mittit Jupiter" p. 81.
35 De vita p. 83.
36 "Astitit diabolus" est la formule la plus courante ; ex 81, p. 97 etc.
37 "Astitit in visione homini", p. 121.
38 De vita p. 92.
39 De vita p. 56.
40 "Nocte quadam per visum… eram", p. 62.
41 Une seule exception, celle du gentilhomme de Beauvais p. 57.
42 De vita p. 121.
43 De vita p. 124.
44 De vita p. 225.
45 De vita p. 43-44.
46 De vita p. 57.
47 De vita p. 62.
48 De vita p. 81.
49 De vita p. 83.
50 "Sibi obvius fuit, et fuste elevato monachum quasi percussurus impetiit", p. 92.
51 "Ille simulans se ferire prosiliit", p. 92.
52 "Illico concussis veluti ad somnum temporibus a sensu rapior, p. 56.
53 De vita p. 43-44.
54 De vita p. 125.
55 De vita p. 61 et p. 83.
56 De vita p. 81.
57 De vita p. 93.
58 De vita p. 122.
59 De vita p. 81.
60 De vita p. 95.
61 "Quidam clericus in Belvacensi pago… quem et ego noveram, p. 97.
62 De vita p. 224.
Auteur
Université de Provence (Aix MarseiIle I)
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