Pour abregier... Statuts et enjeux du dispositif digressif dans Jehan de Saintré
p. 409-427
Dédicace
à Christopher
Texte intégral
Et si vous aviez la bonté de me signaler les parties qui vous semblent faire longueur, que je devrais supprimer (ou peut-être mettre en « notes », n’est-ce pas possible ?) en les marquant avec un crayon bleu ou rouge, ou noir, vous me rendriez un grand service.
Marcel Proust, Correspondance1
1Le lecteur de Jehan de Saintré est à de multiples reprises tenté de répondre à cette invitation un brin ironique de Proust en s’armant d’un crayon scalpel grâce auquel il pourrait procéder à quelques amputations sur un matériau prolixe et composite qui lui paraît souvent un peu ennuyeux – et abregier ce roman un peu plus que ne le fait l’auteur (malgré les quelques affirmations qui vont en ce sens et qui semblent davantage destinées à justifier ses longueurs). Il peut alors choisir de réduire le texte en fonction de ce qui l’intéresse et couper par exemple tous les développements qui s’écartent « des amours de une dame des Belles Cousines de France [...] et du tresvaillant chevalier le sire de Saintré » qu’annonce Antoine de La Sale lors de son prologue, et qui ne semblent pas vraiment indispensables à la bonne marche d’un récit consacré à un tel sujet2. C’est ce que fait le Comte de Tressan à l’occasion de sa réécriture de Jehan de Saintré, publiée à la fin du xviiie siècle dans son Corps d’extraits de romans de chevalerie. Il ne manque pas d’y justifier son entreprise3 :
Puissé-je lui conserver ses grâces naturelles ! Je suis bien loin d’espérer les rendre plus agréables qu’elles ne le sont pour ceux qui connoissent ce Roman ; je travaille seulement à le débarrasser des ronces longues et multipliées où le faux goût du temps, et l’érudition la plus triviale, la plus étrange et la plus assommante, les enveloppent.
2Quoi de plus compréhensible que de sauter certains passages lorsqu’on est porté en avant par l’histoire d’amour qui se noue et se dénoue entre le héros et Belle Cousine – y compris, comme le fait Tressan, la « nouvelle » finale racontant la cruelle vengeance de Saintré – pour s’en tenir aux seules parties chargées d’agrément et aboutir ainsi à une version enfin expurgée de toutes les mauvaises herbes qui les étouffent ! Le récit d’Antoine de La Sale semble en effet contenir de nombreux passages que l’on aurait peut-être pu éviter, ou que l’on aurait pu abréger, comme ces « quarante à cinquante pages que l’auteur emploie à rendre compte des doctes leçons que la dame des Belles-Cousines donne à son jeune amant », que Tressan préfère supprimer pour ne pas ennuyer son lecteur4, les diverses recommandations que la dame dispense au petit Saintré au cours de l’éducation sentimentale et chevaleresque qu’il reçoit sous sa houlette (§ 41-45, etc.), les nombreuses descriptions de joutes et autres faits d’armes auxquels participe le héros et les différentes expéditions militaires dans lesquelles il s’engage afin de manifester sa prouesse et augmenter son prestige (notamment la longue croisade en Prusse), ou encore les multiples insertions et détours de toutes sortes qui ponctuent le fil de la narration. La plupart de ces passages paraissent d’ailleurs avoir été empruntés à d’autres textes : « chastoiements », traités de chevalerie, chroniques ou documents héraldiques. Ils contribuent ainsi à composer une véritable « mosaïque » d’éléments hétérogènes où sont assemblés des « énoncés de la tradition écrite, scolaire et littéraire, (en) organisations mixtes, entre oral et écrit, comme les cris associés à la description de l’armoirie des combattants », ainsi que le constate M. Jeay5. L’œuvre d’Antoine de La Sale relève en effet d’une pratique et d’une esthétique de la compilation et de la « thésaurisation » (comme le dit cette fois J. Taylor6), procédant à la fois du collage, de l’insertion et de la digression. Encore faut-il savoir quel en est le fil conducteur, pour être certain que ce que l’on retranche ne lui est pas nécessaire.
3Une des manières possibles pour appréhender les passages digressifs consiste à les confronter au résumé de l’œuvre. C’est ce qui se joue avec la narration par Saintré de son histoire avec Belle Cousine – et on peut supposer que certains lecteurs se contenteraient volontiers d’être un des membres de la cour devant laquelle Jehan raconte son histoire afin de se venger de Belle Cousine (en feignant bien sûr de l’avoir trouvée dans un écrit). Son « compte » en contient en effet l’essentiel et fonctionne comme un véritable résumé du roman lui-même. Ce faisant, Antoine de La Sale nous offre successivement la version « intégrale » ou « amplifiée » des amours de Belle Cousine avec Jehan de Saintré et Damp Abbé et, une fois cette histoire presque achevée, sa version réduite à la portion congrue (telle qu’on peut la trouver aujourd’hui en quatrième de couverture) :
Madame [Jehan s’adresse ici à la reine], j’ay nagaires leu unes lettres de une ystoire vraye et nouvellement advenue, que ne oïst onques nul parler. Il est advenu, en Allemaigne, que une tresnoble et puissant dame, qui de sa grace prist plaisir a ung josvencel bien gentil, et tant de biens, d’onneurs et d’amour luy monstra que par certaine espasse de temps elle le fist ung renommé chevalier, et tant loyalment se entreamerent, comme la lettre dit, que onques plus loyaulx amans ne fust.
(§ 175, p. 520)
4Là, le récit s’interrompt ! Antoine de La Sale semble ne pas pouvoir laisser son personnage parler jusqu’au bout sans lui couper la parole et introduire au milieu de ses propos une digression : en l’occurrence un texte venu d’ailleurs qui s’apparente à une citation. Il insère en effet à cet endroit une strophe de quatorze vers sur les méfaits de « Fortune, la traitresse », qui surprend ses sujets « plus soudainement » que ne fait la mer, qui « les trestourne en sy peu d’eure / Que le plus bas vient au desseure / Et au dessoubz vient le plus hault » (p. 520-22). Comme cela est précisé par une sorte de didascalie, cette intervention est due à « l’Acteur ». Elle va de pair avec une intervention précédente de l’auteur, en prose cette fois, consacrée aux amours déloyales et s’achevant sur la formule « pour venir a mon propos je m’en delaisse... » (§ 173). Toutes deux fonctionnent sur le mode de la parabase (qui est une forme de digression7), l’auteur sortant de sa fiction pour s’adresser directement aux lecteurs.
5Pourquoi le conteur introduit-il ici sa voix et cette persona de l’auteur ? On aurait pu se passer de cette intervention sans que cela portât à conséquence pour la compréhension de cette histoire. Elle est pourtant particulièrement significative : la rupture du « compte » se situe en effet au point où les amours de Jehan de Saintré et de Belle Cousine se retournent sous les coups de Fortune. C’est dans la brèche ouverte par cette dernière que surgit ici la digression. D’ailleurs, la reprise du récit par Jehan ne va pas se contenter d’enchaîner au point où celui-ci avait laissé son histoire : elle semble tout autant prolonger les propos introduits par la citation. C’est à se demander si cette dernière n’est pas à mettre au compte, non pas de l’auteur, mais du personnage qui raconte cette histoire :
Ainssy fut il, Madame, de ce povre malleureux, qui tant estoit en grace de sa dame que oncques amant de dame ne fust mieulx. Advint que, par la voullenté de Fortune, pour l’amour d’elle et pour acroistre son honneur, il vint en France faire armes, dont il en saillist a son honneur. Mais endementiers que ces choses estoient, sa dame se acointta d’ung grant, gros et trespuissant de corps moisne, qui estoit damps Abbés ; et tant se entraînerent que ce fust trop.
(p. 522)
6Nouvelle interruption ! Cette fois ce n’est pas l’auteur, mais un des auditeurs de ce récit (en l’occurrence la reine) qui arrête le conteur pour s’étonner que la dame dont il est question ait pu « laissier cellui qui tant l’amoit » pour un moine. Un bref dialogue s’ensuit entre la reine et Jehan. Celui-ci invoque l’écrit qui lui sert – fictivement – de garant pour affirmer qu’il ne ment pas et presse la reine de l’écouter si elle veut voir « la fin qui en fust. – Or dittes dont, dist la royne, et achievez. Et lors de mot a mot le ystoire compta » (p. 522). Cette fois, cependant, cette histoire n’est pas racontée par Jehan lui-même, mais prise en charge par le narrateur. Le procédé employé pour la première partie du récit ne semble pas convenir à la seconde : il aurait probablement conduit à répéter trop longuement l’histoire des amours de Belle Cousine et de Damp Abbé que le lecteur vient de lire. Aussi Antoine de La Sale se contente-t-il d’en énumérer les principaux épisodes :
Et premier, comment l’amant les trouva au gibier ; comment l’Abbé manda a Madame se on le prieroit au soupper, et la responce que elle en fist ; comment l’amant, pour veoir la farse, ne se fist gaires a prier ; comment l’Abbé et Madame blasonnoient les chevaliers et escuiers qui par le monde alloient faire armes ; et puis comment ilz luitterent, et les deux beaulx saulx que l’Abbé lui donna, les ris et les jeux que ilz menoient, et l’embassade que le couvent en fist ; et, pour abre-gier, la bataille, et comment a l’Abbé en prist, aussy les parolles que l’amant dist a sa dame, et comment, a cause de sa chainture bleue, non digne de porter cette coulleur, il la deschaindist et la prist.
(p. 522-24)
7Le procédé choisi par Antoine de La Sale pour retracer la « nouvelle » finale opposant les deux amants de Belle Cousine, le clerc et le chevalier, ressemble à l’établissement d’une table des matières inventoriant les différents titres qui découpent en chapitres le texte de Jehan de Saintré. C’est là, d’ailleurs, un moyen que le lecteur peut utiliser à son tour s’il souhaite se contenter de prendre connaissance de la trame du récit et de ses principales composantes, ou s’il ne veut lire que les parties qui lui parlent et laisser de côté celles qui lui semblent hors de propos.
8J’aurais pu présenter ce résumé d’une traite, en éliminant les deux interventions extérieures, mais j’aurais ainsi omis la caractéristique majeure de Jehan de Saintré qu’est la digression. D’autre part, pour supprimer les passages qui paraissent superflus et abréger le récit afin de le ramener à son strict minimum, comme le font Jehan et le narrateur, il faut d’abord être sûr de savoir quel en est le sujet (et même, être certain que son caractère digressif n’est pas un élément déterminant de son esthétique). Nous verrons plus précisément que c’est là un des enjeux fondamentaux de la digression.
9Si l’on veut éliminer certains passages en nuisant le moins possible à la cohérence d’une œuvre, on peut commencer par examiner de façon attentive la manière dont elle a été composée. On pourra être alors amené à procéder de la façon inverse à celle qu’a suivie Antoine de La Sale pour l’écrire. On finira peut-être par retrouver le Dit du prunier8. Écrit vers le début du xive siècle, cet hypotexte souvent méconnu du Jehan de Saintré ne contient aucune des scènes de bataille ni aucune de ces longues descriptions qui constituent la plus grande partie du roman d’Antoine de La Sale. Il ne raconte jamais les aventures qu’accomplit son héros, Jehan, lorsque celui-ci part à travers le monde comme le lui demande la dame afin de gravir les échelons de la hiérarchie chevaleresque et acquérir une renommée suffisante pour obtenir son amour.
10Au regard des 1 500 vers environ du Dit du prunier, Jehan de Saintré est le résultat d’un important processus d’amplification. Celui-ci passe en particulier par le roman de Jean d’Avesnes, que l’on convoque le plus souvent lorsqu’on étudie les sources du récit d’Antoine de La Sale. Comme l’écrit R. Sabry, la digression est « un procédé, ou mieux une potentialité d’amplification qui peut se greffer sur tout élément9 ». Ainsi, selon la Poetria Nova de Geoffroi de Vinsauf (comme pour l’essentiel de la rhétorique antique), elle relève de l’amplification : elle consiste à sortir du fil du discours ou du récit pour y introduire des propos qui ne sont pas absolument indispensables à la compréhension, avant de retrouver son sujet au point où il a été laissé10. Elle apparaît alors comme la caractéristique fondamentale d’une écriture médiévale qui donne à l’amplification une importance telle que le verbe augeo a pu être considéré comme l’origine étymologique du nom d’auteur. La brièveté de la ligne droite du récit n’était pas encore un idéal et l’on sait combien le roman arthurien, alors même qu’il érige en modèle chevaleresque la destre voie, favorise dans le même temps les brisures, enchâssements et entrelacs de la narration. Même s’il fait davantage œuvre de compilateur des savoirs de son temps, Antoine de La Sale est l’héritier de ces romanciers arthuriens qui écrivent en prose et ont institué en « nécessité narrative » une rhétorique du discontinu et de la fragmentation11.
11Une telle pratique digressive était évidemment courante parmi les contemporains d’Antoine de La Sale, comme en témoigne par exemple le récit consacré à Jacques de Lalaing (un des modèles de construction de Jehan de Saintré) ou le Livre des Fais du Mareschal Bouciquaut (compagnon de Saintré12). Mais Antoine de La Sale semble l’avoir davantage mis en valeur et en avoir fait une sorte de marque de fabrique ou de signature, en jouant notamment sur la rencontre de son patronyme et de son écriture.
12Mon propos s’articulera autour de trois points principaux : la visibilité de la digression et la mise en scène d’une pratique digressive ; ensuite, la mouvance du discours digressif et son lien avec le sujet ; enfin, le statut de la nouvelle finale.
Mise en scène de la digression : marqueurs discursifs et paratextuels
13Pour R. Sabry, la digression possède des signes formels et se manifeste en tant que telle : « Toute digression contient un discours plus ou moins bref sur elle-même : elle se nomme, se justifie, s’accuse d’inutilité, de longueur, d’incorrigibilité, de manque d’à propos ou proclame sa nécessité, son apport13... ». Qu’en est-il plus précisément de Jehan de Saintré ?
14Constatons tout d’abord que les seuils digressifs se limitent le plus souvent à la formule de clôture. L’entrée est rarement signalée, peut-être par ce qu’elle est par définition plus agressive : elle dit la transgression de la ligne alors que la formule de clôture signale la rentrée dans le cours du récit, comme le remarque R. Sabry. Mais aussi parce que la digression se remarque surtout après-coup. On trouve ainsi des tours comme « (de quoi) je me passe pour abregier et venir a mon propos » (§ 3,1. 914), ou bien, plus simplement, « retournant a mon propos » (§ 18, p. 84).
15On trouve tout d’abord des digressions didactiques qui correspondent à de longs discours sur la religion ou la morale. Elles sont le plus souvent le fait de Belle Cousine et se développent sur le mode de la fragmentation et de l’énumération de citations. Ces passages – dont bon nombre sont empruntés à Simon de Hesdin – sont insérés dans les longs développements de Belle Cousine et ne font pas obligatoirement l’objet d’un indice démarcatif explicite. Ces digressions sont les plus nombreuses, avec un deuxième type de digressions : les descriptions. Déploiements et exhaustions de sommes, blocs massifs qui viennent rompre la logique syntagmatique du récit d’amour, ces dernières sont le plus souvent prises en charge par le narrateur. Sont concernées la description des cortèges, l’énumération des combattants en présence, de leurs armoiries, des cris, etc.
16Ces deux sortes de digressions ressortissent à la digression discursive. Les titres de chapitres qui leur sont souvent consacrés témoignent d’une certaine conscience de leur caractère digressif et peuvent s’entendre comme des éléments démarcatifs. Globalement, ces titres se regroupent en deux séries : d’une part, des titres qui impliquent une narration et s’ouvrent sur « comment », d’autre part, des titres plus nettement descriptifs ou d’ordre énumératif correspondant à la description de cortèges (notamment, § 105 : Et premiers, ceulz de la marche de l’Isle de France. [...] « Ceulz de Beauvoisis, de laditte marche de France » ; § 106 : « Ceulz de la marche de Champaigne », jusqu’au § 111 inclus, puis reprise de l’énumération des combattants lors de la croisade en Prusse : § 116-119, etc.).
17Un troisième type de digression peut être qualifiée de digression narrative. La première d’entre elles a beaucoup intéressé la critique : elle se situe à l’ouverture du livre, alors qu’il vient d’être question d’une jeune veuve, la Dame de Belles Cousines, et le narrateur prétend s’employer à la décrire : « Laquelle dame, oncques puis le trespas de feu monseigneur son mary, pour quelque occasion que ce fust, ou pour sembler aux vrayes vesves de jadiz, dont les ystoires rommaines, qui sont les suppellatives, font tant de glorieuse mencion, desquelles je me passe pour abregier et venir a mon propos de ceste dame15 ». Cependant, bien loin de revenir à son propos, le narrateur enchaîne d’abord sur un passage discursif sur les honneurs rendus aux veuves romaines qui refusaient de se remarier. Après quoi il cite le cas de Didon, considérée comme une veuve exemplaire. Il poursuit son propos sur les coutumes romaines avec les couronnes de chasteté distribuées aux chastes veuves. Il cite deux exemples empruntés à saint Jérôme et conclut son excursus sur les veuves par un contre-exemple – un exemple « ryable » : celui d’une veuve qui a eu 22 maris et qui se marie avec un veuf qui a eu 20 épouses. Ce dernier a finalement raison d’elle et devient le héros qui « a desconffit la femme aux xxij maris16 » ! Après cette digression narrative qui s’achève sur un micro-récit assez proche d’un fabliau, le narrateur revient à son sujet, à savoir le veuvage de Belle Cousine : « Et cy donrray fin a ces exemples, pour revenir a l’istoire de Madame et du petit Saintré ». Ce passage fonctionne à la manière d’un pantonyme de l’œuvre cristallisant exemples d’autorités et inversion burlesque et assume le statut de prolepse du retournement à venir : aux couronnes tressées pour les têtes des chastes veuves répondrait alors la ceinture bleue dérobée par l’amant délaissé, signe visible de la trahison de la dame.
18La seconde description narrative se trouve dans un chapitre intitulé « Inssident » (§ 101). Le terme désigne d’abord un événement qui survient par coïncidence dans le discours, puis, par extension, il est employé au sens de « digression » chez Villon. C’est le seul titre de chapitre qui désigne explicitement le passage comme digressif, alors même que l’incident en question est rapidement clos avec le retour au fil premier. Le narrateur y raconte brièvement la biographie d’un certain Gallias de Mantoue. Mais il ne se laisse guère aller au plaisir de livrer ses connaissances « mondaines » et historiques. L’incident apparaît ici comme une digression potentielle, plus proche de l’association d’idées que de l’insertion proprement dite dans le corps du texte. On a l’impression qu’avec cet « incident » Antoine de La Sale s’est laissé emporter par sa mémoire ou le fil de sa pensée, contrairement aux passages digressifs de l’ordre de l’inclusion.
19Parmi les autres types de digression, on trouve aussi deux insertions lyriques. Nous avons déjà présenté l’une d’elles. L’autre se situe vers le début du livre. C’est une ballade que récite Belle Cousine au petit Saintré alors qu’elle lui expose ses « beaulz et notables enseignemens » sur le service d’amour (§ 9). L’écart ne se situe pas dans l’opposition de deux formes d’écriture (prose/vers), mais dans le manque d’à propos du poème en regard de ce qui précède et le piquant qu’il recèle a posteriori.
20On rencontre enfin des digressions qui sont des sortes d’échappées du texte, à mi-chemin entre les digressions discursive et narrative. On peut mentionner par exemple une allusion aux nouvelles mœurs du temps présent et à la perte de la coutume qui consistait à distribuer de l’eau bénite au coucher des hauts dignitaires, allusion teintée de nostalgie d’un passé révolu (§ 131, p. 404). Une autre digression de ce type nous informe sur le personnage de Boucicaut (assemblage, ici, des deux Boucicaut, père et fils) et sur le récit de son compagnonnage avec Saintré (§ 80), Boucicaut incarnant la sagesse et Saintré, la prouesse, selon cette distinction devenue traditionnelle depuis le modèle Roland et Olivier. Ce surplus se clôt sur le poème devenu proverbial inventé par les hérauts et rois d’armes :
Quant vient en ung assault
Mieulx vaut Saintré que Bourcicaut ;
Mais quant vient en ung traité,
Mieulx vaut Bourcicault que Saintré.
21Ce que je souhaiterais souligner plus particulièrement ici, c’est cette autre sorte de mise en scène de la digression que constitue l’utilisation d’encres de couleurs différentes17. Le manuscrit autographe de Jehan de Saintré comporte en effet un dispositif complexe destiné à en stratifier le texte et à faire apparaître à la fois sa cursivité et son excursivité, en marquant des frontières matérielles dans son corps comme le feraient des signaux typographiques : tirets, parenthèses, notes, etc. M. Jeay a fort bien étudié ces procédés visuels et paratextuels de l’écriture en s’intéressant aux effets de contraste entre l’encre rouge et l’encre noire18. Elle constate notamment qu’à chacune des trois modalités de discours (traité d’éducation délivré par Belle Cousine, chronique des faits d’armes, récit des amours de Belle Cousine et de Damp Abbé), correspond un type de mise en page spécifique.
22Antoine de La Sale, auteur et « metteur en scène » de son propre texte, a introduit des strates de lecture en dissociant plus nettement certains passages par l’intrusion d’un cul de lampe rouge qui mime une découpe du texte ou par un changement de couleur. La couleur rouge et les culs de lampe viennent montrer à l’œil du lecteur qu’il vient de pénétrer dans une zone discursive en dehors du fil de la narration : le discours citationnel est donné à voir comme un discours de l’autre. Antoine de La Sale ouvre son texte à un ailleurs tout en le désignant comme tel et en donnant la possibilité au lecteur de sauter le passage ou, au contraire, de ne lire que la citation aux dépens de ce qui l’entoure. On peut s’interroger sur le caractère nécessaire de ces digressions. Ne sont-elles pas – au moins certaines – déplaçables voire supprimables, fonctionnant dans l’économie du récit à la manière d’un complément circonstanciel dans une phrase, comme le suggère P. Bayard ? Si la digression est insérée en guise de surcharge ou de supplément, il est possible dans certains cas de lui en substituer une autre. On pourrait se prêter à ce jeu en déplaçant certaines digressions comme les pièces d’un puzzle afin de mesurer leur nécessité et la légitimité de leur emplacement.
23Antoine de La Sale joue de tous les possibles que lui offrent la digression et les différentes fonctions qu’elle peut remplir : tour à tour, pédagogique, stratégique (c’est le cas du contre-exemple sur la veuve qui a épuisé 22 maris situé à l’ouverture du livre), descriptive, ornementale, voire poétique. Les digressions prennent en quelque sorte la place des épisodes merveilleux du roman arthurien, comme c’est le cas lors de la description des cortèges caractérisés par la richesse et la magnificence vestimentaire19. En accordant une place primordiale à la vue, avec les couleurs chatoyantes des étoffes, et à l’ouïe, avec les cris des hérauts lors des rencontres chevaleresques et des batailles, le bruissement des gonfa-nons, Antoine de La Sale paraît s’abandonner à des sortes de « rêveries poétiques », comme l’affirme M. Szkilnik20, empruntant aux grands rhétoriqueurs de son temps les énumérations qu’ils se plaisent à écrire. Il ne cesse, surtout, de sortir de son récit, de s’écarter de son propos au point qu’on ne sait plus toujours très bien quel en est le véritable fil directeur.
La « mouvance » du discours : digression et subjectivité
24À l’instar du Comte de Tressan, la critique a souvent été déroutée par le caractère composite de ce texte que son auteur qualifie de « traité21 » et qui se donne des allures de roman, de chronique, de biographie chevaleresque ou encore de manuel d’édification à vocation pédagogique22. Pourtant, quoi de plus normal que de trouver nombre de développements didactiques ou de descriptions puisées dans des armoriaux dans un « traité » ou même dans une biographie chevaleresque ? Mais que faire de ces développements que l’on peut juger plus ou moins encombrants ? Faut-il tous les retenir et les appréhender avec une égale attention ? Que lire et comment lire Jehan de Saintré ?
25On peut être amené à réévaluer les digressions et à « reconsidérer ces lourdeurs », comme l’ont fort bien fait M. Jeay et J. Taylor en soulignant la dimension « encyclopédique » et « polyphonique » d’un texte qui constitue une sorte de « répertoire de langages spécialisés » et témoigne d’une transition entre oralité et écriture. Selon M. Jeay, tous ces pans que l’on peut considérer comme digressifs voire inutiles participeraient en réalité de la « mise en scène des comportements caractéristiques de Saintré ». Ils ne doivent donc pas être considérés comme de « simples ornements » et encore moins comme des « longueurs superfétatoires », mais comme des parties « consubstantielles à l’économie du roman23 ». On peut aussi estimer, avec J. Taylor, que le long épisode consacré à la croisade en Prusse, emblématique de cette écriture du (de) hors, marque précisément la sortie de l’univers de la cour et de la fiction pour entrer dans celui de l’histoire, glissement rendu sensible par le compagnonnage de Jehan de Saintré avec le bien réel Boucicaut24.
26Nous ne reviendrons pas ici sur ces analyses qui visent à montrer combien ces passages « digressifs » ont leur place dans la structure du récit et combien ils ont intéressé les lecteurs contemporains ; nous voudrions toutefois en montrer les limites. Comme se le demande en effet P. Bayard dans son livre sur Proust, « une digression utile, voire nécessaire, demeure-t-elle une digression25 ? » Des descriptions ou des épisodes narratifs qui semblaient marginaux mais que l’on finit par considérer comme des éléments « consubstantiels à l’économie du roman » sont-ils encore susceptibles d’être considérés comme des passages digressifs ? Certes, les traités rhétoriques recommandent en général de pourvoir les digressions d’une certaine utilité et leur attribuent du même coup un rôle déterminé dans la composition d’un discours ou d’un récit. Mais la digression ne désigne-elle pas justement un passage qui n’est pas vraiment utile à la dispositio ou à l’elocutio, qui ne paraît pas devoir s’imposer et dont l’impression de « lourdeur » ou de « longueur » qu’elle peut provoquer à la lecture contrarie en fin de compte toute volonté de lui reconnaître une authentique nécessité ? Comme le remarque R. Sabry, « c’est seulement au moment où la valeur fonctionnelle d’une séquence devient problématique, flottante, douteuse et même contradictoire, que naît l’effet de digression26 ».
27Dans un article important consacré à ce sujet, intitulé « Digression, régression », M. Charles se demandait « si nous sommes en mesure de concevoir véritablement un tel objet. Car, pour dire les choses autrement, il n’est pas de digression qu’une technique exégétique élaborée ne puisse ramener au droit fil du discours : la digression n’existe pas pour le critique27 ». Celui-ci serait une sorte d’hyperlecteur idéal capable d’apprécier les différentes composantes d’un texte et de rendre compte de sa plus petite parcelle, l’interprétant de sorte qu’elle trouve sa place au sein de l’ensemble. C’est là bien sûr une autre façon d’éliminer les passages « digressifs », que celle qui consiste à les supprimer comme le fait le Comte de Tressan ou à résumer l’histoire comme c’est le cas avec Jehan. Car dès lors qu’on réussit à établir des correspondances entre les digressions et leur entourage textuel, on les amène à rejoindre la destre voie du récit en les condamnant du même coup à disparaître. À la digressivité d’une écriture caractérisée par l’amplification vient donc s’opposer la « régressivité de la lecture », qui réduit autant que faire se peut les « débordements de l’écriture » pour donner sens et légitimité aux passages considérés comme superfétatoires ou qu’on avait tendance à ne pas prendre en considération ou à ne pas lire (ce qui revient ici au même28). C’est ce que font M. Jeay ou J. Taylor et c’est là une des tâches, tout à fait justifiée, que revendique la critique – un de ses objectifs étant même de laisser le moins de « restes » possible.
28Mais qu’en est-il des autres lecteurs ? Tous ne sont pas des critiques s’efforçant de réduire les écarts du récit afin de rendre compte d’une structure textuelle englobant l’ensemble de ses éléments. Qu’en est-il surtout de la digression elle-même, que ses seuils soient accompagnés ou non de marques spécifiques ? Qu’en est-il du sentiment que l’on peut éprouver, malgré tout, de sa présence ? Peut-on en supprimer tous les effets ? Une telle activité interprétative ne risque-t-elle pas de niveler les différentes strates du texte et de forcer ses parties hétérogènes à entrer dans le cadre d’une écriture caractérisée par la seule conjointure ?
29On ne peut d’ailleurs se contenter d’identifier et de classer les digressions comme j’ai tenté de le faire précédemment pour en rendre compte. Est-on jamais sûr, en effet, de pouvoir toutes les repérer ? Les digressions sont-elles toutes marquées de manière explicite par des indices textuels, comme le laisse entendre R. Sabry ? Peut-on s’y fier ? L’auteur les présente-t-il toujours comme telles ou le lecteur peut-il les instituer de son propre chef ? On peut considérer que tout passage est susceptible de devenir digressif du moment qu’il provoque sur le lecteur une impression de longueur ou le sentiment de s’éloigner du sujet qui le pousse à vouloir sauter ce qui suit pour aller plus rapidement vers ce qui le retient – ce qui peut se produire diversement pour tel ou tel lecteur ou à des moments différents de la réception d’un texte. Ainsi, ce qui apparaît aujourd’hui dans Jehan de Saintré comme des digressions pouvait être perçu comme parfaitement intégré au récit par les contemporains d’Antoine de La Sale, habitués qu’ils étaient à une écriture de la compilation. Il est probable que les « beaulz et notables enseignemens » de Belle Cousine au petit Saintré, éliminés par le Comte de Tressan, comme les expéditions militaires, les scènes de batailles et les longues descriptions de cortèges, ne suscitaient pas l’ennui auquel ils semblent désormais attachés.
30À une approche rhétorique, il me paraît nécessaire, par conséquent, de substituer, à la suite de P. Bayard, une « pragmatique de la digression ». Selon lui, en effet, la digression n’est pas « un état de fait, appréhendable par le lecteur qui devrait l’identifier comme tel ou en récuser l’existence ». Il lui semble « plus fécond de [se] demander si la digression n’est pas, au contraire, une figure qui n’est jamais définitivement posée, mais toujours supposée comme une question subjectivement temporaire29 ». La digression ne se comprend donc pas seulement dans le cadre d’une structure textuelle plus ou moins close dont il s’agit d’expliquer les différentes composantes, seraient-elles les plus excentriques ; elle met plutôt en jeu l’acte de la lecture et sa dynamique temporelle, ainsi que l’expérience singulière d’un sujet.
31R. Sabry proposait d’ailleurs une image éclairante permettant d’illustrer le statut ambigu de la digression. Elle la compare au fonctionnement d’une écluse : la digression « dit à la fois la voie barrée et le passage livré, la digue et les vannes, mais elle trace aussi un processus : la dénivellation, l’eau séparée du courant, parquée en un bassin comme si elle était momentanément d’une autre eau, puis le sassement, la réunion des eaux et, après l’obstacle, le chemin rendu à la navigation30 ». Si l’ouverture des écluses permet de retrouver le cours linéaire du récit, le bassin de rétention ne saurait s’inscrire uniquement sur cet axe horizontal et se limiter ainsi au rôle qu’il joue dans la transition entre deux points qui finissent par se superposer. On ne saurait faire l’économie des mécanismes qu’il a fallu actionner pour progresser le long de l’axe vertical et atteindre le niveau requis – c’est-à-dire le travail interprétatif nécessaire pour rétablir le fil de la navigation – ni oublier le temps qu’il a fallu passer pour cela.
32Comme le montre P. Bayard, il n’y a de digression que pour un sujet. À double titre : pour le sujet d’une œuvre et pour le sujet qui s’y confronte, l’un et l’autre se rencontrant à travers l’activité de la lecture. La digression viendrait alors nommer l’impression ou la conscience d’un écart qui implique aussi bien l’un que l’autre : écart du texte par rapport à son sujet et perte du lecteur qui ne sait plus où il se trouve. À quoi répond la tentative du lecteur de retrouver le fil du texte en même temps que sa propre place, tentative qui l’amène à renouer avec l’endroit qu’il a quitté ou avec celui vers lequel il se dirige. Si la digression se remarque le plus souvent après-coup (raison pour laquelle les indices textuels qui s’y rapportent interviennent le plus souvent pour en signifier la clôture), elle nécessite, comme l’affirme P. Bayard, « un mouvement temporaire et réversible de l’activité de lecture31 » (ainsi que l’entendait d’ailleurs M. Charles par la notion de « régression »). La digression implique donc, par nature, un « processus d’autodestruction » : « toute digression perçue ayant déjà [...] commencé de mourir32 ». Passant de la visibilité et la disparition, elle engage la lecture dans un processus temporel marqué par un double mouvement, concomitant, d’exclusion et d’inclusion. Elle apparaît dès lors comme un procédé emblématique de la lecture elle-même, une activité qui ne consiste pas seulement à suivre le fil du texte pour déchiffrer le sens présent dans chaque segment, mais qui comporte sa propre temporalité.
33Qu’en est-il plus précisément de Jehan de Saintré ? Cette mosaïque de discours et de voix tirés de genres différents donnent forme à une série de « digressions » qui constituent des unités plus ou moins indépendantes qu’Antoine de La Sale manipule en s’inventant plusieurs rôles : celui de conteur, de moraliste, de descripteur, d’historien, etc.33 Elle invite le lecteur à les considérer non seulement dans le fil de la narration, mais comme des éléments d’un montage textuel relevant davantage de la compilation34. Une double lecture s’avère alors possible. On peut suivre la trame du récit et progresser en s’efforçant d’incorporer le matériau composite dans le souci de fusionner le tout, de niveler les strates et les voix, de donner sens à l’ensemble comme si l’on avait affaire aux aventures d’un de ces héros que Belle Cousine offre en modèle au petit Saintré. Mais on peut tout aussi bien passer plus ou moins rapidement sur les différentes pièces rapportées pour s’en tenir au récit relatant les aventures amoureuses des personnages. On peut aussi s’arrêter sur différents passages. Le lecteur est alors invité à « piocher » dans le texte les éléments qui l’intéressent, comme s’il s’agissait d’une encyclopédie ou d’un traité. On peut penser qu’Antoine de La Sale a programmé une telle lecture en construisant une somme fonctionnant par masses pourvues de différentes entrées, et qu’il a accordé aux lecteurs – à ceux de son temps comme aux autres – la licence de manipuler le texte à leur gré, d’émonder le trop-plein et d’en sélectionner des parties, assumant ainsi cette alternance d’ennui et de plaisir constitutive d’un texte qui se fonde sur l’écriture digressive. C’est au lecteur qu’il revient alors de choisir dans les possibles que lui offre le texte. Ce que fit le Comte de Tressan.
34Resterait encore, peut-être, au lecteur à rêver sur les digressions dont il pressent qu’elles auraient pu exister et qui brillent par leur absence, de celles qui pourraient se loger de manière privilégiée dans les ellipses35. C’est un peu à cela qu’invite Antoine de La Sale lorsqu’il écrit dans son explicit : « se aucunement, pour trop ou peu escripre, je avoye failly... », montrant combien l’écriture digressive est intimement liée à l’incomplé-tude, au manque, à la faille et à leurs corollaires, la surabondance, la profusion, le surplus36.
35Une des implications propres au dispositif digressif serait par conséquent de produire plusieurs versions du « même » texte : une version abrégée et cursive, une version intégrale, excursive et excentrique, ou encore toutes sortes de versions intermédiaires37. Jehan de Saintré s’apparente à cet égard aux autres œuvres d’Antoine de La Sale : La Salade, qui mêle ensemble toutes sortes de « bonnes herbes » et d’épices38 ; et La Sale, traité d’enseignement destiné à Louis de Luxembourg dans lequel l’auteur choisit comme modèle d’écriture les arts de mémoire et fait ainsi de son texte une « projection spatiale de l’enseignement moral39 ». La différence est que, dans Jehan de Saintré, le dispositif mnémotechnique est structuré chronologiquement à partir du récit des amours du héros et de Belle Cousine. Ce qui n’est pas sans conséquence.
La « nouvelle » finale : transgression, régression, agression
36La digression désigne tout ce qui retarde l’avancée du récit, qui en repousse la fin ou qui en « fait oublier la fin40 ». Elle fonctionne ainsi comme une mesure dilatoire, celle-ci jouant aussi bien sur le plan de l’histoire que sur celui de la lecture : en provoquant le sentiment de quitter le chemin tracé précédemment par le texte, elle amène le lecteur à s’interroger sur ce qu’il est en train de lire, sur son véritable objectif comme sur le but de son activité. Elle ne se contente pas de sortir du sujet, elle le met en question. Chaque digression amène en effet un élément nouveau, différent de ce qui précède, qui en déplace du même coup le sujet. Celui-ci ne saurait être donné ; il se construit progressivement au cours de la lecture.
37Les digressions de Jehan de Saintré permettent notamment de retarder l’union entre le héros et Belle Cousine qui semble annoncée et dont la perspective motive les entreprises du jeune homme – comme les digressions qui les accompagnent. Mais le texte va brusquement déjouer ses attentes, comme celles du lecteur. Loin de mettre fin aux dérives du texte en atteignant enfin ce point désiré vers lequel il tend, la clausule est l’occasion pour le récit de se retourner contre lui-même et, dans une ultime ruse de l’auteur, d’entraîner l’histoire sur une nouvelle voie qui le fait en quelque sorte dérailler.
38Véritable excursus qui ne prend sel et sens que dans le reflet qu’elle projette sur le récit qui précède, qui se situe tout à la fois hors de et provient de lui, l’histoire finale des amours de Damp Abbé et de Belle Cousine forme une sorte d’enclave avec ses marques génériques propres, ses spécificités thématiques et spatio-temporelles, en contraste avec le reste du texte ; elle fonctionne comme un surplus inassimilable. Cette « nouvelle » serait-elle un « alongeail » ajouté après coup, et donc en dehors du véritable sujet, ou serait-elle finalement le centre même du livre ?
39Remarquons tout d’abord que cette « nouvelle » vient remplacer une autre fin : celle du Dit du Prunier et du roman de Jehan d’Avesnes, qui contaient comment le brutal désamour de la dame entraînait la folie du personnage masculin, Jehan, une heureuse folie qui aboutissait aux retrouvailles de la dame et de l’homme sauvage et à leur mariage après la très opportune mort du mari de cette dernière. Rien de tel ici mais la plongée régressive dans un univers proche du fabliau, avec les amours luxurieuses de Belle Cousine et de Damp Abbé. C’est le statut de cette « nouvelle » que je voudrais interroger maintenant en soulignant non seulement les rapports qu’entretient la digression avec la transgression, mais aussi avec l’agression – la digression consistant alors à « faire diversion avant l’attaque » (ce qui est un des sens possibles de ce mot).
40C’est bien une question de décentrement narratif qui se joue avec le récit des amours de Belle Cousine avec l’abbé. Dès le début, Belle Cousine occupait la place centrale de maître de la diégèse autour de qui tout le récit s’organisait et chaque personnage gravitait et trouvait sa fonction, tissant l’éducation amoureuse et chevaleresque de son protégé, lui dictant la conduite à tenir, les pas d’armes où s’illustrer jusqu’à l’apogée que constitue la croisade en Prusse. Mais alors que le programme est en quelque sorte achevé, que le jeune homme a acquis renom et richesse, voilà qu’il décide de son propre chef d’entreprendre un nouvel exploit, une nouvelle « emprise ». Ce faisant, il outrepasse les droits que lui concèdent Belle Cousine, et dans une moindre mesure, le roi. Il détrône sa dame du statut de toute-puissance qui avait été le sien, pour devenir autonome, alors que tout émanait d’elle. Il n’est plus la statue de cire molle sur laquelle elle avait pu imprimer sa marque (§ 81), mais un homme décidé à agir seul, même s’il prétend le faire pour l’amour de sa dame. C’est de cette nouvelle digression, dans laquelle Jehan s’engage à sa propre initiative alors que l’histoire de son ascension est achevée, que découlent le revirement de Belle Cousine et ses amours avec l’abbé.
41Avec le récit des amours de Belle Cousine et Damp Abbé, pris en charge par le narrateur puis suivi de sa version réduite racontée devant la cour par Jehan de Saintré, devenu « maître des nouvelles41 », le lecteur pénètre de plain-pied dans l’univers du fabliau ou de la nouvelle grivoise (avec son triangle érotique, la place prépondérante de la chair et de la chère, les jeux de mots éculés – sur « confesser » notamment –, le rôle de la ruse, les retournements de situation, les processus d’inversion et la présence du rire42). En passant de l’univers de cour à celui du fabliau, le texte enfreint ses premières frontières. Il les transgresse : la digression apparaît ainsi comme le lieu privilégié de la « traversée des genres43 ». Cette transgression des catégories génériques et cette insertion d’un récit appartenant à un genre « mineur » dans un texte relevant de la biographie chevaleresque et du roman courtois vont de pair avec une « régression » qu’illustrait bien le récit de la veuve aux 22 maris : ce retour en arrière semble ramener le récit dans le monde dont Jehan était sorti pour entrer dans celui de la cour (un monde dont il n’est pas question dans Jehan de Saintré mais qui est décrit dans le Dit du prunier et dans Jehan d’Avesnes). Liée à l’inversion du code courtois (remplacé par des gestes triviaux et la crudité langagière), cette régression est aussi celle du récit, qui se retourne sur lui-même ou contre lui-même pour se torpiller de l’intérieur.
42L’épisode des amours de Belle Cousine et de Damp Abbé met en œuvre une relecture critique du discours éducatif de Belle Cousine et une réécriture déformée des amours de la dame et de Jehan44. Ce dynamitage final des beaux enseignements et chastoiements les discrédite et tous les longs discours pédagogiques et exemplaires de Belle Cousine se trouvent ainsi relégués au rang d’une bimbeloterie sans conséquence dignes de figurer sur les étagères d’une bibliothèque poussiéreuse comme les témoins d’un temps révolu. On assiste en outre à un processus de réécriture, avec nombre de gauchissements, de déplacements et d’inversions des amours tresloyales de Belle Cousine et de Saintré dans le récit des amours de Belle Cousine et de Damp Abbé, personnage en grande partie héritier des traits constitutifs des moines lubriques des fabliaux (la parodie d’hommage, la confession, le signe des amants...).
43On voit donc bien à quel point cet excursus est construit sur les décombres de tout ce qui précède et ne peut se goûter que dans les jeux spéculaires avec les enseignements et chastoiements de la dame au jeune Jehan, avec leur amour secret, etc. Cette nouvelle est le résultat d’un chemin qui a été refait à l’envers. Aussi peut-on affirmer que ce roman tout entier est construit sur une diversion, une vaste digression qui passe à travers tous les lieux communs du roman courtois et de la biographie chevaleresque avant d’engager l’attaque finale destinée à en saper les fondements : attaque de Saintré contre sa dame déloyale, attaque de l’auteur contre son personnage, attaque enfin à l’encontre de la tradition romanesque au profit d’une forme narrative qui est en train de s’affirmer, la nouvelle. Il y a d’ailleurs quelque chose de la stratégie militaire dans la manière dont Saintré s’emploie à confondre Belle Cousine et à se venger d’elle. Il adopte à plusieurs reprises une position de repli, avant la dernière attaque qui doit être fatale à la dame. Il est passé du jeu enfantin qui consistait à « farcer » les suivantes, en faisant mine de s’écarter du chemin de Belle Cousine (« Et quant il l’apperceust, fist semblant de soy desvoier et prendre aultre chemin » : § 33), au stade adulte où la diversion – le départ – masque une attaque d’une tout autre portée, d’autant plus cruelle qu’elle paraît imprévisible.
44La nouvelle est donc bien un excursus, avec toute l’ambiguïté du préfixe : elle émane de et, dans le même temps, s’exclut de. Elle fonctionne ainsi sur le mode de la digression, qui ne se saisit jamais que dans l’après coup de la lecture. Mais elle est en même temps le centre à partir duquel tout le livre s’organise de manière rétroactive. Elle témoigne d’un décentrement du récit qui en met en cause le sujet (alors même que, tout au long de cette histoire, le seul point fixe demeure la cour gravitant autour du roi et de la reine, cour qui sert de garant et de référence à l’univers courtois mais qui condamne in fine celle qui est sortie de son cadre de référence). Offrant une sorte de compendium de la matière narrative antérieure, dont son livre conserve la mémoire sous une forme plus ou moins brève ou synthétique, Antoine de La Sale invite non seulement son lecteur à en revisiter les différentes composantes au gré de ses envies, mais à l’abregier, à la parcourir à toute vitesse au point de n’en plus rien laisser.
45Impliquant une temporalité de la lecture, la digression débouche sur une maturation, celle du lecteur allant de pair avec l’éducation du petit Saintré. Sortir de l’enfance, comme l’exige ici le programme mis en place par Antoine de La Sale, c’est sortir en quelque sorte du temps de la digression. Le genre de la nouvelle vient prendre du même coup le relais des anciens modèles littéraires dont Belle Cousine recommandait la lecture au jeune Jehan et dont Montaigne écrira : « des Lancelot du Lac, des Amadis, des Huon de Bordeaux, et tel fatras de livres à quoi l’enfance s’amuse, je n’en connaissais pas seulement le nom45 ». Ce sont là autant de modèles passés de mode et qui n’ont plus cours46 – sinon pour quelque Don Quichotte. La lecture de Jehan de Saintré doit permettre au lecteur de traverser une dernière fois l’enfance de la littérature avant d’entrer dans le monde adulte représenté par la nouvelle, et de prendre conscience que tout le reste n’était que digression...
Notes de bas de page
1 M. Proust, Correspondance, Paris, Plon, p. 211 ; cité d’après P. Bayard, Le Hors-Sujet. Proust et la digression, Paris, Minuit, 1996. Je tiens à souligner ma dette à l’égard de ce livre ainsi que de celui de R. Sabry, Stratégies discursives : digression, transition, suspens, Paris, EHESS, 1992, qui proposent tous deux des analyses très stimulantes sur la question.
2 Antoine de La Sale, Jehan de Saintré, § 1, éd. J. Blanchard, trad. de M. Quereuil, Paris, LGF/Lettres Gothiques, 1995, p. 34.
3 Cf. P. Demarolle, « La réécriture de Jehan de Saintré d’Antoine de La Sale par le Comte de Tressan : décapage ou décryptage d’une écriture opaque », Et c’est la fin pour quoy sommes ensemble, Hommage à Jean Dufournet, Paris, Champion, 1993, t. I, p. 399-408.
4 « Nous craindrions d’ennuyer le lecteur bien plus que nous n’espérerions l’édifier, si nous rapportions les quarante à cinquante pages que l’auteur emploie à rendre compte des doctes leçons que la dame des Belles-Cousines donne à son jeune amant. Elle commence par lui paraphraser le Pater, le Credo et le Confiteor... » (Comte de Tressan, cité d’après P. Demarolle, art. cit).
5 M. Jeay, « Les éléments didactiques et descriptifs de Jehan de Saintré : des lourdeurs à reconsidérer », Fifteenth Century Studies, 19, 1992, p. 85-100.
6 J. Taylor, « La fonction de la croisade dans Jehan de Saintré », Cahiers de Recherches Médiévales, 1, 1996, p. 193-204.
7 Sur la polysémie du préfixe para, cf. R. Sabry, Stratégies discursives, op. cit., p. 207-208.
8 Le Dit du Prunier me semble toujours être à l’horizon de Jehan de Saintré : par exemple, les remontrances que le premier écuyer du roi adresse aux jeunes pages évoquent la figure du jeune Jehan du Dit du Prunier avant d’avoir été civilisé par la dame (p. 118, 146) ; après que la dame s’est détournée du chevalier, celui-ci vient la retrouver à l’abbaye et il obtient une fin de non-recevoir avec cette parole cinglante : « savez vous aultre chanson chanter que ceste ? Si ne la savez, or vous taisiez ! », ce qui fonctionne peut-être en écho avec le lai qu’interprète l’homme sauvage qu’est devenu Jehan. À noter que la mention de sa pilosité, velu comme un ours, semble s’être déplacée sur les jambes musclées de Damp Abbé velu comme un ours. Sur le Dit du Prunier, cf. Ch. Lucken, « Fiction et défection de l’amour : le Dit du Prunier ou la “disjointure” du roman courtois », « Ce est lifruis selonc la letre ». Mélanges offerts à Charles Méla, éd. O. Collet, Y. Foehr-Janssens et S. Messerli, Paris, Champion, 2002, p. 385-404.
9 R. Sabry, Stratégies discursives, op. cit., p. 29.
10 Cf. Geoffroi de Vinsauf, Poetria nova, v. 527-61, E. Faral, Les arts poétiques du xiie et du xiiie siècle. Recherches et documents sur la technique littéraire du Moyen Âge, Paris, Champion, 1924, p. 213-14.
11 Expression de D. James-Raoul, La parole empêchée dans la littérature arthurienne, Paris, Champion, 1997, p. 324-329.
12 Cf. E. Gaucher, « Formes et significations des digressions dans une biographie du xve siècle : Le Livre des Fais du Mareschal Bouciquaut », Et c’est la fin pour quoy sommes ensemble. Hommage à Jean Dufournet, op. cit., t. II, p. 631-643.
13 R. Sabry, Stratégies discursives, op. cit., p. 93.
14 Il faut distinguer ces formules de celles très proches sinon identiques qui renvoient à la structure entrelacée : cf. § 27, p. 114 « pour revenir au petit Saintré ». Sur l’entrelacement dans les romans arthuriens, cf. E. Vinaver, À la recherche d’une poétique médiévale, Paris, Nizet, 1970, et D. James-Raoul, La parole empêchée dans la littérature arthurienne, op. cit., p. 319-361.
15 Contrairement à ce que l’on peut croire de prime abord, l’auteur sait mettre fin à la tentation de l’amplificatio et ne cesse de redire sa volonté de faire bref ; c’est le cas pour certaines descriptions pour lesquelles il en appelle notamment à l’imagination du lecteur (cf. § 85, p. 280 : « je me passe car chascun le doit penser »). Parfois certains paramètres viennent opportunément mettre fin à une longue description ; ainsi la blessure d’un personnage permet-elle d’écourter une fête et la description de ladite fête, faisant tourner court une digression potentielle (p. 304). À mesure que le livre avance, l’auteur multiplie les tours « pour abregier » et tout discours parasite disparaît dans la dernière partie que constitue la nouvelle, d’abord prise en charge par le narrateur, puis par Saintré lui-même.
16 Rappelons que cette digression est un emprunt à la traduction de Valère Maxime par Simon de Hesdin.
17 Il s’agit du manuscrit BnF Nouvelle acquisition 10057 qui a été retouché par La Sale. C’est une pratique courante dans les manuscrits médiévaux, peut-être pour pallier l’absence de découpage en chapitres (à ce sujet, cf. B. Cerquiglini, La Parole médiévale, Paris, Minuit, 1981).
18 Cf. M. Jeay, « Une Théorie du Roman : le manuscrit autographe de Jehan de Saintré », Romance Philology, 47, 1994, p. 287-307 (je me contente ici de reprendre bon nombre de ses observations).
19 Cf. M. Szkilnik, Jean de Saintré, Une carrière chevaleresque au xve siècle, Genève, Droz, 2003 (plus particulièrement les p. 129-137), ainsi que son article, « Nourritures et Blasons dans Jehan de Saintré d’Antoine de La Sale », Fifteenth Century Studies, 26, 2001, p. 183-199.
20 M. Szkilnik, Jean de Saintré. Une carrière chevaleresque, op. cit., p. 132.
21 « Quatre beaux traitttiez en deux livres [...] ; dont ce premier parlera des amours de une dame des Belles Cousines de France, sans autre nom ne surnom nommer, et du tresvaillant chevalier le sire de Saintré. Le deuxième sera des tresloyallles amours et trespiteuses fins de messire Flouridan, chevallier, et de la tresbelle et bonne damoiselle Elvyde, desquelz le livre, dont l’ystoire est translattee de lattin en françoiz, ne les nomme point, fors que l’ys-toire, ainssy que de mot a mot s’enssieut. Et la troizime histoire sera une adicion que j’ay traitte des Croniques de Flandres [...]. Et le deuxieme livre traittera des tresloyalles amours de Mademoiselle Vyenne d’Alençon et de Paris de Roussillon, comme les plus martirs d’amours que je aye leu ne oÿ dire » (§ 1).
22 Cf. E. Gaucher, La Biographie chevaleresque, Typologie d’un genre (xiiie-xve siècles), Paris, Champion, 1994. À noter que l’auteur exclut Saintré de son corpus d’étude et le classe plutôt dans la catégorie du roman biographique « en raison de l’ironie de l’auteur vis-à-vis de son personnage », notamment.
23 M. Jeay, « Les éléments didactiques et descriptifs de Jehan de Saintré : des lourdeurs à reconsidérer », art. cit.
24 J. Taylor, « La fonction de la croisade dans Jehan de Saintré », art. cit. À cet égard, ajoute J. Taylor, la croisade inaugurerait la transformation du jeune homme, jusque là infantilisé par sa dame, qui s’émanciperait de cette tutelle pour rejoindre le cercle masculin des chevaliers.
25 P. Bayard, Le Hors-Sujet, op. cit., p. 25.
26 R. Sabry, Stratégies discursives, op. cit., p. 241.
27 M. Charles, « Digression, régression », Poétique, 40, 1979, p. 385-97 (souligné par l’auteur).
28 Cf. ibid., p. 391.
29 P. Bayard, Le Hors-Sujet, op. cit., p. 28 et 120-21.
30 R. Sabry, Stratégies discursives, op. cit., p. 212.
31 P. Bayard, Le Hors-Sujet, op. cit., p. 157.
32 Ibid., p. 124 et 126.
33 R. Sabry, Stratégies discursives, op. cit., p. 127, n. 9.
34 Cf. Ch. Montalbetti et N. Piegay-Gros, La Digression dans le récit, Paris, Bertrand Lacoste, 1994, p. 59.
35 Sur cette idée, cf. Pierre Bayard, Le Hors-Sujet, op. cit.
36 Cf. Michel Charles, « Digression, régression (Arabesques) », art. cit., p. 393.
37 R. Sabry, Stratégies discursives, op. cit., p. 202.
38 Cf. le prologue de La Salade : « vous ay fait ce petit livret que je nomme la Salade, pour ce que en la salade se mettent plusieurs bonnes herbes » (Antoine de La Sale, œuvres complètes, éd. F. Desonay, Paris, Droz, 1935, p. 3). On retrouve cette métaphore de la salade chez Montaigne (Essais, I, 46, « Des noms » : « Quelque diversité d’herbes qu’il y ait, tout s’enveloppe sous le nom de salade. De même, sous la considération des noms, je m’en vay faire une galimafrée de divers articles »). L’image des « ronces » employée par le Conte de Tressan à propos de Jehan de Saintré n’en est guère éloignée.
39 D. Poirion, « La littérature comme mémoire » [1985], repris dans Écriture poétique et composition romanesque, Orléans, Paradigme, 1994, p. 445-56.
40 R. Sabry, Stratégies discursives, op. cit., p. 15.
41 J’aurais tendance à distinguer les deux narrations des amours de Belle Cousine avec Damp Abbé, selon que la narration émane du narrateur extradiégétique ou du personnage de Saintré, narrateur intradiégétique. Le récit subit une première métamorphose en adoptant les traits du fabliau avant de se muer en « nouvelle » au moment où il est pris en charge par un des personnages, en l’occurrence Jehan.
42 Nous ne développons pas cet aspect largement analysé par la critique : cf. D. Poirion, « Valeurs du rire dans Jehan de Saintré », Actes du IVe Colloque International sur le Moyen Français, Milan, 1986, t. 3, p. 89-101, repris dans Écriture poétique et composition romanesque, Orléans, Paradigme, p. 415-26.
43 R. Sabry, Stratégies discursives, op. cit., p. 236.
44 Cf. notamment E. Gaucher, « Le chevalier, la femme et l’abbé : la structure du Saintré », Revue des Langues Romanes, 105/2, 2001 (Saintré d’Antoine de La Sale : Entre tradition et modernité), p. 51 -70, ainsi que L. Pierdominici, « Chose vraye fait a doubter : Saintré ou l’invitation au mensonge », ibid., p. 143-64 (à signaler aussi sa thèse que nous n’avons pas consultée : Du pédagogique au narratif. Écriture fragmentaire et poétique de la nouvelle dans l’œuvre d’Antoine de La Sale, Paris, 1996).
45 Montaigne, Essais, Livre I, chap. xxvi.
46 Cf. M. Szkilnik, Jean de Saintré, Une carrière chevaleresque au xve siècle, op. cit., p. 59-70.
Auteur
Université Paul Valéry – Montpellier III
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Fantasmagories du Moyen Âge
Entre médiéval et moyen-âgeux
Élodie Burle-Errecade et Valérie Naudet (dir.)
2010
Par la fenestre
Études de littérature et de civilisation médiévales
Chantal Connochie-Bourgne (dir.)
2003