Le diable dans le Gregorius de Hartmann von Aue
p. 71-95
Texte intégral
1Il n'est pas question dans ce bref exposé d'aborder la question si controversée de la faute de Gregorius, qui a donné l'occasion de tant d'études variées. Nous nous bornerons à considérer le rôle joué par le diable dans le double inceste que raconte l'œuvre de Hartmann.
2Hartmann n'a évidemment pas inventé l'histoire : il a adapté un poème français. Ainsi que l'a montré Brigitte Herlem dans sa thèse : Le gregorius de Hartmann et ses sources françaises1 et dans un certain nombre d'articles2, cette source française de Hartmann qui concordait aussi bien avec la version A (A.1, A.2, A.3) qu'avec la version B (B.l, B.2, B.3), était un manuscrit de l'archétype de la légende d'où sont sortis par la suite les mss. A.l, A.2, A.3 d'un côté, et les mss. B.l, B.2 et B.3 de l'autre, et le Gregorius est l'adaptation courtoise de l'archétype de la Vie de Saint Grégoire qui serait une chanson de saint datant de la première moitié du xième siècle. Puisque le Gregorius est une adaptation courtoise d'un poème français, il conviendrait d'étudier le texte allemand constamment en relation avec celui de son modèle, mais, faute de l'original français de Hartmann, nous ne pourrons procéder que par raisonnements indirects, par voie d'induction à partir des textes conservés. D'un autre côté, puisque, selon la démonstration de B. Herlem à laquelle nous souscrivons sans réserve, le poème de Hartmann appartient au genre de l'adaptation courtoise, et que, jusqu'à maintenant on n'a jamais étudié le Gregorius dans cette optique, nous ne pouvons pour ce bref essai qu'appliquer la méthode de la table rase en laissant de côté l'ensemble des ouvrages antérieurs qui ne tenaient pas compte de cette donnée nouvelle, c-à-d. nous allons revenir aux textes mêmes (pour les textes français nous utilisons l'édition qu'a faite Victor Luzarche de A.1 et celle de B.l par Gerta Tolger).
3Hormis trois mentions épisodiques que Hartmann a ajoutées au texte de son modèle, sans doute pour accroître la tension dramatique (elles sont faites par un personnage sous le coup de la colère ou de la mauvais humeur - le diable y est désigné par son nom- : la première figure dans la diatribe de la femme du pêcheur contre Gregorius (1334/5 "der tiuvel hat in hêr brâcht/mir zeiner harnacher", "c'est le diable qui l'a amené ici pour me tourmenter") au cours de laquelle l'adolescent apprend qu'il est un enfant trouvé, et qui est le point de départ de la troisième partie de l'œuvre puisque Gregorius décide de s'en aller : la seconde se trouve dans les injures adressées à Gregorius par le pêcheur auquel il demande l'hospitalité après s'être séparé de sa mère (2808 "daz dir der tiuvel tue den tôt", "que le diable t'emporte") ; la troisième enfin est faite par ce même pêcheur au moment où il enchaîne Gregorius sur le rocher et jette la clef à la mer (3091 "dich envüere mit sînen sinnen/der tiuvel von hinnen", "à moins que le diable t'emmène d'ici grâce à ses artifices...") pour montrer qu'il ne croit nullement à un possible salut du héros), toutes les références de l'auteur au diable se trouvent-dans le prologue, -dans le récit du premier inceste, -dans celui du second inceste, -dans les paroles de Gregorius qu'on vient chercher sur son rocher, -dans l'épisode de "Grégoire, pape", - et enfin dans l'épilogue. Nous allons donc examiner ces différentes mentions du diable en comparant le texte allemand aux deux témoins français de la légende pour voir comment Hartmann a adapté le texte de sa Vorlage, dans quelle mesure il lui demeure fidèle et en quoi il l'a modifié.
4Dans les deux mss. A.l et B.l, la responsabilité d'une union qui, comme l'a montré Claude Lévi-Strauss, est universellement prohibée3, est donnée dès le prologue au diable : il est d'abord désigné (A.1 et B.1 51) par la périphrase "enemis", dénomination du diable dans le Nouveau Testament (Mathieu 13.39 ; Luc 10,19), puis il est nommément cité : Dieu les a sauvés du diable, Grégoire et ses parents (A. l 59-60), Dieu l'a sauvé du diable (Grégoire seul en B.l 57/8). Hartmann, quant à lui, cite à trois reprises le diable, mais dans un tout autre contexte. Il est amené à parler du diable dans un ensemble de vers (97-170) correspondant à A.1 55-60 et B.1 55/8 qui concluent dans les textes français le bref résumé de la légende. Mais, contrairement à son modèle, il retrace la vie de son héros, qu'il ne nomme nulle part dans le prologue, au moyen de la parabole du Bon Samaritain. Aussi utilise-t-il pour désigner le diable le terme même de la Bible "mordaere" (malfaiteur, meurtrier). Le poète cite une seconde fois le diable en relation indirecte avec les héros de son histoire, cette fois en le désignant par son nom : "tiuvel" (58), au cours d'une addition4 : l'histoire de Gregorius doit servir d'exemple aux enfants de Dieu qui, entraînés par le diable sur le chemin de l'enfer, veulent retourner sur la voie du salut : le diable y est conçu comme l'adversaire de Dieu qui lui dispute les hommes. Une troisième mention du diable est faite par Hartmann dans une addition -inspirée par sa source française5 - qu'il fait dans le premier paragraphe de son œuvre et où il dit pourquoi il a écrit le Gregorius : il raconte cette histoire en pénitence des péchés qu'il a commis lorsque, sur le conseil de sa folle jeunesse (v.5), il ne se préoccupait pas du ciel, mais écrivait uniquement pour obtenir le salaire du monde ("der werlde lôn", v.4). Après cette référence à lui-même, il s'élève au plan du général : celui qui, sur le conseil du sbire de l'enfer (le diable est désigné par une périphrase : v.6 "des helleschergen rât") a péché dans sa jeunesse, ne doit pas attendre sa vieillesse pour faire pénitence, car la mort souvent réduit cette bonne résolution à néant. Et dans ces vers 4-15 (notamment dans les vers 4, 6 et 7 ("celui qui sur le conseil du sbire de l'enfer et confiant en sa jeunesse"), Hartmann souligne un thème important de son œuvre : le diable a un puissant allié dans la jeunesse, il joue sur la jeunesse de l'homme pour parvenir à ses fins ; le poète emploie d'ailleurs la même image avec la jeunesse que plus tard avec le diable ("als in diu jugent schündet" (v.1O)// "der tiuvelschünde luoder/begunde sî mêre schünden" (v.400/1)).
5Ainsi, tout en s'écartant de la lettre du modèle, Hartmann en conserve le sens : le diable est responsable de tout ce qui se passe.
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6Dans l'épisode relatant le premier inceste, l'action se déroule en deux étapes : la première où le diable fait naître dans l'esprit du frère l'idée de l'inceste, c'est la scène de la séduction, la seconde où il pousse le jeune homme à le commettre.
7Lorsque, au début de la scène de la séduction, Hartmann parle pour la première fois de lui, il utilise la périphrase "der werlde vîent", l'ennemi de l'humanité et y adjoint un petit développement sur 1'enfer et les vices inhérents traditionnellement au diable, alors que A.1 et B.1 désignent simplement le diable par son nom ("der werlde vîent/...//der durch hôchvart und durch nît/versigelt in der helle lît" (304/6), vers correspondant à.A.1 149 "li Déable" et B.l 129 "li diables"). Par ailleurs, Hartmann traduit son modèle en le paraphrasant plus ou moins (en effet 304/9 "Dô dise wunne und den gemach/der werlde vîent ersach/...// ir beider êren in verdrôz/(wan si dûhte in alse grôz) " correspondent à peu près exactement à A.l 149/52 dont B1 129/32 est très proche "Quant li Déable vist cest plait/Que li frères tel honor fait,/Que tant percherist sa seror/E que la tient en tel enor"). Puisque, quelques vers plus bas, le poète français a utilisé la périphrase de "li enemis" (A.l. 150-61 et B.l 139-41) qu'il avait employée dans le prologue (A.1, B.1 51), on peut penser que Hartmann, qui ici modifie le texte et utilise la métonymie "des tiuvels hoene" (326), a voulu ne pas répéter servilement son modèle : il en garde le contenu (le bonheur et l'amour exemplaire du frère et de la sœur exaspèrent le diable qui veut leur ravir leur joie et la considération dont ils jouissent dans le monde (314/5), mais varie l'expression, tout en utilisant ce qu'il y a dans le modèle. De plus, puisqu'il ne nomme pas le diable, Hartmann s'est vu contraint d'expliciter davantage, d'abord en adjoignant "der werlde" (de l'humanité), puis la référence à l'enfer, pour que le public sache clairement de qui il s'agit. En utilisant5° un détail de sa source qu'a conservé A.1 175/6 un peu plus loin dans le récit ("li enemis de nature,/Qui d'autre chose n'aveit cure"), Hartmann ajoute un développement sur l'habitude du diable de transformer le bonheur des hommes en malheur Gr.309/17) : il prend du recul par rapport à son modèle et commente. Après quoi, il paraphrase le texte de sa Vorlage, en effet Gr.318/22 correspondent très étroitement à A.l 153/8 (notamment "verkêrte sîne triuwe guot/ûf einen valschen muot" (321/22) est parallèle à A.1 155/6 "Que torner peust /...// Cele amistié à male part"). (Soulignons en passant que, contrairement à une opinion très répandue, Hartmann ne condamne pas tout amour : il dit simplement que le diable -désigné ici par le pronom personnel- incite le jeune homme à aller trop loin "ze verre" (319)6. Hartmann modifie ensuite A.1 159/64 (B.l 139/44) pour expliquer plus nettement les raisons pour lesquelles la "triuwe" se transforme en "valschen muot" (l'amitié loyale en sentiment perfide) : alors que A.1 159 et B.l 139 mettent en cause uniquement le malin désigné par la périphrase "li enemis", le diable n'est chez Hartmann pas seul responsable : il y a d'une part l'amour (qui va ici trop loin), d'un autre côté la beauté de la jeune fille, la troisième raison est "stiuvels hoene", c-à-d. la façon dont le diable se moque de l'homme et en fait son jouet, la quatrième la jeunesse du garçon qui est l'alliée du diable. Soit dit en passant : la forme même de ce passage avec la classification des motivations ("daz eine..., daz ander..., daz dritte..., daz vierde...") incitait à penser que nous avions affaire à une modification de Hartmann -en effet, les adaptateurs allemands d'œuvres françaises ont tendance à structurer, classer, ordonner-, supposition appuyée par l'emploi de la métonymie "stiuvels hoene"7. Le diable n'est donc chez Hartmann qu'un élément parmi d'autres, car il s'agit d'enfants : le diable joue sur le jeunesse du garçon, sur leur innocence à tous deux qui sont une circonstance atténuante, leur jeunesse explique, excuse, mais ne suffit pas à justifier le crime : au jeune homme d'accepter ou de refuser la tentation. Or, il n'est nullement question d'une lutte du jeune homme contre le diable. Ainsi diable, beauté, jeunesse et amour, c-à-d. des forces situées à l'extérieur de la personne du jeune homme, l'entraînent au mal sans se heurter à la moindre résistance : le diable et ses alliés parviennent à leur fin, c-à-d. réussissent à faire naître chez le garçon l'idée de partager la couche de sa sœur. Le plus frappant est ici, dans le récit de la séduction même, l'absence de référence à Dieu. Alors que Dieu seul aurait pu s'opposer au diable, il laisse tout faire. On a l'impression qu'il laisse le champ libre au diable. Au reste, Hartmann, qui en tant qu'adaptateur prend du recul par rapport à l'histoire qu'il narre, s'empresse d'ajouter un commentaire où il s'indigne non seulement de la fourberie du "chien de l'enfer" (333 "helleshund") (addition inspirée à Hartmann8 par son modèle où figurait peut-être le vers B.l 135 où il est question de la "put art" du diable), mais aussi de ce que Dieu ne soit pas intervenu pour sauver des griffes du diable "son œuvre, qu'il a créée à son imagé de ses propres mains" (335/8), c-à-d. l'homme, dont ici le frère apparaît comme un représentant.
8Après cette addition où Hartmann donne son avis sur l'histoire, le poète allemand reprend le fil du récit : dans sa paraphrase des vers A.l 165-174/B1 145-154 (Gr. 339-350), où le jeune homme qui s'apprête à commettre son forfait entoure sa sœur qui est trop innocente pour se méfier, d'une sollicitude et d'un amour qui ont tendance à devenir équivoques, Hartmann rejette une nouvelle fois la responsabilité des agissements du garçon sur le diable, alors que la source ne le faisait pas. Il est curieux que Hartmann utilise ici pour désigner le diable la métonymie "des tiuvels rât" (339) -le diable est désigné par ses artifices, sa malice-, Hartmann utilise cet ornement de style à un endroit où son modèle ne mettait pas le diable en cause. En revanche, quelques vers plus loins, Hartmann se rencontre avec B.l 155 "li diables" (Gr. 351 "der tiuvel"), alors que A.1 175 lit la périphrase "li enemis de nature", pour dire que le diable n'a point de cesse qu'il ne soit parvenu à ses fins.
9A.l. 180 et B.l 158 disent clairement que le diable, qui a tant aiguillonné le frère qu'il réussit à le vaincre et à l'embraser si fort qu'un soir d'été il rejoint sa sœur dans son lit et la prend dans ses bras : il y a nettement relation de cause à effet entre l'incitation du diable et l'accomplissement de l'inceste. Hartmann, lui, qui développe le texte du modèle (353-369//A.1 179-185 et B.l 157-161) implique certes le diable, qu'il désigne par le pronom "er" (3531 : "il" (le diable) attendit jusqu'à une nuit où la jeune fille vaincue par le sommeil était couchée dans son lit. Hais il qualifie aussi son héros de "unwîse", c-à-d. de fol, d'ingénu, d'inexpérimenté. C'est dire qu'au moment suprême, où le garçon se glisse dans le lit de sa sœur, son inexpérience, sa jeunesse est autant mise en cause que le diable par le poète allemand qui, ici, varie l'idée qu'il avait déjà énoncée plus haut (327 "daz vierde was sîn kintheit/die uf in mit dem tiuvel streit") : il est autant victime de sa jeunesse que du diable. Une fois qu'il l'a enlacée, Hartmann accuse le diable seul : 370/2 "Tandis qu'elle s'éveillait, il l'avait déjà enlacée" (vers qui correspondent exactement à A.1 186/7 "si a enbracé sa seror./Ele s'est molt tost esveillée"). On peut être certain qu'Hartmann a traduit des vers de sa source auxquels il ajoute un développement et une addition où le diable est cité (372/4 "Elle sentit sa bouche et ses joues si proches des siennes comme là où le diable veut vaincre"). La jeunesse du frère et de la sœur les ont livrés au diable qui fait ce qu'il veut.
10Hartmann développe ensuite le texte de son modèle (375-97//A.1 188-202 et B.1 164-176) et surtout ajoute un bref discours de la sœur à son frère (380/4) et présente sous forme de monologue intérieur la lutte entre sentiments contradictoires qui se déroule dans l'âme de la jeune fille et que le poète relate sous forme de récit ; par deux fois la jeune fille implique le diable : elle sent que c'est le diable qui fait commettre cette folie à son frère (382/3 "Ne laisse pas le diable te faire perdre la raison"). Et là où en A.l 196 et B.l 171 il est question de péché, Hartmann parle de la "volonté du diable" ("des tiuvels wille" 386) : le diable est désigné par sa volonté, c-à-d. que Hartmann transpose le terme vague de "péché" par "volonté du diable", sorte de métaphore pour la tentation, dont le péché est la conséquence, la jeune fille a dans les trois textes une conscience très nette de la faute. "Si je me tais, la volonté du diable s'accomplira et je serai l'épouse de mon frère. Mais si je crie, nous aurons perdu à tout jamais notre bonheur", ces vers expriment dans un autre style et sous une autre forme la même idée que A.1 196/8 "Quar, s'ele concent le peché,/ En fin sont dampné e jugé ;/Se ele fet noise ne cri,/De tot a son frere honi" (B.l 171/4). Par deux fois, ainsi, Hartmann, dans sa volonté de faire autre chose que son modèle sur le plan de l'expression, sans en modifier le sens, parle du diable là où le modèle ne le fait pas et surtout donne au personnage du diable une plus grande consistance, à la réalité du diable plus de force. En revanche, comme il élimine par courtoisie les détails trop crus de son modèle (A.1 201/2 "violée et despucelée", B.1 176 "violée", Gr. 395 "il mène son jeu à son terme"), il supprime les vers où le poème français évoque aussi bien la joie du diable d'avoir vu son dessein exécuté (le diable est désigné ici par la périphrase "li enemis" A.1 203 et B.1 177) que la référence à l'enfer (A.1 207/8 et B.1 178/9). Sans doute ne faut-il pas chercher là une autre raison que celle qui consiste à ne pas faire comme la source, mais à en prendre le contrepied : le poète allemand ajoute une référence au diable quand le modèle n'en parle pas, et la supprime quand elle figure dans l'œuvre française, attitude typique de l'adaptateur. De même, Hartmann dit simplement que la jeune femme se trouva cette même nuit enceinte de son frère (398/9) là où le poème français anticipe sur l'avenir en précisant d'abord que fut engendré cette nuit-là (B.1 182 qui se rapproche de Gr. 398) Saint Grégoire (A.1 210, B.l 182) qui fut plus tard un si saint homme que Dieu en fit l'apôtre de Rome (A.1 211/3) et expia le péché de ses parents (A.1 214/5 et B.l 183/4), puis que le diable ignorait"cest saintisme engendrement" (A.l 216 et B.l 186). Hartmann supprime vraisemblablement cette anticipation sur l'avenir pour ne pas rompre la tension dramatique9. Cependant, il conserve la référence au diable qui en A.l 217 ("aguilona") et chez Hartmann (401 "schûnden") aiguillonne les deux jeunes gens si fort qu'ils se complaisent dans le péché (Gr. 400/3,A.1 217/9, B.l 187/9 qui emploie le terme de "embrasât"), mais alors le poète français désigne le diable tout simplement par son nom "li diables" (A.1 215 et B.l 185), Hartmann, qui veut dépasser son modèle emploie une figure de l'ornement facile : l'annominatio (une élément du mot composé est ici repris sous une autre forme dans un mot isolé) : 400/1 "der tiuvel - Schünde luoder/begunde si mêre schünden/daz..." (l'appât de l'aiguillon diabolique les aiguillona de plus en plus si bien que...). Ce passage est un exemple de cette tendance commune à tous les adaptateurs allemands, notamment à partir de Veldeke, d'employer un style plus raffiné que le modèle français10.
11En résumé, pendant tout le récit de la séduction et de la consommation du péché, le diable est l'incarnation du mal au sens propre. Il a dans le poème allemand un puissant allié dans la jeunesse et l'inexpérience des héros : il joue sur leur innocence, sur leur jeunesse et les entraîne au mal sans que Dieu ne fasse rien pour les sauver (au reste, Hartmann s'indigne du silence de Dieu). Seulement, une fois le péché consommé, ils s'aperçoivent qu'ils ont perdu Dieu, c'est ce qu'assure chez Hartmann la jeune femme à son frère : 440/1 "wande ich hân durch dich verlorn/got..."11. La sœur qui est beaucoup plus calme que le garçon n'a qu'une pensée : cacher leur honte mais sauver l'enfant.
12Sans nous étendre sur ce point, nous tenons cependant à dire que Hartmann fait là une addition (475-482) qui s'appuie12 sur une des doctrines de la théologie de son époque et où il souligne que l'enfant ne porte pas la faute commise par son père, et que, même si les parents sont condamnés à l'enfer, l'enfant n'est nullement responsable. Mais par là, comme l'a excellemment démontré B. Herlem13, Hartmann se met en contradiction aussi bien avec sa source où il est dit dans le prologue que Grégoire est responsable (A.1 48-50 "Tant fu mesfait icist bons sire,/Que un suens uncles l'engendra ;/Une soe ante le porta", B.1 47/50 "Tant fud forfait icil bons sires...") qu'avec lui-même quand il suit fidèlement sa source (notamment aux vers 51-3// A.1. 48-50 et B.1 47-50 "Von dem ich iu nû sagen wil,/ des schulde as grôz unde vil", 1750-1 et 1779-84//A.1 1171-2), c-à-d. que là aussi le poète allemand se comporte comme un adaptateur qui peut observer assez de recul par rapport à son modèle pour éventuellement en rectifier les erreurs ou en parfaire les données, mais qui, dès qu'il apporte une modification à son texte, perd la vue d'ensemble qu'il avait auparavent et ne voit pas les incohérences ou contradictions que sa transformation ou addition entraîne. Après cette addition, Hartmann reprend le texte de son modèle et raconte comment le jeune homme qui s'est repris après son accès de désespoir, prend la décision de s'ouvrir à un vieil homme (490) (baron A.l 285 et B.1. 235), ancien ami de leur père. On connaît la suite : le frère part en pélerinage pour la Terre Sainte et meurt en route, pendant ce temps, la sœur, réfugiée chez le vieux gentilhomme, met au monde un fils (Grégoire A.1. 445, B.l 371 ; Hartmann ne le nomme pas, mais le désigne par "der guote sûndaere", le bon pécheur (671) ; il n'a en effet pas encore de nom : c'est l'abbé qui le recueillera qui lui donnera le sien (A.1 944, B.l 756 et Gr. 1136), et l'abandonne à la mer : elle prend soin de déposer dans le tonnelet qui contient l'enfant de l'or pour son éducation et une tablette (Gr. 719,des tablettes A.1 509, B.1. 427) où elle inscrit notamment l'histoire de ses parents et de sa naissance et signale que l'enfant est de haut parage, mais ne précise ni le nom de son lignage ni celui de son pays natal ; elle enjoint aussi à son fils d'expier la faute de ses parents. Après la mort de son frère, la jeune femme est confirmée comme suzeraine et décide de ne jamais se marier pour se consacrer à Dieu (A.l 727/32, B. l. 563/8, Gr. 870/84) et faire pénitence : ici Hartmann modifie -et allonge- le texte (en A.1. 733/6 et B.l 569/72 elle veut sauver l'âme de son frère, alors que dans le Gregorius 886/96 elle pense à son propre salut) et introduit une nouvelle référence au diable désigné par une figure de l'ornement difficile : 886 "des tiuvels spot" (le sarcasme du diable) qui rime avec got (885), voulant sans doute opposer le diable et Dieu et montrer que Dieu qui si longtemps a abandonné les deux jeunes gens à leur sort sans rien faire pour les aider, va enfin sortir de son mutisme et secourir la jeune femme qui lui voue toute son existence : en effet, elle s'impose de pénibles épreuves pour reconquérir la grâce de Dieu que lui a fait perdre le diable (885/90). Hartmann conclut le paragraphe en soulignant que la jeune femme montre un repentir sincère, celui qui délivre le pécheur de tout péché (897/8 "diu wâre riuwe was dâ bî,/diu aller sünden machet vrî") ; dans cette addition, Hartmann varie le thème qu'il a développé dans le prologue (notamment 46/9 et 163/5) : nulle faute n'est assez grave pour qu'elle ne puisse être pardonnée, à condition toutefois qu'on éprouve un repentir sincère et ne recommence pas. Le seul péché pour lequel il n'y a pas de rémission possible est le "zwîvel" (74 et 166), c-à-d. la "desperatio", le péché de Judas : il faut toujour avoir confiance en Dieu et en sa miséricorde, cette confiance, cette foi. Dieu la récompense en envoyant sa grâce14, dont une des manifestations est le repentir.
13Alors que chez Hartmann il faut attendre le récit proprement dit du second inceste pour voir reparaître le diable, en B.1, en revanche, c'est le diable lui-même qui conduit Grégoire dans le pays de sa mère parce qu'il veut le damner et désire que par le péché il lui échée (1037/44) ; A.l 1222 sqq. relate que Grégoire vogue d'abord au gré de la fortune, que de "bons vents" le conduisent à la rencontre de sa mère, mais que s'il atterrit au pays de sa mère, c'est que le diable l'a voulu ainsi pour le charger d'un péché de plus et faire sa faute encore plus grande (1237 "Que de peché plus le charja", 1240 "Por faire la colpe plus grief"). Dans le poème allemand aussi, Gregorius vogue au hasard, au gré des vents qui le dirigent vers le rivage de sa mère : le poète répète en 6 vers 3 fois le terme de "vent" (1831/6), mais Hartmann supprime toute référence au diable et à l'inceste auquel le diable veut entraîner Gregorius et souligne que le jeune homme s'en remet entièrement au Seigneur pour le conduire (1828/30 "...und bat vil verre/daz in unser herre/sande in etelîchez lant/da sîn vart waere bewant") : c'est parce que Dieu est son guide qu'il donne aux mariniers l'ordre de laisser le navire filer vent arrière et on peut bien dire que le "sturmweter", la tempête "qui le pousse jusqu'au pays de sa mère est la manifestation de la volonté de Dieu (c'est également Dieu qui en Gr.784/ 8,927,942 et en B.l 610, 614 conduit la barque de l'enfant vers le pays de l'Abbé Grégoire). Au reste, Gregorius dit aux bourgeois qui l'accueillent qu'il a prié Dieu de le conduire (1869/73) et la reine pense plus tard que c'est Dieu qui lui a envoyé Gregorius pour la libérer ainsi que son pays assiégé par un prétendant éconduit (2241/2 "den selben man/.../, den ir got hete gesant/ze loesen si und ir lant"). Comme A.l et B.l impliquent le diable et que jusqu'à présent Hartmann a conservé toutes les références au diable (sauf une se rapportant à sa joie de voir son plan réussir) et en a même ajouté quelques-unes, on peut être certain qu'il l'a supprimée ici de propos délibéré : si donc ce n'est plus le diable qui mène le bateau au pays de sa mère, mais Dieu, c'est que sans nul doute l'histoire entière de Gregorius fait partie du plan divin ; peut-on aller jusqu'à dire que Dieu veut mettre Gregorius, représentant de l'humanité, à l'épreuve ? Quoi qu'il en soit, c'est ensuite Gregorius qui, dans le poème allemand, prend lui-même la décision d'aborder dans la "houbestat" (1845), seule ville du pays à ne pas être aux mains de 1'ennemi.
14Alors que dans l'œuvre française, sans doute comme en Al et B1, le diable ne joue aucun rôle dans l'éveil de l'amour entre Grégoire et sa mère, Hartmann qui le désigne par une périphrase (1960/2 "daz macheten sine raete/der ouch vrou Even verriet,/dô si von gotes gebote schiet") en fait l'instigateur de la sympathie qui se noue dès la première rencontre entre eux deux et qui est si forte que Gregorius se met au service de sa dame (1966/9 "sîn herze lie er bî ir dâ..."). Très certainement Hartmann qui, comme adaptateur, désire perfectionner la structure de son roman, a voulu établir un parallélisme entre les deux épisodes : comme l'amour entre le frère et la sœur était dans le modèle entièrement imputé au diable, il lui attribue aussi celui entre le fils et la mère -en cela il ne fait qu'exploiter au maximum la donnée de sa source selon laquelle le diable qui de plus dans les mss, français conduit la nef de Grégoire au rivage de sa mère, est responsable de l'inceste proprement dit. Mais Hartmann par cette addition "se met en contradiction avec lui-même et avec les conceptions courantes de son époque : d'un côté le vasselage d'amour de Gregorius a, comme dans toute la littérature courtoise, une influence positive sur le chevalier Gregorius, et de l'autre, cette "minne" est l'œuvre du diable"15.
15Puis ; sur le conseil de ses gens (B.1 1262, de son sénéchal (A.1 1608) -conseil suggéré dans les textes français par le diable (A.1 1561, 1613/6 et B.l 1229, 1270)- des seigneurs de son pays (Gr. 2188), la reine se décide finalement à se marier : dans les mss. français elle épouse Grégoire pour le récompenser des services qu'il a rendus au pays, dans le poème allemand, c'est pour que le pays ait un meilleur protecteur qu'une femme. Alors que dans le 2 mss, français le choix de Grégoire est imposé à la reine, chez Hartmann, c'est elle qui, croyant agir selon la volonté de Dieu en acceptant de se marier (2228 "alzô daz siz in gote tete"), prend elle-même la décision d'épouser Gregorius, cet homme que Dieu lui a envoyé pour la sauver ainsi que son pays (2239-42). On constate dès maintenant que le texte allemand est du point de vue théologique plus élaboré que les textes français : sans nul doute Hartmann voulait montrer par son addition que Dieu laisse faire (il explicitera cette idée plus tard, aux vers 2494/8). Ensuite il reprend son modèle en attribuant au diable la responsabilité de l'union entre la mère et le fils, en effet les vers 2244/6 "dar nâch wart er alsus/vil schiere sîner muoter man./da ergie des tiuvels wille an" ("c'est ainsi que s'accomplit la volonté du diable") est la paraphrase de A.1 1623/4 "Tant s'est Déables entremis/Que la mere a son enfant pris" et B.2 (+B.3) "Tant en est li dyable entremis/Que la dame a son bel fil pris. "
16Contrairement à ce qui se passe pour le premier inceste, où le frère et la sœur commettent leur crime en toute connaissance de cause, ici ni la mère ni le fils ne savent les liens qui les unissent. Bien qu'on ne puisse dériver la légende de Saint Grégoire dans son ensemble de la légende d'Oedipe, il n'est cependant pas exclu que pour le second inceste, l'inceste avec la mère, le créateur de la légende de Grégoire ait pris pour modèle le légende d'Oedipe16 : en effet, la situation de Grégoire est tout à fait semblable à celle d'Oedipe qui sans le savoir commet l'inceste avec sa mère parce que tel est son "lot", celui qui lui est imparti par le sort"17, et que son destin est fixé d'avance. Ceci nous incite à émettre l'hypothèse que, lors de la transposition du mythe oedipien qui en Grèce voyait l'intervention du destin, sur le plan chrétien, le diable a été amené à jouer le rôle que dans la tragédie grecque jouait le destin : en d'autres termes, il y aurait ici véritablement assimililation du destin et du diable (Driek van der Sterren exprime une idée analogue dans Oedipe, Une étude psychanalytique d'après les tragédies de Sophocle, Paris, 1976,p.45 : "Il est évident que chez les Grecs ce sont les dieux qui assument/.../ (la) fonction (du diable) ").
17Lorsque la mère pressent la vérité (c.-à-d. lorsqu'elle découvre la tablette qui cause tant de chagrin à Gregorius et reconnaît en elle celle qu'elle avait déposée dans le tonnelet auprès de son fils), le texte français que Hartmann adapte porte "péché"18 : elle se sent en état de péché envers son enfant (1360/1 "E si set bien tut à fiance,/Ke pechié ad vers son enfant"). Cette référence au péché donne lieu dans le poème allemand à un important développement où Hartmann lui aussi introduit la notion de péché mais le met en relation avec le diable, ce que ne fait pas le texte français : pour la seconde fois, dit-elle dans un monologue intérieur, elle est tombée dans le gouffre du péché mortel, et c'est le diable qui, en tant que personnage agissant, extérieur à elle, l'y précipite. Notons que par deux fois Hartmann qui sans doute voulait faire mieux que son modèle utilise le trope de l'ornement difficile appelé determinatio par les Arts poétiques, c-à-d. qu'il place un abstrait (le péché) dans un contexte qui appellerait un concret : les ondes profondes du péché mortel ("daz si aber versenket was/in den vil tiefen ünden/toetlîcher sünden" 2482/4)) et l'"abîme du péché" (2496/7 "daz si an der sûnden grunt/was gevallen anderstunt"). La présence de ces deux tropes, plus la métonymie désignant le diable "des tiuvels râte" (2495)-les artifices du diable- à elles seules trahiraient déjà le développement, même en l'absence d'un texte français : comme le dit Jean Fourquet19, "c'est là où l'adaptateur veut dépasser le modèle, dans les développements, que la fréquence relative des AC (abstraits-concrets) est le plus élevé". D'un autre côté, la dame met en cause directement Dieu qui n'a tenu aucun compte du repentir sincère qu'elle a manifesté à la suite de son ancienne faute, puisqu'il laisse faire une nouvelle fois le diable (2490 "und got haete verkor/ir herzenlî-chez riuwen/.../ sit er des tiuvels râte/nu aber verhen-get hâte"). Dieu laisse champ libre au diable, il ne fait rien pour sauver l'homme, il n'intervient pas. Le diable fait ce qu'il veut : ce thème majeur de l'œuvre allemande qui ne figure pas dans les textes français, apparaît donc ici pour la troisième fois.
18En présence de son fils, elle accuse en A.l 1876 sa "destinée" qui l'a d'abord fait fauter avec son frère (1844) puis épouser son propre fils (1855/6), de telle sorte qu'elle est à la fois l'épouse et la mère de son fils (1857) -d'ailleurs la tragique filiation est exprimée en un raccourci saisissant (1857/8 "Or sui s'es-pose e sa mere,/ Cil est mi filz de mon frere"). Dans le passage du poème allemand qui, malgré un profond remaniement de la scène, pourrait correspondre à ces vers -en effet, comme là elle maudit l'heure de sa naissance(A.1 1842/3 // Gr.2563/5)- la mère accuse la "Fortune" (Saelde : 2562) et déplore sa mauvaise fortune (Unsaelde 2566) qui est le fait du diable qu'elle mettait en cause plus haut dans son monologue intérieur (2495/9) : son infortune est la manifestation visible, sensible, du dessein du diable. C'est lui à nouveau qu'elle incrimine, quelques vers plus loin, quand elle révèle à Gregorius qu'elle est à la fois sa mère et son épouse (le diable est une nouvelle fois désigné par ses artifices, sa malice (2602/4 "sô hât uns des tiuvels rât/versenket sêle unde lîp :/ich bin iuwer muoter und iuwer wîp"). Dans les poèmes français, ce n'est pas la mère qui met en cause le diable, mais Grégoire qui l'invective violemment en l'appelant pas son nom (A.l 1907/8 et B.l 1521/2, B.l. 1525 l'appelle un peu plus loin "fol Sathanas"). Or, nous avons ici une modification essentielle apportée par Hartamnn à son modèle : là où, en effet, Grégoire invective le diable, Gregorius a un accès de colère contre Dieu (2608 "sînen zorn huop er hin ze gôte"). D'ailleurs, dorénavant il ne sera plus du tout question du diable dans le dialogue entre Gregorius et sa mère. Il poursuit en avouant avoir toujours souhaité que Dieu lui permettre de voir sa mère (2609 "er sprach : diz ist des ich ie bat,/daz got mich braehte ûf die stat/daz mir so wol geschaehe/daz ich mit vreuden saehe/mîne liebe muoter"). Mais il ne pensait pas que ce serait dans ces conditions (2614/21). Là non plus il ne s'en prend pas au diable, mais à Dieu. Dans le poème français aussi, Grégoire dit qu'il a toujours désiré connaître sa mère, et on note même des concordances littérales du Gregorius avec le ms.B2 (=B3) : "Mere, dist-il, cum lung temporie/ Ad désiré li las Gregorie/K'à sa mère peûst venir/Et reconoistre et conjoir./Dolans moi tant or t'ai trovée/ Et por ma maie destinée"//2617/20). Mais il n'en fait pas grief à Dieu : il dit simplement qu'il a trouvé sa mère "pour ma male destinée". Comme en B.1 1541 il incrimine aussi sa "male destinée" (et non en A.1), on peut être certain que Hartmann avait ici pour base un ms. du type B et qu'il a ajouté à son texte la référence à Dieu, comme il l'avait déjà fait pour l'arrivée de Gregorius au pays de sa mère, pour montrer à quel point les relations entre Dieu et le diable sont étroites et que tout fait partie du plan divin : comme dans le livre de Job Dieu donne à Satan qui, selon l'étymologie hébraïque désigne l'adversaire, la permission d'éprouver Job, ici Dieu laisse le diable tenter les hommes : Dieu qui déjà a conduit Gregorius à sa mère, a voulu cette union incestueuse pour les éprouver tous deux. (Bien plus tard, après l'exemplaire expiation de Gregorius, ce sont la Fortune (diu Saelde, v.3870) et Dieu (v.3890) qui feront dans l'œuvre de Hartmann que sa mère revienne le voir, alors qu'en A.l 2689 ("Et que Des li ot amenée") les retrouvailles sont voulues par Dieu qui fait que tout se termine bien (2689-97). Dans les deux œuvres, il y a donc opposition entre les mauvaises conditions de la première rencontre entre la mère et le fils et les bonnes conditions de la seconde).
19Après un développement où Hartmann décrit l'immense douleur du fils et de la mère en faisant une démonstration de virtuosité formelle20, le poète, par la bouche de son héroïne, aborde un nouveau thème qui découle logiquement de ce qui précède et qui ne figure ni en A.l ni en B.1 : la colère de Dieu est tombée sur elle (2677/80). Cela signifie qu'une fois que Dieu a laissé le diable agir selon sa volonté, il abat sa colère sur le pécheur qui est promis à l'enfer (2690 et 2694) : en d'autres termes, le diable est issu de Dieu qui par lui incite l'homme au péché.
20Au moment précis, cependant, où la colère de Dieu tombe sur le pécheur, il s'agit pour lui de ne pas désespérer, car ce serait commettre le seul péché pour lequel il n'y a pas de rémission : tel est le contenu de la réponse de Gregorius à sa mère qui cherche en vain un moyen d'expiation. En effet, affirme Gregorius, il ne faut jamais désespérer de Dieu (2698 "niht verzwîvelt an gote"), et là Hartmann fait retentir puissamment le thème abordé dans le prologue et qu'il variait déjà aux vers 897/8, c-à-d. quand la mère décidait d'expier son premier crime : il ne faut jamais douter de la miséricorde divine. Gregorius a trouvé dans les livres le moyen de racheter leur faute : Dieu accepte toujour le repentir sincère (2701 "wâre riuwe", 2705 "herzelîche riuwe") comme expiation de n'importe quelle faute. L'âme de sa mère n'est pas malade au point qu'elle ne puisse trouver la guérison : elle a il est vrai, gravement péché (2721 "ir sit ein schuldic wîp"), mais le repentir et une rude pénitence de tous les jours feront que Dieu lui accordera sa miséricorde (2730 "so mûezet ir gote erbarmen"). Lui aussi annonce qu'il fera pénitence, mais ne donne aucune précision. Ils ont certes par leur péché attiré sur eux la colère de Dieu, mais en renonçant tous deux au monde(2713, 2746), ils l'apaiseront (2734/5). Ce seront les dernières paroles qu'il pense adresser à sa mère : ils vont se séparer, mais Dieu les réunira dans son royaume. Ce discours de Gregorius reflète un profond optimisme et une immense confiance en Dieu.
21La plupart des thème abordés par Hartmann ici sont également présents en A.1 et B.1. Nous ne pouvons nous étendre sur le comparaison et dirons simplement que le texte français est plus confus que le texte allemande, ce qui psychologiquement correspond tout à fait à la confusion et au désarroi qui règne dans l'esprit des deux protagonistes : notamment Grégoire console sa mère en A.1 1889-1906 et lui enjoint de ne pas céder au "desconfort" (1900), car Dieu leur sera miséricordieux s'ils montrent du repentir et font pénitence (1903/4), avant d'invectiver violemment le diable (1907), ensuite il accuse de nouveau le diable (1948) et dit à sa mère de ne pas désespérer (1952) avant de revenir sur le thème de la "bone repentance" et du pardon que Dieu ne manquera pas de leur accorder.
22Il est manifeste que Hartmann qui, comme adaptateur, observe du recul par rapport à son modèle, a remis dans un but didactique de l'ordre dans les propos du héros (soit dit en passant, ce que le texte de Hartmann gagne en clarté, il le perd en spontanéité, lot commun à toute adaptation), en élimine toute référence au diable, dont le rôle est terminé, puisque c'est vers Dieu seul qu'il convient désormais de se tourner pour apaiser sa colère (idée qui ne figure ni en A.1 ni en B.l) et reconstruit le discours de Gregorius à partir de l'idée qui lui a paru essentielle, celle même qu'il a développée dans le prologue : il n'y a aucune action, aussi grave soit-elle, qui ne puisse être rachetée par un sincère repentir.
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23La suite du poème illustre cette idée, en effet, si Gregorius parvient à survivre sur son rocher où il fait pénitence pendant 17 ans, c'est parce qu'il est protégé par Dieu lui-même (B.l 1819-34). Tout-en suivant fidèlement le texte de son modèle, proche de B.l21, Hartmann précise que Dieu lui a envoyé sa grâce (il n'avait d'autre abri que la grâce de Dieu : 3107/10). Par là il explicite bien l'idée selon laquelle Dieu envoie sa grâce au pécheur repenti et souligne le sens de l'œuvre. De plus, non seulement Dieu lui a pardonné sa faute (3140-2//B.1 1838 "Ainst qu'il eüst remissiun"), mais Hartmann le fait aussi intervenir auprès de lui par le Saint-Esprit qui lui permet de ne pas mourir de faim (3118-21//B.1 1827-9 où il n'est pas question du Saint-Esprit "Issi l'ad Jesus sustenu/Dis e set anz par sa vertu/Ke il ne fud periz ne mort"), et comme B.l 1828, Hartmann dit (3132-6) qu'il s'agit d'un miracle divin. Dans un développement (3466-75//A.1 2497 : "N'avet fors le cuer e les os", le "cuer" étant "le siège de la vie intérieure"22), le poète allemand revient sur l'intervention du Saint-Esprit qui aide Gregorius cette fois à conserver ses aptitudes intellectuelles : sans le secours du Saint-Esprit, Gregorius n'aurait pu survivre ni physiquement ni intellectuellement.
24Cependant Gregorius ne sait pas que Dieu a laissé tomber sa colère : aussi, quand les messagers de Rome viennent lui annoncer que Dieu l'a élu pour succéder au pape défunt (3490-8), pense-t-il qu'ils le tournent en dérision (Gr. 3541 et A1. 2506 et 12) -il a une telle conscience de sa culpabilité (Gr. 3522 et B.1 1965) qu'il estime mériter davantage la haine et la colère de Dieu que sa grâce et les hauts honneurs qui reviennent à un pape (Gr3542-7)- et (Hartmann ajoute une référence au diable) que c'est un nouveau coup du diable (3575 "ir vreut an mir des tiuvels muot") ; il craint que d'écouter les émissaires ait pour lui une fois de plus de fâcheuses conséquences. En cela, il est tout à fait logique avec lui-même : le diable est jadis parvenu à ses fins. Dieu a fait tomber sa colère sur le malheureux qui maintenant se méfie de tout (de plus, cette mention du diable répond à celle que faisait le pécheur au moment où il l'enchaînait : 3091). Une fois que les messagers se sont portés garants de la véracité de leurs paroles (Gr. 3591-5 ; A.1 2517, 22, 25 et B.l 1968, 78), Gregorius est prêt à les croire : Hartmann lui prête des paroles qui reprennent l'idée fondamentale de l'œuvre, il n'est pas de péché si grand que la grâce de Dieu ne puisse racheter (3609-11 "nû ist niemen sünde alzo grôz,/des gewalt die helle entslôz,/des gnâde ensî noch mêre"). En désignant Dieu par la périphrase "celui qui a le pouvoir d'ouvrir les portes de l'enfer", Hartmann veut montrer qu'il est plus fort que le diable, puisqu'il a le pouvoir de s'opposer à sa volonté et de faire triompher la sienne. Mais si, dans sa miséricorde Dieu lui a pardonné, il faut qu'il fasse un signe ("ein rehtez wortzeichen" 3617), il faut qu'il lui rende la clef qui ferme ses chaînes et que le pêcheur a jetée dans les flots. Dans B.l 1985-92, texte voisin de celui utilisé par Hartmann (B.l 1987-8//Gr. 3623, 1990//3605, 1992//3603-4)23 Grégoire ne mentionne la clef que pour une raison tout à fait matérielle : tant qu'il n'a pas cette clef, on ne peut le délivrer ; Hartmann, en revanche, donne à la clef la valeur d'un symbole : elle est le signe matériel que Dieu a accordé son pardon à Gregorius. Or ce signe existe : la veille, le pêcheur a retrouvé la clef dans le ventre d'un poisson qu'il a pris (Gr. 3649-50, 3294-3306//A.1 2426-9 et B.1 1885-90), et en B.1 1996 comme chez Hartmann 3653 c'est le pêcheur qui libère Gregorius (dans le poème allemand 3669-73 il éprouve un tel remords pour son attitude passée envers Gregorius que ses larmes effacent ses péchés : lui aussi obtient le pardon de Dieu).
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25Après l'intronisation de Gregorius comme pape et ses retrouvailles avec sa mère, Hartmann vante la perfection exemplaire du nouveau pape (3793-3830) en développant deux vers qu'on retrouve en A.2 ("Par luy salua maint Chrestien") et A.3 "Abonder le fist en tous biens") et en utilisant également A.l 2751-4 et 2620-2// 3797-3803 et 3820-3024. Or, on trouve dans ces vers deux nouvelles références au diable : 3804 "des tiuvels kint" et 3821 "des tiuvels kneht" qui sont des périphrases pour "pécheur". Hartmann veut montrer qu'un bon pape doit garder la juste mesure entre "gewalt" (force), "vorhte" (crainte) et "reht" (droit)(3793-3803), mais si un "enfant du diable", c-à-d. un pécheur, refuse de se soumettre à l'étole d'un prêtre, il faut recourir à la force (3804-6). D'autre part, il ne faut pas se montrer trop dur à l'égard du pécheur : il faut lui donner une pénitence légère pour que le remords lui soit doux. Car, si on exige une trop lourde pénitence de celui qui recherche la grâce, il pourra perdre courage, à nouveau se détacher de Dieu et retomber dans le péché, c-à-d. redevenir un valet du diable (3809-21) : Hartmann, grâce à cette périphrase, oppose une nouvelle fois Dieu et le diable. C'est donc une double ligne de conduite que le poète propose pour le pape, une double politique pontificale, pourrait-on même dire, que suit au demeurant le pape Grégoire, pape exemplaire, qui grâce aux grandes vertus que lui a données le Saint-Esprit (3793-4) a pu accroître le prestige de Dieu durant son pontificat (3823-30).
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26Dans l'épilogue, Hartmann tire la morale de l'histoire en deux parties construites antithétiquement autour d'un mot-clef ("boesez bilt" (3965) et "saelic bilt" (3984). Dans la première partie qui est une addition (3963-82)25, il fait une dernière référence au diable pour avertir les auditeurs de ne pas tirer de l'histoire de Grégoire une incitation à faire le mal (le diable est désigné par son nom), en- disant : "puisque Grégoire et les siens ont été sauvés après avoir commis un péché aussi grand, nous pourrons nous aussi nous en sortir" (3967-72). Celui que le diable incite à agir de la sorte est perdu (B1 2050 fait aussi mention du diable dans l'épilogue, mais dans un autre contexte). Chez Hartmann, le diable est bien l'incarnation du mal. Dans la seconde partie, qui reprend des vers de A.l (2635-50 ; 2763-4)
2725°au contraire, le poète montre qu'il faut prendre un bon exemple ("saelic bilt") et là il rappelle la leçon du prologue : malgré tous ses péchés, l'homme peut être sauvé à condition qu'il se repente et fasse pénitence.
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28De cette comparaison du Gregorius allemand avec les témoins français de la légende, nous pouvons tirer deux sortes de conclusions :
- Du point de vue de la forme, on constate que le poète français désigne le plus souvent le diable par son nom ; 4 fois il utilise la périphrase traditionnelle "li enemis", une seule fois la métonymie "poissance del Déable" (Al 1948). Hartmann, non seulement, introduit dans ses développements ou additions de nombreuses références au diable qui ne figurent pas dans son modèle (notamment en mettant directement le diable en relation avec le péché : là où la source parle du péché, lui parle du diable), mais emploie aussi des dénominations bien plus variéesen ayant recours à des périphrases, à des tropes de l'ornement difficile et des figures de l'ornement facile. C'est surtout dans les développements, mais aussi dans les additions, qu'apparaît le plus grand nombre de figures : Hartmann procède comme un adaptateur.
- Du point de vue du fond, Hartmann reste fidèle à son modèle : il rend le diable responsable des deux incestes. En d'autres termes, le diable est l'incarnation du mal et il est représenté par le poète comme une personne extérieure aux acteurs du drame, fort rusée et pleine d'artifices. Cependant, pour le premier inceste, le diable n'est pas seul mis en cause par le poète allemand : Hartmann invoque aussi d'autres raisons, toutes extérieures aux protagonistes, la beauté de la jeune fille, l'amour et surtout, comme alliées du diable, la jeunesse et l'innocence des héros, thème qu'il aborde d'ailleurs dès les premiers vers du poème. Hartmann conserve une conception assez archaïque, reflet de la mentalité d'avant le 12ème siècle, selon laquelle, comme l'a écrit Jacques Le Goff (Pour un autre Moyen Age, Paris, Gallimard, 1977, p. 170), les fautes "tirent leur existence non du pécheur, mais d'un vice, extérieur26 au pécheur, dont celui-ci devient la proie, qui entre en lui comme un être étranger, une matérialisation du Diable". (Ceci explique aussi l'absence presque complète dans la légende de Grégoire du sacrement de pénitence -seule la mère vient se confesser auprès du nouveau pape (A.1 2651 sqq. et Gr.3831 sqq.), mais cette confession n'est en fait que la condition des retrouvailles entre la mère et le fils, et Hartmann introduit (3331 sqq.) une confession du pêcheur -sans absolution-). C'est là une raison supplémentaire de faire remonter la source du poète allemand à la première moitié du 11ème siècle. Mais il faut aussi, nous semble-t-il, considérer le problème du diable dans la légende de Saint Grégoire, du diable et de ses alliés chez Hartmann, dans un plus vaste contexte : l'homme qui refuse d'assumer la responsabilité de ses actes, a de tous temps eu tendance à la projeter à l'extérieur de lui-même, dans l'antiquité c'était le destin ou les dieux, dans le moyen âge chrétien le diable, à l'époque romantique la fatalité, aujourd'hui c'est le milieu social, l'hérédité, la présence d'un chromosome surnuméraire... que les avocats des criminels invoquent pour excuser leurs clients.
29D'un autre côté, ce n'est pas le diable qui dans l'œuvre de Hartmann conduit Gregorius au pays de sa mère, mais Dieu lui-même : le poète montre par là clairement que toute l'histoire de Gregorius fait partie du plan divin. Il explicite ainsi non seulement l'a pensée selon laquelle Dieu permet au diable d'éprouver l'homme, dont Grégorius et sa mère sont les représentants, mais aussi le processus du péché et de la grâce. Le diable, adversaire de Dieu qui lui dispute les hommes, fait tomber l'homme dans le péché sans que celui-ci n'y puisse rien -en effet, le diable est plus fort que lui-, sans que Dieu non plus n'intervienne pour sauver l'homme qu'il a créé à son image : Dieu laisse les mains libres au diable pour mettre l'homme à l'épreuve (Hartmann constate, mais n'approuve pas, au contraire il s'indigne du silence de Dieu, comme son héros s'indigne d'une telle attitude). Une fois que l'homme est tombé dans le péché, il a perdu Dieu qui ensuite l'accable de sa colère. C'est alors que 1'homme doit réagir et ne pas s'abandonner au désespoir, seul péché pour lequel il n'y a pas de salut : il ne doit pas commettre le péché de Judas, mais garder confiance en la miséricorde divine, se repentir de sa faute et faire pénitence, c'est-à-dire par un acte libre vouloir son salut : la leçon de tout le Gregorius est la condamnation du zwîvel, de la desperatio, et le mérite exceptionnel de Gregorius est de ne pas avoir désespéré dans une situation où plus d'un autre se serait abandonné au désespoir27. L'homme devient à ce moment plus fort que le diable qui quitte la scène. Dieu qui ne faisait rien pour empêcher la tentation, mais au contraire la favorisait, a aussi le pouvoir d'ouvrir les portes de l'enfer et d'en libérer le pécheur repenti : en faisant intervenir le Saint Esprit, il lui envoie sa grâce et lui accorde son pardon.
DISCUSSION
30J.C. Payen : Dans la Vie du pape Grégoire et dans le Gregorius, il me semble que lorsque les personnages attribuent leurs épreuves au Diable, ils font un contresens. C'est Dieu qui machine tout, y compris la faute. Ou alors, le diable est celui du Livre de Job, qui est le complice de Dieu. Saint Grégoire est peut-être identifiable à Gregorius. Or, il est l'auteur des Moralia in Job...
Notes de bas de page
1 à paraître au Kümmerle Verlag de Gôppingen (RFA) : Le "Gregorius" et la vie de Saint Grégoire". Détermination de la source de Hartmann von Aue à partir de l'étude comparative intégrale des textes (GAG 215). Nous citons d'après l'exemplaire dactylographié présenté à l'Université dé Paris-Nanterre en utilisant le sigle Br. H.
2 Entre autres : L'adaptation courtoise et le problème de la source du Gregorius de Hartmann. Actes du Coll. sur l'Adaptation Courtoise en littérature médiévale allemande, Paris, Champion, 1976, pp. 39-51, et la Source du Gregorius de Hartmann von Aue, Et. germ. 125 (XXXII), 1977, pp. 12-29.
3 cf. notamment Anthropologie structurale, Paris, 1958 et 1974, pp. 56 sqq.
4 Br.H, p.43.
5 Br.H, pp.41 sqq.
6 Wolfgang Dittmann, Hartmanns Gregorius. Untersuchungen zur Uberlieferung, zum Aufbau und Gehalt, Berlin, 1966, p. 221.
7 cf. Jean Marc Pastré, Rhétorique et adaptation dans la littérature allemande au Moyen Age, thèse pour le doctorat d'État, Nanterre, 1976. Les figures de l'ornement facile et l'Erec de Hartmann von Aue, dans Actes du Coll. sur l'Adaptation court., op. cit., pp.115-184, La Notion d'Ornement difficile dans les Arts poétiques et la littérature allemande et française du xiième et xiiième siècles, dans Histoire et Littérature, C.E.R.H. I.S., Paris, PUF, 1977.
8 Br. H., p.103
9 Br. H., p. 180.
10 cf. Jean Marc Pastré, ouvrages cités, et Jean Fourquet, Nouvelles perspectives sur la littérature d'adaptation courtoise, dans Actes du Coll. sur l'adapt. court., o.c, pp. 12 sqq.
11 Br. H., p.181.
12 Br. H., p.182.
13 Br. H-, p. 183 et XXIII, note 88, voir aussi Br.H., l‘Adaptation courtoise et le prob. de la source... art. cit., p. 51.
14 cf. l'ouvrage de W. Dittmann, p. 194, qui cite un sermon du 12ème siècle expliquant ce point de théologie.
15 Br.H., pp.274/5.
16 cf. H. Sparnay, Hartmann von Aue, Darmstadt, Wissenschafiliche Buchgesellschaft, 1975, Bd.l, p.158.
17 Introduction de Raphaël Dreyfus à Oedipe roi de Sophocle, dans Tragiques Grecs : Eschyle, Sophocle, Paris, La Pléiade, 1967, p.630.
18 Br.H. a montré que le poète allemand adaptait ici un texte proche de B1=B2, B3, pp. 117/8.
19 Nouvelles perspectives sur la litt. d'adap. court., art. cit., p.13 ; cf. aussi la thèse de J.M. Pastré.
20 Br. H., pp.235/7.
21 Br.H., p.299.
22 Br.H., p. 311.
23 cf. Br.H., p. 313, qui p. XXXII, note 127, souligne que les vers 3601/8 doivent être considérés comme authentiques, bien que figurant dans le seul ms.E, puisqu'ils ont leurs correspondants dans les mss, français.
24 Br.H. pp. 338-41.
25 Br.H., p. 321.
26 C'est nous qui soulignons.
27 Wolfram a sans nul dout pensé en écrivant les premiers vers de son Parzival au sens fondamental du Gregorius.
Auteur
Université de Picardie
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